<h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Introduction</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Instituteur, &eacute;ducateur, auteur, &eacute;crivain, Fernand Deligny aura &eacute;t&eacute; tout cela, au moins, entre sa naissance &agrave; Bergues en 1913 et sa mort &agrave; Granier, dans les C&eacute;vennes, en 1996. Tout au long de sa vie, son travail &mdash;&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la fois sa pratique et sa r&eacute;flexion&nbsp;&mdash; s&rsquo;&eacute;labore au contact de formes radicales d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;: il travaille dans des classes de perfectionnement pour enfants arri&eacute;r&eacute;s dans les ann&eacute;es 30, aupr&egrave;s d&rsquo;adolescents intern&eacute;s en h&ocirc;pital psychiatrique dans les ann&eacute;es 40, de d&eacute;linquants caract&eacute;riels dans les ann&eacute;es 50, ou encore aupr&egrave;s d&rsquo;enfants autistes profonds dans les ann&eacute;es 70 et 80. C&rsquo;est ce dont il rend compte dans un travail d&rsquo;&eacute;criture qui s&rsquo;&eacute;tale sur plus de cinquante ans, de ses premiers &eacute;crits des ann&eacute;es 40 comme <em>Pavillon 3, Graine de crapule </em>ou <em>Les vagabonds efficaces, </em>jusqu&rsquo;aux derniers, <em>Le croire et le craindre, Nous et l&rsquo;innocent</em> ou encore <em>Essi et copeaux </em>en 1995. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est en examinant la mani&egrave;re dont il rend compte de son travail et dont il pense le rapport &agrave; autrui que son &oelig;uvre peut apporter un &eacute;clairage f&eacute;cond pour r&eacute;pondre &agrave; une question que l&rsquo;on pourrait &eacute;noncer de la sorte&nbsp;: comment formuler et utiliser l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale d&rsquo;autrui, sans la nier ni chercher &agrave; l&rsquo;effacer, pour saisir ce qu&rsquo;il peut y avoir de plus commun entre nous&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour ce faire, il nous faudra expliciter un peu plus la situation dans laquelle Deligny travaille et &eacute;labore sa r&eacute;flexion&nbsp;; avant d&rsquo;exposer le questionnement anthropologique qui appara&icirc;t comme le c&oelig;ur de sa pens&eacute;e. Cela pour montrer en quoi, dans l&rsquo;organisation m&ecirc;me des circonstances o&ugrave; elle se d&eacute;roule, sa derni&egrave;re tentative vise &agrave; trouver et &agrave; &eacute;laborer un commun autour duquel l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; peut &ecirc;tre respect&eacute;e malgr&eacute; l&rsquo;&eacute;preuve qu&rsquo;elle impose.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>1. Une pratique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale&nbsp;: esquive et cr&eacute;ation de circonstances</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Enfants arri&eacute;r&eacute;s, inadapt&eacute;s, caract&eacute;riels, d&eacute;linquants, enc&eacute;phalopathes ou autistes profonds, quelles que soient les nosographies et les classifications m&eacute;dicales, sociales ou juridiques de l&rsquo;&eacute;poque, c&rsquo;est au contact de ces autres, dont l&rsquo;abord se pose d&rsquo;embl&eacute;e comme une &eacute;preuve, que Deligny &eacute;labore une r&eacute;flexion originale qu&rsquo;il enrichit et approfondit tout au long de sa vie. En effet, m&ecirc;me si les profils d&rsquo;enfants changent, ce qui nous int&eacute;resse ici est avant tout la mani&egrave;re dont il a d&ucirc; penser et organiser son travail dans la marge, face &agrave; une alt&eacute;rit&eacute; si radicale, en dehors de ce qui pour nous peut aller de soi&nbsp;: qu&rsquo;il s&rsquo;agisse du rapport au savoir, &agrave; la loi, aux codes sociaux ou m&ecirc;me au langage. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour le dire autrement, de la m&ecirc;me mani&egrave;re que le rapport au savoir de l&rsquo;enfant qualifi&eacute; d&rsquo;arri&eacute;r&eacute; et plac&eacute; en 1938 dans une classe dite de perfectionnement ne va pas de soi, le rapport &agrave; la loi de l&rsquo;enfant d&eacute;linquant est tout aussi probl&eacute;matique&nbsp;; de la m&ecirc;me mani&egrave;re que l&rsquo;est le rapport au langage de l&rsquo;enfant autiste profond.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est parce qu&rsquo;elle remet en cause ce qui semble pour nous aller de soi, et m&ecirc;me structurer notre rapport au monde (le savoir, la loi, le langage...) que l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; de ces &laquo;&nbsp;enfants-l&agrave;&nbsp;&raquo; peut &ecirc;tre pour nous une v&eacute;ritable &eacute;preuve. La question que pose alors Deligny est simple&nbsp;: comment faire <em>avec</em> cette &eacute;preuve qu&rsquo;impose une telle alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour bien comprendre sa position, il faut d&rsquo;abord garder en t&ecirc;te la formulation de la question. Il s&rsquo;agit pour lui de faire avec<em> </em>cette &eacute;preuve qu&rsquo;est l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;: c&rsquo;est &agrave; dire qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;y faire face, ni d&rsquo;en faire fi, mais bien de faire avec et de partir d&rsquo;elle comme d&rsquo;un fait ind&eacute;passable, comme un point de d&eacute;part obligatoire. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans les faits, cela l&rsquo;oblige &agrave; tenir deux traits caract&eacute;ristiques&nbsp;fermement li&eacute;s l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;:</span></span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">il ne s&rsquo;agit pas de nier l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</span></span></span></li> <li style="text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;agir sur l&rsquo;autre mais bien sur les circonstances dans lesquelles il &eacute;volue.