<p>L&rsquo;on peut avoir le sentiment qu&rsquo;avec ce troisi&egrave;me num&eacute;ro, la revue <em>Crimen</em> atteint une forme de rythme de croisi&egrave;re. Les principes de base d&eacute;finis lors du lancement de cette publication ont &eacute;t&eacute; respect&eacute;s conform&eacute;ment aux intentions du doyen Yebouet qui a fond&eacute; cette publication et qui nous a trop t&ocirc;t quitt&eacute;s. Dans chaque livraison, un groupe d&rsquo;articles porte sur un th&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;: &laquo;&nbsp;Conflits politiques et religieux en Afrique subsah&eacute;lienne&nbsp;&raquo; en 2020, &laquo;&nbsp;Le droit p&eacute;nal face aux d&eacute;fis de la soci&eacute;t&eacute; africaine contemporaine&nbsp;&raquo; en 2021 et donc &laquo;&nbsp;Ins&eacute;curit&eacute; urbaine et protection des mineurs en Afrique de l&rsquo;ouest&nbsp;&raquo; &eacute;galement en 2022. S&rsquo;y ajoutent quelques <em>varia</em> qui permettent de traiter des sujets vari&eacute;s. Sur le choix du th&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral, la continuit&eacute; est &eacute;vidente. Ont &eacute;t&eacute; assez naturellement choisies les grandes questions qui se posent aux pays africains et qui peuvent faire l&rsquo;objet notamment d&rsquo;un traitement p&eacute;nal. Pour ce qui est du th&egrave;me adopt&eacute; cette ann&eacute;e, il correspond &agrave; un probl&egrave;me que rencontrent toutes les grandes conurbations de ce continent -et au-del&agrave; dans le monde- et qui ne fait que s&rsquo;aggraver. L&rsquo;Afrique a sans doute &eacute;t&eacute; atteinte un peu plus tard qu&rsquo;ailleurs dans la mesure o&ugrave; la solidit&eacute; et l&rsquo;&eacute;tendue de la famille africaine ont longtemps pr&eacute;serv&eacute; l&rsquo;enfant, rarement abandonn&eacute; et g&eacute;n&eacute;ralement prot&eacute;g&eacute; dans le cadre d&rsquo;une parent&eacute; largement con&ccedil;ue, &agrave; d&eacute;faut par solidarit&eacute; de quartier ou d&rsquo;ethnie. Il &eacute;tait &eacute;videmment int&eacute;ressant de d&eacute;crire la situation actuelle dans une grande ville comme Abidjan.</p> <p>La continuit&eacute; entre ces trois livraisons est &eacute;galement &eacute;vidente pour ce qui est des contributeurs rassembl&eacute;s&nbsp;: si les chercheurs appartenant &agrave; l&rsquo;UFR Criminologie de l&rsquo;Universit&eacute; F&eacute;lix Houphou&euml;t-Boigny ont &eacute;videmment une vocation naturelle &agrave; &ecirc;tre accueillis dans cette publication cr&eacute;&eacute;e par l&rsquo;institution dont ils rel&egrave;vent, une proportion notable des auteurs vient d&rsquo;&eacute;tablissements d&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur ou de recherche scientifique situ&eacute;s dans d&rsquo;autres pays. Cette dimension internationale a &eacute;t&eacute; voulue, affirm&eacute;e et pr&eacute;serv&eacute;e. Ce sont pr&egrave;s d&rsquo;une trentaine de coll&egrave;gues qui ont particip&eacute; &agrave; ces trois premiers num&eacute;ros et la diversit&eacute; de leur origine g&eacute;ographique r&eacute;pond aux intentions des fondateurs&nbsp;: &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire, largement majoritaire, figurent non seulement le Cameroun, le Mali et le S&eacute;n&eacute;gal mais &eacute;galement le Maroc et, bien s&ucirc;r, des doctorants de l&rsquo;Universit&eacute; de Perpignan <em>Via Domitia</em> qui parraine cette revue. Dans ce troisi&egrave;me num&eacute;ro, un fort contingent de six doctorants, docteurs et