<p>&nbsp;</p> <p><em>Note sur le titre : L&rsquo;adjectif &laquo;&nbsp;surnaturel&nbsp;&raquo; satisfait g&eacute;n&eacute;ralement pour qualifier ces pouvoirs et les ph&eacute;nom&egrave;nes qu&rsquo;ils provoquent, hormis quelques puristes qui objectent que ceux qui tiennent l&rsquo;existence de la sorcellerie pour une r&eacute;alit&eacute; la consid&egrave;rent comme partie intrins&egrave;que de l&rsquo;ordre naturel des choses. Certains sont sceptiques face &agrave; ces ph&eacute;nom&egrave;nes et pr&eacute;f&egrave;rent user de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;non empirique&nbsp;&raquo; sous pr&eacute;texte qu&rsquo;on ne peut ni contr&ocirc;ler ni tester ces pr&eacute;tendus pouvoirs. Cependant, l&rsquo;&eacute;crivain anthropologue Evans-Pritchard, sp&eacute;cialiste de la sorcellerie en Afrique et dont les travaux font autorit&eacute;, consacre le terme de &laquo;&nbsp;mystique&nbsp;&raquo; pour d&eacute;signer l&rsquo;ensemble de ces ph&eacute;nom&egrave;nes (E. E. EVANS-PRITCHARD, 1972).</em></p> <p>&nbsp;</p> <p><em>Note sur l&rsquo;auteur : Cet article est extrait de la th&egrave;se de Georges Malkiel Nimonte sur Le droit p&eacute;nal africain sous tension entre tradition et modernit&eacute; dirig&eacute;e par Christophe Juhel et soutenue le 25 janvier 2019 &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Perpignan Via Domitia.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>En maintes r&eacute;gions du monde est r&eacute;pandue l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle certaines personnes peuvent nuire &agrave; autrui par l&rsquo;exercice de pouvoirs dont l&rsquo;individu ordinaire ne dispose pas. Ces pouvoirs agiraient d&rsquo;une mani&egrave;re si subtile que la cause r&eacute;elle du mal ne serait identifiable qu&rsquo;une fois les premiers sympt&ocirc;mes du mal d&eacute;clar&eacute;s. Omnipr&eacute;sents dans les soci&eacute;t&eacute;s africaines traditionnelle et contemporaine, ces ph&eacute;nom&egrave;nes ne se pr&eacute;sentent que sous formes de nuisances &agrave; l&rsquo;endroit des personnes et parfois de leurs biens. Ils sont constitutifs d&rsquo;infractions mystiques. Les d&eacute;tenteurs de ces pouvoirs et auteurs d&rsquo;infractions mystiques sont diversement pr&eacute;sent&eacute;s, suivant la nature des ph&eacute;nom&egrave;nes qu&rsquo;ils manifestent. Mais la d&eacute;nomination la plus r&eacute;pandue est celle de sorcellerie. Les croyances en la sorcellerie semblent avoir un caract&egrave;re universel, car, m&ecirc;me si d&rsquo;un pays et d&rsquo;une r&eacute;gion &agrave; l&rsquo;autre les modalit&eacute;s changent, les ressemblances sont grandes (Erny, 1979, 234.) et la question ne manque donc pas d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t si l&rsquo;on sait que la sorcellerie persiste toujours en Afrique sans en &ecirc;tre historiquement l&rsquo;apanage exclusif<a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a>.</p> <p>L&rsquo;examen des infractions dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle oblige &agrave; se pencher sur ces infractions qui, par opposition aux infractions ordinaires, se d&eacute;roulent dans un champ &eacute;minemment immat&eacute;riel. Cependant, il ne s&rsquo;agit pas de refaire ici une nomenclature des atteintes aux personnes et aux biens, mais d&rsquo;insister sur le caract&egrave;re sp&eacute;cifique de ces infractions &agrave; l&rsquo;aune de leurs manifestations, de la place qu&rsquo;elles occupent dans la soci&eacute;t&eacute; et au regard du droit. La typologie des faits qualifiables d&rsquo;infractions mystiques r&eacute;v&egrave;le qu&rsquo;il s&rsquo;agit de pratiques sociologiquement ancr&eacute;es (I) quoique juridiquement appr&eacute;hendables (II).</p> <p>&nbsp;</p> <h2>I. Des pratiques sociologiquement ancr&eacute;es</h2> <p>Plus que tous autres, les anthropologues et les historiens s&rsquo;int&eacute;ressent aux faits dont la manifestation visible est attribu&eacute;e &agrave; la d&eacute;tention de pouvoirs dont ne disposent que des individus sp&eacute;cifiques. L&rsquo;origine de ces pouvoirs de m&ecirc;me que le r&eacute;sultat de l&rsquo;usage qui en est fait donnent lieu &agrave; un d&eacute;bat sur la d&eacute;nomination &agrave; donner aux auteurs de ces pratiques si nombreuses et multiformes. De la magie &agrave; la sorcellerie, du charlatanisme au f&eacute;tichisme, de la divination<a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a> au m&eacute;diumnisme<a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a> sans oublier les soci&eacute;t&eacute;s occultes. Notion dominante, la sorcellerie requiert une attention particuli&egrave;re. Mais vu le foisonnement d&rsquo;opinions sur le sujet et les interpr&eacute;tations auxquelles elles donnent lieu, il para&icirc;t important, avant toute interpr&eacute;tation juridique, d&rsquo;en donner la conception qui semble correspondre la mieux au contexte de l&rsquo;&eacute;tude. Une telle d&eacute;marche permet de faire la distinction des faits constitutifs de sorcellerie (A) des faits seulement assimilables au ph&eacute;nom&egrave;ne (B).</p> <p>&nbsp;</p> <h3>A. Le ph&eacute;nom&egrave;ne de la sorcellerie</h3> <p>La sorcellerie est un ph&eacute;nom&egrave;ne qui renvoie &agrave; des &ecirc;tres particuliers&nbsp;: les sorciers. La pens&eacute;e populaire leur attribue depuis des temps imm&eacute;moriaux la r&eacute;putation dans la plupart des soci&eacute;t&eacute;s africaines d&rsquo;&ecirc;tre des gens tristes et peu sociables. Lorsque l&rsquo;on parle de sorcellerie en Afrique, on oublie g&eacute;n&eacute;ralement que son ambivalence, soulign&eacute;e par presque tous les auteurs, est li&eacute;e au caract&egrave;re neutre du principe qui fonde la puissance et la connaissance non seulement du sorcier, mais aussi de tout homme. Ce principe, incarn&eacute; dans un &laquo;&nbsp;organe de sorcellerie&nbsp;&raquo;, prend diff&eacute;rents noms selon les langues autochtones (Tonda, 2000, 54).</p> <p>Si par le pass&eacute; on pouvait supposer que le d&eacute;veloppement, l&rsquo;urbanisation, la modernisation, la scolarisation, la christianisation ou l&rsquo;islamisation feraient dispara&icirc;tre les croyances et les pratiques sorci&egrave;res, la situation actuelle au sud du Sahara d&eacute;montre l&rsquo;inverse. Loin de s&rsquo;estomper, &laquo;&nbsp;ces repr&eacute;sentations sociales et culturelles se sont maintenues, transform&eacute;es et r&eacute;adapt&eacute;es en fonction des r&eacute;alit&eacute;s et des besoins contemporains&nbsp;&raquo; (Cimpric, 2010, 10). La survivance et les r&eacute;adaptations de ce ph&eacute;nom&egrave;ne ancien r&eacute;v&egrave;lent l&rsquo;ambig&uuml;it&eacute; de son contenu (1) bien que certaines th&eacute;ories contemporaines tentent de lui attribuer une fonction sociale (2).</p> <h4>&nbsp;</h4> <h4>1. L&rsquo;ambig&uuml;it&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;: tentative de d&eacute;finition</h4> <p>Le concept de sorcellerie<a href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a> peut d&eacute;signer, dans d&#39;autres cultures, des ph&eacute;nom&egrave;nes proches de ceux que, dans une autre, il sert &agrave; regrouper ; mais il peut aussi recouvrir ou faire partie d&#39;un champ s&eacute;mantique ordonn&eacute; autrement. En effet, lorsqu&rsquo;on pose la question du contenu &agrave; donner au vocable sorcellerie, la multitude de cultures, d&rsquo;espaces g&eacute;ographiques et de croyances laisse appara&icirc;tre un doute sur la conception de celle-ci&nbsp;; ce qui en fait une notion difficile &agrave; cerner (a). N&eacute;anmoins, ses manifestations physiques en font un ph&eacute;nom&egrave;ne identifi&eacute; (b).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. Une notion difficile &agrave; cerner</h5> <p>La notion de sorcellerie, bien qu&rsquo;elle ait une s&eacute;miologie plurielle, peut &ecirc;tre d&eacute;finie, dans une grande partie des pays africains, comme une capacit&eacute; de nuire &agrave; une personne gr&acirc;ce au pouvoir mystique. Le vocabulaire fran&ccedil;ais de &laquo; sorcellerie &raquo;, ainsi que ses homologues anglais &laquo; witchcraft &raquo; et &laquo; sorcery &raquo;, ont &eacute;t&eacute; introduits sur le continent africain par les premiers explorateurs, colonisateurs et missionnaires. La traduction des termes locaux d&eacute;signant des r&eacute;alit&eacute;s locales par l&rsquo;appellation unique de &laquo; sorcellerie &raquo;, fortement influenc&eacute;e par l&rsquo;histoire europ&eacute;enne et par cons&eacute;quent p&eacute;jorative, est souvent inappropri&eacute;e et peut &ecirc;tre source de confusion. La sorcellerie regroupe une pluralit&eacute; de mots qui d&eacute;signent des ph&eacute;nom&egrave;nes divers dans les langues vernaculaires<a href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a> et se pr&ecirc;tent &agrave; des interpr&eacute;tations fortement contextualis&eacute;es. Cependant, cette terminologie ethnocentrique est aujourd&rsquo;hui int&eacute;gr&eacute;e dans les langues vernaculaires des populations africaines qui l&rsquo;utilisent dans le langage quotidien pour d&eacute;signer essentiellement les &laquo; forces occultes ou mystiques &raquo;<a href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc">6</a>. La doctrine &eacute;prouve des difficult&eacute;s &agrave; s&rsquo;entendre sur le contenu &agrave; donner &agrave; la notion au point o&ugrave; certains auteurs estiment que les mots sorcellerie, witchcraft et sorcery ne devraient plus &ecirc;tre utilis&eacute;s en tant que termes op&eacute;ratoires en anthropologie<a href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a> et proposent, faute d&rsquo;un concept plus op&eacute;rationnel, l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;force occulte&nbsp;&raquo; qui leur semble plus large et neutre. Adopter une telle position &eacute;quivaudrait &agrave; mal rendre compte du ph&eacute;nom&egrave;ne. Il est vrai que l&rsquo;expression propos&eacute;e par Cyprien C. Fisiy et Peter Geschiere a l&rsquo;avantage d&rsquo;&ecirc;tre plus large et plus neutre, mais elle ne r&egrave;gle pas au fond la difficult&eacute; que pose le contenu de la notion de sorcellerie. Elle tend au contraire &agrave; la noyer dans un ensemble plus vaste de pratiques car l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;force occulte&nbsp;&raquo; para&icirc;t vague et trop g&eacute;n&eacute;rale pour servir &agrave; d&eacute;signer le ph&eacute;nom&egrave;ne sp&eacute;cifique de la sorcellerie.</p> <p>C&rsquo;est une difficult&eacute; fondamentale qui ne se limite pas uniquement &agrave; l&rsquo;&eacute;tude de la sorcellerie mais s&rsquo;&eacute;tend le plus souvent &agrave; l&rsquo;ensemble des &eacute;tudes men&eacute;es par les occidentaux sur les probl&eacute;matiques intrins&egrave;quement li&eacute;es &agrave; l&rsquo;Afrique<a href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc">8</a>. Il est donc pr&eacute;f&eacute;rable de chercher &agrave; circonscrire la notion et de l&rsquo;&eacute;loigner de son ambig&uuml;it&eacute; originelle afin d&rsquo;&eacute;voluer vers une notion plus concise, dans un syst&egrave;me o&ugrave; la tradition et le d&eacute;veloppement se heurtent et dans lequel la sorcellerie ne constitue plus l&rsquo;apanage de l&rsquo;anthropologie. C&rsquo;est pourquoi une d&eacute;finition permettant de prendre en compte les pratiques possibles dans le ph&eacute;nom&egrave;ne de sorcellerie et dont l&rsquo;appellation varie en fonction des r&eacute;gions, des cultures et des ethnies para&icirc;t objective. Elle permet en effet de regrouper en son sein un ensemble de pratiques similaires dont seule la d&eacute;nomination diff&egrave;re.</p> <p>Mode traditionnel de l&rsquo;explication du mal, pratique reconnue et pr&eacute;sente au sein des soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles, la sorcellerie, pour reprendre la d&eacute;finition de l&rsquo;anthropologue fran&ccedil;ais Marc Aug&eacute;, &laquo;&nbsp;est un ensemble de croyances structur&eacute;es et partag&eacute;es par une population donn&eacute;e touchant &agrave; l&rsquo;origine du malheur, de la maladie ou de la mort, et l&rsquo;ensemble des pratiques de d&eacute;tection, de th&eacute;rapie et de sanction qui correspondent &agrave; ces croyances&nbsp;&raquo; (Aug&eacute;, 1974, 53). Cette d&eacute;finition qui ne convient que partiellement &agrave; notre propos confond les aspects n&eacute;gatifs et th&eacute;rapeutiques du ph&eacute;nom&egrave;ne. Pourtant la culture occidentale les distingue tr&egrave;s bien si l&rsquo;on remonte &agrave; l&rsquo;origine du ph&eacute;nom&egrave;ne. En effet, il y a d&rsquo;abord une discrimination &agrave; op&eacute;rer entre les notions de magie et de sorcellerie. La magie est l&rsquo;art de commander aux forces du mal. La sorcellerie celui d&rsquo;essayer de commander les m&ecirc;mes forces. Le magicien est un initi&eacute; aux grands myst&egrave;res&nbsp;; le sorcier ne conna&icirc;t que les petits myst&egrave;res. Le magicien est un ma&icirc;tre, le sorcier un apprenti. Le magicien est en quelque sorte un homme de science et le sorcier est un marginal social. Le magicien ne risque que son &acirc;me car il est le prot&eacute;g&eacute; des grands &agrave; la cour desquels il vit et qui le consultent. Le sorcier risque son &acirc;me et sa vie, car il n&rsquo;est qu&rsquo;un paysan sur lequel viennent s&rsquo;accumuler les haines et les jalousies de &laquo;&nbsp;ses fr&egrave;res de mis&egrave;re&nbsp;&raquo; (Palou, 1957, 6). Cette discrimination permet l&rsquo;aspect th&eacute;rapeutique de la sorcellerie par le mot &laquo;&nbsp;magie&nbsp;&raquo; et maintient tout ce qu&rsquo;il y a de mauvais dans celui de sorcellerie.</p> <p>A l&rsquo;&eacute;vidence, depuis toujours, les sorciers sont l&rsquo;incarnation du vice et du mal. Puisque le contenu de la sorcellerie peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute; comme &laquo;&nbsp;une m&eacute;tonymie de configurations complexes et entrem&ecirc;l&eacute;es de divers domaines notamment philosophique, culturel et social&nbsp;&raquo; (Bond et Ciekawy (&eacute;d.), 2001, cit&eacute; par Cimpric, 2010, p. 59), l&rsquo;on peut &eacute;tablir que la sorcellerie imput&eacute;e &agrave; un &ecirc;tre commun&eacute;ment appel&eacute; sorcier ou sorci&egrave;re selon le sexe, renferme en Afrique noire francophone l&rsquo;id&eacute;e de nuisance. Les sorci&egrave;res sont des mangeuses d&rsquo;&acirc;mes<a href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc">9</a> et de corps, anim&eacute;es d&rsquo;une volont&eacute; de nuire &agrave; autrui en commen&ccedil;ant par leurs proches puis &eacute;tendent le cercle de leurs victimes au-del&agrave; de la parent&eacute; (Martinelli et Bouju, 2012, 37). Au B&eacute;nin, on leur attribue depuis des temps lointains le pouvoir de transformer leurs victimes en animaux pour les d&eacute;vorer ou les vendre. On leur attribue &eacute;galement le pouvoir de m&eacute;tamorphose tant virtuelle que r&eacute;elle<a href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a>.</p> <p>Au-del&agrave; de toutes ces consid&eacute;rations, la sorcellerie rev&ecirc;t un ensemble d&rsquo;attributs, de pouvoirs agressifs invisibles et de vampirisme occulte dont les r&eacute;sultats sont assimilables &agrave; des infractions, qu&rsquo;ils sont les m&ecirc;mes que ceux d&rsquo;une infraction ordinaire. Une tentative de d&eacute;finition de la sorcellerie ne suffit pas &agrave; en saisir le fond. Il faut pour cela tenter d&rsquo;apporter un &eacute;clairage sur les individus qui en portent l&rsquo;imputation et leur place au sein de la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. Une notion nettement identifi&eacute;e</h5> <p>Dans la mesure o&ugrave; la sorcellerie appara&icirc;t comme un ph&eacute;nom&egrave;ne ambigu et insaisissable, c&rsquo;est &agrave; travers les personnes par lesquelles elle se manifeste qu&rsquo;on pourrait l&rsquo;identifier. Il faut cependant nuancer le propos car dans la terminologie anglaise du terme, une distinction s&rsquo;op&egrave;re entre &laquo;&nbsp;witchcraft&nbsp;&raquo; et &laquo; sorcery &raquo;. Cette distinction a &eacute;t&eacute; propos&eacute;e dans les ann&eacute;es 1930 par l&rsquo;anthropologue britannique Edward E. Evans‐Pritchard<a href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc">11</a> qui travaillait chez les Zand&eacute; dans le Soudan anglo‐&eacute;gyptien<a href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc">12</a>. Selon lui, les Zand&eacute; distinguent clairement &laquo;&nbsp;witchcraft &raquo; de &laquo; sorcery &raquo;. Witchcraft d&eacute;signe pour eux une substance, h&eacute;rit&eacute;e et inn&eacute;e, se situant dans l&rsquo;abdomen des personnes appel&eacute;es witches ; cette substance op&eacute;rant parfois ind&eacute;pendamment de la propre volont&eacute; du witch, la sorcellerie peut &ecirc;tre dans ce cas pr&eacute;cis un acte inconscient. Le witch agit la nuit de fa&ccedil;on invisible en se transformant, se m&eacute;tamorphosant ou en se d&eacute;doublant pour quitter son &laquo; enveloppe &raquo; corporelle, afin de nuire &agrave; une personne en d&eacute;vorant sa substance vitale. En revanche, le sorcerer est un personnage qui est socialement reconnu comme tel, agissant le jour et capable de nuire &agrave; d&rsquo;autres en utilisant des substances v&eacute;g&eacute;tales et en ma&icirc;trisant des rites reconnus comme nocifs. Son acte est toujours conscient. Si le savoir‐faire d&rsquo;un sorcerer n&rsquo;est pas inn&eacute; et peut &ecirc;tre accompli par n&rsquo;importe qui, il peut n&eacute;anmoins &ecirc;tre transmis d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration &agrave; l&rsquo;autre (Cimpric, 2010, 12). De cette distinction d&eacute;coule celle faite entre la sorcellerie volontaire et la sorcellerie involontaire. On rencontre souvent en Afrique noire le cas suivant : une personne est accus&eacute;e par un voyant ou d&eacute;tecteur de sorciers d&#39;&ecirc;tre &agrave; l&#39;origine d&#39;une malchance, d&#39;un &eacute;chec, d&#39;un accident ou d&#39;une maladie ; elle nie avoir agi consciemment, mais ne r&eacute;cuse pas l&#39;accusation de mani&egrave;re formelle, puisque tout le monde sait que l&#39;on peut &ecirc;tre sorcier malgr&eacute; soi. Elle r&eacute;clame alors les &eacute;preuves pr&eacute;vues &agrave; cet effet<a href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc">13</a> qui vont peut-&ecirc;tre lui r&eacute;v&eacute;ler &agrave; elle-m&ecirc;me autant qu&#39;aux autres son pouvoir mal&eacute;fique. Il est manifeste que le comportement du sorcier n&rsquo;est pas toujours volontaire. Les r&eacute;cits et les t&eacute;moignages de sorciers en rapportent la preuve car la sorcellerie peut r&eacute;sulter d&rsquo;une h&eacute;r&eacute;dit&eacute;.</p> <p>Certains auteurs distinguent la grande sorcellerie et la petite sorcellerie. Dans son &eacute;tude, Jean-Claude Muller associe les afflictions mineures priv&eacute;es telles que les maladies banales et b&eacute;nignes<a href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc">14</a>, l&#39;&eacute;chec d&#39;une entreprise, la mort d&#39;un animal domestique tels un chien, une ch&egrave;vre ou un poulet, &agrave; la petite sorcellerie. D&rsquo;autres pr&eacute;f&egrave;rent parler de sorcellerie ordinaire par r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la faible intensit&eacute; de l&rsquo;action et la banalisation de l&rsquo;accus&eacute;. Marthe Kuntz l&rsquo;assimile au charlatanisme (Kuntz, 1932, 136). La grande sorcellerie en revanche recouvre des actes plus graves allant jusqu&rsquo;au meurtre. Il s&rsquo;agit du rapt de l&rsquo;&acirc;me<a href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc">15</a>, de la m&eacute;tamorphose, de l&rsquo;empoisonnement<a href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc">16</a> et de l&rsquo;utilisation de f&eacute;tiches<a href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc">17</a> qui constituent par ailleurs les actes caract&eacute;ristiques qui permettent d&rsquo;identifier le sorcier.</p> <p>En devenant sorcier ou plut&ocirc;t en donnant libre cours aux forces mauvaises qui sont en lui, un homme se coupe de la communaut&eacute; &agrave; laquelle il appartient&nbsp;: il se met au ban de la soci&eacute;t&eacute;. Celle-ci ne le reconna&icirc;t plus comme l&rsquo;un des siens. Il est devenu vil, m&eacute;prisable, comparable &agrave; une b&ecirc;te malfaisante. Comme il ne respire que haine, violence, d&eacute;sir de nuire, comme il est destructeur de la sant&eacute; et de la vie, quoi de plus naturel que de l&rsquo;assimiler &agrave; ces fl&eacute;aux terribles que sont les animaux d&eacute;vastateurs qui s&egrave;ment la famine, la terreur et la mort&nbsp;? Ce rapprochement, cette identification sont tout &agrave; fait compr&eacute;hensibles dans une soci&eacute;t&eacute; traditionnelle essentiellement agraire (Hebga, 1998, 177).</p> <p>Tout comme le contenu de la notion, la r&eacute;action sociale aux actes de sorcellerie est ambigu&euml; car d&rsquo;une part, la soci&eacute;t&eacute; se sent agress&eacute;e par cette mauvaise force que repr&eacute;sente le sorcier, et d&rsquo;autre part elle trouve dans la sorcellerie un rem&egrave;de pour apaiser ses maux. En effet, dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle la mort naturelle n&rsquo;existe pas et tout est reli&eacute; au surnaturel. De surcro&icirc;t, il est dans la nature humaine que tout ce qui est inexpliqu&eacute; ou reste inexplicable plonge l&rsquo;individu dans un profond malaise et dans une grande frustration.</p> <p>A l&rsquo;analyse, l&rsquo;on se rend compte que, si la sorcellerie est une infraction mystique du fait des pouvoirs extraordinaires du sorcier, il faut distinguer les faits qui, de par leur anormalit&eacute;, sont subjectivement imput&eacute;s &agrave; la sorcellerie, de ceux qui objectivement rel&egrave;vent de la sorcellerie, afin de d&eacute;terminer si la sorcellerie bien que fonci&egrave;rement p&eacute;jorative, ne poss&egrave;de pas quelque vertu.