<p style="text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>1. Pr&eacute;lude&nbsp;: le salut &eacute;nigmatique des mains pari&eacute;tales</strong></span></span></p> <p style="margin-left:320px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt">Le penseur porte dans ses mains, quand elles sont vides, quand elles sont nues, quand il les examine, le pourquoi originaire<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a></span>.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:10.0pt">Pascal Quignard</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une nouvelle ic&ocirc;ne a fait son entr&eacute;e dans l&rsquo;imaginaire collectif depuis environ un si&egrave;cle. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un type d&rsquo;images pari&eacute;tales appel&eacute;es &laquo;&nbsp;mains n&eacute;gatives&nbsp;&raquo; qu&rsquo;on retrouve sur l&rsquo;ensemble de la plan&egrave;te, de la Cueva de las Manos en Patagonie argentine jusqu&rsquo;&agrave; Born&eacute;o en Indon&eacute;sie o&ugrave; elles dateraient de pr&egrave;s de 40&nbsp;000 ans. L&rsquo;art pr&eacute;historique compte tr&egrave;s peu de repr&eacute;sentations anthropomorphes, si bien que ces mains n&eacute;gatives sont capitales pour nous rappeler qu&rsquo;un homme &eacute;tait derri&egrave;re, un <em>homo sapiens</em> tout comme nous. Ces empreintes, anatomiquement similaires aux n&ocirc;tres, restent n&eacute;anmoins des points d&rsquo;interrogation pour les pr&eacute;historiens. On ne sait ni <em>qui</em> en &eacute;taient les auteurs (hommes, femmes, adolescents&nbsp;?) ni <em>ce qu&rsquo;elles</em> <em>symbolisent. </em>Et bien s&ucirc;r, leur signification n&rsquo;est probablement pas la m&ecirc;me partout. Seul le proc&eacute;d&eacute; est constant&nbsp;: &agrave; chaque fois, quelqu&rsquo;un a plac&eacute; sa main sur une paroi rocheuse et l&rsquo;a d&eacute;tour&eacute;e en soufflant dessus des pigments gr&acirc;ce &agrave; la technique universelle du pochoir qui interpose un plein pour laisser voir un vide, une fois la main soustraite. Marie-Jos&eacute; Mondzain reconstitue ainsi &laquo;&nbsp;le sc&eacute;nario inaugural qui instaura l&rsquo;homme en tant que spectateur dans une relation d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a>&nbsp;</span>&raquo; :</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&nbsp;&laquo;&nbsp;Un homme quitte la surface de la terre et s&rsquo;enfonce dans une grotte. [&hellip;] Nous sommes sur le site d&rsquo;un d&eacute;part, dans le champ de toutes les s&eacute;parations. L&rsquo;homme qui devient humain [&hellip;] va transformer un rapport de force o&ugrave; le r&eacute;el l&rsquo;&eacute;crase en un rapport imaginaire qui lui conf&egrave;re sa capacit&eacute; de na&icirc;tre, donc d&rsquo;&ecirc;tre cause de lui-m&ecirc;me, de se mettre au monde et d&rsquo;entretenir avec ce monde un commerce de signes. [&hellip;] Le voici qui tend le bras, qui s&rsquo;appuie &agrave; la paroi et s&rsquo;en s&eacute;pare dans un m&ecirc;me mouvement&nbsp;: la mesure d&rsquo;un bras telle est en effet la premi&egrave;re mise &agrave; distance de soi [&hellip;]. L&rsquo;homme souffle sur sa main. [&hellip;] Mais vient alors le troisi&egrave;me acte, l&rsquo;acte d&eacute;cisif&nbsp;: c&rsquo;est le geste de retrait. Il faut que la main se retire. Le corps se s&eacute;pare de son appui. Mais ce n&rsquo;est pas la main macul&eacute;e de pigments que l&rsquo;homme regarde car appara&icirc;t devant les yeux du souffleur l&rsquo;image, son image, telle qu&rsquo;il peut la voir parce que la main n&rsquo;est plus l&agrave;. [&hellip;] <em>La paroi est un miroir de l&rsquo;homme, mais un miroir non sp&eacute;culaire et cette main est le premier autoportrait non sp&eacute;culaire de l&rsquo;homme</em>. [&hellip;] L&rsquo;homme de la grotte fabrique son horizon et se donne naissance en tendant sa main vers une <em>alt&eacute;rit&eacute;</em> irr&eacute;ductible et vivifiante, la sienne. [&hellip;]. Faire une image, c&rsquo;est donner &agrave; voir &agrave; un <em>autre</em>, f&ucirc;t-ce &agrave; soi en tant que sujet s&eacute;par&eacute; de soi [&hellip;]. Ces mains ont la figure d&rsquo;un appel &agrave; la reconnaissance de ce qui fait de nous des humains et que nous avons entre nos mains. Ce geste d&rsquo;autofondation de soi par soi, ce signe de la main nous parvient comme un message concernant notre naissance &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a></span>. &raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On peut d&eacute;gager de cette matrice un triple horizon d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. 1)&nbsp;La main n&eacute;gative manifeste une <em>intention de communication</em>&nbsp;: elle dit qu&rsquo;&agrave; un moment donn&eacute;, quelqu&rsquo;un a voulu signifier quelque chose &agrave; quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre. 2)&nbsp;De notre pr&eacute;sent, nous reconnaissons qu&rsquo;un autre homme, un semblable, l&rsquo;a produite. N&eacute;anmoins la reconnaissance est probl&eacute;matique, l&rsquo;&eacute;cart temporel nous rend <em>autre </em>le peintre qui v&eacute;cut peut-&ecirc;tre il y a 40&nbsp;000 ans. 3)&nbsp;En projetant quelque chose de personnel sur la paroi du monde ext&eacute;rieur, l&rsquo;artiste a pu se voir en miroir dans son &oelig;uvre et exp&eacute;rimenter une capacit&eacute; de d&eacute;doublement par le biais de l&rsquo;art. Autrement dit, la mise &agrave; distance artistique r&eacute;v&egrave;le &agrave; l&rsquo;homme son alt&eacute;rit&eacute; intime. Une telle intention symbolique &eacute;veille en nous une reconnaissance proche de l&rsquo;&laquo;&nbsp;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;&nbsp;&raquo; d&eacute;crite par Freud. Celui-ci part d&rsquo;un constat philologique&nbsp;: le mot allemand <em>heimlich</em>, qui se rattache en premier lieu &agrave; la maison et signifie &laquo;&nbsp;familier&nbsp;&raquo;,&nbsp;&laquo;&nbsp;n&rsquo;a pas un seul et m&ecirc;me sens, mais [&hellip;] appartient &agrave; deux groupes de repr&eacute;sentations qui, sans &ecirc;tre oppos&eacute;s, sont cependant tr&egrave;s &eacute;loign&eacute;s l&#39;un de l&#39;autre&nbsp;: celui de ce qui est familier, confortable, et celui de ce qui est cach&eacute;, dissimul&eacute;<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo;&nbsp;<em> </em>Le contraire de &laquo;&nbsp;familier&nbsp;&raquo; peut &ecirc;tre &laquo;&nbsp;&eacute;tranger&nbsp;&raquo;, mais Freud remarque que le deuxi&egrave;me sens qui tire vers le &laquo;&nbsp;secret&nbsp;&raquo; se rapproche alors de l&rsquo;antonyme <em>unheimlich</em>. Il en d&eacute;duit cette nouvelle acception du mot <em>unheimlich&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;tout ce qui aurait d&ucirc; rester cach&eacute;, secret, mais se manifeste<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; La traduction de <em>Das Unheimliche </em>est probl&eacute;matique en fran&ccedil;ais. On retient en g&eacute;n&eacute;ral la traduction de Marie Bonaparte par &laquo;&nbsp;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;&nbsp;&raquo; mais d&rsquo;autres traductions sont possibles dont &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;trange familier&nbsp;&raquo;, ou m&ecirc;me &laquo;&nbsp;le (familier) pas comme chez soi<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;. Freud consid&egrave;re l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; comme un exemple de retour du refoul&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&#39;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; sera cette sorte de l&rsquo;effrayant qui se rattache aux choses connues depuis longtemps, et de tout temps famili&egrave;res&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;serait [donc] tout ce qui aurait d&ucirc; rester cach&eacute;, secret, mais se manifeste<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn7" name="_ftnref7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;. Dans cette perspective, ce n&rsquo;est pas l&rsquo;inconnu qui est inqui&eacute;tant mais ce qui est l&eacute;g&egrave;rement familier, reconnaissable malgr&eacute; sa bizarrerie&nbsp;; ainsi de l&rsquo;angoisse occasionn&eacute;e par la r&eacute;apparition inopin&eacute;e de ce qu&rsquo;on croyait r&eacute;volu, comme le retour des morts en tant que fant&ocirc;mes.