<h2 style="text-align:justify">Pr&eacute;sentation</h2> <p style="text-align:justify">Ce texte s&rsquo;attache &agrave; montrer en quoi la citoyennet&eacute; europ&eacute;enne de l&rsquo;&laquo; acteur social&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;utilisateur&nbsp;&raquo; du <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> est une citoyennet&eacute; hors sol qui, &agrave; la diff&eacute;rence des plantes dites &eacute;piphytes, ne peut se nourrir de l&rsquo;air du temps ni m&ecirc;me de nutriments qui seraient pr&eacute;sents dans le CECR, car celui-ci se r&eacute;v&egrave;le sans contenu op&eacute;ratoire, que ce soit pour apprendre ou pour enseigner, voire dangereux &agrave; terme. Parler d&rsquo;&laquo; enseigner &raquo; et d&rsquo;&laquo; apprendre &raquo; dans le CECR, c&rsquo;est d&rsquo;abord et tout simplement prendre en compte le sous-titre de ce document. Dans une pr&eacute;c&eacute;dente publication (2003&nbsp;: 169-178), j&rsquo;ai avanc&eacute;, analyses &agrave; l&rsquo;appui, que seul l&rsquo;&eacute;valuer &eacute;tait en r&eacute;alit&eacute; l&rsquo;objet cr&eacute;dible de ce document issu du Conseil de l&rsquo;Europe au d&eacute;but de ce si&egrave;cle apr&egrave;s dix ann&eacute;es de travaux, transactions et tractations, et devenu, <em>volens nolens</em>, le principe organisateur de toutes les certifications, tous les dipl&ocirc;mes de langue(s), et partant, de tous les manuels ou m&eacute;thodes de (F)LE, et <em>in fine</em> de toute la formation initiale et continue des professeurs de langues en Europe et m&ecirc;me au-del&agrave;. &Eacute;valuer, s&rsquo;auto-&eacute;valuer en langue(s) &eacute;trang&egrave;re(s), nous en avons besoin, et pour cela le CECR est utile&nbsp;; il l&rsquo;est aussi pour l&rsquo;harmonisation des niveaux favorisant la confiance mutuelle entre pays, entre universit&eacute;s, entre &eacute;tablissements et m&ecirc;me entre individus et pour eux &ndash; ces &laquo;&nbsp;utilisateurs&nbsp;&raquo;, comme les nomme le plus souvent le CECR (cf. Berchoud, 2003&nbsp;: 170). Mais alors, pourquoi ce titre &laquo;&nbsp;Apprendre, enseigner, &eacute;valuer&nbsp;&raquo;&nbsp;? Les deux premiers verbes seraient-ils l&agrave; pour rien&nbsp;? Ou pour inspirer confiance en adoucissant les rigueurs de l&rsquo;&eacute;valuer&nbsp;? Il y a aussi une ambition du CECR, ce texte nous permettra de la nommer de fa&ccedil;on pr&eacute;cise, &eacute;tay&eacute;e, puis d&#39;&eacute;valuer ses proc&eacute;d&eacute;s, ses effets, soit ses dimensions concr&egrave;tes.</p> <p style="text-align:justify">Consid&eacute;rons le surtitre du CECR: &laquo;&nbsp;apprentissage des langues et citoyennet&eacute; europ&eacute;enne&nbsp;&raquo;&nbsp;; et ses suites: &laquo;&nbsp;Le <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> <strong>offre une base commune</strong> pour l&rsquo;&eacute;laboration de programmes de langues vivantes, de r&eacute;f&eacute;rentiels, d&rsquo;examens, de manuels, etc. en Europe. Il d&eacute;crit aussi compl&egrave;tement que possible ce que les apprenants d&rsquo;une langue doivent apprendre afin de l&rsquo;utiliser dans le but de communiquer ; il &eacute;num&egrave;re &eacute;galement les connaissances et les habilet&eacute;s qu&rsquo;ils doivent acqu&eacute;rir afin d&rsquo;avoir un comportement langagier efficace.&nbsp;&raquo; (CECR&nbsp;: 9). Ainsi se profile l&rsquo;apprendre, d&#39;un point de vue institutionnel. Quant &agrave; l&rsquo;enseigner&nbsp;: les professeurs n&rsquo;ont qu&rsquo;&agrave; suivre (les programmes, et l&#39;&eacute;num&eacute;ration des connaissances et habilet&eacute;s requises pour un &laquo;&nbsp;comportement langagier efficace&nbsp;&raquo;&nbsp;: voil&agrave; qui est dit selon les termes m&ecirc;mes du passage cit&eacute;). C&#39;est-&agrave;-dire mettre en &oelig;uvre &laquo; une perspective actionnelle &raquo; (CECR&nbsp;: 15). Une perspective, qu&rsquo;est-ce, sinon un point de vue, une fa&ccedil;on de voir&nbsp;? Selon le TLFi, une perspective, c&#39;est&nbsp;cela : &laquo;&nbsp;1. ph&eacute;nom&egrave;ne affectant la vision de loin des objets ou des diff&eacute;rentes apparences (ou repr&eacute;sentations) des objets suivant les changements de position de l&#39;&oelig;il qui les regarde.&nbsp;&raquo;&nbsp;;&nbsp;&laquo;&nbsp;2. fig. mani&egrave;re particuli&egrave;re d&#39;envisager les choses ou d&#39;en interpr&eacute;ter le d&eacute;roulement; aspect sous lequel les choses se pr&eacute;sentent&nbsp;&raquo;. Et l&rsquo;actionnel&nbsp;? &laquo;&nbsp;Qui a rapport &agrave; l&rsquo;action&nbsp;&raquo;, selon le TLF<em>i</em><sup><a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a></sup>, c&rsquo;est un terme de grammaire de 1747, repris de fa&ccedil;on ind&eacute;pendante par Balzac en 1832 dans <em>Louis Lambert</em> (histoire d&rsquo;un g&eacute;nie devenu fou). La perspective actionnelle du CECR est donc bien l&rsquo;imposition d&rsquo;une mani&egrave;re de voir et d&rsquo;interpr&eacute;ter (ce que sont apprendre et enseigner) ayant pour but l&rsquo;action&nbsp;: apprendre pour faire.&nbsp; Mais faire quoi&nbsp;; et qui&nbsp;? Et aussi que ne pas faire&nbsp;? qu&rsquo;&eacute;viter&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">Entrons dans le concret, et m&ecirc;me le concert des diversit&eacute;s, puisque les &laquo;&nbsp;utilisateurs&nbsp;&raquo; du Cadre ont chacun une voix, un corps, une vie, un contexte, des relations, des savoirs, un pass&eacute;, des projets&hellip;&nbsp;Comment cette r&eacute;alit&eacute; de la diversit&eacute; est-elle prise en compte&nbsp;? Voici sans doute l&rsquo;angle pour une &eacute;valuation du CECR, &laquo;&nbsp;enseigner, apprendre&nbsp;&raquo;. Pla&ccedil;ons-nous cependant au-del&agrave; d&rsquo;un sentiment d&rsquo;aise n&eacute; de la mise en place d&rsquo;une situation chaplinesque d&rsquo;&eacute;valuateur &eacute;valu&eacute;, m&ecirc;me si l&rsquo;apport vital d&rsquo;un bref instant de sourire, voire de rire franc n&rsquo;est pas &agrave; n&eacute;gliger. Autrefois, le Carnaval avait une fonction de mise en perspective (sic) des pouvoirs institu&eacute;s, en leur rappelant la fragilit&eacute; d&rsquo;une l&eacute;gitimit&eacute; mal construite, il faisait suite aux f&ecirc;tes analogues du monde latin, bacchanales, saturnales et autres lupercales. Aujourd&rsquo;hui, plus modestement, nous allons pr&eacute;ciser les termes du d&eacute;bat sur l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;apprendre&nbsp;&raquo; et l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;enseigner&nbsp;&raquo; dans le CECR &agrave; partir de l&rsquo;analyse du texte m&ecirc;me, puis placer ce d&eacute;bat avec ce qui en &eacute;merge dans le CECR sous la double focalisation des savoirs acquis d&rsquo;une part en m&eacute;thodologie, et de l&rsquo;autre en neurosciences, afin de pouvoir &eacute;noncer ce que sont &laquo;&nbsp;apprendre et enseigner&nbsp;&raquo; selon le Cadre replac&eacute; dans son contexte historique, social, culturel, scientifique et politique. Cela permettra de conclure en ouvrant des perspectives, pour les &laquo;&nbsp;utilisateurs&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;acteurs sociaux&nbsp;&raquo;, qui sont &eacute;galement des sujets parlants, et plus largement pour les concepteurs du Cadre, les institutions du Conseil de l&rsquo;Europe &ndash; organe consultatif &ndash; qui les emploient, ainsi que les institutions d&eacute;mocratiques de l&rsquo;Union europ&eacute;enne.</p> <h2 style="text-align:justify">Les termes du d&eacute;bat</h2> <p style="text-align:justify">Les pages 109-110, point 6.4 du CECR, sont souvent cit&eacute;es par les responsables engag&eacute;s au Conseil de l&rsquo;Europe, et/ou au CELV, Centre europ&eacute;en des langues vivantes de Graz&nbsp;: &laquo; Le Conseil de l&rsquo;Europe a pour principe m&eacute;thodologique fondamental de consid&eacute;rer que&nbsp;les m&eacute;thodes &agrave; mettre en &oelig;uvre [&hellip;] sont celles que l&rsquo;on consid&egrave;re comme les plus efficaces pour atteindre les objectifs en fonction des apprenants concern&eacute;s dans leur environnement social&nbsp;&raquo;. Ainsi la vari&eacute;t&eacute; des supports et m&eacute;thodes serait sauvegard&eacute;e, et de m&ecirc;me la motivation des apprenants, ainsi que la prise en compte de leurs diversit&eacute;s&nbsp;; avec et malgr&eacute; les modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation. C&rsquo;est l&agrave; &ecirc;tre bien na&iuml;f&hellip; ou cynique, ou, nuan&ccedil;ons, &ecirc;tre sans m&eacute;moire et, de fa&ccedil;on plus ou moins consciente, pratiquer la table rase de ce qui a exist&eacute; avant. Soit, au total, un projet politique, ou tout au moins de politique linguistique et &eacute;ducative. Ce projet pourrait &ecirc;tre mis en relation avec celui qui appara&icirc;t en filigrane des Instructions et programmes officiels de 1882 (BO du 2 ao&ucirc;t 1882) faisant suite aux lois Jules Ferry et &agrave; l&#39;&eacute;tablissement de la R&eacute;publique (la III<sup>e</sup>)&nbsp;: il s&rsquo;agit de former un citoyen et un r&eacute;publicain&nbsp;: &laquo; Cette &eacute;ducation n&rsquo;a pas pour but de faire savoir mais de faire vouloir&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>&nbsp;: 19). C&rsquo;est l&rsquo;hypoth&egrave;se ici, nous verrons comment et jusqu&rsquo;o&ugrave; elle peut &ecirc;tre d&eacute;clar&eacute;e valide.