</span></span></span></li> </ol> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">1. Ne pas nier l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; veut dire en partir et ne pas chercher &agrave; la gommer. La radicalit&eacute; de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; des enfants avec lesquels Fernand Deligny a &agrave; travailler est une coordonn&eacute;e de base de son travail&nbsp;: il ne s&rsquo;agit pas pour lui d&rsquo;enseigner &agrave; celui qui est incapable de m&eacute;moriser, ni de remettre sur le droit chemin le d&eacute;linquant, ni de faire parler l&rsquo;enfant qui est hors langage. Faire cela, ce serait ramener l&rsquo;autre au semblable, le &laquo;<em>&nbsp;</em>semblabiliser<em>&nbsp;</em>&raquo; pour reprendre les mots de Deligny, ce qui lui &laquo;&nbsp;semble de mauvais aloi, m&ecirc;me si (cela) part d&rsquo;un bon sentiment&nbsp;&raquo;. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; s&rsquo;&eacute;rige d&rsquo;embl&eacute;e comme une &eacute;preuve ind&eacute;passable, dont acte. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">2. C&rsquo;est ce qui le positionne &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre p&ocirc;le&nbsp;&raquo; des id&eacute;ologies et des pratiques qui dominent le champ m&eacute;dico-social de l&rsquo;&eacute;poque. Il ne s&rsquo;agit pas pour lui de travailler &laquo;&nbsp;sur l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; comme on peut dire que l&rsquo;on travaille sur les r&eacute;actions &eacute;motionnelles d&rsquo;un enfant d&eacute;linquant ou sur les st&eacute;r&eacute;otypies d&rsquo;un enfant autiste, mais plut&ocirc;t sur les conditions dans lesquelles se rapporter &agrave; lui devient une &eacute;preuve. Parce qu&rsquo;en effet, si l&rsquo;on ne peut abattre une barri&egrave;re, on peut toujours la contourner, et l&rsquo;esquive est une notion centrale chez Deligny, dans sa pratique comme dans sa r&eacute;flexion. L&rsquo;esquive, c&rsquo;est non pas agir sur autrui, mais bien sur les circonstances dans lesquelles il a &agrave; &eacute;voluer, et c&rsquo;est bien &agrave; cela que doit travailler l&rsquo;&eacute;ducateur par exemple, qui est pour lui un &laquo;&nbsp;cr&eacute;ateur de circonstances&nbsp;&raquo; tout autant que celui que le d&eacute;fenseur d&rsquo;une certaine &laquo;&nbsp;m&eacute;cr&eacute;ance&nbsp;&raquo;&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;<em>&nbsp;</em>Dans l&rsquo;&eacute;lan de la m&eacute;cr&eacute;eance, il y a cr&eacute;er, un ma&icirc;tre mot. Je le dis depuis que j&rsquo;essaie de dire en &eacute;crivant&nbsp;: un &eacute;ducateur, c&rsquo;est-y celui qui s&rsquo;occupe des autres&nbsp;? Pour moi, non. C&rsquo;est celui qui, avec ces autres, cr&eacute;e des circonstances, gr&acirc;ce aux autres qui sont l&agrave;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>. &raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2. Une recherche anthropologique&nbsp;: de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; au questionnement de notre identit&eacute;</strong></span></span></span></h2> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2.1. Du semblable au commun</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Si th&eacute;orie et pratique vont de pair chez Deligny, tout comme &eacute;crire et agir, l&rsquo;&eacute;volution de ses &eacute;crits montre &agrave; quel point c&rsquo;est une recherche proprement anthropologique qu&rsquo;il approfondit au fil des ans. D&rsquo;un ouvrage &agrave; l&rsquo;autre son questionnement se d&eacute;place et va jusqu&rsquo;&agrave; mettre en question le langage &ndash; ses effets de sens qui sont pour lui autant d&rsquo;effets de leurre &ndash; afin de trouver ce qu&rsquo;il peut y avoir, au fond, de commun dans la mani&egrave;re de vivre des diff&eacute;rents membres de l&rsquo;humanit&eacute;, autrement dit ce qu&rsquo;il peut en &ecirc;tre de l&rsquo;humain. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale au contact des enfants autistes profonds par exemple, appara&icirc;t alors comme un moyen de mettre &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve ce qui semble nous permettre de nous reconna&icirc;tre dans l&rsquo;autre, c&rsquo;est-&agrave;-dire de nous (et plus g&eacute;n&eacute;ralement de &laquo;&nbsp;le&nbsp;&raquo;) reconna&icirc;tre comme semblable. La confrontation &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; n&rsquo;est ni plus ni moins qu&rsquo;une mise &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de ce qu&rsquo;il peut y avoir de semblable entre moi et l&rsquo;autre. C&rsquo;est la pr&eacute;tention &agrave; faire de l&rsquo;autre mon semblable qui est mise sur la sellette par la pens&eacute;e de Deligny, comme une mani&egrave;re d&rsquo;assigner l&rsquo;autre &agrave; ce que je peux voir de moi en lui, qu&rsquo;il d&eacute;crit ainsi&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;erreur la plus commune est de nous ensembler sans vergogne. Quel que soit l&rsquo;autre, IL est irr&eacute;m&eacute;diablement vou&eacute; &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre, semblable<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; ou encore un peu plus loin dans le m&ecirc;me ouvrage&nbsp;: &laquo;&nbsp;il faut que l&rsquo;autre qui vient de na&icirc;tre semblable soit<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a>. &raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est d&eacute;j&agrave; la mani&egrave;re dont Nietzsche critiquait le proc&egrave;s courant de connaissance dans le <em>Gai savoir, </em>qui consistait selon lui non pas &agrave; d&eacute;couvrir quelque chose, mais &agrave; ramener l&rsquo;inconnu dans l&rsquo;orbe du connu, l&rsquo;&eacute;tranger &agrave; quelque chose d&rsquo;habituel, de quotidien, pour apaiser notre peur de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a>. La question peut alors se poser ainsi&nbsp;: au-del&agrave; du semblable (et de ce qu&rsquo;il a de douteux), et face &agrave; cette alt&eacute;rit&eacute; radicale et ind&eacute;passable (celle de l&rsquo;autiste profond), qu&rsquo;est-ce que lui et moi avons de commun&nbsp;?