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Or, les signes imp&eacute;n&eacute;trables de la pr&eacute;histoire sont pr&eacute;cis&eacute;ment des r&eacute;surgences &agrave; contretemps. Nous avons retrouv&eacute; de curieux saluts des cavernes adress&eacute;s &mdash;&nbsp;&agrave; qui&nbsp;?&nbsp;&mdash;<em> </em>par des anc&ecirc;tres morts et bien morts depuis des mill&eacute;naires. Au fond des grottes profondes et noires, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;historique se m&ecirc;le de fa&ccedil;on perturbante &agrave; quelque chose de familier. Nous ne suivrons pas ici la stricte perspective psychanalytique de l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;, mais serons plut&ocirc;t guid&eacute;s par la puissance m&eacute;taphorique de ce concept qui reconna&icirc;t de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; dans l&rsquo;identit&eacute;. Tout comme le peintre pari&eacute;tal se reconna&icirc;t m&ecirc;me et diff&eacute;rent dans son empreinte, nous autres contemporains sommes <em>&eacute;trangement</em> <em>semblables</em> &agrave; cette lointaine humanit&eacute;. Cependant, le rapport &agrave; l&rsquo;homme pr&eacute;historique est tronqu&eacute;&nbsp;; si ses traces &eacute;veillent en nous une impression d&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;, lui reste inatteignable, nous condamnant surtout &agrave; faire l&rsquo;exp&eacute;rience de son absence.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous &eacute;voquerons des cr&eacute;ateurs contemporains que l&rsquo;autre pr&eacute;historique questionne en profondeur&nbsp;: l&rsquo;&eacute;crivain Pascal Quignard, et le duo form&eacute; par le plasticien Miquel Barcel&oacute; et le chor&eacute;graphe Josef Nadj. Nous nous demanderons comment ils exp&eacute;rimentent cette alt&eacute;rit&eacute; disparue, ce qu&rsquo;ils reconnaissent dans l&rsquo;autre imm&eacute;morial qui puisse les troubler et pourquoi son &eacute;vocation &eacute;trangement inqui&egrave;te se fait <em>&eacute;prouvante</em>&nbsp;?</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>2. Pascal Quignard&nbsp;: la souvenance et la perte de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;historique</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;auteur de <em>Tous les matins du monde</em> a commenc&eacute; avec <em>Dernier Royaume</em> une vaste &oelig;uvre composite faite de fragments (contes, aphorismes, r&eacute;flexions diverses) dont le premier tome (<em>Les ombres errantes</em>) sur les neuf actuellement parus a re&ccedil;u le prix Goncourt en 2002. Cette &oelig;uvre r&eacute;put&eacute;e difficile, obscure parfois, s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; la pr&eacute;histoire depuis des d&eacute;cennies mais se construit &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; d&rsquo;un syst&egrave;me philosophique.</span></span></p> <h3><span style="font-size:18px"><strong>2.1.&nbsp;</strong><span style="color:black"><strong>L&rsquo;<em>alter ego </em>pr&eacute;historique comme hantise</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pascal Quignard ressent intens&eacute;ment le retour intempestif<strong> </strong>qui caract&eacute;rise l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;. Ce <em>retour</em> est d&rsquo;abord <em>mat&eacute;riel</em> puisque l&rsquo;imm&eacute;morial a tr&egrave;s concr&egrave;tement ressurgi avec la d&eacute;couverte de vestiges arch&eacute;ologiques &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle (os, silex) et au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle (grottes orn&eacute;es). Pour dire ce savoir pr&eacute;historique r&eacute;cent, Quignard &mdash;&nbsp;qui consid&egrave;re que &laquo;&nbsp;la profondeur du temps pr&eacute;historique est toute neuve<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;&nbsp;&mdash;, a le go&ucirc;t du raccourci et se pla&icirc;t &agrave; rappeler que nous venons &agrave; peine de r&eacute;aliser l&rsquo;immensit&eacute; de l&rsquo;histoire humaine&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;homme de Tautavel, qui &eacute;tait entr&eacute; il y a 450&nbsp;000 ans dans la grotte Caune de l&rsquo;Arago, en est sorti en 1971<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn9" name="_ftnref9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[9]</sup></sup></a>.</span>&nbsp;&raquo; Mais Quignard &eacute;voque aussi un <em>retour intimement v&eacute;cu</em> lorsqu&rsquo;il avance qu&rsquo;&laquo;&nbsp;un homme qui p&eacute;n&egrave;tre dans une caverne pal&eacute;olithique, alors que c&rsquo;est la premi&egrave;re fois, la reconna&icirc;t. [qu&rsquo;]il revient<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn10" name="_ftnref10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[10]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; Tous les pr&eacute;historiens &agrave; &ecirc;tre descendus dans les grottes pal&eacute;olithiques relatent un semblable retour, comme en un lieu o&ugrave; l&rsquo;on aurait v&eacute;cu ant&eacute;rieurement, comme dans une ancienne maison.&nbsp;</span></span></p> <p style="margin-left:36pt; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;La sensation de revenir, de reconnaissance, d&rsquo;&eacute;vidence, la sensation de br&ucirc;ler, <em>la sensation de familiarit&eacute;</em>, l&rsquo;assurance inexplicable, le sentiment oc&eacute;anique, l&rsquo;impression de d&eacute;j&agrave; v&eacute;cu, de d&eacute;j&agrave; vu, de d&eacute;j&agrave; connu, toutes les petites transes spontan&eacute;es qui envahissent le corps avec tant d&rsquo;exultation conduisent dans le m&ecirc;me temps &agrave; une lisi&egrave;re d&rsquo;angoisse. <em>Limes </em>o&ugrave; la toute-puissance affronte l&rsquo;angoisse. Nous avons raison de craindre de ne pas &ecirc;tre ma&icirc;tres de ce qui se passe&nbsp;; nous sommes fous de croire que nous le sommes jamais&nbsp;; nous errons entre les deux p&ocirc;les du temps&nbsp;; nous sommes comme les cerfs-volants ou les yo-yo que les enfants font flotter entre ciel et terre [&hellip;]. On n&rsquo;est jamais s&ucirc;r de revenir. Mais ce qui revient en nous dans ces impressions n&rsquo;est rien qui puisse d&eacute;router enti&egrave;rement car cela s&rsquo;est produit&nbsp;; c&rsquo;est le pass&eacute; pur qui lance sa vague&nbsp;; c&rsquo;est le jadis&nbsp;; le pass&eacute; avant la m&eacute;moire [&hellip;]. Tout ce qui para&icirc;t sans retour, quittant l&rsquo;astre