<h3><strong>1 Introduction</strong></h3>
<p> La publication en 2001 du <em>Cadre européen commun de référence pour les langues</em> (CECRL) a marqué un grand tournant en didactique des langues. Comme ce document prétend offrir des outils utiles aux principaux agents impliqués en didactique des langues afin de répondre aux besoins des apprenants, six niveaux de compétence langagière ont été développés, sur lesquels est aligné le diplôme d’études en langue française (DELF) délivré par le Ministère français de l'Éducation Nationale. C’est ainsi que les tests du DELF, largement répandus dans le monde, sont considérés comme une validation, à vie, des compétences en langue française. Cependant, nous ne nous concentrons ici que sur deux des quatre niveaux du DELF, A2 et B1, compte tenu à la fois des contraintes de notre établissement de Taïwan, l’Université Da-yeh (DYU), ainsi que de notre problématique : comment préparer adéquatement nos étudiants à réussir les niveaux A2 et B1 du DELF alors que, dans notre enseignement, nous recourons à l’approche neurolinguistique (ANL), fondée sur des principes différents de ceux sur lesquels reposent les tests du DELF ? De façon plus générale, la question s’adresse à tous les utilisateurs de l’ANL : comment réussir les tests du DELF aux niveaux A2 et B1 quand on recourt à l’ANL ? En d’autres termes, d’une part, sur le plan théorique, y a-t-il incompatibilité entre les principes fondamentaux de l’ANL et ceux du DELF (émanant du CECRL) et, d’autre part, sur le plan pratique, comment procéder, en salle de classe et/ou en apprentissage autonome, pour assurer une préparation adéquate afin de réussir les tests du DELF aux niveaux A2 et B1 ?</p>
<h3><strong>2 Principes fondamentaux de l’ANL et du DELF</strong></h3>
<p> L’ANL, basée sur la théorie neurolinguistique du bilinguisme de Paradis (2004), repose sur cinq principes (Germain, 2017 : 45), dont trois sont originaux, les deux autres étant la <em>centration sur le message</em> et le <em>recours à l’interaction sociale</em>. Premier principe : la distinction entre deux grammaires, interne (non consciente, implicite) et externe (consciente, explicite), et la nécessité de commencer par développer la grammaire interne à partir de l’idée que la mémoire déclarative (le savoir langagier) ne peut pas se transformer en mémoire procédurale (l’habileté à communiquer et interagir). C'est ce qui permet d’expliquer ce que Germain appelle « le paradoxe grammatical » (2017 : 52). Sinon, comment expliquer autrement que des apprenants peuvent très bien réussir des tests scolaires centrés sur les savoirs langagiers, faisant appel à leur mémoire déclarative, tout en étant incapables de communiquer et interagir spontanément à l’oral, faisant appel à leur mémoire procédurale, et inversement ? Deuxième principe : une démarche d’enseignement fondée sur une conception de la pédagogie de la littératie <em>spécifique</em> à la langue seconde/étrangère (désormais : LS/LÉ), accordant la primauté à l’oral. Troisième principe: l’authenticité de la communication, et non seulement des documents. Comme ces trois principes fondamentaux ne se trouvent pas à la base du DELF, la question se pose donc du degré de compatibilité de l’ANL avec le système d’évaluation, le DELF. Autrement dit, en recourant à l’ANL, comment les apprenants pourraient-ils réussir les épreuves du DELF ?</p>
<p> La question de la compatibilité entre ces deux démarches a récemment été examinée. En effet, selon Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz, les mécanismes neurologiques mis en jeu lors de l’<em>acquisition</em> de la langue ne sont pas les mêmes que ceux mis en jeu lors de l’<em>utilisation</em> de la langue (2018 : C6-6). C’est ce qui autorise ces auteurs à affirmer que « l’ANL met surtout en valeur les processus d’acquisition d’une langue seconde ou étrangère, [alors que] le DELF en évalue plutôt le produit. » (C6-7)</p>
<p> Les conséquences pédagogiques de cette distinction sont importantes. Cela revient à se demander à partir de quel moment, dans une salle de classe, l’enseignant devrait-il commencer à préparer ses étudiants à l’évaluation d’un produit tout en se consacrant au développement du processus d’appropriation de ce produit ? La question est loin d’être banale puisque certaines techniques courantes d’évaluation ne sont nullement utilisées dans l’ANL. On pense ici en particulier à l’absence totale, dans cette approche, d’activités de simulations/jeux de rôle, ainsi que d’activités distinctes de compréhension orale et de production orale. Également, pour l’écrit, dans l’ANL il n’y a ni « exercice à trous », ni question à choix multiple, ni question du type Vrai ou Faux. Inversement, dans les tests du DELF, les étudiants sont régulièrement exposés à jouer des rôles (dans une activité, par exemple, de <em>dialogue simulé</em>), à répondre à des questions portant spécifiquement sur la compréhension orale ainsi qu’à des questions à choix multiple, etc. Pareilles différences, tout à fait légitimes dans leur ordre, peuvent se comprendre puisqu’il s’agit de deux démarches tout à fait complémentaires : l’une d’enseignement (visant au développement d’un processus) et l’autre d’évaluation (d’un produit).</p>
<p> Dans la pratique, que risque-t-il de se produire au moment de la passation des tests si les étudiants n’ont pas été préparés ou entrainés aux techniques, au vocabulaire, aux consignes et aux modalités d’évaluation du DELF ? Les étudiants de l’ANL risquent-ils d’être défavorisés, comparativement à ceux qui apprennent la langue à l’aide d’un manuel recourant au même type de techniques qui servent à la fois à enseigner et à évaluer la langue ? Pour répondre à la question, il nous faut maintenant examiner brièvement comment a été relevé jusqu’ici ce genre de défi par notre université.</p>
<h3><strong>3 Résultats d’évaluation de l’ANL aux tests du DELF</strong></h3>
<p> Depuis 2015, nous enseignons le français en recourant à l’ANL dans notre établissement, compte tenu des succès antérieurs de cette approche, tant au Canada qu’en Chine (Chang, 2020). Ce sont ces résultats prometteurs qui nous ont incitée à recourir à l’ANL. Cette approche a alors permis d’améliorer les résultats de l’apprentissage du français de nos étudiants, tant en production orale qu’en production écrite (Chang, 2017 ; Germain, 2017 : 139). En effet, les deux concepteurs canadiens de l’ANL, Germain et Netten, ont d’abord expérimenté ce régime pédagogique pendant six ans (1998-2004) auprès d’élèves de 6e année (âgés de 11 ans) dans la province anglophone de Terre-Neuve-et-Labrador, il y a plus de vingt ans (avant même la parution du CECRL). Grâce au succès obtenu auprès de ces jeunes apprenants de français, tant à l'oral qu'à l'écrit, l’ANL s’est répandue dans l’ensemble du Canada (Germain, 2017). Par la suite, à partir de 2010, l’ANL a été expérimentée auprès de jeunes universitaires chinois, à l’Université Normale de Chine du Sud, à Guangzhou, où les résultats ont également été très positifs (Germain, Liang, Ricordel, 2015).</p>
<p> Toutefois, les instruments d’évaluation alors utilisés dans ces deux pays pour l’évaluation orale et écrite des apprenants étaient différents du DELF (Germain, 2017 : 9-10 et 24 ; Germain, Jourdan-Ôtsuka et Benudiz, 2018 : C6-4 et 4). Ce n’est qu’au moment d’expérimenter l’ANL dans un lycée chinois près de Guangzhou, en 2014, auprès d’un public d’adolescents, que le DELF a été utilisé pour la première fois comme épreuve auprès d’apprenants ayant appris le français à l’aide de l’ANL. C’est alors que la réussite aux niveaux avancés du DELF a posé un certain défi (Agaesse & Guilloux, 2018). Pour notre part, dès que nous avons commencé à recourir à l’ANL au sein de notre établissement, il nous a fallu relever ce même genre de défi, sans trop de difficulté, cependant, pour le niveau A2. En voici quelques exemples.</p>
