<h2>1. Introduction</h2> <p style="text-align:justify">Apparue &agrave; la suite et en compl&eacute;ment des notions de savoir et de <em>savoir-faire</em>, la notion de savoir-&ecirc;tre s&rsquo;est progressivement d&eacute;velopp&eacute;e en didactique des langues-cultures pour devenir aujourd&rsquo;hui, sous l&rsquo;influence massive des travaux du Conseil de l&rsquo;Europe, une composante essentielle des descripteurs de la comp&eacute;tence plurilingue et interculturelle.</p> <p>L&agrave; o&ugrave; le savoir vise principalement &agrave; l&rsquo;acquisition de connaissances, et le savoir-faire &agrave; leur mise en &oelig;uvre pratique, le savoir-&ecirc;tre a pour objectif le d&eacute;veloppement d&rsquo;attitudes et de mani&egrave;res de penser. Centr&eacute; sur le perfectionnement moral de l&rsquo;individu, il se trouve directement au service de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle promue par le Conseil de l&rsquo;Europe, qui, comme le r&eacute;sume Lenz et Berthele, &laquo;&nbsp;s&rsquo;int&eacute;resse principalement &agrave; l&#39;int&eacute;gration de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; dans le mode de pens&eacute;e et de fonctionnement de l&#39;apprenant&nbsp;&raquo; (2010, p. 19&nbsp;; cit&eacute; par Maurer 2011, p. 22).</p> <p>En ce sens, le savoir-&ecirc;tre d&eacute;passe l&rsquo;horizon de l&rsquo;enseignement-apprentissage des langues-cultures pour investir normativement celui des valeurs, des attitudes et des comportements. Une telle vis&eacute;e nous semble m&eacute;riter une attention toute particuli&egrave;re.</p> <p>Objet d&rsquo;un discours essentiellement prescriptif, le savoir-&ecirc;tre n&rsquo;a toutefois pas donn&eacute; lieu &agrave; de v&eacute;ritables analyses th&eacute;oriques en didactique des langues-cultures. L&rsquo;objectif de cet article est donc de proposer, d&rsquo;un point de vue th&eacute;orique, un &eacute;clairage plus approfondi de la notion de savoir-&ecirc;tre. &Agrave; travers l&rsquo;analyse des implications de sa mise en &oelig;uvre dans la formation des enseignants et des apprenants, nous essaierons d&rsquo;interroger le sens, la pertinence et la l&eacute;gitimit&eacute; de cette notion en didactique des langues-cultures. Pour ce faire, notre &eacute;tude se basera sur diverses productions du Conseil de l&rsquo;Europe, et plus particuli&egrave;rement sur <em>Le Cadre de R&eacute;f&eacute;rence pour les Approches Plurielles des langues et des cultures</em> &ndash; <em>Comp&eacute;tences et ressources</em><sup><a href="#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1">1</a></sup> (Candelier <em>et al.</em>, 2012).</p> <p>Mais avant d&rsquo;entrer dans le vif de l&rsquo;analyse, un travail de clarification conceptuelle s&rsquo;impose&nbsp;: quelle signification la notion de savoir-&ecirc;tre rev&ecirc;t-elle&nbsp;exactement ? Poss&egrave;de-t-elle une unit&eacute; conceptuelle&nbsp;? Se rapporte-t-elle &agrave; une vision particuli&egrave;re de l&rsquo;&eacute;thique&nbsp;? La premi&egrave;re partie de notre &eacute;tude essaiera d&rsquo;apporter des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;ponse &agrave; ce questionnement.</p> <h2>2. Le savoir-&ecirc;tre&nbsp;: cadre d&eacute;finitoire et th&eacute;orique</h2> <h3>2.1. Une notion h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne</h3> <p>Particuli&egrave;rement utilis&eacute;e en gestion des ressources humaines, la notion de savoir-&ecirc;tre occupe une place importante dans les r&eacute;f&eacute;rentiels de comp&eacute;tences. Depuis longtemps en vogue dans la litt&eacute;rature manag&eacute;riale, et plus r&eacute;cemment dans la litt&eacute;rature didactique, elle n&rsquo;a cependant fait l&rsquo;objet que d&rsquo;un nombre restreint d&rsquo;analyses ou de d&eacute;finitions. Dans un ouvrage consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;tude du savoir-&ecirc;tre dans l&rsquo;entreprise, Bellier en arrive ainsi au constat suivant&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;En fait, le constat que nous pouvons faire syst&eacute;matiquement consiste &agrave; trouver &agrave; la fois une d&eacute;finition tr&egrave;s floue du savoir-&ecirc;tre et des exemples ou des listes de crit&egrave;res tout &agrave; fait pr&eacute;cis, mais qui ne rel&egrave;vent pas d&rsquo;une conceptualisation claire.&nbsp;&raquo; (2008, p. 71)</p> </blockquote> <p>Ce constat vaut aussi pour les outils du Conseil de l&rsquo;Europe. Dans la d&eacute;finition suivante du CECR<sup><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">2</a></sup>, le savoir-&ecirc;tre correspond en effet davantage &agrave; une liste de notions h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes qu&rsquo;&agrave; un concept clair et finalis&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Les savoir-&ecirc;tre sont &agrave; consid&eacute;rer comme des dispositions individuelles, des traits de personnalit&eacute;, des dispositifs d&rsquo;attitudes, qui touchent, par exemple, &agrave; l&rsquo;image de soi et des autres, au caract&egrave;re introverti ou extraverti manifest&eacute; dans l&rsquo;interaction sociale.&nbsp;&raquo; (2001, p. 17)</p> </blockquote> <p>Dans le CARAP, on observe ce m&ecirc;me flou d&eacute;finitoire. Sur le mod&egrave;le du CECR, le savoir-&ecirc;tre y est davantage d&eacute;crit &agrave; travers un ensemble de cat&eacute;gories h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes que d&eacute;fini dans un cadre conceptuel pr&eacute;cis. Les comp&eacute;tences r&eacute;f&eacute;renc&eacute;es sous la notion de savoir-&ecirc;tre correspondent ainsi tant&ocirc;t &agrave; des qualit&eacute;s morales (&laquo;&nbsp;respecter les diff&eacute;rences et la diversit&eacute;&nbsp;&raquo;, p. 41&nbsp;; &laquo;&nbsp;consid&eacute;rer toutes les langues comme &eacute;gales en dignit&eacute;&nbsp;&raquo;, p. 41, etc.), tant&ocirc;t &agrave; des traits de caract&egrave;re (&laquo;&nbsp;confiance en soi&nbsp;&raquo;, p. 46&nbsp;; &laquo; estime de soi &raquo;, p. 47, etc.), tant&ocirc;t &agrave; des dispositions (&laquo;&nbsp;&ecirc;tre dispos&eacute; &agrave; apprendre de ses erreurs&nbsp;&raquo;, p. 45&nbsp;; &laquo;&nbsp;attitude positive vis-&agrave;-vis de l&rsquo;apprentissage des langues&nbsp;&raquo;, p. 48), tant&ocirc;t enfin &agrave; des sentiments (&laquo; sentiment de familiarit&eacute;&nbsp;&raquo;, p. 46&nbsp;; &laquo;&nbsp;d&eacute;sir d&rsquo;apprendre d&rsquo;autres langues, p. 48, etc.).</p> <p>La question se pose alors&nbsp;: au-del&agrave; de l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; manifeste de ces cat&eacute;gories descriptives, existe-t-il une homog&eacute;n&eacute;it&eacute; au fondement de la notion de savoir-&ecirc;tre&nbsp;?</p> <h3>2.2. Une dimension morale</h3> <p>Si le savoir-&ecirc;tre ne semble poss&eacute;der en soi-m&ecirc;me aucune unit&eacute; conceptuelle, l&rsquo;ensemble des cat&eacute;gories qu&rsquo;il sous-tend reposent toutefois sur la notion commune&nbsp;de personnalit&eacute;. Comme le souligne ainsi Bellier,</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>[l]</em>e savoir-&ecirc;tre est une notion qui se situe dans une vision homog&egrave;ne de la psychologie &ndash; qui consiste &agrave; penser que la personnalit&eacute; existe et qu&rsquo;elle est d&eacute;terminante dans l&rsquo;explication des &eacute;v&eacute;nements.