de la menace, para&icirc;t sans danger. Mais quand le retour surgit, on est d&eacute;vast&eacute; en un instant. Ce qui n&rsquo;est plus est du n&eacute;ant et n&eacute;anmoins ce reflux sur nous que rien ne pr&eacute;parait vient sur nous avec la violence d&rsquo;un cyclone. Et on se trouve nu au fond de l&rsquo;ab&icirc;me alors que rien n&rsquo;a surgi dans le r&eacute;el que le temps invisible<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn11" name="_ftnref11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[11]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quignard reconna&icirc;t dans ce &laquo;&nbsp;retour&nbsp;&raquo; un &laquo;&nbsp;d&eacute;j&agrave; vu&nbsp;&raquo;. L&rsquo;impression d&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; r&eacute;side alors dans l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;un &laquo;&nbsp;court-circuit entre deux temps [&hellip;]. Les mains se touchent au travers de la paroi de la grotte<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, comme si le peintre pr&eacute;historique &eacute;tait l&agrave; et qu&rsquo;il devenait possible de le toucher du doigt.&nbsp;Mais ce retour du pass&eacute; r&eacute;volu bouleverse &mdash;&nbsp;il m&egrave;ne &agrave; une &laquo;&nbsp;lisi&egrave;re d&rsquo;angoisse&nbsp;&raquo;&nbsp;&mdash; et d&eacute;vaste &mdash;&nbsp;il a la &laquo;&nbsp;violence d&rsquo;un cyclone&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <h3><span style="font-size:18px"><strong>2.2.&nbsp;</strong><span style="color:black"><strong>&Eacute;prouver la r&eacute;miniscence</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;&eacute;preuve ici d&eacute;crite est une r&eacute;miniscence. Or, la r&eacute;miniscence n&rsquo;est pas une v&eacute;ritable rencontre&nbsp;; la co&iuml;ncidence n&rsquo;est qu&rsquo;&eacute;ph&eacute;m&egrave;re et s&rsquo;ach&egrave;ve en d&eacute;possession. Quignard se confronte une nouvelle fois au drame de la perte qui anime l&rsquo;ensemble de son &oelig;uvre. L&rsquo;autre pr&eacute;historique devient une privation m&eacute;taphysique, la pi&egrave;ce manquante au puzzle de notre identit&eacute;. Puisqu&rsquo;il n&rsquo;a pas laiss&eacute; d&rsquo;&eacute;criture qui nous rendrait compr&eacute;hensible son univers, nous ignorons qui il est et il ne viendra jamais nous l&rsquo;expliquer. Ses peintures demeurent des &laquo;&nbsp;sc&egrave;nes coites<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn13" name="_ftnref13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[13]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;. Leur sens s&rsquo;est perdu, ne reste que leur beaut&eacute; mutique susceptible d&rsquo;&eacute;veiller en nous la m&eacute;moire d&rsquo;un oubli. &laquo;&nbsp;Tel est le jadis&nbsp;: ce que nous avons oubli&eacute; ne nous oublie pas<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn14" name="_ftnref14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[14]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;, &eacute;crit Quignard.<em> </em>Hier hante aujourd&rsquo;hui, comme si l&rsquo;art pari&eacute;tal nous rappelait&hellip; qu&rsquo;il nous manque pr&eacute;cis&eacute;ment un souvenir. La pr&eacute;histoire constitue en ce sens une<em> &eacute;preuve mentale</em> qui nous fait toucher aux limites de notre entendement et &eacute;branle nos cat&eacute;gories &eacute;tablies, si bien que l&rsquo;auteur ressent le besoin d&rsquo;inventer des mots nouveaux pour parler de ce temps <em>autre </em>aux limites de l&rsquo;impensable, qu&rsquo;il nomme le &laquo;&nbsp;jadis&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;l&rsquo;ab&icirc;me&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;l&rsquo;aoriste&nbsp;&raquo;. Mais l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; pr&eacute;historique est surtout une <em>&eacute;preuve &eacute;motionnelle</em><strong> </strong>qui &eacute;branle le corps par le vertige, la commotion esth&eacute;tique ou l&rsquo;inqui&eacute;tude. Concevoir intellectuellement l&rsquo;anc&ecirc;tre pr&eacute;historique n&rsquo;est pas possible, Quignard opte donc pour deux attitudes tour &agrave; tour&nbsp;: premi&egrave;rement, il pr&eacute;conise l&rsquo;acceptation du non-savoir en une sorte de sagesse pratique car &laquo;&nbsp;on ne sait pas ce qui s&rsquo;est pass&eacute; si on n&rsquo;en a pas le r&eacute;cit. [&hellip;] Il faut se faire &agrave; cette situation vertigineuse puis l&rsquo;aimer. On n&rsquo;est jamais apais&eacute;. [&hellip;] La v&eacute;rit&eacute; ne se fait pas<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn15" name="_ftnref15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[15]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; Reste &agrave; accepter la limite et respecter l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;inconnu. Deuxi&egrave;mement, il poursuit la recherche du jadis car &laquo;&nbsp;il n&rsquo;y a pas de pass&eacute; qui ressurgisse qu&rsquo;il ne procure une sensation de naissance. Tout homme qui jouit se souvient. Son corps est le pass&eacute; en train de jouir<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn16" name="_ftnref16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[16]</sup></sup></a></span>. &raquo;&nbsp; Le jadis, m&ecirc;me entr&rsquo;aper&ccedil;u, procure une joie intense, qui justifie qu&rsquo;on le traque avec pers&eacute;v&eacute;rance. Il r&eacute;jouit, et ce faisant devient cure de jouvence. L&rsquo;&eacute;motion (jouissance ou trouble de l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;) constitue ainsi notre unique point de rencontre avec l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; du fond des &acirc;ges. </span></span></p> <h3><span style="font-size:18px"><strong>2.3.&nbsp;<span style="color:black">Trouver l&rsquo;autre en soi-m&ecirc;me</span></strong></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;autre appartient &agrave; la sph&egrave;re de l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;&nbsp;; c&rsquo;est depuis le dehors que nous l&rsquo;approchons. Mais le dehors est radical avec la pr&eacute;histoire, nous sommes d&eacute;finitivement forclos de cette &egrave;re r&eacute;volue. On ne pourra jamais comprendre la sph&egrave;re mentale de l&rsquo;anc&ecirc;tre pal&eacute;olithique, ses mythes se sont perdus avec la parole qui les soutenait. Pourtant, ce n&rsquo;est pas parce que nous ne le <em>comprenons</em> pas qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas reconnaissance d&rsquo;<em>autre chose</em> dans ses reliques, <em>par l&rsquo;&eacute;motion</em>. C&rsquo;est dans le for int&eacute;rieur que pourrait donc advenir une rencontre autrement impossible. Quignard s&rsquo;attelle donc &agrave; &laquo;&nbsp;d&eacute;celer les revenants qui pensent en tout homme et en toute femme<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn17" name="_ftnref17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[17]</sup></sup></a>&nbsp;</span>&raquo;, lui qui ne cesse de citer les auteurs qu&rsquo;il aime selon une pratique constante de l&rsquo;innutrition.