</span></span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2.2. L&rsquo;&eacute;preuve du constat&nbsp;: absence d&rsquo;ips&eacute;it&eacute; et vacance du langage</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; partir de son installation dans les C&eacute;vennes &agrave; la fin des ann&eacute;es soixante-dix, Deligny travaille aupr&egrave;s d&rsquo;enfants autistes profonds avec lesquels il vit, avec d&rsquo;autres adultes, &laquo;&nbsp;en pr&eacute;sence proche&nbsp;&raquo;. Les enfants sont accueillis pour des s&eacute;jours de dur&eacute;e variable dans un r&eacute;seau de petites unit&eacute;s o&ugrave; adultes et enfants ont &agrave; vivre et &agrave; pourvoir aux besoins de la communaut&eacute; ensemble. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;embl&eacute;e Deligny ne s&rsquo;int&eacute;resse pas aux diagnostics m&eacute;dicaux sur l&rsquo;enc&eacute;phalopathie et son caract&egrave;re ingu&eacute;rissable, incurable voire invivable. Il prend ces observations m&eacute;dicales comme des points de d&eacute;part, les fait siennes, et construit son action &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; des conceptions de l&rsquo;&eacute;poque. Ainsi, puisque l&rsquo;enfant autiste profond est d&eacute;crit comme ne poss&eacute;dant ni ips&eacute;it&eacute;, ni rapport au langage, il n&rsquo;a pas de conscience de lui-m&ecirc;me, tr&egrave;s peu de son propre corps. Sa main, la table, celle de l&rsquo;adulte qui est tendue vers lui, le couteau qu&rsquo;il tient, aucun de ces objets ne semble lui appartenir sp&eacute;cifiquement et de mani&egrave;re permanente. C&rsquo;est l&agrave; la forme radicale de son alt&eacute;rit&eacute;, ce qui fait &eacute;preuve dans son rapport aux autres. C&rsquo;est le point de d&eacute;part de la recherche et du travail de Deligny. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour &ecirc;tre pr&eacute;cis, l&rsquo;enfant autiste, hors langage, ne peut s&rsquo;&eacute;prouver en premi&egrave;re personne, et m&ecirc;me l&rsquo;usage du pronom r&eacute;fl&eacute;chi dans son cas pr&eacute;cis est une imposture de langage pour Deligny. Pour le dire autrement, d&rsquo;une mani&egrave;re plus large le soi n&rsquo;appara&icirc;t pas comme la marque d&rsquo;une conscience r&eacute;flexive, mais bien plut&ocirc;t comme celle de l&rsquo;appartenance &agrave; un groupe social, comme une mani&egrave;re de d&eacute;clarer en faire partie. Ce qu&rsquo;il &eacute;crit dans son dernier recueil d&rsquo;aphorismes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne pas oublier que le soi &mdash;&nbsp;au dire du dictionnaire &Eacute;tymologique&nbsp;&mdash; marque l&rsquo;appartenance d&rsquo;un individu &agrave; un groupe social<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a> &raquo;. D&egrave;s lors la recherche anthropologique de Deligny part du constat, qu&rsquo;il exp&eacute;rimente &agrave; partir de l&rsquo;enfant autiste profond, que langage et conscience de soi n&rsquo;existent pas de mani&egrave;re originaire dans l&rsquo;homme. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il va ainsi &agrave; rebours de toute une tradition philosophique qui depuis Descartes au moins fixe &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du sujet le socle sur lequel construire notre connaissance de nous-m&ecirc;mes et du monde. Dans les <em>M&eacute;ditations m&eacute;taphysiques</em><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>,<em> </em>c&rsquo;est bien &agrave; partir de l&rsquo;ips&eacute;it&eacute; du sujet que celui-ci peut reconstruire solidement l&rsquo;ensemble de ses connaissances, qu&rsquo;elles se rapportent &agrave; lui-m&ecirc;me ou au monde qui l&rsquo;environne. Face au doute hyperbolique que Descartes utilise pour an&eacute;antir dans un premier temps toute pr&eacute;tention &agrave; une connaissance v&eacute;ritable donn&eacute;e par les sens, c&rsquo;est l&rsquo;ips&eacute;it&eacute; qui lui sert de dernier rempart. C&rsquo;est alors &agrave; partir de la conscience qu&rsquo;a de lui-m&ecirc;me le sujet pensant que Descartes peut mettre le doute en d&eacute;route et qu&rsquo;il trouve un point solide, un roc &agrave; partir duquel reconstruire son rapport au monde ext&eacute;rieur et ses propres connaissances.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny, face &agrave; l&rsquo;enfant autiste d&eacute;nu&eacute; par principe de conscience de lui-m&ecirc;me, fait planer un doute tout aussi puissant. Cependant celui-ci ne se veut pas comme chez Descartes un outil &eacute;pist&eacute;mologique mais bien plut&ocirc;t anthropologique. Face &agrave; l&rsquo;enfant autiste il ne s&rsquo;agit pas de se demander quel peut &ecirc;tre le fondement solide de notre connaissance, mais plut&ocirc;t quel peut &ecirc;tre le fondement solide de ce que nous pensons &ecirc;tre humain. </span></span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2.3. Du faire &agrave; l&rsquo;agir&nbsp;: un mode d&rsquo;&ecirc;tre au monde &agrave; l&rsquo;infinitif</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sans conscience de soi ni