&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 65)</p> </blockquote> <p>Dans cette perspective, le savoir-&ecirc;tre est directement li&eacute;e au caract&egrave;re, lequel est constitu&eacute; d&rsquo;un ensemble de traits renvoyant &agrave; des comportements particuliers. Un individu bavard, entreprenant et spontan&eacute; sera ainsi consid&eacute;r&eacute; comme extraverti&nbsp;; un autre, silencieux, timide et r&eacute;serv&eacute; sera consid&eacute;r&eacute; comme introverti. Il est &agrave; noter que cette conception du savoir-&ecirc;tre est aussi celle que l&rsquo;on observe au sein du CECR&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;activit&eacute; de communication des utilisateurs/apprenants est non seulement affect&eacute;e par leurs connaissances, leur compr&eacute;hension et leurs aptitudes mais aussi par <strong>des facteurs personnels li&eacute;s &agrave; leur personnalit&eacute; propre et caract&eacute;ris&eacute;s par les attitudes, les motivations, les valeurs, les croyances, les styles cognitifs et les types de personnalit&eacute; qui constituent leur identit&eacute;.</strong>&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 84, nous soulignons)</p> </blockquote> <p>En ce qu&rsquo;elle a trait &agrave; la personnalit&eacute;, la notion de savoir-&ecirc;tre d&eacute;passe donc largement l&rsquo;horizon des connaissances et des aptitudes li&eacute;es &agrave; l&rsquo;exercice d&rsquo;une profession ou &agrave; la pratique d&rsquo;une langue&nbsp;; elle concerne chacun dans son identit&eacute; individuelle, familiale et culturelle. En ce qu&rsquo;elle vise par ailleurs au perfectionnement individuel, elle porte en soi un jugement normatif sur ce qu&rsquo;il convient d&rsquo;&ecirc;tre, lequel repose sur une vision particuli&egrave;re du bien et du mal.</p> <p>Cette dimension morale du savoir-&ecirc;tre contribue &agrave; en faire une comp&eacute;tence sp&eacute;cifique qu&rsquo;il convient d&rsquo;interroger du point de vue de l&rsquo;&eacute;thique&nbsp;: le savoir-&ecirc;tre se rapporte-t-il &agrave; une option particuli&egrave;re de l&rsquo;&eacute;thique normative&nbsp;? Si oui, &agrave; laquelle&nbsp;?</p> <h3>2.3. Une &eacute;thique de la vertu</h3> <p>Nous chercherons &agrave; montrer ici que la notion de savoir-&ecirc;tre s&rsquo;inscrit dans la tradition de l&rsquo;&eacute;thique de la vertu. &Agrave; cette fin, il convient pr&eacute;alablement de dresser un bref aper&ccedil;u des trois grandes th&eacute;ories &eacute;thiques que l&rsquo;on distingue g&eacute;n&eacute;ralement en philosophie morale (cf. notamment Ogien &amp; Tappolet, 2008&nbsp;; Billier, 2010)&nbsp;: le d&eacute;ontologisme, le cons&eacute;quentialisme et l&rsquo;&eacute;thique de la vertu.</p> <p>Le d&eacute;ontologisme (ou &eacute;thique du devoir), majoritairement inspir&eacute; de Kant, accorde la priorit&eacute; au respect de r&egrave;gles. Dans cette perspective, on consid&egrave;re qu&rsquo;il y a des choses &agrave; faire (tenir ses promesses, etc.) et d&rsquo;autres &agrave; ne pas faire (ne pas mentir, etc.), ind&eacute;pendamment des cons&eacute;quences possibles de nos actes.</p> <p>L&rsquo;approche cons&eacute;quentialiste (ou utilitariste) accorde pour sa part la priorit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation des cons&eacute;quences de nos actes. Dans cette perspective, ce qui importe moralement, ce n&rsquo;est pas le respect de devoirs absolus, mais la promotion du plus grand bien pour le plus grand nombre.</p> <p>Quant &agrave; l&rsquo;&eacute;thique de la vertu (ou vertuisme), dont on attribue g&eacute;n&eacute;ralement la premi&egrave;re th&eacute;orisation &agrave; Aristote, elle fait de l&rsquo;exercice de la vertu un travail d&rsquo;accomplissement de soi. Comme le notent Ogien et Tappolet, ce qui compte le plus dans cette perspective, ce n&rsquo;est pas le respect de grands principes, ni la promotion du plus grand bien, mais le perfectionnement individuel&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Toutes <em>[l]</em>es versions de l&rsquo;&eacute;thique de la vertu donnent la priorit&eacute; au caract&egrave;re de l&rsquo;agent dans l&rsquo;&eacute;valuation de la morale, les vertus n&rsquo;&eacute;tant rien d&rsquo;autre que des traits de caract&egrave;re. Elles affirment que ce sont ces derniers qui comptent moralement, pas nos actions ou nos devoirs. C&rsquo;est pourquoi les partisans de l&rsquo;&eacute;thique de la vertu consid&egrave;rent en g&eacute;n&eacute;ral que la question morale principale n&rsquo;est pas &laquo;&nbsp;Que dois-je faire&nbsp;? &raquo;, mais &laquo;&nbsp;Quel genre de personne dois-je &ecirc;tre&nbsp;?&nbsp;&raquo; (2008, p. 148-149)</p> </blockquote> <p>&Agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de la conception <em>imp&eacute;rative</em> de ses deux concurrentes, l&rsquo;&eacute;thique de la vertu propose donc une conception <em>attractive</em> de la morale. Promouvant un mod&egrave;le de perfection personnelle, elle est directement centr&eacute;e sur l&rsquo;agent, sur sa personnalit&eacute;, ses dispositions et ses sentiments. En ceci, il nous est possible d&rsquo;&eacute;tablir un lien entre la notion de savoir-&ecirc;tre et l&rsquo;&eacute;thique de la vertu. De mani&egrave;re plus g&eacute;n&eacute;rale, on remarquera que l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle promue par le Conseil de l&rsquo;Europe, en ce qu&rsquo;elle &laquo;&nbsp;vise la formation de la personne, l&rsquo;&eacute;panouissement de son potentiel individuel&nbsp;&raquo; (Beacco <em>et al</em>., 2010, p. 19) s&rsquo;apparente aussi directement &agrave; une forme de vertuisme.</p> <h2>3. Le savoir-&ecirc;tre&nbsp;en didactique des langues-cultures : analyse et interpr&eacute;tation</h2> <p>Comme le r&eacute;sume Bellier, &laquo;&nbsp;le savoir-&ecirc;tre, en soi, ne signifie pas grand-chose mais la mani&egrave;re dont on le d&eacute;crit dans une organisation signifie beaucoup&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 50). Continuant &agrave; explorer l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;un lien entre le savoir-&ecirc;tre et l&rsquo;&eacute;thique de la vertu, nous nous int&eacute;resserons donc dans la section suivante &agrave; la mani&egrave;re dont le savoir-&ecirc;tre est d&eacute;crit en didactique des langues-cultures.</p> <h3>3.1. Une aporie identitaire</h3> <p>S&rsquo;inscrivant dans la philosophie pacifiste du Conseil de l&rsquo;Europe &ndash; qui, rappelons-le, est une organisation politique dont la principale vocation est de renforcer l&rsquo;unit&eacute; de l&rsquo;Europe en y garantissant la paix et la d&eacute;mocratie &ndash;, l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle vise entre autres &agrave; l&rsquo;&eacute;vitement du conflit interculturel ainsi qu&rsquo;&agrave; la compr&eacute;hension entre les peuples. Dans cette perspective, les valeurs humanistes d&rsquo;ouverture, de respect de l&rsquo;autre ou encore d&rsquo;empathie sont massivement promues.</p> <p>Parmi les savoir-&ecirc;tre r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s dans le CARAP, ceux relatifs &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; occupent ainsi une place tout &agrave; fait pr&eacute;pond&eacute;rante. Citons-en quelques exemples&nbsp;: &laquo;&nbsp;acceptation positive de l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (p. 37)&nbsp;; &laquo;&nbsp;ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; (p. 38)&nbsp;; &laquo;&nbsp;empathie envers l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; (p. 38)&nbsp;; &laquo;&nbsp;disponibilit&eacute; &agrave; essayer de se comporter de mani&egrave;re consid&eacute;r&eacute;e comme appropri&eacute;e par l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (p. 42)&nbsp;; &laquo;&nbsp;volont&eacute; d&rsquo;entrer en contact avec autrui&nbsp;&raquo; (p. 43)&nbsp;; &laquo;&nbsp;&ecirc;tre dispos&eacute; &agrave; se mettre &agrave; la place de l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (p. 45), etc.</p> <p>&Agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, de telles aptitudes apparaissent n&eacute;cessaires, mais sont-elles pour autant suffisantes &agrave; l&rsquo;agir en contexte interculturel&nbsp;? Et surtout, correspondent-elles bien &agrave; la complexit&eacute; des m&eacute;canismes identitaires en jeu dans les processus interactifs&nbsp;? Il y a plusieurs raisons d&rsquo;en douter.