enseignants chercheurs de l&rsquo;UFR Criminologie d&rsquo;Abidjan re&ccedil;oit le renfort de quatre chercheurs issus d&rsquo;autres institutions abidjanaises&nbsp;: trois attach&eacute;s &agrave; l&rsquo;Institut national de sant&eacute; publique et un autre relevant du laboratoire d&rsquo;&eacute;tude et de pr&eacute;vention en psycho&eacute;ducation. Il y a l&agrave; l&rsquo;&eacute;quipe en charge de la description du ph&eacute;nom&egrave;ne d&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; urbaine. Quatre autres auteurs viennent respectivement des Universit&eacute;s Jean L. Gu&eacute;d&eacute; de Daloa (C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire), Alioune Diop de Bambey (S&eacute;n&eacute;gal), Sidi Mohammed Ben Abdellah de F&egrave;s (Maroc) et Perpignan <em>Via Domitia</em>. La pluralit&eacute; de r&egrave;gle au sein de la revue <em>Crimen</em> est assur&eacute;e.</p> <p>L&rsquo;intitul&eacute; du th&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral &laquo;&nbsp;Ins&eacute;curit&eacute; urbaine et protection des mineurs en Afrique de l&rsquo;ouest&nbsp;&raquo; peut para&icirc;tre contradictoire dans la mesure o&ugrave; certains peuvent imaginer que l&rsquo;objectif s&eacute;curitaire est difficile &agrave; r&eacute;aliser tout en privil&eacute;giant des mesures en faveur des enfants. En fait, les deux &eacute;l&eacute;ments sous-entendus par ce titre sont pris en compte et d&rsquo;abord le fait que les jeunes qui menacent la paix des villes en sont aussi et parfois prioritairement les victimes. Ceux qui trouvent du travail sont souvent exploit&eacute;s et <strong>Alexandre Kouassi Ahissan</strong> et <strong>Josselin Wilfred Azi</strong> le montrent bien &agrave; travers l&rsquo;exemple des laveurs de voitures. La description de leurs conditions de travail, de r&eacute;mun&eacute;ration, de logement et, d&rsquo;une fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, de vie, t&eacute;moigne de la pr&eacute;carit&eacute; de leur condition et de l&rsquo;exploitation dont ils sont victimes. On comprend que certains fassent le choix de la protection des bandes. De m&ecirc;me l&rsquo;article de <strong>Salia Ren&eacute; Sahi</strong> et <strong>Cyrille Julien Sylvain Yoro</strong> s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; un groupe particuli&egrave;rement vuln&eacute;rable au sein de ces gangs&nbsp;: celui des jeunes filles qui les rejoignent de gr&eacute; ou de force. A partir d&rsquo;une reconstitution tr&egrave;s sensible de parcours individuels et diversifi&eacute;s, le lecteur se rend compte des pressions dont elles font l&rsquo;objet, du d&eacute;sarroi moral dans lequel elles sont confin&eacute;es au point de se r&eacute;fugier dans la d&eacute;linquance. Le travail d&rsquo;enqu&ecirc;te rel&egrave;ve ici d&rsquo;une m&eacute;thodologie impeccable qui permet de mettre en &eacute;vidence tant les causes de cette situation que les motivations et les &eacute;tapes de l&rsquo;adh&eacute;sion de ces jeunes filles.