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>2. Les bienfaits controvers&eacute;s de la sorcellerie</h4> <p>La discussion sur les croyances actuelles en la sorcellerie a donn&eacute; lieu &agrave; diff&eacute;rentes th&eacute;ories. Certaines cherchent &agrave; expliquer pourquoi ces croyances sont si tenaces et r&eacute;pandues. Quelques-unes, consid&eacute;rant &agrave; la fois la croyance en la sorcellerie et sa d&eacute;nonciation, se demandent quelle en sont les &laquo;&nbsp;fonctions&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc">18</a>, c&rsquo;est-&agrave;-dire le r&ocirc;le que l&rsquo;une et l&rsquo;autre jouent r&eacute;ellement au sein des soci&eacute;t&eacute;s o&ugrave; on les d&eacute;couvre. Il s&rsquo;agit de la th&eacute;orie fonctionnaliste dont les tenants cherchent &agrave; d&eacute;montrer que la sorcellerie r&eacute;pond &agrave; une n&eacute;cessit&eacute; de vie sociale (Mair, 1969, 201). Cependant, m&ecirc;me si elle peut apporter une contribution sociologiquement souhaitable (a) la sorcellerie comporte beaucoup plus d&rsquo;inconv&eacute;nients&nbsp;(b) pour la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. Les th&eacute;ories fonctionnelles des pratiques mystiques</h5> <p>Il est paradoxal de chercher &agrave; attribuer une fonction bienfaisante &agrave; la sorcellerie vu son caract&egrave;re &eacute;minemment n&eacute;gatif. Cela reviendrait &agrave; tenter de d&eacute;montrer que le mal peut &ecirc;tre un bien. Voil&agrave; pourquoi cette tentative n&rsquo;a qu&rsquo;une port&eacute;e relative et ne tire sa source que du fonctionnement de la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle. En effet, tout au long de l&rsquo;histoire, les humains ont cherch&eacute; les moyens de contenir leur tendance &agrave; l&rsquo;agressivit&eacute; et au d&eacute;sir de nuire &agrave; autrui de m&ecirc;me qu&rsquo;&agrave; se lib&eacute;rer de leurs angoisses et de leur frustration face &agrave; ce qui d&eacute;passe leur entendement. Plusieurs subterfuges sont trouv&eacute;s parmi lesquels la sorcellerie. D&egrave;s le n&eacute;olithique sont d&eacute;cel&eacute;es des traces de la sorcellerie (Rosny, 2006, 26) qui fut un des moyens de refr&eacute;ner cette tendance &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la Bible. A l&rsquo;origine, le syst&egrave;me de sorcellerie semble a priori positif. Comme l&rsquo;affirmeront plusieurs anthropologues, la sorcellerie apaise la soci&eacute;t&eacute; et constitue l&rsquo;exutoire parfait de toute n&eacute;gation, de tout m&eacute;fait et de tout malheur qui survient au sein de la communaut&eacute;. Elle joue un r&ocirc;le cathartique pour la communaut&eacute;.</p> <p>Ce subterfuge se distingue des autres parce qu&rsquo;il permet &agrave; un groupe de personnes de continuer &agrave; vivre en temp&eacute;rant, en d&eacute;tournant l&rsquo;agressivit&eacute; qu&rsquo;elles portent en leur sein, sans attaque frontale, en faisant passer au niveau mystique le d&eacute;sir de nuire physiquement &agrave; autrui. Cela permet d&#39;assouvir son d&eacute;sir de vengeance sans passer aux actes de violence visibles. C&rsquo;est du moins le constat fait par certains auteurs. Ainsi, Charles-Henri Pradelles de Latour, chercheur dans les montagnes de l&#39;Ouest du Cameroun &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;les affaires de sorcellerie r&eacute;solvent les conflits en faisant l&#39;&eacute;conomie des coups et blessures. Les attaques &agrave; main arm&eacute;e ayant eu lieu, &agrave; Bangoua, en une d&eacute;cennie, se comptent &agrave; peine sur les doigts de la main. Cette absence de violence physique s&#39;explique par le fait que les sorcelleries d&eacute;placent l&rsquo;enjeu des diff&eacute;rends occasionn&eacute;s par la vie quotidienne sur une autre sc&egrave;ne appel&eacute;e &laquo;&nbsp;affaires de la nuit&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;monde de derri&egrave;re&nbsp;&raquo;. Ce faisant, elles d&eacute;samorcent le jeu de la r&eacute;ciprocit&eacute; et les relations en miroir o&ugrave; l&rsquo;agressivit&eacute; s&rsquo;exasp&egrave;re (Latour, 1991, 81, cit&eacute; par Rosny, 2006, 28). En r&eacute;gion de savane<a href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc">19</a> le m&ecirc;me constat s&rsquo;op&egrave;re par un autre chercheur qui constate que le but poursuivi dans la lutte contre la sorcellerie n&rsquo;est pas sa suppression totale. On s&rsquo;efforce de contenir cette force mauvaise dans les limites raisonnables : on ne cherche pas &agrave; l&rsquo;an&eacute;antir. Pour accepter cette mani&egrave;re de voir, il faut comprendre qu&rsquo;aucune protection ne sera jamais assez efficace. Il y aura toujours des maladies myst&eacute;rieuses ou incurables. On ne peut supprimer le mal. La croyance en la sorcellerie d&eacute;coule d&#39;une attitude &laquo;&nbsp;r&eacute;aliste&nbsp;&raquo; envers les probl&egrave;mes relevant du mal dans le monde (Rosny, 2006, 28).</p> <p>Dans l&rsquo;analyse fonctionnelle du syst&egrave;me sorcellaire, il est remarquable que le droit n&rsquo;offre aucune analyse. Le seul rapport que l&rsquo;on peut &eacute;tablir avec le droit &agrave; ce niveau r&eacute;side au fond en une interrogation. S&rsquo;il est vrai que le d&eacute;placement de la sph&egrave;re de conflit &eacute;pargne les attaques et les affrontements physiques, nous nous interrogeons n&eacute;anmoins sur la l&eacute;gitimit&eacute; et la l&eacute;galit&eacute; d&rsquo;un tel transfert qui laisse en r&eacute;alit&eacute; la porte ouverte &agrave; des r&egrave;glements de compte alors que nul n&rsquo;est cens&eacute; se rendre justice. Cela favoriserait l&rsquo;accomplissement des actes qui n&rsquo;ont pour seule motivation que la jalousie. Se pose alors un probl&egrave;me de contr&ocirc;le de ces actes qui se d&eacute;roulent dans le monde mystique.</p> <p>Ceci &eacute;tant, les psychologues se sont plus int&eacute;ress&eacute;s &agrave; la question car &agrave; la base, le syst&egrave;me sorcellaire constitue un substitut &agrave; l&rsquo;agressivit&eacute;, l&rsquo;angoisse et la frustration. Par voie de cons&eacute;quence, les personnes qui ont envie de se battre avec leurs parents ou avec leurs enfants et qui en sont emp&ecirc;ch&eacute;es par les r&egrave;gles de la vie sociale, d&eacute;chargent leur animosit&eacute; et leur agressivit&eacute; sur une personne qu&rsquo;il faut &agrave; la fois craindre et ha&iuml;r, &agrave; savoir le sorcier. Partant du postulat selon lequel tout le monde subit des pressions et des tensions, Marwick tout en constatant que les tensions sont des probl&egrave;mes o&ugrave; le conflit est manifeste, propose trois moyens de les apaiser. Tout d&rsquo;abord les proc&eacute;d&eacute;s judiciaires, ensuite le genre de grossi&egrave;ret&eacute;s admises entre personnes ayant des relations sp&eacute;cifiques c&#39;est-&agrave;-dire des familiarit&eacute;s et enfin les accusations de sorcellerie (Mair, 1969, 202). Il observe que les accusations de sorcellerie sont la r&eacute;sultante des cas qui ne sont justiciables ni par les proc&eacute;d&eacute;s de justice, ni par les grossi&egrave;ret&eacute;s.</p> <p>Evan-Pritchard en donne la raison quand il met en &eacute;vidence un trait fondamental de la sorcellerie : son lien au malheur inexpliqu&eacute;. Il d&eacute;montre que la sorcellerie repr&eacute;sente pour les Zand&eacute; une philosophie naturelle par laquelle les relations entre les hommes et les &eacute;v&eacute;nements malheureux sont inexpliqu&eacute;s (Cl&eacute;ment, 2013, 6). La th&eacute;orie fonctionnaliste qu&rsquo;il construit nous oriente de nouveau car elle comporte de nombreux &eacute;l&eacute;ments. Dans la perspective fonctionnaliste, les accusations de sorcellerie sont un moyen particuli&egrave;rement efficace d&rsquo;exprimer et de r&eacute;v&eacute;ler des tensions sociales qui ne pourraient s&rsquo;exprimer autrement. Le sorcier peut ainsi &ecirc;tre con&ccedil;u comme un &laquo; outsider &raquo;. Dans ce cas, sa fonction serait de renforcer les liens de solidarit&eacute; qui unissent les membres du groupe. Mais les accusations de sorcellerie peuvent &eacute;galement porter sur les membres du groupe. Les fonctions de ce type d&rsquo;imputation peuvent &ecirc;tre multiples : red&eacute;finition des factions en pr&eacute;sence, contr&ocirc;le des d&eacute;viants, s&eacute;paration d&rsquo;une communaut&eacute; en de plus petites entit&eacute;s, red&eacute;finition de la hi&eacute;rarchie. Consid&eacute;r&eacute;e sous cet angle, la sorcellerie pr&eacute;sente des &eacute;l&eacute;ments qui la consacrent comme une instance de contr&ocirc;le social. Lorsqu&rsquo;une communaut&eacute; est soumise &agrave; des pressions, aussi bien internes qu&rsquo;externes, susceptibles de menacer sa coh&eacute;sion, le dispositif de la sorcellerie constitue un moyen de r&eacute;soudre ou de d&eacute;placer les conflits sur une entit&eacute; ext&eacute;rieure au groupe (Cl&eacute;ment, 2013, 6).</p> <p>Les th&eacute;ories fonctionnalistes sur la sorcellerie sont pour la plupart d&rsquo;ordre psychologique ou sociologique. En premier lieu, les accusations de sorcellerie expriment des pulsions et des tensions refoul&eacute;es. L&rsquo;agressivit&eacute; trop longtemps contenue se polarise sur le sorcier, bouc &eacute;missaire dont la neutralisation ram&egrave;ne la paix. Deuxi&egrave;mement, la sorcellerie explique le mal et en att&eacute;nue les effets. Ce qui &eacute;tait une fatalit&eacute; devient explicable, et on peut souvent y porter rem&egrave;de en &eacute;liminant le sorcier ou en recourant au pouvoir du magicien anti-sorcier. Troisi&egrave;mement, la croyance en la sorcellerie permet une r&eacute;gulation homog&eacute;n&eacute;isante de la soci&eacute;t&eacute;. Ceux qui ont plus de richesses, de succ&egrave;s, d&rsquo;enfants, de savoir ou de pouvoir que les autres sont soup&ccedil;onn&eacute;s, sinon accus&eacute;s de sorcellerie. La soci&eacute;t&eacute; traditionnelle exige l&rsquo;&eacute;galit&eacute; de ses membres. Les privil&egrave;ges sont donc consentis par le groupe et on doit en faire profiter l&rsquo;ensemble. Enfin, la sorcellerie assure la reproduction et le maintien du groupe. Les accusations de sorcellerie jouent un r&ocirc;le important dans la segmentation des lignages et la cr&eacute;ation de nouveaux villages. Par exemple, le chef B d&rsquo;un lignage, voulant s&rsquo;&eacute;loigner avec ses partisans, accuse le chef A de sorcellerie et l&rsquo;action anti-sorcier sanctionne la rupture entre les deux lignages, permettant ainsi au nouveau groupe, aussi bien qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ancien, d&rsquo;adapter leur comportement &agrave; ce qui est bien et naturel (Metogo, 1997, 62).</p> <p>La sorcellerie est un discours qui se renouvelle constamment tout en s&rsquo;adaptant &agrave; des situations nouvelles. Evans‐Pritchard le souligne ainsi : &laquo; new situations demands new magics&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc">20</a>. Par ailleurs, si &agrave; une &eacute;poque les effets de la sorcellerie pouvaient &ecirc;tre positifs ou n&eacute;gatifs, on observe &agrave; l&rsquo;heure actuelle qu&rsquo;elle acquiert parmi les populations africaines une connotation essentiellement n&eacute;gative (Cimpric, 2010, 10).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. La critique des th&eacute;ories fonctionnelles</h5> <p>Si la sorcellerie en tant que syst&egrave;me d&eacute;place les conflits dans le monde mystique<a href="#sdfootnote21sym" name="sdfootnote21anc">21</a>&nbsp;; les psychologues et les anthropologues en ont une approche fonctionnelle. Cependant, il est flagrant que seuls les aspects n&eacute;gatifs de la sorcellerie sont analys&eacute;s comme ayant une fonction dans la soci&eacute;t&eacute;. Dans les faits, la sorcellerie en elle-m&ecirc;me, en dehors des infractions auxquelles elle donne lieu et que nous avons pr&eacute;c&eacute;demment &eacute;voqu&eacute;, impacte n&eacute;gativement la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>Marc Aug&eacute; critique ces th&eacute;ories fonctionnalistes de la sorcellerie &eacute;labor&eacute;es principalement par les auteurs anglo-saxons (Aug&eacute;, 1974, 53). Sans &ecirc;tre fausses, elles risquent de redoubler purement et simplement le discours des savants locaux, de reproduire ce qu&rsquo;elles doivent pr&eacute;cis&eacute;ment expliquer. Le discours local peut induire en erreur quand, par exemple, on affirme que la sorcellerie vise &agrave; &eacute;liminer les surplus de richesse et de pouvoir dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle<a href="#sdfootnote22sym" name="sdfootnote22anc">22</a>. Marc Aug&eacute; pr&eacute;conise que le ph&eacute;nom&egrave;ne de la sorcellerie soit envisag&eacute; non seulement comme th&eacute;orie, mais aussi comme pratique si on veut rendre compte de mani&egrave;re plus satisfaisante de sa r&eacute;alit&eacute; sociologique (Metogo, 1997, 63). Cette critique vient &agrave; point car les th&eacute;ories fonctionnelles ne font que th&eacute;oriser le ph&eacute;nom&egrave;ne de la sorcellerie, le pr&eacute;sentant comme une image et une repr&eacute;sentation de la soci&eacute;t&eacute;, ce qui am&egrave;ne parfois &agrave; &ecirc;tre dubitatif par rapport &agrave; la sorcellerie et &agrave; se demander si elle existe vraiment. En effet, ce n&rsquo;est pas parce qu&rsquo;on ignore une chose qu&rsquo;elle n&rsquo;existe pas. Il faut donc &ecirc;tre prudent et circonspect, se garder d&rsquo;une cr&eacute;dulit&eacute; na&iuml;ve mais en m&ecirc;me temps admettre &agrave; titre d&rsquo;hypoth&egrave;se les explications rendant compte de ph&eacute;nom&egrave;nes qui nous d&eacute;passent.</p> <p>Dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle, la croyance en la sorcellerie comme th&eacute;orie et pratique ne pose pas grande difficult&eacute; car sur la base de crit&egrave;res subjectifs<a href="#sdfootnote23sym" name="sdfootnote23anc">23</a> un bouc &eacute;missaire est assez vite d&eacute;gag&eacute; pour le r&eacute;tablissement de l&rsquo;ordre au sein de la soci&eacute;t&eacute;. Dans le contexte contemporain qui est celui de la vie &eacute;conomique et de la production, la survivance de la sorcellerie de m&ecirc;me que l&rsquo;imbrication de la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle et de la vie moderne rendent beaucoup plus pratique et plus r&eacute;elle l&rsquo;&eacute;tude de la sorcellerie. En effet, on retrouve au sein de la soci&eacute;t&eacute; contemporaine les m&ecirc;mes craintes et interpr&eacute;tations de la sorcellerie que dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle. En effet, lorsqu&#39;ils &eacute;chouent &agrave; un examen ou &agrave; un concours de mani&egrave;re r&eacute;p&eacute;titive, lorsqu&#39;ils sont licenci&eacute;s ou qu&#39;ils ne trouvent pas de travail, lorsque les activit&eacute;s entreprises prosp&egrave;rent difficilement, lorsqu&#39;ils n&#39;arrivent pas &agrave; procr&eacute;er, ils imaginent que c&#39;est l&#39;&oelig;uvre d&#39;un oncle, d&#39;une tante, d&#39;un p&egrave;re ou d&#39;une m&egrave;re, d&#39;un voisin ou d&#39;un ami qui pratique des rites de sorcellerie et qui leur bloque le chemin chaque fois qu&#39;ils cherchent &agrave; construire leur vie. Il faut noter ici que la pr&eacute;gnance de ces sch&egrave;mes socioculturels est si forte que m&ecirc;me les g&eacute;n&eacute;rations form&eacute;es &agrave; la rationalit&eacute; occidentale les utilisent pour interpr&eacute;ter leur trajectoire sociale (Mengue, 2005, 137). Les t&eacute;moignages suivants tir&eacute;s de diverses enqu&ecirc;tes donnent une id&eacute;e de la pesanteur toujours paralysante de la sorcellerie<a href="#sdfootnote24sym" name="sdfootnote24anc">24</a>.</p> <p>Pour Beno&icirc;t, un lyc&eacute;en camerounais de seize ans, la sorcellerie, c&#39;est la vente des hommes. Il explique&nbsp;: &laquo; la sorcellerie est une sorte de tontine. Quand tu prends, tu dois aussi donner. Moi-m&ecirc;me j&#39;ai &eacute;t&eacute; victime, mon fr&egrave;re a voulu me vendre pour s&#39;enrichir, il n&#39;a pas r&eacute;ussi. Ce que j&#39;ai v&eacute;cu, m&ecirc;me si je ne peux le d&eacute;montrer, me pousse &agrave; dire que la sorcellerie existe&nbsp;&raquo; (Mengue, 2005, 137).</p> <p>Jo&euml;lle qui est de la m&ecirc;me nationalit&eacute;, coiffeuse et &acirc;g&eacute;e de 26 ans affirme que : &laquo;&nbsp;la sorcellerie existe m&ecirc;me si on ne sait pas trop comment elle se pratique. On voit comment les jeunes meurent bizarrement. Ma s&oelig;ur est morte apr&egrave;s trois jours de maladie, je sais qu&#39;elle a &eacute;t&eacute; tu&eacute;e par quelqu&#39;un de la famille, parce qu&#39;elle &eacute;tait une femme solide, vaillante, elle se battait. Elle voulait construire une maison, elle avait d&eacute;j&agrave; achet&eacute; le mat&eacute;riel, tout &eacute;tait pr&ecirc;t et elle est morte. Le village, c&#39;est le monde des sorciers, &ccedil;a ne vaut pas la peine d&#39;aller l&agrave;-bas. Mes activit&eacute;s ne marchent pas bien et j&#39;ai peur de vivre la m&ecirc;me chose que ma s&oelig;ur&nbsp;&raquo; (Mengue, 2005, 137).</p> <p>Telle est l&rsquo;opinion d&rsquo;une jeunesse sur qui p&egrave;se la hantise de la sorcellerie. Son pouvoir va plus loin et est pr&eacute;sent dans les hautes sph&egrave;res de l&rsquo;administration politique, administrative et judiciaire de presque tous les pays africains. Comme l&rsquo;affirmait Florence Bernault et Joseph Tonda&nbsp;: &laquo;&nbsp;rumeurs de meurtres diaboliques, politiciens accus&eacute;s d&rsquo;utiliser les associations secr&egrave;tes et &laquo;&nbsp;m&eacute;dicaments&nbsp;&raquo; pour assurer leur succ&egrave;s, psychoses urbaines, d&rsquo;enl&egrave;vements d&rsquo;enfants ou de jeunes femmes victimes de d&eacute;membrement rituels, conflits domestiques et de voisinage recourant aux accusations de sorcellerie&nbsp;: il n&rsquo;est pas de conversation, d&rsquo;&eacute;mission de radio ou de presse populaire en Afrique qui ne se fasse aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&eacute;cho de peurs et de convoitises li&eacute;es &agrave; la magie, la sorcellerie et la violence quotidienne des forces occultes&nbsp;&raquo; (Bernault et Tonda, 2000, 5&nbsp;; Henry et Kadya Tall, 2008). Il ne fait en effet aucun doute que les hommes politiques africains font appel &agrave; des sorciers et des marabouts<a href="#sdfootnote25sym" name="sdfootnote25anc">25</a> pour se hisser au pouvoir ou pour s&rsquo;y maintenir. Des cas r&eacute;cents tels que celui du marabout de K&eacute;r&eacute;kou au B&eacute;nin et du marabout Bonkano au Niger en sont des illustrations (Buijtenhuij, 1995, 134).</p> <p>Partag&eacute;es entre l&rsquo;affirmation de soi et la confirmation de la d&eacute;tention d&rsquo;un savoir et d&rsquo;une connaissance ancestrale et historique, ces pratiques traditionnelles perdurent en d&eacute;pit de l&rsquo;&eacute;volution technique, technologique et g&eacute;opolitique, sans qu&rsquo;il soit fait d&rsquo;effort de clarification dans les faits et dans l&rsquo;usage. Le malaise est profond et l&rsquo;ambivalence de la notion de sorcellerie causent l&rsquo;amalgame tant dans la th&eacute;orie que dans la pratique et dans son poids au quotidien. C&rsquo;est en termes de violence de l&rsquo;imaginaire (Tonda, 2008, 325) sur la r&eacute;alit&eacute; que se traduit le plus grave impact de la sorcellerie car en d&eacute;pit de l&rsquo;&eacute;tat des technologies, tout est d&rsquo;abord reli&eacute; au surnaturel.</p> <p>Encore pr&eacute;sente de nos jours dans la soci&eacute;t&eacute; moderne ou traditionnelle, la sorcellerie coexiste avec des ph&eacute;nom&egrave;nes qui innocemment ou par ignorance sont qualifi&eacute;s de sorcellerie par emprunt.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>B. L&rsquo;omnipr&eacute;sence de ph&eacute;nom&egrave;nes assimilables &agrave; la sorcellerie</h3> <p>Il existe un grand nombre de pratiques r&eacute;elles ou suppos&eacute;es, intimement li&eacute;es &agrave; la sorcellerie et dont la compr&eacute;hension ne se fait que par r&eacute;f&eacute;rence &agrave; elle. Certaines de ces pratiques comportent les m&ecirc;mes &eacute;l&eacute;ments que ceux rencontr&eacute;s dans la sorcellerie avec pour finalit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;antidote de la sorcellerie. Il s&rsquo;agit notamment des activit&eacute;s exerc&eacute;es par le f&eacute;ticheur, le devin, le m&eacute;dium, ou encore, pour emprunter &agrave; l&rsquo;appellation locale, le bok&ocirc;non<a href="#sdfootnote26sym" name="sdfootnote26anc">26</a>. D&rsquo;autres pratiques, sans recourir directement aux &eacute;l&eacute;ments de la sorcellerie, produisent des m&eacute;faits dont le caract&egrave;re sadique, barbare et &eacute;sot&eacute;rique laisse croire &agrave; un acte de sorcellerie alors qu&rsquo;un examen attentif les en &eacute;loigne. Contrairement &agrave; Maryse Raynal qui les rattache &agrave; la sorcellerie, il est pr&eacute;f&eacute;rable d&rsquo;&eacute;tablir une nuance qui permettra &agrave; long terme au droit p&eacute;nal de mieux saisir ces ph&eacute;nom&egrave;nes afin d&rsquo;y apporter une r&eacute;ponse. Toutefois, de tous ces ph&eacute;nom&egrave;nes assimilables &agrave; la sorcellerie, ne seront &eacute;voqu&eacute;es d&rsquo;une part, que les pratiques antidotiques &agrave; la sorcellerie (1) et, d&rsquo;autre part, que les pratiques &eacute;sot&eacute;riques de soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes d&rsquo;hommes-animaux (2).