<p> Premier exemple : il s’agit du cas d’un groupe d’étudiantes – car il n’y avait pas de garçons dans notre classe (désormais : Classe A) – ayant reçu un enseignement du français au moyen de l’ANL pendant 4 semestres, pour un total d’environ 300 heures. C’est alors que quatre étudiantes ont décidé de se présenter au test du DELF A2, à la session d’avril-mai 2018. Pour cela, elles ont décidé de se préparer elles-mêmes à ce test, à la maison, à l’aide d’un manuel d’exercices [2] comprenant des consignes en chinois pour chaque épreuve ainsi que des mots de vocabulaires fréquemment utilisés dans ce genre de test, comme « une annonce », « informer », « recopier », « cocher », « justifier », et ainsi de suite. Excepté l’É3, les trois autres ont réussi ce test (Tableau 1) : </p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td><strong>Nom (lieu du test) </strong>[3]</td>
<td style="text-align: center;"><strong>CE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>CO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>TOTAL</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Résultat</strong></td>
</tr>
<tr>
<td>É1 (à Taipei)</td>
<td style="text-align: center;">24</td>
<td style="text-align: center;">18.5</td>
<td style="text-align: center;">10.5</td>
<td style="text-align: center;">16.5</td>
<td style="text-align: center;">69.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É2 (à Kaohsiung)</td>
<td style="text-align: center;">13.5</td>
<td style="text-align: center;">18.5</td>
<td style="text-align: center;">9</td>
<td style="text-align: center;">14.5</td>
<td style="text-align: center;">55.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É3 (à Kaohsiung)</td>
<td style="text-align: center;">11.5</td>
<td style="text-align: center;">13.5</td>
<td style="text-align: center;">10</td>
<td style="text-align: center;">12.5</td>
<td style="text-align: center;">47.5</td>
<td style="text-align: center;">Ajourné</td>
</tr>
<tr>
<td>É4 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">19</td>
<td style="text-align: center;">22.5</td>
<td style="text-align: center;">14</td>
<td style="text-align: center;">20</td>
<td style="text-align: center;">75.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><b>Tableau 1 : Notes du DELF A2, session avril-mai 2018, Classe A</b></p>
<p> Deuxième exemple : il s’agit du cas de deux étudiantes en particulier de cette même classe. L’une d’elles est l’É3 (du Tableau 1) qui n’avait pas réussi le DELF A2 à la session d’avril-mai. Elle a dû repasser le test à la session de novembre, cette fois-ci suite à sa préparation avec un stagiaire français. Elle a alors obtenu la note finale de 67. Quant à l’É5, qui ne s’était pas présentée à la session d’avril-mai, à la fin du cours elle s’est préparée elle-même, de manière autonome, au test du DELF A2 en utilisant encore là un manuel d’exercices préparant aux quatre épreuves du DELF et comprenant des consignes expliquées en français et en chinois. À force de faire des exercices similaires au DELF A2, elle a également réussi ce test, comme on peut le constater dans le Tableau 2 : </p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td><strong>Nom (lieu du test)</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>CE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>CO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>TOTAL</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Résultat</strong></td>
</tr>
<tr>
<td>É3 (à Kaohsiung)</td>
<td style="text-align: center;">19.5</td>
<td style="text-align: center;">21.5</td>
<td style="text-align: center;">10</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">67</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É5 (à Taipei)</td>
<td style="text-align: center;">18</td>
<td style="text-align: center;">18</td>
<td style="text-align: center;">8</td>
<td style="text-align: center;">19</td>
<td style="text-align: center;">63</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong> Tableau 2 : Notes du DELF A2, session novembre 2018, Classe A</strong></p>
<p> Troisième exemple : il s’agit du cas de 12 étudiants d’un autre groupe (désormais : Classe B) ayant reçu un enseignement du français au moyen de l’ANL par une autre enseignante de notre établissement pendant 3 semestres, ce qui représente un total d’environ 240 heures. Pour le quatrième semestre, l’enseignante en question les a pris en charge et a décidé de faire préparer en salle de classe même ce groupe d’étudiants au test du DELF A2 pendant une soixantaine d’heures, de février à avril, pour un total d’environ 300 heures. Elle a donc utilisé tous ses cours, à raison de 6 périodes par semaine, uniquement pour préparer les étudiants de sa classe au DELF A2 plutôt que de poursuivre son enseignement en recourant à d’autres unités pédagogiques de l’ANL. En plus de cela, avec l’aide d’un stagiaire français en dehors des cours, ces étudiants ont été préparés à ce test, durant 4 heures par semaine. Les résultats ont montré que, sur les 12 étudiants qui se sont présentés au test, 11 ont réussi (Tableau 3) :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td><strong>Nom (lieu du test)</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>CE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PE</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>CO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>PO</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>TOTAL</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Résultat</strong></td>
</tr>
<tr>
<td>É1 (à Kaohsiung)</td>
<td style="text-align: center;">16.5</td>
<td style="text-align: center;">20</td>
<td style="text-align: center;">14</td>
<td style="text-align: center;">19.5</td>
<td style="text-align: center;">70</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É2 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">17.5</td>
<td style="text-align: center;">22</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">20</td>
<td style="text-align: center;">75.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É3 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">16.5</td>
<td style="text-align: center;">17.5</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">24</td>
<td style="text-align: center;">74</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É4 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">17.5</td>
<td style="text-align: center;">20.5</td>
<td style="text-align: center;">9</td>
<td style="text-align: center;">21</td>
<td style="text-align: center;">68</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É5 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">21.5</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">10</td>
<td style="text-align: center;">20</td>
<td style="text-align: center;">67.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É6 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">15.5</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">63.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É7 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">12</td>
<td style="text-align: center;">16.5</td>
<td style="text-align: center;">18</td>