langage, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;enfant autiste remet en cause jusqu&rsquo;&agrave; notre mani&egrave;re langagi&egrave;re de nous repr&eacute;senter, de nous rapporter au monde. Sans langage, il n&rsquo;y a pas de repr&eacute;sentation de soi &agrave; examiner au c&oelig;ur de l&rsquo;esprit, ou alors de quel type peut-elle &ecirc;tre&nbsp;? Sans mot pour dire <em>ego cogito</em>, il n&rsquo;y a pas de sujet pour revenir sur lui-m&ecirc;me, pour reprendre en compte et r&eacute;assumer sa propre existence, c&rsquo;est-&agrave;-dire en &ecirc;tre conscient. Enfin, sans personne pour dire <em>ego</em>, le <em>cogito</em> peut tout &agrave; fait persister, mais il n&rsquo;est alors qu&rsquo;un fait parmi d&rsquo;autres, comme manger, se d&eacute;placer, se balancer, courir, tracer un trait ou faire du pain. D&rsquo;une mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, ce dont il s&rsquo;agit l&agrave;, c&rsquo;est d&rsquo;agir.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est l&agrave; que Deligny introduit une distinction importante entre faire et agir. En ce sens, et sur un plan anthropologique, pour lui c&rsquo;est l&rsquo;agir qui semble premier, ind&eacute;pendamment du langage et de la conscience de soi qu&rsquo;il met &agrave; jour. C&rsquo;est &agrave; dire agir &agrave; l&rsquo;infinitif, sans finalit&eacute;, ind&eacute;pendamment d&rsquo;une volont&eacute; ou d&rsquo;une d&eacute;cision. Agir est donc une mani&egrave;re premi&egrave;re et indiff&eacute;renci&eacute;e de se rapporter au monde. Faire, au contraire d&rsquo;agir, d&eacute;pend d&rsquo;une volont&eacute;, d&rsquo;une intention, donc d&rsquo;une conscience qui organise et qui synth&eacute;tise tous les aspects de la personne autour d&rsquo;un moi pensant, un <em>ego cogito</em>. Faire poss&egrave;de une finalit&eacute;, et consid&egrave;re donc au minimum l&rsquo;autre, comme lorsque l&rsquo;enfant fait ses devoirs<em> </em>pour les pr&eacute;senter &agrave; la ma&icirc;tresse le lendemain, ou qu&rsquo;il fait une b&ecirc;tise dont il lui faudra bien r&eacute;pondre &agrave; quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre&nbsp;: ses parents, son instituteur, son &eacute;ducateur&hellip; </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour faire comprendre la diff&eacute;rence entre faire et agir, Deligny fait le r&eacute;cit de deux petites filles qui jouent au bord d&rsquo;une flaque, deux enfants autistes mais dont l&rsquo;une, Isabelle, comprend le langage, alors que l&rsquo;autre, Anne, &laquo;&nbsp;est sourde au sens des mots&nbsp;&raquo;. Alors que toutes les deux font les m&ecirc;mes gestes &agrave; la surface de l&rsquo;eau, voil&agrave; comment Deligny tente de faire saisir la diff&eacute;rence&nbsp;: </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Il est clair que les gestes de l&rsquo;une ne sont pas de la m&ecirc;me coul&eacute;e, de la m&ecirc;me venue que les gestes de l&rsquo;autre. Isabelle encha&icirc;ne ses gestes aux gestes d&rsquo;Anne, soit pour lui tendre une pierre, soit pour enlever les pierres devant les mains de l&rsquo;autre. Il s&rsquo;agit bien de l&rsquo;autre, et il y va de l&rsquo;aider ou de la g&ecirc;ner, et les gestes d&rsquo;Anne tr&eacute;buchent sur cet obstacle, tentant de reproduire leur propre ligne qui est ligne d&rsquo;erre, l&rsquo;erre provenant de cet &eacute;lan o&ugrave; l&rsquo;autre n&rsquo;existe pas en tant qu&rsquo;autre. </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous pouvons &ldquo;comprendre&rdquo; ce qu&rsquo;Isabelle <em>fait&nbsp;</em>: elle joue. Ses gestes ressemblent aux n&ocirc;tres.</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Anne ne joue pas. </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ce genre de <em>faire </em>qui est de s&rsquo;amuser, l&rsquo;autre y est, aux premi&egrave;res loges.</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans l&rsquo;<em>agir </em>d&rsquo;Anne, il ne s&rsquo;agit pas de s&rsquo;amuser. Elle ne joue pas. Dans jouer, il y a du r&ocirc;le et, bien souvent, un &ldquo;&agrave; tour de r&ocirc;le<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>&rdquo;.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale de l&rsquo;enfant autiste, hors langage, sans conscience de soi, permet alors pour Deligny d&rsquo;apercevoir quelque chose comme la structure premi&egrave;re de notre rapport au monde et &agrave; tout ce qu&rsquo;il contient, l&rsquo;agir, l&agrave; o&ugrave; c&rsquo;est le corps qui est en jeu, aux avant-postes et non pas l&rsquo;esprit envisag&eacute; comme une conscience pensante. </span></span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2.4. L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; questionne notre propre identit&eacute;&nbsp;: la place du langage</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Partir d&rsquo;un tel constat engage alors le questionnement sur un autre chemin que celui pris habituellement dans le rapport &agrave; autrui. Pour le dire &agrave; la mani&egrave;re de Deligny, cela nous place &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre p&ocirc;le&nbsp;&raquo;. En effet, puisqu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de trouver ce qui peut manquer &agrave; autrui pour &ecirc;tre comme moi, il s&rsquo;agit de chercher &agrave; voir ce qu&rsquo;il est. Pour le dire autrement, la question n&rsquo;est plus qui est l&rsquo;autre&nbsp;? Mais qu&rsquo;est-ce que cet autre&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce passage d&rsquo;une question &agrave; l&rsquo;autre engage alors toute une r&eacute;flexion sur la mani&egrave;re de se rapporter au monde, aux individus, aux objets, de l&rsquo;enfant autiste. Cet autre qui griffe, qui mord, qui tourne en rond ou hurle &agrave; la lune comme un loup, ne m&rsquo;est-il pas radicalement &eacute;tranger&nbsp;? Au-del&agrave; de la simple alt&eacute;rit&eacute;, n&rsquo;est-ce pas son &eacute;tranget&eacute; qui questionne jusqu&rsquo;&agrave; ma propre identit&eacute;&nbsp;? Cet enfant, qui ne semble pas avoir davantage conscience de lui-m&ecirc;me que des trois sacs de farine pos&eacute;s dans un coin de la pi&egrave;ce et pour lequel le fait m&ecirc;me du langage ne signifie proprement rien, cet enfant doit bien avoir quelque chose de commun avec moi&nbsp;? Sauf &agrave; vouloir l&rsquo;exclure de la commune humanit&eacute;, il va bien falloir chercher ce que lui et moi avons en commun. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny part de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale et ind&eacute;passable de l&rsquo;enfant autiste, et il en vient &agrave; mettre en question ce qui structure pour nous, sans m&ecirc;me que nous ne nous en apercevions la plupart du temps, &agrave; la fois notre identit&eacute; et notre rapport au monde&nbsp;: le langage. En effet, tout comme la conscience de soi semble &ecirc;tre un donn&eacute; naturel, un pr&eacute;requis pour tout individu humain &agrave; tel point qu&rsquo;elle est cela m&ecirc;me auquel le doute hyperbolique de Descartes ne peut s&rsquo;attaquer. Le langage appara&icirc;t pour Deligny comme ce qui structure le plus profond&eacute;ment et de la mani&egrave;re la plus inaper&ccedil;ue notre rapport &agrave; nous-m&ecirc;mes et au monde. Le langage forme comme une seconde peau, une seconde nature pour nous qui nous emp&ecirc;che de regarder le monde ou les autres hommes tels qu&rsquo;ils sont r&eacute;ellement. Comme il le dit de mani&egrave;re radicale, &laquo;&nbsp;Langage est leurre<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, et il op&egrave;re alors avant tout comme un voile qui masque notre regard et dont nous ne pouvons m&ecirc;me plus nous apercevoir.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Du m&ecirc;me coup, l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale qu&rsquo;incarne l&rsquo;enfant autiste, qui est herm&eacute;tique &agrave; toute forme de langage, met en &eacute;vidence la nature de l&rsquo;&eacute;preuve qui nous emp&ecirc;che d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; ce qui nous fait humain lui et moi. L&rsquo;&eacute;preuve est d&eacute;plac&eacute;e, elle n&rsquo;est pas que son alt&eacute;rit&eacute; &mdash;&nbsp;aussi radicale soit-elle&nbsp;&mdash; mais elle est &eacute;galement en nous-m&ecirc;mes, elle se tient dans notre rapport fondamental et spontan&eacute; au langage. Pour atteindre l&rsquo;autre, et alors ce qui nous est commun, l&rsquo;&eacute;preuve, aussi th&eacute;orique que pratique, consiste &agrave; tenter de d&eacute;passer le langage qui nous voile, qui nous masque l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale de l&rsquo;enfant autiste. Mais l&agrave; encore, &agrave; peine d&eacute;chir&eacute; le voile se reforme sans cesse. Comment d&eacute;passer ce que Deligny appelle dans bon nombre d&rsquo;ouvrages &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme que nous sommes&nbsp;&raquo;, qui est p&eacute;tri d&rsquo;un langage dans lequel se sont d&eacute;pos&eacute;s des codes sociaux et des habitudes de pens&eacute;e, pour atteindre &laquo;&nbsp;l&rsquo;humain de nature&nbsp;&raquo; dont l&rsquo;enfant autiste, hors langage, peut nous donner &agrave; voir quelques aspects&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>3. La tentative</strong></span></span></span></h2> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>3.1. Une tentative pour d&eacute;passer l&rsquo;&eacute;preuve&nbsp;: un rapport original au langage</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">S&rsquo;il est d&eacute;licat mais possible de d&eacute;loger le langage de la place premi&egrave;re qu&rsquo;il tient dans son rapport aux enfants autistes (en cela l&rsquo;absence de mots est ce qui reste le plus marquant pour les spectateurs des films de Deligny comme <em>Ce gamin, l&agrave;</em>), il reste bien difficile de se d&eacute;partir de la mani&egrave;re dont le langage structure notre rapport au monde. Tout se passe comme si nous nous rapportons au monde par et dans le langage, que ce soit pour exprimer une id&eacute;e, un avis, rendre compte d&rsquo;une action ou m&ecirc;me d&rsquo;une simple observation. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Comment rendre compte par exemple des gestes apparemment incoh&eacute;rents de Janmari, de ses balancements, de ses hochements de t&ecirc;te&nbsp;? Comment saisir ses gestes et ses actions sans les ramener &agrave; ce qu&rsquo;ils pourraient porter ou contenir pour nous de signification&nbsp;? Le probl&egrave;me devient encore plus crucial pour Deligny &eacute;crivain&nbsp;: comment rendre compte de sa recherche pour la d&eacute;fendre, pr&eacute;ciser ce qu&rsquo;elle est et surtout ce qu&rsquo;elle n&rsquo;est pas, la distinguer de ce contre quoi elle lutte, etc.