</p> <p>&nbsp;</p> <h4>1. Les pratiques antidotiques &agrave; la sorcellerie</h4> <p>L&rsquo;une des caract&eacute;ristiques de la sorcellerie est qu&rsquo;au fond, il est difficile de la distinguer de la magie, l&rsquo;une et l&rsquo;autre &eacute;tant ambivalentes. Ce sont les m&ecirc;mes forces qui peuvent &ecirc;tre usit&eacute;es pour faire le bien et pour faire le mal m&ecirc;me si la facult&eacute; de ma&icirc;triser la face nocturne du monde (HENRY, 2008, 102) n&rsquo;est pas donn&eacute;e &agrave; tout un chacun. Ainsi, dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;on a recours aux m&ecirc;mes forces, l&rsquo;expression sorcellerie est utilis&eacute;e indiff&eacute;remment du r&eacute;sultat de l&rsquo;action. Cela cr&eacute;e une confusion qu&rsquo;il s&rsquo;av&egrave;re aujourd&rsquo;hui n&eacute;cessaire de dissiper en distinguant en fonction du r&eacute;sultat de l&rsquo;action le qualificatif &agrave; attribuer et qui soit autre que celui de sorcellerie puisque l&rsquo;on s&rsquo;accorde pour affirmer que la notion implique une intention nuisible. Cette clarification ne se fait que sur la base des pratiques d&eacute;j&agrave; existantes et qu&rsquo;il importe de traiter en abordant successivement le f&eacute;tichisme (a) et la divination (b).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. Le f&eacute;tichisme</h5> <p>La confusion tient en grande partie &agrave; la tendance qu&rsquo;ont eue les missionnaires &agrave; rejeter toutes les pratiques endog&egrave;nes d&rsquo;alors, associant tout ce qui &eacute;tait pa&iuml;en &agrave; leurs yeux au d&eacute;mon. Une telle situation s&rsquo;explique par le z&egrave;le que ces missionnaires ont toujours d&eacute;ploy&eacute; pour amener les populations africaines &agrave; une autre philosophie (Van Nieuwaal, 1989, 445). C&rsquo;est le lieu d&rsquo;insister sur le fait qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une vision &eacute;triqu&eacute;e qui malheureusement s&rsquo;est &eacute;tendue &agrave; la recherche scientifique<a href="#sdfootnote27sym" name="sdfootnote27anc">27</a>. Il est admis par tous les auteurs que le sorcier agit toujours en mal et notre propos pr&eacute;c&eacute;dent tend &agrave; le prouver en relevant les infractions auxquelles peuvent aboutir les agissements du sorcier.</p> <p>A partir du moment o&ugrave; le sorcier entre en action par le moyen de ses forces occultes, les r&eacute;percussions ne se font pas attendre sur la personne attaqu&eacute;e. L&rsquo;une des explications de la sorcellerie comme exutoire de tous les maux au sein de la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle, m&ecirc;me les plus normaux pour une soci&eacute;t&eacute; moderne et industrialis&eacute;e, se trouve ainsi justifi&eacute;e. Mais les cons&eacute;quences de la sorcellerie sur les individus, qu&rsquo;ils appartiennent &agrave; la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle ou moderne, ne changent pas, tout comme l&rsquo;action d&rsquo;un virus ou d&rsquo;une maladie reste indiff&eacute;rente aux crit&egrave;res de race, de nationalit&eacute; et de langue. Pour rappel, le sorcier est capable de causer la mort, des envo&ucirc;tements, des empoisonnements et bien d&rsquo;autres m&eacute;faits. Face &agrave; ces &eacute;l&eacute;ments, &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;identifier le sorcier et lorsque ce dernier ne soigne pas la victime lui-m&ecirc;me<a href="#sdfootnote28sym" name="sdfootnote28anc">28</a>, la soci&eacute;t&eacute; a recours au f&eacute;ticheur dans le but de trouver un antidote &agrave; la sorcellerie. G&eacute;n&eacute;ralement consult&eacute;, le f&eacute;ticheur est un sp&eacute;cialiste qui utilise des f&eacute;tiches. D&#39;apr&egrave;s l&#39;&eacute;tymologie portugaise de ce mot, &laquo;&nbsp;un f&eacute;tiche est un objet fait de main d&#39;homme, ou encore un objet enchant&eacute;, qui concentre en lui un pouvoir particulier et que l&#39;on utilise accompagn&eacute; de paroles sp&eacute;cifiques et d&#39;incantations&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote29sym" name="sdfootnote29anc">29</a>. Albert de Surgy, tout en confirmant l&#39;origine portugaise<a href="#sdfootnote30sym" name="sdfootnote30anc">30</a> du mot, &eacute;tablit un parall&egrave;le qui pr&eacute;cise la notion de f&eacute;tiche et permet une meilleure compr&eacute;hension de notre propos &agrave; propos du f&eacute;ticheur. Il affirme &laquo;&nbsp;qu&#39;il n&#39;y a aucune raison d&#39;appeler f&eacute;tiches des objets pouvant aussi bien, ou encore mieux, recevoir un autre nom : autel, symbole, idole, ic&ocirc;ne, instrument rituel, relique, amulette ou potion magique. Mieux vaut n&#39;appeler ainsi que ceux pour lesquels aucun de ces termes ne para&icirc;t satisfaisant et que l&rsquo;on a donc les plus grandes difficult&eacute;s &agrave; appr&eacute;hender &agrave; l&#39;aide de nos concepts habituels. Or il en va ainsi, sur le littoral du Golfe de Guin&eacute;e, notamment au Sud du Togo, pour un grand nombre d&#39;objets rituellement fabriqu&eacute;s, consacr&eacute;s, puis entretenus selon des r&egrave;gles pr&eacute;cises, dont quiconque peut par achat se procurer une r&eacute;plique. Ils sont destin&eacute;s, non pas &agrave; honorer Dieu et &agrave; s&#39;effacer devant lui, mais &agrave; capter et &agrave; ma&icirc;triser au profit des hommes des forces subtiles ou surnaturelles&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote31sym" name="sdfootnote31anc">31</a>.</p> <p>L&#39;amalgame a longtemps &eacute;t&eacute; fait entre la sorcellerie et le f&eacute;tiche d&#39;o&ugrave; la confusion entre le sorcier et le f&eacute;ticheur. Il faudrait donc lever l&#39;&eacute;quivoque car ils n&#39;ont pas les m&ecirc;mes finalit&eacute;s quand bien m&ecirc;me ils ont recours aux forces occultes. L&#39;un est l&#39;antidote de l&#39;autre et n&#39;est sollicit&eacute; que lorsque le m&eacute;fait du sorcier s&#39;accomplit. Il n&#39;est donc pas surprenant que le f&eacute;ticheur se voit confier de nombreuses t&acirc;ches telles que la d&eacute;tection du sorcier, puis la composition et la proposition du rem&egrave;de. Le f&eacute;ticheur intervient donc pour d&eacute;celer et agir contre la sorcellerie et contre les infractions qu&#39;elle engendre.</p> <p>La question de l&#39;origine des pouvoirs du f&eacute;ticheur est &eacute;clair&eacute;e par le t&eacute;moignage d&rsquo;un f&eacute;ticheur : &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai appris ces choses-l&agrave; de moi-m&ecirc;me, de mon propre esprit. Si Dieu vous donne quelque chose, il vous l&rsquo;a donn&eacute;&hellip; Un ma&icirc;tre peut donner certains secrets &agrave; ses &eacute;l&egrave;ves, mais pas tous<a href="#sdfootnote32sym" name="sdfootnote32anc">32</a>. En ce moment j&rsquo;ai deux &eacute;l&egrave;ves. S&rsquo;ils travaillent bien, je leur donnerai trois secrets avec lesquels ils pourront travailler toute leur vie. C&rsquo;est le devoir du ma&icirc;tre de les laisser partir avec ces secrets-l&agrave;. Mais s&rsquo;ils ne fichent rien, je ne leur donnerai rien. Lorsque je les aurai laiss&eacute;s partir, ils pourront &eacute;ventuellement revenir me voir pour apprendre telle ou telle nouveaut&eacute;&hellip;</p> <p>&laquo;&nbsp;Mon p&egrave;re &eacute;tait gu&eacute;risseur. Son p&egrave;re, lui aussi, faisait ce travail, ainsi que le p&egrave;re de sa m&egrave;re. Quand on na&icirc;t dans ce milieu, on apprend petit &agrave; petit. Les adultes ne vous disent rien, ils ne vous montrent pas le chemin, &agrave; vous de voir comment ils font ces choses-l&agrave;. M&ecirc;me &agrave; mes propres enfants, je ne leur apprendrai rien, &agrave; eux de voir comment je travaille&nbsp;; le jour o&ugrave; ils vont s&rsquo;y int&eacute;resser, ils vont comprendre. On ne sait bien que ce que l&rsquo;on a appris dans l&rsquo;enfance&nbsp;: vous, vous &ecirc;tes des blancs, vous &eacute;crivez. Si on envoie &agrave; l&rsquo;&eacute;cole un enfant blanc et un enfant noir, le blanc r&eacute;ussira mieux que l&rsquo;enfant noir, parce que, l&rsquo;&eacute;criture, il la tient de ses parents &raquo; (Bastien, 1998, 34).</p> <p>Le caract&egrave;re h&eacute;r&eacute;ditaire de la connaissance en ce domaine de m&ecirc;me que sa provenance divine confirment le caract&egrave;re surnaturel de l&rsquo;activit&eacute; qui, pour un observateur ath&eacute;e et cart&eacute;sien n&rsquo;y verra que l&rsquo;effet des plantes ou des potions utilis&eacute;es. Ce t&eacute;moignage laisse transpara&icirc;tre in fine le caract&egrave;re oral et secret<a href="#sdfootnote33sym" name="sdfootnote33anc">33</a> de la transmission des connaissances.</p> <p>Consult&eacute;s sur beaucoup de questions et souvent assimil&eacute;s &agrave; tort &agrave; des sorciers, les f&eacute;ticheurs ne sont pas les seuls &agrave; &oelig;uvrer dans la d&eacute;tection des sorciers.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. La divination</h5> <p>Lorsqu&rsquo;il s&#39;agit de voir clair dans une situation myst&eacute;rieuse ou &agrave; venir, ni le sorcier ni le f&eacute;ticheur ne sont comp&eacute;tents. Entrent en jeu le devin, le voyant, le m&eacute;dium ou encore l&rsquo;oracle, chacun d&rsquo;eux utilisant des techniques qui leur sont propres pour tenter de parvenir au m&ecirc;me r&eacute;sultat.</p> <p>Vertu salvatrice pour la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle, la divination pratiqu&eacute;e par le devin supprime tout doute et tout facteur de d&eacute;sordre (Raynal, 1994, 138). Elle donne lieu &agrave; de nombreuses pratiques et cat&eacute;gorisations qu&rsquo;il faut clarifier. Ces pratiques trouvent facilement refuge &agrave; tort sous le vocable de religion endog&egrave;ne. Or, la r&eacute;pression p&eacute;nale de ces pratiques n&eacute;cessite qu&rsquo;elles soient dissoci&eacute;es de la religion.</p> <p>Au B&eacute;nin, l&rsquo;art de la divination est tr&egrave;s connu dans toutes les r&eacute;gions du pays, mais sa pratique d&eacute;pend des cultures et des ethnies. La pratique la plus &eacute;tudi&eacute;e par les anthropologues est celle du Fa<a href="#sdfootnote34sym" name="sdfootnote34anc">34</a>. Il est consult&eacute; pour plusieurs raisons. La plus caract&eacute;ristique r&eacute;side dans la peur et la frustration que l&rsquo;homme &eacute;prouve de l&rsquo;inconnu. Il est en cons&eacute;quence toujours port&eacute; &agrave; s&rsquo;interroger sur ce que l&rsquo;avenir lui r&eacute;serve. Le devin est pour lui un moyen de trouver quelque r&eacute;ponse &agrave; ses craintes et d&rsquo;estomper ses doutes. Le devin intervient donc pour rechercher la cause du mal et d&eacute;tecter si l&rsquo;origine de tel ou tel &eacute;v&eacute;nement est le fait d&rsquo;un sorcier ou non.</p> <p>Plusieurs techniques sont utilis&eacute;es pour proc&eacute;der &agrave; la divination (Kuntz, 1932, t. 2, fasc. 2, 133&nbsp;; Hounwanou, 1984, 165). Les enseignements, les interpr&eacute;tations et les formulations dispens&eacute;es sont quelquefois oppos&eacute;s, contradictoires et parfois compl&eacute;mentaires mais ont toujours un fond commun&nbsp;: la liturgie, les rituels et le c&eacute;r&eacute;monial (Hounwanou, 1984, 165).</p> <p>A la suite de son &eacute;tude sur la place du devin chez les Zand&eacute;s, Evans-Pritchard constate qu&rsquo;aux yeux des Zand&eacute;s, le devin n&rsquo;est pas le seul d&eacute;pisteur de sorciers, ni le plus digne de confiance. Apr&egrave;s l&rsquo;avoir consult&eacute;, on v&eacute;rifie ses r&eacute;ponses en consultant un oracle qui, lui, op&egrave;re imm&eacute;diatement. En effet, le devin est un sp&eacute;cialiste sollicit&eacute; occasionnellement et qui a pour t&acirc;che de d&eacute;couvrir les agissements des sorciers dans le voisinage et de les prot&eacute;ger contre eux (Evans-Pritchard, 1972, 253). Etant donn&eacute; que le f&eacute;ticheur peut faire &oelig;uvre de devin &eacute;galement en recourant aux m&ecirc;mes techniques qu&rsquo;un devin et que les conclusions du devin peuvent &ecirc;tre mises en doute, il se pose le probl&egrave;me de la cr&eacute;dibilit&eacute; et de la bonne foi de ce dernier car le f&eacute;ticheur et le devin jouent un r&ocirc;le primordial dans les proc&eacute;dures impliquant la sorcellerie.</p> <p>Une telle situation est li&eacute;e au fait que le devin est un membre de la communaut&eacute; et le caract&egrave;re souvent public des divinations le met en danger dans la mesure o&ugrave; il n&rsquo;est pas &agrave; l&rsquo;abri des attaques du sorcier. Il pourrait donc &ecirc;tre oblig&eacute; de modifier son verdict s&rsquo;il se rend compte que le coupable est plus puissant que lui ou encore s&rsquo;il est l&rsquo;objet de menaces physiques comme le montre le cas narr&eacute; par Evans-Pritchard o&ugrave;, lors d&rsquo;une s&eacute;ance de divination, la personne accus&eacute;e, loin de s&rsquo;&eacute;mouvoir, se leva et mena&ccedil;a le devin d&rsquo;un couteau&nbsp;; ce que voyant le devin se remit &agrave; danser avant de donner une r&eacute;ponse diff&eacute;rente. Plus tard dans l&rsquo;intimit&eacute;, le devin affirma que l&rsquo;attitude de l&rsquo;homme &eacute;tait une preuve de culpabilit&eacute;.</p> <p>Dans un tel contexte, plusieurs autres pratiques li&eacute;es &agrave; la consultation et &agrave; la communication avec les esprits sont sollicit&eacute;es afin de certifier l&rsquo;exactitude de la r&eacute;ponse du devin. Il s&rsquo;agit du m&eacute;dium ou de l&rsquo;oracle qui semble le mieux indiqu&eacute;. Cependant il faut noter que dans les faits, aucun de ces mots n&rsquo;est employ&eacute; et toutes ces pratiques rel&egrave;vent d&rsquo;un langage et d&rsquo;une symbolique dont seules les personnes concern&eacute;es par l&rsquo;affaire ont la compr&eacute;hension.</p> <h3>&nbsp;</h3> <h3>B. Les pratiques &eacute;sot&eacute;riques des soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes d&rsquo;hommes-animaux</h3> <p>Dans certaines r&eacute;gions, la sorcellerie est li&eacute;e au pouvoir politique. De ce fait, certains empoisonnements criminels et certains meurtres perp&eacute;tr&eacute;s par des soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes dans des syst&egrave;mes politiques o&ugrave; il n&rsquo;y a pas de prison sont mis au compte de la sorcellerie. Ces soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes s&rsquo;organisent en diff&eacute;rents groupes que sont par exemple les &laquo;&nbsp;hommes-animaux&nbsp;&raquo; d&rsquo;une part (1) les anthropophages d&rsquo;autre part&nbsp;(2).</p> <p>&nbsp;</p> <h4>1. Les m&eacute;tamorphoses d&rsquo;hommes-animaux</h4> <p>D&rsquo;origine tr&egrave;s mal connue, les soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes d&rsquo;hommes-animaux sont tr&egrave;s diverses en Afrique centrale, r&eacute;gion o&ugrave; elles sont le plus connues (Raynal, 1994, 150&nbsp;; Robert, 1976). L&rsquo;on pourrait les confondre avec le ph&eacute;nom&egrave;ne de m&eacute;tamorphose rencontr&eacute; dans toutes les r&eacute;gions o&ugrave; il y a sorcellerie.</p> <p>Mais on peut dresser la liste de confr&eacute;ries d&rsquo;hommes-animaux suivants : les hommes-lions, les hommes-panth&egrave;res, les hommes-l&eacute;opard, les hommes-ca&iuml;mans. Le principe de leur mode de fonctionnement a priori est simple. Il s&rsquo;agit d&rsquo;humains qui, au prix d&rsquo;un rite d&rsquo;initiation et de formation, sont appel&eacute;s &agrave; ex&eacute;cuter des forfaits mimant l&rsquo;animal dont ils sont l&rsquo;incarnation. C&rsquo;est en effet apr&egrave;s les rites de passage de l&rsquo;adolescence &agrave; l&rsquo;&acirc;ge adulte que la s&eacute;lection des membres de la confr&eacute;rie se fait. Pendant la p&eacute;riode de formation, les nouvelles recrues doivent obligatoirement passer certaines &eacute;preuves. Le postulant doit subir de terribles &eacute;preuves en vue d&rsquo;&eacute;prouver son courage, ses qualit&eacute;s, sa discr&eacute;tion et pour s&rsquo;assurer de sa fid&eacute;lit&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; la mort. Le n&eacute;ophyte doit commettre l&rsquo;assassinat d&rsquo;un proche parent (Joset, 1955, 177). Il doit ensuite s&rsquo;atteler &agrave; perfectionner sa m&eacute;thode au point de parvenir &agrave; imiter les mouvements de l&rsquo;animal dans ses d&eacute;placements, dans son mode op&eacute;ratoire d&rsquo;attaque. Ainsi, lorsqu&rsquo;il accomplira ses forfaits, l&rsquo;animal dont il est cens&eacute; &ecirc;tre l&rsquo;incarnation sera soup&ccedil;onn&eacute; et le lien sera tr&egrave;s vite fait avec le sorcier. Le choix du symbole de l&eacute;opard, de lion ou encore de ca&iuml;man, justifi&eacute; par la lycanthropie ou l&rsquo;apprivoisement par certains auteurs (Hutton, 1920, 41-51&nbsp;; Anderson, 1938, 374-379), fait ressurgir la question des m&eacute;tamorphoses. Mais elle est vite r&eacute;gl&eacute;e dans le cas des soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes car cette th&egrave;se est r&eacute;fut&eacute;e par Paul-Ernest Joset selon qui &laquo;&nbsp;les fauves existent quasiment partout en Afrique et ils sont g&eacute;n&eacute;ralement mangeurs d&rsquo;hommes. Il &eacute;tait d&egrave;s lors facile d&rsquo;attribuer la mort d&rsquo;un individu &agrave; l&rsquo;un quelconque des fauves suivant la r&eacute;gion&nbsp;&raquo; (Joset, 1955, 178). Or, les infractions que perp&egrave;trent les confr&eacute;ries d&rsquo;hommes-animaux sont vari&eacute;es. Leurs membres s&rsquo;adonnent principalement au vol ou au rapt suivi du meurtre de la personne enlev&eacute;e. Plus rarement, ils tuent des personnes isol&eacute;es sans qu&rsquo;il y ait rapt auparavant&nbsp;: une femme va chercher de l&rsquo;eau au ruisseau, se fait attaquer par un homme-lion<a href="#sdfootnote35sym" name="sdfootnote35anc">35</a>. Ne la voyant pas revenir les gens du village vont &agrave; sa recherche et la trouvent, la gorge ouverte, le corps labour&eacute; par des griffes, les yeux arrach&eacute;s. Les vols portent g&eacute;n&eacute;ralement sur des animaux domestiques destin&eacute;s &agrave; des sacrifices offerts &agrave; l&rsquo;animal totem (Raynal, 1994, 152).</p> <p>L&rsquo;existence des soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes n&rsquo;est plus &agrave; d&eacute;montrer. La preuve de leurs crimes est &eacute;vidente. Leurs membres commettent de tr&egrave;s nombreux crimes sur les populations sans d&eacute;fense, et sur des &ecirc;tres naturellement faibles notamment les femmes, les enfants et les vieillards. Mais ces soci&eacute;t&eacute;s connaissent n&eacute;anmoins une &eacute;volution, sinon un d&eacute;clin, avec l&rsquo;arriv&eacute;e des Europ&eacute;ens en Afrique. C&rsquo;est un facteur qui a permis de d&eacute;tacher les crimes du fondement primitif magico-religieux des soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes. Initialement per&ccedil;ues comme la r&eacute;action de la d&eacute;fense noire &agrave; l&rsquo;endroit de la puissance du conqu&eacute;rant blanc, ces soci&eacute;t&eacute;s se transforment en de v&eacute;ritables organisations criminelles au service des vengeances individuelles, et au profit de quelques notables influents afin de semer la terreur parmi les populations.</p> <p>Les actes criminels de ces soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes d&rsquo;hommes-animaux ne se limitent pas uniquement aux besoins du groupe. Il leur arrive de commettre des forfaits pour le compte d&rsquo;une autre personne. D&rsquo;apr&egrave;s un t&eacute;moignage recueilli sur les hommes-ca&iuml;mans, ces derniers peuvent agir sur commande. Ainsi, un individu qui veut en tuer un autre par vengeance ira trouver un homme-ca&iuml;man connu dans le village ou le quartier afin de lui demander d&rsquo;agir &agrave; sa place contre r&eacute;mun&eacute;ration. Une fois le march&eacute; conclu, l&rsquo;homme ca&iuml;man attire la victime &agrave; la rivi&egrave;re au moyen d&rsquo;un sortil&egrave;ge pr&eacute;par&eacute; &agrave; cet effet. La victime une fois dans l&rsquo;eau se fait attaquer par les hommes-ca&iuml;mans qui l&rsquo;entra&icirc;nent dans un lieu qu&rsquo;ils sont seuls &agrave; conna&icirc;tre o&ugrave; ils le ligotent et le tuent. Il arrive que le corps soit mis en lambeaux et ses parties charg&eacute;es de valeur symbolique sont mang&eacute;es (Raynal, 1994, 154). Ce meurtre aggrav&eacute; s&rsquo;accompagne de surcro&icirc;t d&rsquo;anthropophagie.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>2. L&rsquo;anthropophagie</h4> <p>L&rsquo;instinct de conservation a contraint les humains en certaines circonstances &agrave; recourir &agrave; l&rsquo;anthropophagie, pratique qui consiste &agrave; manger de la chair humaine<a href="#sdfootnote36sym" name="sdfootnote36anc">36</a>.</p> <p>Les soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes ci-dessus &eacute;tudi&eacute;es avaient la r&eacute;putation de pratiquer l&rsquo;anthropophagie apr&egrave;s avoir mutil&eacute;, et assassin&eacute; leur victime en simulant comme &agrave; leur habitude l&rsquo;animal. Il est &eacute;vident que par ignorance de ces soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes, les accusations de sorcellerie &eacute;taient le palliatif, quoique la sorcellerie ne f&ucirc;t pas concern&eacute;e. Cependant, afin d&rsquo;am&eacute;liorer leur technique et leur mode op&eacute;ratoire, certaines confr&eacute;ries d&eacute;couvrirent des plantes leur conf&eacute;rant des pouvoir mystiques de transformation (Ognimba, 1989, 64), de m&eacute;tamorphose. Cela cr&eacute;e une confusion avec la pratique initiale des hommes-animaux qui n&rsquo;a rien de mystique au d&eacute;part. C&rsquo;est le facteur mystique qui am&egrave;ne certains auteurs (Ognimba, 1989, 64&nbsp;; Raynal, 1994, 155) &agrave; classer l&rsquo;anthropophagie parmi les infractions mystiques alors qu&rsquo;en r&eacute;alit&eacute; le facteur mystique renvoie plut&ocirc;t &agrave; la m&eacute;tamorphose qui est directement li&eacute;e &agrave; la pratique sorcellaire.