</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Toute cr&eacute;ature humaine, n&eacute;e de l&rsquo;autre, fond&eacute;e sur l&rsquo;autre, instruite par l&rsquo;autre, ne fonctionn[e] qu&rsquo;au gr&eacute; et au hasard d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; irr&eacute;ductible. Nous ne sommes que des d&eacute;riv&eacute;s&nbsp;; langue, identit&eacute;, corps, m&eacute;moire tout est d&eacute;riv&eacute; en nous. La fondation de <em>ego </em>en nous pr&eacute;sente beaucoup plus de fragilit&eacute; et beaucoup moins de volume que l&rsquo;origine par l&rsquo;autre, <em>ab alio </em>[&hellip;]<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn18" name="_ftnref18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[18]</sup></sup></a>. &raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En effet, c&rsquo;est d&rsquo;autrui que nous apprenons (notre langue, nos m&oelig;urs, nos valeurs, nos lois&hellip;) Tout vient d&rsquo;un autre qui nous pr&eacute;c&egrave;de. Et nous venons aussi de cet autre pr&eacute;historique si lointain dont quelque chose perdure en nous. Vouloir appr&eacute;hender l&rsquo;autre pr&eacute;historique revient aussi par cons&eacute;quent &agrave; chercher &agrave; se comprendre, soi. Et si l&rsquo;on veut saisir un &eacute;l&eacute;ment de cette continuit&eacute;, il faut se pencher sur notre propre exp&eacute;rience humaine. &laquo;&nbsp;Un homme qui parle peut se contredire. Un homme qui sent n&rsquo;a pas en puissance de contre-sentir<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn19" name="_ftnref19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[19]</sup></sup></a>&nbsp;</span>&raquo;, &eacute;crit Quignard, qui veut rompre avec la description d&rsquo;un &ecirc;tre purement rationnel. &laquo;&nbsp;Sentir&nbsp;&raquo; est ici l&rsquo;antonyme de &laquo;&nbsp;parler&nbsp;&raquo;. Le logos qu&rsquo;on tient depuis l&rsquo;Antiquit&eacute; pour l&rsquo;essence de l&rsquo;homme permet de mentir, ou de dire une chose et son contraire. &laquo;&nbsp;Sentir&nbsp;&raquo;, &eacute;prouver, est en revanche un &eacute;v&egrave;nement intime irr&eacute;futable. Quignard ne distingue pas la sensation physique de l&rsquo;&eacute;motion qu&rsquo;elle suscite et les entrelace : &laquo;&nbsp;Si on nomme d&eacute;suet ce qui date de l&rsquo;&acirc;ge des cavernes et qu&rsquo;on pr&eacute;tend &eacute;liminer le retour, alors la concupiscence, la honte, la mort, la sexualit&eacute;, l&rsquo;angoisse, la langue, la peur, la voix, l&rsquo;envie, la vision, la pesanteur, la faim, la joie doivent &ecirc;tre proscrites<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn20" name="_ftnref20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[20]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;&eacute;crivain m&ecirc;le des ph&eacute;nom&egrave;nes vari&eacute;s&nbsp;: op&eacute;rations des sens (&laquo;&nbsp;vision&nbsp;&raquo;, audition de la &laquo;&nbsp;voix&nbsp;&raquo;), sensations (&laquo;&nbsp;pesanteur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;faim&nbsp;&raquo;), &eacute;motions (&laquo;&nbsp;concupiscence&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;honte&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;angoisse&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;peur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;joie&nbsp;&raquo;). Le point commun &agrave; ces &eacute;l&eacute;ments r&eacute;unis sous la forme d&rsquo;une liste est qu&rsquo;ils ont tous partie li&eacute;e avec le corps, de la sensation qui r&eacute;sulte de stimuli perceptifs ext&eacute;rieurs, &agrave; l&rsquo;&eacute;motion qui est d&eacute;j&agrave; une int&eacute;riorisation du monde &eacute;prouv&eacute; dans la sensation. Et si l&rsquo;auteur y adjoint curieusement des r&eacute;alit&eacute;s sociales (la &laquo;&nbsp;langue&nbsp;&raquo;) et/ou biologiques (la &laquo;&nbsp;mort&nbsp;&raquo;, la &laquo;&nbsp;sexualit&eacute;&nbsp;&raquo;), c&rsquo;est que nos concepts modernes de &laquo;&nbsp;langue&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;sexualit&eacute;&nbsp;&raquo; sont tout tram&eacute;s d&rsquo;&eacute;motions, qui ont elles-m&ecirc;mes une assise physiologique. Autrement dit, l&rsquo;&eacute;motion est une r&eacute;action &agrave; la fois physiologique et psychologique. Chaque exp&eacute;rience humaine s&rsquo;accompagne d&rsquo;un changement d&#39;&eacute;tat qui s&rsquo;&eacute;prouve dans le corps. Le m&eacute;lange de familiarit&eacute; plaisante et d&rsquo;angoissante diff&eacute;rence suscit&eacute; par les traces pr&eacute;historiques, tout comme le plaisir, l&rsquo;&eacute;rotisme et les passions &eacute;voqu&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment t&eacute;moignent d&rsquo;une humanit&eacute; plus sensitive que logique. Cette part sensible de l&rsquo;exp&eacute;rience n&rsquo;a rien de &laquo;&nbsp;d&eacute;suet&nbsp;&raquo;, rien qu&rsquo;il nous faille renier (contre l&rsquo;id&eacute;alisme du cogito cart&eacute;sien), puisqu&rsquo;elle nous indique notre condition fondamentale d&rsquo;homme. L&rsquo;ind&eacute;niable v&eacute;cu du corps contemporain ram&egrave;ne ainsi Quignard &agrave; un tr&egrave;s simple et essentiel constat : l&rsquo;homme &mdash;&nbsp;pr&eacute;historique comme actuel&nbsp;&mdash; est un &ecirc;tre sensible, un animal parmi les autres &mdash;&nbsp;et non l&rsquo;exception qu&rsquo;il s&rsquo;imagine. C&rsquo;est pourquoi Miquel Barcel&oacute; et Josef Nadj placent &eacute;galement dans leurs propres corps la possibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;prouver une proximit&eacute; avec l&rsquo;anc&ecirc;tre plurimill&eacute;naire.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>3. <em>Paso doble&nbsp;</em>: (se) mettre &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;historique</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Paso doble</em><span style="font-size:12px"><a href="#_ftn21" name="_ftnref21" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[21]</sup></sup></a> </span>est une performance de quarante minutes cr&eacute;&eacute;e par Miquel Barcel&oacute; et Josef Nadj. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une succession d&rsquo;actions sans parole pour deux <em>performers</em> qui se confrontent &agrave; une paroi d&rsquo;argile fra&icirc;che qu&rsquo;ils couvrent de dessins. Pour autant, le but n&rsquo;est pas de repr&eacute;senter<em> </em>l&rsquo;homme pr&eacute;historique ni d&rsquo;en copier les images. Josef Nadj, danseur et chor&eacute;graphe fran&ccedil;ais, n&eacute; en ex-Yougoslavie, &eacute;tait l&rsquo;invit&eacute; d&rsquo;honneur du festival d&rsquo;Avignon en 2006. C&rsquo;est &agrave; cette occasion qu&rsquo;il convie le plasticien majorquin &agrave; cr&eacute;er avec lui un <em>happening &mdash;</em>&nbsp;pratique encore in&eacute;dite dans leurs parcours respectifs. Miquel Barcel&oacute; est un peintre avant tout mais, en grand exp&eacute;rimentateur, il pratique aussi la sculpture, la c&eacute;ramique, la gravure et de nombreuses techniques hybrides. Il a r&eacute;nov&eacute; en 2007 la chapelle San Pere de la cath&eacute;drale de Palma de Majorque &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;immenses fresques en terre cuite et a fa&ccedil;onn&eacute; en 2008 la coupole de la Salle de l&rsquo;Alliance des Civilisations du Palais des Nations Unies de Gen&egrave;ve en y pla&ccedil;ant des stalactites de couleur. En 2016, il r&eacute;alise <em>Le grand verre de terre</em> pour l&rsquo;exposition <em>Sol y Sombra </em>&agrave; la BNF, une fresque couvrant les 190 m&egrave;tres de long sur 6 m&egrave;tres de haut de la galerie Julien Cain de dessins trac&eacute;s au doigt sur une fine couche d&rsquo;argile appliqu&eacute;e sur verre, inspir&eacute;s entre autres de sa fr&eacute;quentation des peintures pari&eacute;tales.