<p style="text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Le mouvement ph&eacute;nom&eacute;nologique se pr&eacute;sente, &agrave; sa naissance, comme une pens&eacute;e critique. Husserl propose une m&eacute;thode de suspension du jugement dont l&rsquo;objectif est d&rsquo;&eacute;carter les pr&eacute;suppos&eacute;s culturels et les th&eacute;ories infond&eacute;es, au profit d&rsquo;un retour aux principes ultimes de la connaissance. Les principes identifi&eacute;s n&rsquo;&eacute;tant pas postul&eacute;s de fa&ccedil;on arbitraire, mais enracin&eacute;s dans un v&eacute;cu ad&eacute;quat. Le v&eacute;cu intuitif, ou v&eacute;cu de l&rsquo;&eacute;vidence, fait alors office de fondement&nbsp;: c&rsquo;est le mode de manifestation des id&eacute;es et des choses &laquo;&nbsp;elles-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo; &agrave; ma conscience. Les choses me livrent, dans l&rsquo;&eacute;vidence, les cl&eacute;s de leur intelligibilit&eacute;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Pour certains h&eacute;ritiers de Husserl, la recherche de l&rsquo;essence du v&eacute;cu se fera aux d&eacute;pens de la connaissance rationnelle, et en dehors de tout cadre cognitif. Dans les deux cas &mdash;&nbsp;que l&rsquo;on cherche le fondement stable des connaissances scientifiques, ou que l&rsquo;on d&eacute;nigre les sciences au profit d&rsquo;une donation plus originaire des choses&nbsp;&mdash; on trouve un fonds commun&nbsp;: l&rsquo;existence d&rsquo;une forme universelle du v&eacute;cu. Ce formalisme tr&egrave;s particulier ne cessera d&rsquo;&ecirc;tre un lieu de d&eacute;bat pour les ph&eacute;nom&eacute;nologues. Si le v&eacute;cu de conscience est soumis &agrave; des lois, s&rsquo;il est r&eacute;gl&eacute;, comment faire face &agrave; des &eacute;v&eacute;nements qui par nature exc&egrave;dent nos cat&eacute;gories, ainsi que tous nos sch&eacute;mas habituels de pens&eacute;e&nbsp;? Les h&eacute;ritiers de Husserl r&eacute;pondent en int&eacute;grant au sein du v&eacute;cu ph&eacute;nom&eacute;nologique les v&eacute;cus per&ccedil;us comme moins norm&eacute;s, &agrave; savoir la vie personnelle et affective. Mais la description d&rsquo;un v&eacute;cu a-logique, a-rationnel, ne conduit-elle pas &agrave; &eacute;tablir une structure (malgr&eacute; tout) universelle du v&eacute;cu singulier&nbsp;? Le fait pour une chose de se manifester &agrave; ma conscience peut-il r&eacute;ellement &eacute;chapper &agrave; tout cadre normatif&nbsp;? Comment, &agrave; partir d&rsquo;une telle l&eacute;galit&eacute; du v&eacute;cu, avoir acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;? Quelle alt&eacute;rit&eacute; m&rsquo;est alors donn&eacute;e&nbsp;? Une ph&eacute;nom&eacute;nologie tourn&eacute;e vers l&rsquo;&eacute;v&eacute;nementialit&eacute; et l&rsquo;affectivit&eacute; pose incidemment l&rsquo;existence d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em>&nbsp;: une structure universelle du v&eacute;cu singulier. Cette<strong> </strong>alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;ne se constitue pas sur la base d&rsquo;exp&eacute;riences empiriques particuli&egrave;res, mais au contraire les pr&eacute;c&egrave;de et les rend possibles<strong>. </strong></span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a name="_gjdgxs"></a><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;Alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em>&nbsp;&raquo;, l&rsquo;expression a quelque chose de dissonant, peut-&ecirc;tre m&ecirc;me choquant. Dans quelle mesure les v&eacute;cus peuvent-ils &ecirc;tre &laquo;&nbsp;les m&ecirc;mes&nbsp;&raquo; en leur alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;? Par rapport &agrave; quelle norme sont-ils &laquo;&nbsp;autres&nbsp;&raquo;&nbsp;? Ou &agrave; quelle norme ob&eacute;it &mdash;&nbsp;paradoxalement&nbsp;&mdash; la structure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;? La probl&eacute;matique qui met en avant l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; dans son acception la plus large, pouvant r&eacute;unir un ensemble tr&egrave;s divers et sans doute &eacute;clectique, rencontre une objection venant de l&rsquo;anthropologie et de l&rsquo;ethnologie. L&rsquo;objection est la suivante&nbsp;: les universels d&eacute;gag&eacute;s par les ph&eacute;nom&eacute;nologues m&eacute;prisent et manquent la diff&eacute;rence culturelle. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> est incompatible avec un type d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui pourrait rendre d&rsquo;embl&eacute;e caduque la premi&egrave;re expression, &agrave; savoir&nbsp;: l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; culturelle. Parmi les anthropologues, L&eacute;vy-Bruhl par exemple fait remarquer que le rapport entre le m&ecirc;me et l&rsquo;autre n&rsquo;a rien de semblable dans la logique des peuples dits primitifs et dans la logique rationnelle, faisant ainsi passer le principe de non-contradiction comme une d&eacute;termination culturelle et une sp&eacute;cificit&eacute; occidentale. Une telle d&eacute;couverte, celle d&rsquo;une autre logique, ne peut selon lui se faire qu&rsquo;au moyen d&rsquo;une observation empirique. Cela met donc en cause la possibilit&eacute; de d&eacute;gager la moindre universalit&eacute; sur la base de la r&eacute;flexion, c&rsquo;est-&agrave;-dire de l&rsquo;introspection. La g&eacute;n&eacute;ralisation d&rsquo;un pr&eacute;tendu &laquo;&nbsp;v&eacute;cu de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; n&rsquo;est-elle pas pi&eacute;g&eacute;e par ses normes culturelles, et ne trahit-elle pas d&rsquo;autant plus l&rsquo;impossibilit&eacute; de penser au-dehors de ces d&eacute;terminations factuelles&nbsp;? En d&rsquo;autres termes, les approches ph&eacute;nom&eacute;nologiques ayant pour but de mettre en &eacute;vidence une alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> &agrave; partir de la r&eacute;flexivit&eacute;, ne risquent-elles pas d&rsquo;&eacute;riger leur propre culture en unique mesure de l&rsquo;universalit&eacute; ? Si c&rsquo;&eacute;tait le cas, la pens&eacute;e ph&eacute;nom&eacute;nologique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui fait de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; un <em>a priori</em> &mdash;&nbsp;y compris dans sa version affective&nbsp;&mdash; n&rsquo;est-elle pas vou&eacute;e &agrave; manquer l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; culturelle, et n&rsquo;est-elle pas ainsi mise en &eacute;chec&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Nous suivrons, dans les deux premi&egrave;res parties, l&rsquo;&eacute;volution historique de la ph&eacute;nom&eacute;nologie, en pr&eacute;sentant, d&rsquo;abord, ses fondements husserliens, et ce qu&rsquo;ils ont d&rsquo;incompatible avec le principe d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Puis se dessineront, &agrave; partir de Max Scheler, les lignes g&eacute;n&eacute;rales du &laquo;&nbsp;tournant&nbsp;&raquo; affectif de la ph&eacute;nom&eacute;nologie, qui fit &mdash;&nbsp;tout au contraire&nbsp;&mdash; de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; sa norme. Dans un troisi&egrave;me temps, enfin, je me demanderai quel regard critique et/ou quel r&ocirc;le a pu jouer l&rsquo;anthropologie &mdash;&nbsp;sous la figure de L&eacute;vy-Bruhl&nbsp;&mdash; dans l&rsquo;&eacute;laboration ph&eacute;nom&eacute;nologique d&rsquo;une forme pure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &agrave; partir des sentiments.</span></span></span></p> <h2 style="text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>1. &Agrave; l&rsquo;origine de la ph&eacute;nom&eacute;nologie&nbsp;: une alt&eacute;rit&eacute; biff&eacute;e</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Le principe d&rsquo;intentionnalit&eacute; est &laquo;&nbsp;le&nbsp;&raquo; c&oelig;ur de la ph&eacute;nom&eacute;nologie naissante. Prenant appui sur la formule &laquo;&nbsp;toute conscience est conscience de quelque chose&nbsp;&raquo;, il permet &agrave; Husserl de d&eacute;passer l&rsquo;opposition entre un monde int&eacute;rieur &agrave; ma pens&eacute;e, et un autre qui lui serait ext&eacute;rieur. Un tel d&eacute;coupage ferait passer l&rsquo;&eacute;difice de la connaissance rationnelle pour le produit de la seule pens&eacute;e subjective, lui refusant tout fondement dans les choses. Cette position s&rsquo;&eacute;tablit donc sur fond de pol&eacute;mique&nbsp;: &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; les sciences exp&eacute;rimentales dominent largement le champ de la connaissance, la philosophie rationaliste est accus&eacute;e de construire des th&eacute;ories abstraites, et par l&agrave; arbitraires, parce que non fond&eacute;es sur l&rsquo;exp&eacute;rience. D&eacute;passant l&rsquo;opposition entre l&rsquo;int&eacute;rieur et l&rsquo;ext&eacute;rieur de la pens&eacute;e, l&rsquo;analyse du v&eacute;cu de conscience par un proc&eacute;d&eacute; r&eacute;flexif s&rsquo;impose comme seul discours v&eacute;ritablement fond&eacute; sur l&rsquo;exp&eacute;rience. Avant tout descriptive, elle est le seul mode d&rsquo;acc&egrave;s aux choses &laquo;&nbsp;sans adjonction th&eacute;orique&nbsp;&raquo;, donc sans risque d&rsquo;interf&eacute;rence avec des dogmes ou des pr&eacute;suppos&eacute;s. Au sein d&rsquo;une exp&eacute;rience, le sujet et l&rsquo;objet sont corr&eacute;l&eacute;s, et la ph&eacute;nom&eacute;nologie se tient dans cette corr&eacute;lation. Comment pourrait-il y avoir place pour une alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;? Et une alt&eacute;rit&eacute; vis-&agrave;-vis de quoi&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Dans les <em>Recherches Logiques</em>, Husserl consid&egrave;re que &laquo;&nbsp;ce qui