<h2><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Introduction</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La bipolarit&eacute; interroge doublement le rapport &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Pour les personnes r&eacute;put&eacute;es saines d&rsquo;esprit, les personnes dites en situation de trouble psychique se pr&eacute;sentent g&eacute;n&eacute;ralement sous les traits de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Le trouble psychique fait ainsi souvent obstacle &agrave; une relation interpersonnelle alors appr&eacute;hend&eacute;e comme une v&eacute;ritable &eacute;preuve. De plus, &agrave; cause de ce trouble, la personne bipolaire fait elle-m&ecirc;me et en elle-m&ecirc;me l&rsquo;&eacute;preuve d&rsquo;une certaine alt&eacute;rit&eacute;, en ce que son identit&eacute; est instable&nbsp;: est-elle &laquo;&nbsp;plus elle&nbsp;&raquo; en p&eacute;riode maniaque ou en p&eacute;riode d&eacute;pressive&nbsp;? Dans <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est, </em>spectacle &eacute;crit &agrave; partir d&rsquo;entretiens avec une jeune femme bipolaire et interpr&eacute;t&eacute; par la com&eacute;dienne &Eacute;milie Incerti Formentini, Guillaume Vincent met en sc&egrave;ne cette double &eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&thinsp;Le renoncement &agrave; la fiction et une volont&eacute; de capturer le r&eacute;el<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo; dont t&eacute;moigne <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est</em> l&rsquo;inscrit dans la veine du th&eacute;&acirc;tre documentaire d&rsquo;Erwin Piscator et Peter Weiss, dont Guillaume Vincent refuse pourtant l&rsquo;un des &laquo;&thinsp;fondements historiques [:] la vision marxiste des rapports sociaux<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;. Alors que chez Piscator le personnage est consid&eacute;r&eacute; comme le repr&eacute;sentant de sa classe, Guillaume Vincent ne cherche pas &agrave; mettre en sc&egrave;ne des &laquo;&nbsp;classes sociales&nbsp;&raquo;. En cela, il ne partage pas le &laquo;&nbsp;positionnement politique [d]es inventeurs [du th&eacute;&acirc;tre documentaire]<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;. Sa pratique op&egrave;re alors un certain nombre de d&eacute;placements dramaturgiques par rapport aux mod&egrave;les historiques, notamment en ce qui concerne la nature et la place du &laquo;&nbsp;document&nbsp;&raquo; au sein de l&rsquo;&eacute;conomie g&eacute;n&eacute;rale du spectacle. Chez Piscator et chez Weiss, la fable fictionnelle &eacute;tait remplac&eacute;e par &laquo;&nbsp;l&rsquo;enqu&ecirc;te, la collecte et la mise en forme de documents d&rsquo;archives [&hellip;], [qui] &eacute;taient agenc&eacute;s de mani&egrave;re &agrave; contester l&rsquo;id&eacute;ologie dominante au profit de la &ldquo;v&eacute;rit&eacute;&rdquo; des processus historiques<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;. Chez Guillaume Vincent la fable fictionnelle est exclusivement supplant&eacute;e par un t&eacute;moignage ou r&eacute;cit de vie, sans que d&rsquo;autres types de documents se fassent entendre. Alors que Piscator et Weiss faisaient majoritairement appel au d&eacute;coupage et au collage de divers mat&eacute;riaux, Guillaume Vincent recourt au verbatim<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>&thinsp; et op&egrave;re seulement &laquo;&nbsp;un montage au niveau mol&eacute;culaire<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, en ce que, pour &eacute;crire sa pi&egrave;ce, il a coup&eacute; et r&eacute;-agenc&eacute; les entretiens initiaux. Si dans le th&eacute;&acirc;tre documentaire &laquo;&nbsp;&eacute;pique&nbsp;&raquo; le montage est n&eacute;cessairement visible, dans celui de Guillaume Vincent, celui-ci est volontairement invisible. Cette diff&eacute;rence de &laquo;&nbsp;nature des documents utilis&eacute;s (documents historiques, officiels, scientifiques, politique, &agrave; caract&egrave;re public, ou document subjectifs, &agrave; caract&egrave;re priv&eacute;)&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;modalit&eacute;s de pr&eacute;sence de ce mat&eacute;riau sur la sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; place la d&eacute;marche de Guillaume Vincent non pas du c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;&laquo;&nbsp;un th&eacute;&acirc;tre documentaire de d&eacute;nonciation de la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo; mais de celui d&rsquo;un &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;tre documentaire qui entend donner &agrave; voir et &agrave; sentir des &eacute;clats d&rsquo;une entit&eacute; nouvelle&nbsp;: le r&eacute;el&nbsp;&raquo;, selon la typologie mise au point par B&eacute;atrice Hamidi-Kim<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a>. Ce changement de forme du th&eacute;&acirc;tre documentaire <span style="background-color:white">me semble </span>correspondre &agrave; un changement du r&ocirc;le qui lui est assign&eacute;. Alors que Piscator et Weiss cherchaient &agrave; rendre visibles des structures sociales, Guillaume Vincent tente de rendre visible l&rsquo;exp&eacute;rience subjective des &laquo; oubli&eacute;s &raquo;, qui sont aussi des &laquo; domin&eacute;s &raquo;. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous nous demanderons alors comment <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est </em>donne &agrave; voir l&rsquo;exp&eacute;rience subjective de la bipolarit&eacute;. Pour ce faire, nous nous proposons d&rsquo;articuler le concept de visibilit&eacute; &agrave; celui d&rsquo;audibilit&eacute;. Apr&egrave;s avoir analys&eacute; le dispositif th&eacute;&acirc;tral qui permet de rendre audible la parole d&rsquo;une personne bipolaire, nous analyserons les deux parties du spectacle en montrant que la bipolarit&eacute; se manifeste dans la posture &eacute;nonciative du personnage d&rsquo;&Eacute;milie.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>1. Le dispositif d&rsquo;audibilit&eacute;</strong></span></span></span></h2> <h3 style="list-style-type:none"><strong><span style="font-size:18px">1.1.&nbsp;<span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black">Une adresse ambigu&euml;</span></span></span></strong></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour &eacute;crire sa pi&egrave;ce, Guillaume Vincent a retranscrit l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; des entretiens men&eacute;s avec la jeune femme bipolaire avant d&rsquo;en faire un montage. &Agrave; une exception pr&egrave;s<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>, il a coup&eacute; ses propres interventions. Assise sur une chaise face public, la com&eacute;dienne &Eacute;milie Incerti Formentini prend en charge un quasi-monologue, jusqu&rsquo;&agrave; ce que l&rsquo;auteur du texte et metteur en sc&egrave;ne du spectacle pose une question &agrave; la com&eacute;dienne depuis le public, puis traverse le plateau en lui en posant d&rsquo;autres. