<p style="text-align:justify">En 1924, dix ans après son engagement au front lors de la Première Guerre mondiale, l’artiste allemand Otto Dix dévoile une série de cinquante gravures à l’eau-forte intitulée Der Krieg : paysages morcelés par les cratères d’obus, cadavres dans la boue, scènes de prostitution, Gueules cassées et corps estropiés ; autant de motifs qui matérialisent l’expérience guerrière de l’artiste avec force et violence. Dans sa quête de réalisme, Dix évoque aussi le sort des anciens soldats revenus à la vie civile, et dont les cicatrices apparentes, ces offenses à la chair, altèrent douloureusement le rapport à la société — plus encore pour les mutilés du visage. A ce titre, le sociologue Pierre Le Quéau met en lumière un aspect de l’altérité extrême qui touche à l’humanité même de l’individu, lorsqu’il pose la comparaison entre la blessure faciale et le masque antique terrifiant de la Gorgone Méduse ; une altérité qui n’est pas sans rappeler le concept freudien d’inquiétante étrangeté, déjà énoncé par Jentsch en 1906. En prenant ce postulat pour point de départ, nous verrons ce qui dans l’œuvre d’Otto Dix, matérialiserait cette notion d’altérité, en tant que marqueur de déshumanisation et de rupture du lien social.</p>
<p style="text-align:justify"><strong>Mots-clefs </strong>: Otto Dix ; Grande Guerre ; défiguration ; déshumanisation ; inquiétante étrangeté ; gueules cassées ; mutilations ; anthropologie ; art ; psychanalyse</p>