</span></span></p> <h3><span style="font-size:18px"><strong>3.1.&nbsp;<span style="color:black">Une mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve r&eacute;ciproque</span></strong></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Paso doble </em>est une &eacute;preuve &agrave; tous les sens du terme. C&rsquo;est d&rsquo;abord un essai formel, une exp&eacute;rimentation, puisque pour la premi&egrave;re fois, Barcel&oacute; et Nadj s&rsquo;essayaient &agrave; la performance et ce, en m&eacute;langeant leurs deux esth&eacute;tiques. Le spectacle doit autant au lien tiss&eacute; par Barcel&oacute; avec la pr&eacute;histoire (amateur de grottes orn&eacute;es, il a &eacute;t&eacute; conseiller artistique sur le chantier de la r&eacute;plique de la Grotte Chauvet) qu&rsquo;&agrave; <em>Last Landscape </em>(2006), dans lequel Nadj danse en costume dans l&rsquo;argile de sa ville natale Kanizsa. Faire l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; revient pour chacun &agrave; sortir de son art (la danse ou la peinture) afin d&rsquo;exp&eacute;rimenter une forme <em>autre</em>, en duo, d&rsquo;o&ugrave; le titre de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;: <em>paso doble</em>,<em> </em>qui &eacute;voque en danse le &laquo;&nbsp;pas de deux&nbsp;&raquo;. Mais <em>Paso doble </em>est surtout une performance athl&eacute;tique qui accorde une tr&egrave;s grande importance au geste, &agrave; son caract&egrave;re d&rsquo;&eacute;preuve physique. Chaque mouvement est impuls&eacute; avec force. Nadj endosse des coups r&eacute;p&eacute;t&eacute;s au point de supporter sur son corps et sa t&ecirc;te des dizaines de kilos d&rsquo;argile qui l&rsquo;ont parfois fait s&rsquo;&eacute;vanouir sur sc&egrave;ne. La performance devient combat titanesque, non pas tant des protagonistes l&rsquo;un contre l&rsquo;autre, mais de chacun contre la mati&egrave;re. &Agrave; l&rsquo;instar des pr&eacute;historiens qui, pour mieux saisir un comportement, recourent parfois &agrave; une m&eacute;thode d&rsquo;arch&eacute;ologie exp&eacute;rimentale en essayant de reproduire les gestes du tailleur de silex ou du peintre pari&eacute;tal, l&rsquo;action des artistes peut servir un but heuristique. Leur exp&eacute;rience les fait endosser une condition autre, peut-&ecirc;tre pour mieux la comprendre de l&rsquo;int&eacute;rieur, voire pour atteindre le <em>tout autre</em> que constitue le sacr&eacute; dans un &eacute;tat de transe comme a pu le sugg&eacute;rer la critique<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn22" name="_ftnref22" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[22]</sup></sup></a></span>. Mais les artistes de <em>Paso doble</em> n&rsquo;&eacute;prouvent pas seulement la condition de peintre pari&eacute;tal, ils se pr&ecirc;tent aussi &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimentation d&rsquo;une curieuse condition animale. Au cours du spectacle, le duo rev&ecirc;t des masques. Le travestissement est bien s&ucirc;r un moyen privil&eacute;gi&eacute; d&rsquo;acc&eacute;der temporairement &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Leurs visages deviennent des t&ecirc;tes d&rsquo;animaux&nbsp;; l&rsquo;argile molle, comme une p&acirc;te &agrave; modeler, se m&eacute;tamorphose &mdash;&nbsp;diff&eacute;remment &agrave; chaque repr&eacute;sentation&nbsp;&mdash; en groin, en cornes, cr&ecirc;te, d&eacute;fense, trompe, branchies&hellip; &Agrave; en croire Barcel&oacute;, tr&egrave;s impressionn&eacute; par le bestiaire pal&eacute;olithique, ce &laquo;&nbsp;devenir-animal&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas un moyen de se bestialiser, &laquo;&nbsp;s&rsquo;animaliser est [au contraire] la preuve d&rsquo;un extr&ecirc;me humanisme<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn23" name="_ftnref23" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[23]</sup></sup></a>&nbsp;</span>&raquo;.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour avoir ressenti un sentiment d&rsquo;&eacute;trange familiarit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;autre pr&eacute;historique, Barcel&oacute; et Nadj vont tenter de faire &eacute;prouver au spectateur l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; du ph&eacute;nom&egrave;ne. Il s&rsquo;agit de d&eacute;familiariser le public, de cr&eacute;er de l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; pour l&rsquo;inciter &agrave; la r&eacute;flexion. D&rsquo;o&ugrave; ces m&eacute;tamorphoses constantes de la mati&egrave;re molle en faci&egrave;s animaux des plus vari&eacute;s. La mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve des <em>performeurs </em>rejoint celle du spectateur d&eacute;sorient&eacute;. La performance se fait &eacute;prouvante. L&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; ressurgit quand le spectacle d&eacute;bouche sur un simulacre trouble qui n&rsquo;est rien moins qu&rsquo;une mise &agrave; mort. Ce fait oblige &agrave; faire retour au titre car le <em>paso doble</em> n&rsquo;est pas seulement une danse, c&rsquo;est aussi une musique espagnole d&rsquo;inspiration militaire jou&eacute;e lors des <em>corridas</em>. Mais qui met-on &agrave; mort ici&nbsp;? Un homme&nbsp;? Un animal&nbsp;? Le spectateur est men&eacute; &agrave; &eacute;prouver un inconfort, que renforce le rythme des actions de plus en plus soutenu et la musique de plus en plus forte et stridente, conf&eacute;rant au finale son caract&egrave;re inqui&eacute;tant et tragique. </span></span></p> <h3><span style="font-size:18px"><strong>3.2.&nbsp;<span style="color:black">Enjeux d&rsquo;une performance n&eacute;o-primitiviste&nbsp;</span></strong></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pareil rituel, doubl&eacute; d&rsquo;une allusion &agrave; la pr&eacute;histoire, rappelle les propos de Kirk Varnedoe&nbsp;sur le primitivisme en art. </span></span></p> <p style="margin-left:36pt; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Chaque civilisation invente le &laquo;&nbsp;primitif&nbsp;&raquo; dont elle a besoin, non pas seulement comme une antith&egrave;se &agrave; la sophistication de sa culture, mais aussi pour y voir une image partielle de ce qu&rsquo;elle est, afin de r&eacute;pondre &agrave; ses propres doutes ou de critiquer ses id&eacute;aux<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn24" name="_ftnref24" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[24]</sup></sup></a>.