<h1 style="text-align: center;"><strong><span style="color:#993366;">Des sources aux cases.&nbsp;</span></strong></h1> <h2 style="text-align: center;"><strong><span style="color:#993366;">Des repr&eacute;sentations des cultures autochtones de l&#39;Am&eacute;rique latine dans la BD europ&eacute;enne</span></strong></h2> <p style="text-align: center;"><strong>Flavio Paredes Cruz<sup><a href="#n*n" name="n*t">*</a></sup></strong></p> <p style="text-align: center;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;art pr&eacute;colombien et les motifs iconographiques des soci&eacute;t&eacute;s am&eacute;rindiennes les plus r&eacute;centes font partie de la pratique ancienne de dessiner pour raconter. Ils constituent des motifs narratifs que les auteurs de bandes dessin&eacute;es (BD) prennent afin d&rsquo;illustrer un d&eacute;cor, recr&eacute;er une situation ou&nbsp;r&eacute;&eacute;crire l&rsquo;histoire. La BD europ&eacute;enne est riche en repr&eacute;sentations des peuples, civilisations et territoires am&eacute;rindiens de l&rsquo;Am&eacute;rique latine&nbsp;(un catalogage provisoire pr&eacute;sente plus de 500 titres<sup><a href="#n1n" name="n1t">1</a></sup>)&nbsp;; m&ecirc;me si leur description est moins minutieuse que le Far-West nord-am&eacute;ricain, le r&eacute;f&eacute;rent par excellence de la fronti&egrave;re.</p> <p style="text-align: justify;">Donc, l&rsquo;univers du neuvi&egrave;me art dont les histoires gravitent autour de ces cultures constitue un corpus vaste qui comprend pratiquement un&nbsp;si&egrave;cle de productions de&nbsp;BD et plus de 500 ans d&rsquo;historisation des cultures am&eacute;rindiennes. Depuis les ann&eacute;es 1930, co&iuml;ncidant avec le d&eacute;but de l&rsquo;apog&eacute;e de la BD franco-belge dite &laquo;&nbsp;classique&nbsp;&raquo;, une telle production manifeste un souci de documentation mobilis&eacute; par une qu&ecirc;te d&rsquo;exotisme, par la fascination pour le pass&eacute; mythique de la r&eacute;gion ou par l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t ethnographique. Les vignettes de ces BD, les formes de leur production et leurs effets de sens constituent les imaginaires &agrave; interroger dans cette &eacute;tude. Nous consid&eacute;rons l&rsquo;imaginaire dans un sens large de d&eacute;finitions, interpr&eacute;tations et enjeux multiples&nbsp;(Wunenburger, 2003)&nbsp;qui sont en lien avec la fiction, la fantaisie, les mentalit&eacute;s et les id&eacute;ologies; ainsi, le terme r&eacute;f&egrave;re autant aux productions imag&eacute;es, qu&#39;&agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;union et &agrave; la tension entre l&rsquo;histoire faite et l&rsquo;histoire en se faisant&nbsp;&raquo; (Castoriadis, 1975,&nbsp;p.161).</p> <p style="text-align: justify;">Afin de d&eacute;velopper nos id&eacute;es &agrave; propos du sujet de la transmission, voire des relations entre les sources et la&nbsp;bande dessin&eacute;e, nous abordons cinq cas en particulier.&nbsp;Ils&nbsp;montrent des approches diff&eacute;rentes permettant de&nbsp;mesurer l&rsquo;impact de la documentation dans l&rsquo;&eacute;laboration des r&eacute;cits et nous autorisent &agrave; tracer un fil historique entre les ann&eacute;es 1930 et les ann&eacute;es 2000. D&rsquo;abord, nous &eacute;tudions deux s&eacute;ries classiques de la BD europ&eacute;enne&nbsp;: <em>Les aventures de Tintin</em>&nbsp;d&rsquo;Herg&eacute;&nbsp;et <em>Corto Maltese</em>&nbsp;d&rsquo;Hugo Pratt. Ensuite, nous nous int&eacute;ressons&nbsp;&agrave; la documentation au moment de la cr&eacute;ation, prenant comme exemple le travail de l&rsquo;auteur italien Sergio Toppi. Finalement, deux titres plus r&eacute;cents nous aiderons&nbsp;&agrave; &eacute;tudier la continuit&eacute; de l&rsquo;inclusion des sources originaires dans le langage graphique et textuel de la BD,&nbsp;soit pour un r&eacute;cit historique&nbsp;: <em>Le Captif</em> (2002), soit pour rendre compte d&rsquo;un travail ethnographique&nbsp;:<em> Anent&nbsp;: nouvelles des Indiens Jivaro</em> (2016). L&rsquo;ordre d&rsquo;interrogation de ce corpus donne un plan &agrave; suivre, dans lequel&nbsp;une partie est ajout&eacute;e pour retracer les liens entre mythes, sources et imaginaires pr&eacute;construits, en nous appuyant sur la circulation des images de la cit&eacute;&nbsp;l&eacute;gendaire de l&rsquo;Eldorado.</p> <p style="text-align: justify;">Afin de respecter&nbsp;ce plan, nous identifions deux approches qui permettent de comprendre le travail sur les sources dans les BD europ&eacute;ennes et illustrent l&rsquo;imaginaire des autochtones de l&rsquo;Am&eacute;rique latine. D&rsquo;abord, les sources qui font partie du r&eacute;cit, c&rsquo;est-&agrave;-dire celles &quot;r&eacute;elles ou fictives&quot;&nbsp;qui mobilisent l&rsquo;action des h&eacute;ros. Ensuite, la documentation compil&eacute;e par les auteurs, utilis&eacute;e autant pour la r&eacute;&eacute;criture fictive de l&rsquo;histoire que pour une narration&nbsp;documentaire. Dans les deux cas, on y trouve des objets arch&eacute;ologiques, des pictogrammes, des sources &eacute;crites et la trace de la propre exp&eacute;rience des auteurs&nbsp;sur le territoire latino-am&eacute;ricain. Ces types de repr&eacute;sentations sont travers&eacute;s&nbsp;par les imaginaires pr&eacute;construits autour des soci&eacute;t&eacute;s am&eacute;rindiennes, lesquels ont &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;s par Miguel Rojas Mix (2013), Jean-Paul Duviols (2006) et d&rsquo;autres&nbsp;(Magasich-Airola &amp;&nbsp;Beer, 1994). En cons&eacute;quence, la d&eacute;formation d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; vient aussi de l&rsquo;agr&eacute;gation des sources, de la transposition et de l&rsquo;amalgame. Cela fait partie des transformations qu&rsquo;un auteur op&egrave;re sur une source pour l&rsquo;adapter &agrave; sa propre culture et &agrave; son propre r&eacute;gime.</p> <div id="edn2"> <p style="text-align: justify;">Bien qu&rsquo;il existe des approches et des &eacute;tudes sur les rapports entre la litt&eacute;rature graphique et l&rsquo;Histoire&nbsp;(Genoudet, 2015), dans notre &eacute;tude nous privil&eacute;gions le regard port&eacute; par Vincent Marie (2010) dans sa th&egrave;se sur l&rsquo;Egypte Ancienne dans la BD, puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit de tracer une arch&eacute;ologie d&rsquo;imaginaires d&rsquo;une culture lointaine, aussi consid&eacute;r&eacute;e comme civilisation ancienne telle que les soci&eacute;t&eacute;s pr&eacute;colombiennes. Donc, en paraphrasant&nbsp;Marie, nous pouvons dire que la BD en tant que ph&eacute;nom&egrave;ne social, repr&eacute;sentation d&#39;une culture &eacute;loign&eacute;e, est le reflet des modes de dialogue des artistes avec le pass&eacute; am&eacute;rindien. &laquo;&nbsp;Dans les planches, cette obs&eacute;dante appropriation documentaire incite les dessinateurs &agrave; employer des mat&eacute;riaux divers, inscriptions, textes litt&eacute;raires, statuaires&hellip; qu&rsquo;ils combinent en les actualisant afin de les rendre accessibles et compr&eacute;hensibles aux yeux des lecteurs contemporains&nbsp;&raquo;, explique Vincent Marie (2010, p.10).