&nbsp;? Si l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale de l&rsquo;enfant autiste permet aussi de mettre &agrave; jour la mani&egrave;re dont le langage pr&eacute;existe &agrave; notre rapport naturel au monde, et nous emp&ecirc;che d&rsquo;apercevoir notre propre nature, comment esquiver cette double &eacute;preuve&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La mani&egrave;re d&rsquo;utiliser le langage par Deligny, la forme m&ecirc;me de ses &eacute;crits, porte les marques de cette question, de cette recherche. Pour le dire bri&egrave;vement, on peut mentionner ici quelques-uns des principaux traits de son &eacute;criture : </span></span></span></p> <ul> <li><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif">Ses &eacute;crits sont d&rsquo;abord marqu&eacute;s par le m&eacute;lange des types de discours&nbsp;: qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;aphorismes, d&rsquo;essais, de romans, de dialogues, de textes pol&eacute;miques ou d&rsquo;articles de revue, etc. Les supports sont prot&eacute;iformes pour faire d&eacute;railler le lecteur de ce qu&rsquo;il pourrait attendre, de ce que l&rsquo;usage et les habitudes de la litt&eacute;rature comme de la langue pourraient lui faire l&eacute;gitimement attendre.</span></li> <li><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif">Il s&rsquo;agit &eacute;galement d&rsquo;un travail sur le style&nbsp;: Deligny privil&eacute;gie le jeu sur les assonances et les ressemblances entre les sons et les mots, les associations que cela permet de faire pour essayer de faire d&eacute;river l&rsquo;esprit du lecteur de ce qui est &eacute;crit au sens strict. Comme il l&rsquo;&eacute;crit d&egrave;s les premi&egrave;res pages de <em>Balivernes pour un pote</em>, &agrave; propos du titre de l&rsquo;ouvrage&nbsp;:</span></li> </ul> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; Balivernes pour un pote, parce qu&rsquo;il y a bagatelles pour un massacre et pavane pour une infante d&eacute;funte. C&rsquo;est le filigrane qu&rsquo;il faut voir, et pas du tout les mots ni le contenu des &oelig;uvres. Je ne suis pas s&ucirc;r d&rsquo;avoir jamais lu&nbsp;: Bagatelles, etc., ni d&rsquo;avoir entendu cette Pavane. Seule, la r&eacute;sonance du titre<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif">Il utilise &eacute;galement massivement le r&eacute;cit et la description. Il s&rsquo;agit pour lui d&rsquo;une mani&egrave;re plus libre de rendre compte des &eacute;v&eacute;nements qui jouent un r&ocirc;le dans telle ou telle situation, et qu&rsquo;il peut ensuite reprendre, r&eacute;utiliser, raconter &agrave; nouveau pour continuer &agrave; en dire des choses diff&eacute;rentes. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement est la mati&egrave;re de sa r&eacute;flexion et il importe de le manier diff&eacute;remment en fonction de ce que l&rsquo;on veut en faire&nbsp;; et c&rsquo;est l&agrave; que le r&eacute;cit et la description offrent le plus de potentialit&eacute;s<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a>.</span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif">Enfin, de mani&egrave;re croissante au fil de ses ouvrages, Deligny utilise et cite de plus en plus le dictionnaire, pour revenir aux sens premiers et inusit&eacute;s des mots qu&rsquo;il emploie. Orner, p&eacute;rorer, chev&ecirc;tre, aragne etc., ce sont des mots anciens auxquels Deligny revient pour se d&eacute;prendre des habitudes du langage, de ses raccourcis, et des mani&egrave;res de penser et de s&rsquo;exprimer que l&rsquo;usage courant impose. Il cherche dans le dictionnaire des significations plus anciennes, plus primitives, pour s&rsquo;&eacute;loigner de ce que le temps en a fait dans l&rsquo;usage et dans l&rsquo;esprit des locuteurs. &Eacute;chapper aux rets du langage c&rsquo;est alors revenir en amont dans la langue, non pas pour retrouver une puret&eacute; que les mots auraient perdue &mdash;&nbsp;et qu&rsquo;ils n&rsquo;ont en d&eacute;finitive jamais eu&nbsp;&mdash; mais pour en court-circuiter autant que faire se peut le sens pr&eacute;sent, tordu et inaper&ccedil;u par l&rsquo;usage ici et maintenant<em>. </em></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>3.2. D&eacute;passer le langage&nbsp;: l&rsquo;usage de la trace</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Au-del&agrave; de son travail d&rsquo;&eacute;criture, le travail de Deligny dans les C&eacute;vennes se caract&eacute;rise &eacute;galement par la multiplicit&eacute; des supports qu&rsquo;il utilise, qu&rsquo;il invente parfois, pour rendre compte de ce qu&rsquo;il advient dans cette vie &laquo;&nbsp;en pr&eacute;sence proche&nbsp;&raquo; des enfants autistes. Plut&ocirc;t que de mettre en mots des individus pour lesquels le langage n&rsquo;existe pas, et de prendre le risque de se prendre les pieds dans ce que le langage a d&eacute;j&agrave; &eacute;tabli de significations, Deligny va utiliser le crayon autrement. Ne se contentant plus d&rsquo;&eacute;crire, il va s&rsquo;agir de tracer.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny et ses compagnons vont construire des cartes qui d&eacute;crivent la topographie des lieux dans lesquels ils se trouvent avec les enfants. Sur ces cartes ils retranscrivent ensuite les mouvements des enfants, ces aller-retours qui &eacute;chappent au langage et qui mettent n&rsquo;importe quel observateur bien en peine d&rsquo;en dire quoi que ce soit, ou pire encore, de leur donner un sens. Deligny donnera &agrave; ces trajets le nom de &laquo;&nbsp;lignes d&rsquo;erre&nbsp;&raquo;, lignes qui suivent le trajet des enfants aux prises avec les objets et les caract&eacute;ristiques du lieu. Ils traceront &eacute;galement sur les cartes les trajets des adultes, pour essayer de saisir, noir sur blanc et non pas intellectuellement, les points de croisement, &eacute;ventuellement les points de jonction, entre ces adultes et ces enfants &laquo;&nbsp;aussi fous que des enfants peuvent l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;&raquo; comme le dit Deligny. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Tracer ne vise pas &agrave; repr&eacute;senter les mouvements des uns et des autres mais &agrave; les donner &agrave; voir. Parce que si la repr&eacute;sentation est le fait d&rsquo;une conscience pensante, tracer est pour Deligny un agir fondamental, un des rapports premiers de l&rsquo;humain aux prises avec un papier et un crayon. Il ne s&rsquo;agit pas de penser les trajets des uns et des autres, d&rsquo;essayer d&rsquo;y comprendre quelque chose, mais bien plut&ocirc;t, en amont de tout cela, de d&eacute;j&agrave; pouvoir les voir, les observer. La pratique des cartes se veut alors moins r&eacute;flexive que descriptive. Il s&rsquo;agit avant toute chose de le voir, cet autre qui se manifeste tellement &agrave; moi, et qui vient heurter mon identit&eacute; par son alt&eacute;rit&eacute; si radicale. Cet autre qui se tape la t&ecirc;te contre un mur, qui se mord la main ou qui la fait clapoter des heures durant &agrave; la surface de l&rsquo;eau contenue dans une bassine. C&rsquo;est lui qu&rsquo;il s&rsquo;agit de voir et non pas pourquoi sa t&ecirc;te heurte le mur, ni qu&rsquo;est-ce que veut dire cette m&acirc;choire qui mord cette main, ou ce que signifie ce geste &agrave; la surface de l&rsquo;eau. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Conclusion&nbsp;: une organisation du coutumier, l&rsquo;inscription spatiale du temps et d&rsquo;autrui</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale de l&rsquo;enfant autiste vient se heurter ce qui, dans l&rsquo;adulte, est d&eacute;j&agrave; oblit&eacute;r&eacute; par le langage, ou plut&ocirc;t pr&eacute;empt&eacute; par le langage et le mode de rapport au monde qui en d&eacute;coule. C&rsquo;est dire &agrave; quel point l&rsquo;&eacute;preuve est double&nbsp;: elle est &agrave; la fois celle de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; irr&eacute;ductible de l&rsquo;enfant, et celle du rapport au monde de l&rsquo;adulte par le langage. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pourtant, il faut bien que l&rsquo;un et l&rsquo;autre aient quelque chose en commun. C&rsquo;est donc &agrave; la recherche, &agrave; l&rsquo;organisation patiente et minutieuse, de ce commun que Deligny va atteler sa pratique quotidienne comme sa r&eacute;flexion. Ce que l&rsquo;adulte et l&rsquo;enfant autiste ont en commun ne se trouve ni dans l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; de l&rsquo;un ni dans celle de l&rsquo;autre. Et ce serait nier l&rsquo;&eacute;preuve de cette alt&eacute;rit&eacute; que de vouloir tordre &agrave; tout prix l&rsquo;un dans le sens de l&rsquo;autre. Apprendre &agrave; toute force le langage &agrave; Janmari ou se balancer comme un autiste ne sont pas pour Deligny des solutions envisageables. Changer les individus ne lui importe que peu, c&rsquo;est leur permettre de vivre une vie qui soit &agrave; eux, qui leur soit appropri&eacute;e qui est l&rsquo;objet de son travail. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est alors pour cela que sa recherche du commun, entre l&rsquo;adulte et l&rsquo;autiste, est &agrave; prendre au sens le plus spatial du terme, non pas comme ce qu&rsquo;il y a en eux de commun, mais comme ce qu&rsquo;il y a de commun entre eux. Pour le dire autrement, l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; ne se d&eacute;passe pas, elle se d&eacute;place. C&rsquo;est &agrave; dire qu&rsquo;elle doit &ecirc;tre d&eacute;plac&eacute;e sur un plan proprement spatial &agrave; partir duquel regarder, en dehors de l&rsquo;identit&eacute; de l&rsquo;un ou de l&rsquo;autre, l&agrave; o&ugrave; se situe le commun au sein duquel tous deux pourront si ce n&rsquo;est se rencontrer, &agrave; tout le moins &eacute;voluer. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La recherche de Deligny va alors porter sur l&rsquo;organisation du lieu dans ce qu&rsquo;il a de plus mat&eacute;riel&nbsp;: dans la mani&egrave;re dont des pierres plant&eacute;es dans le sol vont accrocher le regard ou les gestes des enfants autistes, dans la fa&ccedil;on dont peut pendre une boule d&rsquo;argile, dont la vaisselle couvre le sol, dont le pain est p&eacute;tri, dont la vaisselle prendra des heures pour &ecirc;tre faite, etc. C&rsquo;est dans cette mat&eacute;rialit&eacute; l&agrave; que Deligny &eacute;labore un travail patient, m&eacute;ticuleux, hasardeux. C&rsquo;est ce qu&rsquo;il appelle le travail du coutumier&nbsp;: une organisation du lieu et des choses dans laquelle les enfants peuvent acqu&eacute;rir des rep&egrave;res. C&rsquo;est &agrave; dire non pas identifier un sens ou saisir une intention dans les objets et les endroits, mais bien plut&ocirc;t saisir dans le lieu &agrave; la fois une temporalit&eacute; ainsi que la trace d&rsquo;autrui. Parce que c&rsquo;est dans le coutumier d&rsquo;un lieu, c&rsquo;est dans l&rsquo;apparent d&eacute;sordre des objets &eacute;parpill&eacute;s sur le sol, dans le fond d&rsquo;une assiette creuse ou sur le plat d&rsquo;un tabouret, que se marque aussi l&rsquo;autre. Pr&eacute;sent ou absent, il en va de lui au milieu de ces choses, il en va de lui en ces lieux qui &agrave; d&eacute;faut de l&rsquo;appeler ou de le rappeler, le manifestent comme Deligny l&rsquo;expose lorsqu&rsquo;il d&eacute;crit l&rsquo;organisation proprement spatiale des aires de s&eacute;jour dans les C&eacute;vennes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ces objets en plein travers du lieu de passage, je les retrouve sans cesse. Rep&egrave;res. Et ce rep&egrave;re me dit &agrave; quel point l&rsquo;autre n&rsquo;existe pas ou qu&rsquo;il existe trop. Le pain cuit, il faut le porter aux autres, et c&rsquo;est ce qui appara&icirc;t<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Bibliographie&nbsp;</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny Fernand, <em>Balivernes pour un pote, </em>Paris, Seghers, 1978.