<td style="text-align: center;">16</td>
<td style="text-align: center;">62.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É8 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">13.5</td>
<td style="text-align: center;">18</td>
<td style="text-align: center;">8</td>
<td style="text-align: center;">17</td>
<td style="text-align: center;">56.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É9 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">11</td>
<td style="text-align: center;">15.5</td>
<td style="text-align: center;">11</td>
<td style="text-align: center;">18.5</td>
<td style="text-align: center;">56</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É10 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">9</td>
<td style="text-align: center;">17.5</td>
<td style="text-align: center;">14</td>
<td style="text-align: center;">11</td>
<td style="text-align: center;">51.5</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É11 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;">10.5</td>
<td style="text-align: center;">13.5</td>
<td style="text-align: center;">14</td>
<td style="text-align: center;">12</td>
<td style="text-align: center;">50</td>
<td style="text-align: center;">Admis</td>
</tr>
<tr>
<td>É12 (à Taichung)</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">Ajourné</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"> <strong>Tableau 3 : Notes du DELF A2, session avril-mai 2018, Classe B</strong></p>
<p>Bien entendu, ce sont des résultats très satisfaisants car le taux de réussite est de pratiquement 92%.</p>
<p> Quatrième cas : il s’agit en quelque sorte d’un contre-exemple, illustrant les nouveaux défis à affronter pour le niveau B1, cette fois. Le dernier succès qui vient d’être rapporté concernant le niveau A2 a fait penser à l’enseignante impliquée qu’au lieu de continuer à enseigner le français en recourant à l’ANL pendant la troisième année, elle pourrait consacrer tout ce temps exclusivement, en salle de classe, à la préparation de ses étudiants au DELF B1. C’est ainsi qu’une vingtaine d’étudiants, qui avaient déjà eu au moins 300 heures d’enseignement, se sont présentés à ce test au bout d’environ 130 heures de préparation en classe au DELF B1, soit à Taichung (fin avril 2019), soit à Taipei (début mai 2019). Les résultats des tests ont été annoncés en juin : au grand étonnement de l’enseignante, deux étudiants seulement ont obtenu le diplôme du DELF B1. Ce qui signifie que la majorité des étudiants ont échoué malgré le grand nombre d’heures de préparation au DELF B1. Comment expliquer ces résultats ? Pour cela, il nous faut examiner successivement trois facteurs importants : le nombre d’heures requis pour atteindre le niveau B1, les contenus enseignés et, enfin, le type de pédagogie utilisée pour enseigner ce contenu.</p>
<h3><strong>4 Nombre d’heures requis pour atteindre les trois premiers niveaux du DELF</strong></h3>
<p> Selon le Centre international d’études pédagogiques (CIEP), le tableau du nombre d’heures d’apprentissage estimées nécessaires pour atteindre les niveaux A1, A2 et B1 se présente comme suit [4] :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>Niveau</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Peut se maîtriser en ... heures d'apprentissage</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Cumul du nombre d'heures d'apprentissage</strong></td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;">A1</td>
<td style="text-align: center;">80 à 100 h</td>
<td style="text-align: center;">80 à 100 h</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;">A2</td>
<td style="text-align: center;">+ 100 à 120 h</td>
<td style="text-align: center;">180 à 220 h</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;">B1</td>
<td style="text-align: center;">+ 150 à 180 h</td>
<td style="text-align: center;">330 à 400 h</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong>Tableau 4 : Nombre d’heures pour l’apprentissage des niveaux A1, A2 et B1 du CECRL</strong> </p>
<p>Alors que le passage du niveau A1 au niveau A2 ne requiert que de 100 à 120 heures de plus, on constate qu’il y a un saut quantitatif à franchir pour passer du niveau A2 au niveau B1 du DELF, c’est-à-dire l’ajout de 150 à 180 heures.</p>
<p> Dans les deux premiers cas rapportés précédemment, au bout d’environ 300 heures d’apprentissage du français en salle de classe au moyen de l’ANL, il a été possible de se préparer en autonomie assistée (avec un stagiaire français) ou en autonomie complète à l’aide d’un manuel approprié, à la réussite du DELF A2. Dans le troisième cas, au bout de 240 heures au moyen de l’ANL, il a également été possible de se préparer adéquatement au DELF A2, en salle de classe cette fois (Classe B) et en autonomie assistée. On peut donc constater que si les étudiants possèdent une base solide en français au moyen de l’ANL au bout de 300 heures d’enseignement, ils peuvent réussir à atteindre le niveau A2 du DELF sans que l’enseignant ait besoin, en classe, de les préparer spécifiquement à bien comprendre les « techniques » de passation de ce test (puisqu’il n’en est pas question dans l’ANL) ainsi que le vocabulaire des consignes du DELF. Ces techniques et ces consignes peuvent plutôt être préparées de manière relativement autonome. Il semble bien que, plus le nombre d’heures consacré à l’apprentissage même des bases de la langue est élevé, plus facile sera la préparation, à la fin du cours, à la réussite du DELF A2.</p>
<p> Dans le cas de notre contre-exemple, il a paru normal de penser qu’il suffirait d’ajouter 130 heures de préparation exclusive au DELF en salle de classe pour réussir le niveau B1. Cela représentait tout de même un total d’environ 430 heures, allant ainsi un peu au-delà du nombre minimal d’heures requis, selon les normes du CIEP. Mais, tel n’a pas été le cas : le nombre minimal d’heures suggérées est certes une condition nécessaire, mais il ne s’agit nullement d’une condition suffisante. Le contenu enseigné, ainsi que les démarches d’enseignement utilisées pour l’appropriation de ce contenu, doivent également être pris en compte, comme on va maintenant le voir.</p>
<h3><strong>5 Inventaire des contenus clés du CECRL et des structures modèles de l’ANL</strong></h3>
<p> Depuis peu, on dispose d’un <em>Inventaire linguistique des contenus clés des niveaux du CECRL</em> (désormais l’<em>Inventaire</em>), qui est le fruit d’une collaboration entre des experts de quatre organisations partenaires. Grâce à cet <em>Inventaire</em>, on peut maintenant déterminer « quels contenus enseigner à chaque niveau du CECRL aux apprenants de 16 ans et plus » (Eaquals, 2015 : 4). Chaque niveau comprend de quatre à cinq domaines, à savoir : (1) fonctions, (2) discours, (3) socioculturel, (4) grammaire et (5) thèmes de vocabulaire. Chaque domaine comporte ses propres « contenus clés » (voir le Tableau 5 ci-dessous, comprenant un très bref extrait des cinq domaines des contenus clés des niveaux A1, A2 et B1, afin d’illustrer concrètement de quoi il s’agit) :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:650px;">
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>Contenus clés</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>A1</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>A2</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>B1</strong></td>
</tr>
<tr>
<td colspan="1" rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>Fonctions</strong></td>
<td>Demander et donner des informations sur des habitudes quotidiennes, un emploi du temps</td>