</p> <p>Cette clarification faite, il est indispensable de rappeler les circonstances dans lesquelles l&rsquo;anthropophagie a fait parler d&rsquo;elle. Certaines peuplades la pratiquent sans &eacute;tat d&rsquo;&acirc;me, &agrave; d&eacute;couvert, mais aussi en temps de guerre. C&rsquo;est le cas des Niam Niam<a href="#sdfootnote37sym" name="sdfootnote37anc">37</a> au sujet desquels Schweinfurt &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;dans les grandes lignes on peut ranger les Niam Niam parmi les peuplades anthropophages, et, o&ugrave; ils le sont compl&egrave;tement, sans peur et &agrave; toute condition. Les anthropophages se vantent devant tout le monde de leur voracit&eacute;&nbsp;; ils portent ostensiblement les dents de ceux qu&rsquo;ils ont d&eacute;vor&eacute;s, enfil&eacute;es comme des perles &agrave; une ficelle autour du cou. Ils d&eacute;corent les poteaux situ&eacute;s pr&egrave;s de leurs habitations avec les cr&acirc;nes de leurs victimes. De plus, selon un usage courant, la graisse humaine est utilis&eacute;e &agrave; des fins diverses. On attribue &agrave; son emploi en grande partie une action enivrante. En temps de guerre, des gens de tout &acirc;ge &eacute;taient mang&eacute;s, et plus de vieillards que de jeunes, parce qu&rsquo;en cas d&rsquo;attaque leur impuissance en faisait une proie pour les vainqueurs&nbsp;&raquo; (Schweinfurt, 1875, 226 cit&eacute; par Raynal, 1994, 142). Ce r&eacute;cit fait par Schweinfurt est remis en cause par Raymond Colrat de Montrozier qui &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;quoi qu&rsquo;en ait dit Schweinfurt, les A&rsquo;Zand&eacute;s sont peu cannibales&nbsp;; les v&eacute;ritables A&rsquo;Zand&eacute;s ne le sont m&ecirc;me pas. Le savant voyageur a partag&eacute; l&rsquo;erreur des Nubiens, qui appelaient Niams-Niams en g&eacute;n&eacute;ral tous les peuples du bassin congolais. Il n&rsquo;avait du reste parcouru que les confins du pays Zand&eacute;, et il se pourrait que l&rsquo;influence de leurs voisins les Monboutous, par exemple, ait pu d&eacute;terminer ceux du Sud-est&nbsp;&raquo; (Guille-Escuret, 2000, 183-206).</p> <p>Ces consid&eacute;rations permettent de distinguer deux situations&nbsp;: celle o&ugrave; le meurtre est pr&eacute;m&eacute;dit&eacute; et r&eacute;alis&eacute; dans le but de se nourrir de la chair de la victime et celle o&ugrave; le recours &agrave; la chair humaine devient une n&eacute;cessit&eacute; de survie. En ce sens, l&rsquo;anthropophagie appara&icirc;t non comme une infraction mais plut&ocirc;t comme un acte normal de la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle. En effet, et contrairement &agrave; certains r&eacute;cits qui portent &agrave; croire que l&rsquo;anthropophagie est un acte de la vie quotidienne dans les soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles, elle ne se fait qu&rsquo;aux moments forts de l&rsquo;existence du groupe. Il s&rsquo;agit notamment du retour des guerres, du retour des grandes chasses, des f&ecirc;tes donn&eacute;es en l&rsquo;honneur des anc&ecirc;tres, de la mort d&rsquo;un chef ou de pactes d&rsquo;alliance. Il s&rsquo;agit en cons&eacute;quence beaucoup plus de sacrifices que d&rsquo;actes d&eacute;lib&eacute;r&eacute;s. De ce fait, l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une pratique r&eacute;currente de l&rsquo;anthropophagie rel&egrave;ve d&rsquo;un fantasme qu&rsquo;ont voulu entretenir certains auteurs par d&eacute;sir de sup&eacute;riorit&eacute;<a href="#sdfootnote38sym" name="sdfootnote38anc">38</a>, et l&rsquo;assimilation de l&rsquo;anthropophagie &agrave; une infraction li&eacute;e &agrave; la sorcellerie ou encore comme infraction dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle devient discutable voire r&eacute;futable.</p> <p>Plus pr&eacute;sente en Afrique centrale, l&rsquo;anthropophagie ne s&rsquo;y limite cependant pas. Elle s&rsquo;&eacute;tend en Afrique de l&rsquo;ouest, notamment au Dahomey o&ugrave; elle est rituelle. En effet, l&rsquo;intronisation d&rsquo;un nouveau roi donne lieu &agrave; anthropophagie car le nouveau roi se trouve dans l&rsquo;obligation de consommer l&rsquo;organe du go&ucirc;t de son pr&eacute;d&eacute;cesseur. Cette pratique est toujours d&rsquo;usage dans certaines royaut&eacute;s du B&eacute;nin (Iroko, 2008-2009).</p> <p>Si l&rsquo;on fait une r&eacute;capitulation des r&eacute;cits, en majorit&eacute; subjectifs, sur la question et l&rsquo;effectivit&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne attribu&eacute; &agrave; tort aux sorciers, il ressort &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence que les soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles ne sont pas syst&eacute;matiquement cannibales. Ensuite le cannibalisme n&rsquo;est pas le fait des sorciers et, partant de l&agrave;, il est la plupart du temps symbolique. Sa signification souvent occult&eacute;e par les auteurs peu soucieux de la valorisation de la culture et du fond de l&rsquo;histoire indig&egrave;ne r&eacute;side dans le maintien et la restauration des forces vitales du groupe. Enfin, l&rsquo;&eacute;riger syst&eacute;matiquement en infraction est erron&eacute; dans un tel contexte.</p> <p>Au-del&agrave; de l&rsquo;appr&eacute;hension sociale du ph&eacute;nom&egrave;ne sorcellaire et des pratiques connexes, se pose la question de leur contr&ocirc;le par le droit.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>II. Des pratiques juridiquement appr&eacute;hendables</h2> <p>L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du droit pour la sorcellerie co&iuml;ncide avec sa naissance car, loin d&rsquo;&ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme un ph&eacute;nom&egrave;ne ridicule ou tout au plus bon &agrave; pr&eacute;texte litt&eacute;raire ou artistique, la r&eacute;alit&eacute; de la sorcellerie s&rsquo;affirme d&rsquo;une mani&egrave;re affreuse en Europe dans le ch&acirc;timent des sorciers. Les b&ucirc;chers flambants ont couvert l&rsquo;Europe, et les proc&eacute;dures innombrables se sont entass&eacute;es dans les archives (Palou, 1957, 4.).</p> <p>Bien qu&rsquo;il soit difficile de dire avec exactitude comment les sorciers &eacute;taient trait&eacute;s jadis en Afrique, il est logique de penser que leur sort &eacute;tait fonction du degr&eacute; du ressentiment de la population &agrave; leur &eacute;gard. Seuls des &eacute;v&eacute;nements assez catastrophiques pour le groupe pouvaient entra&icirc;ner la mise &agrave; mort du sorcier. En effet, la croyance en la sorcellerie fait partie intrins&egrave;que des id&eacute;es morales et religieuses et on ne doit la consid&eacute;rer ni comme une d&eacute;viation ni comme un domaine &agrave; part. Elle constitue, il est vrai, le c&ocirc;t&eacute; magique d&rsquo;un complexe magico-religieux. En un sens, elle ne figure pas parmi les actes que peuvent punir les gardiens de l&rsquo;ordre moral. N&eacute;anmoins, la condamnation de la sorcellerie fait partie du code moral. Elle est d&eacute;sapprouv&eacute;e comme une mani&egrave;re sournoise de r&eacute;gler des comptes avec ses ennemis, tandis qu&rsquo;une r&eacute;action physique directe devant une injure n&rsquo;est pas condamnable en soi. La sorcellerie est trait&eacute;e diff&eacute;remment des autres crimes parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un d&eacute;lit qu&rsquo;on ne peut d&eacute;tecter par des moyens normaux (Mair, 1969, 181).</p> <p>D&egrave;s le d&eacute;part la r&eacute;pression de ces pratiques par la soci&eacute;t&eacute; quelle qu&rsquo;elle soit, pose un v&eacute;ritable probl&egrave;me tant dans la reconnaissance de l&rsquo;infraction que de l&rsquo;identification de l&rsquo;auteur et de la recherche des preuves. A ce propos, l&rsquo;Europe constitue un bon exemple de la gestion sociale de la sorcellerie, nous nous focaliserons plut&ocirc;t sur la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle <a href="#sdfootnote39sym" name="sdfootnote39anc">39</a> dans la criminalisation de la sorcellerie d&rsquo;une part (A) et de la r&eacute;manence du ph&eacute;nom&egrave;ne dans le droit moderne d&rsquo;autre part&nbsp;(B).</p> <p>&nbsp;</p> <h3>A. L&rsquo;incrimination de la sorcellerie dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle</h3> <p>Juridiquement la sorcellerie est rest&eacute;e une infraction p&eacute;nale en France jusqu&rsquo;au terme de l&rsquo;Ancien r&eacute;gime qui offre le syst&egrave;me le plus complexe de sources du droit qu&rsquo;ait connu l&rsquo;occident (Chassaing, 1997). En d&eacute;pit des diff&eacute;rences que peuvent pr&eacute;senter les syst&egrave;mes juridiques occidentaux et africains &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, les mentalit&eacute;s traditionnelles et les croyances de ces soci&eacute;t&eacute;s entra&icirc;nent des r&eacute;actions similaires.</p> <p>En r&eacute;alit&eacute;, c&rsquo;est en proie aux m&ecirc;mes craintes &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la sorcellerie que les luttes ont &eacute;t&eacute; men&eacute;es contre ce ph&eacute;nom&egrave;ne dans toutes les soci&eacute;t&eacute;s toutes les fois o&ugrave; elle troublait profond&eacute;ment l&rsquo;ordre du groupe. Cette lutte prend tr&egrave;s t&ocirc;t la forme d&rsquo;une r&eacute;pression sanglante et c&rsquo;est la jurisprudence qui permet d&rsquo;&eacute;tablir le degr&eacute; de juridicit&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne d&egrave;s le Moyen Age. Pendant des si&egrave;cles en effet, les juges en France condamnent des milliers de personnes au b&ucirc;cher. Ce qui caract&eacute;rise ces condamnations comme celle de l&rsquo;Afrique traditionnelle, c&rsquo;est la violence des accusations et l&rsquo;arbitraire avec lequel les proc&eacute;dures sont men&eacute;es. Mais en ce qui concerne la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle africaine, deux &eacute;poques sont &agrave; distinguer&nbsp;: avant&nbsp;(1) et pendant (2) la colonisation.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>1. L&rsquo;incrimination de la sorcellerie avant la colonisation</h4> <p>L&rsquo;incrimination de la sorcellerie avant la colonisation proc&egrave;de de la chasse aux sorci&egrave;res. In&eacute;galement r&eacute;partie &agrave; travers le royaume de France, mais partout florissante, elle s&rsquo;&eacute;tend du XVe si&egrave;cle au d&eacute;but du XVIIe si&egrave;cle<a href="#sdfootnote40sym" name="sdfootnote40anc">40</a>. Vers 1550-1570, l&rsquo;attitude de l&rsquo;Eglise vis-&agrave;-vis de la sorcellerie &eacute;volue brusquement et une v&eacute;ritable rage de la pers&eacute;cution anime les juges eccl&eacute;siastiques et la&iuml;ques en Europe (Muchembled, 1973, 264-284). La sorci&egrave;re devient alors le bouc &eacute;missaire charg&eacute; de tous les p&eacute;ch&eacute;s. La m&ecirc;me mentalit&eacute; pr&eacute;vaut dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle africaine et se manifeste par des accusations sorcellaires dont il convient de d&eacute;terminer le contenu juridique (a) et le d&eacute;roulement du proc&egrave;s (b).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. L&rsquo;accusation sorcellaire</h5> <p>L&rsquo;usage de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;chasse aux sorci&egrave;res&nbsp;&raquo; dans le cadre de l&rsquo;Afrique constitue un emprunt. Si pour l&rsquo;occident l&rsquo;histoire permet de retracer l&rsquo;&eacute;volution de la pens&eacute;e, des croyances et les circonstances de la chasse aux sorci&egrave;res, le tableau est diff&eacute;rent en Afrique. Nous sommes en Afrique dans un sch&eacute;ma o&ugrave;, &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque, bien que la sorcellerie soit pr&eacute;sente, le sort r&eacute;serv&eacute; aux sorciers est bien diff&eacute;rent. Ce n&rsquo;est qu&rsquo;avec les bouleversements coloniaux que la chasse aux sorci&egrave;res prend son sens. A cette m&ecirc;me &eacute;poque, l&rsquo;on est confront&eacute; &agrave; une s&eacute;rie de difficult&eacute;s. Tout d&rsquo;abord au plan historique les sources d&rsquo;informations sont rares sur les activit&eacute;s et la vie tant des accus&eacute;s que des accusateurs. Les documents judiciaires sont inexistants dans la mesure o&ugrave; la tradition ancestrale africaine fut longtemps orale. N&eacute;anmoins, cette carence documentaire ne nous emp&ecirc;che pas, sur la base des &eacute;l&eacute;ments disponibles, de conclure, en ce qui concerne le contexte social en Afrique, que la situation socio-&eacute;conomique et l&rsquo;absence de connaissances scientifiques expliquent tr&egrave;s certainement la chasse aux sorci&egrave;res. A l&rsquo;oppos&eacute; de l&rsquo;occident qui a connu la chasse aux sorci&egrave;res dans une p&eacute;riode limit&eacute;e dans le temps, en Afrique, cette chasse a connu son essor avec la colonisation et a perdur&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; nos jours. Brian Levack reconna&icirc;t que &laquo;&nbsp;la sorcellerie africaine est tr&egrave;s ais&eacute;ment comparable avec la sorcellerie europ&eacute;enne. Il ajoute qu&rsquo;en &eacute;tudiant les croyances et les accusations de sorcellerie les historiens ont trouv&eacute; de surprenantes analogies entre les fonctions que jouent les accusations de sorcellerie&nbsp;&raquo; (Levack, 1991, 245). Aussi s&rsquo;&eacute;tablit une &eacute;quivalence remarquable entre bon nombre de structures sociales africaines et les soci&eacute;t&eacute;s europ&eacute;ennes des d&eacute;buts de l&rsquo;&eacute;poque moderne qui constituaient le tissu sur lequel se d&eacute;veloppaient les accusations de sorcellerie et qui favorisaient des mod&egrave;les sp&eacute;cifiques de d&eacute;nonciation dans les villages<a href="#sdfootnote41sym" name="sdfootnote41anc">41</a>.</p> <p>Si les conditions pr&eacute;alables relatives au contexte social de la chasse aux sorci&egrave;res sont identiques en Europe et en Afrique, l&rsquo;arsenal l&eacute;gislatif et l&rsquo;appareil judiciaire s&rsquo;av&egrave;rent tr&egrave;s contrast&eacute;s et se trouvent aux antipodes les uns des autres. Alors que la chasse aux sorci&egrave;res na&icirc;t dans une soci&eacute;t&eacute; occidentale qui conna&icirc;t l&rsquo;Etat et des institutions politiques y aff&eacute;rents de m&ecirc;me qu&rsquo;un arsenal juridique &eacute;crit, en Afrique elle intervient dans une soci&eacute;t&eacute; certes politiquement organis&eacute;e et socialement structur&eacute;e mais ne disposant pas d&rsquo;un arsenal juridique ni de juridictions bien &eacute;tablies. Il existe donc une diff&eacute;rence de contexte juridique li&eacute;e &agrave; l&rsquo;incapacit&eacute; de la soci&eacute;t&eacute; africaine &agrave; rep&eacute;rer et poursuivre les sorci&egrave;res nocturnes. C&rsquo;est l&agrave; la seule diff&eacute;rence fondamentale qui marque une diff&eacute;rence entre la chasse aux sorci&egrave;res du d&eacute;but des temps modernes et celle des soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles africaines. Mais cette diff&eacute;rence est &agrave; prendre avec r&eacute;serve car les soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles poss&egrave;dent les m&eacute;canismes juridiques de recherche, de poursuite et de l&eacute;gitimation de la chasse aux sorci&egrave;res. Ces m&eacute;canismes oscillants entre acceptation et rejet de la sorcellerie ont &eacute;t&eacute; renforc&eacute;s avec la colonisation judiciaire qui introduisit des lois sanctionnant la sorcellerie(Cimpric, 2012, 135).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. Le pr&eacute;toire traditionnel africain</h5> <p>Recherch&eacute;s et syst&eacute;matiquement poursuivis en occident, les sorciers le furent &eacute;galement en Afrique. Mais ressurgit de nouveau, la question de l&rsquo;existence de l&rsquo;Etat et de l&rsquo;organisation politique et religieuse qui fut intimement li&eacute;e &agrave; la chasse aux sorci&egrave;res en occident. Il convient de d&eacute;crire les m&eacute;canismes proc&eacute;duraux par lesquels les sorciers &eacute;taient retrouv&eacute;s et livr&eacute;s &agrave; la justice.</p> <p>En effet, malgr&eacute; la persistance du d&eacute;ni du droit et de tout syst&egrave;me juridique aux soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles, nous r&eacute;affirmons sur la base de la maxime ubi societas ibi jus qu&rsquo;elles disposaient bel et bien d&rsquo;un syst&egrave;me juridique en bonne et due forme, f&ucirc;t-il non &eacute;labor&eacute; et aussi rigoriste que celui de l&rsquo;occident. D&rsquo;ailleurs, le r&egrave;glement des litiges quelle que soit leur nature, implique forc&eacute;ment l&rsquo;existence d&rsquo;un syst&egrave;me juridique. Sur cette base, il est &eacute;vident qu&rsquo;il y avait une proc&eacute;dure p&eacute;nale applicable aux infractions. L&rsquo;Afrique et l&rsquo;Occident furent marqu&eacute;s par la chasse aux sorci&egrave;res, mais la r&eacute;action sociale peut &ecirc;tre diff&eacute;remment appr&eacute;ci&eacute;e car elle ne fut pas aussi cruelle et intense en Afrique quoique tyrannique &agrave; certains &eacute;gards. Une proc&eacute;dure p&eacute;nale comportant essentiellement trois phases fut applicable &agrave; la chasse aux sorci&egrave;res en Afrique traditionnelle.</p> <p>Tout d&rsquo;abord l&rsquo;action en justice prend une forme rituelle suivant la situation et l&rsquo;infraction dont il est question. Elle s&rsquo;apparente g&eacute;n&eacute;ralement &agrave; un proc&egrave;s et les r&eacute;actions judiciaires sont spontan&eacute;es et violentes (Brillon, 1980, 109). L&rsquo;action publique appartient ici &agrave; la communaut&eacute; dans son ensemble mais aussi &agrave; chacun de ses membres. Une fois l&rsquo;action lanc&eacute;e vient la phase du proc&egrave;s pour laquelle se constitue le tribunal qui devra tout d&rsquo;abord identifier le suspect s&rsquo;il est inconnu puis &eacute;tablir sa culpabilit&eacute; ou son innocence. Bien que les modes traditionnels de preuve soient employ&eacute;s comme modes de recherche de la v&eacute;rit&eacute;, les ordalies, les oracles, les devins et les f&eacute;ticheurs sont privil&eacute;gi&eacute;s. Tout comme en Europe au Moyen-&acirc;ge, tous ces modes de preuve avaient pour finalit&eacute; de s&rsquo;en remettre au jugement de Dieu. Le recours &agrave; ces modes &eacute;tait syst&eacute;matique en mati&egrave;re de sorcellerie parce qu&rsquo;ils permettaient aux juges traditionnels d&rsquo;avoir les &eacute;l&eacute;ments n&eacute;cessaires en leur possession pour se prononcer. En effet pour les autres infractions, l&rsquo;ordalie est une exception et n&rsquo;intervient que lorsque le t&eacute;moignage, le serment, l&rsquo;aveu et la divination ont &eacute;chou&eacute; (Tsemo, 1989, 142).</p> <p>Les ordalies (Bruyas, 2001, 48) consistaient en des &eacute;preuves diverses et vari&eacute;es qui permettaient d&rsquo;obtenir un jugement divin par la manifestation publique de la culpabilit&eacute; ou de l&rsquo;innocence de l&rsquo;accus&eacute;. Si certaines d&rsquo;entre elles paraissaient banales<a href="#sdfootnote42sym" name="sdfootnote42anc">42</a>, d&rsquo;autres &eacute;taient de nature douteuse et ne permettaient pas de savoir v&eacute;ritablement s&rsquo;il y a culpabilit&eacute; ou pas. C&rsquo;est le cas par exemple de cette ordalie pratiqu&eacute;e autrefois &agrave; Madagascar et qui consistait en l&rsquo;administration d&rsquo;un poison cens&eacute; &eacute;pargner l&rsquo;innocent de la paralysie et de la mort. On convient qu&rsquo;une telle ordalie est une condamnation &agrave; mort de l&rsquo;accus&eacute;, l&rsquo;effet d&rsquo;un poison &eacute;tant indiff&eacute;rent &agrave; la qualit&eacute; de l&rsquo;individu qui le consomme. Au regard du contexte des accusations de sorcellerie, il ne fut pas rare que des accus&eacute;s demandent que leur accusateur et eux-m&ecirc;mes soient soumis &agrave; l&rsquo;ordalie afin que si l&rsquo;accusateur s&rsquo;y oppose, l&rsquo;innocence de l&rsquo;accus&eacute; soit prouv&eacute;e. L&rsquo;intervention des devins, des oracles et des f&eacute;ticheurs se faisait en leur qualit&eacute; de connaisseurs du monde invisible et parce qu&rsquo;ils constituaient un antidote &agrave; la sorcellerie. En effet par leurs proc&eacute;d&eacute;s incluant tant l&rsquo;interrogation des morts, que la prononciation d&rsquo;incantations et les transes souvent longuement et publiquement orchestr&eacute;es, ils pouvaient identifier le sorcier. N&eacute;anmoins des doutes pouvaient subsister sur leur d&eacute;marche et leurs m&eacute;thodes.</p> <p>Le troisi&egrave;me et dernier &eacute;l&eacute;ment de la proc&eacute;dure est bien &eacute;videmment la sanction qui est la peine de mort. Il arrivait que les condamn&eacute;s soient tortur&eacute;s puis battus &agrave; mort, empoisonn&eacute;s, tu&eacute;s par fl&egrave;che ou pendus.</p> <h4>&nbsp;</h4> <h4>2. L&rsquo;incrimination de la sorcellerie pendant la p&eacute;riode coloniale</h4> <p>Dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle africaine, l&rsquo;incrimination de la sorcellerie se limite en r&eacute;alit&eacute; dans son ancrage sociologique. C&rsquo;est autour de diverses pratiques allant des accusations sorcellaires aux ordalies, que ces soci&eacute;t&eacute;s contr&ocirc;lent le ph&eacute;nom&egrave;ne sorcellaire. Pendant la p&eacute;riode coloniale essentiellement marqu&eacute;e par l&rsquo;invasion, la logique d&rsquo;incrimination de cette pratique est influenc&eacute;e par l&rsquo;appr&eacute;hension qu&rsquo;en a le colonisateur. Apr&egrave;s une longue p&eacute;riode de barbarie en Europe li&eacute;e &agrave; la chasse aux sorci&egrave;res, l&rsquo;&eacute;poque moderne que conna&icirc;t l&rsquo;Europe conduit &agrave; la banalisation de la sorcellerie par le colonisateur. De ce fait, l&rsquo;incrimination de sorcellerie pendant la p&eacute;riode coloniale est quelque peu n&eacute;glig&eacute;e et un rappel sur le cheminement de l&rsquo;incrimination (a) et de la r&eacute;pression (b) en Europe permet une meilleure compr&eacute;hension de l&rsquo;analyse.