<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Dans le sillage des recherches foisonnantes ces dernières années sur le <em>feedback</em> correctif écrit en anglais langue étrangère (Bitchener et Ferris, 2012), quelques travaux menés dans le cadre de la didactique du français langue étrangère se sont intéressés à la révision de texte en montrant notamment l’impact positif de différentes pratiques de révision collaborative sur les productions des apprenants (Do, 2011 ; Lindschouw, 2016 ; XXX, 2018).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Cependant, la notion de collaboration (souvent remplacée par <em>cooperation</em> dans le monde anglo-saxon) demeure assez générale (Baudrit, 2007). L’écriture collaborative recouvre ainsi un large éventail de pratiques et de théorisations en fonction à la fois de la notion de collaboration mobilisée et des objectifs visés. Dans la continuité de Bouchard & Mondada (2005), nous partirons de la conception vygotskienne de collaboration qui situe la collaboration non seulement dans le fait d’agir à plusieurs mais avec l’idée que ce mode d’action est profitable au développement individuel : « l’élément central pour toute la psychologie de l’apprentissage est la possibilité de s’élever dans la collaboration avec quelqu’un à un niveau intellectuel supérieur » (1997 : 355). Toutefois, Vygotski envisage d’abord la collaboration de l’adulte avec l’enfant ou l’adolescent, donc une collaboration verticale (l’expert est hiérarchiquement supérieur à l’apprenant puisqu’il s’agit de l’enseignant(e)). Nous avons retravaillé ce concept pour y inclure les « collaborations transversales » (XXX, 2002), d’apprenant à apprenant (tous les apprenants n’atteignant pas le même degré de développement au même moment, ce qui fait place à des « expertises locales ») et les « collaborations obliques » (nommées « mixtes » dans XXX, 2002 : 40 ; l’enseignant(e) s’appuie sur un ou des éléments du groupe pour agir sur un autre ou d’autres éléments de ce groupe). La collaboration est ici un mouvement double, croisant pratiques conjointes entre pairs, pratiques sous contrôle de l’enseignant(e) et pratiques individuelles.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Ce constat nous a amenés à nous interroger sur le développement personnel de l’individu alors que les pratiques collaboratives se concentrent souvent sur l’amélioration des textes. Nous avons donc fait l’hypothèse que les pratiques collectives améliorent non seulement les pratiques individuelles à un moment donné mais aussi les potentialités scripturales des différents individus composant le groupe, non d’un point de vue d’individuation (chaque individu n’étant considéré que comme un élément du groupe) mais d’un point de vue d’individualisation (chaque individu est un composant du groupe ayant aussi ses caractéristiques propres). Nous pointerons une certaine continuité avec le travail sur les brouillons en français langue maternelle (Fabre-Cols, 2002, 2004).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">D’un point de vue technique, un deuxième choix était à opérer entre collaboration séquentielle (qui favorise l’évaluation individuelle) et collaboration parallèle (qui rend l’évaluation individuelle plus difficile). Dans nombre de pratiques collaboratives, chacun(e) participe à l’œuvre collective ; la séquentialité permet alors d’aboutir à une production qui se régularise au fur et à mesure en fonction des ajouts. D’autres pratiques s’exercent en parallèle, comme c’est souvent le cas dans les ateliers d’écriture. Nous avons privilégié cette dernière forme, la collaboration parallèle, parce qu’elle nous semble mieux convenir à la tâche d’écriture donnée aux apprenants (et notamment au type de texte à produire, point sur lequel nous allons revenir).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Le troisième facteur à décider était celui de la technologie à mettre en œuvre. Celle-ci n’est pas <em>indifférente</em> aux objectifs visés : par exemple la rédaction de blogs impose une collaboration séquentielle. Nous avons opté pour une technologie minimale, l’utilisation de Google Docs<sup>®</sup> et, pour l’expression individualisée, de fichiers Word<sup>®</sup>, afin d’éviter les « effets technologiques » (que nous comptons prendre en compte ultérieurement). Dernier point, déjà évoqué : les pratiques d’écriture collaboratives sont souvent narratives et/ou descriptives. Or, ce n’est pas un hasard si dans les échelles de niveau du Cadre européen commun de référence pour les langues, la rédaction d’un écrit argumenté n’apparaît pas avant le niveau B1, du fait de sa complexité, notamment en langue étrangère : les recherches en rhétorique contrastive (XXX 2008) montrent en effet combien la structuration d’un texte à dominante argumentative peut varier d’une communauté discursive à l’autre. C’est pourquoi, les activités d’écriture collaborative que nous avons mises en place ont pour but l’acquisition de savoir-faire argumentatifs par l’apprenant.