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En mettant ainsi en sc&egrave;ne sa propre posture, Guillaume Vincent donne &agrave; voir une partie du processus de cr&eacute;ation du spectacle au sein du spectacle lui-m&ecirc;me&nbsp;: <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est </em>repose sur des propos qui lui &eacute;taient adress&eacute;s, tenus lors d&rsquo;entretiens dont il &eacute;tait &agrave; l&rsquo;origine. Cette intrusion de la figure auctoriale n&rsquo;intervient cependant qu&rsquo;une dizaine de minutes avant la fin du spectacle. La grande majorit&eacute; de celui-ci joue donc sur une ambivalence dans l&rsquo;&eacute;nonciation, d&rsquo;autant plus que la com&eacute;dienne a parfois recours au tutoiement<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a>. Tel est le cas dans la mesure o&ugrave; sa parole est une retranscription d&rsquo;entretiens tenus entre deux personnes qui se tutoient. Sur sc&egrave;ne, ce tutoiement cr&eacute;e un trouble car il entra&icirc;ne une implication du public diff&eacute;rente de celle instaur&eacute;e par le vouvoiement. &Agrave; d&eacute;faut d&rsquo;avoir pu recueillir les impressions d&rsquo;un grand nombre de spectateurs, r&eacute;f&eacute;rons &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de deux d&rsquo;entre eux. La premi&egrave;re fois que j&rsquo;ai vu <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est,</em> jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;intervention de Guillaume Vincent, j&rsquo;ai cru &ecirc;tre le destinataire de la parole de la com&eacute;dienne, tandis qu&rsquo;un de mes amis avait d&eacute;j&agrave; l&rsquo;impression qu&rsquo;elle s&rsquo;adressait &agrave; quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre. Le fait que celle-ci entre constamment en interaction avec les spectateurs &mdash;&nbsp;par exemple en regardant droit dans les yeux ceux des premiers rangs ou en &ldquo;rebondissant&rdquo; sur leurs r&eacute;actions<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a>&nbsp;&mdash; l&rsquo;a pourtant emp&ecirc;ch&eacute; de se sentir &agrave; distance, quand, de mon c&ocirc;t&eacute;, je me suis sentie personnellement impliqu&eacute;e dans le spectacle, voire prise &agrave; partie par la com&eacute;dienne.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi, le dispositif th&eacute;&acirc;tral frontal et la jauge r&eacute;duite cr&eacute;ent les conditions permettant &mdash;&nbsp;de fait et tr&egrave;s concr&egrave;tement&nbsp;&mdash; au spectateur de se sentir concern&eacute; par les propos prof&eacute;r&eacute;s sur sc&egrave;ne, propos issus d&rsquo;entretiens avec une jeune femme bipolaire. <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est </em>brouille ainsi les fronti&egrave;res entre le &laquo;&nbsp;normal et le pathologique<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; et rend audible une parole qui reste majoritairement inou&iuml;e dans la vie sociale, faute d&rsquo;oreilles attentives. </span></span></span></p> <h3 style="text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><strong>1.&nbsp;2 Des effets de r&eacute;el</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans un article consacr&eacute; &agrave; Lars Nor&eacute;n, dont la pi&egrave;ce&nbsp;<em>7.3</em> est &eacute;crite &agrave; partir de sa rencontre avec trois d&eacute;tenus de la prison de Tidaholm, Marion Boudier parle du &laquo;&nbsp;&thinsp;risque d&rsquo;exhibition zoologique qui guette toute mise en sc&egrave;ne directe du r&eacute;el<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[13]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, auquel Lars Nor&eacute;n aurait r&eacute;ussi &agrave; &eacute;chapper &laquo;&nbsp;en pla&ccedil;ant le spectateur face &agrave; une pi&egrave;ce en cours d&rsquo;&eacute;laboration et donc face &agrave; un r&eacute;el qu&rsquo;il sait vrai et faux &agrave; la fois<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[14]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Dans <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est, </em>il me semble que c&rsquo;est en confiant les propos d&rsquo;une personne bipolaire &agrave; une com&eacute;dienne professionnelle que Guillaume Vincent met le spectateur &laquo;&thinsp;face &agrave; un r&eacute;el qu&rsquo;il sait vrai et faux &agrave; la fois&thinsp;&raquo;. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le r&eacute;el est faux puisque, comme indiqu&eacute; dans le programme de salle, le spectateur n&rsquo;est pas face &agrave; une vraie personne bipolaire mais face &agrave; une com&eacute;dienne qui joue le r&ocirc;le d&rsquo;une personne bipolaire. Le spectateur n&rsquo;assiste cependant pas &agrave; une fiction puisque les paroles prof&eacute;r&eacute;es sur sc&egrave;ne ont v&eacute;ritablement &eacute;t&eacute; tenues par une personne bipolaire. Le r&eacute;el est donc vrai. Il s&rsquo;agit en quelque sorte d&rsquo;un vrai t&eacute;moignage port&eacute; par un faux t&eacute;moin.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Guillaume Vincent invite le spectateur &agrave; prendre part &agrave; un &laquo;&nbsp;jeu avou&eacute; du faire-semblant<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[15]</span></sup></sup></a><sup>&nbsp;</sup>&raquo; d&rsquo;autant plus ambigu que le personnage sur sc&egrave;ne se pr&eacute;nomme &Eacute;milie<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[16]</span></sup></sup></a>, comme la com&eacute;dienne elle-m&ecirc;me. S&rsquo;il n&rsquo;est pas exclu que la personne bipolaire interview&eacute;e s&rsquo;appelle &eacute;galement &Eacute;milie, il para&icirc;t cependant plus probable que Guillaume Vincent ait remplac&eacute; son pr&eacute;nom par celui de la com&eacute;dienne. Alors que dans le cadre d&rsquo;enqu&ecirc;tes sociologiques &laquo;&nbsp;l&rsquo;anonymisation&nbsp;&raquo; de la personne interview&eacute;e sert &agrave; cacher la r&eacute;alit&eacute;, au th&eacute;&acirc;tre cet artifice accentue un effet de r&eacute;el qui trouble le spectateur.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En ne mettant pas en sc&egrave;ne une &laquo;&nbsp;vraie personne bipolaire &raquo; mais une com&eacute;dienne incarnant une personne bipolaire, Guillaume Vincent attire l&rsquo;attention des spectateurs en jouant avec leur curiosit&eacute; et leur attrait pour le&nbsp;r&eacute;el en m&ecirc;me temps qu&rsquo;il les conforte (et donc les rassure) dans leur position de spectateurs de th&eacute;&acirc;tre, qui se trouvent toujours face &agrave; un jeu entre fiction et r&eacute;alit&eacute;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[17]</span></sup></sup></a>. Confront&eacute;s &agrave; une com&eacute;dienne restituant la <em>parole</em> d&rsquo;une personne bipolaire, les spectateurs ne sont pas renvoy&eacute;s &agrave; une posture de <em>voyeur</em>.