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny Fernand, <em>Essi et copeaux, </em>Marseille,<em> </em>Le mot et le reste, 2005.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny Fernand, <em>Le croire et le craindre, </em>dans <em>&OElig;uvres</em>, Paris, L&rsquo;arachn&eacute;en, 2007.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny Fernand, <em>Les d&eacute;tours de l&rsquo;agir ou le moindre geste</em>, dans <em>&OElig;uvres</em>, Paris, L&rsquo;arachn&eacute;en, 2007.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deligny Fernand, <em>Nous et l&rsquo;innocent</em>,<em> </em>Paris, Fran&ccedil;ois Maspero, 1975.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a name="_gjdgxs"></a>Descartes Ren&eacute;, <em>M&eacute;ditations m&eacute;taphysiques, </em>Paris, GF, 1992. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nietzsche Friedrich, <em>Le gai savoir</em>, Paris, GF, 1997.</span></span></span></p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Biographie de l&rsquo;auteur&nbsp;</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Micha&euml;l Pouteyo est &eacute;ducateur sp&eacute;cialis&eacute; et doctorant en philosophie &agrave; l&rsquo;ENS-Lyon.</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[1]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Voir Fernand Deligny, <em>Le croire et le craindre, </em>dans <em>&OElig;uvres</em>, Paris, L&rsquo;arachn&eacute;en, 2007, p. 1122&nbsp;: &laquo;&nbsp;Esquiver veut dire ne parler que d&rsquo;ici, parler d&rsquo;o&ugrave; je suis. Quand je lis des hebdomadaires ou des livres &mdash;&nbsp;je n&rsquo;ai pas la t&eacute;l&eacute;&nbsp;&mdash; il me semble y voir un exc&egrave;s constant de semblabiliser&nbsp;: se mettre &agrave; la place de, et si c&rsquo;&eacute;tait moi. L&rsquo;identification est port&eacute;e &agrave; son comble. Cette semblabilit&eacute; me semble de mauvais aloi, m&ecirc;me si elle part d&rsquo;un &laquo;&nbsp;bon sentiment&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[2]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Fernand Deligny, <em>Nous et l&rsquo;innocent</em>, Paris, Fran&ccedil;ois Maspero, 1975, p. 28.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[3]</span></sup></span></sup></a><em><span style="font-size:10.0pt"> Op.cit.,</span></em><span style="font-size:10.0pt"> p. 64.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[4]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Voir Friedrich Nietzsche, <em>Le gai savoir</em>, Paris, GF, 1997, &sect; 355, p. 305&nbsp;: &laquo;&nbsp;qu&rsquo;entend au juste le peuple par connaissance&nbsp;? Que veut-il lorsqu&rsquo;il veut de la &laquo;&nbsp;connaissance&nbsp;&raquo;&nbsp;? Rien de plus que ceci&nbsp;: quelque chose d&rsquo;&eacute;tranger doit &ecirc;tre ramen&eacute; &agrave; quelque chose de <em>bien connu. </em>Et nous, philosophes &mdash;&nbsp;avons-nous v&eacute;ritablement entendu par connaissance quelque chose <em>de plus&nbsp;</em>? Le connu, cela veut dire&nbsp;: ce &agrave; quoi nous sommes suffisamment habitu&eacute;s pour nous en &eacute;tonner, notre quotidien, une r&egrave;gle quelconque dans laquelle nous sommes plong&eacute;s, absolument tout ce en quoi nous nous sentons chez nous&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[5]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Fernand Deligny, <em>Essi et copeaux, </em>Marseille,<em> </em>Le mot et le reste, 2005, p. 65.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[6]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Voir Ren&eacute; Descartes, <em>M&eacute;ditations m&eacute;taphysiques, </em>Paris, GF, 1992, M&eacute;ditations 1 et 2. </span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[7]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Fernand Deligny, <em>Les d&eacute;tours de l&rsquo;agir ou le moindre geste</em>, dans <em>&OElig;uvres, op. cit</em>., p. 1251.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[8]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Fernand Deligny, <em>Essi et copeaux, op. cit</em>., p. 29.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[9]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt">&nbsp;Fernand Deligny, <em>Balivernes pour un pote, </em>Paris, Seghers, 1978, p. 7.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title="">[10]</a>&nbsp;</span></sup></span></sup><span style="font-size:10.0pt">Voir Fernand Deligny, <em>Le croire et le craindre, </em>dans <em>&OElig;uvres</em>, <em>op. cit</em>., p. 1114&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il m&rsquo;arrive souvent de dire et de redire, de faire et de refaire le m&ecirc;me r&eacute;cit. Pendant des ann&eacute;es, je trimballe quatre ou cinq &eacute;v&eacute;nements un peu comme un gamin trimbalerait avec lui, dans ses poches, des morceaux de craie, sauf qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de craie&nbsp;; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement du r&eacute;cit, je le choisis bien dur, bien vrai, bien authentique. Mais vous voyez, &agrave; force d&rsquo;&ecirc;tre racont&eacute;s, les morceaux deviennent comme des galets, des r&eacute;cits-galets, des fables. Et alors que la fable va vers sa fin, qui est dicton moral, ces r&eacute;cits d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements n&rsquo;en finissent pas d&rsquo;avoir des fins tr&egrave;s disparates, inconciliables. [&hellip;] Le m&ecirc;me caillou peut avoir beaucoup d&rsquo;usages.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[11]</span></sup></span></sup></a><em> </em><span style="font-size:10.0pt">Fernand Deligny, <em>Le croire et le craindre, </em>dans <em>&OElig;uvres</em>, <em>op. cit</em>.<em>, </em>p. 71.</span></span></span></span></p> </div> </div>