</p> <p>Deux autres articles traitent des rites auxquels sacrifient ces gangs et -au passage- des formes d&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; dont ils sont responsables. Ainsi le texte de <strong>Souleymane Konate</strong> traite-t-il des &laquo;&nbsp;gris-gris&nbsp;&raquo; qui sont cens&eacute;s prot&eacute;ger les &laquo;&nbsp;microbes&nbsp;&raquo;. On sait que la confiance dans ces porte-bonheur n&rsquo;est pas une sp&eacute;cificit&eacute; de la population criminelle mais qu&rsquo;elle est largement partag&eacute;e&nbsp;: par les &eacute;poux pour avoir des enfants, par les &eacute;coliers et les &eacute;tudiants pour les examens, par les chefs d&rsquo;entreprise dans le cadre de la vie des affaires&hellip; Ici, l&rsquo;on ne sait ce qui est le plus d&eacute;concertant&nbsp;: des strat&eacute;gies d&eacute;ploy&eacute;es pour obtenir les meilleurs &laquo;&nbsp;gris-gris&nbsp;&raquo; aupr&egrave;s des personnalit&eacute;s que l&rsquo;on suppose les mieux plac&eacute;es pour un tel cadeau, ou de la cr&eacute;dulit&eacute; de ceux qui les portent, convaincus de pouvoir par exemple &eacute;chapper au tir des armes &agrave; feu. De m&ecirc;me le go&ucirc;t des tatouages consid&eacute;r&eacute;s comme une marque de l&rsquo;identit&eacute; criminelle en dit beaucoup sur les mentalit&eacute;s des membres des gangs. L&rsquo;&eacute;tude de <strong>Ettie Silvie Kouassi</strong>, de <strong>Bla D&eacute;sir&eacute;e Sandrine Ziketo</strong> et <strong>Yao Etienne Kouadio</strong> est &eacute;galement r&eacute;v&eacute;latrice de ce point de vue. Les dessins et les inscriptions dont se couvrent les membres des gangs t&eacute;moignent non seulement de leur fiert&eacute; d&rsquo;appartenir &agrave; des groupes criminels et d&rsquo;afficher cette adh&eacute;sion, mais aussi de leur conviction qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une situation provisoire sans que l&rsquo;on sache s&rsquo;il faut interpr&eacute;ter ce dernier aspect comme impliquant un certain fatalisme &agrave; la perspective de ne pas survivre tr&egrave;s longtemps ou comme l&rsquo;espoir d&rsquo;y faire quasi une carri&egrave;re. Finalement, ce qui pourrait appara&icirc;tre comme des accessoires un peu enfantins, donne des indications sur les mentalit&eacute;s de ces adolescents, sur leurs espoirs, sur leur fraternit&eacute;, sur leur cr&eacute;dulit&eacute;. C&rsquo;est donc avec une volont&eacute; de compr&eacute;hension plus que de condamnation qu&rsquo;ils sont scrut&eacute;s.</p> <p>Cinq autres &eacute;tudes figurent ici au titre des <em>varia</em>. L&rsquo;une d&rsquo;entre elles se situe dans la ligne des articles sur l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; dans les villes, mais sous un angle fort diff&eacute;rent et inattendu. Le titre de l&rsquo;article de <strong>Kouakou Daniel Yao</strong> peut en effet surprendre&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;humour comme strat&eacute;gie de r&eacute;silience communautaire dans les violences urbaines&nbsp;: une approche par les repr&eacute;sentations sociales&nbsp;&raquo;. Il est vrai qu&rsquo;il est inhabituel de lier l&rsquo;humour aux violences urbaines. En fait, la r&eacute;flexion est tr&egrave;s syst&eacute;matique&nbsp;: elle est fond&eacute;e sur des entretiens semi-structur&eacute;s aupr&egrave;s de 64 enseignants-chercheurs et chercheurs des Universit&eacute;s F&eacute;lix Houphou&euml;t-Boigny de Cocody-Abidjan et Jean Lorougnon Gu&eacute;d&eacute; de Daola. Il s&rsquo;agit de valider ou non le r&ocirc;le de l&rsquo;humour comme strat&eacute;gie de revendication dans le contexte socio-politique ivoirien. La moiti&eacute; des membres du groupe scrut&eacute; y est favorable et l&rsquo;autre moiti&eacute; y est hostile. Finalement, il appara&icirc;t que beaucoup d&eacute;pend des repr&eacute;sentations sociales que chacun construit &agrave; propos de l&rsquo;humour. Pour certains, les marches vertes avec toges et messages d&rsquo;humour ont port&eacute; leurs