</p> </div> <p style="text-align: justify;">Sans demander une exactitude historique &agrave; la BD ni une revendication identitaire, nous comprenons que de telles appropriations agissent dans la construction d&rsquo;une mythologie contemporaine<sup><a href="#n2n" name="n2t">2</a></sup> sur ce que sont et ce qu&rsquo;ont &eacute;t&eacute; les peuples am&eacute;rindiens de l&rsquo;Am&eacute;rique latine. Ces peuples et leurs cultures sont r&eacute;interpr&eacute;t&eacute;s et r&eacute;invent&eacute;s dans une situation d&rsquo;hybridit&eacute; culturelle, comprise &ndash; d&rsquo;apr&egrave;s Stuart Hall&nbsp;(2008) &ndash;&nbsp;comme un processus de <em>traduction</em> &agrave; travers lequel les cultures doivent r&eacute;viser leurs valeurs et leurs normes, comme une notation des diff&eacute;rences qui implique de critiquer notre propre syst&egrave;me de signification,&nbsp;puisque la notion d&rsquo;hybridit&eacute; culturelle -&nbsp;en lien avec la circulation d&rsquo;hommes, de savoirs et d&lsquo;images&nbsp;- refuse le binarisme et s&rsquo;oppose &agrave; celle de puret&eacute;. Dans ce sens, nous trouvons plus pertinent de parler des repr&eacute;sentations des cultures am&eacute;rindiennes transmises par la BD en tant qu&rsquo;images m&eacute;tisses, une image qui &laquo;&nbsp;est le produit d&rsquo;innovations, d&rsquo;emprunts et d&rsquo;amputations, d&rsquo;incorporations d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments allog&egrave;nes et de destructions&nbsp;&raquo;&nbsp;(Gruzinski, 2010, p.1026).</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <div id="edn10">&nbsp;</div> <div id="edn12"> <p style="text-align: justify;"><strong>1. Deux cas paradigmatiques&nbsp;: Tintin et Corto Maltese</strong></p> </div> <p style="text-align: justify;">La documentation permettant de&nbsp;tracer le lien entre la BD et les sources dont elle se nourrit est particuli&egrave;rement volumineuse pour deux classiques europ&eacute;ens.<em> Les aventures de Tintin</em>&nbsp;d&rsquo;Herg&eacute;, et la s&eacute;rie <em>Corto Maltese</em>&nbsp;d&rsquo;Hugo Pratt&nbsp;ont impuls&eacute; des publications&nbsp;(Crub&eacute;zy &amp; S&eacute;n&eacute;gas, 2011&nbsp;; Pratt et al. 2011)&nbsp;qui font le portrait de ces auteurs comme des sortes d&rsquo;arch&eacute;ologues et d&rsquo;ethnologues toujours en qu&ecirc;te de sources pour &eacute;crire les r&eacute;cits o&ugrave; leurs h&eacute;ros partent &agrave; la rencontre d&rsquo;autres cultures. Dans la m&ecirc;me ligne, des expositions ont &eacute;t&eacute; consacr&eacute;es &agrave; leurs univers, toujours en liant l&rsquo;&oelig;uvre graphique &agrave; des supports r&eacute;els. D&rsquo;abord, en 1979, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, fut pr&eacute;sent&eacute;e l&rsquo;exposition <em>Le mus&eacute;e imaginaire de Tintin</em>, con&ccedil;ue et r&eacute;alis&eacute;e par Michel Baudson et Pierre Sterckx&nbsp;; &agrave; cette occasion un <em>album collector</em><sup><a href="#n3n" name="n3t">3</a></sup>&nbsp;homonyme fut publi&eacute; comme catalogue. Ensuite, plus r&eacute;cemment, nous comptons les expositions <em>Herg&eacute;</em> au Grand Palais &agrave; Paris (2016-2017), et <em>Hugo Pratt, lignes d&rsquo;horizons</em>, au Mus&eacute;e des Confluences &agrave; Lyon (2018-2019), dont les catalogues&nbsp;en disent long sur le lien entre culture mat&eacute;rielle des peuples lointains et leur repr&eacute;sentation graphique.</p> <p style="text-align: justify;">En ce qui concerne Tintin, dans le r&eacute;cit de <em>L&rsquo;oreille cass&eacute;e</em> (1937), le h&eacute;ros entreprend l&rsquo;enqu&ecirc;te qui le m&egrave;nera &agrave; la for&ecirc;t des Arumbayas et des Bibaros, deux peuples fictifs, en s&rsquo;appuyant sur un livre aussi fictif dont la couverture occupe une case, un de ses articles une autre et une illustration ethnographique une troisi&egrave;me, le&nbsp;long de deux bandes de la deuxi&egrave;me planche. Ce livre porte le titre <em>Voyages aux Am&eacute;riques</em>, il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;tendument &eacute;crit par CH. J. Walker et publi&eacute; par Graveau-Editeur en 1875. Gr&acirc;ce &agrave; ce document, le h&eacute;ros d&rsquo;Herg&eacute; apprend les m&oelig;urs des Indiens ainsi que l&rsquo;histoire du f&eacute;tiche qui est au centre de l&rsquo;aventure.</p> <p style="text-align: justify;">En fait, il y&nbsp;a quatre albums de Tintin dont les histoires tournent autour de l&rsquo;Am&eacute;rique latine: <em>L&rsquo;oreille cass&eacute;e, Les 7 boules de cristal </em>(1948) qui constitue un diptyque avec<em> Le temple du soleil</em> (1949)&nbsp;et <em>Tintin et les Picaros</em> (1976) o&ugrave; Tintin est de retour en San Theodoros et rend visite aux Arumbayas. Succinctement, nous tenterons de les relier avec les sources documentaires qui avaient servi &agrave; Herg&eacute; qui n&rsquo;est jamais all&eacute; dans la r&eacute;gion.</p> <p style="text-align: justify;">Premi&egrave;rement, dans <em>L&rsquo;oreille cass&eacute;e</em>, la for&ecirc;t amazonienne et les turbulences politiques de San Theodoros (c&rsquo;&eacute;tait la version BD de la guerre du Chaco) sont l&rsquo;arri&egrave;re-plan, d&rsquo;abord, du r&eacute;cit d&rsquo;un vol d&rsquo;un f&eacute;tiche du Mus&eacute;e ethnographique de Bruxelles et, ensuite, d&rsquo;une histoire de falsification que le h&eacute;ros occidental devra r&eacute;soudre ayant pour d&eacute;cor le territoire latino-am&eacute;ricain, g&eacute;ographie humaine incluse. Pour Herg&eacute;, la fascination pour cette zone et les peuples qui y habitent vient des r&eacute;cits du marquis Robert de Wavrin qui, dans les ann&eacute;es 1920 et 1930, avait &eacute;crit des articles et diffus&eacute; des images relatant ses rencontres avec les Indiens de l&rsquo;Amazonie<sup><a href="#n4n" name="n4t">4</a></sup>. N&eacute;anmoins, l&rsquo;auteur n&rsquo;&eacute;chappe pas &agrave; la d&eacute;formation ; il est&nbsp;plus int&eacute;ress&eacute; par&nbsp;le&nbsp;r&eacute;cit d&rsquo;aventure et&nbsp;l&rsquo;inexactitude remplit alors l&rsquo;imagination&nbsp;: les v&ecirc;tements dessin&eacute;s sur ces tribus de la haute-Amazonie proviennent des Indiens Lacandons de la for&ecirc;t mexicaine, et les huttes o&ugrave; Herg&eacute; les fait habiter appartiennent aux Indiens du Venezuela. C&rsquo;est pareil avec le f&eacute;tiche qui d&eacute;clenche l&rsquo;aventure, il s&rsquo;agit d&rsquo;un objet v&eacute;n&eacute;r&eacute; par les Chimus, un peuple &eacute;tabli sur la c&ocirc;te nord du P&eacute;rou et non dans le fourr&eacute; amazonien. Herg&eacute; avait vu le f&eacute;tiche dans le mus&eacute;e de Bruxelles.