</p> <p style="text-align:justify">Cette hypoth&egrave;se s&rsquo;est form&eacute;e au fil d&#39;ann&eacute;es d&rsquo;une culture acad&eacute;mique plurielle, en sciences du langage, didactique des langues, et en sciences politiques, ainsi que de lectures et d&rsquo;exp&eacute;riences avec le CECR. En particulier un projet quadriennal pour le CELV, <em>Centre europ&eacute;en des langues vivantes du Conseil de l&rsquo;Europe</em> (2007-2011, avec responsabilit&eacute; de coordination 2007-2009). Ce projet, focalis&eacute; sur l&rsquo;&eacute;valuation et la formation des enseignants, supposait d&eacute;j&agrave; une analyse et une pratique du CECR. Celles-ci ont &eacute;t&eacute; enrichies de travaux interm&eacute;diaires, dont une enqu&ecirc;te par questionnaires et une analyse du v&eacute;cu de l&rsquo;&eacute;valuation chez les professeurs en formation &agrave; partir de leurs m&eacute;moires de fin d&rsquo;&eacute;tudes (travaux disponibles ici&nbsp;: <a href="http://ecep.ecml.at/Resources/tabid/1029/language/fr-FR/Default.aspx" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://ecep.ecml.at/Resources/tabid/1029/language/fr-FR/Default.aspx</a>). L&rsquo;&eacute;volution de ce projet quadriennal, d&egrave;s son acceptation, conditionn&eacute;e au retrait d&rsquo;une dimension contextuelle cependant modeste, a permis d&rsquo;affiner encore l&rsquo;analyse gr&acirc;ce &agrave; des lectures et relectures dialogu&eacute;es du Cadre, qui ont amen&eacute; des questions plus nettes non seulement sur l&rsquo;&eacute;valuation, mais aussi sur l&rsquo;apprendre et l&rsquo;enseigner. Ce qui m&rsquo;anime aujourd&rsquo;hui est l&rsquo;envie de comprendre les significations et implications du CECR, texte sous-titr&eacute; &laquo;&nbsp;Apprendre, enseigner, &eacute;valuer&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Qui tient l&rsquo;&eacute;valuation tient tout le syst&egrave;me&nbsp;&raquo;&nbsp;: &agrave; coup s&ucirc;r, aucun des experts concepteurs du CECR ne peut ignorer que &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;valuation est le n&oelig;ud des actes d&rsquo;enseignement&nbsp;&raquo; (Porcher&nbsp;: 1995, 46), surtout que ce th&egrave;me a suscit&eacute; un texte fort c&eacute;l&egrave;bre de Paul Val&eacute;ry (1935, in &laquo;&nbsp;<em>Vari&eacute;t&eacute;</em>&nbsp;&raquo;<em>, &OElig;uvres, t.1</em>, Gallimard, Pl&eacute;iade, p. 1076). Dans ces conditions, il appara&icirc;t vain d&rsquo;affirmer que le CECR &laquo;&nbsp;n&rsquo;a pas pour vocation de promouvoir une m&eacute;thode d&rsquo;enseignement particuli&egrave;re mais bien de pr&eacute;senter des choix&nbsp;&raquo; (CECR&nbsp;: 2001, 109-110). Cela peut cependant conduire &agrave; &laquo;&nbsp;un d&eacute;bat&nbsp;&raquo; &ndash; nous y sommes - &laquo; toujours pr&eacute;f&eacute;rable &agrave; une l&rsquo;acceptation<a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a> de la pens&eacute;e dominante essentiellement parce qu&rsquo;elle est dominante&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). Quels sont donc les termes du d&eacute;bat n&eacute;cessaire en mati&egrave;re d&rsquo;enseigner et d&rsquo;apprendre&nbsp;? Les plus simples qui soient :</p> <ul> <li style="text-align:justify">Qui enseigne &agrave; qui&nbsp;? Et o&ugrave;, dans quel(s) contexte(s)&nbsp;?</li> <li style="text-align:justify">Qui apprend quoi&nbsp;? O&ugrave;, et comment&nbsp;?</li> </ul> <p style="text-align:justify">Pour d&eacute;velopper ce d&eacute;bat sur l&#39;&laquo;&nbsp;apprendre&nbsp;&raquo; et l&#39;&laquo;&nbsp;enseigner&nbsp;&raquo; dans le CECR et selon lui, mais aussi selon d&#39;autres voix, il faut nous placer sur le plan m&eacute;thodologique, v&eacute;ritable noyau de l&rsquo;apprendre et l&rsquo;enseigner, largement mis en retrait depuis la publication du CECR, et en contextes divers. Car &laquo;&nbsp;pr&eacute;senter des choix&nbsp;&raquo; pour &laquo;&nbsp;l&rsquo;efficacit&eacute;&nbsp;&raquo; ne suffit pas&nbsp;quand les concepteurs du CECR et les autorit&eacute;s du Conseil de l&rsquo;Europe y ont estomp&eacute; les dimensions de pouvoir et de march&eacute; pr&eacute;sentes dans la diffusion des langues, leur enseignement, leur apprentissage&nbsp;: libert&eacute; de circulation des biens, des services, des personnes &ndash; mais pour certains plus que d&rsquo;autres, ce qu&rsquo;on sait de source s&ucirc;re, exp&eacute;rientielle, si elle n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; balay&eacute;e par une vision &eacute;troitement disciplinaire de son action, mise alors hors contexte pour privil&eacute;gier la standardisation, l&#39;harmonisation des grilles, normes, descripteurs.</p> <p style="text-align:justify">La libert&eacute; de circulation r&eacute;sulte du trait&eacute; de Rome (25 mars 1957) instituant la CEE, elle a depuis sans cesse &eacute;t&eacute; r&eacute;affirm&eacute;e, concr&eacute;tis&eacute;e, &eacute;largie par des trait&eacute;s, r&egrave;glements ou directives, par exemple en mati&egrave;re universitaire et d&rsquo;&eacute;ducation. La politique linguistique du Conseil de l&rsquo;Europe (tout comme celle des instances de l&rsquo;Union europ&eacute;enne actuelle), consiste d&rsquo;une part &agrave; d&eacute;fendre et valoriser les langues minoritaires, ainsi que les langues des pays-membres, cependant que sa <em>lingua franca</em> est nettement l&rsquo;anglais, au moins pour des raisons pratiques (et budg&eacute;taires). Les coordinateurs de projets au CELV l&rsquo;ont v&eacute;cu, en r&eacute;unions de travail, ateliers, conf&eacute;rences de pr&eacute;sentation-diffusion. Ce constat ouvre sur une dualit&eacute; importante &agrave; prendre en compte, celle de deux niveaux d&rsquo;interventions, voire deux types d&rsquo;&laquo;&nbsp;utilisateurs&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;citoyens&nbsp;&raquo; des langues (pour reprendre les termes du CECR)&nbsp;:</p> <ul> <li>Deux cat&eacute;gories de langues au moins, ce que la sociolinguistique (notamment avec Calvet, 1996) a &eacute;tabli, et qu&rsquo;un peu d&rsquo;attention nous fait apercevoir r&eacute;guli&egrave;rement;</li> <li>Mais aussi deux cat&eacute;gories d&rsquo;humains, les anglophones courants (<em>fluent anglophones</em>) et les autres&nbsp;; l&rsquo;exp&eacute;rience commune, par-del&agrave; le CECR, nous fait constater que, dans les colloques plurilingues, seuls les anglophones ne traduisent pas leurs pr&eacute;sentations en une autre langue.</li> </ul> <p style="text-align:justify">Cela dit, et dans le but de r&eacute;pondre &agrave; nos questions sur les sujets parlants susceptibles d&rsquo;apprendre des langues, leurs contextes et les moyens employ&eacute;s, faisons un d&eacute;tour de rappel par les m&eacute;thodologies. En mati&egrave;re d&rsquo;enseignement des langues, la ou une m&eacute;thodologie, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;une analyse m&eacute;thodique et critique des m&eacute;thodes et pratiques relevant de cet enseignement, ainsi que de l&rsquo;ensemble des hypoth&egrave;ses (linguistiques, psychologiques, sociologiques, id&eacute;ologiques) qui les sous-tendent, que ces hypoth&egrave;ses soient ou non explicit&eacute;es&nbsp;&raquo; (Besse, 1992/2000&nbsp;: 10&nbsp;; l&rsquo;italique est de l&rsquo;auteur). Dans son ouvrage sur l&rsquo;histoire des m&eacute;thodologies, Puren (1988&nbsp;: 11) mentionne explicitement &laquo;&nbsp;les objectifs&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;les situations d&rsquo;enseignement&nbsp;&raquo;, nous ne les oublions pas.</p> <h2 style="text-align:justify">Le CECR&nbsp;: M&eacute;thodologie(s) z&eacute;ro &ndash; et ... ?</h2> <p style="text-align:justify">Le Chapitre 6 du CECR (pp 103 et s.) se d&eacute;clare consacr&eacute; &agrave; la m&eacute;thodologie. Mais nous constaterons que la &laquo;&nbsp;perspective actionnelle&nbsp;&raquo; pr&eacute;sent&eacute;e d&egrave;s les pages 15 et 35 du CECR est un moyen &agrave; double finalit&eacute;, faire apprendre / modeler la sensibilit&eacute; voire la personnalit&eacute;, en reliant le monde de la classe au monde social ext&eacute;rieur &ndash; un certain monde social, une sorte de partout et nulle part. Comment faire avec&nbsp;? Le Cadre s&rsquo;adresse aux praticiens et aux apprenants de langue vivante (p. 5) dans un but d&rsquo;aide &agrave; l&rsquo;utilisation du document. Cette aide se d&eacute;ploie &agrave; un niveau pratique, qui n&rsquo;est cependant pas exempt de choix, pr&eacute;suppos&eacute;s, hypoth&egrave;ses sur ce qu&rsquo;est apprendre et enseigner une langue.</p> <h3 style="text-align:justify">Objectifs et situations d&rsquo;enseignement&nbsp;? Oralit&eacute;s, mobilit&eacute;s et &eacute;changes</h3> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;La fonction du Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence n&rsquo;est pas de prescrire les objectifs que ses utilisateurs devraient poursuivre ni les m&eacute;thodes qu&rsquo;ils devraient utiliser&nbsp;&raquo; (CECR&nbsp;: 5). Dont acte. Mais le Cadre dit (<em>ibid</em>.) avoir deux objectifs, &laquo;&nbsp;encourager les praticiens [&hellip;] &agrave; se poser un certain nombre de questions&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;faciliter les &eacute;changes d&rsquo;informations entre les praticiens et les apprenants&nbsp;&raquo;. Notons que les questions &agrave; se poser ne concernent pas toutes l&rsquo;apprendre une langue, puisque les deux premi&egrave;res questions<a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a> sont &laquo;&nbsp;Que faisons-nous exactement lors d&rsquo;un &eacute;change oral ou &eacute;crit avec autrui ? Qu&rsquo;est-ce qui nous permet d&rsquo;agir ainsi ?