&nbsp;</span>&raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Barcel&oacute; se rappelle tr&egrave;s bien que Lascaux a &eacute;t&eacute; d&eacute;couverte en pleine Seconde Guerre mondiale, l&rsquo;apr&egrave;s-guerre prenant conscience de la beaut&eacute; pr&eacute;historique sur fond d&rsquo;homicide g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;. Le d&eacute;tour par l&rsquo;autre, inqui&eacute;tant et familier, permet de questionner notre nature humaine. L&rsquo;incongruit&eacute; du spectacle vise &agrave; nous &eacute;tonner nous-m&ecirc;mes, pour nous faire reconna&icirc;tre en nous le trouble mis en sc&egrave;ne. Ainsi de la violence qu&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re toujours imputer &agrave; l&rsquo;autre plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; soi. Notons encore qu&rsquo;il n&rsquo;y aucune parole dans cette performance. Barcel&oacute; et Nadj ne racontent pas l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e de l&rsquo;homme, la narration fait d&eacute;faut. Comme dans l&rsquo;art pr&eacute;historique, il y a image mais non discours. Ce silence est un choix qui peut s&rsquo;interpr&eacute;ter comme un d&eacute;sir de d&eacute;construire le discours id&eacute;ologique du progr&egrave;s des civilisations. Miquel Barcel&oacute; a souvent profess&eacute; combien les peintures de la grotte Chauvet sabotaient toute id&eacute;e d&rsquo;un progr&egrave;s de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art (puisque les peintures sont parfaites d&egrave;s les temps les plus anciens). L&rsquo;histoire humaine telle que l&rsquo;id&eacute;ologie positiviste la raconte est subvertie dans <em>Paso doble</em>. Les artistes semblent s&rsquo;ing&eacute;nier &agrave; brouiller les pistes entre &laquo;&nbsp;civilis&eacute;&nbsp;&raquo; et pr&eacute;tendu &laquo;&nbsp;primitif&nbsp;&raquo;. On peut en effet avoir l&rsquo;impression de remonter le temps depuis les signes de culture jusqu&rsquo;au chaos argileux. La sc&egrave;ne initiale ressemble &agrave; un immense livre ouvert, Nadj vient d&rsquo;ailleurs replier un des coins de ce livre d&rsquo;argile comme on corne une page. Les protagonistes apparaissent ensuite v&ecirc;tus d&rsquo;un costume, signe s&rsquo;il en est de l&rsquo;habillement occidental civilis&eacute;. Viennent ensuite des outils en bois qui servent &agrave; dresser un curieux champ d&rsquo;argile rouge, dont les mottes &eacute;voquent aussi bien les stalagmites d&rsquo;une caverne que la naissance de l&rsquo;agriculture. Plus tard, Nadj et Barcel&oacute; se servent de vases en argile, indiquant la ma&icirc;trise de la c&eacute;ramique. Et ainsi progresse-t-on &agrave; rebours jusqu&rsquo;au magma de mati&egrave;re final. Mais ce n&rsquo;est pas m&ecirc;me si simple, car <em>Paso doble</em> ne raconte pas l&rsquo;histoire &agrave; l&rsquo;envers puisque la performance ne raconte rien du tout. D&eacute;pourvue de parole, elle joue &agrave; superposer les images. Barcel&oacute; d&eacute;clare avoir emprunt&eacute; cette technique du palimpseste au peintre qui tra&ccedil;a dans la grotte Chauvet un hibou au doigt sur l&rsquo;argile ocre, laissant transpara&icirc;tre le blanc de la paroi. Quand on gratte l&rsquo;argile, on peut observer une couche d&rsquo;une autre couleur, ainsi du manuscrit sur lequel appara&icirc;t en filigranes un texte ant&eacute;rieur. On pourrait y voir la m&eacute;taphore d&rsquo;une m&eacute;moire de l&rsquo;esp&egrave;ce ayant enregistr&eacute; des couches historiques invisibles mais peut-&ecirc;tre moins oubli&eacute;es qu&rsquo;on ne le croit. Le mur d&rsquo;argile de <em>Paso doble</em> devient une surface sensible, comme une peau qui conserve la trace amplifi&eacute;e du moindre geste, caresse ou griffure. Puis, tout le th&eacute;&acirc;tre de la destruction est recouvert de blanc, pr&ecirc;t &agrave; un nouveau d&eacute;part (par deux fois, Barcel&oacute; repeint &agrave; la lance &agrave; incendie remplie d&rsquo;argile liquide la sc&egrave;ne de plus en plus informe). Le temps humain n&rsquo;est pas seulement invers&eacute;, il recommence de mani&egrave;re cyclique. <em>Paso doble</em> pr&eacute;sente des &laquo;&nbsp;tableaux&nbsp;&raquo; en mutation perp&eacute;tuelle, qui deviennent sans cesse autres tout comme les performers changent de visages. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;historique mise en &oelig;uvre fait se souvenir &agrave; l&rsquo;homme qu&rsquo;il est sans cesse en instance d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, que l&rsquo;&ecirc;tre humain en tant que cr&eacute;ature soumise au temps est un devenir et non une identit&eacute; fig&eacute;e. Pour Georges Didi-Huberman, &laquo;&nbsp;l&rsquo;acte de voir nous renvoie, nous ouvre &agrave; un vide, qui nous regarde, nous concerne et, en un sens, nous constitue<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn25" name="_ftnref25" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[25]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; Dans la lign&eacute;e de Walter Benjamin qui consid&egrave;re l&rsquo;aura comme un moment o&ugrave; l&rsquo;&oelig;uvre semble lever les yeux sur son spectateur, Didi-Huberman per&ccedil;oit dans l&rsquo;objet esth&eacute;tique une &laquo;&nbsp;capacit&eacute; &eacute;vidante<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn26" name="_ftnref26" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[26]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo; qui ouvre une br&egrave;che en nous. L&rsquo;historien de l&rsquo;art rapporte cette exp&eacute;rience de d&eacute;sorientation &agrave; l&rsquo;Unheimliche, lorsque les polarit&eacute;s vacillent et que na&icirc;t un &laquo;&nbsp;pouvoir du regard&eacute; sur le regardant<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn27" name="_ftnref27" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[27]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;. Ainsi, en d&eacute;pit du chaos apparent, la sc&egrave;ne finale de la performance laisse voir chaque soir une image (semblable et diff&eacute;rente&nbsp;&agrave; chaque repr&eacute;sentation) : celle d&rsquo;un visage aux deux grandes orbites interrogatrices. Visage hirsute de Cro-Magnon, ou face &eacute;mouvante de quelque animal (n&rsquo;y reconna&icirc;t-on pas le hibou de la grotte Chauvet ?). Jusqu&rsquo;au bout, la performance travaille &agrave; nous faire &eacute;prouver l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; pr&eacute;historique mais non pas parler en son nom. <em>Paso doble</em> finit donc par une question en forme d&rsquo;image, une image qui nous d&eacute;visage, tant l&rsquo;on sait depuis Levinas que &laquo;&nbsp;l&rsquo;acc&egrave;s au visage est d&rsquo;embl&eacute;e &eacute;thique<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn28" name="_ftnref28" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[28]</sup></sup></a></span>&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>Conclusion</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Depuis la fin du XIX<span style="font-size:12px"><sup>e</sup></span> si&egrave;cle, l&rsquo;occident s&rsquo;est passionn&eacute; pour la question de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, &agrave; travers l&rsquo;&eacute;mergence de diff&eacute;rentes disciplines, notamment l&rsquo;ethnologie qui &eacute;tudie l&rsquo;autre dans l&rsquo;espace et l&rsquo;arch&eacute;ologie qui &eacute;tudie l&rsquo;autre dans le temps (et l&rsquo;a d&eacute;couvert toujours plus &eacute;loign&eacute;, de l&rsquo;antiquit&eacute; &agrave; la pr&eacute;histoire en passant par la pal&eacute;ontologie). Mais l&rsquo;homme du XX<span style="font-size:12px"><sup>e </sup></span>si&egrave;cle aura appris &agrave; se reconna&icirc;tre autre qu&rsquo;il ne pensait, aussi bien avec l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;inconscient freudien qu&rsquo;&agrave; travers l&rsquo;histoire sans pr&eacute;c&eacute;dent de la mise &agrave; mort massive de l&rsquo;homme par l&rsquo;homme. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui &eacute;tait con&ccedil;ue comme l&rsquo;envers de l&rsquo;identit&eacute; noyaute d&eacute;sormais la conscience de soi&nbsp;: l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; touche le sujet lui-m&ecirc;me, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est devenue intime. La connaissance pr&eacute;historique complexifie le sch&eacute;ma&nbsp;; l&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; atteint l&rsquo;identit&eacute; d&rsquo;esp&egrave;ce&nbsp;: Pascal Quignard est troubl&eacute; de se sentir si proche d&rsquo;une si lointaine humanit&eacute; sapiens. Comme chez Barcel&oacute; et Nadj, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;historique lui sert de prisme &agrave; l&rsquo;examen de notre condition humaine pr&eacute;sente. Et l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; pr&eacute;historique s&rsquo;av&egrave;re famili&egrave;rement inqui&eacute;tante parce qu&rsquo;elle donne l&rsquo;occasion d&rsquo;un retour&nbsp;; qu&rsquo;on l&rsquo;interpr&egrave;te comme un retour du refoul&eacute; social angoissant (notre animalit&eacute;&nbsp;? notre violence&nbsp;?) ou comme une salutaire le&ccedil;on d&rsquo;humilit&eacute; qui nous rappelle que l&rsquo;animal pensant est plurimill&eacute;naire. Ces cr&eacute;ateurs s&rsquo;attachent donc &agrave; faire &eacute;prouver pour faire penser. L&rsquo;horizon pr&eacute;historique aide ainsi l&rsquo;homme contemporain &agrave; admettre que son identit&eacute; est moins monolithique que celle rassurante &agrave; laquelle il veut croire. Finissons par ces mots de Julia Kristeva, dans son commentaire de &laquo;&nbsp;L&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;&nbsp;&raquo; de Freud, qui d&eacute;gage l&rsquo;implication &eacute;thique de l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&eacute;sormais, nous nous savons &eacute;trangers &agrave; nous-m&ecirc;mes, et c&rsquo;est &agrave; partir de ce seul appui que nous pouvons essayer de vivre avec les autres. [&hellip;] D&eacute;sormais, l&rsquo;&eacute;tranger n&rsquo;est ni une race ni une nation<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn29" name="_ftnref29" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[29]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;tranger nous habite : il est la face cach&eacute;e de notre identit&eacute; [&hellip;]. De le reconna&icirc;tre en nous, nous nous &eacute;pargnons de le d&eacute;tester en lui-m&ecirc;me<span style="font-size:12px"><a href="#_ftn30" name="_ftnref30" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[30]</sup></sup></a></span>.&nbsp;&raquo;</span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>Bibliographie</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ardenne Paul, &laquo;&nbsp;&Agrave; propos de <em>Paso Doble</em>, pr&eacute;sentation et extraits de la vid&eacute;o-performance&nbsp;&raquo;, <em>Performance, art et anthropologie</em> (&laquo; Les actes &raquo;), 2009 [En ligne&nbsp;: <u><span style="color:blue"><a href="http://actesbranly.revues.org/423" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="color:blue">http://actesbranly.revues.org/423</span></a></span></u>]. Consult&eacute; le 24 novembre 2014.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Didi-Huberman Georges, <em>Ce que nous voyons, ce qui nous regarde</em>, Paris, Minuit, &laquo;&nbsp;Critique&nbsp;&raquo;, 1992.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Freud Sigmund, &laquo;&nbsp;L&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;&nbsp;&raquo; (1933), trad. Marie Bonaparte et E. Marty,<em> Essais de psychanalyse appliqu&eacute;e</em>, Paris, Gallimard, coll. &laquo; Id&eacute;es &raquo;, 1971, n&deg; 263, p. 163-210.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Kristeva Julia, &laquo;&nbsp;R&eacute;flexions sur l&rsquo;&eacute;tranger&nbsp;&raquo;, conf&eacute;rence au Coll&egrave;ge des Bernardins, 1 octobre 2014 [En ligne&nbsp;: <span style="color:blue"><u><a href="http://www.kristeva.fr/reflexions-sur-l-etranger.html" style="color:blue; text-decoration:underline">http://www.kristeva.fr/reflexions-sur-l-etranger.html</a></u></span>]. Consult&eacute;e le 15 mars 2016.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Kristeva Julia, <em>&Eacute;trangers &agrave; nous-m&ecirc;mes</em>, Paris, Fayard, 1988.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Levinas Emmanuel, <em>&Eacute;thique et infini</em>, dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Le Livre de Poche, 1982.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mondzain Marie-Jos&eacute;, <em>Homo spectator</em>, Paris, Bayard, 2007.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">P&eacute;ju Pierre et M&eacute;zil &Eacute;ric, <em>Portrait de Miquel Barcel&oacute; en artiste pari&eacute;tal</em>, Paris, Gallimard et Collection Lambert en Avignon, 2008.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quignard Pascal, <em>Ab&icirc;mes. Dernier Royaume </em>III, Paris, Grasset, 2002.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quignard Pascal, <em>Les ombres errantes. Dernier Royaume </em>I, Paris, Grasset, 2002.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quignard Pascal, <em>Sordidissimes</em>, <em>Dernier Royaume </em>V, Paris, Grasset, 2005.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quignard Pascal, <em>Sur le jadis</em>, <em>Dernier Royaume </em>II, Paris, Grasset, 2002.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Varnedoe Kirk, &laquo; Le primitivisme dans l&rsquo;art moderne. Gauguin &raquo;, dans<em> Le Primitivisme dans l&rsquo;art du 20<span style="font-size:12px"><sup>e</sup> </span>si&egrave;cle&nbsp;: les artistes modernes devant l&rsquo;art tribal</em>, William Stanley Rubin (dir.), Jean-Louis Paudrat (&eacute;d. fr), Paris, Flammarion, 1991.</span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>Biographie de l&rsquo;auteure</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ancienne &eacute;l&egrave;ve de l&rsquo;ENS de Lyon (fili&egrave;re &laquo;&nbsp;Lettres et Arts&nbsp;&raquo;, sp&eacute;cialit&eacute; &laquo;&nbsp;Lettres modernes&nbsp;&raquo;) et agr&eacute;g&eacute;e de Lettres modernes, ses recherches de litt&eacute;rature compar&eacute;e portent sur les interactions entre litt&eacute;rature et arts. Apr&egrave;s s&rsquo;&ecirc;tre int&eacute;ress&eacute;e aux livres de dialogue entre le po&egrave;te Pablo Neruda et le photographe Sergio Larrain et avoir suivi un parcours de formation-recherche entre l&rsquo;&Eacute;cole Normale Sup&eacute;rieure de Lyon et l&rsquo;&Eacute;cole Nationale Sup&eacute;rieure de la Photographie d&rsquo;Arles, elle devient doctorante contractuelle &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Bordeaux Montaigne (ED 480 &laquo; Montaigne Humanit&eacute;s &raquo;, EA 4195 : Telem), o&ugrave; elle m&egrave;ne une th&egrave;se de litt&eacute;rature compar&eacute;e sous la direction de MM. Jean-Paul Engelibert (Bordeaux 3) et Fran&ccedil;ois Jeune (Paris 8) sur les r&eacute;sonances de la pr&eacute;histoire dans la litt&eacute;rature et les arts-plastiques de l&rsquo;entre-deux-guerres &agrave; nos jours, sous-titr&eacute;e &laquo;&nbsp;Repenser le primitivisme&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[1]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Ab&icirc;mes. Dernier Royaume </em>III, Paris, Grasset, 2002, p. 198.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[2]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Marie-Jos&eacute; Mondzain, <em>Homo spectator</em>, Paris, Bayard, 2007, p. 26.