</p> <p style="text-align: justify;">De leur part, les Indiens sont ing&eacute;nus ou dangereux. Pour Jacques Gilard (1992, p.133), dans le champ de la BD franco-belge, &laquo;&nbsp;l&rsquo;image des ethnies amazoniennes souffre des pr&eacute;suppos&eacute;s engendr&eacute;s par l&rsquo;exp&eacute;rience coloniale africaine&nbsp;&raquo;. Les Arumbayas sont un peuple docile et ami des occidentaux,&nbsp;tandis que les Bibaros, une version des Jivaros, repr&eacute;sentent les sauvages hostiles, coupeurs et r&eacute;ducteurs de t&ecirc;tes. Quarante ans apr&egrave;s, dans <em>Tintin et les Picaros</em>, d&rsquo;autres proc&eacute;d&eacute;s sont mis en &oelig;uvre pour rendre compte des cultures am&eacute;rindiennes, toujours en relevant l&rsquo;exotisme et l&rsquo;aventure. Ainsi, par amalgame, juxtaposition ou attribution erron&eacute;s<sup><a href="#n5n" name="n5t">5</a></sup>, Herg&eacute; construit l&rsquo;imaginaire g&eacute;ographique de cette aventure, en pla&ccedil;ant une pyramide m&eacute;soam&eacute;ricaine &ndash;&nbsp;&laquo;&nbsp;pazt&egrave;que&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash; dans la for&ecirc;t amazonienne.</p> <p style="text-align: justify;">En deuxi&egrave;me, on&nbsp;trouve <em>Les 7 boules de cristal </em>et <em>Le temple du soleil.</em> La mal&eacute;diction de l&rsquo;effroyable momie de Rascar Capac est au centre de l&rsquo;histoire. Pour ces r&eacute;cits, la documentation d&rsquo;Herg&eacute; s&rsquo;est enrichie. L&rsquo;auteur avait souscrit &agrave; un abonnement &agrave; <em>National Geographic</em>, raison pour laquelle certaines planches sont des reproductions des dessins de l&rsquo;&Eacute;tasunien Herbert Herget, qui avait illustr&eacute; l&rsquo;article &laquo;&nbsp;The Incas&nbsp;: Empire Builders of the Andes&nbsp;&raquo;&nbsp;(Means, 1938), publi&eacute;s en&nbsp;1938. Philippe Godin pr&eacute;cise qu&rsquo;Herget a fait exactement ce qu&rsquo;Herg&eacute; fera plus tard&nbsp;: &laquo;&nbsp;il a m&ecirc;l&eacute; des &eacute;l&eacute;ments provenant de diff&eacute;rents &eacute;poques et cultures et a fait montre, &agrave;&nbsp;l&rsquo;occasion, d&rsquo;imagination (&hellip;) Ce qui n&rsquo;&eacute;tait pas un probl&egrave;me pour Herg&eacute;&nbsp;: son but n&rsquo;&eacute;tait pas de cr&eacute;er une &oelig;uvre irr&eacute;prochable du point de vue de la rigueur scientifique. Ce qui lui importait, c&rsquo;est que le r&eacute;cit soit cr&eacute;dible&nbsp;&raquo;&nbsp;(Kubiak, &nbsp;2017, p.99).</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;Herg&eacute; pour les Incas provenait aussi de <em>L&rsquo;Epouse du soleil</em>, roman de Gaston Leroux, paru sous forme de feuilleton en 1912, et des r&eacute;cits de voyages que Charles Wiener avait r&eacute;alis&eacute; dans l&rsquo;Am&eacute;rique m&eacute;ridionale entre 1870 et 1890, dont certaines illustrations ont servi de mod&egrave;le. L&rsquo;auteur utilise aussi les illustrations contenues dans l&rsquo;ouvrage de Conrad de Meyendorff,<em>&nbsp;L&#39;Empire du Soleil, P&eacute;rou et Bolivie</em>&nbsp;(GEO, 2017). Il s&rsquo;agit toujours d&rsquo;un bricolage.</p> <p style="text-align: justify;">Du c&ocirc;t&eacute; de Corto Maltese, nous&nbsp;trouvons un amalgame pareil entre documents fictifs et sources r&eacute;elles. Dans <em>T&ecirc;tes et champignons</em>, premier r&eacute;cit du recueil <em>Corto Maltese Toujours un peu plus loin</em> (1974), le collectionneur m&eacute;tis L&eacute;vi Colombia tient entre ses mains le journal du fictif explorateur anglais Eliah Corbett (inspir&eacute; de l&rsquo;explorateur britannique Perry Fawcett) qui s&rsquo;est fait tuer quand il cherchait l&rsquo;Eldorado, en suivant l&rsquo;itin&eacute;raire du conquistador Orellana. C&rsquo;est en continuant les pas de cet explorateur fictif que Corto arrive &agrave; une myst&eacute;rieuse tour cylindrique au milieu de la haute-Amazonie, territoire des redoutables Jivaros. Corto lui-m&ecirc;me&nbsp;avoue qu&rsquo;il a lu tout le voyage d&rsquo;Orellana racont&eacute; par le moine Gaspar de Carvajal, celui-ci par contre &eacute;tant un document r&eacute;el qui fait partie des chroniques des Indes sous le titre <em>Descubrimiento del r&iacute;o de Orellana</em>, publi&eacute; 300 ans apr&egrave;s un tel exploit. Cependant, le rapport de Carvajal n&rsquo;avait pas non plus &eacute;chapp&eacute; &agrave; la fantaisie, parce qu&rsquo;aux yeux du moine dominicain, les amazones de la mythologie gr&eacute;co-romaine sont apparues pour attaquer le groupe espagnol.</p> <p style="text-align: justify;">&Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du magasin de L&eacute;vi Colombia, toujours dans <em>T&ecirc;tes et champignons</em>, Hugo Pratt nous montre des objets arch&eacute;ologiques, vus comme des pi&egrave;ces d&rsquo;art et devenus des marchandises. Une telle transformation nous invite &agrave; une autre discussion, ce qui nous int&eacute;resse ici, c&rsquo;est de rep&eacute;rer la valeur donn&eacute;e &agrave; l&rsquo;objet en tant que motif du r&eacute;cit ou qu&rsquo;&eacute;l&eacute;ment de d&eacute;cor. Pour Vincent Marie (2014, p.317), &laquo;&nbsp;il permet aux dessinateurs de rendre leurs r&eacute;cits plus authentiques et plus r&eacute;alistes. Les auteurs qui redonnent vie dans leurs planches &agrave; ces objets ramen&eacute;s au jour par les arch&eacute;ologues en font la plupart du temps une utilisation diff&eacute;renci&eacute;e &raquo;. Les vases nazcas c&ocirc;toient des tsantsas du peuple Jivaro, peu importe la vraie origine des objets c&rsquo;est la r&eacute;action qu&rsquo;ils produisent chez le lecteur&nbsp;: l&rsquo;atmosph&egrave;re de myst&egrave;re et d&rsquo;exotisme. Comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;un cabinet de curiosit&eacute;s, il y a m&ecirc;me un go&ucirc;t pour la d&eacute;contextualisation g&eacute;ographique et chronologique.</p> <p style="text-align: justify;">Un autre r&eacute;cit de Corto Maltese, <em>M&ucirc;, la cit&eacute; perdue</em> (1988), puise son inspiration dans les travaux men&eacute;s au Mexique par le photographe et anthropologue Augustus Le Plongeon (1825&nbsp;-&nbsp;1908), comme le note Sergio Purini&nbsp;(2018). Le Plongeon diffusa l&rsquo;hypoth&egrave;se de l&rsquo;existence de M&ucirc; en s&rsquo;appuyant sur une interpr&eacute;tation erron&eacute;e du <em>Codex de Madrid </em>(<em>Codex Tro-Cortesianus</em>). Cette aventure de Corto Maltese, la derni&egrave;re &eacute;crite et dessin&eacute;e par Pratt, est aussi pleine d&rsquo;iconographies mayas&nbsp;: des personnages inspir&eacute;s des bas-reliefs de Palenque et des figures extraites du Codex ou qui imitent son style. L&rsquo;architecture, de son c&ocirc;t&eacute;, est sujette aux m&eacute;langes entre la fid&eacute;lit&eacute; des sites arch&eacute;ologiques et la combinaison d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments d&rsquo;autres cultures. Pour Purini, &laquo;&nbsp;ces m&eacute;langes peuvent donner une id&eacute;e fausse de ce que fut la civilisation maya, pr&eacute;sent&eacute;e comme un &lsquo;empire&rsquo; alors que la r&eacute;alit&eacute; arch&eacute;ologique a prouv&eacute; l&rsquo;existence d&rsquo;une organisation politique fond&eacute;e sur le principe de cit&eacute;s-&Eacute;tats ind&eacute;pendantes les unes des autres&nbsp;&raquo;&nbsp;(Purini, 2018, p.107).