&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align:justify">Il s&rsquo;agirait donc d&rsquo;apprendre &agrave; faire la classe, c&ocirc;t&eacute; praticien, et d&rsquo;apprendre &agrave; apprendre, c&ocirc;t&eacute; apprenant, cela sur le mode du dialogue, de l&rsquo;&eacute;change oral. Il semble qu&rsquo;un vieil Europ&eacute;en, un certain Socrate, avait un programme approchant, mais lui n&rsquo;a pas laiss&eacute; d&rsquo;&eacute;crit de cadrage, juste du contenu et des exemples v&eacute;cus, gr&acirc;ce &agrave; un de ses &eacute;l&egrave;ves, un nomm&eacute; Platon. La situation d&rsquo;enseignement est celle de l&rsquo;&eacute;change oral et l&rsquo;objectif serait le d&eacute;veloppement de la conscience r&eacute;flexive. En quelle langue praticiens et apprenants &eacute;changent-ils oralement&nbsp;? Nous pouvons l&rsquo;imaginer pour partie, selon nos exp&eacute;riences ant&eacute;rieures. Peut-&ecirc;tre une interlangue, une langue-pont, l&rsquo;alternance des codes...</p> <p style="text-align:justify">Bien en-de&ccedil;&agrave; (ou au-del&agrave;) de la classe de langue, il s&rsquo;agit &laquo;&nbsp;d&rsquo;am&eacute;liorer la communication entre Europ&eacute;ens de langues et de cultures diff&eacute;rentes parce que la communication facilite la mobilit&eacute; et les &eacute;changes et, ce faisant, favorise la compr&eacute;hension r&eacute;ciproque et renforce la coop&eacute;ration. Le Conseil soutient &eacute;galement les m&eacute;thodes d&rsquo;enseignement et d&rsquo;apprentissage qui aident les jeunes, mais aussi les moins jeunes, &agrave; se forger les savoirs, savoir-faire et attitudes dont ils ont besoin pour acqu&eacute;rir davantage d&rsquo;ind&eacute;pendance dans la r&eacute;flexion et dans l&rsquo;action afin de se montrer plus responsables et coop&eacute;ratifs dans leurs relations &agrave; autrui. En ce sens, ce travail contribue &agrave; promouvoir une citoyennet&eacute; d&eacute;mocratique.&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). Autrement dit, il s&rsquo;agit de concourir &agrave; la formation d&rsquo;une personnalit&eacute; individuelle et collective id&eacute;ale pour l&rsquo;Europe de la mobilit&eacute; et des &eacute;changes. Le rapprochement esquiss&eacute; plus haut avec la formation du citoyen par l&rsquo;&eacute;cole r&eacute;publicaine de Jules Ferry est donc rien moins qu&rsquo;occasionnel&nbsp;; bien au contraire, le projet a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute; en vue de cr&eacute;er des citoyens acteurs sociaux capables de m&eacute;diation, de coop&eacute;ration et d&#39;autonomie relative. Sa m&eacute;thodologie, pr&eacute;contrainte par l&#39;&eacute;valuation, est d&eacute;clin&eacute;e en notions d&rsquo;arri&egrave;re-plan de tout enseignement et de tout apprentissage des langues mis en &oelig;uvre par les praticiens selon leurs moyens, leur culture et leur formation. Ainsi s&#39;expliquent les savoir-&ecirc;tre, savoir-faire, les t&acirc;ches, et la d&eacute;limitation-d&eacute;finition des comp&eacute;tences autour de la communication interindividuelle. La fameuse &laquo;&nbsp;perspective actionnelle&nbsp;&raquo; (CECR&nbsp;: 15, 35) fait alors davantage signe que r&eacute;ellement sens&nbsp;: agissons ensemble en communiquant comme on nous a dit.</p> <p style="text-align:justify">La ou une m&eacute;thodologie&nbsp;? C&rsquo;est donc l&rsquo;affaire des praticiens, qui sont encourag&eacute;s &agrave; &laquo;&nbsp;fonder leur action sur les besoins, les motivations, les caract&eacute;ristiques et les ressources de l&rsquo;apprenant.&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). On les suppose form&eacute;s pour cela, et capables de se d&eacute;prendre de (ou s&rsquo;asseoir sur) leurs d&eacute;terminations sociologiques, culturelles, institutionnelles et id&eacute;ologiques pour se couler dans le moule-cadre. Il y a plus, fonder une action d&rsquo;enseignement sur les besoins-motivations-caract&eacute;ristiques-ressources de l&rsquo;apprenant ici-maintenant, et seulement cela, c&rsquo;est, pour le praticien, s&rsquo;auto-limiter en se privant de m&eacute;moriser, capitaliser, transmettre, en se privant de r&eacute;fl&eacute;chir plus loin que l&rsquo;&eacute;change oral du moment. Autrement dit, pas la peine de philosopher, nul besoin d&rsquo;abstraire et de th&eacute;oriser, il suffit de r&eacute;pondre &agrave; la demande au fur et &agrave; mesure qu&rsquo;elle advient. Un praticien n&rsquo;aurait-il pas mati&egrave;re &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir sur sa pratique, n&rsquo;en aurait-il pas l&rsquo;aspiration, voire le besoin&nbsp;? Voil&agrave; qui est heureusement hors du champ du Cadre, dans la libert&eacute; de l&rsquo;intime individuel.</p> <p style="text-align:justify">On l&rsquo;a dit plus haut d&eacute;j&agrave;, &laquo;&nbsp;Quelques options m&eacute;thodologiques&nbsp;&raquo; sont propos&eacute;es aux utilisateurs du CECR dans le chapitre 6 de ce document (p.102 et s.), mais, m&eacute;thodologiques, le sont-elles vraiment&nbsp;? Ce qui suit nous en fait fortement douter&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;nonc&eacute; des buts et des objectifs de l&rsquo;enseignement et de l&rsquo;apprentissage des langues devrait se fonder sur une estimation des besoins des apprenants et de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;. La perspective de l&rsquo;ici-maintenant se confirme, et l&rsquo;apprenant est corr&eacute;l&eacute; directement avec la soci&eacute;t&eacute;. Nulle ext&eacute;riorit&eacute; salvatrice&nbsp;: apprendre une langue doit &ecirc;tre utile. Il faut &laquo;&nbsp;traiter efficacement l&rsquo;ensemble des actes de communication&nbsp;&raquo; (<em>id</em>.&nbsp;: 103), selon les besoins ou (dans cette page cit&eacute;e) la demande de l&rsquo;apprenant. Nulle trace cependant d&rsquo;une r&eacute;flexion sur ces notions, pas m&ecirc;me un renvoi aux r&eacute;flexions et recherches ant&eacute;rieures &ndash; ne serait-ce que les pr&eacute;c&eacute;dents travaux du Conseil de l&rsquo;Europe sur ces notions (Richterich, 1972, Richterich &amp; Chancerel, 1978, Porcher, 1980). Ce qui peut passer pour une erreur, mais affirme clairement une volont&eacute; de table rase du pass&eacute; (avant la d&eacute;cennie 90), est aujourd&rsquo;hui corrig&eacute; sur le site du Conseil de l&rsquo;Europe, dans ses notions-cl&eacute;s&nbsp;: apr&egrave;s avoir cit&eacute; les noms ci-dessus (en omettant toutefois Porcher, peut-&ecirc;tre parce que son ouvrage s&rsquo;intitule <em>Interrogations sur les besoins langagiers en contextes scolaires</em> et que l&rsquo;onglet o&ugrave; se trouve cette notion de &laquo;&nbsp;besoin&nbsp;&raquo; est plac&eacute; sous le titre &laquo;&nbsp;Int&eacute;gration linguistique des migrants adultes&nbsp;&raquo; mais, paradoxe, c&rsquo;est justement l&agrave; que Porcher, a beaucoup d&rsquo;&oelig;uvres au Conseil de l&rsquo;Europe&nbsp;!), une d&eacute;finition des besoins langagiers est propos&eacute;e : &laquo; les ressources linguistiques n&eacute;cessaires aux apprenants pour g&eacute;rer avec succ&egrave;s des formes de communication dans lesquelles ils vont &ecirc;tre impliqu&eacute;s &agrave; court ou &agrave; moyen terme&nbsp;&raquo;. Nous tournons en rond dans les limites &eacute;nonc&eacute;es plus haut.</p> <p style="text-align:justify">Quels objectifs peut ou doit avoir l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue non premi&egrave;re, selon le CECR&nbsp;? &Eacute;tant entendu que l&rsquo;enseignement se calquera sur ces objectifs, car il s&rsquo;agit de &laquo;&nbsp;se fonder sur une estimation des besoins des apprenants et de la soci&eacute;t&eacute;, sur les t&acirc;ches, les activit&eacute;s et les op&eacute;rations que les apprenants doivent effectuer afin de satisfaire ces besoins, et sur les comp&eacute;tences ou les strat&eacute;gies qu&rsquo;ils doivent construire ou d&eacute;velopper pour y parvenir.&nbsp;&raquo; (CECR, 6.1.1&nbsp;: 103). On voit se profiler l&agrave; une vision plane et monochrome des apprenants, en particulier dans leurs activit&eacute;s et de leurs strat&eacute;gies. Et il en est de m&ecirc;me pour la soci&eacute;t&eacute;. Cependant, on ne peut imaginer d&rsquo;apprentissages de masse, en mati&egrave;re d&rsquo;objectifs et de progressions, &laquo;&nbsp;il faut prendre une d&eacute;cision au cas par cas&nbsp;&raquo; (p. 105), mais bien s&ucirc;r dans les limites de ce que requi&egrave;rent les &eacute;changes sociaux. Au passage, notons cependant &agrave; travers ce chapitre six, des notions int&eacute;ressantes comme la &laquo; comp&eacute;tence d&eacute;s&eacute;quilibr&eacute;e et &eacute;volutive&raquo;, qui manifeste une prise en compte des r&eacute;alit&eacute;s de l&rsquo;apprendre&nbsp;; pour ce qui est de l&rsquo;apprentissage inscrit dans le plurilinguisme, o&ugrave;, par exemple, une langue apprise ou acquise pourrait aider &agrave; se perfectionner dans une autre langue, la proposition est s&eacute;duisante, mais c&rsquo;est la plupart du temps le fait de sujets parlants sachant d&eacute;j&agrave; apprendre, ou alors juste une sensibilisation.