<td>Prendre un rendez-vous (et confirmer / avancer /reporter / annuler) </td>
<td>Interagir au téléphone</td>
</tr>
<tr>
<td>Parler de ses goûts</td>
<td>Inviter/offrir : refuser, accepter, remercier </td>
<td>Parler de son expérience professionnelle, son environnement de travail</td>
</tr>
<tr>
<td colspan="1" rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>Discours</strong></td>
<td colspan="1" rowspan="2"> </td>
<td>Interrompre poliment pour faire répéter </td>
<td>Répéter ce que quelqu'un a dit (pour s'assurer de la compréhension)</td>
</tr>
<tr>
<td>Engager et/ou terminer une conversation </td>
<td>Conclure</td>
</tr>
<tr>
<td colspan="1" rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>Socioculturel</strong></td>
<td>Les formules pour les invitations, les remerciements, les excuses</td>
<td>Les formules pour les invitations, les remerciements, les excuses </td>
<td>Les rituels de la lettre formelle, commerciale</td>
</tr>
<tr>
<td>Les rituels de la lettre amicale/du courrier électronique</td>
<td>Les rituels de la lettre amicale/du courrier électronique </td>
<td>Les rituels des exposés dans les réunions</td>
</tr>
<tr>
<td colspan="1" rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>Grammaire</strong></td>
<td>Les partitifs</td>
<td>L'imparfait (description dans le passé) </td>
<td>Le passif</td>
</tr>
<tr>
<td> Il y a</td>
<td>L'alternance entre le passé composé et l'imparfait</td>
<td>Le gérondif</td>
</tr>
<tr>
<td colspan="1" rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>Thèmes de vocabulaire</strong></td>
<td>La date, les jours, les mois, les saisons, les fêtes</td>
<td>Les personnes : la description physique, le caractère, la personnalité</td>
<td>Les loisirs, les sports, les vacances, les voyages</td>
</tr>
<tr>
<td>Les loisirs, les sports</td>
<td>Les activités quotidiennes</td>
<td>La mode</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong> Tableau 5 : Exemples de contenus clés pour les niveaux A1, A2 et B1 (Eaquals, 2015)</strong></p>
<p> D’après nos propres calculs, basés sur les données fournies par Eaquals (2015 : 44-54), on obtient les nombres suivants de contenus clés pour les niveaux A1, A2 et B1 :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td> </td>
<td style="text-align: center;">A1</td>
<td style="text-align: center;">A2</td>
<td style="text-align: center;">B1</td>
</tr>
<tr>
<td><strong>Fonctions</strong></td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td> </td>
<td> </td>
</tr>
<tr>
<td>Interactions sociales</td>
<td style="text-align: center;">13</td>
<td style="text-align: center;">13</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td>Descriptions et récits</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
<td style="text-align: center;">9</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td>Échanges d'information</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td>Opinions et arguments</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
</tr>
<tr>
<td>Bien et services</td>
<td style="text-align: center;">6</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Autres notions</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;">Sous-total :</td>
<td style="text-align: center;">24</td>
<td style="text-align: center;">26</td>
<td style="text-align: center;">15</td>
</tr>
<tr>
<td><strong>Discours</strong></td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>Fonctions interactives</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
</tr>
<tr>
<td>Structuration de la production</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;">Sous-total :</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
<td style="text-align: center;">7</td>
</tr>
<tr>
<td>Socioculturel</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;">Sous-total :</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
</tr>
<tr>
<td><strong>Grammaire</strong></td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>Les temps</td>
<td style="text-align: center;">5</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td>L'interrogation</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>La négation</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>L'infinitif et l’impératif</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>Le conditionnel</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
</tr>
<tr>
<td>Le subjonctif</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td>Le passif</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Les participes etc.</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Le discours indirect</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Autres groupes de verbes</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>L'hypothèse</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
</tr>
<tr>
<td>Le genre et le nombre</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>La nominalisation</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Les articles</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>Les adjectifs</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>Les adverbes</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>L'espace et le temps</td>
<td style="text-align: center;">5</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>Les pronoms</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">5</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
</tr>
<tr>
<td>Les présentatifs</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
<td style="text-align: center;">0</td>
</tr>
<tr>
<td>Les relations logiques</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">2</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td>Connecteurs</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
<td style="text-align: center;">1</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;">Sous-total :</td>
<td style="text-align: center;">35</td>
<td style="text-align: center;">17</td>
<td style="text-align: center;">21</td>
</tr>
<tr>
<td><strong>Thèmes de vocabulaire</strong></td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;">Sous-total :</td>
<td style="text-align: center;">17</td>
<td style="text-align: center;">4</td>
<td style="text-align: center;">3</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;"><strong>Total</strong> (par niveau) :</td>
<td style="text-align: center;"><strong>80</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>52</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>48</strong></td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;"><strong>Total cumulatif :</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>80</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>132</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>180</strong></td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong> Tableau 6 : Nombres de contenus clés de l’inventaire du CECRL pour les niveaux A1, A2 et B1</strong></p>
<p> Il est à préciser que nous n’avons compté dans l’<em>Inventaire</em> qu’une occurrence pour chaque contenu clé, pour un niveau donné. Par exemple, dans l’<em>Inventaire</em>, même si le contenu clé « la négation » figure à la fois aux niveaux A1, A2 et B1, dans ce cas-là nous ne l’avons compté que pour une seule occurrence (pour le niveau A1).</p>