fruits. D&rsquo;autres, &agrave; l&rsquo;inverse, expriment leur scepticisme sur le caract&egrave;re efficient et adapt&eacute; de l&rsquo;interaction entre humour et luttes de contestation. Cet article est donc original par ses interrogations et ses analyses. Il se cl&ocirc;t sur une citation de Freud&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;humour ne se r&eacute;signe pas, il d&eacute;fie&nbsp;&raquo;. On y ajoutera une remarque de bon sens selon laquelle l&rsquo;humour peut &ecirc;tre une chose s&eacute;rieuse, ce que d&eacute;montre cette contribution.</p> <p>Les exigences li&eacute;es &agrave; la recherche de la s&eacute;curit&eacute; et la d&eacute;fense des libert&eacute;s sont parfois difficiles &agrave; pr&eacute;server simultan&eacute;ment. C&rsquo;est ce dont convainc l&rsquo;&eacute;tude de <strong>Cheikh Sene</strong> sur &laquo;&nbsp;Intervention judiciaire d&rsquo;urgence et droits des personnes poursuivies en mati&egrave;re p&eacute;nale&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est une revendication o&ugrave; se rejoignent les dirigeants politiques, les groupes de pression et m&ecirc;me l&rsquo;opinion publique. Il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;viter que les d&eacute;linquants n&rsquo;attendent trop longtemps pour &ecirc;tre jug&eacute;s au risque de les voir s&rsquo;&eacute;chapper ou se complaire dans un sentiment d&rsquo;impunit&eacute;. La tentation est grande de mettre en place une proc&eacute;dure de flagrance ou d&rsquo;urgence lorsqu&rsquo;il y a proximit&eacute; entre la commission de l&rsquo;infraction et la d&eacute;termination de son auteur et lorsque les preuves paraissent suffisantes sans investigations importantes et g&eacute;n&eacute;ratrices de d&eacute;lai. Cheikh Sene montre qu&rsquo;au-del&agrave; de ces crit&egrave;res qui semblent &eacute;vidents, il n&rsquo;est pas toujours facile de d&eacute;terminer si toutes les conditions sont r&eacute;unies pour la mise en &oelig;uvre de mesures qui peuvent para&icirc;tre m&eacute;diocrement protectrices des personnes accus&eacute;es. La pr&eacute;sentation des sp&eacute;cificit&eacute;s des armes &agrave; la disposition de la police et de la justice est tr&egrave;s compl&egrave;te&nbsp;: information imm&eacute;diate du procureur de la R&eacute;publique par les officiers de police judiciaire, visites domiciliaires, saisie de tous les objets li&eacute;s &agrave; l&rsquo;infraction, arrestation de l&rsquo;auteur, pr&eacute;l&egrave;vements n&eacute;cessaires &agrave; des expertises, relev&eacute;s signal&eacute;tiques&hellip; Parmi les probl&egrave;mes les plus importants figure l&rsquo;incarc&eacute;ration des auteurs pr&eacute;sum&eacute;s, que ce soit dans le cadre de la garde &agrave; vue ou de la d&eacute;tention provisoire. Il est regrettable qu&rsquo;il n&rsquo;y ait pas au S&eacute;n&eacute;gal de juge de la libert&eacute; et de la d&eacute;tention comme en France. Il faudrait que le procureur de la R&eacute;publique ou le juge d&rsquo;instruction se rende dans les lieux de d&eacute;tention. Il serait souhaitable que l&rsquo;avocat puisse obtenir facilement les pi&egrave;ces de l&rsquo;enqu&ecirc;te de police. Il conviendrait de prot&eacute;ger l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique des pr&eacute;venus dans la recherche des &eacute;l&eacute;ments de preuve&hellip; Cheikh Sene ne refuse pas les interventions judiciaires d&rsquo;urgence mais il entend les encadrer.