<p>Ce num&eacute;ro, comme les pr&eacute;c&eacute;dents, correspond aux objectifs et aux missions que le doyen&nbsp;Yebouet, le fondateur de la revue Crimen, avait assign&eacute; &agrave; cette publication lorsqu&rsquo;il l&rsquo;a cr&eacute;&eacute;e en&nbsp;2020. Le choix fondamental est celui de fournir &agrave; la communaut&eacute; scientifique un titre vou&eacute; &agrave; la discipline correspondant &agrave; l&rsquo;UFR dont il &eacute;tait le doyen&nbsp;: en l&rsquo;occurrence la criminologie. Le titre choisi, Crimen, proclame bien cette vocation. Certains ont pu craindre qu&rsquo;il ne soit pas possible de trouver, &agrave; Abidjan, un nombre d&rsquo;articles suffisants portant sur cette branche du droit et de la sociologie, pour nourrir un p&eacute;riodique. L&rsquo;avenir a donn&eacute; raison au fondateur. Depuis quatre ans, chaque ann&eacute;e, notre revue a relev&eacute; le d&eacute;fi de rassembler des contributions de qualit&eacute; sur ce th&egrave;me. A s&rsquo;en tenir aux quatre premiers num&eacute;ros, ce sont pr&egrave;s de trente &eacute;tudes qui sont ainsi publi&eacute;es, auxquels il faut ajouter les six textes de ce num&eacute;ro 5.</p> <p>Cette gageure a &eacute;t&eacute; remport&eacute;e gr&acirc;ce &agrave; une autre option d&eacute;finie par le doyen&nbsp;Yebouet et qui r&eacute;sulte d&rsquo;un choix &agrave; la fois universitaire et scientifique, consistant &agrave; accueillir des auteurs venant de nationalit&eacute;s diverses en Afrique, et d&rsquo;Universit&eacute;s parmi lesquelles les &eacute;tablissements europ&eacute;ens ont leur place. C&rsquo;est bien le cas ici puisque les six articles sont l&rsquo;&oelig;uvre de dix auteurs au total, une petite majorit&eacute; issue de C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire mais aussi du B&eacute;nin, du Mali et du Maroc. Les Universit&eacute;s formatrices sont celles de ces trois pays auxquelles s&rsquo;ajoutent Perpignan et Toulouse o&ugrave; certains de ces &eacute;tudiants ont obtenu le titre de docteur. Les th&egrave;mes trait&eacute;s sont d&rsquo;une grande diversit&eacute;, preuve de la vari&eacute;t&eacute; des sources d&rsquo;inspiration et des curiosit&eacute;s. Pour pr&eacute;senter ces six contributions, l&rsquo;on peut abandonner le classement adopt&eacute; dans ce num&eacute;ro, classiquement fond&eacute; sur l&rsquo;ordre alphab&eacute;tique des noms d&rsquo;auteurs, pour pr&eacute;f&eacute;rer, dans cette pr&eacute;face, un ordre plus th&eacute;matique, allant des &eacute;tudes portant sur certains aspects des soci&eacute;t&eacute;s ivoirienne ou b&eacute;ninoise sous l&rsquo;angle de la criminalit&eacute; ou de la d&eacute;linquance, en s&rsquo;&eacute;largissant aux questions internationales et en terminant par les nouvelles formes que prennent les violations de la l&eacute;galit&eacute; en se fondant sur l&rsquo;informatique.</p> <p><br /> Le premier article que l&rsquo;on peut &eacute;voquer ici prolonge le th&egrave;me central du num&eacute;ro pr&eacute;c&eacute;dent qui portait sur &laquo;&nbsp;la protection des mineurs&nbsp;&raquo;. Dans cette ligne, Bi Boli Francis Tra et Gbalawoulou Dali Dalougou se consacrent aux &laquo;&nbsp;Pratiques &eacute;ducatives parentales et r&eacute;insertion sociale des enfants en conflit avec la loi, pris en charge par la cellule de coordination de suivi et de r&eacute;insertion en C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire&nbsp;&raquo;. Ils d&eacute;marrent d&rsquo;un constat de bon sens mais qui m&eacute;rite un approfondissement&nbsp;: le lien entre le fait que des enfants ne respectent pas la loi et l&rsquo;&eacute;ducation qu&rsquo;ils ont re&ccedil;ue. La cadre de l&rsquo;enqu&ecirc;te est fourni par la Cellule de coordination, de suivi et de r&eacute;insertion (CCSR) cr&eacute;&eacute;e en 2015, ce qui a conduit &agrave; sonder dix parents dont les enfants sont en conflit avec la loi, vingt-cinq de ces enfants et cinq charg&eacute;s d&rsquo;enseignement par la CCSR. Si les r&eacute;sultats de l&rsquo;enqu&ecirc;te sont complexes et propos&eacute;s dans des tableaux tr&egrave;s &eacute;vocateurs, la conclusion souligne la responsabilit&eacute; non seulement de pratiques &eacute;ducatives permissives, voire n&eacute;gligentes mais aussi des circonstances socio-&eacute;conomiques et des facteurs d&rsquo;ordre psychologique. S&rsquo;y ajoutent la personnalit&eacute; des mineurs et la toxicomanie.