<p> Qu’en est-il, dès lors, du contenu des premières unités pédagogiques de l’ANL ? À des fins de comparaison, il a paru opportun de faire un rapprochement entre les contenus de l’<em>Inventaire</em> (les contenus clés) et les contenus de l’ANL, tirés des unités pédagogiques de cette approche. Dans l’ANL, on commence toujours par l’enseignement de l’oral : l’enseignant modélise d’abord une nouvelle structure, désignée dans les unités pédagogiques comme une <em>structure modèle</em>, en rapport avec l’expérience ou le vécu personnel de l’enseignant, en vertu du principe de l’authenticité de la communication, afin que les apprenants puissent avoir un modèle à suivre pour répondre adéquatement à une question correspondant à cette structure modèle. Cette question, nous la désignerons ici comme étant une structure interactive afin de mettre l’accent sur la nature interactive de l’approche. C’est ainsi qu’à chaque structure modèle donnée par l’enseignant correspond une <em>structure interactive</em>, se présentant sous la forme d’une question posée à un étudiant, afin de lui permettre de répondre en réutilisant la structure modèle, tout en l’adaptant à sa propre situation, à son propre vécu. Le Tableau 7 ci-dessous présente quelques exemples tirés des six premières unités pédagogiques de l’ANL (les structures langagières nouvelles, à faire apprendre, sont soulignées) :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:650px;">
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>UNITE :</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Structures Modèles</strong></td>
<td style="text-align: center;"><strong>Structures interactives</strong></td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U1</strong></td>
<td>Je suis tenace et efficace, <u>ce sont mes deux principales qualités.</u></td>
<td>Quelles sont tes deux principales qualités ?</td>
</tr>
<tr>
<td><u>Mon numéro de téléphone portable, c'est le </u>0952886709.</td>
<td>Quel est ton numéro de téléphone portable ?</td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U2</strong></td>
<td><u>Dans ma famille, il y a cinq personnes :</u> mon père, mes trois petites sœurs et moi. Ma mère est décédée, il y 9 ans.</td>
<td>Dans ta famille, il y a combien de personnes ? Qui sont ces personnes ?</td>
</tr>
<tr>
<td><u>J'habite en ville, loin de l'université. J'habite au centre-ville.</u></td>
<td>Tu habites où ? (Tu habites à la campagne, sur le campus, près ou loin de l'université ?)</td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U3</strong></td>
<td>À Taïwan, le matin, au petit déjeuner, on mange une galette aux grains de sésame avec des beignets frits. Mais moi, <u>le matin, au petit déjeuner, je mange habituellement du riz, du poisson, des légumes et des fruits.</u></td>
<td>Et toi, qu'est-ce que tu manges habituellement le matin, au petit déjeuner ?</td>
</tr>
<tr>
<td>Je mange très souvent des légumes. <u>Je pense que c'est une bonne habitude alimentaire parce que</u> les légumes sont riches en fibres. [Ou bien, si c'est le cas] : Je mange beaucoup de gâteaux. <u>Je pense que ce n'est pas une bonne habitude alimentaire parce que</u> les gâteaux contiennent trop d’acides gras saturés, c'est mauvais pour la santé.</td>
<td>Et toi, qu'est-ce que tu bois ou manges souvent ? Est-ce que tu penses que c'est une bonne habitude alimentaire ? Pourquoi ?</td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U4</strong></td>
<td>Au cours de l'année, j'achète peu de vêtements mais ces vêtements sont <u>chers.</u></td>
<td>Et toi, au cours de l'année, est-ce que tu achètes beaucoup ou peu de vêtements ? Et ces vêtements sont de quel ordre de prix ? (Ces vêtements sont de quel prix ? bon marché, de prix moyen ou chers)</td>
</tr>
<tr>
<td><u>Je n’ai jamais acheté de vêtements sur Internet parce que </u>je veux essayer les vêtements avant de les acheter.</td>
<td>Et toi, est-ce que tu achètes des vêtements sur Internet ? Si oui, pourquoi ?</td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U5</strong></td>
<td><u>Pendant mon temps libre,</u> je regarde des séries télévisées japonaises. Mais, je lis aussi des romans. Et j'aime bien aussi « chatter » pendant mon temps libre.</td>
<td>Et toi, qu'est-ce que tu fais pendant ton temps libre ?</td>
</tr>
<tr>
<td><u>Le sport que je pratique</u> est la marche à pied. <u>Pour faire</u> de la marche à pied, <u>il faut</u> une paire de bonnes chaussures de sport. <u>C'est un sport qu'on peut pratiquer tout seul.</u> C'est aussi un sport <u>qui se pratique à l'extérieur.</u></td>
<td>Et toi, quel sport est-ce que tu pratiques ? Tu as besoin de quoi pour le sport que tu pratiques ? C'est un sport individuel ou c'est un sport d'équipe ? C'est un sport qui se pratique à l'intérieur ou à l'extérieur ?</td>
</tr>
<tr>
<td rowspan="2" style="text-align: center;"><strong>U6</strong></td>
<td><u>Mon chanteur préféré est</u> Patrick Bruel <u>parce qu'il est</u> talentueux.</td>
<td>Quel est ton chanteur ou ta chanteuse préféré-(e) ? Et pourquoi ?</td>
</tr>
<tr>
<td>J'écoute de la musique à la radio. <u>J'écoute de la musique en utilisant mon poste de radio.</u> J'écoute aussi de la musique <u>en utilisant mon ordinateur</u>.</td>
<td>Et toi, tu écoutes de la musique en utilisant quelle technologie ?</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong>Tableau 7 : Exemples de structures modèles et interactives correspondantes des unités 1 à 6 de l’ANL à DYU (227 heures d’enseignement)</strong></p>
<p> Rappelons que nous avons nous-même mis l’ANL à l’essai pendant quatre semestres consécutifs à notre université (Chang, 2020). Au cours de cette période, nous n’avons utilisé, en les adaptant, que six unités pédagogiques, avec une classe de français de grands débutants, à raison de seulement cinq heures par semaine car, suite à une réforme des programmes de langues de notre institution en 2015, le nombre d’heures hebdomadaires a malheureusement été réduit de moitié. Chaque unité pédagogique contient en moyenne 15 structures modèles et requiert une moyenne de 38 heures d’enseignement (Tableau 8) :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:600px;">
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>Unité</strong></td>
<td colspan="2" style="text-align: center;"><strong>Nb de Structures interactives</strong></td>
<td colspan="2" style="text-align: center;"><strong>Nb d'heures d'enseignement</strong></td>
</tr>
<tr>
<td> </td>
<td style="text-align: center;">par unité</td>
<td style="text-align: center;">cumulatives</td>
<td style="text-align: center;">par unité</td>
<td style="text-align: center;">cumulatives</td>
</tr>
<tr>
<td>U1 Je me présente</td>
<td style="text-align: center;">29</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">33 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>U2 Ma famille proche et éloignée</td>
<td style="text-align: center;">22</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">45 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>U3 Mon alimentation</td>
<td style="text-align: center;">10</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">40 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>U4 Mes vêtements</td>
<td style="text-align: center;">11</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">35 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;"><strong>Total (U1 à U4) :</strong></td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">72</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">153</td>
</tr>
<tr>
<td>U5 Les sports</td>
<td style="text-align: center;">13</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">38 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td>U6 La musique</td>