</p> <p>&nbsp;L&rsquo;article d&rsquo;<strong>Ousmane Traore</strong> traite du mariage forc&eacute;, probl&egrave;me important non seulement par tout ce qu&rsquo;il implique pour ceux qui sont concern&eacute;s mais &eacute;galement par l&rsquo;ampleur que peut prendre un tel ph&eacute;nom&egrave;ne. Pour ce qui est des cons&eacute;quences sur ceux qui en sont victimes, il est utile de souligner que, si les jeunes filles sont les plus fr&eacute;quentes victimes de ces pratiques, les jeunes gar&ccedil;ons sont parfois aussi concern&eacute;s et qu&rsquo;il serait donc injuste de limiter l&rsquo;investigation. En fait c&rsquo;est la multiplication des mariages pr&eacute;coces qui pose probl&egrave;me avec les pressions de la famille sur des adolescents que leur &acirc;ge rend vuln&eacute;rables, avec des cons&eacute;quences qui peuvent durablement affecter un destin personnel, notamment par l&rsquo;interruption des &eacute;tudes. Quant &agrave; l&rsquo;ampleur du probl&egrave;me, elle est pleinement prise en compte par cette &eacute;tude qui ne se limite pas &agrave; &eacute;tudier les cas de la France et du Mali mais qui &eacute;tend l&rsquo;investigation &agrave; un champ g&eacute;ographique tr&egrave;s vaste qui m&ecirc;le des nations d&eacute;velopp&eacute;es comme l&rsquo;Australie ou le Canada et des pays en d&eacute;veloppement comme le Guatemala et l&rsquo;Union Sud-Africaine. Des causes sp&eacute;cifiques sont &eacute;voqu&eacute;es ainsi des guerres civiles comme au Cambodge ou des coutumes comme celle des Roms en Roumanie. Les cas ainsi trait&eacute;s montrent qu&rsquo;il n&rsquo;est gu&egrave;re de continent qui ne soit pas concern&eacute;. La r&eacute;ponse p&eacute;nale est analys&eacute;e avec ses limites et ses avanc&eacute;es. Le r&ocirc;le du droit international n&rsquo;est pas oubli&eacute;. Les premiers textes traitent de la question de fa&ccedil;on marginale, telle la convention de Gen&egrave;ve portant statut des r&eacute;fugi&eacute;s de 1951. S&rsquo;y sont ajout&eacute;s des documents plus r&eacute;cents, ainsi du &laquo;&nbsp;Suppl&eacute;ment au Manuel de l&eacute;gislation sur la violence &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des femmes&nbsp;&raquo; produit par l&rsquo;ONU en 2011, d&rsquo;un programme conjoint de l&rsquo;unicef et de l&rsquo;unfpa pour la sensibilisation des parents, ou en encore de la r&eacute;solution 2253 de 2015 du conseil de s&eacute;curit&eacute; des Nations unies sur les menaces r&eacute;sultant d&rsquo;actes de terrorisme&hellip; Les tribunaux p&eacute;naux internationaux se saisissent de la question des mariages forc&eacute;s&nbsp;: c&rsquo;est le cas du Tribunal sp&eacute;cial pour le Sierra Leone institu&eacute; en 2001 au profit des victimes de guerre. L&rsquo;histoire des drames dont l&rsquo;Afrique a &eacute;t&eacute; le th&eacute;&acirc;tre aggrave des probl&egrave;mes r&eacute;currents comme ces mariages forc&eacute;s.</p> <p>Il est des formes de d&eacute;linquance qui paraissent moins violentes que l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; urbaine, que les d&eacute;lits flagrants ou que les mariages forc&eacute;s. Elles n&rsquo;en rev&ecirc;tent pas moins un caract&egrave;re de gravit&eacute; par le nombre des victimes comme le montre le travail de <strong>Yacouba Ballo</strong> et de <strong>Ghislain Rodolphe N&rsquo;guessan</strong> sur les pratiques usuraires en C&ocirc;te d&rsquo;Ivoire. Ils s&rsquo;appuient sur des recherches documentaires et sur des entretiens semi-directifs aupr&egrave;s de quatre-vingt-cinq personnes situ&eacute;es