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[3]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-size:12px"> </span><em>Op. cit.</em>, p. 26-37. Je souligne.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[4]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Sigmund Freud, &laquo;&nbsp;L&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute;&nbsp;&raquo; (1933), trad. Marie Bonaparte et E. Marty,<em> </em>dans <em>Essais de psychanalyse appliqu&eacute;e</em>, Paris, Gallimard, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Id&eacute;es&nbsp;&raquo;, 1971, Nrf n&Euml;&scaron; 263, p. 163-210.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[5]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> <em>Op. cit.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[6]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-size:12px"> </span>Bertrand F&eacute;ron, traducteur de <em>L&rsquo;inqui&eacute;tante &eacute;tranget&eacute; et autres essais</em>, Paris, Gallimard, 1985, coll. &laquo;&nbsp;Folio essais&nbsp;&raquo;, r&eacute;pertorie ces traductions, p. 212.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[7]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Sigmund Freud, <em>op. cit</em>.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[8]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>op. cit.</em>, p. 215.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[9]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 238.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[10]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 86.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[11]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-size:12px"> </span><em>Ibid.</em>, p. 172-176, je souligne.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[12]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Sur le jadis</em>, <em>Dernier Royaume </em>II, Paris, Grasset, 2002, respectivement p. 83 et 33.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[13]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Sordidissimes</em>, <em>Dernier Royaume </em>V, Paris, Grasset, 2005, p. 99.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[14]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Ab&icirc;mes</em>, <em>op. cit.</em>,<em> </em>p. 47.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[15]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 70.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[16]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Sur le jadis</em>,<em> op. cit.</em>, p. 59, sic. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[17]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 297.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[18]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Les ombres errantes. Dernier Royaume </em>I, Paris, Grasset, 2002, p. 124.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[19]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Sordidissimes</em>,<em> op. cit.</em>, p. 236.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[20]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Pascal Quignard, <em>Ab&icirc;mes</em>, <em>ibid.</em>, p. 31. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[21]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Il existe plusieurs captations vid&eacute;o&nbsp;: nous nous r&eacute;f&eacute;rons &agrave; <em>Paso doble</em>, Miquel Barcelo, Josef Nadj ; Bruno Delbonnel et Augustin Torres (r&eacute;al.), 2006, Les Poissons Volants, qui est un montage des diff&eacute;rentes repr&eacute;sentations ayant eu lieu au Festival d&rsquo;Avignon. On peut aussi visionner une version de <em>Paso doble </em>au Mali dans <em>El cuaderno de Barro</em>, Isaki Lacuesta (r&eacute;al.), 2011, &laquo;&nbsp;El documental&nbsp;&raquo;, RTVE. Enfin, il existe une version non officielle du festival d&rsquo;Avignon en ligne&nbsp;: <u><span style="color:blue"><a href="https://www.youtube.com/watch?v=rhUWkEqYPt0" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="color:blue">https://www.youtube.com/watch?v=rhUWkEqYPt0</span></a></span></u>, consult&eacute;e le 12 mars 2017.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[22]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Paul Ardenne, &laquo;&nbsp;&Agrave; propos de <em>Paso Doble</em>, pr&eacute;sentation et extraits de la vid&eacute;o-performance&nbsp;&raquo;, dans <em>Performance, art et anthropologie</em> (&laquo;&nbsp;Les actes&nbsp;&raquo;), 2009 [En ligne&nbsp;: <u><span style="color:blue"><a href="http://actesbranly.revues.org/423" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="color:blue">http://actesbranly.revues.org/423</span></a></span></u>]. Consult&eacute; le 24 novembre 2014. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[23]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Miquel Barcel&oacute; dans <em>Portrait de Miquel Barcel&oacute; en artiste pari&eacute;tal</em>, Pierre P&eacute;ju, &Eacute;ric M&eacute;zil (dir.), Agust&iacute; Torres (photo.), Paris, Gallimard et Collection Lambert en Avignon, 2008, p. 172.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[24]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Kirk Varnedoe, &laquo;&nbsp;Le primitivisme dans l&rsquo;art moderne. Gauguin&nbsp;&raquo;, dans<em> Le Primitivisme dans l&rsquo;art du 20<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;: les artistes modernes devant l&rsquo;art tribal</em>, William Stanley Rubin (dir.), Jean-Louis Paudrat (&eacute;d. fr), Paris, Flammarion, 1991, p. 181.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[25]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Georges Didi-Huberman, <em>Ce que nous voyons, ce qui nous regarde</em>, Paris, Minuit, coll. &laquo;&nbsp;Critique&nbsp;&raquo;, 1992, p. 11.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[26]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Georges Didi-Huberman, <em>op. cit., </em>p. 22.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[27]</sup></sup></a></span><em><span style="font-size:10.0pt"> Ibid</span></em><span style="font-size:10.0pt">., p. 179.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[28]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Emmanuel Levinas, <em>&Eacute;thique et infini</em>, dialogues avec Philippe Nemo, Paris, Le Livre de Poche, 1982, p.&nbsp;79.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn29"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[29]</sup></sup></a></span><span style="font-size:10.0pt"> Julia Kristeva, <em>&Eacute;trangers &agrave; nous-m&ecirc;mes</em>, Paris, Fayard, 1988, p. 250-268.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn30"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12px"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><sup><sup>[30]</sup></sup></a></span><sup> </sup><span style="font-size:10.0pt">Julia Kristeva, &laquo;&nbsp;R&eacute;flexions sur l&rsquo;&eacute;tranger&nbsp;&raquo;, conf&eacute;rence au Coll&egrave;ge des Bernardins, 1 octobre 2014 [En ligne&nbsp;: <u><span style="color:blue"><a href="http://www.kristeva.fr/reflexions-sur-l-etranger.html" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="color:blue">http://www.kristeva.fr/reflexions-sur-l-etranger.html</span></a></span></u>]. Consult&eacute;e le 15 mars 2016.</span></span></span></p> </div> </div>