est per&ccedil;u ad&eacute;quatement n&rsquo;est pas simplement l&rsquo;objet d&rsquo;une quelconque vis&eacute;e, mais au contraire est, tel qu&rsquo;il est vis&eacute;, donn&eacute; &eacute;galement dans l&rsquo;acte de fa&ccedil;on originaire, c&rsquo;est-&agrave;-dire appr&eacute;hend&eacute; int&eacute;gralement et comme &eacute;tant lui-m&ecirc;me pr&eacute;sent<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Ce faisant, comme le souligne Jean-Fran&ccedil;ois Lavigne dans <em>Husserl et la naissance de la ph&eacute;nom&eacute;nologie</em>, &laquo;&nbsp;&ldquo;le retour aux choses m&ecirc;me&rdquo; ne peut consister qu&rsquo;en une restitution de l&rsquo;acc&egrave;s direct aux signifi&eacute;s eux-m&ecirc;mes <em>comme tels&nbsp;</em>&raquo;, autrement dit le retour aux choses m&ecirc;me co&iuml;ncide avec une &laquo;&nbsp;reconduction aux syst&egrave;mes subjectifs d&rsquo;actes de conscience objectivants<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; ce moment, Husserl &laquo;&nbsp;met en suspens&nbsp;&raquo; l&rsquo;existence du monde pour &eacute;carter une alt&eacute;rit&eacute; con&ccedil;ue comme l&rsquo;hypostase d&rsquo;inaccessibles &laquo;&nbsp;choses en soi&nbsp;&raquo;. Cette mise en suspens se radicalise quelques ann&eacute;es plus tard et Husserl rend nulle et non avenue une conception de choses subsistant par elles-m&ecirc;mes. Si &laquo;&nbsp;toute conscience est conscience de quelque chose&nbsp;&raquo;, l&rsquo;inverse est &eacute;galement vrai&nbsp;: il n&rsquo;y a de &laquo;&nbsp;quelque chose&nbsp;&raquo; que pour une conscience qui le vise. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">C&rsquo;est dans les <em>Id&eacute;es directrices<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><strong><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></strong></sup></a></em> que Husserl &eacute;tablit les principes de la th&egrave;se ontologique de l&rsquo;id&eacute;alisme transcendantal, lui qui doit montrer que<strong> &laquo;&nbsp;</strong>l&rsquo;objet transcendant <em>et sa transcendance</em> ne sont rien de plus que des d&eacute;terminations intentionnelles&nbsp;; et que la saisie &eacute;vidente de l&rsquo;objet e<em>n tant que transcendant </em>&agrave; la conscience s&rsquo;effectue sans rien pr&eacute;supposer d&rsquo;ext&eacute;rieur&nbsp;&raquo;. &Agrave; ce moment, on peut v&eacute;ritablement parler de &laquo;&nbsp;r&eacute;duction ontologique de la transcendance de l&rsquo;&eacute;tant &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de simple corr&eacute;lat, constitu&eacute; dans et par des v&eacute;cus subjectifs&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a>&raquo;. La premi&egrave;re &laquo;&nbsp;mise en suspens&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;r&eacute;duction&nbsp;&raquo; ph&eacute;nom&eacute;nologique &eacute;tait m&eacute;thodologique&nbsp;; elle devient ontologique. Or elle le devient pour accomplir plus pleinement encore l&rsquo;exigence premi&egrave;re, de ne rien postuler qui ne soit fond&eacute; dans l&rsquo;exp&eacute;rience. &Agrave; suivre rigoureusement le donn&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience, on peut percevoir des objets, percevoir des propri&eacute;t&eacute;s, mais juger que ces objets soient &mdash;&nbsp;en eux-m&ecirc;mes&nbsp;&mdash; dot&eacute;s de telles ou telles propri&eacute;t&eacute;s suppose un saut hors de l&rsquo;exp&eacute;rience. S&rsquo;il est possible d&rsquo;attester une pr&eacute;sence et une manifestation des choses, cela ne suffit pas &agrave; d&eacute;terminer l&rsquo;existence absolue ou l&rsquo;&ecirc;tre en soi de celles-ci. Par cons&eacute;quent, si nous appelons alt&eacute;rit&eacute; ce qui &eacute;chappe &agrave; toute appr&eacute;hension de la conscience, celle-ci a &eacute;t&eacute;, &agrave; la naissance de la ph&eacute;nom&eacute;nologie, volontairement &eacute;cart&eacute;e tout d&rsquo;abord, puis biff&eacute;e. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&Agrave; cela s&rsquo;ajoute le rationalisme de Husserl, qu&rsquo;il faut comprendre &agrave; partir du contexte pol&eacute;mique d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;. L&rsquo;objectif des <em>Recherches Logiques</em> d&rsquo;une mise en lumi&egrave;re des actes de conscience eux-m&ecirc;mes est le suivant&nbsp;: voir si les relations logiques, les cat&eacute;gories &mdash;&nbsp;qu&rsquo;utilisent par ailleurs les sciences empiriques&nbsp;&mdash; sont des constructions subjectives, ou ont une validit&eacute; autonome objective. De sorte que les &laquo;&nbsp;entit&eacute;s id&eacute;ales&nbsp;&raquo; ne soient plus consid&eacute;r&eacute;es comme abstraites ou construites, mais bien re&ccedil;ues ou fond&eacute;es sur une exp&eacute;rience bien comprise. Husserl s&rsquo;oppose au &laquo;&nbsp;subjectivisme m&eacute;taphysique&nbsp;&raquo; &mdash;&nbsp;identifi&eacute; aussi comme anthropologisme&nbsp;&mdash; qui consiste &agrave; ne consid&eacute;rer les lois logiques que comme des fonctions de notre connaissance<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a>. Ce faisant, le concept d&rsquo;exp&eacute;rience ou de v&eacute;cu est &eacute;largi. Le sujet poss&egrave;de en effet la facult&eacute; d&rsquo;appr&eacute;hender, par &laquo;&nbsp;id&eacute;ation&nbsp;&raquo;, le g&eacute;n&eacute;ral dans le singulier. Il appr&eacute;hende imm&eacute;diatement par intuition une unit&eacute; conceptuelle, acqu&eacute;rant ainsi l&rsquo;&eacute;vidence des lois logiques. Cette facult&eacute; qui assure, dans la repr&eacute;sentation r&eacute;it&eacute;r&eacute;e, l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;intention conceptuelle, est la condition de possibilit&eacute; de la connaissance. &laquo;&nbsp;Par l&agrave; nous est donn&eacute;e partout la possibilit&eacute; de l&rsquo;application des lois logiques<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est &agrave; cette condition que Husserl peut &eacute;crire que&nbsp;: &laquo;&nbsp;la v&eacute;rit&eacute; [...] n&rsquo;est pas un ph&eacute;nom&egrave;ne parmi les ph&eacute;nom&egrave;nes, mais elle est un v&eacute;cu en ce sens totalement modifi&eacute; o&ugrave; l&rsquo;on dit qu&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;, une id&eacute;e, est un v&eacute;cu<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Chaque type d&rsquo;acte de conscience renvoie &agrave; une exp&eacute;rience commune, et la m&ecirc;me&nbsp;: le v&eacute;cu de l&rsquo;id&eacute;al. Ceci est valable aussi bien pour l&rsquo;imagination que le souvenir, le r&ecirc;ve, etc. J&rsquo;imagine quelque chose, je r&ecirc;ve de quelque chose... l&rsquo;identification de ces objets suppose des v&eacute;cus d&rsquo;id&eacute;ation. Par exemple, sur la base de la perception singuli&egrave;re de ce rouge particulier, je peux percevoir, par intuition cat&eacute;goriale, ou &laquo;&nbsp;id&eacute;ation&nbsp;&raquo;, l&rsquo;&laquo;&nbsp;id&eacute;e&nbsp;&raquo; g&eacute;n&eacute;rale de rouge. Et c&rsquo;est sur ce mod&egrave;le qu&rsquo;&agrave; partir du tournant transcendantal, Husserl consid&egrave;re que chaque objet se constitue dans la conscience par la synth&egrave;se d&rsquo;une s&eacute;rie successive d&rsquo;&laquo;&nbsp;esquisses&nbsp;&raquo; auxquelles correspondent autant de perceptions id&eacute;ales, c&rsquo;est &agrave; dire d&rsquo;identifications possibles de qualit&eacute;s g&eacute;n&eacute;rales dans un m&ecirc;me objet singulier. Mais la pr&eacute;sence des objets &agrave; ma conscience, donc l&rsquo;ad&eacute;quation entre mon v&eacute;cu et l&rsquo;objet, n&rsquo;est parfaitement accomplie que dans les v&eacute;cus d&rsquo;objets immanents. La ph&eacute;nom&eacute;nologie cherchant &agrave; retrouver au plus pr&egrave;s une telle ad&eacute;quation, consistera donc &agrave; consid&eacute;rer ce qui, au sein des v&eacute;cus et de leurs objets, est le plus &laquo;&nbsp;logique&nbsp;&raquo;&nbsp;: le plus g&eacute;n&eacute;ral et le plus rationnel. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;Mais qu&rsquo;en est-il alors d&rsquo;autres <em>ego</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a><em>&nbsp;</em>?&nbsp;&raquo;. La personne d&rsquo;autrui &eacute;chappe-t-elle &agrave; l&rsquo;objectivation&nbsp;? &laquo;&nbsp;La singularit&eacute; et la vari&eacute;t&eacute; de son contenu (onto-no&eacute;matique) nous font pressentir d&eacute;j&agrave; la multiplicit&eacute; d&rsquo;aspects et la difficult&eacute; du probl&egrave;me ph&eacute;nom&eacute;nologique<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; annonce Husserl au d&eacute;but de la cinqui&egrave;me m&eacute;ditation cart&eacute;sienne. Le probl&egrave;me auquel il consacre cette m&eacute;ditation est toutefois d&eacute;limit&eacute; de telle sorte qu&rsquo;il n&rsquo;y est pas question de la singularit&eacute; en tant que telle. Il se demande comment le sens de l&rsquo;existence d&rsquo;un <em>alter ego</em> est donn&eacute; &agrave; la conscience. Le ph&eacute;nom&eacute;nologue se limite strictement &agrave; la t&acirc;che d&rsquo;&eacute;lucidation des structures de la conscience. Le texte r&eacute;pond donc &agrave; la question suivante&nbsp;: quelles structures sont n&eacute;cessairement mobilis&eacute;es lorsqu&rsquo;on vise le sens de l&rsquo;existence d&rsquo;autrui&nbsp;? Husserl ne d&eacute;ment pas, pour cet &laquo;&nbsp;objet&nbsp;&raquo; singulier, le parti pris rationaliste de l&rsquo;id&eacute;alisme transcendantal&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;tout sens que peut avoir pour moi la &ldquo;quiddit&eacute;&rdquo; et le &ldquo;fait de l&rsquo;existence r&eacute;elle&rdquo; d&rsquo;un &ecirc;tre, n&rsquo;est et ne peut &ecirc;tre tel que dans et par ma vie intentionnelle&nbsp;; il n&rsquo;existe que dans et par ses synth&egrave;ses constitutives, s&rsquo;&eacute;lucidant et se d&eacute;couvrant pour moi dans les syst&egrave;mes de v&eacute;rification concordante<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;ce n&rsquo;est pas l&rsquo;autre &ldquo;moi&rdquo; qui nous est donn&eacute; en original [&hellip;] rien de ce qui appartient &agrave; son &ecirc;tre propre. Car si c&rsquo;&eacute;tait le cas, [&hellip;] ce ne serait qu&rsquo;un moment de mon &ecirc;tre &agrave; moi, et, en fin de compte, moi-m&ecirc;me et lui-m&ecirc;me, nous serions le m&ecirc;me [...]