</p> <p>Comme le montre en effet diverses &eacute;tudes en psychologie sociale (cf. notamment Camilleri, 1990&nbsp;; Marc, 2005&nbsp;; Vinsonneau, 2005), la construction identitaire &ndash; processus complexe et paradoxal &ndash; r&eacute;sulte d&rsquo;un rapport dialectique entre le m&ecirc;me et l&rsquo;autre &agrave; travers lequel l&rsquo;individu cherche &agrave; se faire reconna&icirc;tre par autrui et &agrave; affirmer sa singularit&eacute;. Ainsi que le souligne Marc, ce paradoxe identitaire se traduit par deux strat&eacute;gies antagonistes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;<em>[L]</em>a qu&ecirc;te de reconnaissance et la d&eacute;fense de l&rsquo;identit&eacute; vont entra&icirc;ner tant&ocirc;t des strat&eacute;gies d&rsquo;assimilation et tant&ocirc;t de diff&eacute;renciation. Par les premi&egrave;res, le sujet tend &agrave; se rendre pareil aux autres (&hellip;). <strong>Par les secondes, il vise au contraire &agrave; se distinguer, &agrave; affirmer sa singularit&eacute; et son originalit&eacute;</strong>.&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 213, nous soulignons)</p> </blockquote> <p>Engag&eacute; dans ce processus de construction identitaire, l&rsquo;individu est ainsi appel&eacute; &agrave; &ecirc;tre lui-m&ecirc;me, &agrave; affirmer son identit&eacute;&nbsp;; davantage peut-&ecirc;tre &ndash; du moins peut-on en faire l&rsquo;hypoth&egrave;se &ndash; dans un contexte interculturel o&ugrave; sa position relative d&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; et d&rsquo;inf&eacute;riorit&eacute; peut rendre son besoin de reconnaissance encore plus intense. Demorgon note ainsi, &agrave; propos de l&rsquo;agir interculturel, qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;ne doit pas &ecirc;tre compris comme une n&eacute;cessit&eacute; de se soumettre &agrave; l&rsquo;autre par gentillesse ou par politesse&nbsp;&raquo; (2005, p. 195).</p> <p>Si l&rsquo;empathie satisfait notamment au besoin de conformit&eacute;, elle ne r&eacute;pond pas en revanche &agrave; la recherche de singularit&eacute;, laquelle suppose la reconnaissance du conflit inh&eacute;rent &agrave; la dialectique identitaire. Dans cette perspective, comme l&rsquo;observe Marc, la difficult&eacute; de l&rsquo;agir social consiste tout autant &agrave; se centrer sur soi-m&ecirc;me&nbsp;que sur l&rsquo;autre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;observation montre que la diff&eacute;renciation n&rsquo;intervient que lorsqu&rsquo;est acquise une certaine s&eacute;curit&eacute; identitaire et qu&rsquo;est surmont&eacute;e la peur du jugement et du rejet. (&hellip;). La capacit&eacute; de diff&eacute;renciation est donc &eacute;troitement li&eacute;e au processus d&rsquo;int&eacute;gration et de coh&eacute;sion interne. <strong>Elle suppose l&rsquo;aptitude &agrave; se distancier et &agrave; se s&eacute;parer d&rsquo;autrui</strong>.&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 220-221, nous soulignons)</p> </blockquote> <p>En d&rsquo;autres termes, on ne peut s&rsquo;ouvrir &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; sans &ecirc;tre aussi capable de s&rsquo;y fermer. L&rsquo;acceptation de l&rsquo;autre va de pair avec l&rsquo;affirmation de sa propre identit&eacute;, ces deux processus ne pouvant se saisir l&rsquo;un ind&eacute;pendamment de l&rsquo;autre.</p> <p>Et c&rsquo;est l&agrave; une limite manifeste de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle &ndash; ainsi que plus globalement des travaux du Conseil de l&rsquo;Europe<sup><a href="#_ftn3" name="_ftnref3">3</a></sup> &ndash; que de faire porter un accent quasi exclusif sur le p&ocirc;le de l&rsquo;assimilation, du partage et du consensus, d&eacute;laissant de fait, en partie au moins, celui &ndash; tout aussi fondamental &ndash; de la singularisation, de la diff&eacute;renciation et du dissensus.</p> <p>Il est patent toutefois que les auteurs du CARAP cherchent &agrave; prendre en consid&eacute;ration cette n&eacute;cessit&eacute; de distanciation envers l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Ainsi mettent-ils l&rsquo;accent sur une &laquo;&nbsp;comp&eacute;tence &agrave; analyser de fa&ccedil;on critique la situation et les activit&eacute;s (&hellip;) dans lesquelles on est engag&eacute;&nbsp;&raquo; (p. 23)&nbsp;; comp&eacute;tence, qui, dans la liste correspondante des savoir-&ecirc;tre, semble r&eacute;f&eacute;renc&eacute;e &ndash; de mani&egrave;re tout &agrave; fait ponctuelle &ndash; sous la forme d&rsquo;une &laquo;&nbsp;attitude critique &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des valeurs d&rsquo;autrui&nbsp;&raquo; (p. 44). &Agrave; l&rsquo;&eacute;vidence toutefois, cette attitude critique entre en opposition directe avec l&rsquo;ensemble des savoir-&ecirc;tre relatifs &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.</p> <p>On s&rsquo;&eacute;tonnera d&egrave;s lors que la probl&eacute;matique identitaire sous-tendue par cette opposition ne soit pas explicitement abord&eacute;e, ni m&ecirc;me simplement &eacute;voqu&eacute;e par les auteurs. Si l&rsquo;on reconna&icirc;t en effet qu&rsquo;il est tout aussi n&eacute;cessaire d&rsquo;&ecirc;tre capable de &laquo;&nbsp;suspendre son jugement&nbsp;&raquo; que de pouvoir adopter une &laquo;&nbsp;attitude critique &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des valeurs d&rsquo;autrui&nbsp;&raquo;, la question inh&eacute;rente &agrave; l&rsquo;agir en contexte interculturel est alors de savoir <em>quand</em>, et surtout <em>pourquoi</em>, on adoptera l&rsquo;une ou l&rsquo;autre de ces deux attitudes antagonistes.</p> <p>Sur ce point &ndash; essentiel &ndash;, le CARAP ne nous est d&rsquo;aucune utilit&eacute;. Pire encore, en faisant fi de cette probl&eacute;matique identitaire, il contribue &agrave; renforcer la confusion. On l&rsquo;a vu, la notion de savoir-&ecirc;tre&nbsp;est li&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;thique de la vertu. Diverses questions &ndash; intrins&egrave;ques &agrave; cette orientation &eacute;thique (cf. Billier, 2010, p. 237) &ndash; surgissent&nbsp;alors : les savoir-&ecirc;tre r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s dans le CARAP sont-ils moraux ? L&rsquo;empathie est-elle une vertu vers laquelle il nous faudrait toujours tendre&nbsp;? L&rsquo;&eacute;gocentrisme est-il toujours un vice&nbsp;? Ces questions admettent-elles des r&eacute;ponses ind&eacute;pendamment des fins que nous poursuivons&nbsp;? N&rsquo;est-il pas bon, par exemple, si on a le sentiment de perdre son autonomie, de faire preuve d&rsquo;&eacute;gocentrisme ?</p> <p>&Agrave; l&rsquo;&eacute;vidence, les processus de construction identitaire et d&rsquo;ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; sont plus complexes que ne le laissent entrevoir les savoir-&ecirc;tre r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s dans le CARAP. Plus globalement, le postulat de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle selon lequel l&rsquo;apprentissage de plusieurs langues-cultures conditionnerait l&rsquo;ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &ndash; et vice-versa &ndash; n&rsquo;a rien d&rsquo;&eacute;vident. Le plurilinguisme n&rsquo;est pas le garant suffisant, ni m&ecirc;me n&eacute;cessaire, d&rsquo;une ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;; et pareillement, le monolinguisme ne saurait &ecirc;tre la marque de son refus. La didactique des langues-cultures n&rsquo;a pas le monopole de ces questions identitaires. D&rsquo;un point de vue moral, on peut d&rsquo;ailleurs se demander en quoi un enseignant de langues-cultures serait l&eacute;gitim&eacute; &agrave; interf&eacute;rer normativement sur l&rsquo;identit&eacute; de ses apprenants. Dans la section suivante, nous verrons qu&rsquo;un tel projet rel&egrave;ve avant tout d&rsquo;une conception maximaliste de l&rsquo;&eacute;thique.