</p> <p style="text-align: justify;">Du c&ocirc;t&eacute; graphique, le lecteur peut apercevoir le soin port&eacute; &agrave; la copie des objets. Bien qu&rsquo;elles soient mises en situation pour le r&eacute;cit, la ressemblance entre les pi&egrave;ces arch&eacute;ologiques et les dessins est effective. Le d&eacute;tail est mis en avant pour la repr&eacute;sentation de tels objets et l&rsquo;exposition <em>Hugo Pratt, lignes d&rsquo;horizons</em> a montr&eacute; effectivement les masques, les armes, les vases, les textiles et les pierres qui, repr&eacute;sent&eacute;s dans la BD, ont trouv&eacute; une autre fa&ccedil;on de se transmettre, de se donner &agrave; voir.</p> <p style="text-align: justify;">Aussi, parmi les objets qui font partie des albums de Corto Maltese, il y en a un en particulier qui attire notre attention&nbsp;: le cr&acirc;ne de cristal repr&eacute;sent&eacute; dans le r&eacute;cit <em>Rendez-vous &agrave; Bahia</em>, dans <em>Sous le signe de Capricorne</em> (1970). Selon la l&eacute;gende, il existerait douze cr&acirc;nes correspondant aux douze mondes dans lesquels la vie humaine aurait &eacute;t&eacute; pr&eacute;sente, dont la Terre serait la plus jeune. Cet objet aurait appartenu aux Atlantes&nbsp;apr&egrave;s &ecirc;tre pass&eacute; aux mains des Olm&egrave;ques, des Mayas, des Azt&egrave;ques. N&eacute;anmoins, ces cr&acirc;nes ont &eacute;t&eacute; ex&eacute;cut&eacute;s au XIXe si&egrave;cle, par des artisans commer&ccedil;ants de la ville de Mexico.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>2. La documentation pour la cr&eacute;ation&nbsp;: le cas de Sergio Toppi</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Apr&egrave;s ces deux cas d&rsquo;auteurs qui ont rendu leurs sources fonctionnelles pour l&rsquo;aventure, nous nous int&eacute;ressons au travail de documentation au moment de la cr&eacute;ation. Le cas de l&rsquo;italien Sergio Toppi nous offre certains &eacute;claircissements. Mort en 2012, il est consid&eacute;r&eacute; comme l&rsquo;un des ma&icirc;tres de l&rsquo;&eacute;cole italienne, &agrave; l&rsquo;instar d&rsquo;Hugo Pratt ou de Guido Crepax. Tout au long des ann&eacute;es 1970 et 1980, Toppi d&eacute;veloppe un style&nbsp;qui met en avant la puissance du trait, une palette d&rsquo;aquarelle domin&eacute;e par le vert, le violet ou le bleu et qui &laquo;&nbsp;pr&eacute;f&egrave;re notamment l&rsquo;image unique qui raconte verticalement une histoire plut&ocirc;t que la narration s&rsquo;appuyant sur la succession horizontale des vignettes&nbsp;&raquo;&nbsp;(Roux, 2015, p.7), comme reconna&icirc;t Jean-Louis Roux. Ainsi les portraits des personnages &ndash;humains et animaux- peuvent occuper toute une page comme une sorte d&rsquo;hommage au statuaire. &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Les r&eacute;cits de Toppi sont des aventures dans des terres lointaines avec des h&eacute;ros mis au centre des cultures &eacute;loign&eacute;es. Toute une partie de son &oelig;uvre, cr&eacute;&eacute;e dans les ann&eacute;es 1980 et 1990, est situ&eacute;e en Am&eacute;rique latine et remplie de r&eacute;f&eacute;rences aux cultures pr&eacute;colombiennes. Ce sont huit r&eacute;cits: <em>Hypoth&egrave;se 1492, Tzoacotlan 1521, Pizarro nel cuore delle Ande, Le Tr&eacute;sor de Cibola, San Isidro Maxtlacingo 1850, Chapungo, Sacsahuaman 1977</em> et <em>La L&eacute;gende de Potosi</em>. Ceux-ci ont fait partie du tome <em>Latinoamericane</em> de la collection &laquo;&nbsp;Sulle rotte dell&rsquo;immaginario&nbsp;&raquo;, &eacute;dit&eacute; en 2010 par Edizioni San Paolo. Six ont &eacute;t&eacute; traduits en fran&ccedil;ais et publi&eacute;s chez Mosquito. Cette maison d&rsquo;&eacute;dition lui a aussi consacr&eacute; une monographie (Jans et al., 2007), dont la premi&egrave;re moiti&eacute; est un long entretien dans lequel Toppi d&eacute;voile des d&eacute;tails de son travail. Ainsi, il rend compte de son int&eacute;r&ecirc;t et de la documentation portant sur les cultures autres. &laquo;&nbsp;La confrontation des civilisations extra-europ&eacute;ennes avec la modernit&eacute; est elle aussi tr&egrave;s riche. Ce qui me plait c&rsquo;est de mettre en sc&egrave;ne ces civilisations vari&eacute;es, cela peut se faire &agrave; partir d&rsquo;une lecture, d&rsquo;une image (&hellip;) cela me donne un point de d&eacute;part&nbsp;&raquo;&nbsp;(Jans &amp; Lo Bianco, 2007, p.77). La source contient, donc, toute l&rsquo;amplitude de son terme&nbsp;: elle est le point de d&eacute;part. &laquo;&nbsp;&Agrave; partir d&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment banal, d&eacute;couvert au d&eacute;tour d&rsquo;un livre ou d&rsquo;un voyage, je vais construire une histoire&nbsp;&raquo;&nbsp;(Jans &amp; Lo Bianco, 2007, p.77). &Agrave; travers les r&eacute;ponses de Toppi transparait la reconstruction d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; dans un type de r&eacute;cit rattach&eacute; au r&eacute;alisme magique&nbsp;: sur les &eacute;l&eacute;ments historiques il greffe&nbsp;des &eacute;l&eacute;ments &laquo;&nbsp;hors r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">De m&ecirc;me, il nous parle de ses nombreuses journ&eacute;es &agrave; la recherche de la documentation dans des librairies, kiosques &agrave; journaux, avec un magn&eacute;toscope en arr&ecirc;t sur l&rsquo;image, jusqu&rsquo;&agrave; la cr&eacute;ation m&eacute;thodique d&rsquo;archives d&rsquo;images. Toppi remarque souvent son int&eacute;r&ecirc;t pour le pass&eacute; et l&rsquo;arch&eacute;ologie. En r&eacute;sum&eacute;&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;La documentation historique est essentielle&hellip; Cela fait partie du plaisir de cr&eacute;ation. J&rsquo;ai toujours aim&eacute; comprendre comment les choses sont faites, comment les gens &eacute;taient habill&eacute;s, dans quel milieu ils &eacute;voluent&hellip; Mes r&eacute;cits sont imaginaires, mais je pense que l&rsquo;imagination doit &ecirc;tre soutenue par une certaine logique, c&rsquo;est qui donne de la cr&eacute;dibilit&eacute; aux histoires. Toute difficult&eacute; r&eacute;side dans l&rsquo;amalgame r&eacute;ussi entre le fantastique et la logique reposant sur une base r&eacute;elle et v&eacute;ridique&nbsp;&raquo; (Jans &amp; Lo Bianco, 2007, p.78).