. Il doit y avoir <em>une certaine intentionnalit&eacute; m&eacute;diate </em>[&hellip;] Cette intentionnalit&eacute; repr&eacute;sente une &ldquo;<em>co-existence&rdquo; </em>qui n&rsquo;est jamais et qui ne peut jamais &ecirc;tre l&agrave; &laquo;&nbsp;en personne&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit donc d&rsquo;une esp&egrave;ce <em>d&rsquo;acte qui rend &ldquo;copr&eacute;sent&rdquo;,</em> d&rsquo;une esp&egrave;ce d&rsquo;aperception par analogie que nous allons d&eacute;signer par le terme d&rsquo;&ldquo;<em>appr&eacute;sentation</em><a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a><em>&rdquo;</em>.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Le moi qui caract&eacute;rise la singularit&eacute; d&rsquo;autrui est &eacute;cart&eacute;, pour le motif qu&rsquo;une vis&eacute;e ad&eacute;quate d&rsquo;autrui revient pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; nier son alt&eacute;rit&eacute;. Husserl ne retient d&rsquo;autrui, en ph&eacute;nom&eacute;nologie, que cette particularit&eacute;&nbsp;: celle de ne pas se donner sur le mode d&rsquo;un objet repr&eacute;sent&eacute; &mdash;&nbsp;constitu&eacute;&nbsp;&mdash; mais d&rsquo;un sujet co-constituant. Paul Ricoeur parlait &agrave; ce propos d&rsquo;&laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute; incluse<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Nous ne quittons pas le registre de la repr&eacute;sentation objectivante. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Tous les v&eacute;cus de conscience, structur&eacute;s par des id&eacute;alit&eacute;s et des relations id&eacute;ales, ob&eacute;issent &agrave; une logique de repr&eacute;sentation. Autrement dit, dans le cadre de la ph&eacute;nom&eacute;nologie husserlienne, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est absente au profit d&rsquo;une perp&eacute;tuelle immanence &mdash;&nbsp;co-pr&eacute;sence&nbsp;&mdash; &agrave;&nbsp;la conscience objectivante. Non seulement il n&rsquo;y a pas d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; vis-&agrave;-vis du v&eacute;cu subjectif, mais il n&rsquo;y a pas d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; non plus vis-&agrave;-vis de la rationalit&eacute;. Ces deux formes d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du v&eacute;cu d&rsquo;une part, et de la raison de l&rsquo;autre, ont &eacute;t&eacute; accol&eacute;es, ce qui participera &agrave; une autre union, celle de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; avec l&rsquo;affectivit&eacute;. </span></span></span></p> <h2 style="text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>2. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;affective </strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Parmi les successeurs de Husserl, un grand nombre voit dans le subjectivisme et le rationalisme husserliens deux aspects ins&eacute;parables d&rsquo;un m&ecirc;me tout. On peut citer Heidegger, Pato&Auml;ka, Merleau-Ponty, Levinas et tant d&rsquo;autres. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; vis-&agrave;-vis de la conscience implique l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; vis-&agrave;-vis de la rationalit&eacute;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[13]</span></sup></sup></a>. Ces penseurs ne tiennent pas tant &agrave; d&eacute;fendre l&rsquo;existence de choses &laquo;&nbsp;en soi&nbsp;&raquo; qu&rsquo;&agrave; mettre en &eacute;vidence le mode de donation des choses dans leur singularit&eacute;, l&agrave; o&ugrave; le rationalisme ne voit que le g&eacute;n&eacute;ral. Si le paradigme de l&rsquo;intuition ad&eacute;quate est l&rsquo;intuition des id&eacute;es logiques pures, comment consid&eacute;rer ce qui par d&eacute;finition, est incapable d&rsquo;une telle donation&nbsp;: les choses en leur singularit&eacute;&nbsp;? &Agrave; moins de conclure que rien de singulier ne se ph&eacute;nom&eacute;nalise, ce ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;en red&eacute;finissant le paradigme de la ph&eacute;nom&eacute;nalit&eacute;. C&rsquo;est &agrave; cette derni&egrave;re t&acirc;che que se consacrent les h&eacute;ritiers de Husserl. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Max Scheler est le premier ph&eacute;nom&eacute;nologue &agrave; avoir d&eacute;fini un v&eacute;cu intentionnel non rationnel. Ce faisant, il renverse le mod&egrave;le husserlien&nbsp;: l&rsquo;intentionnalit&eacute; affective devient pour lui la structure fondamentale de la conscience<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[14]</span></sup></sup></a>. Sur elle se greffe la repr&eacute;sentation d&rsquo;objets. Faisant de la personne d&rsquo;autrui la pierre angulaire de toute sa pens&eacute;e, il con&ccedil;oit la relation sujet-objet sur le mod&egrave;le de la relation interpersonnelle, et plus sp&eacute;cifiquement de l&rsquo;amour interpersonnel. Une personne est certes un &laquo;&nbsp;objet&nbsp;&raquo; identifi&eacute;, mais qui pr&eacute;sente cette particularit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre, en son fonds et n&eacute;cessairement, in-objectivable. &Agrave; partir de l&rsquo;analogie entre l&rsquo;essence singuli&egrave;re de la personne et celle de la chose, il fait du &laquo;&nbsp;noyau intime&nbsp;&raquo; de la personne d&rsquo;autrui le paradigme d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; pour la conscience. Les choses du monde poss&egrave;dent elles aussi l&rsquo;&eacute;quivalent d&rsquo;un &laquo;&nbsp;noyau intime&nbsp;&raquo;, &agrave; savoir une essentialit&eacute; absolument singuli&egrave;re. Cette essence se manifeste, non pas &agrave; une conscience rationnelle et objectivante, mais &agrave; une conscience affective. Pourtant, les affects ne sont pas sans &laquo;&nbsp;logique&nbsp;&raquo;, et il y a des lois de n&eacute;cessit&eacute; qui r&eacute;gissent les &eacute;motions. La ph&eacute;nom&eacute;nologie aura donc pour objet de d&eacute;terminer les diverses cat&eacute;gories d&rsquo;affects, et de proposer une&nbsp;logique de l&rsquo;affectivit&eacute;. Une alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> ne serait possible qu&rsquo;&agrave; condition d&rsquo;&ecirc;tre affective et de se rattacher &agrave; une &laquo;&nbsp;logique du c&oelig;ur<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[15]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement, entre les sentiments, d&rsquo;une hi&eacute;rarchie ainsi que de relations n&eacute;cessaires<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[16]</span></sup></sup></a>, que ceux-ci soient dot&eacute;s ou non d&rsquo;un caract&egrave;re intentionnel.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> d&eacute;signe la forme du v&eacute;cu qui met en relation un sujet avec tout type de singularit&eacute; non-objectivable sur le mod&egrave;le de la relation interpersonnelle. Cette conception de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est bien a-rationnelle, mais est-elle pour autant a-subjective&nbsp;? Pour Husserl, les lois logiques structurant le v&eacute;cu de conscience &eacute;taient &mdash;&nbsp;en vertu du principe de corr&eacute;lation devenu, dans les <em>Id&eacute;es directrices</em>, l&rsquo;ontologie de l&rsquo;id&eacute;alisme transcendental&nbsp;&mdash; inh&eacute;rentes aux choses m&ecirc;mes&nbsp;: le monde est structur&eacute; logiquement<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[17]</span></sup></sup></a>. Si nous transposons ce mod&egrave;le en termes scheleriens&nbsp;: dans quelle mesure les lois des affects concernent-elles les choses m&ecirc;mes&nbsp;? Y a-t-il des qualit&eacute;s &eacute;motives inh&eacute;rentes aux choses, en corr&eacute;lation avec les actes affectifs du sujet percevant&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Si nous cherchons dans les textes de Scheler une forme, ou du moins un &eacute;quivalent, de lois affectives immanentes aux choses elles-m&ecirc;mes, notre attention se porte sur l&rsquo;id&eacute;e, parsem&eacute;e dans les &oelig;uvres de l&rsquo;auteur, selon laquelle une personne infinie se manifeste au travers de l&rsquo;ensemble des choses du monde<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[18]</span></sup></sup></a>. Il &eacute;crit par exemple&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;Si la personne et le monde sont des &ecirc;tres absolus et li&eacute;s par des corr&eacute;lations essentiales r&eacute;ciproques, la v&eacute;rit&eacute; absolue ne <em>peut</em> &ecirc;tre que personnelle, et, dans la mesure o&ugrave; elle est impersonnelle et &ldquo;universellement valable&rdquo; mais non personnellement valable, elle <em>doit</em> &ecirc;tre soit une erreur soit une v&eacute;rit&eacute; qui ne concerne que des objets dont la pr&eacute;sence est relative<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[19]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Il reprend ainsi la conception augustinienne<a href="#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[20]</span></sup></sup></a> d&rsquo;un Dieu se r&eacute;v&eacute;lant dans l&rsquo;intimit&eacute; de la personne, en la transposant &agrave; l&rsquo;ensemble des &ecirc;tres. L&rsquo;essence des choses, qui pour Scheler doit &ecirc;tre une essence singuli&egrave;re, se constitue dans et par des actes &eacute;motionnels personnels. Cette singularit&eacute; d&rsquo;essence correspond &agrave; l&rsquo;empreinte &agrave; la fois singuli&egrave;re et universelle de l&rsquo;unique personne divine, qui se donne &agrave; voir dans toutes les choses. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Pour Husserl, rappelons-le, l&rsquo;intuition ad&eacute;quate se r&eacute;alise pleinement dans le v&eacute;cu des id&eacute;es logiques, ce qui entra&icirc;ne une mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart de la singularit&eacute; et une logicisation du monde. Mais Scheler, m&ucirc; par un souci inverse de consid&eacute;rer toutes choses comme singuli&egrave;res, en vient &agrave; penser l&rsquo;intuition ad&eacute;quate sur le mod&egrave;le du rapport interpersonnel, dont le paradigme est l&rsquo;union intime avec Dieu. Th&eacute;ologie et ph&eacute;nom&eacute;nologie ne devraient-elles pas &ecirc;tre oppos&eacute;es&nbsp;? Dieu entre en ph&eacute;nom&eacute;nologie en m&ecirc;me temps que la pens&eacute;e de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et avec&nbsp;la prise en compte d&rsquo;une structure affective originaire. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un Dieu &laquo;&nbsp;des philosophes&nbsp;&raquo;, dont on puisse d&eacute;montrer l&rsquo;existence, &laquo;&nbsp;parce qu&rsquo;un Dieu qui doit au pr&eacute;alable se faire prouver son existence, ne serait en fin de compte qu&rsquo;un Dieu fort peu divin<a href="#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[21]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; selon le mot de Heidegger. Il s&rsquo;agit de Dieu en tant que p&ocirc;le no&eacute;tique absolu, <em>telos</em> de tout acte de connaissance et fondement &mdash;&nbsp;non subjectif, non rationnel&nbsp;&mdash; immanent &agrave; toute ph&eacute;nom&eacute;nalisation des essences singuli&egrave;res. Un Dieu &laquo;&nbsp;pris en tant qu&rsquo;il inaugure de lui-m&ecirc;me la connaissance o&ugrave; il se livre &mdash;&nbsp;se r&eacute;v&egrave;le<a href="#_ftn22" name="_ftnref22" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[22]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, mais dont on masque le nom<a href="#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[23]</span></sup></sup></a>. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">La th&eacute;o-logique qui sert de soubassement &agrave; la conception schelerienne de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; comporte deux risques. Le premier est de m&eacute;priser les choses particuli&egrave;res au nom d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; absolue qui ne soit plus seulement une forme du v&eacute;cu mais un &ecirc;tre transcendant. Toutes les choses vis&eacute;es par la conscience affective ne se pr&ecirc;tant pas &agrave; l&rsquo;intimit&eacute; au m&ecirc;me titre que l&rsquo;union &agrave; Dieu, on est amen&eacute; &agrave; r&eacute;duire ces choses &agrave; de simples moyens pour acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;absolu singulier. Le second risque, le plus embl&eacute;matique d&rsquo;une pens&eacute;e ph&eacute;nom&eacute;nologique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &mdash;&nbsp;f&ucirc;t-elle seulement &eacute;pist&eacute;mologique&nbsp;&mdash; est d&rsquo;ordre ph&eacute;nom&eacute;nologique autant qu&rsquo;anthropologique&nbsp;: n&rsquo;est-il pas &eacute;tonnant que la ph&eacute;nom&eacute;nologie, pr&eacute;sent&eacute;e d&rsquo;entr&eacute;e de jeu comme une pens&eacute;e critique, en rupture avec la tradition, introduise simultan&eacute;ment l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et la transcendance divine selon la tradition du monoth&eacute;isme, et plus pr&eacute;cis&eacute;ment du christianisme&nbsp;? Scheler est-il une exception, ou bien une pens&eacute;e de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> conduit-t-elle forc&eacute;ment &agrave; une telle<strong> </strong>particularit&eacute; culturelle, qui suppose <em>a minima</em><strong> </strong>l&rsquo;existence d&rsquo;un Dieu unique et singulier&nbsp;: un Dieu-personne&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">La forme de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale introduite en ph&eacute;nom&eacute;nologie par Scheler, qui a<strong> </strong>influenc&eacute; un large pan de la ph&eacute;nom&eacute;nologie fran&ccedil;aise, a &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute;e comme une r&eacute;surgence de la transcendance divine issue du monoth&eacute;isme jud&eacute;o-chr&eacute;tien. Vincent Descombes, dans <em>Le m&ecirc;me et l&rsquo;autre</em>, ou Dominique Janicaud dans <em>Le tournant th&eacute;ologique de la ph&eacute;nom&eacute;nologie fran&ccedil;aise,</em> arrivaient &agrave; ce constat. Janicaud fait remarquer que l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale &mdash;&nbsp;dont il trouve la forme paradigmatique dans les textes de Levinas&nbsp;&mdash; &laquo;&nbsp;suppose un montage m&eacute;taphysico-th&eacute;ologique pr&eacute;alable &agrave; l&rsquo;&eacute;criture philosophique&nbsp;&raquo;. Il ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les d&eacute;s sont pip&eacute;s, les choix sont faits, la foi se dresse majestueuse &agrave; l&rsquo;arri&egrave;re-plan<a href="#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[24]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, pour ensuite se demander comment on est parvenu, partant d&rsquo;une attitude &laquo;&nbsp;critique&nbsp;&raquo; qui biffe l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; par prudence &eacute;pist&eacute;mologique &agrave; une fuite vers un autre monde ou &agrave; une restauration de l&rsquo;id&eacute;alisme absolu<a href="#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[25]</span></sup></sup></a>. Janicaud reproche &agrave; cette ph&eacute;nom&eacute;nologie de sortir du cadre strict de l&rsquo;exp&eacute;rience<a href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[26]</span></sup></sup></a>, donc du ph&eacute;nom&egrave;ne, pour r&eacute;-introduire un dogme. Il est, en effet, d&rsquo;autant plus &eacute;tonnant de voir qu&rsquo;au moment de prendre la mesure de l&rsquo;&laquo;&nbsp;autre&nbsp;&raquo;, la ph&eacute;nom&eacute;nologie impose une repr&eacute;sentation religieuse &mdash;&nbsp;le monoth&eacute;isme&nbsp;&mdash; comme mesure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Penser la dualit&eacute; entre le m&ecirc;me et l&rsquo;autre s&rsquo;accompagne d&rsquo;un recours &agrave; une transcendance divine. Est-ce seulement accidentel&nbsp;? L&rsquo;anthropologie, par sa connaissance de cultures diverses, devrait<strong> </strong>mettre &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve ce qui semble &ecirc;tre un manque de radicalit&eacute; dans le rejet de tous les dogmes et tous les pr&eacute;suppos&eacute;s culturels. Dans quelle mesure a-t-elle pu jouer un r&ocirc;le critique dans cette &eacute;volution, qui part d&rsquo;une conception de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pr&eacute;tendument universelle, pour s&rsquo;orienter vers une conception finalement teint&eacute;e de religiosit&eacute; ? </span></span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>3. Institution ou dissolution de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em> par l&rsquo;anthropologie </strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Les textes de L&eacute;vy-Bruhl ont &eacute;t&eacute; comment&eacute;s respectivement par Husserl et Scheler, ce qui fait de lui &agrave; la fois un interlocuteur direct et un porte-parole de l&rsquo;anthropologie aupr&egrave;s des ph&eacute;nom&eacute;nologues de l&rsquo;&eacute;poque. Dans ses principaux &eacute;crits, <em>Les fonctions mentales dans les soci&eacute;t&eacute;s inf&eacute;rieures</em> et <em>La mentalit&eacute; primitive</em>, L&eacute;vy-Bruhl se demande comment un contenu culturel &mdash;&nbsp;une croyance&nbsp;&mdash; peut avoir une efficience r&eacute;elle sur l&rsquo;esprit et le corps de l&rsquo;individu socialis&eacute;. Il s&rsquo;agit de mettre au jour les lois permettant d&rsquo;expliquer la causalit&eacute; psycho-physique par laquelle une croyance peut influer sur la r&eacute;action physique &mdash;&nbsp;notamment affective&nbsp;&mdash; de l&rsquo;individu social. Cela en prenant en compte &mdash;&nbsp;dans la lign&eacute;e de Durkheim&nbsp;&mdash; les repr&eacute;sentations collectives comme des faits sociaux qui &laquo;&nbsp;ont leurs lois propres, lois que l&rsquo;analyse de l&rsquo;individu en tant qu&rsquo;individu ne saurait jamais faire conna&icirc;tre<a href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[27]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. De ce point de vue, sa position est non-ph&eacute;nom&eacute;nologique, puisque l&rsquo;auteur pose d&egrave;s l&rsquo;introduction le postulat suivant&nbsp;: &laquo;&nbsp;La conception d&rsquo;un esprit humain individuel s&rsquo;offrant vierge &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience est donc aussi chim&eacute;rique que celle de l&rsquo;homme avant la soci&eacute;t&eacute;. Elle ne r&eacute;pond &agrave; rien de saisissable ni de v&eacute;rifiable pour nous, et les hypoth&egrave;ses qui l&rsquo;impliquent ne sauraient &ecirc;tre qu&rsquo;arbitraires<a href="#_ftn28" name="_ftnref28" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[28]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Le contexte se pr&ecirc;terait dans ce cas &agrave; une analyse des repr&eacute;sentations sociales qui gouvernent ce que le ph&eacute;nom&eacute;nologue consid&egrave;re comme un sentiment ou un v&eacute;cu originaire. Consid&eacute;rons par exemple