<em> </em>Guillaume Vincent me semble ainsi &eacute;viter le malais &laquo;&nbsp;moral&nbsp;&raquo; qui pourrait faire obstacle &agrave; la r&eacute;ception de cette parole. Or, c&rsquo;est justement &agrave; travers cette parole que se manifeste l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; d&rsquo;&Eacute;milie, qu&rsquo;on l&rsquo;appelle &laquo;&nbsp;maladie&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;trouble&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;handicap&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2. L&rsquo;&eacute;volution de la maladie <em>via </em>l&rsquo;&eacute;volution de la posture &eacute;nonciative </strong></span></span></span></h2> <h3 style="list-style-type:none"><strong><span style="font-size:18px">​​​​​​​2.1.&nbsp;<span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black">La prise de distance initiale</span></span></span></strong></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est </em>est divis&eacute; en deux parties<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[18]</span></sup></sup></a>. La rupture, marqu&eacute;e dans le texte par le passage du &laquo;&thinsp;I&thinsp;&raquo; au &laquo;&thinsp;II&thinsp;&raquo;, est v&eacute;ritablement mise en sc&egrave;ne dans le spectacle. Apr&egrave;s avoir parl&eacute; pendant environ trente-cinq minutes, la com&eacute;dienne se l&egrave;ve et va en fond de sc&egrave;ne. Une douche de lumi&egrave;re &eacute;claire la chaise vide tandis qu&rsquo;une douce musique pop se fait entendre &mdash;&nbsp;<em>Love Is Like a Butterfly </em>de Dolly Parton&nbsp;&mdash;, puis la com&eacute;dienne revient s&rsquo;asseoir et continue son r&eacute;cit.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans la premi&egrave;re partie du spectacle, &Eacute;milie &eacute;voque son internement &agrave; Sainte-Anne, apr&egrave;s qu&rsquo;elle a arr&ecirc;t&eacute; de prendre ses m&eacute;dicaments&nbsp;: r&eacute;veill&eacute;e en pleine nuit en proie &agrave; une douleur terrible, elle est all&eacute;e s&rsquo;enfermer dans les toilettes sur le palier du studio conjugal et n&rsquo;en est sortie que sur l&rsquo;injonction d&rsquo;un infirmier de Sainte-Anne, envoy&eacute; par le SAMU qu&rsquo;avait appel&eacute; son mari. Elle raconte ensuite comment elle a violemment refus&eacute; que son mari la laisse seule dans sa chambre le temps d&rsquo;aller manger quelque chose, alors qu&rsquo;elle-m&ecirc;me d&eacute;vorait voracement le petit d&eacute;jeuner qui lui avait &eacute;t&eacute; apport&eacute;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cet &eacute;pisode me semble mettre en exergue un aspect particulier du r&eacute;cit de soi&nbsp;: le fait de prendre de la distance et de mettre en sc&egrave;ne son v&eacute;cu. Sa construction en trois &eacute;tapes pr&eacute;cises<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[19]</span></sup></sup></a> le rend &eacute;minemment th&eacute;&acirc;tral. &Eacute;milie commence par poser le cadre&nbsp;: les toilettes sur le palier (qu&rsquo;elle a d&eacute;j&agrave; pris le temps de d&eacute;peindre en d&eacute;but de texte<a href="#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[20]</span></sup></sup></a>). Elle d&eacute;crit ensuite rapidement les personnages qui vont habiter ce cadre, en retenant un trait sp&eacute;cifique &agrave; chacun&nbsp;: &Eacute;milie (qui ne se sent pas bien) et son mari Fabien (qui est inquiet). Enfin, elle entre elle-m&ecirc;me dans le cadre qu&rsquo;elle a cr&eacute;&eacute;, pour incarner les personnages et les faire parler. Dans la sc&egrave;ne de l&rsquo;enfermement et de la sortie des toilettes puis dans celle de l&rsquo;anecdote de Sainte-Anne, &Eacute;milie joue son propre r&ocirc;le mais aussi ceux de Fabien le mari et de Michel l&rsquo;infirmier, &laquo;&nbsp;sachant qu&rsquo;ils peuvent aussi [lui] parler, &agrave; [elle] qui [est] l&rsquo;&oelig;il-cam&eacute;ra, le t&eacute;moin, qui cr&eacute;e l&rsquo;empathie avec le spectateur, et qu&rsquo;il y a ainsi un dialogue qui s&rsquo;instaure, entre ce qui vient de la narration, du r&eacute;cit, et l&rsquo;incarnation<a href="#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[21]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En se pr&eacute;sentant elle-m&ecirc;me comme un personnage jouant un r&ocirc;le particulier dans une situation donn&eacute;e, &Eacute;milie prend de la distance par rapport &agrave; la posture de personne malade et &agrave; la situation d&rsquo;hospitalisation, ce qui incite implicitement le spectateur &agrave; en faire autant. L&rsquo;alternance des moments de narration et de moments d&rsquo;incarnation des personnages &mdash;&nbsp;avec une voix et un positionnement du corps dans l&rsquo;espace sp&eacute;cifiques&nbsp;&mdash; fait appara&icirc;tre &Eacute;milie sous les traits d&rsquo;une conteuse contemporaine &agrave; la Dario Fo ou d&rsquo;une conteuse documentaire, pour reprendre l&rsquo;adjectif utilis&eacute; par Christophe Triau &agrave; propos de Nicolas Bonneau. Dans l&rsquo;entretien qu&rsquo;il lui accorde il explique en effet que &laquo;&nbsp;parmi les registres qui existent chez les conteurs, il y a le r&eacute;cit de vie&nbsp;: ce qu&rsquo;on appelle les &ldquo;faits&rdquo; &ndash; les petites tranches de vie, les faits de voisinage&hellip;&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est bien un r&eacute;cit de vie qu&rsquo;&Eacute;milie raconte ici mais, au-del&agrave; du th&egrave;me, ce sont surtout les codes du conteur que le personnage d&rsquo;&Eacute;milie reprend. Comme Nicolas Bonneau elle est &laquo;&thinsp;un protagoniste ou un t&eacute;moin actif de [s]es propres histoires&thinsp;&raquo;, &laquo;&thinsp;dans une adresse directe au spectateur, dans la responsabilit&eacute; de sa parole<a href="#_ftn22" name="_ftnref22" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[22]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En jouant son propre r&ocirc;le, le personnage d&rsquo;&Eacute;milie replonge dans la violence de ses r&eacute;actions d&rsquo;alors et fait donc (re)vivre au spectateur l&rsquo;intensit&eacute; de la situation. &Eacute;milie me semble cependant &laquo;&nbsp;responsable de sa parole&nbsp;&raquo; dans la mesure o&ugrave; cet investissement &eacute;motionnel quand elle rejoue son propre r&ocirc;le est aussit&ocirc;t suivi d&rsquo;un commentaire sans trace d&rsquo;&eacute;motion. Cette rupture introduit m&ecirc;me un certain humour. Citons ici un extrait de l&rsquo;&eacute;pisode racont&eacute;&nbsp;: </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&thinsp;Enfin c&rsquo;&eacute;tait atroce et j&rsquo;ai eu peur de Fabien et j&rsquo;avais pas confiance. Donc je suis partie m&rsquo;enfermer dans les chiottes, l&agrave; sur le palier&hellip; et j&rsquo;avais mal, j&rsquo;avais mal, j&rsquo;avais mal et c&rsquo;&eacute;tait atroce. Je sentais mes genoux qui &eacute;taient compl&egrave;tement d&eacute;truits enfin compl&egrave;tement &eacute;cartel&eacute;s. </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mais vraiment.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et l&agrave; j&rsquo;ai regard&eacute; si je pouvais m&rsquo;enfuir parce que j&rsquo;avais peur que Fabien ouvre. Et donc, y avait une fen&ecirc;tre, on &eacute;tait au sixi&egrave;me &eacute;tage et j&rsquo;ai commenc&eacute; &agrave; chercher des points d&rsquo;appui.