</p> <p style="text-align:justify">Les pages 106-107 du CECR nous mettent en contact avec &laquo;&nbsp;la variation des objectifs en relation avec le Cadre de r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;&raquo;&nbsp;: soit &laquo;&nbsp;en termes de d&eacute;veloppement des comp&eacute;tences g&eacute;n&eacute;rales individuelles de l&rsquo;apprenant&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;en termes d&rsquo;extension et de diversification de la comp&eacute;tence &agrave; communiquer langagi&egrave;rement&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;en termes de meilleures r&eacute;alisations de telle(s) ou telle(s) activit&eacute;(s) langagi&egrave;re(s)&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;en termes d&rsquo;insertion fonctionnelle optimale dans un domaine particulier&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;en termes d&rsquo;enrichissement ou de diversification des strat&eacute;gies ou en termes d&rsquo;accomplissement de t&acirc;ches&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit toujours de communiquer, faire, dire. On pourrait penser que ce sont l&agrave; les objectifs majeurs de l&rsquo;apprendre une langue &eacute;trang&egrave;re. Mais alors que vient faire dans le CECR le &laquo;&nbsp;savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;traits de la personnalit&eacute;, attitudes, etc.&nbsp;: 105), cet &eacute;nonc&eacute; quasi-impossible, sauf &agrave; envisager un guidage, un formatage de l&rsquo;&ecirc;tre lui-m&ecirc;me, et pas seulement dans ses attitudes&nbsp;? La r&eacute;ponse est dans la question.</p> <h3 style="text-align:justify">Quant aux situations d&rsquo;apprentissage&hellip;</h3> <p style="text-align:justify">Leur diversit&eacute; est r&eacute;duite par le biais des &laquo;&nbsp;&eacute;changes sociaux&nbsp;&raquo; vus &agrave; travers les activit&eacute;s, op&eacute;rations, strat&eacute;gies et comp&eacute;tences &agrave; d&eacute;velopper. Nul besoin de situations concr&egrave;tes dans leur complexit&eacute;, donc, seulement les situations que listent les descripteurs (chap. 5), cependant que le chapitre 4 quadrille le contexte d&rsquo;utilisation de la langue par l&rsquo;apprenant en &laquo;&nbsp;domaines&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;situations&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;conditions et contraintes&nbsp;&raquo; (car le r&eacute;el, c&rsquo;est ce qui r&eacute;siste), et &laquo;&nbsp;contexte mental&nbsp;&raquo; de l&rsquo;utilisateur/apprenant, comme de son et ses interlocuteurs. &laquo;&nbsp;Le contexte renvoie &agrave; la multitude des &eacute;v&eacute;nements et des param&egrave;tres de la situation (physiques et autres) propres &agrave; la personne, mais aussi ext&eacute;rieurs &agrave; elle, dans laquelle s&rsquo;inscrivent les actes de communication&nbsp;&raquo; (p. 15). Certes, mais s&rsquo;il a fallu d&eacute;crire &ndash; r&eacute;duire pour concevoir des niveaux et des proc&eacute;dures d&rsquo;&eacute;valuation, pourquoi s&rsquo;emp&ecirc;cher en plus de prendre en compte ce contexte &agrave; travers des exemples, des possibilit&eacute;s d&rsquo;analyse, afin de laisser ouverte la possibilit&eacute; de son existence concr&egrave;te, dense, complexe&nbsp;? Pourquoi sinon en vue d&rsquo;un projet de citoyen europ&eacute;en minimum&nbsp;? Il n&rsquo;y a donc de situations que simplifi&eacute;es, aplaties, r&eacute;duites aux dimensions de surface des &eacute;changes interindividuels. En va-t-il de m&ecirc;me pour les m&eacute;thodes et pratiques, comme semblent le montrer nos premi&egrave;res approches&nbsp;?</p> <h2 style="text-align:left">M&eacute;thodes et pratiques&nbsp;: autour de l&rsquo;apprenant acteur social dans l&rsquo;inter-individuel</h2> <h3 style="text-align:justify">Dans le Cadre&hellip;</h3> <p style="text-align:justify">Ces m&eacute;thodes et pratiques se d&eacute;veloppent &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de diff&eacute;rents &laquo;&nbsp;domaines&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;public, professionnel, &eacute;ducationnel, personnel&nbsp;&raquo; (p. 18), et ce dernier &laquo;&nbsp;sera caract&eacute;ris&eacute; aussi bien par les relations familiales que par les pratiques sociales individuelles&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.)&nbsp;: voil&agrave; qui est r&eacute;duit, mais s&rsquo;explique sans doute par les m&eacute;thodes mises en avant, de fa&ccedil;on explicite ou non. L&rsquo;apprenant, utilisateur ou usager des langues, comme il est le plus souvent d&eacute;sign&eacute;, est un &laquo;&nbsp;acteur social&nbsp;&raquo; ayant &laquo;&nbsp;&agrave; accomplir des t&acirc;ches&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.). On con&ccedil;oit donc que les m&eacute;thodologies mises en avant dans le Cadre se fondent sur les interactions de communication orales ou &eacute;crites, enrichies d&rsquo;une proclamation de &laquo;&nbsp;perspective actionnelle&nbsp;&raquo;, reprise par tous les manuels de langue aujourd&rsquo;hui. Cela &eacute;tant, quelle action r&eacute;elle peut produire un apprenant de langue&nbsp;? Et quel est l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du fait que cette action s&rsquo;inscrive dans le r&eacute;el social&nbsp;? Lequel, d&rsquo;ailleurs&nbsp;? Et que devient le r&eacute;el de la classe de langue, cet espace interm&eacute;diaire d&rsquo;essais et d&rsquo;erreurs entre pairs r&eacute;gul&eacute; par l&rsquo;enseignant, afin qu&rsquo;il soit propice &agrave; l&rsquo;apprendre&nbsp;? Il est somm&eacute; de ressembler le plus possible &agrave; la vie sociale&nbsp;: voil&agrave; qui est exaltant&nbsp;! Nuan&ccedil;ons&nbsp;: utile, non suffisant, car une langue n&rsquo;est pas seulement un outil de communication&hellip; et un apprenant non plus.</p> <h3 style="text-align:justify">Avant le CECR...</h3> <p style="text-align:justify">Le SGAV, m&eacute;thodologie structuro-globale audiovisuelle, avait d&eacute;j&agrave; eu le m&ecirc;me projet d&rsquo;utilit&eacute; sociale, en r&eacute;action aux m&eacute;thodologies de type traditionnel (c&rsquo;est-&agrave;-dire ne faisant pas dans leurs propositions d&rsquo;enseignement la diff&eacute;rence entre langue premi&egrave;re et langue &eacute;trang&egrave;re, selon une centration sur la langue elle-m&ecirc;me, le reste revenant au professeur) et s&rsquo;&eacute;tait vu ensuite confin&eacute; dans ses limites par l&rsquo;irruption du (besoin de) communicatif dans le r&eacute;el des apprenants et enseignants en classe de langue. Ici, un retour sur ces diff&eacute;rentes options m&eacute;thodologiques se r&eacute;v&egrave;le n&eacute;cessaire.</p> <p style="text-align:justify">Les m&eacute;thodologies traditionnelles laissaient la libert&eacute; de contextualiser (ou pas) au professeur&nbsp;: d&egrave;s la le&ccedil;on 1 du <em>Cours de Langue et de Civilisation fran&ccedil;aises</em> de Mauger (1953&nbsp;: 3), on peut lire &laquo;&nbsp;autour de cette le&ccedil;on sch&eacute;matique, le professeur organisera, &agrave; son gr&eacute;, une classe vivante et active&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est une preuve de lucidit&eacute;, qu&rsquo;on aimerait trouver plus souvent. La m&eacute;thodologie propos&eacute;e est qualifi&eacute;e par ses promoteurs comme &laquo;&nbsp;un empirisme r&eacute;fl&eacute;chi&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.&nbsp;: V), ce qui autorise une prise en compte des r&eacute;alit&eacute;s des situations d&rsquo;enseignement.</p> <p style="text-align:justify">Puis la pr&eacute;face de <em>Voix et images de France</em> (Credif : 1960), un des ensembles p&eacute;dagogiques du SGAV, appuy&eacute;, comme tous ceux de cette orientation, sur la linguistique et les exercices structuraux, propose &laquo;&nbsp;une langue enseign&eacute;e comme un moyen vivant de communication&nbsp;&raquo; (pr&eacute;face de la 1<sup>re</sup> &eacute;dition, 1960, p.23), cela, &agrave; partir de &laquo;&nbsp;conversations[s] entre deux-trois personnages&hellip; [qui] traite[nt] d&rsquo;un centre d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la vie courante&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>. m&eacute;thode, p. 25).</p> <p style="text-align:justify">Ensuite, la premi&egrave;re m&eacute;thode communicative, <em>C&rsquo;est le printemps</em> (ron&eacute;otyp&eacute; puis Cl&eacute; international : 1969 / 1973, 5, 7) se d&eacute;finit comme &laquo;&nbsp;une suite de situations mettant en sc&egrave;ne des personnages divers, des gens de tous &acirc;ges, des fran&ccedil;ais et m&ecirc;me des &eacute;trangers vivant en France&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;tout est pr&eacute;texte &agrave; expression et surtout, comme la progression linguistique a &eacute;t&eacute; con&ccedil;ue &agrave; cet effet, l&rsquo;&eacute;tudiant peut rapidement parler de lui-m&ecirc;me, de ses activit&eacute;s, de ses projets et questionner le professeur sur la vie des fran&ccedil;ais et des &eacute;trangers en France&hellip;&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align:justify">Quel bilan pouvons-nous tirer de ce bref rappel&nbsp;? Un point commun r&eacute;unit les m&eacute;thodologies que nous venons d&rsquo;&eacute;voquer&nbsp;: elles prennent en compte la classe&nbsp;; le CECR, lui, s&rsquo;efforce de limiter l&rsquo;importance de cet espace interm&eacute;diaire non contr&ocirc;lable, ni soumis &agrave; la citoyennet&eacute; europ&eacute;enne, car r&eacute;gul&eacute; par les participants eux-m&ecirc;mes, avec le professeur, et au-del&agrave;, les institutions nationales. Serait-ce le constat qui a men&eacute; le CECR, dont l&rsquo;objet central est l&rsquo;&eacute;valuation, &agrave; enrichir son titre avec l&rsquo;enseigner et l&rsquo;apprendre&nbsp;? Et &agrave; &eacute;vacuer toute m&eacute;thodologie&nbsp;? Examinons cette hypoth&egrave;se.