</p> <h3>3.2. Un maximalisme &eacute;thique</h3> <p>Nous l&rsquo;avons vu ci-avant, il est commun de distinguer trois grandes th&eacute;ories en philosophie morale&nbsp;: le d&eacute;ontologisme, le cons&eacute;quentialisme et l&rsquo;&eacute;thique de la vertu. S&rsquo;inspirant du lib&eacute;ralisme de Mill (1990), Ogien (2007) propose quant &agrave; lui d&rsquo;organiser le champ de l&rsquo;&eacute;thique en deux cat&eacute;gories&nbsp;: le maximalisme et le minimalisme. En opposition &agrave; une conception maximaliste ou paternaliste de l&rsquo;&eacute;thique qui vise notamment &agrave; &laquo;&nbsp;prot&eacute;ger les gens d&rsquo;eux-m&ecirc;mes ou &agrave; essayer de faire leur bien sans tenir compte de leur opinion&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 14), Ogien d&eacute;fend l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &eacute;thique minimale qui &laquo;&nbsp;nous demande&nbsp;d&rsquo;&eacute;viter de juger &quot;moral&quot; ou &quot;immoral&quot; tout ce qui, dans nos fa&ccedil;ons de vivre ou nos actions, ne concerne que nous-m&ecirc;mes&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 197). En cons&eacute;quence, l&rsquo;&eacute;thique minimale &laquo;&nbsp;reste neutre &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des id&eacute;aux de la vie bonne&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 168)&nbsp;et r&eacute;fute l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&laquo;&nbsp;un privil&egrave;ge moral au souci de soi&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;devoirs moraux envers soi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 197).</p> <p>Afin de montrer en quoi la notion de savoir-&ecirc;tre, et plus g&eacute;n&eacute;ralement l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle promue par le Conseil de l&rsquo;Europe, rel&egrave;vent d&rsquo;une conception maximaliste de l&rsquo;&eacute;thique, il nous faut donc essayer de d&eacute;montrer les deux propositions suivantes :</p> <ol> <li>Elles d&eacute;finissent des devoirs moraux envers soi-m&ecirc;me.</li> <li>Elles promeuvent une vision du bien personnel.</li> </ol> <p>Nous proc&egrave;derons bri&egrave;vement ici &agrave; cette d&eacute;monstration en soulevant quelques probl&egrave;mes pos&eacute;s par une vison maximaliste de l&rsquo;&eacute;thique en formation des enseignants et des apprenants.</p> <p>Int&eacute;ressons-nous donc d&rsquo;abord &agrave; la question des <em>devoirs moraux</em> <em>envers soi-m&ecirc;me</em>. Nous avons vu pr&eacute;c&eacute;demment que la notion de savoir-&ecirc;tre entrait dans le cadre conceptuel de l&rsquo;&eacute;thique de la vertu, laquelle, bien que r&eacute;futant l&rsquo;option d&eacute;ontologique de r&egrave;gles fixes devant &ecirc;tre honor&eacute;es, se trouve malgr&eacute; tout dans l&rsquo;obligation de d&eacute;finir des devoirs envers soi-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;un agent moral <em>doit</em> devenir vertueux et, pour ce faire, il <em>doit</em> accomplir les actions qu&rsquo;un agent id&eacute;alement vertueux accomplirait dans les m&ecirc;mes circonstances&nbsp;&raquo; (Billier, <em>op. cit.</em>, p. 251, soulign&eacute; dans le texte). En ceci, l&rsquo;&eacute;thique de la vertu rel&egrave;ve d&rsquo;une conception maximaliste.</p> <p>Il est &agrave; noter que l&rsquo;on retrouve cette m&ecirc;me conception au sein des productions du Conseil de l&rsquo;Europe. Dans les deux passages suivants, extraits de <em>La dimension plurilingue et pluriculturelle dans la formation des enseignants de langues</em> (Conseil de l&rsquo;Europe, 2007), l&rsquo;enseignant de langues-cultures est ainsi enjoint &agrave; se conformer aux pr&eacute;ceptes de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle, laquelle, centr&eacute;e en partie sur le souci de soi, empi&egrave;te d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment sur la sph&egrave;re personnelle&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;<em>[L]</em>&rsquo;enseignant en langues doit &ecirc;tre pr&eacute;par&eacute; &agrave; d&eacute;velopper des comp&eacute;tences de communication plurilingues et pluriculturelles (&hellip;). Un objectif aussi ambitieux ne peut &ecirc;tre atteint sans <strong>formation compl&egrave;te</strong>, pouvant &ecirc;tre divis&eacute;e en deux axes ins&eacute;parables l&rsquo;un de l&rsquo;autre&nbsp;: une <strong>dimension sociale et personnelle</strong> et une dimension professionnelle.&nbsp;&raquo;&nbsp;(<em>op. cit</em>., p. 16, nous soulignons)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">La dimension &laquo;&nbsp;sociale et personnelle&nbsp;&raquo; est ensuite d&eacute;crite en ces termes&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Il s&rsquo;agit du <strong>d&eacute;veloppement personnel et social de l&rsquo;enseignant, en tant qu&rsquo;individu ou en tant qu&rsquo;acteur social</strong>. Cette dimension (&hellip;) int&egrave;gre des attitudes et des connaissances telles que l&rsquo;aptitude &agrave; communiquer, l&rsquo;aptitude &agrave; apprendre et l&rsquo;aptitude &agrave; s&rsquo;engager dans sa formation afin de construire une soci&eacute;t&eacute; plus juste et plus d&eacute;mocratique (&hellip;). L&rsquo;objectif, &agrave; cet &eacute;gard, est de <strong>percevoir l&rsquo;enseignant en langues (&hellip;) comme une personne ayant des responsabilit&eacute;s sociales, notamment envers lui-m&ecirc;me, en tant que locuteur plurilingue et interculturel</strong>, et envers les autres. &raquo; (<em>ibid</em>., p. 16-17, nous soulignons)</p> </blockquote> <p>L&rsquo;enseignant &laquo;&nbsp;plurilingue et interculturel&nbsp;&raquo; est ainsi &eacute;rig&eacute; comme mod&egrave;le. On rejoint ici l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;<em>exemplarit&eacute;</em>, tout &agrave; fait centrale dans l&rsquo;&eacute;thique de la vertu (cf. Ogien, 2007, p. 69). Une telle conception maximaliste en formation des enseignants et des apprenants n&rsquo;est cependant pas exempte de critique. Sur ce point, nous partageons le scepticisme de Prairat&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Est-il bien raisonnable de proposer, comme figure normative, l&rsquo;image d&rsquo;un enseignant id&eacute;al&nbsp;? Il semble, pour des raisons sociologiques relativement &eacute;videntes, que dans des univers professionnels aussi diversifi&eacute;s que les n&ocirc;tres il ne soit gu&egrave;re possible de proposer un tel mod&egrave;le.&nbsp;&raquo; (2013, p. 91)</p> <p>On remarquera ici que cette notion d&rsquo;exemplarit&eacute;, directement li&eacute;e &agrave; celle de savoir-&ecirc;tre, entre en contradiction avec le principe de diversit&eacute; qui se trouve pourtant au fondement de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle.</p> <p>Int&eacute;ressons-nous &agrave; pr&eacute;sent &agrave; la question de la promotion du <em>bien personnel</em>. Pour ce faire, nous partirons &agrave; nouveau du lien entre la notion de savoir-&ecirc;tre et l&rsquo;&eacute;thique de la vertu. Au m&ecirc;me titre que le cons&eacute;quentialisme, et en opposition au d&eacute;ontologisme, l&rsquo;&eacute;thique de la vertu est une &eacute;thique t&eacute;l&eacute;ologique (du grec <em>telos</em>&nbsp;: but ou fin), c&rsquo;est-&agrave;-dire une &eacute;thique qui place le crit&egrave;re de la moralit&eacute; non pas dans la qualit&eacute; du devoir accompli, mais dans ce que l&rsquo;on tend &agrave; promouvoir. L&agrave; o&ugrave; le cons&eacute;quentialisme promeut le plus grand bien pour le plus grand nombre, l&rsquo;&eacute;thique de la vertu promeut un mod&egrave;le de perfection personnelle, lequel se fonde n&eacute;cessairement sur une vision du bien personnel.