la description d&rsquo;une repr&eacute;sentation sociale. L&eacute;vy-Bruhl &eacute;crit&nbsp;: </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;Toutes les soci&eacute;t&eacute;s de forme tot&eacute;mique comportent des repr&eacute;sentations collectives du m&ecirc;me genre, impliquant une semblable identit&eacute; entre les individus d&rsquo;un groupe tot&eacute;mique et leur totem [...] Ce que nous appelons rapports naturels de causalit&eacute; entre les &eacute;v&eacute;nements passe inaper&ccedil;u, ou n&rsquo;a qu&rsquo;une importance minime. Ce sont les participations mystiques qui occupent la premi&egrave;re place, et souvent toute la place. </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">C&rsquo;est pourquoi la mentalit&eacute; des primitifs peut &ecirc;tre dite <em>pr&eacute;logique</em> &agrave; aussi juste titre que <em>mystique</em>. Ce sont l&agrave; deux aspects d&rsquo;une m&ecirc;me propri&eacute;t&eacute; fondamentale, plut&ocirc;t que deux caract&egrave;res distincts<a href="#_ftn29" name="_ftnref29" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[29]</span></sup></sup></a></span>. <span style="font-size:12.0pt">&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">&laquo;&nbsp;En l&rsquo;appelant pr&eacute;logique, je veux seulement dire qu&rsquo;elle ne s&rsquo;astreint pas avant tout, comme notre pens&eacute;e &agrave; s&rsquo;abstenir de la contradiction. Elle ob&eacute;it d&rsquo;abord &agrave; la loi de participation<a href="#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[30]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">La pens&eacute;e pr&eacute;-logique est attribu&eacute;e dans cet extrait &agrave; un type particulier de soci&eacute;t&eacute;. L&eacute;vy-Bruhl met en avant une logique, bas&eacute;e non pas sur la raison &mdash;&nbsp;caract&eacute;ris&eacute;e par la r&eacute;f&eacute;rence au principe de non-contradiction, paradigme de la logique formelle&nbsp;&mdash; mais sur des &laquo;&nbsp;&eacute;motions&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[31]</span></sup></sup></a>. Toutefois, au fil du texte, il quitte le registre durkheimien de la repr&eacute;sentation, pour proposer l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une structure universelle de la conscience&nbsp;: la conscience &agrave; son stade &laquo;&nbsp;primitif&nbsp;&raquo; ne correspondrait pas &agrave; un &eacute;tat de soci&eacute;t&eacute; arri&eacute;r&eacute; temporellement<a href="#_ftn32" name="_ftnref32" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[32]</span></sup></sup></a>, mais pr&eacute;sent en chacun en tant que stade archa&iuml;que de la pens&eacute;e. En termes ph&eacute;nom&eacute;nologiques, la mentalit&eacute; primitive correspondrait donc &agrave; une structure affective originaire. De sorte que la mentalit&eacute; primitive pourrait &ecirc;tre rapproch&eacute;e de la logique affective schelerienne&nbsp;; celle qui a pour mod&egrave;le une union intime avec Dieu. Retrouve-t-on une telle th&eacute;o-logique comme soubassement de la mentalit&eacute; primitive&nbsp;? L&rsquo;unit&eacute; &mdash;&nbsp;dans la dissemblance&nbsp;&mdash; entre une personne humaine et une personne divine, est-elle aussi le mod&egrave;le sur lequel L&eacute;vy-Bruhl pense l&rsquo;unit&eacute; de personnes humaines avec d&rsquo;autres objets ou esp&egrave;ces&nbsp;? Le concept de participation qu&rsquo;il emprunte &agrave; Malebranche autorise une telle hypoth&egrave;se<a href="#_ftn33" name="_ftnref33" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[33]</span></sup></sup></a>. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Sous le nom de v&eacute;cu affectif, ce sont bien une structure et un contenu de pens&eacute;e religieux qui s&rsquo;instituent universels &mdash;&nbsp;l&rsquo;universalit&eacute; &eacute;tant dissimul&eacute;e sous les traits de l&rsquo;affectivit&eacute;. En ce sens, loin de produire des outils permettant de r&eacute;cuser la logique ph&eacute;nom&eacute;nologique, L&eacute;vy-Bruhl participe &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une conception de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, elle-m&ecirc;me issue de l&rsquo;h&eacute;ritage m&eacute;taphysique chr&eacute;tien. Sa critique par L&eacute;vi-Strauss sera comparable &agrave; celle que formul&egrave;rent Descombes et Janicaud &agrave; l&rsquo;encontre des ph&eacute;nom&eacute;nologies visant l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; absolue<a href="#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[34]</span></sup></sup></a>. L&eacute;vy-Bruhl d&eacute;fend pourtant l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; irr&eacute;ductible des repr&eacute;sentations culturelles des peuples dits primitifs, qu&rsquo;il estime imp&eacute;n&eacute;trables aux outils m&eacute;thodologiques rationnels. Imp&eacute;n&eacute;trables en raison des repr&eacute;sentations culturelles dont cette logique rationnelle est issue. Pourtant, en nous demandant quelle est &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; logique &mdash;&nbsp;&agrave; laquelle ob&eacute;it la mentalit&eacute; primitive&nbsp;&mdash; nous trouvons&nbsp;qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une logique affective. &laquo;&nbsp;Autre&nbsp;&raquo;, cette logique l&rsquo;est pour la logique rationnelle. L&eacute;vy-Bruhl appelle &agrave; penser l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; culturelle radicale, mais cet appel n&rsquo;est pas suivi d&rsquo;effet&nbsp;: il ne parvient &agrave; penser qu&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; pour la raison. Cette alt&eacute;rit&eacute; ne justifiait<strong> </strong>pas n&eacute;cessairement de sortir du cadre g&eacute;n&eacute;ral de la pens&eacute;e, mais la tonalit&eacute; affective lui donnait un caract&egrave;re indiscutable, rendant par l&agrave; possible une seule et m&ecirc;me structure universelle des facult&eacute;s humaines. Or, l&rsquo;&eacute;nonciation de cette structure n&rsquo;est rendue possible que par une conceptualit&eacute; occidentale issue d&rsquo;un contexte th&eacute;ologique, comme c&rsquo;&eacute;tait le cas pour Scheler. Nous pouvons donc nous demander dans quelle mesure le contenu culturel transpara&icirc;t sur la structure qui nous est pr&eacute;sent&eacute;e comme universelle, et comment pallier cette infirmit&eacute;. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Pour sortir des impasses auxquelles se sont heurt&eacute;s les auteurs de cette &eacute;poque, &eacute;voquons la direction prise par l&rsquo;anthropologie &agrave; partir de L&eacute;vi-Strauss, qui met en avant une pluralit&eacute; de logiques<a href="#_ftn35" name="_ftnref35" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[35]</span></sup></sup></a> &eacute;galement qualifiables comme &laquo;&nbsp;rationnelles&nbsp;&raquo;. Le tournant dont il a &eacute;t&eacute; l&rsquo;instigateur repose sur une m&eacute;fiance envers, d&rsquo;une part, les formes hypostasi&eacute;es de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[36]</span></sup></sup></a> et, d&rsquo;autre part, la conception universaliste des sentiments<a href="#_ftn37" name="_ftnref37" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[37]</span></sup></sup></a>. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, la maximisation des contrastes avec les autres cultures, qui a pour soubassement celle des contrastes univoques entre le soi et l&rsquo;autre<a href="#_ftn38" name="_ftnref38" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[38]</span></sup></sup></a>, substitue &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; une image exotique de bon sauvage. De l&rsquo;autre, la conception universaliste des sentiments nie les structures sociales &mdash;&nbsp;bel et bien rationnelles&nbsp;&mdash; sur lesquelles tout sentiment repose. D&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, placer l&rsquo;affectivit&eacute; et l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; conjointement au c&oelig;ur de la philosophie renforce paradoxalement sa tendance &agrave; n&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;une sorte de contemplation esth&eacute;tique de la conscience par elle-m&ecirc;me<a href="#_ftn39" name="_ftnref39" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[39]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em>, radicale et/ou constitutive, ne pourrait donc pas &eacute;chapper au risque de n&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;une pens&eacute;e fondamentalement tourn&eacute;e vers soi-m&ecirc;me, non seulement vers le v&eacute;cu individuel propre, mais surtout vers la propre culture du sujet concern&eacute;.