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. La chasse aux sorci&egrave;res</h5> <p>C&rsquo;est &agrave; travers quelques ordonnances prises dans les colonies que la sorcellerie fut juridiquement appr&eacute;hend&eacute;e pendant la colonisation. Ces ordonnances tendaient &agrave; une banalisation de la sorcellerie et cette position de l&rsquo;administration coloniale s&rsquo;explique par l&rsquo;histoire. En effet, l&rsquo;histoire de la chasse aux sorci&egrave;res en occident d&eacute;pend de l&rsquo;histoire des institutions<a href="#sdfootnote43sym" name="sdfootnote43anc">43</a> des pays concern&eacute;s. C&rsquo;est l&agrave; un avertissement qui &eacute;vite d&rsquo;attribuer &agrave; l&rsquo;occident dans son ensemble une m&ecirc;me histoire de la chasse aux sorci&egrave;res<a href="#sdfootnote44sym" name="sdfootnote44anc">44</a>. Apr&egrave;s des ann&eacute;es de recherche f&eacute;conde concernant les proc&egrave;s de sorcellerie en Europe, Stanislaw Salmonowicz remarque qu&rsquo;en laissant &agrave; part les probl&egrave;mes toujours discutables, la chronologie des proc&egrave;s et leurs dimensions sont presque propres &agrave; chaque pays europ&eacute;en (Salmonowicz, 2006, 721). Mais, toutes les diff&eacute;rences semblent tenir plus aux apparences et aux pratiques qu&rsquo;au contenu. N&eacute;anmoins, dans nombre de pays d&rsquo;Europe, il y a depuis la premi&egrave;re moiti&eacute; du XVIIe si&egrave;cle, une tendance visible &agrave; limiter ou m&ecirc;me &agrave; liquider le ph&eacute;nom&egrave;ne qui continue tout de m&ecirc;me d&rsquo;une fa&ccedil;on consid&eacute;rable dans certains pays jusqu&rsquo;en 1630. Il reste encore, dans la seconde moiti&eacute; du XVIIIe si&egrave;cle, quelques vagues tardives qui finissent par s&rsquo;estomper bien que, dans le cadre l&eacute;gal, la sorcellerie subsiste formellement comme un crime s&eacute;v&egrave;rement puni (Salmonowicz, 2006, 721).</p> <p>En France, trois &eacute;l&eacute;ments l&eacute;gitiment la chasse aux sorci&egrave;res. Tout d&rsquo;abord, une croyance chr&eacute;tienne, fond&eacute;e sur la tradition eccl&eacute;siale et sur les innombrables exemples d&rsquo;une jurisprudence sans d&eacute;faillance. Ensuite il y a une exp&eacute;rience visible, offerte &agrave; chacun, de la proc&eacute;dure judiciaire qui implique un consensus facile de tous les participants, juges, t&eacute;moins et accus&eacute;s&nbsp;; enfin et surtout sentences et aveux, b&ucirc;chers et confiscations, repr&eacute;sentant le jugement de Dieu et des hommes, portent le meilleur t&eacute;moignage en faveur du crime (Mandrou, 1968, 75).</p> <p>Ces trois &eacute;l&eacute;ments correspondent &agrave; trois moments qui pr&eacute;parent la pers&eacute;cution des sorciers qui donnait lieu &agrave; l&#39;inculpation d&#39;individus en tant que supp&ocirc;ts du diable, qu&#39;ils fussent sorciers, magiciens ou autres manipulateurs de forces d&eacute;moniaques. Le premier moment est celui o&ugrave; le diable est craint mais n&rsquo;est pas l&rsquo;objet d&rsquo;une construction juridique et th&eacute;ologique sp&eacute;cifique. Il permet justement de produire les outils intellectuels<a href="#sdfootnote45sym" name="sdfootnote45anc">45</a> qui d&eacute;clencheront la chasse aux sorci&egrave;res. Le deuxi&egrave;me moment qui est celui de la cristallisation de la sorcellerie et la chasse aux sorci&egrave;res proprement dite. C&rsquo;est alors qu&rsquo;intervient le troisi&egrave;me moment qui, &agrave; la faveur de la propagation et de l&rsquo;acculturation du th&egrave;me conduit &agrave; un apaisement des poursuites (Martine Ostorero et &Eacute;tienne Anheim, 2003).</p> <p>Sans pr&eacute;tention aucune de faire toute la lumi&egrave;re sur la chasse aux sorci&egrave;res en occident, ni d&rsquo;en d&eacute;terminer la cause exacte, nous retiendrons de tout ce qui pr&eacute;c&egrave;de, une approche pluricausale. En effet, au-del&agrave; de la justification expiatoire de la sorcellerie et de la chasse aux sorci&egrave;res qu&rsquo;elle entra&icirc;ne, plusieurs raisons plus s&eacute;rieuses font &eacute;cho selon nous. Nous faisons allusion &agrave; la R&eacute;forme<a href="#sdfootnote46sym" name="sdfootnote46anc">46</a>, &agrave; la Contre-R&eacute;forme<a href="#sdfootnote47sym" name="sdfootnote47anc">47</a>, &agrave; l&rsquo;Inquisition, &agrave; l&rsquo;usage de la torture dans le cours de la proc&eacute;dure, aux guerres de religion, au z&egrave;le religieux du clerg&eacute;, &agrave; la naissance des Etats modernes, au d&eacute;veloppement du capitalisme. Mais de toutes ces causes, les transformations religieuses et les situations sociales sont analys&eacute;es comme les plus imm&eacute;diates, faisant &eacute;merger de nouvelles id&eacute;es sur la sorcellerie. Puis une s&eacute;rie de changements fondamentaux au sein du droit p&eacute;nal &eacute;tablissent les conditions juridiques de la chasse aux sorci&egrave;res.</p> <p>Tout en constituant des &eacute;l&eacute;ments d&eacute;clencheurs de la chasse aux sorci&egrave;res, la r&eacute;forme protestante et la contre-r&eacute;forme catholique posent paradoxalement les bases de son d&eacute;clin. Les nouvelles croyances qui se d&eacute;veloppent repoussent d&eacute;sormais les limites de l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie et abordent tr&egrave;s peu le cas des sorci&egrave;res, focalisant la christianisation sur un discours manich&eacute;en opposant Dieu et le diable. La sorcellerie et la pers&eacute;cution des sorciers changent alors de contexte social (Levack, 1991, 129-155.&nbsp;; Geschiere, 2000, 1251-1279) et le d&eacute;bat se m&egrave;ne d&eacute;sormais dans la sph&egrave;re religieuse.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. La r&eacute;pression</h5> <p>La grande chasse aux sorci&egrave;res fut une op&eacute;ration essentiellement juridique. En Europe, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne, des milliers de personnes, le plus souvent des femmes, sont traduites en justice pour des crimes de sorcellerie et la moiti&eacute; d&rsquo;entre elles condamn&eacute;es &agrave; mort, d&rsquo;ordinaire au b&ucirc;cher. Quelques proc&egrave;s ont lieu devant les tribunaux qui jouent un grand r&ocirc;le pour discipliner la vie morale et religieuse au cours du Moyen Age et &agrave; l&rsquo;&eacute;poque moderne. Certains proc&egrave;s se tiennent &eacute;galement devant des tribunaux la&iuml;cs (Levack, 1991, 13). C&rsquo;est &agrave; l&rsquo;omnipr&eacute;sence des institutions eccl&eacute;siales<a href="#sdfootnote48sym" name="sdfootnote48anc">48</a> dans la pers&eacute;cution des sorciers qu&rsquo;on doit l&rsquo;inquisition car c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;aide de la proc&eacute;dure inquisitoire que s&rsquo;organisait la pers&eacute;cution des sorci&egrave;res. Elle est le fait de changements dans la proc&eacute;dure p&eacute;nale m&eacute;di&eacute;vale qui dans la premi&egrave;re partie du Moyen Age &eacute;tait accusatoire avec pour principal mode de preuve l&rsquo;ordalie. Mais la proc&eacute;dure accusatoire montre ses limites<a href="#sdfootnote49sym" name="sdfootnote49anc">49</a> surtout lorsqu&rsquo;il est question de poursuivre des crimes occultes. De nouvelles techniques furent ainsi adopt&eacute;es par les tribunaux eccl&eacute;siastiques et la&iuml;cs et le nouveau syst&egrave;me proc&eacute;dural fut qualifi&eacute; d&rsquo;inquisitoire. L&rsquo;introduction de l&rsquo;instance appartient toujours aux personnes priv&eacute;es qui peuvent d&eacute;clencher l&rsquo;action publique, mais elle s&rsquo;&eacute;tend aussi avec ce syst&egrave;me, aux communaut&eacute;s qui peuvent d&eacute;sormais d&eacute;noncer un suspect et aux procureurs qui peuvent citer un criminel &agrave; compara&icirc;tre sur la base des informations recueillies par leurs soins&nbsp;; parfois sur la base de simples bruits<a href="#sdfootnote50sym" name="sdfootnote50anc">50</a>. De plus, ce nouveau syst&egrave;me permet aux juges de participer aux investigations et de rechercher les preuves. La recherche de la culpabilit&eacute; ou de l&rsquo;innocence du criminel n&rsquo;est plus du ressort de Dieu car les humains s&rsquo;impliquent d&eacute;sormais.</p> <p>Livr&eacute;s &agrave; la justice, les accus&eacute;s de sorcellerie doivent subir un long combat dont ils sortent rarement vainqueurs, cela d&rsquo;autant plus que tout semble &ecirc;tre mis en &oelig;uvre &agrave; partir de ce moment-l&agrave; pour se d&eacute;barrasser d&rsquo;eux. Les juges doivent par la recherche d&rsquo;une preuve tangible objective mener des interrogatoires pour obtenir des r&eacute;ponses ou recourir &agrave; l&rsquo;aveu qui est la preuve parfaite. Ces deux moyens dont disposent les juges sont tr&egrave;s importants et la proc&eacute;dure est de ce fait d&eacute;s&eacute;quilibr&eacute;e au d&eacute;triment de l&rsquo;accus&eacute;.</p> <p>Pour mener l&rsquo;interrogatoire, les juges d&eacute;tenaient un dossier bien fourni dans lequel il suffisait de puiser pour accuser, mettant l&rsquo;accus&eacute; sur la voie, en lui rappelant des faits anciens qui appartiennent &agrave; la chronique de la communaut&eacute;, ou en lui fournissant des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;ponse. Ensuite ils pouvaient confronter les &eacute;l&eacute;ments ainsi obtenus &agrave; leur &eacute;rudition sur la question<a href="#sdfootnote51sym" name="sdfootnote51anc">51</a>. Dans leur qu&ecirc;te de preuve objective, les juges pouvaient recourir &agrave; la recherche du punctum diabolicum<a href="#sdfootnote52sym" name="sdfootnote52anc">52</a> par les services d&rsquo;un chirurgien et &agrave; la baignade<a href="#sdfootnote53sym" name="sdfootnote53anc">53</a>.</p> <p>Pour obtenir un aveu, les juges ont recours &agrave; la torture. En fonction des justices, les instruments de la torture varient et les juges du royaume distinguent la question ordinaire et la question extraordinaire (Mandrou, 1968, 103). L&rsquo;usage de la torture judiciaire se fonde sur la supposition que quiconque est soumis &agrave; des souffrances physiques dans le cours d&rsquo;un interrogatoire confessera la v&eacute;rit&eacute; (Levack, 1991, 85). Si dans de nombreux cas elle a produit des confessions sinc&egrave;res et donn&eacute; des v&eacute;rit&eacute;s au moins partielles de la part des coupables et des personnes ayant eu connaissance du crime, elle n&rsquo;a pas toujours &eacute;t&eacute; valide. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;en d&eacute;pit de la r&eacute;sistance physique et morale des inculp&eacute;s, la torture atteint dans la plupart des cas son but<a href="#sdfootnote54sym" name="sdfootnote54anc">54</a>. Beaucoup pr&eacute;f&egrave;rent la mort rapide assur&eacute;e &agrave; quiconque avoue, &agrave; la continuation de longue s&eacute;ances pass&eacute;es en souffrance terribles&nbsp;; ils finissent, entrant dans le jeu, par raconter le sabbat et les mal&eacute;fices, par d&eacute;noncer proches et voisin, quitte &agrave; se reprendre une fois sur le b&ucirc;cher, niant tout et demandant pardon &agrave; leurs victimes (Mandrou, 1968, 104).</p> <p>A cela s&rsquo;ajoute la crainte du juge qui par peur d&rsquo;&ecirc;tre objet de la ruse du diable dans l&rsquo;appr&eacute;ciation des preuves et le prononc&eacute; de la condamnation, recourt aux d&eacute;ductions tautologiques, se d&eacute;fiant constamment sur les r&eacute;ponses qu&rsquo;il re&ccedil;oit de son interlocuteur. Cela met en jeu son intime conviction qui d&eacute;sormais compl&egrave;te les autres moyens de preuve. Une fois convaincu par l&rsquo;aveu, il ne restait au juge que la prononciation de la sanction mais avant il livrait le condamn&eacute; &agrave; mort &agrave; la question pr&eacute;alable en vue de la d&eacute;nonciation d&rsquo;&eacute;ventuel complice.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>B. La persistance de la sorcellerie dans le droit moderne</h3> <p>La croyance en la sorcellerie est omnipr&eacute;sente de nos jours dans la soci&eacute;t&eacute; africaine et qu&rsquo;on la rencontre dans la soci&eacute;t&eacute; occidentale &agrave; la faveur des migrations (Bouly de Lesdain, 1994, 153-174). Ses m&eacute;faits n&rsquo;ont pas chang&eacute;, ils sont justes devenus silencieux &agrave; la suite de la colonisation et de la modernit&eacute; qui masquent la r&eacute;alit&eacute;. En effet, depuis l&rsquo;institutionnalisation de la justice, les tribunaux sont accabl&eacute;s de plaintes relatives &agrave; la sorcellerie. De ce fait, il importe de s&rsquo;interroger sur le fondement juridique qui pr&eacute;vaut dans la r&eacute;pression des infractions de sorcellerie. La r&eacute;ponse &agrave; cette interrogation n&eacute;cessite qu&rsquo;il soit d&rsquo;abord fait un examen sur l&rsquo;appr&eacute;hension de la sorcellerie, a priori difficile, par le droit moderne (1) et ensuite sur la recherche quasiment impossible de la preuve de la sorcellerie (2).</p> <p>&nbsp;</p> <h4>1. La difficile appr&eacute;hension juridique de la sorcellerie</h4> <p>&laquo;&nbsp;C&rsquo;est un immense probl&egrave;me m&eacute;thodologique de savoir quelle doit &ecirc;tre l&rsquo;attitude du chercheur lorsqu&rsquo;il examine des questions de ce genre : s&rsquo;il doit se faire le porte-parole, l&rsquo;interpr&egrave;te et comme l&rsquo;ap&ocirc;tre des croyances dont il rend compte, en t&acirc;chant de faire partager sa propre conviction en l&rsquo;efficacit&eacute; du &laquo; gbass &raquo;, du &laquo;&nbsp;juju &raquo; ou du &laquo;&nbsp;b&oacute; &raquo;, ou s&rsquo;il doit au contraire prendre du recul, [&hellip;], observer et d&eacute;crire, comme de l&rsquo;ext&eacute;rieur, ce ph&eacute;nom&egrave;ne de croyance g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e et les pratiques qu&rsquo;il g&eacute;n&egrave;re&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote55sym" name="sdfootnote55anc">55</a>. Ce probl&egrave;me m&eacute;thodologique se pose en effet &agrave; toutes les disciplines, en l&rsquo;occurrence le droit. Si par le pass&eacute; l&rsquo;appropriation juridique de la sorcellerie a consist&eacute; en sa reconnaissance par les autorit&eacute;s comme une infraction, aujourd&rsquo;hui elle r&eacute;pond &agrave; la m&ecirc;me exigence et bien plus encore. Cette reconnaissance doit se mat&eacute;rialiser par l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une incrimination qui tienne compte du principe de l&eacute;galit&eacute;. Mais force est de constater que la l&eacute;gislation peine &agrave; fournir les &eacute;l&eacute;ments de clarification sur la sorcellerie qui pourtant reste un ph&eacute;nom&egrave;ne auquel beaucoup d&rsquo;Africains continuent de croire. C&rsquo;est ainsi que sur l&rsquo;absence d&rsquo;une d&eacute;finition l&eacute;gale (a) se greffe l&rsquo;inad&eacute;quation des sanctions (b).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. L&rsquo;absence de d&eacute;finition l&eacute;gale</h5> <p>Nullum crimen, nulla poena sine lege. Ce principe, chantre de la l&eacute;galit&eacute; criminelle en droit p&eacute;nal, suffit &agrave; relever les faiblesses de la l&eacute;gislation quant &agrave; la d&eacute;finition l&eacute;gale des faits de sorcellerie. Le l&eacute;gislateur colonial avait pris en compte ce ph&eacute;nom&egrave;ne par l&rsquo;introduction dans le Code p&eacute;nal de l&rsquo;article 264, applicable aux seules colonies et punissant &laquo;&nbsp;quiconque aura particip&eacute; &agrave; une transaction commerciale ayant pour objet l&rsquo;achat ou la vente d&rsquo;ossements humains ou se sera livr&eacute; &agrave; des pratiques de sorcellerie, magie ou charlatanisme susceptible de troubler l&rsquo;ordre publique ou de porter atteinte aux personnes et aux biens&nbsp;&raquo;<a href="#sdfootnote56sym" name="sdfootnote56anc">56</a>. Apr&egrave;s l&rsquo;Ind&eacute;pendance, cet article a &eacute;t&eacute; maintenu par la plupart des nouveaux Etats. En 1987 l&rsquo;Etat b&eacute;ninois adopte une loi abrogeant l&rsquo;article 264<a href="#sdfootnote57sym" name="sdfootnote57anc">57</a> et portant r&eacute;pression de certaines pratiques r&eacute;trogrades et pr&eacute;voit un article 264 bis dans lequel il est fait allusion aux pratiques de sorcellerie, &agrave; la magie et au charlatanisme. Mais cette loi intervient en r&eacute;alit&eacute; dans un contexte politique r&eacute;volutionnaire. Elle vise beaucoup plus &agrave; lutter contre la chefferie traditionnelle<a href="#sdfootnote58sym" name="sdfootnote58anc">58</a> qu&rsquo;&agrave; apporter un &eacute;clairage nouveau. Il est alors impossible de donner une d&eacute;finition exacte et encore moins un contenu l&eacute;gal &agrave; la sorcellerie, aux pratiques de sorcellerie et de charlatanisme. En voulant tout simplifier par l&rsquo;ajout d&rsquo;une incrimination<a href="#sdfootnote59sym" name="sdfootnote59anc">59</a>, la nouvelle loi n&rsquo;a fait qu&rsquo;augmenter le degr&eacute; d&rsquo;impr&eacute;cision. Il en r&eacute;sulte que jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;heure actuelle, la majorit&eacute; des Codes p&eacute;naux m&eacute;connaissent toujours le principe de la l&eacute;galit&eacute; criminelle en ce qui concerne les pratiques de sorcellerie et de charlatanisme<a href="#sdfootnote60sym" name="sdfootnote60anc">60</a>.</p> <p>Cette insuffisance n&eacute;cessite une relecture de la l&eacute;gislation sur la sorcellerie dans ces pays. Au B&eacute;nin par exemple, le projet de nouveau Code p&eacute;nal apporte des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;&eacute;claircissement. Il propose une d&eacute;finition l&eacute;gale de la sorcellerie de m&ecirc;me que celle d&rsquo;un certain nombre de pratiques. On peut lire &agrave; son article 457 : &laquo;&nbsp;Au sens des pr&eacute;sentes dispositions, les mots suivants sont entendus comme il suit&nbsp;:</p> <p>- &laquo;&nbsp;F&eacute;tiche&nbsp;&raquo;&nbsp;: tout objet auquel on attribue un pouvoir surnaturel b&eacute;n&eacute;fique ou mal&eacute;fique et qui sert de support &agrave; des pratiques de manipulation des consciences ou de perturbation des &eacute;l&eacute;ments de la nature, des pratiques magiques, de divination ou de sorcellerie&nbsp;en vue de nuire &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre humain ou &agrave; son environnement imm&eacute;diat ;</p> <p>- &laquo;&nbsp;Sorcellerie&nbsp;&raquo;&nbsp;: art de nuire &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre humain ou &agrave; son environnement imm&eacute;diat par une puissance occulte&nbsp;r&eacute;elle ou suppos&eacute;e ;</p> <p>- &laquo;&nbsp;Magie&nbsp;&raquo;&nbsp;: art de produire, par des proc&eacute;d&eacute;s occultes, des ph&eacute;nom&egrave;nes inexplicables ou qui semblent tels&nbsp;;</p> <p>- &laquo;&nbsp;Divination&nbsp;&raquo;&nbsp;: action de d&eacute;couvrir ce qui est cach&eacute; par des moyens qui ne rel&egrave;vent pas d&rsquo;une connaissance naturelle&nbsp;;</p> <p>- &laquo;&nbsp;Manipulation des consciences&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;manipulation mentale&nbsp;&raquo;, ou encore &laquo;&nbsp;suj&eacute;tion psychologique&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;ensemble des tentatives obscures ou occultes de fausser ou orienter la perception de la r&eacute;alit&eacute; d&rsquo;une personne en usant d&rsquo;un rapport de pouvoir, de s&eacute;duction, de suggestion, de persuasion, de soumission non volontaire ou consentie&nbsp;;</p> <p>- &laquo;&nbsp;Charlatan&nbsp;&raquo;&nbsp;: personne qui pratique l&rsquo;imposture ou un jeu de dupes envers autrui et qui, gr&acirc;ce &agrave; des trucages, des d&eacute;formations de la r&eacute;alit&eacute;, des falsifications, des astuces, fait croire qu&rsquo;il parle avec les esprits&nbsp;; utilise son charisme, son pouvoir de persuasion et sa capacit&eacute; &agrave; identifier les personnes les plus cr&eacute;dules pour les cibler en particulier et leur vendre des produits pr&eacute;tendument miraculeux, prodigieux ou surnaturels.&nbsp;&raquo;</p> <p>Cet article a le m&eacute;rite d&rsquo;apporter des pr&eacute;cisions &agrave; l&rsquo;incrimination qui existe actuellement m&ecirc;me si le l&eacute;gislateur semble ignorer l&rsquo;ampleur et la gravit&eacute; de ces pratiques pour les qualifier d&rsquo;agression. L&rsquo;article 458 vient pr&eacute;ciser les conditions dans lesquelles la r&eacute;pression interviendra. Il dispose que &laquo;&nbsp;les pratiques f&eacute;tichistes, de sorcellerie, magie, divination ne sont r&eacute;pr&eacute;hensibles que pour autant qu&rsquo;elles visent &agrave; manipuler les consciences, &agrave; nuire &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre humain et &agrave; son environnement imm&eacute;diat, peu importent les pouvoirs r&eacute;els ou suppos&eacute;s que leurs auteurs s&rsquo;arrogent ou pr&eacute;tendent poss&eacute;der, ou les cons&eacute;quences causales objectives des activit&eacute;s de ces derniers&nbsp;&raquo;. Il ne s&rsquo;agit que de simples propositions d&rsquo;un Code qui ne verra pas le jour de sit&ocirc;t. Ces propositions ne r&egrave;glent pas non plus la question de l&rsquo;inad&eacute;quation des sanctions.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. L&rsquo;inad&eacute;quation des sanctions</h5> <p>L&rsquo;emprisonnement et l&rsquo;amende sont les sanctions pr&eacute;vues pour r&eacute;primer les pratiques de sorcellerie. La question qui vient tout de suite &agrave; l&rsquo;esprit est de savoir en quoi l&rsquo;emprisonnement ou le paiement d&rsquo;une amende peuvent dissuader le sorcier de recommencer.