</p> <p style="text-align: justify;">Si les objets arch&eacute;ologiques et les v&ecirc;tements et accessoires des personnages de Toppi nous offrent une cr&eacute;dibilit&eacute; historique, l&rsquo;auteur&nbsp;ironise&nbsp;la fascination exotique obnubilante dans&nbsp;le regard des explorateurs europ&eacute;ens depuis longtemps. Par exemple, &agrave; la page 32 d&rsquo;<em>Hypoth&egrave;se 1492</em>, les dialogues font r&eacute;f&eacute;rence aux sources et aux interpr&eacute;tations li&eacute;es &agrave;&nbsp;l&rsquo;esprit d&rsquo;aventure de Colomb. Dans cette BD, le marin Rodrigo de Triana est le seul survivant du naufrage de l&rsquo;exp&eacute;dition de Colomb. Sur les plages de Guanahani, il croit &ecirc;tre arriv&eacute; en Chine&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un prodige&hellip; alors ceci est bien la fabuleuse Cathay&hellip; et toi, tu es une cr&eacute;ature monstrueuse du Grand Khan des Tartares&nbsp;&raquo;&nbsp;(Toppi,&nbsp;2018, p.32), dit le personnage face &agrave; un oiseau &eacute;missaire qui essaie de le&nbsp;sortir de son erreur. Selon Miguel Rojas Mix (2013), en arrivant aux Indes occidentales, l&rsquo;amiral avait cru &ecirc;tre dans le Cathay du roi Khan d&eacute;crit par Marco Polo, transposant au Nouveau Monde un imaginaire g&eacute;n&eacute;r&eacute; dans une autre <em>terra incognita</em>.</p> <p style="text-align: justify;">De son c&ocirc;t&eacute;, questionn&eacute; sur sa sympathie pour les populations autochtones, Toppi d&eacute;clare ne pas avoir voulu donner une coloration politique &agrave; ces histoires, m&ecirc;me s&rsquo;il ne soutient pas le colonialisme. Son int&eacute;r&ecirc;t &eacute;tait d&rsquo;en faire un pr&eacute;texte et de donner &agrave; cette p&eacute;riode une lecture distanci&eacute;e, avec l&rsquo;envie de redimensionner les &eacute;v&eacute;nements.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>3. La source originaire dans le r&eacute;cit&nbsp;: <em>Le captif</em> et <em>Anent</em></strong></h3> <p style="text-align: justify;">Afin de nous &eacute;carter un peu des classiques de la BD et de rendre compte de la continuit&eacute; du travail avec les sources dans l&rsquo;univers de la litt&eacute;rature graphique, nous allons citer le cas de deux ouvrages plus r&eacute;cents. Le premier est <em>Le captif</em>, o&ugrave; Rub&eacute;n Pellejero et Jorge Zentner proposent un dialogue entre les vignettes de leur cr&eacute;ation et les gravures du XVIe si&egrave;cle qui ont servi de base. L&rsquo;autre est <em>Anent&nbsp;: nouvelles des Indiens jivaro</em>, d&rsquo;Alessandro Pignocchi, qui trouve sa place dans cette &eacute;tude parce qu&rsquo;il expose un double lien avec les sources,&nbsp;d&rsquo;abord au travers de la documentation, ensuite par le biais de la propre exp&eacute;rience de l&rsquo;auteur qui s&rsquo;est rendu chez les Indiens amazoniens.</p> <p style="text-align: justify;">Donc, en ce qui concerne le premier ouvrage, Ruben Pellejero et Jorge Zentner ont d&rsquo;abord&nbsp;publi&eacute; <em>Europeos frente al Nuevo Mundo. El cautivo</em>, dans la s&eacute;rie Relatos del Nuevo Mundo (Planeta-Agostini / Sociedad Estatal Quinto Centenario) parue en Espagne en 1992 pour comm&eacute;morer les 500 ans de la &laquo;&nbsp;d&eacute;couverte de l&rsquo;Am&eacute;rique&nbsp;&raquo;. Ensuite, la version fran&ccedil;aise de cet ouvrage a &eacute;t&eacute; publi&eacute;e en 2002, sous le titre <em>Le Captif</em>, aux &eacute;ditions Mosquito. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une adaptation en BD du voyage que l&rsquo;Allemand Hans Staden avait entrepris en 1547. Dans son r&eacute;cit de voyage, Staden raconte son naufrage et sa captivit&eacute; en territoire des Tupinambas. Ses m&eacute;saventures sont apparues au format de livre en 1557, avec un succ&egrave;s imm&eacute;diat au sein d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; europ&eacute;enne avide d&rsquo;en savoir plus sur les terres fascinantes du Nouveau Monde. Le livre republi&eacute; en fran&ccedil;ais sous le titre <em>Nus, f&eacute;roces et anthropophages </em>(2005) abonde de descriptions textuelles, mais il surprend par la pr&eacute;sence d&rsquo;une importante iconographie qui, dans une suite narrative d&rsquo;images, offrait aux regards de l&rsquo;Europe une aventure v&eacute;cue parmi des tribus aux m&oelig;urs inqui&eacute;tantes,&nbsp;puisque les pratiques cannibales constituent les passages les plus attirants d&rsquo;un tel r&eacute;cit. Cinquante&nbsp;gravures illustrent les 53 chapitres du r&eacute;cit. Comme l&rsquo;explique Marc Bouyer, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; cette iconographie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Elle donne au corps de l&rsquo;indien une allure classique selon les canons souhait&eacute;s par le statuaire grec Polycl&egrave;te pour la repr&eacute;sentation du corps humain. Elle montre des indiens qui vivent nus. Ces indiens sont cannibales. D&eacute;voreurs de chair humaine et nus, bien proportionn&eacute;s et parfois &eacute;l&eacute;gants, c&rsquo;est dans cette contradiction fondamentalement inqui&eacute;tante que l&rsquo;Europe les reconna&icirc;t par&eacute;s de ses propres fantasmes, lorsque Staden rapporte son aventure&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bouyer, 2005,&nbsp;p.11).</p> <p style="text-align: justify;">Pellejero et Zentner offrent dans <em>Le captif </em>une combinaison int&eacute;ressante de sources et d&rsquo;interpr&eacute;tation. Dans les pages, entre les cases de la BD, ils int&egrave;grent les gravures du r&eacute;cit original redessin&eacute;es en exactitude. Ainsi, la question de la transmission est r&eacute;solue en suivant l&rsquo;ordre de lecture, passant d&rsquo;une case &agrave; une autre. Plus encore, les copies des gravures dialoguent avec le dessin de Pellejero&nbsp;: ce sont les m&ecirc;mes sc&egrave;nes, mais illustr&eacute;es de fa&ccedil;ons diff&eacute;rentes. Donc, on y trouve la source et sa&nbsp;repr&eacute;sentation n&eacute;e elle-m&ecirc;me d&rsquo;une interpr&eacute;tation faite par les auteurs.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;autre part, pour le deuxi&egrave;me ouvrage, le r&eacute;cit <em>Anent&nbsp;: nouvelles des Indiens Jivaros</em> (Steinkis, 2016) d&rsquo;Alessandro Pignocchi part de la fascination qu&rsquo;a provoqu&eacute;e en lui le s&eacute;jour de l&rsquo;anthropologue Philippe Descola (1993)&nbsp;chez les Jivaros de l&rsquo;Amazonie &eacute;quatorienne, dans les ann&eacute;es 1970,&nbsp;sujet du livre <em>Les lances du cr&eacute;puscule</em>. Quarante&nbsp;ans apr&egrave;s une telle exp&eacute;dition ethnologique, Pignocchi entreprend un voyage, en suivant les traces de Descola, pour rendre compte des derniers chants sacr&eacute;s des Achuar et actualiser les observations de leurs coutumes. Dans ce r&eacute;cit graphique, deux exp&eacute;riences racont&eacute;es en parall&egrave;le&nbsp;: celle de l&rsquo;auteur en tant que lecteur du document source, et celle de son voyage, de sa rencontre avec les Indiens.