</p> <p>Dans l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle, la fin poursuivie est celle du plurilinguisme, la vertu reposant pr&eacute;cis&eacute;ment dans sa pratique et sa promotion&nbsp;: enseignants et apprenants doivent devenir plurilingues et doivent adh&eacute;rer &agrave; la pens&eacute;e plurilingue et interculturelle<sup><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">4</a></sup>. Cette vis&eacute;e appara&icirc;t explicitement formul&eacute;e dans les savoir-&ecirc;tre r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s dans le CARAP. Citons-en quelques exemples&nbsp;: &laquo;&nbsp;disponibilit&eacute; pour une socialisation plurilingue et interculturelle&nbsp;&raquo; (p. 42)&nbsp;; &laquo;&nbsp;accepter une identit&eacute; bi/plurilingue et bi/pluriculturelle&nbsp;&raquo;&nbsp;(p. 47)&nbsp;; &laquo;&nbsp;consid&eacute;rer qu&rsquo;une identit&eacute; bi/plurilingue et bi/pluriculturelle&nbsp;est un atout&nbsp;&raquo; (p. 47), etc. On retrouve aussi clairement la marque de ce maximalisme dans le livret <em>Le CAPAP &ndash; Une introduction &agrave; l&rsquo;usage</em> accompagnant le r&eacute;f&eacute;rentiel&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Il faut aussi que les enseignants <em>adh&egrave;rent</em> aux objectifs d&#39;enseignement / apprentissage qui sont propos&eacute;s dans le CARAP, au travers des descripteurs de comp&eacute;tences et de ressources, qu&rsquo;ils soient persuad&eacute;s de leur utilit&eacute; et de leur l&eacute;gitimit&eacute;.&nbsp;&raquo; (Candelier &amp; De Pietro, 2012, p. 49, soulign&eacute; dans le texte)</p> </blockquote> <p>De nouveau, cette conception maximaliste en formation des enseignants et des apprenants nous semble particuli&egrave;rement sujette &agrave; caution&nbsp;: la promotion d&rsquo;un bien personnel dans des soci&eacute;t&eacute;s marqu&eacute;es par le pluralisme ne risque-t-elle pas en effet d&rsquo;entra&icirc;ner l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle dans le moralisme&nbsp;? Comme le note Ogien &agrave; propos du projet d&rsquo;enseigner la morale &agrave; l&rsquo;&eacute;cole&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Le moralisme consiste &agrave; privil&eacute;gier une de ces visions du bien personnel, et tout programme scolaire qui pr&eacute;tend imposer aux &eacute;l&egrave;ves une certaine vision de ce bien au d&eacute;triment des autres est moraliste.&nbsp;&raquo; (2013, p. 74)</p> </blockquote> <p>Le moralisme qui, par d&eacute;finition, tend &agrave; nous demander d&rsquo;agir selon la pens&eacute;e dominante, fait planer le spectre de l&rsquo;intol&eacute;rance. Nous rejoignons ici la critique formul&eacute;e par Frath &agrave; l&rsquo;encontre des outils du Conseil de l&rsquo;Europe&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;On oublie alors que les valeurs positives du PEL<sup><a href="#_ftn5" name="_ftnref5">5</a></sup> et du CECR n&rsquo;ont de sens que si elles sont librement accept&eacute;es par l&rsquo;apprenant. La sentence &quot;Tu seras un d&eacute;mocrate polyglotte, sinon gare &agrave; toi&nbsp;!&quot; est contradictoire dans les termes. Si l&rsquo;apprentissage des langues et la tol&eacute;rance sont pr&eacute;sent&eacute;es comme d&eacute;sirables, alors ce serait faire preuve d&rsquo;intol&eacute;rance que de les imposer.&nbsp;&raquo; (2012, p. 80)</p> </blockquote> <p>Et de continuer un peu plus loin&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Le pire des pouvoirs est celui qu&rsquo;on exerce pour le Bien, pour mettre en pratique une transcendance dont la sagesse s&rsquo;impose &agrave; nous par un acte de foi. Je vous impose la loi divine (ou le PEL), mais c&rsquo;est pour le salut de votre &acirc;me (ou pour devenir polyglotte). La parole du Conseil de l&rsquo;Europe est sacralis&eacute;e et le syst&egrave;me &eacute;ducatif l&rsquo;impose au commun des mortels.&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 82)</p> </blockquote> <p>Dans cette perspective, les savoir-&ecirc;tre sont &agrave; la fois la fin et le moyen. En faisant porter le jugement moral non pas seulement sur nos actions, mais aussi, comme on l&rsquo;a vu, sur notre caract&egrave;re, nos d&eacute;sirs et nos visions du monde, ils &laquo;&nbsp;constituent des instruments privil&eacute;gi&eacute;s d&rsquo;une id&eacute;ologie et d&rsquo;une structure de pouvoir&nbsp;&raquo; (Bellier, <em>op. cit.</em>, p. 136). Comme le r&eacute;sume Bellier en conclusion de son analyse&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Aborder le savoir-&ecirc;tre au travers d&rsquo;aptitudes et de traits conf&egrave;re un pouvoir immense &agrave; ceux qui en maitrisent le jugement&nbsp;: (&hellip;) je sais &agrave; votre place ce que vous &ecirc;tes et puis donc d&eacute;cider &agrave; partir de l&agrave; comment je dois vous g&eacute;rer.&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 167)</p> </blockquote> <p>Dans la section suivante, nous verrons que cette dimension maximaliste des savoir-&ecirc;tre pose aussi un certain nombre de difficult&eacute;s m&eacute;thodologiques, tant sur le plan de leur enseignement que sur celui de leur &eacute;valuation.</p> <h3>3.3. Une impasse m&eacute;thodologique</h3> <p>Le projet de r&eacute;f&eacute;rencer des savoir-&ecirc;tre &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire, rappelons-le, des attitudes, des dispositions, ou encore des valeurs &ndash; repose sur le postulat qu&rsquo;un comportement vertueux ou moral peut s&rsquo;enseigner. Les auteurs du CARAP consid&egrave;rent ainsi que les savoir-&ecirc;tre r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s sont &laquo;&nbsp;susceptibles d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;s via des approches plurielles&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;enseignables&nbsp;&raquo; (p. 67). On retrouve ce m&ecirc;me postulat dans le CECR&nbsp;ou les savoir-&ecirc;tre sont d&eacute;finis comme des comp&eacute;tences &laquo;&nbsp;acqu&eacute;rables ou modifiables&nbsp;&raquo; pouvant &laquo;&nbsp;devenir un objectif&nbsp;&raquo;&nbsp;(p. 17).</p> <p style="text-align:justify">Il y a cependant plusieurs raisons de douter de la validit&eacute; d&rsquo;un tel postulat, d&rsquo;autant plus qu&rsquo;aucune &eacute;tude empirique ne vient l&rsquo;&eacute;tayer<sup><a href="#_ftn6" name="_ftnref6">6</a></sup>. Pour citer &agrave; nouveau quelques savoir-&ecirc;tre list&eacute;s dans le CARAP, comment enseigne-t-on par exemple les vertus de la curiosit&eacute; (&laquo;&nbsp;volont&eacute; d&rsquo;appendre d&rsquo;autrui&nbsp;&raquo;, p. 43), de l&rsquo;empathie (&laquo;&nbsp;&ecirc;tre dispos&eacute; &agrave; se mettre la place de l&rsquo;autre&nbsp;&raquo;, p. 45), de la prudence (&laquo;&nbsp;disponibilit&eacute; &agrave; suspendre son jugement &raquo;, p. 45), ou encore le souci intime de son d&eacute;veloppement personnel (&laquo;&nbsp;disponibilit&eacute; &agrave; apprendre des langues tout au long de la vie&nbsp;&raquo;, p. 48) et de ses propres m&eacute;canismes identitaires (&laquo;&nbsp;&ecirc;tre pr&ecirc;t &agrave; sentir son identit&eacute; menac&eacute;e&nbsp;&raquo;, p. 42)&nbsp;?