</p> <p><br /> Si l&rsquo;on conserve un crit&egrave;re de classement qui privil&eacute;gie les &eacute;tudes portant d&rsquo;abord sur les caract&eacute;ristiques internes de la soci&eacute;t&eacute; scrut&eacute;e, il faut ensuite &eacute;voquer le texte d&rsquo;Epiphanie F. Y&eacute;lom&eacute; sur &laquo;&nbsp;L&rsquo;exacerbation des litiges fonciers et domaniaux au B&eacute;nin&nbsp;&raquo;. Les contestations qui entourent le droit de propri&eacute;t&eacute; ne sont pas une sp&eacute;cificit&eacute; de ce pays. Un peu partout en Afrique subsaharienne et sauf exception, le droit coutumier traditionnel et le droit moderne coexistent dans des conditions qui permettent toutes sortes de proc&eacute;d&eacute;s irr&eacute;guliers pour s&rsquo;approprier les terres ou les b&acirc;timents d&rsquo;autrui. Peu de transactions sont &agrave; l&rsquo;abris de discussions notamment en pr&eacute;tendant que le vendeur n&rsquo;&eacute;tait pas le v&eacute;ritable propri&eacute;taire et qu&rsquo;il n&rsquo;a pas obtenu toutes les autorisations n&eacute;cessaires de la part de la famille &eacute;largie, du village et de l&rsquo;ethnie. L&rsquo;article d&rsquo;Epiphanie F. Yelom&eacute; parle de v&eacute;ritable mafias qui fonctionnent en r&eacute;seau, qui s&rsquo;informent sur les terres sans surveillance pour y installer des occupants sans titre qui se consid&egrave;rent d&eacute;sormais comme des propri&eacute;taires authentiques. Elle d&eacute;nonce la corruption qui r&egrave;gne tant. Elle dresse un tableau fort sombre sur une situation qui fragilise les tractations sur la terre et sur les immeubles et qui compromet la vie des affaires puisque personne n&rsquo;est &agrave; l&rsquo;abri.</p> <p><br /> Les articles de ce cinqui&egrave;me recueil ne dissimulent donc pas les limites du droit et les imperfections de l&rsquo;intervention des pouvoirs publics pour garantir l&rsquo;ordre. Certains espaces sont particuli&egrave;rement expos&eacute;s. Mathieu Akadje Ahioure, Antoine Okpo Nassoua et Charles-Auguste Oindji Kore d&eacute;crivent &laquo;&nbsp;Les obstacles de la s&eacute;curit&eacute; portuaire&nbsp;: cas du port d&rsquo;Abidjan&nbsp;&raquo;. La r&eacute;partition des forfaits commis dans cet espace vou&eacute; au commerce et aux affaires montre la vari&eacute;t&eacute; des formes de d&eacute;linquance&nbsp;: des vols surtout (65 %) mais aussi des abus de confiance (12,2 %), des violences (8,33 %), des escroqueries (5&nbsp;%) et des faux ou usage de faux (3,89 %). Les vols concernent surtout les sacs de riz et les cartons de poissons, beaucoup moins les produits p&eacute;troliers. L&rsquo;enqu&ecirc;te scientifique porte sur 41 personnes&nbsp;: directeur des affaires maritimes et portuaire, directeurs des op&eacute;rations maritimes, membres du groupe s&eacute;curit&eacute; portuaire, commissariat de police, etc. Il en ressort toutes sortes d&rsquo;obstacles &agrave; la r&eacute;pression de la d&eacute;linquance&nbsp;: r&eacute;glementaires, organisationnels, infrastructurels, culturels, budg&eacute;taires, enfin li&eacute;s aux cat&eacute;gories d&rsquo;infracteurs et aux acteurs de la s&ucirc;ret&eacute;. Les auteurs souhaitent que cette &eacute;num&eacute;ration aident &agrave; mettre en &oelig;uvre des proc&eacute;dures de r&eacute;pression efficaces.</p> <p><br /> Elargissant la vision aux questions internationales interpell&eacute;es par l&rsquo;actualit&eacute;, Souleymane Sangare traite d&rsquo;une &laquo;&nbsp;Tentative d&rsquo;institutionnalisation de la lutte contre le terrorisme&nbsp;: le cas du G5 Sahel&nbsp;&raquo;. Cette structure est n&eacute;e d&rsquo;un trait&eacute; sign&eacute; en 2014 par la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali et le Niger. L&rsquo;objectif est de promouvoir le d&eacute;veloppement dans une ambiance de s&eacute;curit&eacute; menac&eacute;e par &laquo;&nbsp;le terrorisme et la criminalit&eacute; transfrontali&egrave;re&nbsp;&raquo;. Les institutions sont soigneusement d&eacute;crites&nbsp;: la conf&eacute;rence