</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Heureusement, heureusement, que j&rsquo;avais encore un peu de conscience quand m&ecirc;me. Et je faisais, oh non, non, l&agrave;, la fen&ecirc;tre elle est trop loin, j&rsquo;y vais pas. Et&hellip; et donc&hellip; Finalement, j&rsquo;ai pas&hellip;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et l&agrave; Fabien, il me dit, je vais appeler, je vais appeler&hellip; Et l&agrave; je dis, mais appelle, appelle&hellip; appelle Sarkozy&nbsp;! Appelle Jospin&nbsp;! Je les veux tous l&agrave;, je veux leur parler, je veux leur dire que&hellip; la tol&eacute;rance z&eacute;ro &ccedil;a n&rsquo;existe pas&nbsp;! </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et donc, et donc &agrave; ce moment-l&agrave;, je suis devenue socialiste&nbsp;! </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Enfin bref<a href="#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[23]</span></sup></sup></a>. &thinsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;un m&ecirc;me mouvement, le personnage &Eacute;milie dramatise et d&eacute;dramatise la situation. Elle raconte sa crise avec un &eacute;vident jeu de distanciation. Dans la deuxi&egrave;me partie du spectacle, &Eacute;milie n&rsquo;est plus dans une posture de prise de distance si &eacute;vidente. Or, la rupture dans la continuit&eacute; du texte et du spectacle est un moyen pour Guillaume Vincent de traduire graphiquement et sc&eacute;niquement la p&eacute;riode d&rsquo;hospitalisation (pour d&eacute;pression) de la personne interview&eacute;e, au cours de laquelle il n&rsquo;a pas pu mener d&rsquo;entretiens avec elle. </span></span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>2.2 Une objectivit&eacute; de plus en plus compromise</strong></span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans la deuxi&egrave;me partie du spectacle, &Eacute;milie raconte son exp&eacute;rience des Ass&eacute;dic. Elle commence par expliquer que, s&rsquo;&eacute;tant rendue sur place sans avoir pris rendez-vous, elle a d&ucirc; t&eacute;l&eacute;phoner pour en prendre un, qu&rsquo;elle n&rsquo;a obtenu qu&rsquo;apr&egrave;s trois appels au cours desquels le ton a mont&eacute; &agrave; cause de l&rsquo;incomp&eacute;tence de ses interlocuteurs. Elle parle ensuite d&rsquo;une femme enceinte qui &eacute;tait dans la salle en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle et qui cherchait d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;ment &agrave; obtenir un document dont elle avait besoin avant son accouchement. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Eacute;milie &eacute;voque ainsi une anecdote banale et quotidienne sans lien direct avec sa maladie, si ce n&rsquo;est qu&rsquo;elle a &eacute;t&eacute; licenci&eacute;e suite &agrave; sa d&eacute;pression. Sa parole pourrait &ecirc;tre celle de n&rsquo;importe quel ch&ocirc;meur (ou intermittent) qui s&rsquo;est un jour retrouv&eacute; dans ce genre de situation administrative humiliante et ubuesque. L&rsquo;exp&eacute;rience relat&eacute;e rel&egrave;ve de la pr&eacute;carit&eacute; et de la marginalit&eacute; sociale mais la fa&ccedil;on dont elle est relat&eacute;e donne voix &agrave; la maladie, en ce qu&rsquo;elle donne &agrave; entendre l&rsquo;&eacute;volution de celle-ci par rapport &agrave; la premi&egrave;re partie du spectacle.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour reprendre la distinction op&eacute;r&eacute;e par Pierre Gu&eacute;nancia, &Eacute;milie est alors davantage dans le souvenir que dans la repr&eacute;sentation, car &laquo;&nbsp;lorsqu&rsquo;on cherche &agrave; se repr&eacute;senter ce que l&rsquo;on a v&eacute;cu [,] on rappelle bien des &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s comme dans le souvenir mais c&rsquo;est afin de les disposer selon un ordre chronologique, un ordre qui forme une histoire<a href="#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[24]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Selon lui, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment distinctif de la repr&eacute;sentation, par rapport &agrave; l&rsquo;imagination ou au souvenir, c&rsquo;est cet ordonnancement ou mise en sc&egrave;ne [des &eacute;v&egrave;nements pass&eacute;s]<a href="#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[25]</span></sup></sup></a> &raquo;. Le terme de &laquo;&thinsp;mise en sc&egrave;ne&thinsp;&raquo; ne peut manquer de susciter notre attention et nous invite &agrave; une lecture particuli&egrave;re du discours d&rsquo;&Eacute;milie. Alors que dans l&rsquo;&eacute;pisode de l&rsquo;internement &agrave; Sainte-Anne, la posture narrative du personnage d&rsquo;&Eacute;milie &mdash;&nbsp;que nous avons rapproch&eacute;e de celle d&rsquo;un conteur&nbsp;&mdash; manifestait clairement sa volont&eacute; et sa capacit&eacute; de repr&eacute;sentation des &eacute;v&eacute;nements narr&eacute;s, par leur mise en sc&egrave;ne, cette facult&eacute; est moins &eacute;vidente dans l&rsquo;&eacute;pisode des Ass&eacute;dic.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;&laquo;&thinsp;ordonnancement ou mise en sc&egrave;ne [des &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s]&thinsp;&raquo; est en effet beaucoup plus flou. La construction de la narration est moins pr&eacute;cise&nbsp;: &Eacute;milie pose rapidement et confus&eacute;ment le cadre, elle ne pr&eacute;sente pas les personnages avant de les incarner et ne les incarne &laquo;&nbsp;qu&rsquo;&agrave; moiti&eacute;&nbsp;&raquo; (elle imite un peu leur voix mais ne dessine pas la position de leur corps dans l&rsquo;espace, ce qui n&rsquo;aide pas &agrave; rendre visible le cadre dans lequel se d&eacute;roule l&rsquo;&eacute;pisode). Elle n&rsquo;introduit aucune rupture &mdash;&nbsp;ne serait-ce que dire qu&rsquo;elle a conscience d&rsquo;&ecirc;tre impr&eacute;cise comme elle le fait pour l&rsquo;&eacute;pisode pr&eacute;c&eacute;dent lorsqu&rsquo;elle explique qu&rsquo;elle &laquo;&thinsp;raconte dans le d&eacute;sordre<a href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[26]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;&nbsp;&mdash; mais part dans une digression qui (lui) fait perdre le fil de l&rsquo;histoire, &agrave; laquelle elle revient sans crier gare&nbsp;: </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&thinsp;Alors je refais la queue, j&rsquo;attends, l&rsquo;animateur me dit, ben r&eacute;essayez. Merci, je remets le truc et l&agrave; je tombe sur un mec super d&eacute;sagr&eacute;able mais au moins il m&rsquo;a donn&eacute; un rendez-vous, l&agrave; j&rsquo;ai dit, il a &eacute;t&eacute; pro. </span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et il para&icirc;t&hellip; J&rsquo;ai une copine que j&rsquo;ai eu au t&eacute;l&eacute;phone et qui m&rsquo;a dit que sur une&hellip; un truc d&rsquo;Ass&eacute;dic&hellip; vous n&rsquo;avez pas le droit d&rsquo;insulter les&hellip; de donner des&hellip;des&hellip; des jurons aux animateurs sous