</p> <p>Comme le rappelle Ogien, la question de savoir si les vertus peuvent faire l&rsquo;objet d&rsquo;un enseignement est pos&eacute;e depuis l&rsquo;Antiquit&eacute; &agrave; travers notamment ce questionnement de M&eacute;non dans l&rsquo;ouvrage &eacute;ponyme de Platon&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Peux-tu me dire, Socrate, si la vertu s&rsquo;enseigne&nbsp;? Ou si elle ne s&rsquo;enseigne pas mais s&rsquo;acquiert par l&rsquo;exercice&nbsp;? Et si elle ne s&rsquo;acquiert ni par l&rsquo;exercice ni ne s&rsquo;apprend, advient-elle par nature ou d&rsquo;une autre fa&ccedil;on&nbsp;? &raquo; (Canto-Sperber, 1991, p. 125&nbsp;; cit&eacute; par Ogien 2013, p. 32)</p> </blockquote> <p>On remarquera que la notion de savoir-&ecirc;tre &ndash; telle qu&rsquo;envisag&eacute;e dans les travaux du Conseil de l&rsquo;Europe &ndash; nous &eacute;loigne d&rsquo;embl&eacute;e d&rsquo;un enseignement magistral. Il ne s&rsquo;agit pas de d&eacute;velopper une quelconque connaissance de la philosophie morale, de son histoire ou de ses concepts, mais bien d&rsquo;inculquer des comportements attendus. &Agrave; cet effet, les apprenants &ndash; tout comme les enseignants &ndash; ne sont pas tenus de savoir ce qu&rsquo;est la vertu, encore moins d&rsquo;&ecirc;tre capables de justifier moralement leurs propres comportements, mais de s&rsquo;exercer &agrave; &ecirc;tre vertueux et de montrer en tout cas qu&rsquo;ils le sont devenus, c&rsquo;est-&agrave;-dire capables d&rsquo;agir en conformit&eacute; avec les pr&eacute;ceptes de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle.</p> <p>Au-del&agrave; de la question de l&rsquo;enseignement se pose donc aussi celle de l&rsquo;&eacute;valuation. Comment &eacute;valuer par exemple des savoir-&ecirc;tre tels que la &laquo;&nbsp;volont&eacute; d&rsquo;entrer en contact avec autrui&nbsp;&raquo; (Candelier <em>et al.</em>, <em>op. cit</em>., p. 43)&nbsp;ou encore celle &laquo;&nbsp;de ne pas rechercher uniquement la compagnie des membres de sa propre culture&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p. 43) ? De mani&egrave;re plaisante mais efficace, Ogien d&eacute;nonce ci-dessous l&rsquo;ineptie du projet d&rsquo;&eacute;valuer un enseignement de la morale &agrave; l&rsquo;&eacute;cole&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Si c&rsquo;est la transformation des conduites de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve qui est vis&eacute;e, comment sera-t-elle &eacute;valu&eacute;e&nbsp;? En soumettant l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve &agrave; des tentations (tricher, voler, mentir, tromper, etc.) pour voir s&rsquo;il y r&eacute;siste&nbsp;? En instaurant une surveillance permanente des &eacute;l&egrave;ves en dehors de l&rsquo;&eacute;cole par des agents sp&eacute;cialis&eacute;es&nbsp;? En construisant des confessionnaux (&hellip;) o&ugrave; l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve devra avouer au professeur de morale ses p&eacute;ch&eacute;s contre le &quot;vivre ensemble&quot; ou le bien commun&nbsp;?&nbsp;&raquo; (2013, p. 33-34)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Il est &agrave; noter d&rsquo;ailleurs que sur cette question de l&rsquo;&eacute;valuation des savoir-&ecirc;tre, tout comme sur celle de leur enseignement, les auteurs du CARAP se montrent pour le moins &eacute;vasifs&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Les ressources list&eacute;es dans le r&eacute;f&eacute;rentiel peuvent sans doute &eacute;galement servir d&rsquo;appui &agrave; l&#39;&eacute;valuation des performances des &eacute;l&egrave;ves, mais c&rsquo;est un aspect que nous n&rsquo;avons pas envisag&eacute; jusqu&rsquo;alors dans nos recherches.&nbsp;&raquo; (Candelier, M. &amp; De Pietro, 2012, p. 37)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Ce choix, manifestement assum&eacute;, de faire l&rsquo;impasse sur la question de l&rsquo;&eacute;valuation s&rsquo;apparente toutefois fortement &agrave; un aveu d&rsquo;impuissance, voire m&ecirc;me &agrave; un d&eacute;ni d&rsquo;objectivit&eacute;. Dans un rapport du Conseil de l&rsquo;Europe, Lenz et Berthele (2010) ont explicitement averti des probl&egrave;mes pos&eacute;s par l&rsquo;&eacute;valuation de la comp&eacute;tence plurilingue et interculturelle&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Outre les probl&egrave;mes susmentionn&eacute;s (manque de donn&eacute;es empiriques suffisantes pour &eacute;tayer les propositions de r&eacute;f&eacute;rentiels, etc.) le risque de &quot;comportement affect&eacute;&quot; lors de l&rsquo;&eacute;valuation des attitudes est un aspect qui est souvent soulign&eacute; comme repr&eacute;sentant un probl&egrave;me majeur pour l&#39;&eacute;valuation standardis&eacute;e de la comp&eacute;tence interculturelle.&nbsp;&raquo; (2010, p. 32&nbsp;; cit&eacute; par Maurer 2011, p. 60)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Ce risque de &laquo;&nbsp;comportement affect&eacute;&nbsp;&raquo; soul&egrave;ve la question ontologique de l&rsquo;existence de vertus comme disposition stable et permanente. Nous l&rsquo;avons vu, la notion de savoir-&ecirc;tre, ancr&eacute;e dans le cadre conceptuel de l&rsquo;&eacute;thique de la vertu, repose sur l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il existe des personnalit&eacute;s vertueuses et exemplaires qui le restent ind&eacute;pendamment des situations, des enjeux et des personnes impliqu&eacute;es. Un tel postulat est toutefois critiquable.</p> <p style="text-align:justify">Plusieurs auteurs (cf. notamment Doris,&nbsp;2002&nbsp;; Leyens, 1993&nbsp;; Mischel, 1968) ont en effet contest&eacute; l&rsquo;existence de caract&egrave;res invariants. Selon eux, il n&rsquo;existerait aucune unit&eacute; empirique dans les comportements des individus. Elster fait ainsi remarquer que &laquo;&nbsp;[l]e m&ecirc;me individu peut procrastiner &agrave; la maison et &ecirc;tre tr&egrave;s consciencieux au travail, col&eacute;reux avec son &eacute;pouse et d&rsquo;une douceur parfaite avec ses amis&nbsp;&raquo; (2007, p. 49&nbsp;; cit&eacute; par Prairat, 2013, p. 90).</p> <p style="text-align:justify">Les notions de caract&egrave;re, de personnalit&eacute; ou encore d&rsquo;exemplarit&eacute;, et &agrave; travers elles, celles de savoir-&ecirc;tre apparaissent ainsi fragiles et douteuses. Il semble bien que personne ne soit curieux, ouvert &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, capable d&rsquo;empathie, etc. ind&eacute;pendamment des contextes dans lesquels il agit et de la fin qu&rsquo;il poursuit. Cette instabilit&eacute; ontologique de la vertu biaise <em>ipso facto</em> l&rsquo;&eacute;valuation des savoir-&ecirc;tre&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Attendu qu&rsquo;on enseigne ni des savoirs, ni des savoir-faire, mais qu&rsquo;on cherche &agrave; d&eacute;velopper des attitudes, des savoir-&ecirc;tre, on est au risque que les apprenants, qui auront vite fait de comprendre ce que l&rsquo;on attend d&rsquo;eux, se conforment en apparence &agrave; ce qui leur est demand&eacute;, se contentent de jouer le jeu en r&eacute;pondant aux attentes du politiquement correct de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue.&nbsp;&raquo; (Maurer, 2011, p. 60)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Il est &agrave; noter par ailleurs que si les notions de caract&egrave;re et de personnalit&eacute; sont soumises &agrave; la variation et au changement, leur ancrage dans le processus &ndash; complexe et paradoxal &ndash; de construction identitaire, contribue &agrave; les marquer dans le m&ecirc;me temps du sceau de la permanence et de la continuit&eacute;. Avec Ogien ci-dessous, on peut d&egrave;s lors se poser la question de la moralit&eacute; d&rsquo;une &eacute;valuation portant sur des savoir-&ecirc;tre, c&rsquo;est-&agrave;-dire sur des traits de caract&egrave;re en partie immanents&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;On admet g&eacute;n&eacute;ralement, en &eacute;thique normative, qu&rsquo;il est injuste de punir ou de r&eacute;compenser les gens pour des propri&eacute;t&eacute;s qui ne d&eacute;pendent pas d&rsquo;eux ou qu&rsquo;ils ne sont pas libres de modifier &agrave; leur guise (&hellip;). Mais notre caract&egrave;re, notre personnalit&eacute;, nos visions du monde n&rsquo;appartiennent-ils pas, eux aussi, &agrave; l&rsquo;ensemble des choses qui ne d&eacute;pendent pas de nous et que nous ne sommes pas libres de modifier&nbsp;&agrave; notre guise ? N&rsquo;est-il pas aussi r&eacute;pugnant de juger quelqu&rsquo;un selon des crit&egrave;res de caract&egrave;res que sur des crit&egrave;res raciaux&nbsp;?