</p> <p>Relativement &agrave; l&rsquo;emprisonnement, dans la mesure o&ugrave; le sorcier est en mesure de commettre ses forfaits sans avoir &agrave; se d&eacute;placer, il ne peut &agrave; la limite qu&rsquo;avoir un effet r&eacute;ducteur de son activit&eacute;. En ce qui concerne l&rsquo;amende, ne serait-elle pas un moyen de provoquer le sorcier et de d&eacute;cupler en lui la haine qui l&rsquo;a pouss&eacute; &agrave; agir&nbsp;? Ces interrogations trahissent bien l&rsquo;inad&eacute;quation des sanctions. Elles posent en r&eacute;alit&eacute; la probl&eacute;matique de la fonction de la sanction dans le cas d&rsquo;esp&egrave;ce. Devrait-elle avoir pour but de faire payer au d&eacute;linquant pour sa faute&nbsp;? Devrait-elle se contenter d&rsquo;une resocialisation du sorcier&nbsp;? Ou doit-elle aller dans le sens d&rsquo;une d&eacute;livrance du sorcier&nbsp;?</p> <p>Nous pensons que ni la r&eacute;tribution ni la resocialisation ne conviennent au cas d&rsquo;esp&egrave;ce car ni l&rsquo;une ni l&rsquo;autre ne r&egrave;gle la question de la possession du pouvoir sorcellaire. Il faudrait donc aller vers des sanctions dont le but serait de neutraliser le pouvoir du sorcier. Seul ce moyen peut le dissuader d&rsquo;agir et par ricochet, l&rsquo;inaction du sorcier doit &eacute;galement engendrer l&rsquo;inaction d&rsquo;un grand nombre d&rsquo;acteurs tels que les f&eacute;ticheurs, les devins, les oracles qui seront r&eacute;duits &agrave; des astrologues traditionnels. Cela reste un id&eacute;al mais qui, pour le moment, est loin de voir le jour lorsque prouver la sorcellerie reste trop ardu pour la justice.</p> <p>&nbsp;</p> <h4>2. La question de la preuve</h4> <p>La reconnaissance de la sorcellerie par la l&eacute;gislation, f&ucirc;t-elle confuse, implique la poursuite et la sanction des sorciers. Cependant, c&rsquo;est demander aux magistrats de juger des faits pour lesquels il est quasiment impossible d&rsquo;apporter une preuve rationnelle mat&eacute;rielle ou immat&eacute;rielle. C&rsquo;est l&agrave; un grand d&eacute;fi qui, ajout&eacute; &agrave; l&rsquo;opacit&eacute; du syst&egrave;me judiciaire, cause assez de malentendus pr&eacute;judiciables &agrave; la soci&eacute;t&eacute; et &agrave; son fonctionnement. Comment en effet d&eacute;montrer qu&rsquo;une personne a quitt&eacute; son corps pendant la nuit pour commettre des infractions contre les personnes ou contre leurs biens<a href="#sdfootnote61sym" name="sdfootnote61anc">61</a>? L&rsquo;insuffisance d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments mat&eacute;riels de la preuve (a) pose un dilemme au juge confront&eacute; aux affaires de sorcellerie (b).</p> <p>&nbsp;</p> <h5>a. Le d&eacute;faut d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments mat&eacute;riels</h5> <p>Il est ais&eacute; de constater en pratique la manifestation des effets n&eacute;gatifs de la sorcellerie mais il est assez difficile de recueillir les indices concourant vers ces faits. Le comportement sorcier de m&ecirc;me que les r&eacute;sultats des actes sorciers ne pr&eacute;sument donc pas qu&rsquo;il y a eu infraction mystique. En effet, en consid&eacute;rant l&rsquo;article 264 bis du Code p&eacute;nal b&eacute;ninois, on se rend compte que la sorcellerie bien que nuisible &agrave; la base, n&rsquo;est pas incrimin&eacute;e en soi tout comme le charlatanisme. Seule la pratique de l&rsquo;un quelconque des faits qui caract&eacute;risent ces pratiques est incrimin&eacute;e. Il faut donc rapporter la preuve de l&rsquo;acte de sorcier. Cela est assez difficile tant pour le plaignant que pour le juge&nbsp;: tout d&rsquo;abord, une partie des moyens de commission de l&rsquo;infraction rel&egrave;ve de l&rsquo;immat&eacute;rialit&eacute;, ensuite la manifestation visible des pratiques de sorcellerie se fait &agrave; travers des objets difficilement saisissables. L&rsquo;aveu reste, comme par le pass&eacute;, la preuve capitale pour la soci&eacute;t&eacute;, il mat&eacute;rialise la r&eacute;alit&eacute; de la sorcellerie. Bien que les t&eacute;moignages soient un mode de preuve acceptable, ils sont souvent le r&eacute;sultat de ou&iuml;-dire. Il ne faut pas perdre de vue que les accusations de sorcellerie conduisent souvent &agrave; des violences l&eacute;gitim&eacute;es par la croyance populaire et tol&eacute;r&eacute;es par les autorit&eacute;s judiciaires. A notre &eacute;poque, cela pose des probl&egrave;mes complexes li&eacute;s aux droits de l&rsquo;homme car c&rsquo;est parfois au moyen de proc&eacute;d&eacute;s condamnables que l&rsquo;aveu est obtenu. Dans sa recherche de preuves, le juge, tout en constatant les objets utilis&eacute;s par le sorcier, est souvent oblig&eacute; de recourir &agrave; l&rsquo;expertise afin de se convaincre de leur effet invisible<a href="#sdfootnote62sym" name="sdfootnote62anc">62</a>.</p> <p>D&rsquo;une grande diversit&eacute; r&eacute;gionale, les pratiques d&rsquo;identification et d&rsquo;accusation semblent s&rsquo;&ecirc;tre multipli&eacute;es au cours de la seconde moiti&eacute; du XXe si&egrave;cle avec la circulation et le succ&egrave;s de praticiens dot&eacute;s d&rsquo;un pouvoir de visionnaire (Martinelli, 2012, 44). En effet, dans le cadre d&rsquo;une reconnaissance et d&rsquo;une influence croissantes de la m&eacute;decine traditionnelle au sein de plusieurs institutions d&rsquo;Etat, de la sant&eacute; et de la justice, les magistrats subissent cette &eacute;volution cr&eacute;ant la plus grande incertitude quant &agrave; son incidence sur le d&eacute;roulement des proc&eacute;dures p&eacute;nales<a href="#sdfootnote63sym" name="sdfootnote63anc">63</a>. Commune &agrave; l&rsquo;&eacute;volution des syst&egrave;mes judiciaires, les tribunaux sont enclins &agrave; recourir &agrave; l&rsquo;expertise des gu&eacute;risseurs, des devins et des f&eacute;ticheurs pour d&eacute;tecter les sorciers.</p> <p>Cependant, la cr&eacute;ation d&rsquo;un tel statut inh&eacute;rent &agrave; la m&eacute;decine traditionnelle et &agrave; la pharmacop&eacute;e dans lequel on regroupe tant le devin, le f&eacute;ticheur que le gu&eacute;risseur, suscite un amalgame. La difficult&eacute; r&eacute;side dans la cr&eacute;dibilit&eacute; que l&rsquo;on peut accorder &agrave; ces individus &eacute;rig&eacute;s en v&eacute;ritables auxiliaires de justice. En effet, leur sph&egrave;re d&rsquo;intervention n&rsquo;est gu&egrave;re diff&eacute;rente de celle des sorciers mal&eacute;fiques et accus&eacute;s, car ils ont partout la r&eacute;putation de poss&eacute;der les capacit&eacute;s pour d&eacute;tecter et combattre les sorciers. Cette position ambivalente remet en cause leur avis car ils sont parfois suspect&eacute;s d&rsquo;escroquerie ou de collaboration avec les sorciers<a href="#sdfootnote64sym" name="sdfootnote64anc">64</a>. Aleksandra Cimpric m&egrave;ne une r&eacute;flexion assez judicieuse &agrave; ce propos. Elle constate que la reconnaissance officielle des m&eacute;decins traditionnels n&rsquo;implique pas n&eacute;cessairement la connaissance ni le pouvoir de d&eacute;tecter et de combattre les sorciers et de ce fait, leur collaboration avec le tribunal se combine difficilement avec leur r&ocirc;le de m&eacute;decins traditionnels. Ne devraient-ils pas &ecirc;tre poursuivis par le m&ecirc;me article, non pas pour fait de sorcellerie mais pour charlatanisme&nbsp;? La question ne manque pas de pertinence. Cependant, la poursuite de ces m&eacute;decins traditionnels heurterait une population qui croit en leur pouvoir de gu&eacute;rir et de combattre les sorciers.</p> <p>En dehors des m&eacute;decins traditionnels souvent sollicit&eacute;s dans la recherche de la preuve, interviennent les institutions religieuses qui jouent un r&ocirc;le non n&eacute;gligeable dans la lutte contre la sorcellerie et la r&eacute;v&eacute;lation des pratiques auxquelles elles donnent lieu. Alors que d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; nous avons au sein de l&rsquo;Eglise catholique des pr&ecirc;tres exorciseurs, de l&rsquo;autre prolif&egrave;re un grand nombre de religions &eacute;vang&eacute;liques et protestantes s&rsquo;assignant comme mission la d&eacute;livrance &agrave; la suite de laquelle le sorcier d&eacute;livr&eacute; fait des r&eacute;v&eacute;lations et la victime r&eacute;v&egrave;le le sorcier qui la maintenait en captivit&eacute;.</p> <p>Le Code p&eacute;nal b&eacute;ninois r&egrave;gle la question en pr&eacute;voyant les &eacute;l&eacute;ments de preuve qui doivent permettre aux juges de prononcer facilement la peine. En effet l&rsquo;article 458 al. 2 pr&eacute;voit que&nbsp;: &laquo;&nbsp;la preuve de telles pratiques r&eacute;sulte&nbsp;: des actes mat&eacute;riels effectu&eacute;s &agrave; cette fin&nbsp;: c&eacute;r&eacute;monies d&rsquo;envo&ucirc;tement, de magie, de mal&eacute;diction, de sortil&egrave;ges, de subjugation des esprits, etc.&nbsp;; des effets av&eacute;r&eacute;s de ces actes sur l&rsquo;environnement&nbsp;; des symptomatologies psycho-somatiques ou psychiques sur les victimes d&eacute;sign&eacute;es, proc&eacute;dant de la subjugation de la volont&eacute;, de l&rsquo;esprit ou de la conscience de la personne, ou d&rsquo;autres ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;influence exerc&eacute;s sur elle ou exploitant sa cr&eacute;dulit&eacute;, sa superstition, sa d&eacute;tresse ou ses angoisses&nbsp;; l&rsquo;aveu circonstanci&eacute; de l&rsquo;auteur sur les pratiques vis&eacute;es&nbsp;; le seul fait pour une personne adulte, libre de volont&eacute; et de raison, de pr&eacute;tendre poss&eacute;der des pouvoirs surnaturels mal&eacute;fiques lui permettant d&rsquo;opprimer, d&rsquo;intimider, de nuire &agrave; autrui sera retenu sans qu&rsquo;il ne doive s&rsquo;imposer d&rsquo;en v&eacute;rifier la r&eacute;alit&eacute;, d&egrave;s lors que ces d&eacute;clarations constituent en elles-m&ecirc;mes un trouble &agrave; l&rsquo;ordre public et &agrave; la conscience de personnes fragiles, et r&eacute;v&egrave;lent au minimum une personnalit&eacute; criminelle port&eacute;e sur le charlatanisme ou l&rsquo;escroquerie.&nbsp;&raquo;</p> <p>&laquo;&nbsp;La preuve de l&rsquo;exploitation de la cr&eacute;dulit&eacute; publique peut &ecirc;tre fournie par tout moyen de fait et de droit. La preuve par ordalie ou divination ou par tout autre proc&eacute;d&eacute; f&eacute;tichiste ou magique consistant &agrave; soumettre de gr&eacute; ou de force une personne &agrave; un mal physique r&eacute;el ou suppos&eacute; en vue de d&eacute;duire des effets produits l&rsquo;imputabilit&eacute; d&rsquo;un acte ou d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement ou toute autre conclusion, ne peut &ecirc;tre re&ccedil;ue en justice&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cet article renforce le caract&egrave;re probatoire des &eacute;l&eacute;ments mat&eacute;riels pour lesquels le juge avait jusque-l&agrave; besoin de recourir aux tradipraticiens.</p> <p>&nbsp;</p> <h5>b. Le dilemme du juge</h5> <p>La crainte de para&icirc;tre superstitieux malgr&eacute; les id&eacute;es modernes acquises dans les Universit&eacute;s occidentales fait que certains chercheurs ou juges n&eacute;gro-africains n&rsquo;osent pas mettre en &oelig;uvre les textes juridiques mis &agrave; leur disposition par le l&eacute;gislateur ou la coutume concernant les faits de sorcellerie (Akpomey, 2015, 483). Maurice Kamto explique que les juges africains doivent affronter une difficult&eacute; de taille : celle d&rsquo;appliquer la rigueur rationnelle qu&rsquo;exige la conduite d&rsquo;un proc&egrave;s dans le cadre d&rsquo;une justice moderne pour r&eacute;soudre des litiges fond&eacute;s sur des faits absolument irrationnels, notamment dans les proc&egrave;s en sorcellerie.</p> <p>En l&rsquo;&eacute;tat actuel, la vague formulation de l&rsquo;infraction laisse au procureur la latitude de qualifier les faits et de poursuivre les pratiques de charlatanisme et de sorcellerie, puis au juge pour appr&eacute;cier et d&eacute;clarer les faits constitu&eacute;s ou non. En la pratique, on constate la d&eacute;mission manifeste des juges mais &eacute;galement la cristallisation des proc&egrave;s autour de leur intime conviction.</p> <p>En effet, le juge proc&egrave;de par ce que nous qualifierons d&rsquo;esquive jurisprudentielle. Elle consiste pour lui, face &agrave; l&rsquo;absence de d&eacute;finition l&eacute;gale et &agrave; la difficult&eacute; de la preuve, &agrave; recourir &agrave; une qualification qui lui permette de prononcer une sanction et de dire le droit afin d&rsquo;&eacute;viter le d&eacute;ni de justice. D&eacute;j&agrave; au Moyen Age, les magistrats pr&eacute;f&eacute;raient analyser les activit&eacute;s de sorcellerie comme des empoisonnements ou des blasph&egrave;mes, qualifications plus conformes &agrave; l&#39;esprit rationnel du temps puis &agrave; l&#39;esprit de l&#39;&eacute;dit de 1682 (Chassaing, 1997). Dans le contexte africain, la formulation de l&rsquo;infraction permet au juge de trouver une m&ecirc;me sorte de parade en interpr&eacute;tant les activit&eacute;s de sorcellerie comme un trouble &agrave; l&rsquo;ordre public. Par ailleurs, lorsque les aveux de l&rsquo;inculp&eacute; et les &eacute;l&eacute;ments en sa possession le permettent &agrave; son intime conviction, le juge prononce purement et simplement la sanction sur la base de l&rsquo;article 264 bis du Code p&eacute;nal en vigueur au B&eacute;nin. La jurisprudence ne permet cependant pas de d&eacute;gager les grandes orientations en mati&egrave;re de sanction.</p> <p>Il est indispensable de relever le r&ocirc;le parfois abusif que joue l&rsquo;intime conviction du juge qui par-del&agrave; sa toge de justicier, reste un humain vuln&eacute;rable aux pratiques de sorcellerie contre lesquelles il doit se pr&eacute;munir. Alors que certains juges croient fermement en la sorcellerie et n&rsquo;h&eacute;sitent pas &agrave; se montrer implacables, on rencontre des juges qui se fiant &agrave; la science et la modernit&eacute; consid&egrave;rent la sorcellerie comme des superstitions ou comme des divagations d&rsquo;esprits malsains voulant troubler l&rsquo;ordre public. Cette dualit&eacute; entre les magistrats, emp&ecirc;che la constitution d&rsquo;une jurisprudence lin&eacute;aire.</p> <p>Ainsi, tout porte &agrave; croire que les infractions mystiques sont insaisissables par le droit qui au nom des droits de l&rsquo;homme maintient en vie dans la soci&eacute;t&eacute; des individus qui semblent se substituer &agrave; Dieu par leurs pratiques.</p> <p>Les infractions mystiques ont &eacute;t&eacute; envisag&eacute;es dans cet article comme des faits soci&eacute;taux avant d&rsquo;&ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;es sous l&rsquo;angle juridique. Il en ressort qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne pluris&eacute;culaire qui, s&rsquo;il a &eacute;t&eacute; abandonn&eacute; en occident, persiste en Afrique. Cette analyse s&rsquo;est efforc&eacute;e de tenir compte de l&rsquo;histoire afin d&rsquo;avoir la meilleure appr&eacute;ciation possible des sources consult&eacute;es. Il en r&eacute;sulte que le malaise est profond et sa r&eacute;solution ne saurait se faire par l&rsquo;adoption d&rsquo;une position cat&eacute;gorique et fig&eacute;e, au regard des circonstances sociales et juridiques actuelles. D&rsquo;ailleurs, l&agrave; o&ugrave; certains pr&eacute;conisent une suppression pure et simple de l&rsquo;infraction de sorcellerie, d&rsquo;autres optent pour son maintien. Supprimer l&rsquo;infraction reviendrait &agrave; la replacer dans un contexte purement social loin du regard des autorit&eacute;s. Ce serait cr&eacute;er une jungle dans laquelle seuls les plus forts survivraient. D&rsquo;un autre c&ocirc;t&eacute;, la maintenir laisserait persister la difficult&eacute; de la preuve. Jusque-l&agrave; les h&eacute;sitations constat&eacute;es sont dues &agrave; la recherche d&rsquo;une ligne m&eacute;diane entre le mat&eacute;riel et l&rsquo;immat&eacute;riel, entre le bien et le mal. La v&eacute;ritable question reste pos&eacute;e&nbsp;: la sorcellerie est-elle un bien ou un mal&nbsp;? Quelle que soit la r&eacute;ponse, le droit se doit de trouver l&rsquo;encadrement juridique ad&eacute;quat.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Bibliographie</h2> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Ouvrages</strong></p> <p>-Honor&eacute; AKPOMEY, L&rsquo;&eacute;tat de droit au B&eacute;nin&nbsp;: une d&eacute;licate concr&eacute;tisation, Th&egrave;se, Perpignan, 2015.</p> <p>-Christine BASTIEN, Folies, mythes et magies d&rsquo;Afrique Noire. Propos des gu&eacute;risseurs du Mali, L&rsquo;Harmattan, Paris, 1998.</p> <p>-Georges BOND ET Diane CIEKAWY (&eacute;d.), Dialogues of Witchcraft: Anthropological and Philosophical Exchanges, Ohio University Press, Athens, OH, 2001.</p> <p>-Jean BRUYAS, Les soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles de l&rsquo;Afrique noire, L&rsquo;Harmattan, Paris, 2001.</p> <p>-Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit p&eacute;nal et de la justice criminelle, PUF, Paris, 2014.</p> <p>-Daniel D&rsquo;ALMEIDA, Cours de proc&eacute;dure p&eacute;nale, Universit&eacute; de Parakou, in&eacute;dit, 2009.</p> <p>-E. E. EVANS-PRITCHARD, Sorcellerie, oracles et magie chez les Azand&eacute;s, trad. par Louis EVRARD, Gallimard, Paris 1972.</p> <p>-Raymond GASSIN, Sylvie CIMAMONTI et Philippe BONFILS, Criminologie, Dalloz, 7e &eacute;d., Paris, 2011.</p> <p>-Meinrad HEBGA, La Rationalit&eacute; d&rsquo;un discours africain sur les ph&eacute;nom&egrave;nes paranormaux, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1998.</p> <p>-R&eacute;my HOUNWANOU, Le fa. Une g&eacute;omancie divinatoire du golfe du B&eacute;nin (pratique et technique), NEA, Dakar, 1984.</p> <p>-F&eacute;lix IROKO, Cours in&eacute;dit d&rsquo;Histoire des faits sociaux, Universit&eacute; de Parakou, 2008-2009.</p> <p>-Paul-Ernest JOSET, Les soci&eacute;t&eacute;s secr&egrave;tes des hommes-l&eacute;opards en Afrique Noire, Payot, 1955.</p> <p>-Suzanne LALLEMAND, La mangeuse d&rsquo;&acirc;mes&nbsp;: sorcellerie et famille en Afrique, L&rsquo;Harmattan, Paris 1988.</p> <p>-Brian LEVACK, La grande chasse aux sorci&egrave;res en Europe au d&eacute;but des temps modernes, Traduit de l&rsquo;anglais par Jacques CHIFFOLEAU, Champ Vallon, Ceyz&eacute;rieu, 1991.</p> <p>-Ren&eacute; LUNEAU, Comprendre l&rsquo;Afrique. Evangile, modernit&eacute;, mangeurs d&rsquo;&acirc;mes, Karthala, Paris 2003.</p> <p>-Lucy MAIR, La sorcellerie, Hachette, Paris, 1969.</p> <p>-Robert MANDROU, Magistrats et sorciers en France au XVIIe Si&egrave;cle, Plon, Paris, 1968.</p> <p>-Bruno MARTINELLI et Jacky BOUJU (dir.), Sorcellerie et violence en Afrique, Karthala, Paris, 2012.</p> <p>-Eloi Messi METOGO, Dieu peut-il mourir en Afrique&nbsp;? Essai sur l&rsquo;indiff&eacute;rence religieuse et l&rsquo;incroyance en Afrique noire, Karthala et UCAC, 1997.</p> <p>-Am&eacute;d&eacute;e OGNIMBA, Les infractions contre les personnes dans le droit traditionnel congolais, th&egrave;se droit Paris 2, 1989.</p> <p>-Jean PALOU, La sorcellerie, PUF, QSJ, Paris, 2e &eacute;d., 1957.</p> <p>-Jean PLIYA, L&rsquo;arbre f&eacute;tiche, &eacute;d. Cl&eacute;, Lyon, 1971.</p> <p>-Charles-Henri Pradelles de LATOUR, Ethnopsychanalyse en pays Bamil&eacute;k&eacute;, E.P.E.L. 1991, Yaound&eacute;, 2006.</p> <p>-Maryse RAYNAL, Justice traditionnelle, justice moderne&nbsp;: Le devin, le Juge et le sorcier, L&rsquo;Harmattan, Paris, 1994.</p> <p>-Arnaut ROBERT, L&rsquo;Afrique du jour et de la nuit, Presse de la cit&eacute;, Paris, 1976.</p> <p>-Georges SCHWEINFURT, Au C&oelig;ur de l&rsquo;Afrique, Hachette, Paris 1875.</p> <p>-Albert de SURGY, Nature et fonction des f&eacute;tiches en Afrique noire. le cas du Sud-Togo, Paris, L&#39;Harmattan, 1994.</p> <p>-Sihaka TSEMO, Droit p&eacute;nal traditionnel au Cameroun et probl&eacute;matique d&rsquo;une nouvelle conception du droit p&eacute;nal africain, th&egrave;se science criminelle, Strasbourg, 1989.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Articles</strong></p> <p>-M. G. Anderson, &ldquo;Belief and crime, in Journal of the Royal African Society, vol. 37, n&deg; 148, 1938.</p> <p>-Marc AUGE, &laquo;&nbsp;Les croyances &agrave; la sorcellerie&nbsp;&raquo;, Marc AUGE (&eacute;d.), La construction du monde, Paris, Maspero, Paris, 1974.</p> <p>-Florence BERNAULT et Joseph TONDA, &laquo;&nbsp;Dynamiques de l&rsquo;invisible en Afrique&nbsp;&raquo;, Politique Africaine, n&deg; 79, octobre 2000.</p> <p>-Florence BERNAULT, &laquo; De la modernit&eacute; comme impuissance. F&eacute;tichisme et crise du politique en Afrique &eacute;quatoriale et ailleurs &raquo;, Cahiers d&#39;&eacute;tudes africaines 2009/3, n&deg; 195.</p> <p>-Kassia BI OULA, &laquo;&nbsp;L&#39;appr&eacute;hension de la sorcellerie par le droit ivoirien.&nbsp;&raquo;, &Eacute;ric de ROSNY (dir.), Justice et sorcellerie, Colloque international de Yaound&eacute;, 2006.</p> <p>-Sophie BOULY DE LESDAIN, &laquo;&nbsp;Migrations camerounaises et sorcellerie en France&nbsp;&raquo;, Revue europ&eacute;enne des migrations internationales, CERPAA CERPOD ORSTOM &ndash; Migrations africaines vol. 10, n&deg; 3, 1994.</p> <p>-Robert BUIJTENHUIJ, &laquo;&nbsp;De la sorcellerie comme mode populaire d&rsquo;action politique&nbsp;&raquo;, Politique Africaine, n&deg; 59, octobre 1995.</p> <p>-Jean-Fran&ccedil;ois CHASSAING, &laquo;&nbsp;Jurisprudence et sorciers&nbsp;&raquo;, Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 18-19&nbsp;|&nbsp;1997, mis en ligne le 20 f&eacute;vrier 2009, consult&eacute; le 19 avril 2016. 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URL&nbsp;: http://etudesafricaines.revues.org/9612</p> <p>-Christine HENRY, &laquo; Le sorcier, le visionnaire et la guerre des &Eacute;glises au Sud-B&eacute;nin &raquo;, Cahiers d&#39;&eacute;tudes africaines 2008/1 n&deg; 189-190.</p> <p>-John Henry HUTTON, &ldquo;Leopard-Men in the Naga Hills&rdquo;, The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, vol. 50 (Jan.-Jun. 1920).</p> <p>-F&eacute;lix IROKO, &laquo;&nbsp;Rois et chefs en R&eacute;publique du B&eacute;nin (1960-1999)&nbsp;&raquo;, Claude-H&eacute;l&egrave;ne PERROT, Fran&ccedil;ois-Xavier FAUVELLE-AYMAR (dir.), Le retour des rois. 