peine de trois ans de prison. Et elle m&rsquo;a expliqu&eacute; qu&rsquo;en fait, ils avaient un r&eacute;gime comme dans la gendarmerie, c&rsquo;&eacute;tait des&hellip;</span></span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Y avait une femme qui faisait, excusez-moi mais j&rsquo;aimerais vraiment avoir mon papier, et elle fond en larmes&hellip;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[27]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cette variation de la posture &eacute;nonciative du personnage d&rsquo;&Eacute;milie &mdash;&nbsp;qui ne dispose plus les &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s aussi clairement qu&rsquo;avant, selon &laquo;&thinsp;un ordre qui forme une histoire&thinsp;&raquo;&nbsp;&mdash; est accentu&eacute;e par un glissement de focalisation. Pour l&rsquo;&eacute;pisode de l&rsquo;internement &agrave; Sainte-Anne, elle adopte une focalisation interne lorsqu&rsquo;elle &eacute;voque ses sensations et impressions<a href="#_ftn28" name="_ftnref28" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[28]</span></sup></sup></a> et une focalisation externe pour la description des r&eacute;actions des autres personnages<a href="#_ftn29" name="_ftnref29" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[29]</span></sup></sup></a>. Pour l&rsquo;&eacute;pisode des Ass&eacute;dic, elle adopte pratiquement exclusivement une focalisation interne voire z&eacute;ro lorsqu&rsquo;elle explique que &laquo;&thinsp;la nana elle en pouvait plus de venir [&hellip;] &agrave; l&rsquo;Ass&eacute;dic<a href="#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[30]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo; ou qu&rsquo;elle est &laquo;&thinsp;s&ucirc;re que [le mec ne] va pas lui donner son papier<a href="#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[31]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;. D&rsquo;un &eacute;pisode &agrave; l&rsquo;autre, elle quitte sa position objective pour &eacute;mettre des sentences sur les personnages et les situations, ce qui est r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;une modification de l&rsquo;implication du personnage d&rsquo;&Eacute;milie dans ce qu&rsquo;elle raconte. Par son jeu, la com&eacute;dienne &Eacute;milie Incerti Formentini rend cette modification d&rsquo;autant plus sensible. Alors qu&rsquo;elle ne met aucun pathos dans la narration de son admission &agrave; Sainte-Anne &mdash;&nbsp;et m&ecirc;me, plus tard, de sa contention&nbsp;&mdash;, elle est au bord des larmes quand elle se souvient de la femme enceinte qu&rsquo;elle a crois&eacute;e aux Ass&eacute;dic. Le fait que le personnage soit &eacute;motionnellement plus impliqu&eacute; lorsqu&rsquo;il parle d&rsquo;un inconnu que de lui-m&ecirc;me et de sa propre souffrance peut &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute; comme une manifestation de la pathologie dont il souffre.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La chute des deux &eacute;pisodes est embl&eacute;matique de ce changement de posture par rapport aux &eacute;v&eacute;nements racont&eacute;s, d&rsquo;une prise de distance &agrave; la surimplication. &laquo;&thinsp;Y a des trucs qui sont un peu dr&ocirc;les quoi, je sais pas. C&rsquo;est pas dr&ocirc;le mais c&rsquo;est un peu dr&ocirc;le quand m&ecirc;me. Avec le recul<a href="#_ftn32" name="_ftnref32" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[32]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;, conclut &Eacute;milie apr&egrave;s avoir narr&eacute; son internement &agrave; Sainte-Anne. &Agrave; la fin de l&rsquo;&eacute;pisode des Ass&eacute;dic, elle avoue&nbsp;: &laquo;&thinsp;Je suis d&eacute;sol&eacute;e, j&rsquo;ai pas tr&egrave;s envie de rigoler<a href="#_ftn33" name="_ftnref33" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[33]</span></sup></sup></a>.&thinsp;&raquo; Dans le premier &eacute;pisode, le personnage d&rsquo;&Eacute;milie appara&icirc;t sinon sous les traits d&rsquo;une conteuse responsable de son discours du moins comme quelqu&rsquo;un qui arrive &agrave; mettre en perspective un &eacute;pisode douloureux dans lequel elle a &eacute;t&eacute; personnellement impliqu&eacute;e. Dans le deuxi&egrave;me, elle se pr&eacute;sente comme quelqu&rsquo;un qui ne parvient pas &agrave; prendre du recul par rapport &agrave; une situation qui ne la concerne pourtant pas directement.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&egrave;s lors qu&rsquo;elle se laisse envahir par l&rsquo;&eacute;motion provoqu&eacute;e par les mots, son discours ne peut plus &ecirc;tre envisag&eacute; comme une possibilit&eacute; d&rsquo;unifier, au moins <em>a posteriori</em>, un &ldquo;moi&rdquo; dispers&eacute; pendant les &eacute;v&eacute;nements pass&eacute;s. En partant du postulat selon lequel &laquo;&nbsp;c&rsquo;est parce qu&rsquo;il y a repr&eacute;sentation qu&rsquo;il y a ordre<a href="#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[34]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;, le changement de posture &eacute;nonciative d&rsquo;&Eacute;milie &mdash;&nbsp;qui n&rsquo;est plus du c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;une narration tendue vers la repr&eacute;sentation mais de celui d&rsquo;un flot de paroles dans lequel le personnage perd pied et se noie&nbsp;&mdash; souligne l&rsquo;impossibilit&eacute; pour le personnage de se construire par le discours. Celui-ci appara&icirc;t alors davantage comme la manifestation sinon d&rsquo;une &laquo;&nbsp;dispersion ontologique&nbsp;&raquo; du moins d&rsquo;un d&eacute;sordre psychique.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong>Conclusion</strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">J&rsquo;ai choisi d&rsquo;intituler mon article &laquo;&thinsp;le th&eacute;&acirc;tre &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de la bipolarit&eacute;&nbsp;et la bipolarit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du th&eacute;&acirc;tre&thinsp;&raquo; dans la mesure o&ugrave; <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est </em>me para&icirc;t un bon exemple de la fa&ccedil;on dont une forme particuli&egrave;re d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &mdash;&nbsp;qu&rsquo;on l&rsquo;appelle &laquo;&nbsp;trouble &raquo;, &laquo;&nbsp;handicap &raquo; ou &laquo;&nbsp;maladie &raquo;&nbsp;&mdash; influence les formes de la repr&eacute;sentation th&eacute;&acirc;trale qui, en retour, influence nos repr&eacute;sentations de cette alt&eacute;rit&eacute;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[35]</span></sup></sup></a>. La sp&eacute;cificit&eacute; du spectacle de Guillaume Vincent est de montrer la maladie exclusivement &agrave; travers les mots<a href="#_ftn36" name="_ftnref36" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[36]</span></sup></sup></a>. Cette mise en visibilit&eacute; du handicap par sa mise en audibilit&eacute; donne naissance &agrave; une forme &eacute;pur&eacute;e qui met en exergue la th&eacute;&acirc;tralit&eacute; de la parole. Cette forme th&eacute;&acirc;trale, qui ne s&rsquo;int&eacute;resse pas &agrave; la spectacularit&eacute; du handicap d&eacute;mystifie &agrave; son tour certaines visions que nous pouvons en avoir. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En faisant le choix de ne pas &laquo;&nbsp;dresser le portrait d&rsquo;une malade mais le portrait d&rsquo;une femme vivant avec une maladie<a href="#_ftn37" name="_ftnref37" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[37]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est</em>, &agrave; rebours des repr&eacute;sentations de la folie se concentrant sur les moments de crise<a href="#_ftn38" name="_ftnref38" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[38]</span></sup></sup></a>, montre le quotidien d&rsquo;un personnage r&eacute;put&eacute; fou. En donnant ainsi acc&egrave;s &agrave; la perception d&rsquo;une personne bipolaire, Guillaume Vincent change la perception que le spectateur peut en avoir. Ce n&rsquo;est ainsi plus tant l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; que celle de la proximit&eacute; qu&rsquo;il est invit&eacute; &agrave; faire. Le monologue d&rsquo;&Eacute;milie appara&icirc;t ainsi comme un &laquo;&thinsp;r&eacute;cit alternatif<a href="#_ftn39" name="_ftnref39" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[39]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo; rendu audible par le dispositif th&eacute;&acirc;tral mis en place par Guillaume Vincent et, puisque &laquo;&thinsp;ne plus &ecirc;tre entendu, c&rsquo;est ne plus &ecirc;tre vu du tout<a href="#_ftn40" name="_ftnref40" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[40]</span></sup></sup></a>&thinsp;&raquo;, le th&eacute;&acirc;tre appara&icirc;t alors comme un v&eacute;ritable moyen de rendre visibles des visages qui tendent &agrave; s&rsquo;effacer faute de perception.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a name="_gjdgxs"></a><span style="font-size:20px"><strong>Bibliographie&nbsp;</strong></span></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Canguilhem Claude, <em>Le Normal et le pathologique </em>(1966), Paris, Presses Universitaires de France, 2013.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Goffman Erving, <em>Stigmates. Les Usages sociaux des handicaps</em>, Paris, Minuit, 1975.&acirc;&euro;&uml;</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Gu&eacute;nancia Pierre, <em>Le Regard de la pens&eacute;e. Philosophie de la repr&eacute;sentation</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2009.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Jodelet Denise, <em>Folies et repr&eacute;sentations sociales</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1989.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Jullien Fran&ccedil;ois, &laquo;&thinsp;L&rsquo;&Eacute;cart et l&rsquo;entre. Ou comment penser l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&thinsp;&raquo;, <em>Le&ccedil;on inaugurale de la Chaire sur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</em>. Paris, Galil&eacute;e, 2012.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Kempf Lucie et Moguilvskaia Tania (dir.) <em>Le th&eacute;&acirc;tre n&eacute;o-documentaire&nbsp;: r&eacute;surgence ou r&eacute;invention&thinsp;?</em>, Nancy, Presses Universitaires de Lorraine, 2013.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le Blanc Guillaume, <em>L&rsquo;Invisibilit&eacute; sociale</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2009. </span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quetel Claude, <em>Images de la folie</em>, Paris, Gallimard, 2010.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Vincent Guillaume, <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est, </em>Besan&ccedil;on, Les Solitaires Intempestifs, 2015.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="color:black"><strong><span style="color:#222222">Biographie de l&rsquo;auteure&nbsp;</span></strong></span></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dipl&ocirc;m&eacute;e de l&rsquo;&Eacute;cole Normale Sup&eacute;rieure (sp&eacute;cialit&eacute; principale&nbsp;: &Eacute;tudes Th&eacute;&acirc;trales) en 2014, Marie Astier est actuellement en deuxi&egrave;me ann&eacute;e de doctorat &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Toulouse Jean-Jaur&egrave;s sur le sujet &laquo;&thinsp;pr&eacute;sence et repr&eacute;sentation du handicap mental sur la sc&egrave;ne contemporaine fran&ccedil;aise&thinsp;&raquo;. Elle est notamment l&rsquo;auteure de l&rsquo;article, <a href="http://agon.ens-lyon.fr/index.php?id=3338">&laquo;&thinsp;La distribution de com&eacute;dien(ne)s en situation de handicap dans les spectacles de Philippe Adrien&nbsp;: enjeux &eacute;thiques, esth&eacute;tiques et dramaturgiques&thinsp;&raquo;, <em>Ag&ocirc;n</em></a>. Parall&egrave;lement &agrave; ses recherches universitaires, Marie Astier m&egrave;ne des activit&eacute;s pratiques, notamment au sein de sa compagnie de th&eacute;&acirc;tre&nbsp;: la Compagnie En Carton.</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[1]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Ce spectacle a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; en janvier 2013 &agrave; partir d&rsquo;entretiens que Guillaume Vincent a men&eacute;s, de fa&ccedil;on hebdomadaire entre septembre 2007 et f&eacute;vrier 2008, avec une jeune femme maniaco-d&eacute;pressive, dans un caf&eacute; proche de la gare de l&rsquo;Est. Le texte de la pi&egrave;ce a par ailleurs &eacute;t&eacute; publi&eacute; en octobre 2015 aux Solitaires Intempestifs. </span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[2]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir.), <em>Le th&eacute;&acirc;tre n&eacute;o-documentaire&nbsp;: r&eacute;surgence ou r&eacute;invention&nbsp;?, </em>Nancy, Presses Universitaires de Lorraine, 2013, p.&nbsp;9.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[3]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Op. cit.</em>, p.&nbsp;12.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[4]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;11.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[5]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p.&nbsp;11-12.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[6]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Dans <em>L&rsquo;Instruction</em>, Peter Weiss fait appel &agrave; une forme de verbatim qui n&rsquo;est cependant pas du m&ecirc;me ordre que celui de <em>Rendez-vous gare de l&rsquo;Est</em>. L&rsquo;instruction est la restitution, sans ajout d&rsquo;autres mat&eacute;riaux, du proc&egrave;s de hauts dirigeants nazis &agrave; Francfort. Il ne s&rsquo;agit donc pas d&rsquo;un r&eacute;cit de vie priv&eacute; mais d&rsquo;un t&eacute;moignage public. </span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[7]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Marion Boudier, &laquo;&nbsp;Un th&eacute;&acirc;tre &ldquo;presque documentaire&rdquo;&nbsp;? Influences et imitations documentaires chez Lars Nor&eacute;n et Jo&euml;l Pommerat&nbsp;&raquo; dans Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir.), <em>op. cit</em>., p. 130-132.