</span></span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>Conclusion</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Nous sommes partis d&rsquo;un contexte ph&eacute;nom&eacute;nologique qui se bornait essentiellement &agrave; la t&acirc;che d&rsquo;une critique de la connaissance. Une critique constructive, reposant sur la volont&eacute; de donner un compl&eacute;ment n&eacute;cessaire aux sciences, autant th&eacute;oriques qu&rsquo;exp&eacute;rimentales. La pens&eacute;e husserlienne &eacute;tait orient&eacute;e vers la possibilit&eacute; d&rsquo;une connaissance certaine et, dans ce contexte, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; semblait n&rsquo;avoir aucune place, si par alt&eacute;rit&eacute; on entend&nbsp;: ce qui est a-rationnel ou transcendant &agrave; la conscience. La traduction de ce principe &eacute;pist&eacute;mologique en &eacute;nonc&eacute; ontologique &mdash;&nbsp;selon lequel tout est structur&eacute; logiquement, selon les normes logiques issues de la tradition occidentale, qui font de la raison la seule d&eacute;tentrice de la v&eacute;rit&eacute; &agrave; propos des &eacute;tants&nbsp;&mdash; a conduit les h&eacute;ritiers de Husserl &agrave; refuser cette mise &agrave; l&rsquo;&eacute;cart. Alt&eacute;rit&eacute; et affectivit&eacute; furent au c&oelig;ur d&rsquo;une ph&eacute;nom&eacute;nologie qui a suivi les pas du renversement inaugur&eacute; par Scheler. Toutefois, en proposant une conception universaliste des sentiments, elle r&eacute;activait implicitement de sch&eacute;mas de pens&eacute;e th&eacute;ologiques et de tradition chr&eacute;tienne, donc des contenus dogmatiques et culturels. Cette divinisation de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; ou cette<strong> </strong>conception de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; reposant sur un fond de croyance religieuse, donc culturelle, aurait pu &ecirc;tre per&ccedil;ue d&rsquo;embl&eacute;e par les anthropologues, qui s&rsquo;attachaient &agrave; d&eacute;crire des soci&eacute;t&eacute;s non monoth&eacute;istes. Au contraire, L&eacute;vy-Bruhl a contribu&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;dification d&rsquo;une conception universaliste des sentiments, autorisant &mdash;&nbsp;par sa revendication d&rsquo;une base empirique&nbsp;&mdash; les ph&eacute;nom&eacute;nologues ult&eacute;rieurs &agrave; pers&eacute;v&eacute;rer dans ce sens. Le recours au sentiment donne l&rsquo;impression d&rsquo;une plus large ouverture que l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un syst&egrave;me rationnel. Mais n&rsquo;est-il pas davantage susceptible de perdre de vue toute dimension critique&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">En revenant &agrave; la source des questions pos&eacute;es par l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &agrave; l&rsquo;analyse ph&eacute;nom&eacute;nologique, nous avons pu mettre en &eacute;vidence le caract&egrave;re ambigu de pens&eacute;es qui, sous pr&eacute;texte de retour &agrave; l&rsquo;originarit&eacute; du v&eacute;cu, d&eacute;crivent ce v&eacute;cu de telle mani&egrave;re qu&rsquo;il para&icirc;t &ecirc;tre le plus universel. Une telle universalit&eacute; suppos&eacute;e cache le fait que le v&eacute;cu &mdash;&nbsp;autant que sa description&nbsp;&mdash; est tributaire de dogmes, et sp&eacute;cifiquement de croyances religieuses, qui sont bien &laquo;&nbsp;rationnelles&nbsp;&raquo;, mais en un sens moins univoque que celui, tr&egrave;s restreint, propre &agrave; la stricte logique formelle. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Ce colloque a pour titre g&eacute;n&eacute;ral &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; et notre conf&eacute;rence pr&eacute;sente le contexte historique dans lequel les termes d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;preuve&nbsp;&raquo; et d&rsquo;&laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; ont &eacute;t&eacute; associ&eacute;s. L&rsquo;utilisation contemporaine d&rsquo;une telle association ne pourra que s&rsquo;enrichir des impasses rencontr&eacute;es au moment de son &eacute;mergence. Ces impasses invitent &agrave; la plus grande vigilance face &agrave; tout d&eacute;fenseur de l&rsquo;affectivit&eacute; comme seul moyen d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, par opposition &agrave; la rationalit&eacute; qui resterait enferm&eacute;e dans la logique du m&ecirc;me. Il est possible en effet que l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale ne soit pas constitu&eacute;e au sein d&rsquo;un v&eacute;cu affectif et de mani&egrave;re spontan&eacute;e, mais soit issue d&rsquo;un contenu de croyances culturelles. Ce que l&rsquo;on prend pour un v&eacute;cu &laquo;&nbsp;pur&nbsp;&raquo; de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; ne serait que l&rsquo;incorporation de cette caract&eacute;ristique culturelle particuli&egrave;re&nbsp;: le monoth&eacute;iste. Est-il possible d&rsquo;instituer une forme d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; <em>a priori</em>, si ce n&rsquo;est plus sur la base de v&eacute;cus affectifs suppos&eacute;s &laquo;&nbsp;purs&nbsp;&raquo;&nbsp;? La question reste ouverte et les &eacute;checs successifs que cette tentative a rencontr&eacute;s fait penser &agrave; la citation de Beckett&nbsp;: &laquo;&nbsp;Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore<a href="#_ftn40" name="_ftnref40" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[40]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>Bibliographie&nbsp;</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Descola Philippe, <em>Par-del&agrave; Nature et Culture</em>, Paris, Gallimard, 2005.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Greisch Jean, <em>Du &laquo;&nbsp;non-autre&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;tout-autre&nbsp;&raquo;, Dieu et l&rsquo;absolu dans les th&eacute;ologies </em>philosophiques<em> de la modernit&eacute;</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2012.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Heidegger, Martin, <em>Nietzsche I</em>, Pfullingen, trad. Pierre Klossowski, Paris, Gallimard, 1961.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Husserl Edmund, <em>Recherches Logiques</em>.<em> Tome Premier&nbsp;: Prol&eacute;gom&egrave;nes &agrave; la logique pure</em>, trad.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Hubert Elie Arion L. Kelkel et Ren&eacute; Scherer, Paris, Presses Universitaires de France, 1994.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Husserl Edmund, <em>La crise de l&rsquo;humanit&eacute; europ&eacute;enne et la philosophie</em>, trad. Nathalie Depraz, Paris, Hatier, 1992.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Husserl Edmund, <em>Id&eacute;es directrices pour une ph&eacute;nom&eacute;nologie</em>, trad. Paul Ric&oelig;ur, Paris, Gallimard, 1950.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Husserl Edmund, <em>M&eacute;ditations Cart&eacute;siennes</em>, Paris, Vrin, 1992.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Kassis Raymond, <em>De la ph&eacute;nom&eacute;nologie &agrave; la m&eacute;taphysique. Difficult&eacute;s de l&rsquo;intersubjectivit&eacute; et ressources de l&rsquo;intropathie chez Husserl</em>, Grenoble, Millon, 2001.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Keck Fr&eacute;d&eacute;ric, <em>L&eacute;vi-Strauss et la pens&eacute;e sauvage</em>, Presses Universitaires de France, Paris, 2004.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Lavigne Jean-Fran&ccedil;ois, <em>Husserl et la naissance de la ph&eacute;nom&eacute;nologie (1900-1913)</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2005.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Lavigne Jean-Fran&ccedil;ois, &laquo;&nbsp;La r&eacute;duction no&eacute;matique de la transcendance absolue dans les Ideen I&nbsp;&raquo;, dans<em> </em>Jocelyn Benoist, Vincent G&eacute;rard (dir.), <em>Husserl, </em>Paris, Ellipses, 2010, p. 179-218. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Levinas Emmanuel, <em>Le temps et l&rsquo;autre, </em>Paris, Presses Universitaires de France, 1983.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Levinas Emmanuel, <em>Totalit&eacute; et infini&nbsp;: Essai sur l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1990.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">L&eacute;vi-Strauss Claude, <em>La pens&eacute;e sauvage, </em>Paris, Plon, 1962.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">L&eacute;vi-StraussClaude, <em>Tristes tropiques</em>, Paris, Plon, 1955.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">L&eacute;vy-Bruhl Lucien, <em>Les fonctions mentales dans les soci&eacute;t&eacute;s inf&eacute;rieures</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1951.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">L&eacute;vy-Bruhl Lucien, <em>La Mentalit&eacute; primitive</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1922.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Marion Jean-Luc, <em>Dieu sans l&rsquo;&ecirc;tre, </em>Paris, Presses Universitaires de France, 1991.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Ricoeur Paul, <em>Soi-m&ecirc;me comme un autre</em>, Paris, Seuil, 1990.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Scheler Max, <em>Le formalisme en &eacute;thique et l&rsquo;&eacute;thique mat&eacute;riale des valeurs</em>, trad. Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 1955.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Scheler Max, <em>Nature et Formes de la sympathie</em>, trad. M. Lefebvre, Paris, Payot, 2003.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Scheler Max, <em>Vom Ewigen Im Menschen, Gesammelte Werke V,</em> Bonn, Bouvier Verlag, 2000.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Scheler Max, <em>Schriften aus dem Nachlass Band I</em>, <em>Gesammelte Werke X,</em> Bonn, Bouvier Verlag, 1986.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Sperber Dan<em>, Le savoir des anthropologues</em>, Paris, Hermann, 1982.</span></span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:12.0pt">Biographie de l&rsquo;auteure</span></strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">Th&eacute;odora Domenech est doctorante en philosophie &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, sous la direction de Jean-Fran&ccedil;ois Lavigne, et sp&eacute;cialis&eacute;e en ph&eacute;nom&eacute;nologie. Sa th&egrave;se porte sur les rapports entre la ph&eacute;nom&eacute;nologie et la m&eacute;taphysique dans la pens&eacute;e de Max Scheler. Les derniers textes de cet auteur, consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une &laquo;&nbsp;anthropologie m&eacute;taphysique&nbsp;&raquo;, l&rsquo;ont amen&eacute;e &agrave; travailler sur les r&eacute;appropriations de th&eacute;ories anthropologiques par les ph&eacute;nom&eacute;nologues.