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URL : http://medievales.revues.org/988</p> <p>-Eric de ROSNY, &laquo;&nbsp;L&rsquo;univers de la sorcellerie&nbsp;&raquo;, in Justice et sorcellerie, Colloque international de Yaound&eacute;, 2006.</p> <p>-Stanislaw SALMONOWICZ, &laquo;&nbsp;L&rsquo;apog&eacute;e et la fin des proc&egrave;s de sorcellerie en Pologne&nbsp;: XVIIe et XVIIIe si&egrave;cles&nbsp;&raquo;, Auctoritas, M&eacute;langes offerts &agrave; Olivier Guillot, PUPS, Paris, 2006.</p> <p>-Joseph TONDA, &laquo; Capital sorcier et travail de Dieu &raquo;, Politique africaine 2000/3 n&deg; 79.</p> <p>-Joseph TONDA, &laquo; La violence de l&#39;imaginaire des enfants-sorciers &raquo;, Cahiers d&#39;&eacute;tudes africaines 2008, n&deg; 189-190.</p> <p>-Rouveroy Van NIEUWAAL, &laquo;&nbsp;Sorcellerie et justice coutumi&egrave;re dans une soci&eacute;t&eacute; togolaise&nbsp;: une quantit&eacute; n&eacute;gligeable&nbsp;?&nbsp;&raquo;, Penant, n&deg; 801, 1989.</p> <p>&nbsp;</p> <div id="sdfootnote1"> <p><a href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a> La litt&eacute;rature est riche en la mati&egrave;re et l&rsquo;histoire de chaque continent n&rsquo;occulte pas le ph&eacute;nom&egrave;ne. La chasse aux sorci&egrave;res en France en est une illustration. De l&rsquo;Europe aux Etats-Unis, la sorcellerie a s&eacute;vi sous toutes les formes. Ajouter les r&eacute;f&eacute;rences des livres sur la sorcellerie.</p> </div> <div id="sdfootnote2"> <p><a href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Ensemble des pratiques qui tendent &agrave; entrer en relation avec les esprits afin de retrouver le pass&eacute;, interpr&eacute;ter le pr&eacute;sent ou d&eacute;couvrir l&rsquo;avenir.</p> </div> <div id="sdfootnote3"> <p><a href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> Pratique d&rsquo;un individu dot&eacute; de la capacit&eacute; &agrave; entrer en relation avec des r&eacute;alit&eacute;s qui &eacute;chappent &agrave; la perception de l&rsquo;homme ordinaire et au monde empirique. Voir http://www.iesr.ephe.sorbonne.fr/index4488.html</p> </div> <div id="sdfootnote4"> <p><a href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> Le mot de sorcellerie en Afrique subsaharienne n&rsquo;est qu&rsquo;une traduction parfois inappropri&eacute;e des termes vernaculaires.</p> </div> <div id="sdfootnote5"> <p><a href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a> Au B&eacute;nin, la sorcellerie est omnipr&eacute;sente. Dans toutes les populations de la r&eacute;gion, le terme le plus g&eacute;n&eacute;ral pour nommer la puissance de sorcellerie semble avoir une origine commune&nbsp;: adze en ewe, azě en fon, aje en yoruba, mais il existe d&rsquo;autres termes pour nommer les sorciers. Pour s&rsquo;en tenir au fon, certains de ces termes sont construits &agrave; partir de la racine azě comme az&egrave;tɔ&icirc;, le ma&icirc;tre de l&rsquo;azě ou azɔ nɖ a tɔ&icirc; (litt. azɔn&nbsp;: maladie, ɖ a&nbsp;: pr&eacute;parer [de la nourriture], tɔ&icirc;&nbsp;: ma&icirc;tre), celui qui sait pr&eacute;parer des produits pour rendre malade. D&rsquo;autres termes comme mǐnɔ&icirc; (litt. nos m&egrave;res) ou mǐnɔ&icirc; na (litt. nos m&egrave;res&nbsp;: ces dames) renvoient au pouvoir ambivalent de vie et de mort dont sont dot&eacute;es les femmes&nbsp;: une des repr&eacute;sentations communes de la sorci&egrave;re est une vieille femme poss&eacute;dant une calebasse contenant un oiseau (HENRY, 2008, 101). L&rsquo;article de Jean-Claude MULLER en est une illustration. Il &eacute;tudie le pouvoir mystique, la sorcellerie et la structure sociale chez les Rukuba du Nigeria. Bien que son propos s&rsquo;articule autour d&rsquo;un cercle d&eacute;termin&eacute;, la conception de la sorcellerie reste assez hypoth&eacute;tique. Dans le m&ecirc;me ordre d&rsquo;id&eacute;es, voir N&rsquo;KOUSSOU, 2008.</p> </div> <div id="sdfootnote6"> <p><a href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a> Aleksandra CIMPRIC, 2010, 5.</p> </div> <div id="sdfootnote7"> <p><a href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a> Il s&rsquo;agit notamment des auteurs tels que GESCHIERE, 2000&nbsp;; MOORE et SANDERS, 2001, 1‐27. Ces auteurs sont cit&eacute;s par Aleksandra CIMPRIC, 2010, 5.</p> </div> <div id="sdfootnote8"> <p><a href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a> Cette difficult&eacute; r&eacute;sulte de l&rsquo;absence de mot en langue fran&ccedil;aise pour traduire certaines r&eacute;alit&eacute;s, certains mots ou expressions des langues vernaculaires. De ce fait, les chercheurs ont souvent eu recours au syst&egrave;me des &eacute;quivalents, traduisant un ph&eacute;nom&egrave;ne, un mot, une expression par ce qu&rsquo;ils pensaient &ecirc;tre son &eacute;quivalent en fran&ccedil;ais et dans leur syst&egrave;me de valeurs.</p> </div> <div id="sdfootnote9"> <p><a href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a> A ce sujet, voir LALLEMAND, 1988. Cet ouvrage fait le r&eacute;cit d&rsquo;une affaire de sorcellerie dont l&rsquo;auteure est le t&eacute;moin oculaire.</p> </div> <div id="sdfootnote10"> <p><a href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a> Les m&eacute;tamorphoses suscitent beaucoup de scepticisme, certains estimant qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un fait litt&eacute;ral. Ce doute est l&eacute;gitime parce qu&rsquo;en r&eacute;alit&eacute;, comme le souligne Lucy MAIR &agrave; ce propos, le sorcier a la possibilit&eacute; d&rsquo;envoyer des animaux dans le but d&rsquo;effrayer et d&rsquo;intimider les victimes. Des sorciers ont en effet &agrave; leur service des chouettes, des hiboux et des grands ducs, des engoulevents, qui semblent leur ob&eacute;ir et aller l&agrave; o&ugrave; leur ma&icirc;tre les envoie, pour effrayer ses victimes. Cependant, le processus de commandement met en danger la vie du sorcier car sa survie d&eacute;pend de celle de l&rsquo;animal qu&rsquo;il commande. En t&eacute;moigne cette anecdote relat&eacute;e par Ren&eacute; LUNEAU dans son ouvrage Comprendre l&rsquo;Afrique&nbsp;(2003)&nbsp;et qu&rsquo;il tient d&rsquo;un missionnaire ayant s&eacute;journ&eacute; au B&eacute;nin&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un soir raconte-t-il, mon cat&eacute;chiste m&rsquo;appelle. Un type tr&egrave;s bien, un type de foi, une cinquantaine d&rsquo;ann&eacute;es. Il me dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tu ne veux jamais croire aux hiboux et aux sorci&egrave;res.&nbsp;&raquo; Or il y avait un hibou, un seul sur l&rsquo;un des deux cocotiers dans la cour de la mission. Il a pris son fusil, un fusil europ&eacute;en. Il a tu&eacute; le hibou. Le hibou est tomb&eacute; &agrave; nos pieds. Il a ramass&eacute; le hibou et il m&rsquo;a dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Maintenant tu vas voir. On va rentrer dans ma case et la sorci&egrave;re va venir chercher son hibou.&nbsp;&raquo; On est rentr&eacute; dans sa case et j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; surpris quand il est ressorti de la case et a fouill&eacute; autour des arbres pendant dix minutes. Je lui ai dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;pourquoi tu as cherch&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo; Pourquoi&nbsp;? Mais parce qu&rsquo;il ne faut pas qu&rsquo;elle trouve une plume&nbsp;!&nbsp;&raquo; Eh bien, dix minutes apr&egrave;s, on a vu une vieille venir aupr&egrave;s de l&rsquo;arbre et chercher partout, partout. Moi, je n&rsquo;y ai pas cru encore. Je lui ai dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;c&rsquo;est le coup de fusil.&nbsp;&raquo; Il m&rsquo;a dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne peux pas le prouver mieux, mais tu l&rsquo;as vue. Voil&agrave;&nbsp;&raquo;. En fait la croyance dit que si le hibou meurt, la sorci&egrave;re va mourir et c&rsquo;est pour ne pas mourir qu&rsquo;elle doit trouver au moins une plume. Ici elle n&rsquo;est pas morte&nbsp;!&nbsp;&raquo;. Le m&ecirc;me auteur cite la th&egrave;se du P&egrave;re Meinrad Hebga, consacr&eacute;e &agrave; la r&eacute;alit&eacute; physique des m&eacute;tamorphoses d&rsquo;hommes en animaux qui tient ce ph&eacute;nom&egrave;ne pour indiscutable, basant son opinion sur le t&eacute;moignage d&rsquo;hommes et de femmes pond&eacute;r&eacute;s et sinc&egrave;res dont les r&eacute;v&eacute;lations sont assez troublantes. Il y affirme que quelques personnes dignes de foi d&eacute;clarent avoir assist&eacute; &agrave; des sc&egrave;nes &eacute;tranges de transmutations d&rsquo;hommes en animaux.</p> </div> <div id="sdfootnote11"> <p><a href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a> Les travaux de cet anthropologue sur la sorcellerie chez les Zand&eacute;s font autorit&eacute; en la mati&egrave;re et nous pensons qu&rsquo;ils sont devenus une r&eacute;f&eacute;rence.</p> </div> <div id="sdfootnote12"> <p><a href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a> Le Soudan &agrave; cette &eacute;poque est alors administr&eacute; conjointement par l&rsquo;Egypte et le Royaume-Uni, domination qui s&rsquo;&eacute;tendra de 1899 &agrave; 1956. Les travaux de l&rsquo;anthropologue portent sur l&rsquo;ann&eacute;e 1937.</p> </div> <div id="sdfootnote13"> <p><a href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a> L&rsquo;&eacute;preuve du poison et les ordalies diverses rel&egrave;vent de ce qu&#39;en France on appelait autrefois le &laquo; jugement de Dieu &raquo;.</p> </div> <div id="sdfootnote14"> <p><a href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a> Ce sont des maladies dont la cause est pour quelques-unes bien connue mais dont la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle ignore l&rsquo;existence scientifique.</p> </div> <div id="sdfootnote15"> <p><a href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a> Les croyances sont semblables en plusieurs endroits ce qui concerne le rapt de l&rsquo;&acirc;me. Tous les peuples en Afrique croient en l&rsquo;existence d&rsquo;un esprit chez l&rsquo;homme qui se s&eacute;pare du corps &agrave; la mort. Le sorcier provoque donc la mort de sa victime en s&rsquo;appropriant l&rsquo;esprit de celle&ndash;ci qu&rsquo;il transf&egrave;re dans une autre mati&egrave;re. Ce peut &ecirc;tre un animal, un objet, ou encore un emprisonnement. La destruction de l&rsquo;objet, de l&rsquo;animal provoquera la mort de la victime. Un r&eacute;cit d&rsquo;un fait v&eacute;cu est illustr&eacute; dans le roman de l&rsquo;&eacute;crivain b&eacute;ninois Jean PLYA, intitul&eacute; L&rsquo;arbre f&eacute;tiche dans lequel il relate le proc&eacute;d&eacute; par lequel un sorcier est entr&eacute; en possession de l&rsquo;esprit d&rsquo;un jeune homme, l&rsquo;agonie et la mort de ce dernier (PLIYA, 1971).</p> </div> <div id="sdfootnote16"> <p><a href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a> L&rsquo;empoisonnement constitue un acte de sorcellerie simplement parce qu&rsquo;il est accompli par un sorcier. En effet, il y avait l&rsquo;empoisonnement collectif et l&rsquo;empoisonnement individuel. L&rsquo;empoisonnement collectif &eacute;tait employ&eacute; en temps de guerre et consistait &agrave; mettre des plantes nocives dans un puits afin de d&eacute;cimer tout un village ou toute une population. L&rsquo;empoisonnement individuel, plut&ocirc;t classique consiste pour le sorcier &agrave; mettre des substances nocives issues des plantes dans les aliments de sa victime. C&rsquo;est donc uniquement la qualit&eacute; de sorcier de l&rsquo;auteur de l&rsquo;empoisonnement qui fait qu&rsquo;on l&rsquo;attribue &agrave; tort &agrave; la sorcellerie.</p> </div> <div id="sdfootnote17"> <p><a href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a> L&rsquo;utilisation des f&eacute;tiches renvoie &agrave; l&rsquo;utilisation des marionnettes confectionn&eacute;es par le sorcier et qui symbolisent la victime. Ce faisant, le sorcier agit sur la victime par l&rsquo;entremise de la marionnette. C&rsquo;est par ce proc&eacute;d&eacute; que les sorciers sont capables d&rsquo;envo&ucirc;ter leur victime ou encore de leur jeter des sorts.</p> </div> <div id="sdfootnote18"> <p><a href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a> En anthropologie, le fonctionnalisme et le structuralisme sont des courants initi&eacute;s par deux auteurs diff&eacute;rents qui s&rsquo;opposent. Alors que fonctionnalisme tente de trouver &agrave; chaque fait social une fonction, le structuralisme met l&rsquo;accent sur les unit&eacute;s &eacute;l&eacute;mentaires du syst&egrave;me &eacute;tudi&eacute; d&rsquo;o&ugrave; la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la structure entendue comme un mod&egrave;le th&eacute;orique. Pour &ecirc;tre plus pr&eacute;cis, MALINOWSKI soutient la th&egrave;se fonctionnaliste tandis que Claude LEVY-STRAUSS soutient la th&egrave;se structuraliste.</p> </div> <div id="sdfootnote19"> <p><a href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a> En Afrique de l&rsquo;ouest.</p> </div> <div id="sdfootnote20"> <p><a href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a> &laquo; De nouvelles situations exigent de nouvelles magies&nbsp;&raquo;.</p> </div> <div id="sdfootnote21"> <p><a href="#sdfootnote21anc" name="sdfootnote21sym">21</a> Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une certaine r&eacute;gulation sociale qui pose quand m&ecirc;me des probl&egrave;mes juridiques.</p> </div> <div id="sdfootnote22"> <p><a href="#sdfootnote22anc" name="sdfootnote22sym">22</a> Il est vrai qu&rsquo;une telle affirmation para&icirc;t aberrante &agrave; premi&egrave;re vue mais elle ne manque pas de bien-fond&eacute; lorsque dans la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle un travail acharn&eacute; peut-&ecirc;tre synonyme de soup&ccedil;on de sorcellerie. Cela est assez remarquable avec les soci&eacute;t&eacute;s &eacute;galitaires. Quand il y a de tr&egrave;s faibles possibilit&eacute;s de s&rsquo;enrichir, les gens souffrent d&rsquo;un &eacute;cart l&eacute;ger entre ce qu&rsquo;ils poss&egrave;dent et le peu que d&rsquo;autres ont en plus, exactement comme les pauvres envient les riches dans un monde o&ugrave; les diff&eacute;rences sont &eacute;normes. Ils croient en cons&eacute;quence qu&rsquo;un bon voisin ne devrait pas chercher &agrave; distancer ses cong&eacute;n&egrave;res. De ce fait assez de pratique sont r&eacute;pandues afin d&rsquo;inhiber les efforts de l&rsquo;autre.</p> </div> <div id="sdfootnote23"> <p><a href="#sdfootnote23anc" name="sdfootnote23sym">23</a> Il s&rsquo;agit des crit&egrave;res qui ne sont pr&eacute;d&eacute;fini nulle part. Ainsi, les gens qui mangent seuls et n&rsquo;aiment pas partager leur nourriture, les gens arrogants qui passent devant les autres sans les saluer, un individu qui d&eacute;visage fixement les autres, un individu qui louche et dont le sourire est interpr&eacute;t&eacute; comme un moyen de faire croire &agrave; un bon naturel.</p> </div> <div id="sdfootnote24"> <p><a href="#sdfootnote24anc" name="sdfootnote24sym">24</a> On pourrait l&rsquo;assimiler &agrave; une atteinte contre l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; morale des individus.</p> </div> <div id="sdfootnote25"> <p><a href="#sdfootnote25anc" name="sdfootnote25sym">25</a> Ils sont aussi souvent accus&eacute;s d&rsquo;appartenir &agrave; l&rsquo;instar de leurs homologues occidentaux, &agrave; des soci&eacute;t&eacute;s dites secr&egrave;tes telles que la franc-ma&ccedil;onnerie ou la rose croix.</p> </div> <div id="sdfootnote26"> <p><a href="#sdfootnote26anc" name="sdfootnote26sym">26</a> Il demeure difficile de dresser une liste exhaustive des appellations qui y sont relatives car il en existe plusieurs qui sont g&eacute;n&eacute;ralement synonymes.</p> </div> <div id="sdfootnote27"> <p><a href="#sdfootnote27anc" name="sdfootnote27sym">27</a> Pierre GESCHIERE n&rsquo;oubliait pas de souligner ses limites, en particulier son occidentalo-centrisme (&laquo;&nbsp;traduction pr&eacute;caire de notions africaines ayant souvent un sens beaucoup plus large&nbsp;&raquo;). Voir BERNAULT, 2009, 747-774.</p> </div> <div id="sdfootnote28"> <p><a href="#sdfootnote28anc" name="sdfootnote28sym">28</a> Le sorcier qui produit le mal peut &eacute;galement le r&eacute;parer. C&rsquo;est ce dont t&eacute;moigne cette anecdote&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je me souviens encore comme si cela datait d&#39;hier comment trois enfants de mon village et moi-m&ecirc;me nous avons attrap&eacute; une terrible maladie d&#39;yeux. Quelle en &eacute;tait la cause ? Nous &eacute;tions au village pendant que tous nos parents travaillaient aux champs. Anim&eacute;s par un esprit de peur comme tous les enfants de chez nous, nous nous sommes enferm&eacute;s dans une maison &agrave; la vue d&#39;un homme r&eacute;put&eacute; pour sa sorcellerie, Kimuka. Mais au lieu de nous cacher silencieusement, guid&eacute;s par moi tous les quatre nous avons commenc&eacute; &agrave; crier sur lui : &laquo;O muloyi, o muloyi&raquo;, ce qui signifie : &laquo;&nbsp;Un sorcier ! Un sorcier !&nbsp;&raquo; Kimuka &eacute;bahi s&#39;est arr&ecirc;t&eacute; au milieu du village, nous regardant &eacute;trangement. Puis, d&#39;un pas d&eacute;cid&eacute; il est rentr&eacute; chez lui. Nous avons quitt&eacute; la maison et couru vers nos parents. Inform&eacute;s de cet &eacute;v&eacute;nement par nous-m&ecirc;mes, ils nous ont grond&eacute;s s&eacute;v&egrave;rement. Trois jours apr&egrave;s, nous attrapions tous quatre un terrible mal d&#39;yeux qui ne nous permettait plus de voir. Menac&eacute; par les parents des trois autres, car j&#39;&eacute;tais le plus &acirc;g&eacute;, papa a &eacute;t&eacute; oblig&eacute; d&rsquo;aller voir Kimuka, soup&ccedil;onn&eacute; d&#39;&ecirc;tre l&#39;agent du malheur. Apr&egrave;s qu&#39;il lui eut expos&eacute; le cas, Kimuka, contrairement &agrave; beaucoup de sorciers, ne chercha pas &agrave; nier son action. Il semble qu&#39;il aurait d&eacute;clar&eacute; : &laquo;Si ce n&#39;&eacute;taient pas des gosses, vos supplications n&#39;y changeraient rien ; je ferais d&#39;eux de grands aveugles &raquo;. Papa lui a alors donn&eacute; un cadeau et est revenu. Il n&#39;a pas fallu plus de deux jours pour qu&#39;on soit r&eacute;tablis &raquo; (ERNY, 1979, 240). Voici un autre exemple, tragique celui-ci, qui se d&eacute;roule au B&eacute;nin. &laquo; Une femme, par jalousie, a rendu son mari aveugle. Accus&eacute;e et conduite sur la place publique, elle reconnut le fait et accepta volontiers de faire recouvrer la vue &agrave; son &eacute;poux &agrave; condition qu&#39;elle retourn&acirc;t chez elle d&#39;abord. S&ucirc;rement pour prendre les produits n&eacute;cessaires pour la d&eacute;livrance, nous sommes-nous dit. On la fit escorter pour raison de s&eacute;curit&eacute;. Mais d&egrave;s qu&#39;elle franchit le seuil de sa concession, elle interdit l&#39;acc&egrave;s de sa chambre aux membres de l&#39;escorte s&#39;ils tiennent &agrave; conserver leur vie. Elle s&eacute;journa seule dans sa case quelques instants, puis sortit et reprit le chemin en direction de la place publique avec son escorte. Mais, coup de th&eacute;&acirc;tre, elle se d&eacute;tacha brusquement du groupe pour une motte de terre dans une brousse et en ramena quelques feuilles. Alors que tout le monde s&#39;attendait &agrave; la voir d&eacute;livrer son mari, elle lui tourna le dos, s&#39;allongea de tout son long par terre et se mit &agrave; agiter les bras &agrave; la mani&egrave;re d&#39;un oiseau atteint mortellement et qui battait des ailes tout en bavant, puis elle s&#39;&eacute;teignit. Son mari demeura ainsi aveugle, victime de la jalousie de sa femme &raquo;. &laquo; Une autre sorci&egrave;re a avou&eacute; durant les derniers instants de sa vie, qu&#39;elle s&#39;est rendue &agrave; Paris par deux fois avant de pouvoir tuer un de ses neveux &eacute;tudiant et que pour la derni&egrave;re fois elle a failli &ecirc;tre surprise par le jour &raquo; (HOUNWANOU, 1984, 72).</p> </div> <div id="sdfootnote29"> <p><a href="#sdfootnote29anc" name="sdfootnote29sym">29</a> Pierre ERNY, 1979, 236.</p> </div> <div id="sdfootnote30"> <p><a href="#sdfootnote30anc" name="sdfootnote30sym">30</a> Quand les Portugais entr&egrave;rent en contact, &agrave; la fin du quinzi&egrave;me si&egrave;cle, avec les populations riveraines du Golfe de Guin&eacute;e, ils y remarqu&egrave;rent une grande vari&eacute;t&eacute; d&#39;objets protecteurs et de supports d&#39;activit&eacute; magique sur lesquels il semblait bien qu&#39;un culte fut rendu et qu&#39;ils appel&egrave;rent f&eacute;itissos, d&#39;un mot auquel &eacute;taient attach&eacute;es les id&eacute;es d&#39;artificialit&eacute;, de ma&icirc;trise du sort et de mal&eacute;fice. Traduit en fran&ccedil;ais par f&eacute;tiche, ce terme fut par la suite employ&eacute; &agrave; tort et &agrave; travers, par des auteurs n&#39;ayant pas de contact avec les objets en question ou r&eacute;pugnant &agrave; en avoir, pour d&eacute;signer toutes sortes de pratiques et d&#39;aberrations faussement attribu&eacute;es aux Noirs. Puis, par extension ils l&rsquo;appliqu&egrave;rent &agrave; d&#39;autres pr&eacute;tendues &quot;peuplades primitives&quot; et &agrave; l&#39;homme &quot;primitif&#39; se r&eacute;v&eacute;lant en chaque civilis&eacute; pour peu qu&#39;un d&eacute;faut d&#39;instruction, une catastrophe sociale ou un trouble psychique laisse &agrave; nu les couches les plus frustes de sa personne (SURGY, 1994, 7).</p> </div> <div id="sdfootnote31"> <p><a href="#sdfootnote31anc" name="sdfootnote31sym">31</a> SURGY, 1994, 15.</p> </div> <div id="sdfootnote32"> <p><a href="#sdfootnote32anc" name="sdfootnote32sym">32</a> Christine BASTIEN observe que l&rsquo;homme s&rsquo;inscrit ici comme le maillon le plus bas dans la connaissance du savoir. Dans son plan surnaturel, le savoir devient r&eacute;v&eacute;lation selon des sc&eacute;narii o&ugrave; les jin sont les principaux protagonistes.