<td style="text-align: center;">5</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td style="text-align: center;">36 h.</td>
<td style="text-align: center;"> </td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;"><strong>Total (U5 – U6) :</strong></td>
<td style="text-align: right;"> </td>
<td style="text-align: center;">18</td>
<td style="text-align: right;"> </td>
<td style="text-align: center;">74</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: right;"><strong>Grand total (U1 à U6) :</strong></td>
<td> </td>
<td style="text-align: center;"><strong>90</strong></td>
<td> </td>
<td style="text-align: center;"><strong>227</strong></td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: center;"><strong>Tableau 8 : Nombre de structures interactives des 6 unités pédagogiques de l’ANL à DYU et nombre d’heures correspondantes</strong></p>
<p> Ainsi, en mettant en parallèle les Tableaux 6 et 8, on se rend compte que pour un nombre d’heures à peu près équivalent (environ 220), pour le niveau A2 on propose 132 contenus clés dans l’<em>Inventaire</em>, comparativement à seulement 90 structures modèles dans l’ANL. Mais, pour ce niveau, on peut considérer que 300 heures de formation de base en français au moyen de l’ANL est suffisant (comme on l’a vu dans les deux premiers cas rapportés) pour pouvoir songer à se préparer de manière autonome à la passation des tests du niveau A2 puisqu’au bout de 300 heures on aurait 30 structures modèles supplémentaires (15 structures modèles en moyenne par unité), ce qui signifie 76 heures d’enseignement supplémentaire. </p>
<h3>6 Démarches d’enseignement différentes</h3>
<p> En plus du nombre d’heures et des contenus enseignés, tel que mentionné précédemment, il y a un troisième facteur qu’il nous faut prendre en compte : le concept de littératie et les démarches d’enseignement qui en découlent. Le plus souvent, la littératie réfère « au savoir lire et écrire (en un sens restreint) ou à la culture de l’esprit (en un sens plus large) » (Cuq, 2003 : 157-158). Toutefois, dans l’ANL, la conception de la littératie est tout à fait différente puisqu’elle ne réfère pas à un savoir mais bien à une habileté :</p>
<p style="text-align: left;"><q>la littératie désigne <u><em>la capacité d’utiliser le langage</em></u> et les images, de formes riches et variées, pour lire, écrire, écouter, parler, voir, représenter et penser de façon critique. Elle permet d’échanger des renseignements, d’interagir avec les autres et de produire du sens. </q>(Gouvernement de l’Ontario, 2004 : 5 – le souligne est de nous)</p>
<p>Pareille définition réfère non seulement à la lecture et à l’écriture, comme cela est habituellement le cas, mais à la capacité d’utiliser les quatre compétences de la langue : lire, écrire, écouter et parler, c’est-à-dire communiquer et interagir, tant à l’oral qu’à l’écrit. Les auteurs de l’ANL en ont tiré une pédagogie de la littératie <em>spécifique</em> à la LS/LÉ, prenant en compte le fait que, contrairement à ce qui se passe en langue maternelle/première (L1), les apprenants ne savent pas parler la langue (ce qui n’est pas le cas de la définition rapportée ci-dessus par Cuq). Enfin, comme la mémoire déclarative ne saurait se transformer en mémoire procédurale, comme on l’a vu ci-dessus, la primauté doit être accordée à l’oral.</p>
<p> Dans cette perspective de neurolittératie, dans l’ANL on développe d’abord l’acquisition (l’habileté, non consciente) avant l’apprentissage (le savoir conscient), puisque le savoir ne peut pas se transformer en habileté. Et chaque unité pédagogique est conçue pour accomplir le cercle de la littératie (Germain, 2017). Cela veut dire qu’on commence<em> toujours</em> par l’oral en fournissant d’abord un modèle langagier personnel – comme on l’a vu précédemment – tout en stimulant l’écoute de l’apprenant pour faire acquérir de façon non consciente les structures phrastiques. Après l’acquisition de l’oral, commence alors l’apprentissage de la lecture, qui porte sur un même thème, en lien étroit avec les structures langagières d’abord acquises oralement. Il s’agit cette fois de sensibiliser les apprenants aux phénomènes prosodiques ainsi qu’aux rapports entre les sons et leurs différentes graphies afin d’améliorer la lecture à haute voix et les préparer à l’écriture, tout en faisant observer explicitement les phénomènes grammaticaux du texte lu. Une fois que l’apprenant peut lire couramment le texte, on lui demande alors d’écrire un texte en l’adaptant à ses propres conditions et situations. Puis, l’enseignant demande à quelques étudiants de lire leur texte à haute voix, bien sûr après avoir corrigé les erreurs dans le texte car, dans l’ANL, l’enseignant corrige les erreurs orales et écrites de l’apprenant (Germain, 2017). Enfin, pour boucler la boucle (le cercle de la littératie), l’enseignant questionne oralement quelques apprenants sur le contenu personnel du texte qui vient d’être lu par un autre apprenant.</p>
<p> Pareille démarche d’enseignement est tout à fait différente, par exemple, du manuel de français que nous utilisions dans notre établissement avant de recourir à l’ANL, <em>Latitudes 1</em> :</p>
<p><q>Les objectifs et les contenus de Latitudes ont été définis en prenant en compte les principes du <em>Cadre européen de référence pour les langues</em> ([…]) : travail sur tâches ([…]), ouverture à la pluralité des langues et des cultures ([…]). La démarche de <em>Latitudes</em>, résolument actionnelle, trouve sa légitimé dans le processus d’acquisition. Ainsi, chaque unité propose à l’apprenant d’acquérir des éléments de langue-culture qu’il pourra réinvestir dans des productions guidées ou libres et dans des tâches concrètes de la vie quotidienne.</q> (Mérieux et Loiseau, 2012 : 2).</p>
<p>Chaque unité de <em>Latitudes 1</em> commence soit par un exercice d’écoute, soit par un exercice de lecture ; quant à la production orale, elle se trouve toujours en bout de ligne. C’est ainsi que ce genre de méthode de français fait habituellement appel à l’apprentissage (le savoir conscient, l’explicite) avant l’acquisition (l’habileté non consciente, l’implicite), ce qui laisse présupposer que le savoir langagier pourrait se transformer en habileté à communiquer. Ce qui est tout à fait contraire à l’ordre du développement des compétences prôné dans l’ANL.</p>
<p> Toutefois, en procédant en suivant les démarches pédagogiques de l’ANL, on se rend vite compte que cela requiert nécessairement plus de temps qu’avec un manuel conventionnel, comme le révèle bien ce témoignage d’une enseignante ANL de Hong Kong :</p>
<p><q>L’un des problèmes qui se posent est que le rythme du cours tel que fixé par mon institution (c’est-à-dire le nombre de leçons du livre à couvrir en un nombre fixe de leçons) est beaucoup trop rapide pour une approche comme l’ANL. Car, évidemment, ce qui se découvre et se comprend conceptuellement en une heure (avec une approche traditionnelle) nécessite bien plus de temps pour une intégration progressive et en douceur dans la mémoire procédurale.</q>(Rapporté dans Germain, 2017 : 70).</p>
<p>Il en va de même de la question du vocabulaire : les auteurs de l’ANL recommandent, par exemple, de ne faire apprendre en salle de classe qu’un nombre limité de mots de vocabulaire, quatre ou cinq par exemple, afin que les apprenants puissent effectivement les utiliser dans des phrases complètes, mettant ainsi en jeu leur mémoire procédurale, plutôt que de faire mémoriser de longues listes de mots de vocabulaire hors contexte, ne faisant appel qu’à leur mémoire déclarative (Germain, 2017 : 79). Mais, bien entendu, cela requiert plus de temps en salle de classe.</p>