</p> <h3 style="text-align:left">La classe dans le CECR&nbsp;: le lieu du &laquo;&nbsp;partenariat pour l&rsquo;apprentissage&nbsp;&raquo;</h3> <p style="text-align:justify">Entre les pages 6 et 108, le terme &laquo;&nbsp;classe&nbsp;&raquo; (au sens qui nous int&eacute;resse) appara&icirc;t une petite dizaine de fois : enseignants et apprenants dans la classe (p.6), journal de classe (p.16), puis en g&eacute;n&eacute;ral chaque classe de chaque &eacute;cole (p.38), salle de classe, rentr&eacute;e des classes, interaction en classe (p. 42-43, id. p.47), discours de la classe (p. 78), alors qu&rsquo;il est bien plus fr&eacute;quemment employ&eacute; au sens grammatical et logique&nbsp;; on note &eacute;galement quelques occurrences de &laquo;&nbsp;classe-s sociale-s&nbsp;&raquo;. La classe, comme espace-temps-lieu-r&eacute;union orient&eacute; vers l&rsquo;enseignement et l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue avec un enseignant, semble prendre quelque r&eacute;alit&eacute; dans le chapitre six, &laquo;&nbsp;Les op&eacute;rations d&rsquo;apprentissage et d&rsquo;enseignement des langues&nbsp;&raquo;, point 6.3. <em>Que peut faire chaque type d&rsquo;utilisateur du cadre de r&eacute;f&eacute;rence pour faciliter l&rsquo;apprentissage de la langue ?</em> O&ugrave; l&rsquo;on voit que l&rsquo;interrogation est individuelle - pardon, class&eacute;e selon les types d&rsquo;utilisateurs, c&rsquo;est-&agrave;-dire&nbsp;: &eacute;valuateurs et professionnels qui y sont impliqu&eacute;s, auteurs de manuels, enseignants, apprenants. L&rsquo;enseignement est &laquo;&nbsp;un partenariat pour l&rsquo;apprentissage compos&eacute; de nombreux sp&eacute;cialistes, en plus des enseignants et apprenants&nbsp;&raquo; (p.109). Ce qui constitue la &laquo;&nbsp;contribution [des enseignants] dans le partenariat sur l&rsquo;apprentissage qui doit s&rsquo;&eacute;tablir entre chercheurs en &eacute;ducation et formateurs d&rsquo;enseignants&nbsp;&raquo; (p.110) c&rsquo;est&hellip; tout cela, soit plus qu&rsquo;un partenariat&nbsp;:</p> <ul> <li>des obligations, &laquo;&nbsp;respecter les instructions officielles, d&rsquo;utiliser des manuels et du mat&eacute;riel p&eacute;dagogique (qu&rsquo;ils ne sont pas n&eacute;cessairement en mesure d&rsquo;analyser, d&rsquo;&eacute;valuer, de choisir ni d&rsquo;y apporter des compl&eacute;ments), de concevoir et de faire passer des tests et de pr&eacute;parer les &eacute;l&egrave;ves et les &eacute;tudiants aux dipl&ocirc;mes &raquo;</li> <li>un travail vari&eacute;, &laquo;&nbsp;prendre des d&eacute;cisions sur les activit&eacute;s de classe qu&rsquo;ils peuvent pr&eacute;voir et pr&eacute;parer auparavant mais qu&rsquo;ils doivent ajuster avec souplesse &agrave; la lumi&egrave;re de la r&eacute;action des &eacute;l&egrave;ves ou des &eacute;tudiants. On attend d&rsquo;eux qu&rsquo;ils suivent le progr&egrave;s de leurs &eacute;l&egrave;ves ou &eacute;tudiants et trouvent des moyens d&rsquo;identifier, d&rsquo;analyser et de surmonter leurs difficult&eacute;s d&rsquo;apprentissage, ainsi que de d&eacute;velopper leurs capacit&eacute;s individuelles &agrave; apprendre. Il leur faut comprendre les processus d&rsquo;apprentissage dans toute leur complexit&eacute;, encore que cette compr&eacute;hension puisse s&rsquo;av&eacute;rer &ecirc;tre un r&eacute;sultat de l&rsquo;exp&eacute;rience plut&ocirc;t que le produit clairement formul&eacute; d&rsquo;une r&eacute;flexion th&eacute;orique&raquo;</li> </ul> <p style="text-align:justify">Rien que cela, tout cela&nbsp;! Avec le CECR, sommes-nous donc dans le d&eacute;ni ou le m&eacute;pris, voire le cantonnement des enseignants&nbsp;&agrave; leur r&ocirc;le de &laquo;&nbsp;praticiens&nbsp;&raquo; de terrain ? Peut-&ecirc;tre, ou peut-&ecirc;tre pas&nbsp;; mais bien des enseignants ont un grave d&eacute;faut, &ecirc;tre libres d&rsquo;esprit, se m&ecirc;ler de penser, et aussi recrut&eacute;s et pay&eacute;s nationalement,&nbsp;donc avoir &agrave; se situer selon des directives nationales et locales, et ne pas faire (assez) partie des milieux europ&eacute;ens supra-nationaux, comme les experts et chercheurs, inclus eux aussi dans le fameux partenariat. Heureusement, l&rsquo;&eacute;valuation est l&agrave; pour r&eacute;guler l&rsquo;apprentissage et l&rsquo;enseignement des langues ainsi que la formation des enseignants, et je redis qu&rsquo;en ce domaine, j&rsquo;ai exp&eacute;riment&eacute;. Alors rappelons &agrave; tous les Europ&eacute;ens que le terme &laquo;&nbsp;universit&eacute;&nbsp;&raquo;, venu du latin <em>universitas</em>, marquait certes l&rsquo;ambition d&rsquo;universalit&eacute;, mais respectait les diversit&eacute;s unies autour du savoir, puisque chaque &laquo;&nbsp;escholier&nbsp;&raquo; appartenait et s&rsquo;identifiait &agrave; une r&eacute;gion, province ou nation. Pourquoi cela serait-il d&eacute;sormais hors de propos&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">Enfin, si les professeurs sont des partenaires de l&rsquo;apprentissage, c&rsquo;est que le Cadre se positionne sur les th&eacute;ories de l&rsquo;apprentissage (p. 108 et s.)&hellip; en ne se positionnant pas (&sect; 6.2.2 <em>Comment les apprenants apprennent-ils&nbsp;?</em>) et m&ecirc;me, en ne citant aucun des noms ou &oelig;uvres ayant marqu&eacute; le d&eacute;bat, mais&hellip; il demande &agrave; autrui de le faire : &laquo;&nbsp;Les utilisateurs du Cadre de r&eacute;f&eacute;rence envisageront et expliciteront selon le cas sur quelles hypoth&egrave;ses le travail relatif &agrave; l&rsquo;apprentissage de la langue se fonde, et leurs cons&eacute;quences m&eacute;thodologiques.&nbsp;&raquo; Le CECR en profite ici pour clarifier les termes &agrave; utiliser, acquisition ou apprentissage, invitant ensuite les utilisateurs du Cadre &laquo;&nbsp;&agrave; &eacute;viter de les utiliser de mani&egrave;re contraire aux usages en vigueur&nbsp;&raquo; (c&rsquo;est-&agrave;-dire contraires aux usages du Cadre). Alors, le CECR, une cath&eacute;drale de mots&nbsp;et de vide ? Il affirme en tout cas se situer &laquo;&nbsp;entre les deux extr&ecirc;mes&nbsp;&raquo;, pour des pratiques &laquo;&nbsp;plus &eacute;clectiques&nbsp;&raquo;, et avec &laquo;&nbsp;la plupart des &eacute;tudiants et des enseignants &lsquo;courants&rsquo;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Ils admettent que les apprenants n&rsquo;apprennent pas n&eacute;cessairement ce que les enseignants enseignent et qu&rsquo;il leur faut un apport de langue substantiel, contextualis&eacute; et intelligible ainsi que des occasions d&rsquo;utiliser la langue de mani&egrave;re interactive ; ils admettent aussi que l&rsquo;apprentissage est facilit&eacute;, notamment dans les conditions artificielles de la salle de classe, par la combinaison d&rsquo;un apprentissage conscient et d&rsquo;une pratique suffisante afin de r&eacute;duire ou de supprimer l&rsquo;attention consciente port&eacute;e aux aptitudes physiques de niveau &eacute;l&eacute;mentaire de la parole et de l&rsquo;&eacute;criture, ainsi qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;exactitude morphologique et syntaxique, lib&eacute;rant ainsi l&rsquo;esprit pour des strat&eacute;gies de communication d&rsquo;un niveau sup&eacute;rieur.&nbsp;&raquo;</p> <h3 style="text-align:left">Bilan</h3> <p style="text-align:justify">La salle de classe vit &laquo;&nbsp;dans des conditions artificielles&nbsp;&raquo; : sans doute cela signifie-t-il qu&rsquo;on est loin des id&eacute;aux actionnels propres &agrave; l&rsquo;acteur social, ce citoyen europ&eacute;en mod&egrave;le, qui serait sans &eacute;motions excessives ni affects indicibles, sans secrets et sans intime (sauf aux niveaux les plus avanc&eacute;s, et seulement par projection-identification avec la litt&eacute;rature). Ou alors, en un &eacute;lan de lucidit&eacute;, cet acteur social, ce citoyen-mod&egrave;le en formation se r&eacute;v&egrave;lerait au final totalement artificiel&nbsp;de m&ecirc;me que les situations et projets actionnels qui lui sont propos&eacute;s. Autrement dit, le Cadre d&eacute;veloppe une citoyennet&eacute; hors sol, pour une entit&eacute; &agrave; faible r&eacute;alit&eacute; politique et, justement pour cela, estompant ses diversit&eacute;s contextuelles, h&eacute;sitante qu&#39;elle est entre agr&eacute;gats d&#39;&Eacute;tats-nations et marche vers le f&eacute;d&eacute;ralisme politique, f&ucirc;t-il restreint, comme l&rsquo;est l&rsquo;euro. Pour r&eacute;sumer, le CECR, &eacute;manant du Conseil de l&#39;Europe, organe consultatif, fait ainsi l&#39;aveu de sa non-l&eacute;gitimit&eacute; &agrave; prescrire mais, pour lui donner un peu de corps, se glisse dans les pas de l&#39;UE en adoptant ses vis&eacute;es, avec ses h&eacute;sitations, son d&eacute;ficit d&eacute;mocratique et ses frilosit&eacute;s. Pour un bilan, c&#39;est un bilan&nbsp;! Venons-en, puisque le Cadre n&rsquo;en dit rien non plus, &agrave; ses hypoth&egrave;ses sous-jacentes, mises en relation avec celles r&eacute;sultant des travaux de neurosciences, en particulier dans l&rsquo;apprendre.