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[8]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> B&eacute;atrice Hamidi-Kim, &laquo;&nbsp;Pr&eacute;senter des &eacute;clats du r&eacute;el, d&eacute;noncer la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;: de l&rsquo;opposition entre deux th&eacute;&acirc;tres documentaires aujourd&rsquo;hui (<em>Rwanda 94</em> et Rimini Protokoll)&nbsp;&raquo; dans Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir.), <em>op. cit</em>., p. 45-59. B&eacute;atrice Hamidi-Kim consid&egrave;re que les spectacles <em>Rwanda 94</em> (cr&eacute;ation Groupov, Jacques Delcuvellerie) et <em>Requiem pour Srebrenica</em> (cr&eacute;&eacute; par Olivier Py, avec l&rsquo;historien Philippe Gilbert) appartiennent &agrave; cette &laquo;&nbsp;premi&egrave;re lign&eacute;e [qui] se situe dans la filiation du TD qu&rsquo;on peut consid&eacute;rer comme historique, &agrave; la fois au sens o&ugrave; il entendait faire &oelig;uvre d&rsquo;histoire et o&ugrave; il a fait date et vaut aujourd&rsquo;hui comme mod&egrave;le ou contre-mod&egrave;le&nbsp;&raquo; tandis que 11 septembre 2001 de Michel Vinaver, Cargo Sofia, Radio Muezzin et Airport Kids (cr&eacute;ation&nbsp;: Stephan Kaegi/Rimini Protokoll) se rattachent &agrave; la &laquo;&nbsp;seconde lign&eacute;e [qui] s&rsquo;inscrit [&hellip;] en rupture&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[9]</span></sup></span></sup></a><em> </em><span style="font-size:10.0pt">Guillaume Vincent,<em> Rendez-vous gare de l&rsquo;Est, </em>Besan&ccedil;on, Les Solitaires Intempestifs, 2015,<em> </em>p.&nbsp;52-53.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[10]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> &laquo;&thinsp;Et moi comme elle est trop petite pour y aller toute seule, je monte avec elle et j&rsquo;suis l&agrave;&hellip; Tu verrais, on est des vraies&hellip; des vraies gamines quoi&nbsp;&raquo; (<em>op.cit., </em>p.&nbsp;8).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[11]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Lors de la repr&eacute;sentation &agrave; la ferme du Buisson &agrave; laquelle j&rsquo;ai assist&eacute; en novembre 2015, des adolescentes ont ri lorsque &Eacute;milie Incerti Formentini a dit&nbsp;: &laquo;&thinsp;j&rsquo;ai un big bide &eacute;norme&thinsp;&raquo;. Du coup elle les a regard&eacute;es lorsqu&rsquo;elle a rench&eacute;ri&nbsp;: &laquo;&thinsp;j&rsquo;ai des grosses fesses, enfin je suis &eacute;norme quoi&thinsp;!&nbsp;&raquo; (<em>ibid., </em>p.&nbsp;23).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[12]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Pour reprendre le titre de l&rsquo;ouvrage de Claude Canguilhem, <em>Le Normal et le pathologique </em>(1966), Paris, Presses Universitaires de France, 2013.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[13]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Marion Boudier<em>, op. cit., </em>p.&nbsp;132. On pourrait aussi parler d&rsquo;un risque de mis&eacute;rabilisme.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[14]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid</em>. <em>7.3 </em>est &laquo;&thinsp;une forme de m&eacute;tath&eacute;&acirc;tre documentaire&nbsp;: elle repr&eacute;sente son processus d&rsquo;&eacute;criture, les discussions de l&rsquo;auteur avec les d&eacute;tenus. Carl, Tony et Mats [&hellip;] jouaient leur propre r&ocirc;le tandis que le com&eacute;dien Reine Brynolfsson tenait celui de l&rsquo;auteur&thinsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[15]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Je reprends ici l&rsquo;expression employ&eacute;e par Yannick Hoffert dans son article &laquo;&thinsp;Faire jouer les documents&nbsp;: <em>Cor&eacute;es </em>de Bal&agrave;zs Gera&thinsp;&raquo; dans<em> </em>Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir.)<em>, op. cit. </em>p.&nbsp;119. Il emprunte lui-m&ecirc;me cette expression aux analyses de Julie Sermon &agrave; propos du th&eacute;&acirc;tre de Jean-Luc Lagarce (&laquo;&thinsp;L&rsquo;entre-deux lagarcien&nbsp;: le personnage en &eacute;tat d&rsquo;incertitude&thinsp;&raquo;, dans <em>Probl&eacute;matique d&rsquo;une &oelig;uvre &ndash; Colloque ann&eacute;e (&hellip;) Lagarce I, </em>Colloque de Strasbourg, Les Solitaires intempestifs, 2007, p.&nbsp;71.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[16]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> &laquo;&thinsp;Et en fait, j&rsquo;entends, &Eacute;milie, Michel de l&rsquo;h&ocirc;pital Sainte-Anne, et l&agrave; j&rsquo;ai ouvert la porte et quand je suis sortie, j&rsquo;&eacute;tais comme &ccedil;a&thinsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; (Guillaume Vincent,<em> op. cit. </em>p.&nbsp;25), &laquo;&thinsp;[&hellip;] elle est arriv&eacute;e au bout d&rsquo;un moment, et elle me dit, mais qu&rsquo;est-ce que tu as fait &Eacute;milie&thinsp;? Je lui dis, ben laissez-moi, il faut que je coupe le fil. [&hellip;] Elle m&rsquo;a dit, &Eacute;milie, tu nous mets tous en danger.&thinsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;36), &laquo;&thinsp;Moi je tourne, j&rsquo;ai tourn&eacute; la t&ecirc;te, j&rsquo;ai fait, ne te m&ecirc;le pas de &ccedil;a &Eacute;milie parce que sinon &ccedil;a va mal se passer et&hellip;&thinsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;49).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[17]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Le pacte th&eacute;&acirc;tral&nbsp;implique que de toute fa&ccedil;on, tout est (en partie) faux. Dans le cas de <em>Rwanda&nbsp;94</em>, c&rsquo;est le fait que le t&eacute;moignage soit dit par la vraie t&eacute;moin qui a particuli&egrave;rement d&eacute;rang&eacute; les spectateurs, jusqu&rsquo;au refus de certains d&rsquo;y croire (posture de d&eacute;ni), m&ecirc;me si Yolande Mukagasana utilisait son vrai nom et affirmait&nbsp;: &laquo;&thinsp;Je ne suis pas une com&eacute;dienne.&thinsp;&raquo;</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[18]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> La premi&egrave;re partie va de la page&nbsp;7 &agrave; la page&nbsp;40 tandis que la deuxi&egrave;me partie correspond aux pages&nbsp;41 &agrave; 60.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[19]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Qui sont les m&ecirc;mes que celles &eacute;voqu&eacute;es par Nicolas Bonneau, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Depardon (&laquo;&thinsp;Entre la fiction et le r&eacute;el, toujours sur un fil, entretien de Nicolas Bonneau, conteur documentaire-CDN de Thionville &ndash; Lorraine&thinsp;&raquo; par Christophe Triau dans<em> </em>Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir)<em>, op. cit., </em>p.