<p>L'opinion publique représente un phénomène complexe et énigmatique de la société moderne, sur lequel ont travaillé des universitaires et des chercheurs de la trempe de Jurgen Habermas, George Gallup, Niklas Luhmann, Elizabeth Noelle-Neumann, Pierre Bourdieu et bien d'autres. La difficulté rencontrée par les sciences sociales face à cet objet mystérieux se trouve dans l'absence de définition partagée.</p>
<p>Ma proposition est de transformer la question de recherche : ce ne serait plus «qu'est-ce que l'opinion publique ?» mais «de quoi est faite l'opinion publique ?». La réponse proposée est la suivante : l'opinion publique est faite de zones d'action, c'est-à-dire de lieux métaphoriques où agissent quatre catégories d'acteurs - décideurs, groupes de pression, médias et multitudes. Les relations et les conflits entre les sphères d'action, au sein de celles-ci ainsi qu’entre des acteurs individuels différenciés, donnent vie à la dynamique d'une doxasphère en perpétuel mouvement.</p>
<p>Le passage de la doxasphère du XX<sup>ème</sup> siècle à celle d'aujourd'hui s'opère grâce à l'expansion du numérique connecté, qui implique toutes les sphères d'acteurs, poussant à une reconfiguration générale de la doxasphère.</p>
<p>Les décideurs s'affranchissent de l'intermédiation des médias généralistes (décideurs désintermédiés). Les groupes de pression nés dans l'environnement numérique ont des processus de croissance plus tumultueux et insurrectionnels que les groupes traditionnels, et sont accompagnés par des leaders d'opinion numériques ayant un vaste public (influenceurs). Les médias grand public étendent la dimension spectaculaire et s'hybrident avec les médias sociaux issus du réseau, multipliant la production de contenus. Les multitudes peuvent compter sur une connexion numérique constante et développent une attitude de prosommateur.</p>
<p>La reconfiguration actuelle présente un glissement significatif des arguments rationnels des opinions vers les impulsions émotionnelles, au point de pouvoir combiner l'ancienne dénomination d'«opinion publique» avec celle d'«émotion publique».</p>
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<p>Abstract </p>
<p>Public opinion represents a complex and enigmatic phenomenon of modern society, on which scholars and researchers of the caliber of Jurgen Habermas, George Gallup, Niklas Luhmann, Elizabeth Noelle-Neumann, Pierre Bourdieu and many others have worked. The difficulty encountered by the social sciences in the face of this mysterious object can be found in the lack of a shared definition.</p>
<p>My proposal is to transform the research question: no longer "what is public opinion?" but "what is public opinion made of?". The advanced answer is the following: from acting areas, that is, from metaphorical places where four categories of actors act. These are decision-makers, pressure groups, the media and the multitudes. The relationships and conflicts between acting spheres and, within these, also between differentiated individual actors, give life to the dynamics of a doxasphere in perennial movement.</p>
<p>The transition from the twentieth-century doxasphere to the current one takes place due to the expansion of the connected digital, which involves all the actor's spheres, pushing for a general reconfiguration of the doxasphere.</p>
<p>Decision makers free themselves from the intermediation of general media (disintermediated decision makers). Pressure groups born in the digital environment have more tumultuous and insurgent growth processes than traditional ones, and are accompanied by digital opinion leaders with a vast following (influencers). Mainstream media expand the spectacular dimension and hybridize with social media originating from the network, multiplying the production of content. The multitudes can count on a constant digital connection and develop a prosumer attitude.</p>
<p>The current reconfiguration presents a significant shift from the rational arguments of opinions to emotional impulses, so much so that it can combine the old denomination of "public opinion" with that of "public emotion".</p>