</p> <h2 style="text-align:left">M&eacute;thodologie(s) d&rsquo;enseignement-apprentissage des langues, CECR et neurosciences</h2> <h3 style="text-align:left">Hypoth&egrave;ses sous-jacentes (linguistiques, psychologiques, sociologiques, id&eacute;ologiques, et scientifiques)</h3> <p style="text-align:justify">Le Cadre adopte une position raisonnable en mati&egrave;re d&rsquo;apprentissage, dit-il, &laquo;&nbsp;entre les deux extr&ecirc;mes&nbsp;&raquo; que sont&nbsp; d&rsquo;une part &laquo;&nbsp;l&rsquo;exposition &agrave; la langue avec interactions&nbsp;&raquo; (m&eacute;thodologie naturelle&nbsp;m&acirc;tin&eacute;e de communicatif ?), et d&rsquo;autre part, des &laquo;activit&eacute;s cognitives&nbsp;&raquo; qui seraient &laquo;&nbsp;suffisantes&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;avec les r&egrave;gles de grammaire et de vocabulaire&nbsp;&raquo; (p. 109), ce qui peut &eacute;voquer les m&eacute;thodologies traditionnelles mais aussi les exercices structuraux. Autrement dit, le CECR balaie (aux divers sens de ce terme) toute l&rsquo;histoire des m&eacute;thodologies pour se situer en un point id&eacute;al moyen dont l&rsquo;existence et m&ecirc;me la simple possibilit&eacute; logique ne sont pas av&eacute;r&eacute;es. Peut-&ecirc;tre faut-il y voir la &laquo;&nbsp;m&eacute;thodologie circulante&nbsp;&raquo; (Beacco, 1995&nbsp;: 42)&nbsp;? Ou plus prosa&iuml;quement, le fait que la m&eacute;thodologie n&rsquo;est pas convoqu&eacute;e, vu qu&rsquo;elle n&rsquo;a aucun int&eacute;r&ecirc;t, que seuls comptent l&rsquo;apprentissage&nbsp;et la formation citoyenne et linguistiques des acteurs sociaux ?&nbsp;</p> <p style="text-align:justify">Les hypoth&egrave;ses sous-jacentes du Cadre seraient donc une structure absente, dilu&eacute;e, adaptable partout, et ayant la forme d&rsquo;un projet de soci&eacute;t&eacute; tiss&eacute; d&rsquo;interactions, de cultures, de m&eacute;diation et de dialogues entre usagers ancr&eacute;s dans une culture &ndash; avec la litt&eacute;rature, mais seulement pour les niveaux les plus &eacute;lev&eacute;s. Mais peut-&ecirc;tre pourrait-on avancer que le Cadre a int&eacute;gr&eacute; les apports marquants des neurosciences durant tout le XXe si&egrave;cle et au-del&agrave;&nbsp;? Il est temps de confronter les indications m&eacute;thodologiques pr&eacute;sentes dans le texte du CECR avec les savoirs en neurosciences sur l&rsquo;apprendre, m&ecirc;me si ces savoirs sont hors du champ r&eacute;glementaire et politique du Conseil de l&rsquo;Europe, et plus g&eacute;n&eacute;ralement, de l&rsquo;Union europ&eacute;enne. Nous verrons alors (r&eacute;)appara&icirc;tre nos questions, que le CECR avait entendu estomper tout en marquant verbalement sa tol&eacute;rance &agrave; la diversit&eacute; (linguistique et culturelle), cit&eacute;e une dizaine de fois dans le texte, d&rsquo;une part au d&eacute;but, et ensuite &agrave; partir du chapitre 5. Rien donc dans le c&oelig;ur de l&rsquo;objet-CECR, soit entre les pages 18 et 84, <em>Approche retenue, Niveaux, Utilisation de la langue</em>.</p> <p style="text-align:justify">Alors, serait-ce que le CECR a pris en compte les d&eacute;couvertes des neurosciences touchant aux apprentissages&nbsp;? Et donc que les utilisateurs du Cadre pourraient, voire devraient et en urgence se donner toute latitude de se pr&eacute;occuper de nos questions&nbsp;: Qui&nbsp;? O&ugrave;&nbsp;? Quelle(s) langue(s) et culture(s)&nbsp;? Pourquoi et pour quoi&nbsp;? Et ainsi m&eacute;tamorphoser ce Cadre en lui donnant chair, contextes et contenus. Quelle que soit la r&eacute;ponse sur les intentions strat&eacute;giques des auteurs du Cadre, il convient &agrave; pr&eacute;sent de se pr&eacute;occuper de nous tous, usagers et acteurs sociaux &agrave; temps partiel, certes, mais surtout et fondamentalement sujets de parole.</p> <h3 style="text-align:left">Br&egrave;ve pr&eacute;sentation autour des neurosciences, et suites pour les &laquo;&nbsp;usagers&nbsp;&raquo; contraints du CECR</h3> <p style="text-align:justify">Le prix Nobel de m&eacute;decine attribu&eacute; &agrave; Eric Kandel en 2000 pour des travaux (avec son &eacute;quipe) sur la m&eacute;moire a fait conna&icirc;tre les avanc&eacute;es en neurosciences, mais une d&eacute;couverte aussi cardinale que la plasticit&eacute; c&eacute;r&eacute;brale (ou neuronale) est largement plus ancienne&nbsp;: premiers travaux du m&eacute;decin anatomopathologiste de Boeck au tournant des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> si&egrave;cles, travaux de Ramon y Cajal, prix Nobel 1906, jusqu&rsquo;&agrave; la d&eacute;couverte dat&eacute;e comme telle en 1960 par Raisman, avec tous les pr&eacute;curseurs dont seuls quelques-uns sont not&eacute;s ici. Un point utile sur cette question historique est fait par Droz-Mendelzweig dans son article &laquo;&nbsp;La plasticit&eacute; c&eacute;r&eacute;brale de Cajal &agrave; Kandel : cheminement d&rsquo;une notion constitutive du sujet c&eacute;r&eacute;bral&nbsp;&raquo;, <em>Revue d&rsquo;Histoire des Sciences</em> (2010&nbsp;: t. 63-2, 661-698).</p> <p style="text-align:justify">Maintenant, voyons ce qui nous concerne dans cette d&eacute;couverte et en quoi celle-ci est li&eacute;e &agrave; nos pr&eacute;occupations de m&eacute;thodologie&nbsp;: &laquo; Il est d&eacute;sormais acquis que les &eacute;l&eacute;ments les plus fins du processus de transfert de l&rsquo;information entre les neurones, c&rsquo;est-&agrave;-dire les synapses, sont remodel&eacute;s en permanence en fonction de l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue. Les m&eacute;canismes de plasticit&eacute; op&egrave;rent tout au long de la vie de l&rsquo;individu et d&eacute;terminent de mani&egrave;re significative son devenir. &raquo; (Ansermet &amp; Magistretti, <em>&Agrave; chacun son cerveau</em>, 2004&nbsp;: 11).</p> <p style="text-align:justify">Autrement dit, l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue par le sujet parlant et apprenant est essentielle, car constitutive de son apprentissage et de son &eacute;volution ult&eacute;rieure. Alors, les neurosciences de l&rsquo;apprentissage constitueraient-elles le fichier th&eacute;orique cach&eacute; du CECR en ce sens que l&rsquo;action men&eacute;e en vue de conformer les acteurs sociaux europ&eacute;ens par les langues aurait tir&eacute; les cons&eacute;quences de leurs apports en faisant appara&icirc;tre&nbsp;l&rsquo;urgence d&rsquo;une police des apprentissages, des c&oelig;urs et des esprits ? Il faut ici rappeler que les apports des neurosciences sur l&rsquo;individualisation des apprentissages courent tout au long du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle et m&ecirc;me avant, puisque d&egrave;s 1891, le m&eacute;decin anatomopathologiste de Boeck notait que &laquo;&nbsp;L&rsquo;ensemble des impressions venues au cerveau, l&rsquo;empreinte qu&rsquo;elles y ont laiss&eacute;e, les associations qu&rsquo;elles y ont provoqu&eacute;es, le souvenir des actes ext&eacute;rieurs qui en sont r&eacute;sult&eacute;s, la mani&egrave;re dont se font les associations constituent un ensemble propre &agrave; un individu donn&eacute;, un capital qu&rsquo;il est seul &agrave; poss&eacute;der, son individualit&eacute;.&nbsp;&raquo; (De Boeck, <em>Journal de la soci&eacute;t&eacute; royale des sciences m&eacute;dicales de Bruxelles</em>, in Droz-Mendelsweig, 2010&nbsp;: 662). Plus m&ecirc;me, ces savoirs sont acquis intuitivement depuis bien plus longtemps, et les actions de contention et conformation sur les &eacute;l&egrave;ves, apprenants, sujets et citoyens sont r&eacute;currentes dans la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise &ndash; nous avons &eacute;voqu&eacute; plus haut les Instructions officielles de 1882, visant entre autres &agrave; former de bons r&eacute;publicains - et il en va de m&ecirc;me dans bien d&rsquo;autres r&eacute;gions du monde.</p> <p style="text-align:justify">Cependant, si r&eacute;ellement le Cadre a tir&eacute; des cons&eacute;quences des d&eacute;couvertes de neurosciences, il s&rsquo;est limit&eacute; &agrave; celles convenant &agrave; son projet d&rsquo;ensemble sur la citoyennet&eacute; europ&eacute;enne. On l&rsquo;a montr&eacute;, c&rsquo;est une citoyennet&eacute; hors sol, sans &Eacute;tat car sans f&eacute;d&eacute;ralisme, donc d&eacute;contextualis&eacute;e pour exister quand m&ecirc;me de fa&ccedil;on volontariste. Un projet de politique linguistique et &eacute;ducative peut-il remplacer les avanc&eacute;es politiques n&eacute;cessaires, &agrave; bon droit maintenant nous en doutons&nbsp;: il lui manque le processus d&eacute;mocratique que le rendrait cr&eacute;dible et viable, car voulu et partag&eacute;. &laquo;&nbsp;On ne tire pas sur les fleurs pour les faire pousser&nbsp;&raquo; (proverbe africain&nbsp;; attribu&eacute; aussi &agrave; Vaclav Havel).</p> <h2 style="text-align:left">Pour conclure&hellip;</h2> <h3 style="text-align:left">Apprentissage et enseignement des langues vivantes, perspectives closes et ouvertures</h3> <p style="text-align:justify">Les analyses du <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> en mati&egrave;re d&rsquo;enseigner et d&rsquo;apprendre pr&eacute;sent&eacute;es tout au long de ce texte ont fait appara&icirc;tre des conceptions appauvries des apprentissages, des enseignants et des apprenants. La m&ecirc;me observation peut &ecirc;tre faite &agrave; propos de la culture, de la litt&eacute;rature ou des sciences. On a vu ce qu&rsquo;il en &eacute;tait des sciences li&eacute;es aux apprentissages, abordons ici bri&egrave;vement la litt&eacute;rature, car son traitement est r&eacute;v&eacute;lateur de l&rsquo;effort de non-contradiction d&rsquo;autrui par englobement de tout et son contraire d&eacute;ploy&eacute; par le CECR&nbsp;: d&rsquo;une part, il y est dit que &laquo;&nbsp;Les &eacute;tudes litt&eacute;raires ont de nombreuses finalit&eacute;s &eacute;ducatives, intellectuelles, morales et affectives, linguistiques et culturelles et pas seulement esth&eacute;tiques.