</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[1]</span></sup></sup></a> Edmund Husserl, <em>Recherches Logiques, Tome 1&nbsp;:</em> <em>Prol&eacute;gom&egrave;nes &agrave; la logique pure</em>, trad. Hubert Elie, Arion L. Kelkel et Ren&eacute; Scherer, Paris, Presses Universitaires de France, 1994, p. 210.</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[2]</span></sup></sup></a> Jean-Fran&ccedil;ois Lavigne, <em>Husserl et la naissance de la ph&eacute;nom&eacute;nologie (1900-1913)</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2005, p. 23.</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[3]</span></sup></sup></a> Edmund Husserl, <em>Id&eacute;es directrices pour une ph&eacute;nom&eacute;nologie</em>, trad.&nbsp;Paul Ric&oelig;ur, Paris, Gallimard, 1950.</span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[4]</span></sup></sup></a> Jean-Fran&ccedil;ois Lavigne, &laquo;&nbsp;La r&eacute;duction no&eacute;matique de la transcendance absolue dans les Ideen I&nbsp;&raquo;, dans Jocelyn Benoist et Vincent G&eacute;rard (dir.) <em>Husserl</em>, Paris, Ellipses, 2010, p. 179. </span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[5]</span></sup></sup></a> Edmund Husserl, <em>Recherches Logiques, Tome 1&nbsp;:</em> <em>Prol&eacute;gom&egrave;nes &agrave; la logique pure</em>, <em>op. cit. </em>p.126-127.</span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[6]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 111.</span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[7]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 142.</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[8]</span></sup></sup></a> Edmund Husserl, <em>M&eacute;ditations Cart&eacute;siennes</em>, Paris, Vrin, 1992, p. 149.</span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[9]</span></sup></sup></a> <em>Op. cit</em>. p. 150.</span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[10]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 152.</span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[11]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 177.</span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[12]</span></sup></sup></a> C&rsquo;est le titre donn&eacute; par Paul Ric&oelig;ur &agrave; son introduction de l&rsquo;ouvrage de Raymond Kassis, <em>De la ph&eacute;nom&eacute;nologie &agrave; la m&eacute;taphysique. Difficult&eacute;s de l&rsquo;intersubjectivit&eacute; et ressources de l&rsquo;intropathie chez Husserl,</em> Grenoble, Millon, 2001. Dans l&rsquo;introduction, Ric&oelig;ur attribue &agrave; Husserl la &laquo;&nbsp;pr&eacute;supposition ultime de l&rsquo;inclusion de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; dans le champ de l&rsquo;&eacute;go&iuml;t&eacute;&nbsp;&raquo;, p. 10. Il pose &eacute;galement la question suivante, qui fait office de critique&nbsp;: &laquo;&nbsp;La r&eacute;duction de l&rsquo;autre que moi &agrave; l&rsquo;autre de moi en moi ne constitue-t-elle pas une grande injustice &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des plus belles d&eacute;couvertes de la ph&eacute;nom&eacute;nologie de l&rsquo;autre&nbsp;? N&rsquo;est-ce pas le triomphe d&rsquo;une philosophie de l&rsquo;identit&eacute; qui se ne justifie qu&rsquo;en se posant elle-m&ecirc;me&nbsp;?&nbsp;&raquo;, p. 11.</span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[13]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;Pour fixer le vocabulaire, posons que le r&eacute;pondant <em>ph&eacute;nom&eacute;nologique</em> de la m&eacute;ta-cat&eacute;gorie d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, c&rsquo;est la vari&eacute;t&eacute; des exp&eacute;riences de passivit&eacute;, entrem&ecirc;l&eacute;es de fa&ccedil;ons multiples &agrave; l&rsquo;agir humain. Le terme &ldquo;alt&eacute;rit&eacute;&rdquo; reste alors r&eacute;serv&eacute; au discours sp&eacute;culatif, tandis que la passivit&eacute; devient l&rsquo;attestation m&ecirc;me de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; Paul Ric&oelig;ur, <em>Soi-m&ecirc;me comme un autre</em>, Paris, Seuil, 1990, p. 368.</span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[14]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;si l&rsquo;on recherchait [...] comment s&rsquo;&eacute;difie la perception naturelle et l&rsquo;intuition naturelle que nous avons du monde, si l&rsquo;on &eacute;tudiait les lois g&eacute;n&eacute;rales de la formation des unit&eacute;s de signification [&hellip;] on verrait que ce sont les <em>unit&eacute;s affectivo-perceptives</em> et les <em>unit&eacute;s axiologiques </em>qui jouent le r&ocirc;le <em>dirigeant</em> et <em>fondamental</em> dans toute intuition du monde s&rsquo;exprimant au moyen du langage&nbsp;&raquo; Max Scheler, <em>Le formalisme en &eacute;thique et l&rsquo;&eacute;thique mat&eacute;riale des valeurs</em>, trad. Maurice de Gandillac, Paris, Gallimard, 1955, p. 271.</span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[15]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;Comme le dit tr&egrave;s bien Blaise Pascal, il existe un &ldquo;ordre du c&oelig;ur&rdquo; ou une &ldquo;logique du c&oelig;ur&rdquo; qui sont <em>a priori</em>. Or, le mot &ldquo;raison&rdquo; (ou ratio), surtout lorsqu&rsquo;il est oppos&eacute; &agrave; la sensibilit&eacute;, avec la marque qu&rsquo;ont laiss&eacute;e les Grecs sur cette terminologie, caract&eacute;rise toujours l&rsquo;aspect uniquement logique de l&rsquo;esprit, son aspect alogiquement apriorique&nbsp;&raquo; Max Scheler, <em>Le formalisme</em>&hellip;, <em>ibid</em>. p. 85-86.</span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[16]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;Mais les plus importantes et les plus fondamentales de toutes les relations aprioriques sont celles qui concernent la hi&eacute;rarchie de ces syst&egrave;mes de qualit&eacute;s de valeurs mat&eacute;riales, que nous appelons des modalit&eacute;s de valeurs. Elles constituent proprement l&rsquo;<em>a priori </em>mat&eacute;rial de notre discernement des valeurs et de notre discernement pr&eacute;f&eacute;rentiel&nbsp;&raquo; Max Scheler, <em>Le formalisme</em>&hellip;, <em>ibid</em>. p. 125.</span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[17]</span></sup></sup></a> Comme le souligne encore ici Jean-Fran&ccedil;ois Lavigne dans l&rsquo;article &laquo;&nbsp;La r&eacute;duction no&eacute;matique de la transcendance absolue dans les Ideen I&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est donc n&eacute;cessairement sous la forme d&rsquo;un cogitatum, corr&eacute;lat intentionnel immanent, que tout objet peut appara&icirc;tre &agrave; la conscience, et &ecirc;tre &eacute;ventuellement reconnu et pos&eacute; de mani&egrave;re originaire comme <em>&eacute;tant</em>&nbsp;&raquo;,<em> op.cit.</em>, p. 180.</span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[18]</span></sup></sup></a><strong> </strong>Dans le contexte particulier de la distinction entre la personne singuli&egrave;re et la personne commune, Scheler &eacute;crit qu&rsquo;il ne doit pas y avoir de subordination de la singularit&eacute; vis-&agrave;-vis de la communaut&eacute; car selon lui, il n&rsquo;y a pas conflit d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&egrave;s lors que l&rsquo;on se place du point de vue d&rsquo;une &laquo;&nbsp;personne infinie chez qui dispara&icirc;t cette distinction entre personne singuli&egrave;re et personne commune&nbsp;&raquo; Max Scheler, <em>Le formalisme</em>&hellip;, <em>ibid</em>. p. 525. &Agrave; d&rsquo;autres moments, dans le <em>Formalisme</em> &eacute;galement, il &eacute;voque l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une pr&eacute;sence immanente de Dieu &laquo;&nbsp;dans l&rsquo;effectuation des actes &eacute;motionnels&nbsp;&raquo; p. 304. Enfin, en pr&eacute;sentant l&rsquo;amour comme mode d&rsquo;acc&egrave;s privil&eacute;gi&eacute; &agrave; autrui, Scheler pr&eacute;cise &laquo;&nbsp;en r&eacute;alit&eacute; l&rsquo;amour d&rsquo;autrui ne se fonde aucunement sur l&rsquo;amour de soi (moins encore, comme le veut Kant, sur le respect de soi)&nbsp;; il est aussi originaire et d&rsquo;&eacute;gale valeur, et ils se fondent tous deux en dernier ressort sur l&rsquo;amour de Dieu, lequel est toujours en m&ecirc;me temps un co-aimer de toutes les personnes finies &laquo;&nbsp;avec&nbsp;&raquo; l&rsquo;amour de Dieu et tant que personne des personnes&nbsp;&raquo;, p. 402. </span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[19]</span></sup></sup></a> Max Scheler, <em>Le formalisme</em>&hellip;, <em>ibid</em>. p. 400.</span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[20]</span></sup></sup></a> Scheler met souvent en opposition deux conceptions du monde, l&rsquo;une &laquo;&nbsp;grecque&nbsp;&raquo; et l&rsquo;autre &laquo;&nbsp;chr&eacute;tienne&nbsp;&raquo;. Cette derni&egrave;re a comme repr&eacute;sentant Augustin, qui est par ailleurs pr&eacute;sent&eacute; de fa&ccedil;on explicite par Scheler comme son auteur de r&eacute;f&eacute;rence. On trouve notamment une opposition entre les deux syst&egrave;mes de repr&eacute;sentation, grec et chr&eacute;tien &agrave; propos de leur conception du monde&nbsp;; pour les grecs, le monde serait organis&eacute; de fa&ccedil;on d&eacute;finitive selon un ordre pr&eacute;&eacute;tabli&nbsp;; la philosophie &laquo;&nbsp;chr&eacute;tienne&nbsp;&raquo; en revanche voit le monde comme une cr&eacute;ation en devenir et l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;un Dieu personnel. Dans ce contexte pr&eacute;cis, Scheler attribue l&rsquo;introduction en philosophie de cette deuxi&egrave;me conception &agrave; Augustin, et lui donne la pr&eacute;f&eacute;rence. Cf. Max Scheler, &laquo;&nbsp;Kant und die Moderne Kultur&nbsp;&raquo;, <em>Gesammelte Werke, I, Fr&uuml;he Schriften,</em> p. 367.