dans la commune du Plateau &agrave; Abidjan. Le probl&egrave;me pos&eacute; par les pratique usuraires peut para&icirc;tre limit&eacute;. Il n&rsquo;en est rien&nbsp;: les victimes de la d&eacute;linquance financi&egrave;re sont fort nombreuses et les cons&eacute;quences importantes avec une tendance &agrave; l&rsquo;aggravation. Les statistiques r&eacute;v&egrave;lent que les pr&eacute;comptes effectu&eacute;s sur les salaires des fonctionnaires pour des achats &agrave; cr&eacute;dit ont &eacute;t&eacute; multipli&eacute;s par vingt entre 2012 et 2018. Les usuriers s&rsquo;appuient sur des maisons de vente &agrave; cr&eacute;dit fictives, notamment des soci&eacute;t&eacute;s de vente d&rsquo;appareils &eacute;lectro-m&eacute;nagers, qui produisent de fausses factures. Le but est de d&eacute;tourner le syst&egrave;me de d&eacute;duction des imp&ocirc;ts en cr&eacute;ant un faux cr&eacute;dit de taxe &agrave; la valeur ajout&eacute;e qui pourra &ecirc;tre liquid&eacute; soit en l&rsquo;imputant sur la TVA exigible, soit en demandant son emboursement &agrave; travers une cession de r&eacute;mun&eacute;ration. Sur soixante-treize maisons de vente &agrave; cr&eacute;dit, il n&rsquo;y en que trois qui b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;un agr&eacute;ment r&eacute;gulier. Il n&rsquo;y a pas que le fisc qui soit victime de ce ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;: sans que les chiffres officiels permettent de mesurer le ph&eacute;nom&egrave;ne, on sait que nombre de d&eacute;biteurs surendett&eacute;s n&rsquo;arrivent pas &agrave; rembourser leur cr&eacute;dit avec des quotit&eacute;s cessibles sup&eacute;rieures aux &eacute;ch&eacute;ances. Cette situation provoque des distorsions &eacute;conomiques et m&ecirc;me favorise l&rsquo;aggravation de la petite corruption, voire le d&eacute;veloppement de r&eacute;seaux d&rsquo;usuriers. &laquo;&nbsp;Il ne faut pas jouer avec eux, ils sont dangereux&nbsp;&raquo;, note un agent public. Avec cette remarque, ins&eacute;r&eacute;e comme un <em>obiter dictum</em> dans les comptes-rendus d&rsquo;entretiens, on mesure les risques li&eacute;s &agrave; cette forme de d&eacute;linquance financi&egrave;re.</p> <p>Un dernier article doit &ecirc;tre mentionn&eacute; qui manifeste, comme dans le pr&eacute;c&eacute;dent num&eacute;ro, la volont&eacute; de la revue de s&rsquo;ouvrir aux pays du Maghreb. Ici il s&rsquo;agit de l&rsquo;analyse de <strong>Salah Eddine Maatouk</strong> sur le point 31 du plan marocain pour l&rsquo;autonomie du Sahara. Cette disposition pr&eacute;voit une amnistie g&eacute;n&eacute;rale tr&egrave;s largement d&eacute;finie&nbsp;: poursuite, arrestation, d&eacute;tention, emprisonnement ou intimidation de quelque nature que ce soit&nbsp;&raquo;. Il est vrai que l&rsquo;amnistie pose des questions d&eacute;licates du point de vue juridique mais aussi politique&nbsp;: elle est un moyen d&rsquo;apaisement pour sortir d&rsquo;une p&eacute;riode d&rsquo;affrontements en provoquant, de gr&eacute; ou de force, une forme de r&eacute;conciliation&nbsp;; en m&ecirc;me temps, elle peut aboutir &agrave; effacer des actes dont on peut regretter qu&rsquo;ils ne soient jamais sanctionn&eacute;s et les victimes le d&eacute;plorent. Salah Eddine Maatouk replace l&rsquo;amnistie dans le cadre du droit international avec des r&eacute;f&eacute;rences aux normes de l&rsquo;ONU &agrave; travers un rapport du secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;ral de 2004, avec des renvois aux