&nbsp;&raquo; (CECR&nbsp;: 47)&nbsp;; d&rsquo;autre part, la suite de la section 4.3.5, &laquo;&nbsp;utilisation esth&eacute;tique ou po&eacute;tique de la langue&nbsp;&raquo; s&rsquo;efforce de concr&eacute;tiser une place pour la litt&eacute;rature, place trop visiblement mineure, tout en d&eacute;samor&ccedil;ant les critiques &eacute;ventuelles en rappelant sa dimension patrimoniale &eacute;minente (<em>ibid</em>.)&nbsp;; mais la litt&eacute;rature n&rsquo;est pas faite que d&rsquo;auteurs morts et sacralis&eacute;s, elle est vivante, multiforme, et multi-canal, la langue est aussi une parole, riche de m&eacute;taphores partag&eacute;es, de grands symboles, d&rsquo;&eacute;motions et de sentiments humains.</p> <p style="text-align:justify">Sans doute ce d&eacute;ficit de confiance dans les pouvoirs de partage de la litt&eacute;rature explique-t-il que le texte litt&eacute;raire n&rsquo;appara&icirc;t dans les descripteurs que pour le niveau B2, en compr&eacute;hension de l&rsquo;&eacute;crit (p 27), dans les niveaux C sur les &eacute;chelles DIALANG d&rsquo;auto-&eacute;valuation ou d&rsquo;&eacute;valuation (p. 165, 166, 168). Et, paradoxe suppl&eacute;mentaire, le texte litt&eacute;raire serait moins partageable que les textes de sp&eacute;cialit&eacute;&nbsp;: p. 168, en compr&eacute;hension de l&rsquo;&eacute;crit, le niveau C1 est mentionn&eacute; pour les sp&eacute;cialit&eacute;s (oui, mais lesquelles&nbsp;? cela peut largement varier) alors qu&rsquo;il faut avoir acc&eacute;d&eacute; au niveau C2 pour un texte litt&eacute;raire. Mais comment pouvons-nous rel&eacute;guer les apprenants et leurs apprentissages loin des libert&eacute;s de la parole, loin des &oelig;uvres et de la cr&eacute;ation qui est au c&oelig;ur de toute l&rsquo;aventure humaine&nbsp;? Il est clair que je ne le veux pas. Dans cette perspective, qui, on l&rsquo;aura compris, est activement non-actionnelle, comment le culturel, et les partages qui en sont la trame, apparaissent-ils&nbsp;? Et que pouvons-nous faire&nbsp;? Ici, prenons la casquette de praticienne et entrons en classe pour montrer comment l&rsquo;interculturel peut &ecirc;tre une voie d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;individualisation des apprentissages, &agrave; l&rsquo;expression personnelle, pour un savoir-apprendre et un partage d&rsquo;exp&eacute;rience qui ne seraient pas du semblant.</p> <h3 style="text-align:left">Un Cadre r&eacute;gulant <em>curricula</em> et certifications, mais des enseignants bien pr&eacute;sents&nbsp;: un exemple de contribution autour de l&rsquo;interculturel</h3> <p style="text-align:justify">Qu&rsquo;est devenu l&rsquo;interculturel, cet enrichissement par les diff&eacute;rences (pour paraphraser Porcher)&nbsp;? Dans le CECR&nbsp;on trouve une seule fois le terme interculturel, employ&eacute; comme adjectif, &laquo;&nbsp;comp&eacute;tence interculturelle&nbsp;&raquo; (p. 25), r&eacute;serv&eacute;e &agrave; un niveau de comp&eacute;tence avanc&eacute;e. Et pour le plus grand nombre, alors&nbsp;? &laquo;&nbsp;Les utilisateurs du CECR envisageront et expliciteront de quelle conscience de la relation entre sa culture d&#39;origine et la culture cible l&#39;apprenant aura besoin afin de d&eacute;velopper une comp&eacute;tence culturelle appropri&eacute;e.&nbsp;&raquo; (p. 83), ce qui s&rsquo;inscrit dans le &laquo;d&eacute;veloppement de la comp&eacute;tence plurilingue et pluriculturelle d&rsquo;un individu, pour lui permettre de faire face aux probl&egrave;mes de communication que pose la vie dans une Europe multilingue et multiculturelle&nbsp;&raquo; (p. 6)</p> <p style="text-align:justify">Il serait donc seulement question de communication, mais pas de vivre ensemble, et encore moins d&rsquo;enrichissement mutuel&nbsp;? Et dans la classe &ndash; puisque nous nous focalisons sur l&rsquo;enseigner et l&rsquo;apprendre &ndash; qu&rsquo;en est-il&nbsp;? L&rsquo;interculturel peut-il &ecirc;tre un apport, et cela en tenant compte des curricula et certifications param&eacute;tr&eacute;s par le CECR &ndash; bien s&ucirc;r&nbsp;: il interpelle chacun sur ses centres d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, il relie l&rsquo;individuel et le collectif, le proche et le lointain, il permet de (faire) pratiquer la/les langues en se sentant libre, libre d&rsquo;exister dans l&rsquo;une et l&rsquo;autre langue, et enfin, il am&egrave;ne chacun &agrave; proposer et partager ses d&eacute;couvertes v&eacute;cues. Les besoins et demandes des apprenants ne sont-ils pas l&agrave;&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">J&rsquo;ai pu &eacute;laborer et exp&eacute;rimenter cela lors d&rsquo;une mission de formation organis&eacute;e pour et par deux Alliances fran&ccedil;aises en Argentine (novembre 2013, Salta et La Plata) en direction des enseignants et formateurs d&rsquo;enseignants, qu&rsquo;ils exercent en Alliances ou dans le syst&egrave;me scolaire et de formation argentin. Car ces professionnels, qu&rsquo;ils le veuillent ou non, ont &agrave; &oelig;uvrer dans et avec le Cadre. Or l&rsquo;ann&eacute;e 2013 avait &eacute;t&eacute; d&eacute;clar&eacute;e dans toutes les Alliances d&rsquo;Argentine Ann&eacute;e de la perspective interculturelle. D&rsquo;o&ugrave; la demande de formation, comment faire avec l&rsquo;interculturel et le CECR&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">Avec les professeurs et sur la base d&rsquo;un mat&eacute;riel divers (documents vid&eacute;os, audio, textes cr&eacute;atifs et de litt&eacute;rature) nous avons travaill&eacute; &agrave; des projets de s&eacute;ances autour du savoir-apprendre, du d&eacute;veloppement personnel et de l&rsquo;individualisation des apprentissages dans des classes o&ugrave; les profils, les personnalit&eacute;s, les centres d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t et les niveaux sont divers. Car l&rsquo;interculturel c&rsquo;est d&rsquo;abord une rencontre, un engagement, une motivation li&eacute;e &agrave; l&rsquo;apprentissage. C&rsquo;est aussi un essentiel de et dans l&#39;apprentissage, mais de fa&ccedil;on subtile&nbsp;: il faut apprendre &agrave; se d&eacute;brouiller vu qu&rsquo;il n&rsquo;existe pas d&#39;interculturel en kit ni dans le CECR ni ailleurs, il faut &ecirc;tre cr&eacute;atifs, engag&eacute;s, humains. Et si la comp&eacute;tence est la &laquo;capacit&eacute; &agrave; r&eacute;soudre un probl&egrave;me dans un contexte donn&eacute;&nbsp;&raquo; (Michel &amp; Ledru, 1990, 4), il est grand temps d&rsquo;en faire usage, en tant que professionnel de langues, puisque la notion de &laquo;&nbsp;comp&eacute;tence&nbsp;&raquo; s&rsquo;est form&eacute;e dans le monde professionnel. Et non pas seulement comme usager, mais comme sujet parlant, auteur de sa propre parole dans une et m&ecirc;me plusieurs langues.</p> <p style="text-align:justify">Ainsi, nous avons pu parler et faire parler sur la bande-annonce du film <em>Jimmy P.</em> (d&rsquo;A. Desplechin, sept. 2013) mettant en relation de soin puis d&rsquo;amiti&eacute; l&rsquo;ethnopsychanalyste Devereux et Jimmy Picard, Indien mohave revenu bless&eacute; de la premi&egrave;re guerre mondiale&nbsp;: compr&eacute;hension orale, d&eacute;cryptage des gestes et attitudes, expressions d&rsquo;opinion, de ressenti&hellip; Sur tous ces plans, l&rsquo;interculturel se r&eacute;v&egrave;le un formidable condensateur d&rsquo;attention, d&rsquo;&eacute;motion, de motivation. L&rsquo;interculturel ne s&rsquo;use donc que si on ne s&rsquo;en sert pas, car il s&rsquo;adresse en r&eacute;alit&eacute; autant &agrave; la raison qu&rsquo;au c&oelig;ur. Et la classe de langue n&rsquo;est pas n&eacute;cessairement format&eacute;e et dirig&eacute;e d&rsquo;en haut par le CECR pour ce qui est des m&eacute;thodologies, les enseignants tiennent &eacute;videmment compte de la r&eacute;gulation certificatrice en aval. Il se passe que chacun, &eacute;l&egrave;ves, apprenants, enseignant(s), parle, dit, &eacute;coute, quel que soit son niveau et sans souci de perspective actionnelle ni de faire &agrave; tout prix. Expressions cr&eacute;atives, &eacute;coute, attention, estime de soi, intelligences multiples vs communication entre acteurs sociaux et usagers.</p> <p style="text-align:justify">Et puis il faudrait aussi dire quelques mots d&rsquo;un r&eacute;cit avec lequel nous avons &oelig;uvr&eacute;, Ce qu&rsquo;il advint du sauvage blanc (prix Goncourt du premier roman, 2012&nbsp;: 44-45), en particulier la sc&egrave;ne de rencontre de deux &ecirc;tres &ndash; deux univers &ndash; ne partageant pas la m&ecirc;me langue, et des aventures qui ont suivi, et aussi de l&rsquo;&eacute;criture cr&eacute;ative, dont la consigne &eacute;tait &laquo;&nbsp;&eacute;crire un mensonge &raquo;, &agrave; partir du site <a href="http://www.ecrituredesoi.net/">www.ecrituredesoi.net</a> en lien avec <em>Le Magazine litt&eacute;raire</em> consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;autobiographie (n&deg;409 / 2002 &amp; hors-s&eacute;rie n&deg;11/2007). Voil&agrave; pourquoi l&rsquo;avant-dernier mot de cette contribution est&nbsp;: <em>Assez d&rsquo;acteurs sociaux, assez d&rsquo;utilisateurs, assez de partenaires de l&rsquo;apprentissage &ndash; On demande des auteurs&nbsp;!