</p> </div> <div id="sdfootnote33"> <p><a href="#sdfootnote33anc" name="sdfootnote33sym">33</a> Il faut se placer dans la perspective d&rsquo;un univers o&ugrave; tout est anim&eacute;, et restituer l&rsquo;homme en tant que vivant privil&eacute;gi&eacute; au sein de la cr&eacute;ation, pour donner &agrave; la notion de secret la valeur qu&rsquo;elle a dans la tradition bambara et dans la plupart des traditions africaines. En effet, la connaissance constitue un secret entre dieu et l&rsquo;homme par rapport &agrave; tous les habitants de l&rsquo;univers qui n&rsquo;en disposent pas.</p> </div> <div id="sdfootnote34"> <p><a href="#sdfootnote34anc" name="sdfootnote34sym">34</a> Le Fa se pr&eacute;sente comme un syst&egrave;me de divination dont seul le devin conna&icirc;t le secret. Il a un langage symbolique qui se traduit par des traits qui forment des signes. Il implique une technique qui n&eacute;cessite un long apprentissage, une sorte de formation, d&rsquo;initiation. En somme, le Fa est un moyen qui permet de r&eacute;v&eacute;ler les desseins de Dieu, une technique, un art qui permet aux devins de communiquer avec Dieu, les dieux, l&#39;au-del&agrave;, les anc&ecirc;tres, les d&eacute;funts, etc. Il est utilis&eacute; dans les moments critiques de la vie tels que : maladies graves, d&eacute;c&egrave;s, naissances, mariages, etc. (HOUNWANOU, 1984, 72).</p> </div> <div id="sdfootnote35"> <p><a href="#sdfootnote35anc" name="sdfootnote35sym">35</a> La r&eacute;incarnation pouvait justifier dans certaines contr&eacute;es le ph&eacute;nom&egrave;ne d&rsquo;hommes-animaux comme c&rsquo;est le cas dans le haut Zamb&egrave;se. &laquo; Une tribu des environs, me raconte un marchand, consid&egrave;re que les lions sont des chefs r&eacute;incarn&eacute;s, ils ne les tuent pas. Un jour je tuai un lion. Le lendemain, une grande foule se rassemble devant ma maison : Tu as tu&eacute; notre roi. Comment votre roi&nbsp;? Oui. Quel &acirc;ge avait le lion que tu as tu&eacute;? Trois ans environ. Eh bien, il y a tout juste trois ans que notre roi est mort. Ne tue plus de lions, ou nous te voudrions du mal, car ce sont nos chefs d&eacute;funts. &raquo; &laquo; Le jour suivant arrive la s&oelig;ur du roi d&eacute;funt, et elle me maudit. Et en effet, je tombai gravement malade apr&egrave;s cela. &raquo; (KUNTZ, 1932, t. 2, fasc. 2. 123-138).</p> </div> <div id="sdfootnote36"> <p><a href="#sdfootnote36anc" name="sdfootnote36sym">36</a> Les soci&eacute;t&eacute;s modernes manifestent une aversion si grande pour l&rsquo;anthropophagie que dans nombre de pays elle ne fait pas l&rsquo;objet d&rsquo;une incrimination sp&eacute;cifique. C&rsquo;est le cas d&rsquo;ailleurs en France et au B&eacute;nin o&ugrave;, en fonction des circonstances, les articles relatifs au meurtre, d&rsquo;atteintes au respect d&ucirc; au mort et d&rsquo;actes de barbarie sont souvent appliqu&eacute;s. L&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;un &eacute;tudiant japonais qui d&eacute;vora en 1981 son amie n&eacute;erlandaise &agrave; Paris de m&ecirc;me que le cas d&rsquo;un fran&ccedil;ais incarc&eacute;r&eacute; &agrave; la prison de Rouen en 2007 pour avoir tu&eacute; et mang&eacute; un morceau de poumon de son cod&eacute;tenu atteste que l&rsquo;anthropophagie fait encore partie de l&rsquo;histoire contemporaine de la criminalit&eacute; (GASSIN, CIMAMONTI et BONFILS, 2011, 323).</p> </div> <div id="sdfootnote37"> <p><a href="#sdfootnote37anc" name="sdfootnote37sym">37</a> Il s&rsquo;agit vraisemblablement d&rsquo;une ethnie des Zand&eacute;. Plusieurs autres ethnies sont concern&eacute;es par cette pratique. Les explorateurs de l&rsquo;&eacute;poque lui attribuent des raisons tout aussi diff&eacute;rentes que parfois pittoresques et fallacieuses.</p> </div> <div id="sdfootnote38"> <p><a href="#sdfootnote38anc" name="sdfootnote38sym">38</a> La majorit&eacute; des auteurs ayant observ&eacute; le ph&eacute;nom&egrave;ne &eacute;taient non seulement &eacute;trangers au syst&egrave;me de culture des peuples mais aussi des r&eacute;sidents temporaires en leur sein. Provenant des milieux o&ugrave; le cannibalisme &eacute;tait s&ucirc;rement d&eacute;pass&eacute;, leur appr&eacute;hension subjective a sembl&eacute; l&rsquo;emporter sur l&rsquo;objectivit&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne. C&rsquo;est ainsi que certains parleront du cannibalisme comme d&rsquo;une odieuse coutume de manger la chair humaine et dont la seule lecture des traits inspire un profond d&eacute;go&ucirc;t. Les arguments de toute sorte sont avanc&eacute;s &eacute;galement pour justifier l&rsquo;origine de cette pratique mais les savants ne s&rsquo;accordent gu&egrave;re sur cette question. Les un y voient un des restes de l&rsquo;&eacute;tat de barbarie dans lequel vivait l&rsquo;homme primitif tandis que pour d&rsquo;autres cette habitude est la preuve d&rsquo;une d&eacute;ch&eacute;ance morale. Certains pr&eacute;tendent que cette coutume s&rsquo;introduit chez une peuplade par suite de l&rsquo;absence du chien et il en est qui pensent que le cannibalisme ne provient que de l&rsquo;exc&egrave;s de mis&egrave;re chez une nation et de l&rsquo;exc&egrave;s d&rsquo;aridit&eacute; du pays qu&rsquo;elle habite. Voir en Ligne&nbsp;: Ein Dienst der ETH-Bibliothek ETH Z&uuml;rich, R&auml;mistrasse 101, 8092 Z&uuml;rich, Schweiz, www.library.ethz.ch http://retro.seals.ch. Il ne faut pas s&rsquo;y m&eacute;prendre, l&rsquo;anthropophagie est commune &agrave; tous les peuples du monde. Cependant, avec l&rsquo;&eacute;mergence des divers droits de l&rsquo;homme certains peuples ont abandonn&eacute; le cannibalisme plus t&ocirc;t que d&rsquo;autres. A la faveur de la colonisation, des ind&eacute;pendances et de l&rsquo;imbrication de la soci&eacute;t&eacute; traditionnelle et de la modernit&eacute;, il n&rsquo;est pas surprenant que les textes p&eacute;naux introduits &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; les indig&egrave;nes ne s&rsquo;y identifient pas, l&rsquo;&eacute;l&egrave;vent au rang d&rsquo;infraction dans la mesure o&ugrave; elles conduisent toujours au meurtre.</p> </div> <div id="sdfootnote39"> <p><a href="#sdfootnote39anc" name="sdfootnote39sym">39</a> Nous tenons &agrave; insister sur ce point car son usage pourrait pr&ecirc;ter &agrave; confusion. Elle constitue un &eacute;l&eacute;ment fondamental de notre argumentation. Son usage renvoie non seulement &agrave; la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;avant la colonisation qu&rsquo;on qualifierait de primitive, mais rev&ecirc;t pour nous un caract&egrave;re id&eacute;ologique qui rend dynamiques nos d&eacute;veloppements car nous soutenons la th&egrave;se selon laquelle en mati&egrave;re id&eacute;ologique, certains aspects et certaines conceptions n&rsquo;ont pas chang&eacute; et demeurent vivaces dans l&rsquo;esprit d&rsquo;une frange des populations d&rsquo;Afrique subsaharienne. De sorte que pour nous, ces populations constituent encore des soci&eacute;t&eacute;s traditionnelles. Il faudra donc prendre en consid&eacute;ration une p&eacute;riode relativement longue qui s&rsquo;&eacute;tend des temps pr&eacute;coloniaux &agrave; nos jours dans la mesure o&ugrave; en certaines mati&egrave;res (sorcellerie dans notre cas), ce ne sont que les &eacute;tudes contemporaines qui rendent compte le mieux.</p> </div> <div id="sdfootnote40"> <p><a href="#sdfootnote40anc" name="sdfootnote40sym">40</a> Cette p&eacute;riode comporte deux grandes p&eacute;riodes de l&rsquo;histoire &agrave; savoir le Moyen &acirc;ge qui commence avec la chute de l&rsquo;empire romain et qui se termine avec la d&eacute;couverte de l&rsquo;Am&eacute;rique en 1492 par Christophe Colomb et les temps modernes qui d&eacute;butent de 1492 et se poursuivent jusqu&rsquo;&agrave; la R&eacute;volution fran&ccedil;aise de 1789 pour laisser place &agrave; l&rsquo;&eacute;poque contemporaine.</p> </div> <div id="sdfootnote41"> <p><a href="#sdfootnote41anc" name="sdfootnote41sym">41</a> Une telle remarque nous conforte dans notre analyse qui repose sur la comparaison entre les soci&eacute;t&eacute;s africaines et europ&eacute;ennes en tenant compte des &eacute;poques diff&eacute;rentes plut&ocirc;t que se situant sur la m&ecirc;me p&eacute;riode. Une telle d&eacute;marche que nous adoptions d&eacute;j&agrave; dans le cadre de notre m&eacute;moire de master permet de mieux poser les probl&eacute;matiques contemporaines africaines et de ne pas fausser le d&eacute;bat de la soif du d&eacute;veloppement que l&rsquo;Afrique appelle de tous ses v&oelig;ux et dont le besoin se fait ressentir dans tous les domaines.</p> </div> <div id="sdfootnote42"> <p><a href="#sdfootnote42anc" name="sdfootnote42sym">42</a> Quelques exemples d&rsquo;ordalies&nbsp;: -On fait boire aux suspects un m&eacute;lange d&rsquo;eau et d&rsquo;huile de palme. Chacun boit trois gorg&eacute;es. Ensuite on donne chacun un cauri qu&rsquo;il doit laisser tomber dans un r&eacute;cipient rempli d&rsquo;eau. Le cauri du coupable flottera &agrave; la surface de l&rsquo;eau. -Un serpent venimeux est plac&eacute; dans une enceinte o&ugrave; se tiennent les suspects. Le coupable est celui que le serpent mordra. -On donne un plat &agrave; chacun des suspects qui y d&eacute;pose une poudre blanche avec pour cons&eacute;quence que le visage du coupable s&rsquo;imprimera dans l&rsquo;assiette (BRILLON, 1980, 109.</p> </div> <div id="sdfootnote43"> <p><a href="#sdfootnote43anc" name="sdfootnote43sym">43</a> En Pologne par exemple la noblesse est de plus en plus forte face au pouvoir royal qui repr&eacute;sente l&rsquo;Etat et peut agir de ce fait sur ses d&eacute;cisions. Ainsi, la noblesse, demandant la tol&eacute;rance religieuse, vota &agrave; la di&egrave;te en 1563 une loi g&eacute;n&eacute;rale interdisant aux autorit&eacute;s de l&rsquo;Etat, l&rsquo;ex&eacute;cution par la force des d&eacute;cisions des tribunaux eccl&eacute;siastiques. L&rsquo;&eacute;glise catholique perdit (SALMONOWICZ, 2006, 721.</p> </div> <div id="sdfootnote44"> <p><a href="#sdfootnote44anc" name="sdfootnote44sym">44</a> La chasse aux sorci&egrave;res ne fut pas en effet un &eacute;v&eacute;nement historique singulier mais la r&eacute;sultante des milliers de proc&egrave;s particuliers qui se d&eacute;roul&egrave;rent, pendant plus de trois si&egrave;cles, de l&rsquo;Ecosse &agrave; la Transylvanie, de l&rsquo;Espagne &agrave; la Finlande. Si ces proc&egrave;s pr&eacute;sentent de nombreux traits communs, ils prirent aussi naissance dans des circonstances historiques diff&eacute;rentes et refl&egrave;tent souvent des croyances en la sorcellerie tr&egrave;s sp&eacute;cifiques selon les r&eacute;gions o&ugrave; se d&eacute;roulaient (LEVACK, 1991, 10).</p> </div> <div id="sdfootnote45"> <p><a href="#sdfootnote45anc" name="sdfootnote45sym">45</a> Il s&rsquo;agit notamment du d&eacute;veloppement des pens&eacute;es h&eacute;r&eacute;tiques et de la pens&eacute;e scolastique qui est &agrave; la fois abstraite et dogmatique.</p> </div> <div id="sdfootnote46"> <p><a href="#sdfootnote46anc" name="sdfootnote46sym">46</a> La R&eacute;forme est un mouvement religieux qui cassa unit&eacute; de la chr&eacute;tient&eacute; m&eacute;di&eacute;vale et dont les premiers artisans furent Martin Luther, Calvin, Zwingli et Bucer. Ils avaient pour objectif de redonner &agrave; l&rsquo;Eglise la puret&eacute; des origines chr&eacute;tiennes. Elle fut protestante.</p> </div> <div id="sdfootnote47"> <p><a href="#sdfootnote47anc" name="sdfootnote47sym">47</a> En r&eacute;ponse &agrave; la R&eacute;forme, il y eut la contre-r&eacute;forme qui n&rsquo;est rien d&rsquo;autre que le mouvement de r&eacute;forme interne du catholicisme dans le but de restructurer l&rsquo;Eglise. Le principal objectif des r&eacute;formateurs catholiques fut d&rsquo;&eacute;liminer la corruption &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;Eglise, d&rsquo;&eacute;duquer le clerg&eacute;, de susciter et de renforcer la foi parmi les la&iuml;cs et de reconqu&eacute;rir la pi&eacute;t&eacute; des individus et des communaut&eacute;s qui &eacute;taient pass&eacute;s au protestantisme.</p> </div> <div id="sdfootnote48"> <p><a href="#sdfootnote48anc" name="sdfootnote48sym">48</a> Il s&rsquo;agit de l&rsquo;Eglise et des Inquisiteurs (CARBASSE, 2014, 352).</p> </div> <div id="sdfootnote49"> <p><a href="#sdfootnote49anc" name="sdfootnote49sym">49</a> Pour rappel, dans le syst&egrave;me accusatoire, l&rsquo;action p&eacute;nale pouvait &ecirc;tre lanc&eacute;e et poursuivie par une personne priv&eacute;e, en l&rsquo;occurrence la partie l&eacute;s&eacute;e. Elle consistait en une accusation formelle devant le juge qui condamnait si l&rsquo;accus&eacute; reconnaissait son crime ou recourait &agrave; Dieu pour demander le signe de l&rsquo;innocence ou de la culpabilit&eacute; de l&rsquo;accus&eacute; par la forme de preuve la plus commune de l&rsquo;&eacute;poque qu&rsquo;est l&rsquo;ordalie. Mais le syst&egrave;me ne faisait pas toujours preuve d&rsquo;efficacit&eacute; dans la poursuite du crime car il pouvait y avoir fraude dans les ordalies mais aussi ce qu&rsquo;on qualifierait aujourd&rsquo;hui de subornation de t&eacute;moins.</p> </div> <div id="sdfootnote50"> <p><a href="#sdfootnote50anc" name="sdfootnote50sym">50</a> Cette nouvelle forme de d&eacute;nonciation est dangereuse et ouvre la voie &agrave; des accusations arbitraires et facilitera les proc&egrave;s de sorcellerie.</p> </div> <div id="sdfootnote51"> <p><a href="#sdfootnote51anc" name="sdfootnote51sym">51</a> La litt&eacute;rature sur la d&eacute;monologie &eacute;tait abondante et les juge ne manquaient pas de s&rsquo;en servir afin d&rsquo;avoir une bonne connaissance du sujet.</p> </div> <div id="sdfootnote52"> <p><a href="#sdfootnote52anc" name="sdfootnote52sym">52</a> C&rsquo;est la parque impos&eacute;e par le diable &agrave; ses cr&eacute;atures et qui provoque des points d&rsquo;insensibilit&eacute; que le chirurgien est sens&eacute; retrouver pour prouver l&rsquo;accusation.</p> </div> <div id="sdfootnote53"> <p><a href="#sdfootnote53anc" name="sdfootnote53sym">53</a> La baignade &agrave; un caract&egrave;re public et consiste en l&rsquo;immersion de l&rsquo;accus&eacute; dans l&rsquo;eau. Selon la croyance populaire, le sorcier jet&eacute; &agrave; l&rsquo;eau pieds et mains li&eacute;s ne va pas au fond mais surnage. L&rsquo;innocent au contraire coule.</p> </div> <div id="sdfootnote54"> <p><a href="#sdfootnote54anc" name="sdfootnote54sym">54</a> Celui de produire un aveu, fut-il v&eacute;ridique ou mensonger.</p> </div> <div id="sdfootnote55"> <p><a href="#sdfootnote55anc" name="sdfootnote55sym">55</a> Colloque international organis&eacute; par le Centre africain des hautes &eacute;tudes (CAHE) &agrave; Cotonou, du 16 au 19 octobre 2006, sur le th&egrave;me &laquo; Savoir traditionnel et science moderne &raquo;.</p> </div> <div id="sdfootnote56"> <p><a href="#sdfootnote56anc" name="sdfootnote56sym">56</a> Pour un peuple qui a connu la chasse aux sorci&egrave;res, une telle incrimination, en plus d&rsquo;&ecirc;tre insuffisante est banale. Et pour cause, en introduisant cet article dans l&rsquo;ordre r&eacute;pressif des colonies, le l&eacute;gislateur colonial entendait r&eacute;agir contre certaines pratiques qui y avaient cours. Pour ne s&#39;en tenir qu&#39;&agrave; la question de la sorcellerie, les jugements par ordalies, les actes de s&eacute;questration des mis en cause, &eacute;taient, pour les dirigeants fran&ccedil;ais, peu compatibles avec dignit&eacute; et la libert&eacute; humaines. &Eacute;tant donn&eacute; par ailleurs qu&#39;ils provoquaient parfois de graves troubles au sein de communaut&eacute;s importantes, ces actes devaient in&eacute;vitablement provoquer l&#39;intervention du l&eacute;gislateur. Il faut rappeler &eacute;galement la conception de la sorcellerie retenue par le l&eacute;gislateur colonial. Il s&#39;agit de l&#39;activit&eacute; d&#39;une personne, fond&eacute;e sur la croyance en son pouvoir myst&eacute;rieux, surnaturel. Il importe peu que le pouvoir invoqu&eacute; soit pr&eacute;tendument malfaisant ou b&eacute;n&eacute;fique. Tout acte qui ne repose pas sur des connaissances rationnelles, rel&egrave;ve de la sorcellerie, et peut tomber sous le coup de la loi p&eacute;nale (BI OULA, 2006, 245).</p> <p>Une telle position r&eacute;pond bien &agrave; l&rsquo;histoire occidentale de la sorcellerie car ayant eu lieu au moyen-&acirc;ge, la chasse aux sorci&egrave;res et la sorcellerie ne sont plus d&rsquo;actualit&eacute; pour le colonisateur qui se trouve au moment de la colonisation dans une nouvelle &egrave;re, celle de la modernit&eacute; ou la raison et la science l&rsquo;emporte sur tout le reste et o&ugrave; la d&eacute;claration des droits de l&rsquo;homme et du citoyen est au centre de toute id&eacute;ologie colonisatrice. Tel n&rsquo;&eacute;tait malheureusement pas la conception africaine d&rsquo;alors et une banalisation d&rsquo;un tel ph&eacute;nom&egrave;ne a l&rsquo;effet dont nous traitons.</p> </div> <div id="sdfootnote57"> <p><a href="#sdfootnote57anc" name="sdfootnote57sym">57</a> Il correspond &agrave; l&rsquo;article 264 que le l&eacute;gislateur colonial avait adopt&eacute;.</p> </div> <div id="sdfootnote58"> <p><a href="#sdfootnote58anc" name="sdfootnote58sym">58</a> A cette &eacute;poque en effet, les chefs traditionnels et les royaut&eacute;s constituent pour le pouvoir en place une menace et un obstacle sur la voie du marxisme l&eacute;ninisme. Voir IROKO, 2003, 111-124. Cette lutte politique am&egrave;ne le l&eacute;gislateur b&eacute;ninois d&rsquo;alors &agrave; mettre une infraction qui porte atteinte aux biens et aux personnes dans la section du Code p&eacute;nal intitul&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;R&eacute;sistance, d&eacute;sob&eacute;issance et autres manquements envers l&rsquo;autorit&eacute; publique&nbsp;&raquo;. Cela rappelle le Moyen Age fran&ccedil;ais o&ugrave; le royaume s&rsquo;approprie et organise la chasse aux sorci&egrave;res suscit&eacute;e par les populations.</p> </div> <div id="sdfootnote59"> <p><a href="#sdfootnote59anc" name="sdfootnote59sym">59</a> Ladite loi a fait l&rsquo;objet d&rsquo;un contr&ocirc;le de constitutionnalit&eacute; et par la d&eacute;cision DCC 98-035 du 8 avril 1998, la Cour constitutionnelle d&eacute;clare que l&rsquo;incrimination &laquo;&nbsp;et toute pratique du genre&nbsp;&raquo; contenue dans la loi n&rsquo;est pas conforme &agrave; la Constitution. Par cette incrimination en effet la loi voulait r&eacute;unir et sanctionner toutes les pratiques occultes.</p> </div> <div id="sdfootnote60"> <p><a href="#sdfootnote60anc" name="sdfootnote60sym">60</a> On retrouve &eacute;galement la m&ecirc;me incrimination dans les Codes p&eacute;naux ivoirien, togolais, centrafricain&hellip;</p> </div> <div id="sdfootnote61"> <p><a href="#sdfootnote61anc" name="sdfootnote61sym">61</a> Maurice KAMTO formule l&rsquo;interrogation suivante&nbsp;: &laquo; Mais comment prouver la sorcellerie ? Comment prouver le meurtre &agrave; distance ? Par le d&eacute;cha&icirc;nement des forces occultes ou des puissances mal&eacute;fiques, les voyages mystiques &agrave; des milliers de kilom&egrave;tres sans d&eacute;placement physique, uniquement gr&acirc;ce &agrave; quelques objets rituels sommaires, et disons-le d&eacute;risoires, au moins en apparence &raquo; (KAMTO, 1990).</p> </div> <div id="sdfootnote62"> <p><a href="#sdfootnote62anc" name="sdfootnote62sym">62</a> Le juge se doit d&rsquo;&eacute;tablir une relation de cause &agrave; effet entre les moyens utilis&eacute;s et les r&eacute;sultats obtenus.</p> </div> <div id="sdfootnote63"> <p><a href="#sdfootnote63anc" name="sdfootnote63sym">63</a> Au B&eacute;nin par exemple, il existe une Association nationale des praticiens de la m&eacute;decine traditionnelle (ANAPRAMETRAB) Le processus d&rsquo;institutionnalisation de la m&eacute;decine traditionnelle au B&eacute;nin a consacr&eacute; l&rsquo;adoption, en 2001, du d&eacute;cret 2001-036 du 15 f&eacute;vrier 2001 fixant les principes de d&eacute;ontologie et les conditions de l&rsquo;exercice de la m&eacute;decine traditionnelle en R&eacute;publique du B&eacute;nin. Ce d&eacute;cret a permis d&rsquo;adopter, en 2002, la politique de promotion et d&rsquo;int&eacute;gration de la pharmacop&eacute;e et de la m&eacute;decine traditionnelles dans le syst&egrave;me national de sant&eacute;. Sur le plan l&eacute;gislatif et r&eacute;glementaire, les actions de plaidoyer et de mobilisation sociale ont permis de rendre disponible un arr&ecirc;t&eacute; interminist&eacute;riel pour r&eacute;glementer la publicit&eacute; en mati&egrave;re de pharmacop&eacute;e et de m&eacute;decine traditionnelles au B&eacute;nin. Il s&rsquo;agit de l&rsquo;arr&ecirc;t&eacute; n&deg; 9960/MSP/DC/SGM/DPED/C-PMT/SA du 03 novembre 2004 conjointement sign&eacute; par le ministre de la Sant&eacute; (MS) et le ministre de la Communication et de la Promotion des technologies nouvelles (MCPTN) (Rapport du Minist&egrave;re de la sant&eacute; sur la pharmacop&eacute;e et la m&eacute;decine traditionnelles au B&eacute;nin : &eacute;tat des lieux et perspectives, juin 2009).</p> </div> <div id="sdfootnote64"> <p><a href="#sdfootnote64anc" name="sdfootnote64sym">64</a> L&rsquo;intervention de ces experts traditionnels ne se fait pas dans un contexte officiel, mais leur avis est quand m&ecirc;me pris en compte par les magistrats qui recourent &agrave; leur expertise. Dans un proc&egrave;s o&ugrave; il fut confront&eacute; &agrave; des pratiques de sorcellerie, un juge b&eacute;ninois d&ucirc; recourir aux tradipraticiens afin de ma&icirc;triser le pr&eacute;venu qui s&rsquo;&eacute;vada plusieurs fois de la prison par des proc&eacute;d&eacute;s occultes. Il fallut que ce magistrat rase la t&ecirc;te du pr&eacute;venu puis l&rsquo;enduise d&rsquo;huile rouge de palme afin de neutraliser ses pouvoirs d&rsquo;&eacute;vasion (D&rsquo;ALMEIDA, 2009).</p> </div>