</p> <p style="text-align: justify;">Pour d&eacute;finir les espaces donn&eacute;s au rapport ethnographique de source et au nouveau r&eacute;cit, Pignocchi travaille deux techniques en parall&egrave;le&nbsp;: l&rsquo;aquarelle et le dessin &agrave; l&rsquo;encre. Toutefois, si dans un premier temps l&rsquo;aquarelle est assign&eacute;e &agrave; l&rsquo;adaptation graphique des passages de <em>Les lances du cr&eacute;puscule</em> et le dessin &agrave; l&rsquo;encre &agrave; ses voyages de jeunesse, tout au long de la lecture, les deux techniques se m&eacute;langent pour rendre compte de sa propre exp&eacute;rience. De ce fait, c&rsquo;est son rapport ethnographique qui prend le relais et passe au premier plan. Il passe aussi du noir et blanc &agrave; la couleur. D&rsquo;abord le choix du noir et blanc est justifi&eacute; par la facilit&eacute;, m&ecirc;me si Descola &ndash; qui apparait aussi comme personnage du r&eacute;cit- interpr&egrave;te ce choix stylistique de l&rsquo;auteur comme une expression de la dimension fluide de l&rsquo;exp&eacute;rience en for&ecirc;t. Le passage &agrave; la couleur se fait au fur et &agrave; mesure que l&rsquo;auteur s&rsquo;int&egrave;gre dans la vie de la tribu, se lie d&rsquo;amiti&eacute;&nbsp;avec les Indiens et affirme sa place dans une telle situation.</p> <p style="text-align: justify;">Pignocchi se dessine lui-m&ecirc;me en train de r&eacute;aliser des croquis et des dessins dans les cabanes, m&ecirc;me si la production du r&eacute;cit est post&eacute;rieure. Cette m&eacute;thode de cr&eacute;ation fait preuve d&rsquo;un recul et d&rsquo;une m&eacute;diation entre la documentation recueillie sur place et le dessin final. Ainsi l&rsquo;auteur restitue l&rsquo;importance donn&eacute;e aux sources primaires, le contraste avec la source documentaire et le r&ocirc;le qu&rsquo;il prend comme transmetteur. L&rsquo;exp&eacute;rience lui permet une pointe d&rsquo;&eacute;motion &agrave; constater que des coutumes dont il avait jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent une connaissance livresque sont suffisamment vivaces pour qu&rsquo;il puisse en devenir l&rsquo;acteur. D&rsquo;ailleurs, dans ce rapport sources-BD, le geste graphique de Pignocchi est h&eacute;ritier de l&rsquo;illustration naturaliste des exp&eacute;ditions scientifiques et parfois les textes des cartouches sont la retranscription en kichwa-achuar et en fran&ccedil;ais des mots, des dialogues et des chants. Ainsi, en partant d&rsquo;une source, l&rsquo;auteur construit un autre rapport ethnographique, une chronique de l&rsquo;acculturation, un reportage sur la survie des <em>anents</em> et des pratiques ancestrales dans le monde contemporain.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>4. Le mythe, source de la BD&nbsp;: reproduction d&rsquo;imaginaires</strong></h3> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;apr&egrave;s ce que nous avons vu, il convient de ne pas n&eacute;gliger l&rsquo;int&eacute;gration des imageries h&eacute;rit&eacute;es dans la fabrication de l&rsquo;imaginaire des Am&eacute;rindiens. R&eacute;fl&eacute;chir &agrave; la g&eacute;n&eacute;alogie des images et distinguer les sources d&rsquo;influences sur lesquelles s&rsquo;appuient les auteurs d&eacute;montrent que les repr&eacute;sentations qui nourrissent l&rsquo;imagination des artistes ne naissent pas ex-nihilo mais sont le fait d&rsquo;un long cheminement historique (Marie, 2010) et, parfois, d&rsquo;un positionnement id&eacute;ologique. Est n&eacute;cessaire, donc, une perspective proche d&rsquo;une &laquo; arch&eacute;ologie du savoir &raquo; au sens d&eacute;velopp&eacute; par Michel Foucault (1969), afin de d&eacute;crire des discours en tant qu&rsquo;ensembles qui ne sont pas ind&eacute;pendants ni r&eacute;gl&eacute;s, mais en perp&eacute;tuelle transformation par leurs conditions d&rsquo;apparition, les formes de leur cumul, leur encha&icirc;nement, leurs discontinuit&eacute;s. Les auteurs recr&eacute;ent et r&eacute;interpr&egrave;tent l&rsquo;Histoire avec des r&eacute;f&eacute;rents et des attitudes mentales qui leur appartiennent tout en laissant libre cours &agrave; des fantasmes parfois difficiles &agrave; d&eacute;crypter, donnant comme r&eacute;sultat une invention qui convoque des pouvoirs d&rsquo;&eacute;vocation et des assignations identitaires.</p> <p style="text-align: justify;">En tra&ccedil;ant cette g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;imaginaires nous pourrions nous retrouver dans la p&eacute;riode des &laquo;&nbsp;grandes d&eacute;couvertes&nbsp;&raquo;, o&ugrave; nous t&eacute;moignons de la transposition des r&eacute;pertoires avant impos&eacute;s en Orient ou en Afrique. Aux XVe et XVIe si&egrave;cles, l&rsquo;exploit technique pour la navigation, l&rsquo;empirisme et l&rsquo;observation commencent &agrave; s&rsquo;implanter comme signes d&rsquo;une nouvelle pens&eacute;e, mais laissent toujours la place &agrave; l&rsquo;influence de la tradition culturelle, un ensemble de croyances, des livres anciens et des relations des voyages en Orient. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; de la Bible, on trouvait les mythes gr&eacute;co-romains, l&rsquo;<em>Histoire</em> d&rsquo;H&eacute;rodote, la <em>G&eacute;ographie</em> de Ptol&eacute;m&eacute;e, le <em>Roman d&rsquo;Alexandre le Grand</em>, les <em>Voyages fantastiques</em> de Mandeville et les rapports de Marco Polo. L&rsquo;essence du myst&egrave;re et des mythes se d&eacute;place vers l&rsquo;Am&eacute;rique et l&agrave; elle se nourrit des l&eacute;gendes propres aux populations autochtones.</p> <p style="text-align: justify;">Tous les mythes inclus servaient &agrave; regarder les peuples autres qu&rsquo;europ&eacute;ens. Les explorateurs regardaient les Indes au prisme de leurs croyances, ils ne sont pas all&eacute;s acqu&eacute;rir des notions nouvelles mais v&eacute;rifier les anciennes l&eacute;gendes. La m&ecirc;me attitude peut aussi &ecirc;tre observ&eacute;e dans la transmission dans le champ du neuvi&egrave;me art.