</em></p> <h3 style="text-align:left">Des auteurs, oui&nbsp;: vers une perspective auctoriale</h3> <p style="text-align:justify">Ce texte ne signifie point que son auteur est contre la paix, la prosp&eacute;rit&eacute; et l&rsquo;harmonie en Europe, ces principes qui sont &agrave; l&rsquo;origine m&ecirc;me de l&rsquo;ambition europ&eacute;enne ayant donn&eacute;e naissance &agrave; la CEE, bien au contraire, et on va le voir <em>in fine</em>. Cependant, le parti pris dans le <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> pour les langues, peut-&ecirc;tre en &eacute;cho lointain au mot attribu&eacute; &agrave; tort &agrave; Jean Monnet, &laquo;&nbsp;si c&rsquo;&eacute;tait &agrave; refaire, je commencerai par la culture&nbsp;&raquo;, ne semble pas la meilleure fa&ccedil;on de susciter une citoyennet&eacute; europ&eacute;enne hors sol car fond&eacute;e sur un non-&Eacute;tat europ&eacute;en et selon des proc&eacute;d&eacute;s au final proches de la manipulation. La seule perspective qui vaille est une d&eacute;mocratie r&eacute;elle, autrement dit une relation humaine, qui se produit dans l&rsquo;enseignement et l&rsquo;apprentissage des langues tout en produisant cet apprentissage.</p> <p style="text-align:justify">Enfin, point ultime, ne perdons pas de vue que les peuples gardent la m&eacute;moire des contraintes. On le sait pour et par les guerres, puisque celles-ci recommencent &agrave; intervalles r&eacute;guliers (voir l&rsquo;ex-Yougoslavie, pour ne parler que du continent europ&eacute;en), on le sait moins, ou on feint de n&rsquo;en rien savoir pour les violences et contraintes plus &laquo;&nbsp;douces&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire maquill&eacute;es, dissimul&eacute;es. Or le <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> pour les langues constitue une tentative habile de faire changer les paradigmes ordinaires, culturellement situ&eacute;s, traditionnels de l&rsquo;enseignement des langues en suscitant la cr&eacute;ation d&rsquo;un citoyen europ&eacute;en. Cela, de la m&ecirc;me mani&egrave;re que les l&eacute;gislateurs de 1882 pour l&rsquo;&eacute;cole primaire visaient l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un citoyen r&eacute;publicain par-del&agrave; religion, provincialisme et tradition. Or, plus de cent ans apr&egrave;s, les enseignants du primaire en France ont encore les mots et la m&eacute;moire de cette &eacute;tape, engramm&eacute;e dans la m&eacute;moire transg&eacute;n&eacute;rationnelle individuelle et collective, on l&rsquo;entend &agrave; leurs mots, &laquo;&nbsp;la th&eacute;orie&nbsp;&raquo;, par exemple, venus tout droit des Cahiers et Programmes de la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, et de m&ecirc;me les &eacute;l&egrave;ves ou ex-&eacute;l&egrave;ves des si&egrave;cles suivants, qui appr&eacute;ci(ai)ent mod&eacute;r&eacute;ment de &laquo;&nbsp;rentrer dans le moule&nbsp;&raquo;. Tels sont les r&eacute;sultats d&rsquo;une &eacute;tude sur corpus diff&eacute;rents autour du th&egrave;me de la transmission transg&eacute;n&eacute;rationnelle (Colloque <em>Crossroads in Cultural Studies</em>, 6-8 juillet, universit&eacute; Paris-3, symposium &laquo;&nbsp;Memory, migration, mobility&nbsp;&raquo;&nbsp;; WRAP Conference, <em>Writing Resaerch Across Borders</em>, 18-21 f&eacute;vrier 2014, universit&eacute; Paris-10). Pour cette raison &eacute;galement, et c&rsquo;est l&rsquo;horizon prochain du CECR&nbsp;: on demande d&rsquo;urgence des auteurs, pas des acteurs.</p> <h2 style="text-align:justify">R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p style="text-align:justify">ANSERMET P. &amp; MAGISTRETTI F.,&nbsp;<em>2004, &Agrave; chacun son cerveau</em>, Paris&nbsp;: Odile Jacob.</p> <p style="text-align:justify">(de) BALZAC H., 1832, 1<sup>re</sup>&nbsp;&eacute;d.,&nbsp;<em>Louis Lambert</em>, roman accessible aussi ici&nbsp;:</p> <p style="text-align:justify">BEACCO J.-C., 1995, &laquo;&nbsp;<em>La</em>&nbsp;m&eacute;thodologie circulante&nbsp;<em>et les</em>&nbsp;m&eacute;thodologies&nbsp;<em>constitu&eacute;es</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Fran&ccedil;ais Dans le Monde</em>&nbsp;&ndash; Recherches et Applications &laquo;&nbsp;M&eacute;thodes et m&eacute;thodologies&nbsp;&raquo;,&nbsp;dir. P&eacute;cheur J. &amp; Vigner G.</p> <p style="text-align:justify">BERCHOUD, 2013, &laquo;&nbsp;L&rsquo;intime et le Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les langues&nbsp;&raquo; chap. 7 (169-177), &laquo;&nbsp;in Berchoud M., Rui B. &amp; Mallet C.,&nbsp;<em>L&rsquo;intime et l&rsquo;apprendre &ndash; la question des langues vivantes</em>, Berne&nbsp;: Peter Lang.</p> <p style="text-align:justify">BESSE H., 1992,&nbsp;<em>M&eacute;thodes et pratiques des manuels de langue</em>, Paris&nbsp;: Didier. R&eacute;&eacute;d. 2000.</p> <p style="text-align:justify">CALVET l.-J., 1996,&nbsp;<em>Les politiques linguistiques</em>, Paris&nbsp;: PUF, coll. &laquo;&nbsp;Que sais-je&nbsp;&raquo;</p> <p style="text-align:justify">DROZ-MENDELZWEIG M., 2010, &laquo;&nbsp;La plasticit&eacute; c&eacute;r&eacute;brale de Cajal &agrave; Kandel : cheminement d&rsquo;une notion constitutive du sujet c&eacute;r&eacute;bral&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue d&rsquo;Histoire des Sciences</em>&nbsp;(2010&nbsp;: t. 63-2, 661-698).</p> <p style="text-align:justify">GARDE F., 2012,&nbsp;<em>Ce qu&rsquo;il advint du sauvage blanc</em>, Paris&nbsp;: Gallimard, puis Livre de poche.</p> <p style="text-align:justify">MAURER B. 2011,&nbsp;<em>Enseignement des langues et construction europ&eacute;enne</em>, Paris&nbsp;: &eacute;ditions des Archives contemporaines.</p> <p style="text-align:justify">MICHEL S. &amp; LEDRU M., 1990, &laquo;&nbsp;Description des comp&eacute;tences et formation : une approche cognitive&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;ducation permanente</em>, n&deg; 105.</p> <p style="text-align:justify">PORCHER L., 1980,&nbsp;<em>Interrogations sur les besoins langagiers en contextes scolaires</em>, Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.<br /> PORCHER L.,&nbsp;1995,&nbsp;<em>Le fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re</em>, paris&nbsp;: CNDP / Hachette</p> <p style="text-align:justify">PUREN C., 1988,&nbsp;<em>Histoire des m&eacute;thodes et m&eacute;thodologies de l&rsquo;enseignement des langues</em>, Paris&nbsp;: Cl&eacute; international, disponible ici&nbsp;:&nbsp;<a href="http://www.christianpuren.com/mes-travaux-liste-et-liens/1988a/">http://www.christianpuren.com/mes-travaux-liste-et-liens/1988a/</a></p> <p style="text-align:justify">RICHTERICH R., 1972,&nbsp;<em>Un mod&egrave;le pour la d&eacute;finition des besoins langagiers des adultes apprenant une langue &eacute;trang&egrave;re</em>, Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">RICHTERICH R. &amp; CHANCEREL J.-L., 1978,&nbsp;<em>L&rsquo;identification des besoins des adultes apprenant une langue &eacute;trang&egrave;re</em>, Strasbourg : Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">VAL&Eacute;RY P., 1935,&nbsp;<em>&laquo;&nbsp;Vari&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, &OElig;uvres</em>, t. 1, Paris&nbsp;: Gallimard, coll &laquo;&nbsp;Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align:justify"><strong>Documents institutionnels</strong></p> <p style="text-align:justify">Minist&egrave;re de l&rsquo;Instruction publique, 1882, Instructions et programmes, BO du 2 ao&ucirc;t 1882. Accessible sur l&rsquo;internet ici&nbsp;:<br /> http://www.inrp.fr/edition-electronique/ (ou)&nbsp;<a href="http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes.htm">http://jl.bregeon.perso.sfr.fr/Programmes.htm</a></p> <p>Conseil de l&rsquo;Europe, Division des Migrations :<br /> <a href="http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/search_themes/notices/language_needs_FR.asp">http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/liam/search_themes/notices/language_needs_FR.asp</a></p> <hr /> <h2 style="text-align:justify">Notes</h2> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a> L&rsquo;adjectif &laquo;&nbsp;actionnel&nbsp;&raquo; dans son co-texte&nbsp;balzacien : &laquo;&nbsp;ce pouvoir prodigieux dont dispose l&#39;&ecirc;tre actionnel qui, suivant Lambert, peut s&#39;isoler compl&egrave;tement de l&#39;<em>&ecirc;tre r&eacute;actionnel</em>, en briser l&#39;enveloppe, faire tomber les murailles devant sa toute-puissante vue&nbsp;&raquo; Louis Lambert, 1832, p. 82&lt;; Soit le triomphe d&rsquo;un sens sur tous les autres, et de l&rsquo;action sur les autres inclinations, choix et besoins de l&rsquo;&ecirc;tre humain.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Remarque&nbsp;: <em>une l&rsquo;acceptation</em>, citation faite selon le texte du Cadre paru chez Didier en 2001.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> Voici l&rsquo;ensemble des sept questions&nbsp;:<br /> &laquo;&nbsp;Que faisons-nous exactement lors d&rsquo;un &eacute;change oral ou &eacute;crit avec autrui ?<br /> &ndash; Qu&rsquo;est-ce qui nous permet d&rsquo;agir ainsi ?<br /> &ndash; Quelle part d&rsquo;apprentissage cela n&eacute;cessite-t-il lorsque nous essayons d&rsquo;utiliser une nouvelle langue ?<br /> &ndash; Comment fixons-nous nos objectifs et marquons-nous notre progr&egrave;s entre l&rsquo;ignorance totale et la ma&icirc;trise effective de la langue &eacute;trang&egrave;re ?<br /> &ndash; Comment s&rsquo;effectue l&rsquo;apprentissage de la langue ?<br /> &ndash; Que faire pour aider les gens &agrave; mieux apprendre une langue ?&nbsp;&raquo;</p>