commentaires du comit&eacute; des droits de l&rsquo;homme, du comit&eacute; contre la torture et de la Cour europ&eacute;enne des droits de l&rsquo;homme. L&rsquo;application de l&rsquo;amnistie est &eacute;galement analys&eacute;e dans l&rsquo;ordre juridique marocain&nbsp;: elle doit r&eacute;sulter d&rsquo;une loi, du moins depuis qu&rsquo;un organe l&eacute;gislatif est &eacute;lu&nbsp;; elle a un caract&egrave;re strictement national&nbsp;; elle peut &ecirc;tre personnelle et g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;; elle est par essence gratuite et n&rsquo;exige ni repentir, ni amendement. Il conclut qu&rsquo;elle est dans la tradition de l&rsquo;histoire du Maroc.</p> <p>Cette &eacute;vocation des neuf contributions rassembl&eacute;es dans ce num&eacute;ro 3 de <em>Crimen</em> en donne une id&eacute;e incompl&egrave;te, une image faussement &eacute;clat&eacute;e. Il y a, dans cette publication, une certaine unit&eacute; de pens&eacute;e et d&rsquo;inspiration d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;es &agrave; l&rsquo;occasion de la pr&eacute;sentation des &eacute;tudes sur les bandes de jeunes dans les quartiers d&rsquo;Abidjan, avec la volont&eacute;, non de condamner tout uniment, mais bien plut&ocirc;t de comprendre les ph&eacute;nom&egrave;nes de violence, d&rsquo;expliquer le d&eacute;veloppement de la d&eacute;linquance, de rechercher les causes de la recherche de cette forme de solidarit&eacute; que fournissent les bandes&hellip; La m&eacute;thodologie privil&eacute;gi&eacute;e correspond bien &agrave; l&rsquo;intitul&eacute; de l&rsquo;UFR vou&eacute;e aux &eacute;tudes de criminologie, dans une perspective de sciences humaines et sociales, privil&eacute;giant la sociologie, le droit, la science politique, voire de l&rsquo;histoire ou de l&rsquo;&eacute;conomie. Ce souci de ne pas s&rsquo;enfermer dans une logique purement r&eacute;pressive est &eacute;galement pr&eacute;sent dans les <em>varia</em>. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de la pression des familles pour imposer des mariages non d&eacute;sir&eacute;s &agrave; des jeunes gens mal arm&eacute;s pour s&rsquo;y opposer, des cr&eacute;dits usuraires impos&eacute;s &agrave; des fonctionnaires ou &agrave; des salari&eacute;s en difficult&eacute;s financi&egrave;res, des personnes surprises en flagrant d&eacute;lit&hellip; l&rsquo;objectif n&rsquo;est pas seulement de promouvoir l&rsquo;efficacit&eacute; de la r&eacute;pression mais &eacute;galement de prendre en compte les droits des personnes soup&ccedil;onn&eacute;es et, d&rsquo;une fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, de prot&eacute;ger les libert&eacute;s publiques. La r&eacute;flexion sur le r&ocirc;le de l&rsquo;humour comme strat&eacute;gie de r&eacute;silience urbaine t&eacute;moigne d&rsquo;une approche souvent originale. L&rsquo;amnistie fait l&rsquo;objet d&rsquo;une &eacute;tude circonstanci&eacute;e. La pr&eacute;face du premier num&eacute;ro de la revue annonce qu&rsquo;&laquo;&nbsp;Elle d&eacute;passe le clivage traditionnel entre les sciences sociales et humaines. Elle n&rsquo;entend pas se mettre au service d&rsquo;une &eacute;cole ou d&rsquo;une m&eacute;thodologie. Les responsables souhaitent au contraire accueillir tr&egrave;s largement, autour du th&egrave;me de la criminologie, des auteurs ayant des approches diverses, en fonction de leur sp&eacute;cialit&eacute; et de leurs int&eacute;r&ecirc;ts&nbsp;&raquo;. Le programme n&rsquo;a donc pas chang&eacute;.</p>