</p> <p style="text-align: justify;">Entre les l&eacute;gendes et les imaginaires pos&eacute;s sur les civilisations et les territoires am&eacute;rindiens, celui de la Cit&eacute; d&rsquo;Or est l&rsquo;un des plus reproduits dans la BD europ&eacute;enne. Manoa, Cibola, Paitit&iacute;, L&rsquo;Eldorado&hellip;Mobile des d&eacute;couvertes, l&rsquo;or attirait les explorateurs. Les mines du roi Salomon avant plac&eacute;es &agrave; Tombouctou et la Cherson&egrave;se de l&rsquo;Or de Ptol&eacute;m&eacute;e aux confins de l&rsquo;Orient enflammaient l&rsquo;imagination des voyageurs. Comme l&rsquo;or ne se trouvait que dans les pays lointains, au climat paradisiaque, d&rsquo;acc&egrave;s difficile et bien gard&eacute;, le Nouveau Monde &eacute;tait le d&eacute;cor parfait. De plus, dans ce territoire, les l&eacute;gendes locales nourrissent la r&ecirc;verie. Miguel Rojas Mix (2013) trace la g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;un tel imaginaire et expose comment une l&eacute;gende peut en avaler une autre. Nous avons d&rsquo;abord le roi Chibcha qui,&nbsp;habill&eacute; en or, rentrait plusieurs fois dans un&nbsp;lac&nbsp;sacr&eacute;, et ensuite le lac de Parime absorbe le mythe de l&rsquo;homme dor&eacute;. La tradition historique est ainsi confondue avec la fable g&eacute;ographique. L&rsquo;individu est devenu lieu. Les gravures de Theodore de Bry de la Guyane de 1599 ou la Carte de Terre Ferme de 1656 de Sanson d&rsquo;Abbeville pourraient bien repr&eacute;senter des &eacute;tapes dans le processus de transmission de cet imaginaire jusqu&rsquo;&agrave; la BD de nos jours&nbsp;(<em>Alvar Mayor</em>, de Breccia et Trillo (Dargaud, 1983) et <em>La sueur du soleil. T.1. L&rsquo;indien d&rsquo;Eldorado</em>, d&rsquo;Harriet et Mata (Gl&eacute;nat, 1988), pour en mentionner deux).</p> <p style="text-align: justify;">Pizarro, Benalc&aacute;zar, Quesada, Orellana, Cabeza de Vaca, Irala y Chavez, Raleigh&hellip;ont poursuivi&nbsp;l&rsquo;Eldorado. Une partie de la liste se trouve dans un dialogue de <em>Corto, toujours un peu plus loin</em>, dans lequel le h&eacute;ros &eacute;num&egrave;re les explorateurs de la r&eacute;alit&eacute; historique en les associant avec des explorateurs de son univers fictif. Le but d&rsquo;un tel dialogue est de manifester la folie qui atteint &agrave; tous ceux qui font la travers&eacute;e de l&rsquo;Am&eacute;rique du Sud et vont &agrave; la rencontre des autochtones en cherchant des cit&eacute;s d&rsquo;or incas ou pr&eacute;-incas.</p> <p style="text-align: justify;">En cherchant les sources pour l&rsquo;&eacute;tude des mythes am&eacute;rindiens, la liste d&rsquo;explorateurs pourrait se compl&eacute;ter avec une liste de chroniqueurs. Gary Urton&nbsp;(2004),&nbsp;dans son &eacute;tude sur les mythes Incas, mentionne plusieurs scribans espagnols ou n&eacute;s en Am&eacute;rique, de Cieza de Le&oacute;n et Juan Betanzos &agrave; Garcilaso de la Vega et Guam&aacute;n Poma. Pour Urton, nous ne connaissons les mythes incas que par des documents post&eacute;rieurs &agrave; la conqu&ecirc;te, collationn&eacute;s et rapport&eacute;s par les conqu&eacute;rants et les chroniqueurs espagnols. Voil&agrave; un probl&egrave;me pour la transmission&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rien de ce que nous appelons maintenant &lsquo;mythes incas&rsquo; ne nous est parvenu sur des documents originellement &eacute;crits par des autochtones dans leur propre langue avant l&rsquo;arriv&eacute;e des Espagnols. C&rsquo;est parce que les Incas n&rsquo;avaient pas d&eacute;velopp&eacute; un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;criture &ndash; ou, s&rsquo;ils l&rsquo;ont fait, nous ne sommes pas parvenus &agrave; l&rsquo;identifier ni &agrave; le d&eacute;chiffrer&nbsp;&raquo;&nbsp;(Urton, 2004, p.35). M&ecirc;me si on arrivait &agrave; le faire, &agrave; ce jour ce n&rsquo;est pas possible de lire entre les lignes pour savoir quels &eacute;l&eacute;ments sont autochtones et quels autres impos&eacute;s ou import&eacute;s. Une telle situation offre la libert&eacute; aux auteurs -de bande dessin&eacute;e dans notre cas-de remplir les trous par le biais de l&rsquo;imagination et de la figuration/d&eacute;figuration.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Conclusion</strong></h3> <p style="text-align: justify;">En guise de conclusion, on peut dire que dans le monde de la BD, l&rsquo;imagination -en tant que fait social- appara&icirc;t comme un moyen de relier la r&eacute;alit&eacute; des sources historiques &agrave; la r&ecirc;verie produite par les peuples et les territoires des Am&eacute;rindiens de l&rsquo;Am&eacute;rique latine. Des publications et des expositions ont montr&eacute; le lien direct entre l&rsquo;objet et sa repr&eacute;sentation fictive, comme nous l&rsquo;avons observ&eacute; avec les travaux d&rsquo;Herg&eacute; et d&rsquo;Hugo Pratt. Mais les imaginaires pr&eacute;-construits, sous le signe de l&rsquo;exotisme, continuent &agrave; agir pour la r&eacute;&eacute;criture fictive de l&rsquo;histoire dans le neuvi&egrave;me art, m&ecirc;me si des auteurs, tels que Sergio Toppi, prouvent -dans une mesure plus ou moins grande- une pr&eacute;occupation documentaire.</p> <p style="text-align: justify;">Les sources font partie int&eacute;grante des histoires ici &eacute;tudi&eacute;es. Pour Pignocchi, elles d&eacute;clenchent l&rsquo;action de son r&eacute;cit, tandis que pour Pellejero et Zentner, elles alimentent les processus de cr&eacute;ation. Mais, in&eacute;vitablement, les ph&eacute;nom&egrave;nes de transformation, de transposition et d&rsquo;agr&eacute;gation des sources aboutissent &agrave; un amalgame qui donne continuit&eacute; &agrave; la production de mythologies contemporaines dans des contextes de plus en plus li&eacute;s &agrave; des situations d&#39;hybridation culturelle qui &laquo;&nbsp;dans son incommensurabilit&eacute; refuse la binarit&eacute; et am&egrave;ne la nouveaut&eacute; au monde&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bhabha, p.396).</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <div> <hr size="1" /> <div id="edn1"> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Bibliographie</strong></h3> </div> </div> <ul> <li style="text-align: justify;">Barthes, R. (1957).&nbsp;<em>Mythologies</em>.&nbsp;Paris :&nbsp;Seuil.</li> <li style="text-align: justify;">Bhabha, Homi K. (2008).&nbsp;Culture&#39;s In-Between. 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(2010).&nbsp;<em>Les myst&egrave;res de l&rsquo;Egypte ancienne dans la bande dessin&eacute;e, essai d&rsquo;anthropologie iconographique</em>, Th&egrave;se de doctorat en Histoire contemporaine, sous la direction de Christian Amalvi, Montpellier, Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry-Montpellier 3.</li> <li style="text-align: justify;">---, (2014).&nbsp;Les myst&egrave;res de l&rsquo;Egypte ancienne dans la bande dessin&eacute;e&nbsp;: petite fabrique d&rsquo;un imaginaire historique. In :&nbsp;Mainterot, P.,&nbsp;Jagot H., <em>Du haut de ces pyramides...: l&#39;exp&eacute;dition d&#39;&Eacute;gypte et la naissance de l&#39;&eacute;gyptologie (1798-1850)</em>, cat.exp., La Roche-sur-Yon, Mus&eacute;e municipal et M&eacute;diath&egrave;que Benjamin-Rabier, 14 d&eacute;cembre 2013-22 mars 2014],&nbsp;306-333.