<p> Malgré tout, afin de comparer ce qu’on enseigne selon l’<em>Inventaire</em> des contenus clés et selon l’ANL, il faut se référer à un nombre d’heures d’enseignement équivalent. Si l’enseignement du contenu correspondant au niveau A2 peut se faire entre 180 et 220 heures, nous pouvons le comparer aux 227 heures de l’ANL, ce qui correspond à l’enseignement de six unités pédagogiques de l’ANL, comme l’indique le Tableau 8. En comparant le nombre d’heures d’apprentissage suggérées par le CIEP et le nombre de contenus clés, il nous paraît correct d’affirmer qu’après avoir reçu un enseignement du français en recourant à l’ANL pendant pratiquement 150 heures, avec un peu plus de 70 structures modèles pour 4 unités (voir Tableau 8), nos apprenants seraient tout à fait capables de réussir le test du DELF A1 (mais, jusqu’ici, aucun d’eux n’a vu l’utilité de posséder une attestation pour ce niveau de compétence). Car, selon Eaquals (2015), il n’y a que 80 contenus clés pour le niveau A1. Et le nombre d’heures d’apprentissage estimé pour le niveau A1 varie de 80 à 100. Vues les caractéristiques de l’enseignement au moyen de l’ANL (le cercle de la littératie, ainsi que l’utilisation et la réutilisation d’une même structure, etc.), il est normal que cela nécessite plus de temps qu’avec une méthode conventionnelle. </p>
<h3>7 Proposition pour la réussite des niveaux A2 et B1 du DELF tout en recourant à l’ANL</h3>
<p> Quoi qu’il en soit, à ce point-ci, en ayant en tête l’ensemble des considérations qui précèdent (concernant le nombre d’heures, le contenu et les démarches d’enseignement émanant d’une conception de la pédagogie de la littératie spécifique à la L2/LÉ), il semble bien que l’on soit en possession de tous les éléments nous permettant maintenant de répondre de façon satisfaisante à notre question initiale : comment éviter les piètres résultats dont il a été précédemment question pour le niveau B1 ?</p>
<p> Bien qu’il soit possible de réussir le test du DELF A2 après avoir fait les six premières unités pédagogiques de l’ANL, pour un total d’environ 277 heures, en ajoutant une cinquantaine d’heures de préparation spécifique au DELF, assistée par l’enseignant (tel que rapporté plus haut dans l’exemple 3), il serait certainement préférable d’enseigner en recourant à huit unités pédagogiques (120 structures modèles et 300 heures), afin de posséder une très solide base en français avant de se préparer au DELF A2 en autonomie complète (tel que rapporté plus haut dans les deux premiers exemples).</p>
<p> Cela étant, d’après nos calculs, pour atteindre le niveau B1 du DELF, il semble bien qu’il faudrait compléter, au total, douze unités pédagogiques de l’ANL. Un niveau de compétence de base en français parait être un préalable suffisant, permettant aux étudiants de songer alors sérieusement à se préparer à ce type de test. Conséquemment, pour passer de 300 heures (niveau A2, avec l’ANL) à environ 450 heures, il faudrait 150 heures d’enseignement pour compléter leur formation. Ce qui voudrait dire, idéalement, recourir à quatre nouvelles unités pédagogiques, à raison d’une moyenne de 38 heures par unité. En outre, à raison d’une moyenne de 15 structures modèles par unité, ces six unités devraient comprendre 90 structures modèles. À cela, s’ajoutent les 90 structures modèles des 6 unités précédentes, pour un total d’environ 180 structures modèles pour atteindre le niveau B1. Comme un semestre compte 75 heures d’enseignement, il faudrait donc, théoriquement (« idéalement ») ajouter deux semestres pour couvrir les 150 structures modèles nécessaires, en classe, pour réussir le niveau B1, qui requiert, de fait, 180 contenus clés, tel que rappelé dans le Tableau 9 :</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:500px;">
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>DELF</strong></td>
<td style="text-align: center;">Nb d'heures d'enseignement cumulatif estimé</td>
<td style="text-align: center;">Nb de contenus clés cumulatifs (Inventaire)</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>A1</strong></td>
<td style="text-align: center;">80 à 100 h.</td>
<td style="text-align: center;">80</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>A2</strong></td>
<td style="text-align: center;">180 à 220h.</td>
<td style="text-align: center;">132</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>B1</strong></td>
<td style="text-align: center;">330 à 400h.</td>
<td style="text-align: center;">180</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong>Tableau 9 : Nombre d’heures d’enseignement et de contenus clés émanant du CECRL pour les niveaux A1, A2 et B1</strong></p>
<p> Nous pensons qu’on peut préparer les apprenants ANL au DELF B1 à la condition qu’ils aient d’abord eu un nombre d’heures d’enseignement suffisant en salle de classe. Nous émettons l’hypothèse suivante : les 11 étudiants qui ont échoué n’ont pas eu suffisamment d’heures d’enseignement du français à l’aide de l’ANL, <em>en salle de classe</em>, afin de consolider d’abord leur base en français, avant de se préparer à subir ce test. Or, si ces étudiants n’ont été exposés qu’à 90 structures modèles dans les six premières unités, même si certaines structures modèles sont plus complexes, comparativement aux 180 contenus clés cumulatifs du niveau B1 du CECRL, cela apparait nettement insuffisant. Ces 90 structures modèles pourraient certes suffire pour assurer une meilleure préparation permettant aux étudiants de se présenter au DELF A2, mais cela ne serait certainement pas suffisant pour les préparer au DELF B1.</p>
<p> Dans ce cas, pourrait-on demander, combien d’heures minimales d’enseignement à l’aide de l’ANL seraient requises avant d’entamer la préparation au DELF B1 ? Nous pensons qu’il faudrait utiliser au moins encore quatre unités pédagogiques ANL, en plus des huit premières, ce qui représente pratiquement une année scolaire, c’est-à-dire environ 150 d’heures d’enseignement de plus avant de les préparer adéquatement au DELF B1. De plus, il faudrait que les thèmes des unités pédagogiques soient plus variés. Pour cela, il suffirait de se référer aux inventaires clés du niveau B1 du DELF afin de faire une adaptation à la fois conforme aux principes fondamentaux de l’ANL et à la très grande variété de sujets du test du DELF B1.</p>
<table border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width: 500px;">
<tbody>
<tr>
<td colspan="4">Tableau des correspondantes « idéales » : nombre d'heures, d'unités ANL et de structures interactives</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>DELF</strong></td>
<td style="text-align: center;">Nb d'heures d'enseignement cumulatif estimé</td>
<td style="text-align: center;">Nb d'unités pédagogiques nécessaires (ANL)</td>
<td style="text-align: center;">Nb de structures interactives cumulatives (ANL)</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>A1</strong></td>
<td style="text-align: center;">150 h.</td>
<td style="text-align: center;">Unités 1-4</td>
<td style="text-align: center;">60</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>A2</strong></td>
<td style="text-align: center;">300 h.</td>
<td style="text-align: center;">Unités 5-8</td>
<td style="text-align: center;">120</td>
</tr>
<tr>
<td style="text-align: center;"><strong>B1</strong></td>
<td style="text-align: center;">450 h.</td>
<td style="text-align: center;">Unités 9-12</td>