&nbsp;161). Nous noterons que Guillaume Vincent mobilise lui-m&ecirc;me cette r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Depardon dans le dossier de presse du spectacle &eacute;dit&eacute; par le th&eacute;&acirc;tre des Bouffes du Nord&nbsp;: &laquo;&thinsp;Lorsque j&rsquo;&eacute;tais intervenant pour le Th&eacute;&acirc;tre de Gennevilliers, j&rsquo;avais d&eacute;cid&eacute; de travailler sur <em>Paroles prisonni&egrave;res </em>avec une classe d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves de premi&egrave;re d&rsquo;un lyc&eacute;e d&rsquo;Asni&egrave;res. [&hellip;] Je pense que les films de Depardon et cet exercice fait avec les &eacute;l&egrave;ves de cette classe ne sont pas &eacute;trangers au texte de <em>Rendez-vous Gare de l&rsquo;Est </em>et &agrave; son projet de mise en sc&egrave;ne.&thinsp;&raquo;, p.&nbsp;3.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[20]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Guillaume Vincent<em>, op. cit.</em>, p.&nbsp;10.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[21]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Nicolas Bonneau, &laquo;&thinsp;Entre la fiction et le r&eacute;el, toujours sur un fil, entretien de Nicolas Bonneau, conteur documentaire-CDN de Thionville &ndash; Lorraine&thinsp;&raquo; par Christophe Triau dans<em> </em>Lucie Kempf et Tania Moguilvskaia (dir), <em>op. cit., </em>p.&nbsp;161.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[22]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid., </em>p.&nbsp;160.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[23]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Guillaume Vincent, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;24.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[24]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Pierre Gu&eacute;nancia, <em>Le Regard de la pens&eacute;e. Philosophie de la repr&eacute;sentation</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p.&nbsp;39.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[25]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[26]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Guillaume Vincent<em>, op. cit., </em>p.&nbsp;24.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[27]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Guillaume Vincent<em>, ibid., </em>p.&nbsp;49.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[28]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> &laquo;&thinsp;Et je sais pas si on peut imaginer quelqu&rsquo;un qui se fait &eacute;carteler. Y a tous les tendons qui commencent, les muscles qui commencent &agrave; &ecirc;tre tir&eacute;s, tir&eacute;s, tir&eacute;s et &ccedil;a claque. &Ccedil;a claque partout et t&rsquo;es &eacute;cartel&eacute;, comme &ccedil;a et on te plante des lances, des piques en m&ecirc;me temps et t&rsquo;as des piques partout, dans la t&ecirc;te, partout.&thinsp;&raquo;<em> </em>(<em>ibid.</em>, p.&nbsp;23-24).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn29"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[29]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> &laquo;&thinsp;Et l&agrave; Fabien, il me dit, je vais appeler, je vais appeler&hellip;&thinsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;24), &laquo;&thinsp;En fait, j&rsquo;entends, &Eacute;milie, Michel de Sainte-Anne, et l&agrave; j&rsquo;ai ouvert la porte.&thinsp;&raquo;<em> </em>(<em>ibid.</em>, p.&nbsp;25).</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn30"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[30]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid., </em>p.&nbsp;49.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn31"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[31]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em></span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn32"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[32]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;26.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn33"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[33]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid</em>., p.&nbsp;50.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn34"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[34]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Pierre Gu&eacute;nancia, <em>op. cit.</em>, p.&nbsp;39.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn35"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[35]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Au m&ecirc;me titre que Fran&ccedil;ois Jullien parle du &laquo;&thinsp;b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;[un] <em>d&eacute;tour </em>par la Chine&thinsp;&raquo; pour la pens&eacute;e europ&eacute;enne (&laquo;&thinsp;L&rsquo;&Eacute;cart et l&rsquo;entre. Ou comment penser l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&thinsp;&raquo;, <em>Le&ccedil;on inaugurale de la Chaire sur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</em>. Paris, Galil&eacute;e, 2012, p.&nbsp;19), nous pourrions parler du b&eacute;n&eacute;fice d&rsquo;un d&eacute;tour par la bipolarit&eacute; pour le th&eacute;&acirc;tre contemporain. Dans les deux cas l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; permet de mieux penser sinon l&rsquo;identit&eacute; du moins la norme. </span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn36"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[36]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> La question du mode de mise en visibilit&eacute; du handicap sur sc&egrave;ne rejoint celle du stigmate, longuement &eacute;tudi&eacute;e par Erving Goffman dans son ouvrage <em>Stigmates. Les Usages sociaux des handicaps</em>, Paris, Minuit, 1975.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn37"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[37]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Note d&rsquo;intention de Guillaume Vincent, dans le dossier de pr&eacute;sentation du spectacle &eacute;dit&eacute; par le th&eacute;&acirc;tre des Bouffes du Nord, p.&nbsp;3.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn38"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[38]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sur cette question nous invitons les lecteurs &agrave; consulter les ouvrages de Denise Jodelet, <em>Folies et repr&eacute;sentations sociales</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1989 et de Claude Quetel, <em>Images de la folie</em>, Paris, Gallimard, 2010.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn39"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[39]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Guillaume Le Blanc,<em> L&rsquo;Invisibilit&eacute; sociale</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 2009<em>, </em>p.&nbsp;40.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn40"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-family:Arial,Helvetica,sans-serif"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[40]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid., </em>p.&nbsp;7.</span></span></span></span></p> </div> </div>