des chefs d&rsquo;Etat, le conseil de s&eacute;curit&eacute;, le secr&eacute;tariat permanent, le comit&eacute; de d&eacute;fense et s&eacute;curit&eacute; qui regroupe les chefs d&rsquo;&eacute;tat-major et les responsables mandat&eacute;s, enfin les comit&eacute;s nationaux mis en place dans chaque Etat membre, en liaison le secr&eacute;tariat permanent. Ce dispositif a &eacute;t&eacute; compl&eacute;t&eacute; par la cr&eacute;ation d&rsquo;une plate-forme de partenariat de coop&eacute;ration militaire transfrontali&egrave;re (PCMT), puis d&rsquo;une force conjointe, le G5Sahel (FC-G5 Sahel). L&rsquo;ensemble peut para&icirc;tre judicieux et a &eacute;t&eacute; approuv&eacute; par le conseil de s&eacute;curit&eacute; de l&rsquo;Union africaine. Le retrait du Mali en mai 2022, puis du Burkina Faso et du Mali en d&eacute;cembre 2023 doit mettre fin &agrave; cette institution qui demeure comme une exp&eacute;rience int&eacute;ressante, m&ecirc;me si elle a &eacute;t&eacute; interrompue.</p> <p><br /> Il reste &agrave; &eacute;voquer les &eacute;tudes portant sur les nouveaux d&eacute;veloppements en mati&egrave;re d&rsquo;informatique. Josselin Wilfred Azi d&eacute;crit &laquo;&nbsp;La technique du eye tracking dans la cybers&eacute;curit&eacute; face au broutage&nbsp;&raquo;. Sous ce titre un peu myst&eacute;rieux pour les non sp&eacute;cialistes, il s&rsquo;efforce de reconstituer les strat&eacute;gies des &laquo;&nbsp;brouteurs&nbsp;&raquo;. Ces derniers sont des d&eacute;linquants, g&eacute;n&eacute;ralement jeunes, qui utilisent l&rsquo;internet pour soutirer des biens ou de l&rsquo;argent &agrave; des personnes physiques ou morales par des man&oelig;uvres frauduleuses&nbsp;: menace en ligne, pornographie infantile, accusation de racisme, de x&eacute;nophobie, diffamation et terrorisme sur les r&eacute;seaux, usurpations d&rsquo;identit&eacute;&hellip;). L&rsquo;&eacute;tude consiste &agrave; scruter quarante &laquo;&nbsp;brouteurs&nbsp;&raquo; pour savoir selon quels crit&egrave;res ils choisissent leurs victimes. Ils sont interrog&eacute;s mais on leur applique &eacute;galement l&rsquo;eye tracking, technique exp&eacute;rimentale fond&eacute;e l&rsquo;&eacute;tude du regard ou du comportement oculaire. Cela exige des moyens techniques que l&rsquo;&eacute;quipe de recherche a d&ucirc; rassembler, non sans peine. Il en r&eacute;sulte sept &eacute;vocations cit&eacute;es par les &laquo;&nbsp;brouteurs&nbsp;; la couleur de la peau, la langue parl&eacute;e, l&rsquo;&acirc;ge, le statut matrimonial, l&rsquo;activit&eacute; num&eacute;rique et le mode de vie. Finalement c&rsquo;est la couleur de la peau et la langue parl&eacute;e qui apparaissent comme des deux principaux crit&egrave;res sur lesquels repose de choix des victimes.</p> <p><br /> Ultime article que nous devons pr&eacute;senter&nbsp;: celui de Hicham Hammouni et Latifa Diani qui porte sur la &laquo;&nbsp;Disruption masculin ou f&eacute;minin, la digitalisation du syst&egrave;me judiciaire&nbsp;: nouveau paradigme de la justice&nbsp;&raquo;. Il y a une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es que le Maroc s&rsquo;est engag&eacute; dans un processus de transformation digitale de plusieurs services publics, notamment celui de la justice. L&rsquo;appareil judiciaire et les justiciables sont invit&eacute;s &agrave; s&rsquo;initier &agrave; une nouvelle culture juridique. La pand&eacute;mie imputable au Covid-19 a constitu&eacute; un vecteur de transformation digitale, avec un flux de documents d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;s. Un guichet &eacute;lectronique int&egrave;gre des fonctionnalit&eacute;s num&eacute;riques permettant l&rsquo;automatisation du processus de traitement des courriers. Enfin, un parapheur &eacute;lectronique permet une d&eacute;mat&eacute;rialisation compl&egrave;te des documents administratifs n&eacute;cessitant une valeur probatoire. Pour ce qui est de la dimension p&eacute;nale, la loi n&deg; 07-03 concerne les infractions relatives aux syst&egrave;mes de traitement informatique des donn&eacute;es. L&rsquo;objectif est de r&eacute;pondre aux attentes des justiciables en pr&eacute;servant les fondements du proc&egrave;s &eacute;quitable.</p>