&nbsp;&raquo; (2007, p. 73, soulign&eacute; dans le texte)</p> </blockquote> <h2 style="text-align:justify">4. En guise de conclusion</h2> <p style="text-align:justify">Cette port&eacute;e maximaliste et totalitaire des savoir-&ecirc;tre nous semble suffire &agrave; invalider moralement le projet de leur diffusion. Notons toutefois que m&ecirc;me si l&rsquo;on choisit de passer outre ces consid&eacute;rations morales, il existe une autre raison de se m&eacute;fier d&rsquo;un tel projet en didactique des langues-cultures. Comme le souligne en effet Maurer,</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;<em>[a]</em>vec l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle, (&hellip;) l&rsquo;important n&rsquo;est plus d&rsquo;apprendre &agrave; communiquer dans une langue &eacute;trang&egrave;re mais, par un contact avec ces langues, de d&eacute;velopper des attitudes d&rsquo;ouverture aux autres cultures, d&rsquo;accueil de la diff&eacute;rence culturelle.&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 150)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Cette minoration des savoirs linguistiques et des savoir-faire communicatifs au profit de savoir-&ecirc;tre relatifs &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; soul&egrave;ve une question &eacute;pist&eacute;mologique qui a trait &agrave; la d&eacute;finition m&ecirc;me de l&rsquo;objet d&rsquo;enseignement-apprentissage&nbsp;: un enseignant charg&eacute; d&rsquo;enseigner et d&rsquo;&eacute;valuer ce type de comp&eacute;tence est-il toujours un enseignant de langues-cultures&nbsp;? Dans un ouvrage consacr&eacute; au savoir-&ecirc;tre, Labruffe nous avertit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;<em>[L]</em>&rsquo;&eacute;valuation du savoir-&ecirc;tre doit s&rsquo;effectuer par des experts hyper comp&eacute;tents dans ce domaine et maitrisant des outils conceptuels, m&eacute;thodologiques et techniques sans lesquels la subjectivit&eacute; d&eacute;lirante ou le n&rsquo;importe quoi peuvent s&rsquo;engouffrer de fa&ccedil;on ravageuse.&nbsp;&raquo; (2008, p. 79)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Qui seront donc ces &laquo;&nbsp;experts hyper comp&eacute;tents&nbsp;&raquo; susceptibles d&rsquo;&eacute;valuer le savoir-&ecirc;tre des apprenants en didactique des langues-cultures&nbsp;? Comment les formera-t-on&nbsp;? Nous rallions ici le point de vue de Jeffrey&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo;&nbsp;Un enseignant peut v&eacute;rifier si un &eacute;l&egrave;ve a les mains propres, mais il ne peut se prononcer sur la personnalit&eacute; d&rsquo;un &eacute;l&egrave;ve, ni sur les sources profondes qui le motivent ou non dans son travail scolaire.&nbsp;&raquo; (2012, p. 212)</p> </blockquote> <p>D&rsquo;une mani&egrave;re plus g&eacute;n&eacute;rale, et au vu de notre analyse, nous nous inscrivons en faux contre le projet de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle d&rsquo;introduire en didactique des langues-cultures une &eacute;ducation &agrave; la citoyennet&eacute; d&eacute;mocratique et aux droits de l&rsquo;homme (Starkey, 2002), ou encore contre celui &ndash; conjoint et compl&eacute;mentaire &ndash; d&rsquo;y traiter normativement la question du &laquo;&nbsp;comment&nbsp;devrions-nous vivre?&nbsp;&raquo; (Byram, 2011, p. 256).</p> <p>Cela ne signifie pas, entendons-nous bien, que nous r&eacute;futions les valeurs de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle, ni que nous contestions la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une instruction civique. Mais d&rsquo;un point de vue &eacute;pist&eacute;mologique, d&rsquo;une part, nous ne pensons pas qu&rsquo;il soit du ressort d&rsquo;un enseignant de langue-culture de dispenser et d&rsquo;&eacute;valuer un tel enseignement&nbsp;; et d&rsquo;un point d&rsquo;un vue &eacute;thique, d&rsquo;autre part, il nous semble que le principe de diversit&eacute; qui se situe au centre de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle nous enjoint, par d&eacute;finition, &agrave; ne pas imposer une conception particuli&egrave;re de la vie bonne.</p> <p>Cela ne signifie pas non plus que nous remettions en cause la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une formation &agrave; l&rsquo;&eacute;thique en didactique des langues-cultures. Au contraire, elle nous semble tout &agrave; fait fondamentale (cf. Antier, 2011&nbsp;; 2013). Simplement, et &agrave; l&rsquo;instar des propositions formul&eacute;es en sciences de l&rsquo;&eacute;ducation (cf. notamment Desaulniers, 2006), nous pensons qu&rsquo;une telle formation, plut&ocirc;t que de chercher &agrave; inculquer des comportements attendus, devrait davantage viser &agrave; d&eacute;velopper chez les futurs enseignants et chez les apprenants la capacit&eacute; de justifier moralement leurs propres comportements.</p> <p>Une telle vis&eacute;e passe d&rsquo;abord par le rejet du maximalisme moral, et cons&eacute;cutivement, par l&rsquo;abandon de la notion de savoir-&ecirc;tre. Elle suppose conjointement la promotion d&rsquo;une &eacute;thique minimale qui laisserait aux enseignants et aux apprenants le soin de r&eacute;gler comme ils l&rsquo;entendent la question de leur bien personnel. Elle implique enfin la prise en charge par les acteurs eux-m&ecirc;mes des enjeux &eacute;thiques inh&eacute;rents &agrave; l&rsquo;enseignement-apprentissage des langues-cultures, et ce faisant, la lutte contre toute tentative d&rsquo;instrumentalisation de la didactique des langues-cultures par des d&eacute;cideurs politiques ou des acteurs externes qui, en surplomb, cherchent &agrave; imposer leur propre conception &agrave; partir de guides, de curriculums et de&hellip; r&eacute;f&eacute;rentiels.&nbsp;</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p style="text-align:justify">Antier, E. 2013. &laquo;&nbsp;Pour une r&eacute;flexion disciplinaire sur l&rsquo;&eacute;thique professionnelle des enseignants de langue-culture&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>Recherche et pratiques p&eacute;dagogiques en langues de sp&eacute;cialit&eacute;, vol.&nbsp;32, n&deg;&nbsp;2</em>, p. 11-26.</p> <p style="text-align:justify">Antier, E. 2011. &laquo;&nbsp;Formation &agrave; l&rsquo;&eacute;thique professionnelle des enseignants de langue-culture&nbsp;: constats et perspectives&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>Recherche et pratiques p&eacute;dagogiques en langues de sp&eacute;cialit&eacute;, vol.&nbsp;30, n&deg;&nbsp;3</em>, p. 13-29.</p> <p style="text-align:justify">Beacco, J.-C.&nbsp;<em>et al</em>. 2010.&nbsp;<em>Guide pour le d&eacute;veloppement et la mise en &oelig;uvre de curriculums pour une &eacute;ducation plurilingue et interculturelle</em>. Strasbourg : Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Bellier, S. 2008.&nbsp;<em>Le savoir-&ecirc;tre dans l&rsquo;entreprise. Utilit&eacute; en gestion des ressources humaines</em>. Paris&nbsp;: Vuibert.</p> <p style="text-align:justify">Bernaus, M. 2007.&nbsp;<em>La dimension plurilingue et pluriculturelle dans la formation des enseignants de langue</em>.<em>&nbsp;Kit de formation</em>. Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Billier, J.-C. 2010.&nbsp;<em>Introduction &agrave; l&rsquo;&eacute;thique</em>. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Byram, M. S. 2011. &laquo;&nbsp;La comp&eacute;tence interculturelle&nbsp;&raquo;. In Blanchet, P. &amp; Chardenet, P.&nbsp;<em>Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures</em>. Paris&nbsp;: &Eacute;ditions des archives contemporaines, p. 253-260.</p> <p style="text-align:justify">Camilleri C.&nbsp;<em>et al</em>. 1990.&nbsp;<em>Strat&eacute;gies identitaires</em>. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Candelier, M.&nbsp;<em>et al</em>. 2012. Le CARAP &ndash;&nbsp;<em>Comp&eacute;tences et ressources</em>. Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Candelier, M. &amp; De Pietro, J.-F. (Coord.). 2012.&nbsp;<em>Le CARAP &ndash; Une introduction &agrave; l&rsquo;usage</em>. Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.&nbsp;<a href="http://carap.ecml.at">http://carap.ecml.at</a></p> <p style="text-align:justify">Conseil de l&rsquo;Europe. 2001.&nbsp;<em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les langues : apprendre, enseigner, &eacute;valuer</em>. Paris : Didier.</p> <p style="text-align:justify">Demorgon, J. 2005. Critique de l&rsquo;interculturel. L&rsquo;horizon de la sociologie. Paris&nbsp;: Economica-Anthropos.</p> <p style="text-align:justify">Desaulniers, M.-P. 2006. &laquo;&nbsp;&Eacute;thique professionnelle et enseignement coll&eacute;gial&nbsp;&raquo;. In&nbsp;<em>Enseigner au coll&eacute;gial, une profession &agrave; partager. Actes du 26<sup>e</sup>&nbsp;colloque annuel de l&rsquo;AQPC</em>. Montr&eacute;al&nbsp;: Association qu&eacute;b&eacute;coise de p&eacute;dagogie coll&eacute;giale, p. 268-276.</p> <p style="text-align:justify">Doris, J. 2002.&nbsp;<em>Lack of Character.&nbsp;Personality and Moral Behavior</em>. Cambridge : Cambridge University Press.</p> <p style="text-align:justify">Elster, J. 2007.&nbsp;<em>Agir contre soi. La faiblesse de la volont&eacute;</em>. Paris&nbsp;: Odile Jacob.</p> <p style="text-align:justify">Forestal, C. 2007. &laquo;&nbsp;La dynamique conflictuelle de l&rsquo;&eacute;thique&nbsp;: pour une comp&eacute;tence &eacute;thique en DLC&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>&Eacute;tude Linguistique Appliqu&eacute;e, n&deg;&nbsp;145</em>, p. 111-123.</p> <p style="text-align:justify">Frath, P. 2012. &laquo;&nbsp;Portfolio et Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>In</em>&nbsp;Schneider-Mizony, O. &amp; Sachot, M. (dir.).&nbsp;<em>Normes et normativit&eacute; en &eacute;ducation. Entre tradition et ruptures</em>. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan, p. 71-93.</p> <p style="text-align:justify">Gohard‐Radenkovic, A. 2012. &laquo;&nbsp;Le plurilinguisme, un nouveau champ ou une nouvelle id&eacute;ologie? Ou quand les discours politiquement corrects pr&ocirc;nent la diversit&eacute;&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>Alterstice, vol. 2, n&deg;&nbsp;1</em>, p.&nbsp;89‐102.</p> <p style="text-align:justify">Gohard-Radenkovic, A. 2006. &laquo;&nbsp;Interrogations sur la dimension interculturelle dans le Portfolio europ&eacute;en des langues et autres productions du Conseil de l&rsquo;Europe&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>Revue Synergies Europe, n&deg;&nbsp;1</em>, p. 82-94.</p> <p style="text-align:justify">Jeffrey, D. 2012. &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;thique dans l&rsquo;&eacute;valuation scolaire&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>In</em>&nbsp;Moreau, D. L<em>&rsquo;&eacute;thique professionnelle des enseignants. Enjeux, structures et probl&egrave;mes</em>. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan, p. 129-215.</p> <p style="text-align:justify">Labruffe, A. 2008.&nbsp;<em>Le savoir-&ecirc;tre. Un r&eacute;f&eacute;rentiel professionnel d&rsquo;excellence</em>. Paris&nbsp;: Afnor.</p> <p style="text-align:justify">Lenz, P. &amp; Berthele, R. 2010.&nbsp;<em>Prise en compte des comp&eacute;tences plurilingue et interculturelle dans l&rsquo;&eacute;valuation</em>. Strasbourg : Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Leyens, J.-P. 1993.&nbsp;<em>Sommes-nous tous des psychologues&nbsp;?</em>&nbsp;Bruxelles&nbsp;: Mardaga.</p> <p style="text-align:justify">Marc. E. 2005. Psychologie de l&#39;identit&eacute;. Paris&nbsp;: Dunod.</p> <p style="text-align:justify">Maurer, B. 2011.&nbsp;<em>Enseignement des langues et construction europ&eacute;enne. Le plurilinguisme, une nouvelle id&eacute;ologie dominante</em>. Paris&nbsp;: &Eacute;ditions des archives contemporaines.</p> <p style="text-align:justify">Mill, J.-S. 1990.&nbsp;<em>De la libert&eacute;</em>.&nbsp;Paris&nbsp;: Gallimard.</p> <p style="text-align:justify">Mischel, W. 1968.&nbsp;<em>Personality and Assessment</em>. New-York: Wiley.</p> <p style="text-align:justify">Ogien, R. 2013.&nbsp;<em>La guerre au pauvre commence &agrave; l&rsquo;&eacute;cole. Sur la morale la&iuml;que</em>. Paris&nbsp;: Grasset.</p> <p style="text-align:justify">Ogien, R. &amp; Tappolet C. 2008.&nbsp;<em>Les concepts de l&rsquo;&eacute;thique</em>. Paris&nbsp;: Hermann.</p> <p style="text-align:justify">Ogien, R. 2007.&nbsp;<em>L&rsquo;&eacute;thique aujourd&rsquo;hui. Maximalistes et minimalistes</em>. Paris&nbsp;: Gallimard.</p> <p style="text-align:justify">Prairat, E. 2013. La morale du professeur.&nbsp;Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Schneider-Mizony, O. 2012.&nbsp;&laquo;&nbsp;Le Conseil de l&rsquo;Europe et l&rsquo;&eacute;ducation aux langues&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>In</em>&nbsp;Schneider-Mizony, O. &amp; Sachot, M. (dir.).&nbsp;<em>Normes et normativit&eacute; en &eacute;ducation. Entre tradition et ruptures</em>. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan, p. 95-116.</p> <p style="text-align:justify">Starkey, H. 2002.&nbsp;<em>Citoyennet&eacute; d&eacute;mocratique, langues, diversit&eacute; et droits de l&rsquo;Homme</em>. Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Vinsonneau, G. (dir.). 2005.&nbsp;<em>Contextes pluriculturels et identit&eacute;s</em>. Fontenay-sous-Bois : Sides.</p> <hr /> <h2>Notes</h2> <div dir="ltr" id="Section1"> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1">1 </a>D&eacute;sormais sigl&eacute; CARAP</p> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref2" name="_ftn2">2</a> Cadre Europ&eacute;en Commun de R&eacute;f&eacute;rence pour les langues</p> </div> <div dir="ltr" id="Section2"> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref3" name="_ftn3">3</a> Pour une critique de cette vision pacifiste et harmonieuse de l&rsquo;interculturel, on se reportera utilement aux analyses de Demorgon&nbsp;(2005),&nbsp;Gohard-Radenkovic&nbsp;(2007) ou encore Forestal (2007).</p> </div> <div dir="ltr" id="Section3"> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref4" name="_ftn4">4</a> Pour une critique de la dimension id&eacute;ologique de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et interculturelle en didactique des langues-cultures, on se reportera utilement aux travaux de Maurer (2010), Gohard-Radenkovic&nbsp;(2012), Frath (2012) ou encore Schneider-Mizony (2012).</p> </div> <div dir="ltr" id="Section4"> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref5" name="_ftn5">5</a> Portfolio Europ&eacute;en des Langues</p> </div> <div dir="ltr" id="Section5" style="text-align:justify"> <p><a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-70/25-la-problematique-ethique-du-savoir-etre-en-didactique-des-langues-cultures-quelques-reflexions-autour-du-carap-et-autres-productions-du-conseil-de-l-europe#_ftnref6" name="_ftn6">6</a> Comme le signale d&rsquo;ailleurs explicitement les auteurs du CARAP, ce projet de r&eacute;f&eacute;rentiel repose sur un &laquo;&nbsp;pari&nbsp;&raquo; (p. 15), une hypoth&egrave;se qui demande pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; &ecirc;tre valid&eacute;e par les r&eacute;sultats. La tentative louable mais inachev&eacute;e de proposer des mat&eacute;riaux en ligne (cf. <em>Le CARAP &ndash; Mat&eacute;riaux didactiques en ligne</em> &laquo; <a href="http://carap.ecml.at/" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://carap.ecml.at/.</a> &raquo;) correspondant &agrave; des descripteurs du r&eacute;f&eacute;rentiel met en tout cas d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; en &eacute;vidence le caract&egrave;re laborieux et approximatif de l&rsquo;exp&eacute;rimentation.</p> </div>