<td style="text-align: center;">180</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p style="text-align: left;"><strong>Tableau 10 : Nombre « idéal » d’heures d’enseignement, d’unités et de structures interactives de l’ANL pour les niveaux A1, A2 et B1</strong></p>
<p> Puisque l’enseignement du français au moyen de l’ANL nécessite plus d’heures pour réussir les tests du DELF (à cause notamment de la pédagogie de la littératie mise en œuvre), on pourrait se demander pourquoi nous persistons à utiliser cette approche. On n’ignore pas l’importance de la passation du DELF. Or, comme le CECRL ne propose ni une théorie, ni une description de la mise en pratique de l’apprentissage et de l’enseignement des langues (malgré ce qu’annonce son titre : <em>Apprendre, enseigner, évaluer</em>), il doit plutôt être considéré comme le descripteur d’un instrument d’évaluation (Maurer & Puren, 2019). C’est pourquoi il nous a semblé légitime de recourir à des principes différents de ceux à la base du DELF, c’est-à-dire enseigner le français au moyen de l’ANL afin de permettre aux apprenants de s’approprier une base certaine pour être en mesure de se préparer par la suite aux tests du DELF, en autonomie, conformément à l’une des caractéristiques de « la pédagogie inversée » (Germain, 2017 : 64). Certes, les apprenants doués, quelle que soit la méthode, réussiront toujours leurs études. Toutefois, avec des apprenants moins doués ou peu motivés, comme cela est le cas chez les étudiants de français de notre établissement, le choix de la méthode d’enseignement devient primordial. Jusqu’ici, l’ANL s’est avérée une approche tout à fait adéquate, qui a permis d’améliorer les résultats de l’apprentissage de nos étudiants, particulièrement la compétence de communication en production orale et en production écrite, tant en aisance qu’en précision (Chang, 2017).</p>
<h3>8 Conclusion</h3>
<p> En définitive, il ressort des observations et analyses qui précèdent que, en théorie les principes de base de l’ANL n’entrent pas en conflit avec ceux du DELF : il s’agit de deux démarches tout à fait complémentaires, l’une visant, sur le plan de l’enseignement, au développement des processus d’apprentissage (l’ANL) et l’autre visant, sur le plan de l’évaluation, à tester le produit de cet apprentissage. En pratique, l’atteinte des niveaux A1 et A2 du DELF ne nécessite aucun véritable ajustement de l’ANL en ce qui a trait aux activités de la salle de classe. Toutefois, afin d’assurer une préparation adéquate des étudiants à ces niveaux du DELF, il est essentiel qu’ils se familiarisent avec les techniques et consignes de passation de ce test, ainsi qu’avec le type de vocabulaire habituellement utilisé dans ce genre d’épreuves. Toutefois, en tant que démarche complémentaire de l’ANL, cette préparation n’a pas à être prise sur le temps de classe mais a tout intérêt à se faire en dehors de la classe, c’est-à-dire à la maison en autonomie complète ou peut-être même au sein de l’institution, en autonomie assistée par un stagiaire, par exemple. Dans cette perspective, l’échec d’une vingtaine d’étudiants au niveau B1, tel que rapporté précédemment, s’explique par le fait que le nombre d’heures consacrées au développement des compétences de base en français n’a pas été du tout suffisant, une année entière ayant été consacrée à la seule préparation au test. Or, tel que rappelé au cours de nos analyses, le recours à l’ANL nécessite plus de temps que dans les méthodes courantes, compte tenu notamment de la très grande importance accordée à l’utilisation et à la réutilisation des structures modèles adaptées à la situation de chacun ainsi qu’au nombre limité de mots de vocabulaire que cela entraine, dans le cadre des démarches d’enseignement d’une pédagogie de la littératie spécifique à la LS/LÉ. En somme, il importe avant tout de posséder d’abord une solide base en français acquise grâce à l’ANL, qui vise le développement du processus même d’apprentissage. Une fois cette base acquise, les étudiants peuvent alors entreprendre de se préparer, de manière relativement autonome, aux techniques, au vocabulaire et aux consignes des tests du DELF (visant le produit de l’apprentissage) pour qu’ils s’habituent au format de ce test. Toutefois, afin de valider pareille hypothèse, d’autres recherches empiriques seraient nécessaires.</p>
<h3>Références</h3>
<p>Agaesse, P. et Guilloux, C. (2018). Comparaison de résultats au DELF A1 et B1 entre les méthodes ANL et conventionnelle. <em>Revue Japonaise de Didactique du Français</em>. Numéro spécial, Fédération international des Professeurs de Français (FIPF), <em>Actes du IVe Congrès régional de la Commission Asie-Pacifique</em> : 423-1〜423-20.</p>
<p>CECRL [<em>Cadre européen commun de référence pour les langues</em>] (2001). Didier et Conseil de la Coopération culturelle – Comité de l’éducation, Division des langues vivantes, Strasbourg. < https://rm.coe.int/16802fc3a8>, consulté le 9 mai 2020. </p>
<p>Chang, C.-H. (2020). <em>La théorie et la pratique de l’approche neurolinguistique (ANL)</em>. Taïwan.</p>
<p>Chang, C.-H. (2017). L’approche neurolinguistique (ANL) à Taïwan. <em>Revue japonaise de didactique du français</em>, <em>12</em>, 29-45.</p>
<p>Chang, C.H. (2016). Pourquoi enseigner le français avec l’approche neurolinguistique (ANL) ? <em>Revue japonaise de didactique du français</em>, <em>11</em>, 189–203.</p>
<p>Cuq, J.-P. (2003). <em>Dictionnaire de didactique du français. Langue étrangère et seconde</em>. Paris, International CLE. </p>
<p>Eaquals, (2015). <em>Inventaire linguistique des contenus clés des niveaux du CECRL</em>. <https: inventaire_online_full.pdf="" uploads="" wp-content="" www.eaquals.org="">, consulté le 9 mai 2020.</https:></p>
<p>Germain, C., Liang M.-Y. & Ricordel I. (2015). Évaluation de l’approche neurolinguistique (ANL) auprès d’apprenants chinois de français en première et en deuxième année d’université. <em>Les Cahiers de l’Acedle</em>, <em>12/1</em>, 55-81.< https://uqam.academia.edu/ClaudeGermain >, consulté le 9 mai 2020.</p>
<p>Germain, C., (2017). <em>L’approche neurolinguistique (ANL). Foire aux questions</em>. Longueuil : Myosotis Presse.</p>
<p>Germain, C., Jourdan-Ôtsuka, R., & Benudiz, G. (2018). Développements récents de l’approche neurolinguistique (ANL). <em>Revue Japonaise de Didactique du Français</em>. Numéro spécial, Fédération international des Professeurs de Français (FIPF),<em> Actes du IVe Congrès régional de la Commission Asie-Pacifique</em> : C6-1〜C6-17.</p>
<p>Gouvernement de l’Ontario (2004). <em>La littératie au service de l’apprentissage</em>, Toronto : Ministère de l’Éducation de l’Ontario.</p>
<p>Maurer, B. & Puren, C. (2019). <em>CECR : Par ici la sortie !</em>, Édition des Archives Contemporaines. < https://doi.org/10.17184/eac.9782813003522 >, consulté le 9 mai 2020.</p>
<p>Mérieux R. & Loiseau Y. (2012). <em>Latitude 1. Méthode de français</em>. Paris : Didier.</p>
<p>Paradis M. (2004). <em>A Neurolinguistic Theory of Bilingualism</em>. Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins.</p>
<h3>Notes: </h3>
<p>[1] Nos plus sincères remerciements et toute notre gratitude au collègue francophone qui a bien voulu accepter de procéder à la révision linguistique de notre texte.</p>
<p>[2] À savoir : 張敏(等 編著)。(2009) 。法語DELF考試全攻略︰A1/A2 (<em>Réussir le DELF. Niveau A1 et A2</em>) 。北京:外語教學與研究出版社。</p>
<p>[3] CE = compréhension écrite; PE = production écrite; CO = compréhension orale; PO = production orale.</p>
<p>[4] Source : https://www.crealangues.fr/niveau-francais-adultes.htm </p>
<p> </p>