</li> <li style="text-align: justify;">Means, &nbsp;P. A. (1938).&nbsp;The Incas: Empire Builders of the Andes.&nbsp;<em>Journal of the National Geographic Magazine</em>, vol. LXXIII, no.&nbsp;2, <em>Indians of the Americas</em>.</li> <li style="text-align: justify;">Musset,&nbsp;A. (1999).&nbsp;Du San Theodoros &agrave; Mosquito l&rsquo;Am&eacute;rique latine en bulles.&nbsp;<em>Cahiers des Am&eacute;riques latines</em>, no.&nbsp;28/29,&nbsp;23-48.</li> <li style="text-align: justify;">Rojas&nbsp;Mix, M. (2013).&nbsp;<em>Am&eacute;rica imaginaria</em>. Santiago de Chile :&nbsp;Erdosain/Pehu&eacute;n.</li> <li style="text-align: justify;">Roux,&nbsp;J.-L. (2015).&nbsp;<em>Toppi, Trait pour trait, croquis, esquisses et eaux fortes.&nbsp;</em>St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.</li> <li style="text-align: justify;">Staden,&nbsp;H. (2005). <em>Nus, f&eacute;roces et anthropophages</em>. Paris :&nbsp;&Eacute;ditions M&eacute;taili&eacute;.</li> <li style="text-align: justify;">Urton G. (2004). <em>Mythes incas</em>. Paris : Seuil.</li> <li style="text-align: justify;">Wunenburger,&nbsp;J.-J. (2003).&nbsp;<em>L&rsquo;imaginaire</em>. Paris :&nbsp;PUF.</li> <li style="text-align: justify;">Zanotti, P., Pierre, M. (2018).&nbsp;<em>Hugo Pratt, lignes d&rsquo;horizons</em>, cat.exp.&nbsp;Lyon :&nbsp;Mus&eacute;e des Confluences.</li> </ul> <p style="text-align: justify;"><u><em>Bande dessin&eacute;e</em></u></p> <ul> <li style="text-align: justify;">Herg&eacute; (1937).&nbsp;<em>Les aventures de Tintin. L&rsquo;Oreille cass&eacute;e</em>. Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1948).&nbsp;<em>Les aventures de Tintin. Les 7 boules de cristal</em>.&nbsp;Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1949).&nbsp;<em>Les aventures de Tintin. Le temple du soleil</em>.&nbsp;Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">---&nbsp;(1976).&nbsp;<em>Les aventures de Tintin. Tintin et les Picaros</em>.&nbsp;Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">Pellejero, R.,&nbsp;Zentner, J. (2002).&nbsp;<em>Le captif</em>. St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.</li> <li style="text-align: justify;">Pignocchi, A. (2016).&nbsp;<em>Anent&nbsp;: nouvelles des Indiens jivaros</em>. Paris :&nbsp;Steinkis &eacute;ditions.</li> <li style="text-align: justify;">Pratt, H. (1979).&nbsp;<em>Corto Maltese Sous le signe de Capricorne.</em>&nbsp;Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1979). <em>Corto Maltese Toujours un peu plus loin</em>. Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1992).&nbsp;<em>Corto Maltese M&ucirc;, la cit&eacute; perdue</em>.&nbsp;Bruxelles :&nbsp;Casterman.</li> <li style="text-align: justify;">Toppi, S. (2003). <em>La l&eacute;gende de Potosi.</em>&nbsp;St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.</li> <li style="text-align: justify;">--- (2004). <em>Le Tr&eacute;sor de Cibola</em>. St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.&nbsp;</li> <li style="text-align: justify;">--- (2014). <em>Chapungo</em>.&nbsp;St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.</li> <li style="text-align: justify;">--- (2018). <em>Hypoth&egrave;se 1492</em>.&nbsp;St Egr&egrave;ve :&nbsp;Mosquito.</li> </ul> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <div id="edn1"> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong></h3> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n1t" name="n1n">1</a>&nbsp;</sup>Dans le cadre de notre recherche doctoral pour la th&egrave;se &laquo;&nbsp;La production des imaginaires de l&rsquo;Am&eacute;rique latine dans la bande dessin&eacute;e&nbsp;: les repr&eacute;sentations des Am&eacute;rindiens (civilisations, peuples et territoires)&nbsp;&raquo;, sous la direction d&rsquo;Eric Villagordo. Doctorat en Etudes culturelles. Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry &ndash; Montpellier 3. ED 58. Rirra21.</p> </div> <div id="edn8"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n2t" name="n2n">2</a></sup>&nbsp;Au sens o&ugrave; l&rsquo;entend Barthes (1957).</p> </div> <div id="edn11"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n3t" name="n3n">3</a>&nbsp;</sup>Voir<em>&nbsp;Le mus&eacute;e imaginaire de Tintin</em>, Bruxelles, Casterman, 1980</p> </div> <div id="edn13"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n4t" name="n4n">4</a>&nbsp;</sup>Les r&eacute;f&eacute;rences sur les sources d&rsquo;Herg&eacute; pour Les aventures de Tintin proviennent de&nbsp;: GEO &Eacute;dition Collector, Tintin. &Agrave; la rencontre des peuples du monde dans l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Herg&eacute;, S.L., Herg&eacute;/Moulinsart/Prima Media, 2017, 157 p. Deux articles &eacute;crits par Valery Kubiak sont sp&eacute;cialement r&eacute;f&eacute;renci&eacute;s&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les tribus de l&rsquo;Amazonie. Sauvages mais &eacute;gaux &agrave; l&rsquo;homme blanc&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Les peuples des Andes. Les enfants d&rsquo;un monde mythique&nbsp;&raquo;.</p> </div> <div id="edn14"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n5t" name="n5n">5</a>&nbsp;</sup>Sur les proc&eacute;d&eacute;s pour la construction des imaginaires g&eacute;ographiques, voir&nbsp;Westphal (2011) et Dupuy (2019).</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> </div> <h3 style="text-align: justify;"><strong><sup><a href="#n*t" name="n*n">*</a></sup> Biographie</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Flavio Paredes Cruz est journaliste et chercheur culturel &eacute;quatorien. Doctorant en &Eacute;tudes culturelles, sp&eacute;cialit&eacute; &Eacute;tudes culturelles et arts visuels, &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry &ndash; Montpellier 3, au sein de l&rsquo;unit&eacute; de recherche RIRRA21. Il r&eacute;alise une recherche sur &laquo;&nbsp;La production des imaginaires de l&rsquo;Am&eacute;rique latine dans la bande dessin&eacute;e&nbsp;: les repr&eacute;sentations des Am&eacute;rindiens (peuples, civilisation et territoires)&nbsp;&raquo;, sous la codirection de Jean Christophe Valtat et &Eacute;ric Villagordo. Depuis son m&eacute;moire de Master (&laquo;&nbsp;<em>Des identit&eacute;s dans L&rsquo;Arabe du futur. Une jeunesse au Moyen-Orient</em>, de Riad Sattouf. De la repr&eacute;sentation de soi &agrave; l&rsquo;hybridit&eacute; culturelle&nbsp;&raquo;), il s&rsquo;int&eacute;resse aux litt&eacute;ratures graphiques, comme champ de recherche. La critique des repr&eacute;sentations, la circulation de savoirs, la constitution d&rsquo;imaginaires, les identit&eacute;s culturelles, l&rsquo;interculturalit&eacute; et la mobilit&eacute; humaine conforment ses domaines de recherche.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p>