</span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[21]</span></sup></sup></a> Martin Heidegger, <em>Nietzsche I</em>, Pfullingen, trad. Pierre Klossowski, Paris, Gallimard, 1961, p. 286.</span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[22]</span></sup></sup></a> Jean-Luc Marion, <em>Dieu sans l&rsquo;&ecirc;tre</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, p. 57. Pour Scheler, la connaissance de Dieu ne peut, en effet, provenir que d&rsquo;une r&eacute;v&eacute;lation divine&nbsp;; une r&eacute;v&eacute;lation imm&eacute;diate, pens&eacute;e sur le mod&egrave;le de la manifestation des essences. Voir &laquo; Absolutsph&auml;re und Realsetzung der Gottesidee &raquo;, dans Max Scheler, <em>Schriften aus dem Nachlass Band I</em>, <em>Gesammelte Werke X,</em> Bonn, Bouvier Verlag, 1986, p.179&ndash;254, et &laquo;&nbsp;Probleme der Religion&nbsp;&raquo;, dans Max Scheler, <em>Vom Ewigen Im Menschen, Gesammelte Werke V,</em> Bonn, Bouvier Verlag, 2000 p. 146 et suivantes. </span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[23]</span></sup></sup></a> Je renvoie &agrave; l&rsquo;&eacute;tude de Jean Greisch, <em>Du &laquo;&nbsp;non-autre&nbsp;&raquo; au &laquo;&nbsp;tout-autre&nbsp;&raquo;, Dieu et l&rsquo;absolu dans les th&eacute;ologies philosophiques de la modernit&eacute;</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2012.</span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[24]</span></sup></sup></a> Dominique Janicaud, <em>Le tournant th&eacute;ologique de la ph&eacute;nom&eacute;nologie fran&ccedil;aise</em>, p. 15.</span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[25]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 25.</span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[26]</span></sup></sup></a> De l&rsquo;aveu m&ecirc;me de Levinas, &laquo;&nbsp;Et si la ph&eacute;nom&eacute;nologie n&rsquo;est qu&rsquo;une m&eacute;thode d&rsquo;exp&eacute;rience radicale, nous nous trouvons au-del&agrave; de la ph&eacute;nom&eacute;nologie&nbsp;&raquo; Emmanuel Levinas, <em>Le temps et l&rsquo;autre</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1983, p. 34. &laquo;&nbsp;Autrui est m&eacute;taphysique&nbsp;&raquo; &eacute;crit-il dans <em>Totalit&eacute; et infini</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1990, p. 86. La m&eacute;taphysique d&eacute;signe ici ce qui &eacute;chappe &agrave; la &laquo;&nbsp;disparition dans le neutre&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&ecirc;tre, de l&rsquo;id&eacute;e, du concept. Donc une d&eacute;finition beaucoup plus proche de la religion que de la m&eacute;taphysique rationaliste onto-th&eacute;o-logique. </span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[27]</span></sup></sup></a> Lucien L&eacute;vy-Bruhl, <em>Les fonctions mentales dans les soci&eacute;t&eacute;s inf&eacute;rieures</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1951, p. 13.</span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[28]</span></sup></sup></a> <em>Op. cit</em>. p. 14.</span></span></p> </div> <div id="ftn29"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[29]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 78.</span></span></p> </div> <div id="ftn30"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[30]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>. p. 79.</span></span></p> </div> <div id="ftn31"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[31]</span></sup></sup></a> <em>Ibid</em>.<em> </em>p. 80.</span></span></p> </div> <div id="ftn32"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[32]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;Pr&eacute;logique ne soit pas non plus faire entendre que cette mentalit&eacute; constitue une sorte de stade ant&eacute;rieur, dans le temps, &agrave; l&rsquo;apparition de la pens&eacute;e logique&nbsp;&raquo; <em>ibid</em>. p. 79.</span></span></p> </div> <div id="ftn33"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[33]</span></sup></sup></a> La participation est d&eacute;crite comme le fait que, &laquo;&nbsp;dans les repr&eacute;sentations collectives de la mentalit&eacute; primitive, les objets, les &ecirc;tres, les ph&eacute;nom&egrave;nes peuvent &ecirc;tre, d&rsquo;une fa&ccedil;on incompr&eacute;hensible pour nous, &agrave; la fois eux-m&ecirc;mes et autres qu&rsquo;eux-m&ecirc;mes. D&rsquo;une fa&ccedil;on non moins incompr&eacute;hensible, ils &eacute;mettent et ils re&ccedil;oivent des forces, des vertus, des qualit&eacute;s, des actions mystiques, qui se font sentir hors d&rsquo;eux, sans cesser d&rsquo;&ecirc;tre o&ugrave; elles sont. En d&rsquo;autres termes, pour cette mentalit&eacute;, l&rsquo;opposition entre l&rsquo;un et le plusieurs, le m&ecirc;me et l&rsquo;autre, etc., n&rsquo;impose pas la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;affirmer l&rsquo;un des termes si l&rsquo;on nie l&rsquo;autre, ou r&eacute;ciproquement [...] Souvent elle s&rsquo;efface devant une communaut&eacute; mystique d&rsquo;essence entre des &ecirc;tres qui cependant, pour notre pens&eacute;e, ne sauraient &ecirc;tre confondus sans absurdit&eacute;. Par exemple, &laquo;&nbsp;les Trumais (tribu du nord du Br&eacute;sil) disent qu&rsquo;ils sont des animaux aquatiques. Les Bororo (tribu voisine) se vantent d&rsquo;&ecirc;tre des Araras (perroquets) rouges&nbsp;&raquo; <em>Ibid</em>. p. 77.</span></span></p> </div> <div id="ftn34"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[34]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;il para&icirc;t superflu d&rsquo;&eacute;voquer &agrave; ce sujet les hypoth&egrave;ses bizarres inspir&eacute;es &agrave; des philosophes par une vue trop th&eacute;orique du d&eacute;veloppement des connaissances humaines. Rien, ici, n&rsquo;appelle l&rsquo;intervention d&rsquo;un pr&eacute;tendu &ldquo;principe de participation&rdquo;, ni m&ecirc;me d&rsquo;un mysticisme emp&acirc;t&eacute; de m&eacute;taphysique, que nous ne percevons qu&rsquo;&agrave; travers le verre d&eacute;formant des religions institu&eacute;es&nbsp;&raquo; Claude L&eacute;vi-Strauss, <em>La pens&eacute;e sauvage</em>, Paris, Plon, 1962, p. 52.</span></span></p> </div> <div id="ftn35"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[35]</span></sup></sup></a> Pluralit&eacute; que l&rsquo;on retrouve jusque dans les quatre ontologies de Philippe Descola dans <em>Par-del&agrave; Nature et Culture</em>, Paris, Gallimard, 2005.</span></span></p> </div> <div id="ftn36"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[36]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;si la taxinomie et l&rsquo;amiti&eacute; tendre peuvent faire bon m&eacute;nage dans la conscience du zoologiste, il n&rsquo;y a pas lieu d&rsquo;invoquer des principes s&eacute;par&eacute;s, pour expliquer la rencontre de ces deux attitudes dans la pens&eacute;e des peuples primitifs&nbsp;&raquo; Claude L&eacute;vi-Strauss, <em>La pens&eacute;e sauvage</em>, <em>op.cit</em>., p. 53.</span></span></p> </div> <div id="ftn37"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[37]</span></sup></sup></a> &laquo;&nbsp;Universel&nbsp;&raquo; &eacute;tant ici synonyme d&rsquo;&laquo;&nbsp;univoque&nbsp;&raquo;, puisqu&rsquo;il existe pour L&eacute;vi-Strauss une pluralit&eacute; &mdash;&nbsp;et non une infinit&eacute;&nbsp;&mdash; de combinaisons ou de logiques possibles. &laquo;&nbsp;La logique du sensible doit donc &ecirc;tre r&eacute;gie par une loi analogue &agrave; celle qui d&eacute;termine les mouvements d&rsquo;un kal&eacute;idoscope&nbsp;: ce n&rsquo;est pas une logique univoque, d&eacute;termin&eacute;e en dehors des termes qu&rsquo;elle unit, mais une logique de l&rsquo;invariance&nbsp;&raquo; Fr&eacute;d&eacute;ric Keck, <em>L&eacute;vi-Strauss et la pens&eacute;e sauvage</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2004, p. 53.</span></span></p> </div> <div id="ftn38"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[38]</span></sup></sup></a> Cette conception univoque &eacute;tant, d&rsquo;apr&egrave;s notre hypoth&egrave;se, fond&eacute;e sur une pens&eacute;e de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; qui a pour mod&egrave;le l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; divine, dans un contexte monoth&eacute;iste. </span></span></p> </div> <div id="ftn39"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[39]</span></sup></sup></a> On peut mentionner la critique faite par Dan Spencer de L&eacute;vi-Strauss, qui l&rsquo;accuse d&rsquo;&ecirc;tre victime d&rsquo;une contemplation semblable en faisant remarquer que &laquo;&nbsp;L&rsquo;&oelig;uvre de L&eacute;vi-Strauss fait souvent retour sur elle-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; et que &laquo;&nbsp;les &eacute;crits o&ugrave; L&eacute;vi-Strauss se fait son propre ex&eacute;g&egrave;te ont &eacute;t&eacute; plus lus et discut&eacute;s que ceux o&ugrave; il aborde directement des questions d&rsquo;anthropologie&nbsp;&raquo;. Dan Sperber, &laquo;&nbsp;Claude L&eacute;vi-Srauss aujourd&rsquo;hui&nbsp;&raquo;, <em>Le savoir des anthropologues</em>, Paris, Hermann, 1982, p. 90.</span></span></p> </div> <div id="ftn40"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40" title=""><sup><sup><span style="font-size:10.0pt">[40]</span></sup></sup></a> Samuel Beckett,<em> Cap au Pire</em>, trad. Edith Fournier, Paris, &eacute;d Minuit, 1991, p. 8-9&nbsp;: &laquo;&nbsp;Try again. Fail again. Better again. Or better worse. Fail worse again. Still worse again&nbsp;&raquo;; p. 90. <em>Nohow On, Company, Ill Seen Ill Said, Worsward Ho, Three Novels by Samuel Beckett</em>, New York, Grove Press, 1996.</span></span></p> </div> </div>