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Nous nous sommes aussi interrogés sur la dimension cognitive de cet apprentissage de l’écrit. Cet aspect est important parce qu’il correspond à la forme prise par la perspective actionnelle lorsqu’elle cherche à dépasser les pratiques interactives des approches communicatives pour intégrer la dimension constructiviste. Nous avons donc décidé de nous appuyer sur le développement de certains notions constitutives de cette problématique cognitive : attention, frustration et inhibition, mémorisation, etc. (cf. Lachaux, 2015 ; Eustache & Guillery-Girard, 2016 ; Dehaene, 2018 ; Houdé, 2018) mais tout en gardant en mémoire les travaux sur cognition et langage (cf. notamment Fuchs, 2004). Cela nous a conduit à prendre en compte des facteurs que nous avions tendance à ignorer auparavant : investissement de l’apprenant dans le processus d’écriture, suivi des réalisations dans le temps et rôle de la mémoire, attention de l’apprenant au travail collectif, appropriation individuelle de celui-ci.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Dans l’article, nous nous proposons de :</span></span></p>
<ul>
<li style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">analyser des pratiques d’écriture collaborative menées par des apprenants de français langue étrangère de niveau intermédiaire (B1, B2)</span></span></li>
<li style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">en tirer un modèle théorique,</span></span></li>
<li style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">soumettre ce modèle théorique à une analyse critique, notamment fondée sur les modèles antérieurs (notamment Hayes, 1996) et en reconnaissant nos dettes,</span></span></li>
<li style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">chercher à déceler les bénéfices individuels de ces pratiques collaboratives.</span></span></li>
</ul>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Nos analyses s’appuieront ainsi sur des réflexions théoriques et sur des données issues de corpus.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Une rapide conclusion nous permettra de présenter les travaux que nous envisageons dans la continuation de cette première expérimentation.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Bibliographie :</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">BAUDRIT, Alain (2007). <em>L’apprentissage collaboratif</em>. Bruxelles : De Boeck.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">BITCHENER, John & Dana R. FERRIS (2012). <em>Written corrective feedback in second language acquisition and writing</em>. New-York, London : Routledge.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">BOUCHARD, Robert et MONDADA, Lorenza (éds) (2005). </span></span><em><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Les processus de la rédaction collaborative. </span></span></em><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Paris : L’Harmattan.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">BOUCHARD, Robert et KADI, Latifa (coord.) (2012). <em> Didactiques de l'écrit et nouvelles pratiques d'écriture, Recherches et applications / Le français dans le monde, </em>n° 51, Paris : Clé International.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">DEHAENE, Stanislas (2018). <em>Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines</em>. Paris : Odile Jacob.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">DO, Thi Bich Thuy (2011). « Les impacts de la révision collaborative étayée : une recherche-action en didactique de la production écrite en français langue étrangère ». Thèse de doctorat, Université d’Aix-Marseille 1.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">EUSTACHE, Francis & Bérengère GUILLERY-GIRARD (2016). <em>La neuroéducation. La mémoire au cœur des apprentissages</em>. Paris : Odile Jacob.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">FABRE-COLS, Claudine (2002).</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif"> <em>Réécrire à l'école et au collège : de l'analyse des brouillons à l'écriture accompagnée</em>. </span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Issy-les-Moulineaux : ESF.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">FABRE-COLS, Claudine (2004). « </span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Brouillons scolaires et critique génétique : nouveaux regards, nouveaux égards ? ». <em>Linx</em>, 51. 13-24.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">FUCHS, Catherine, dir (2004). <em>La linguistique cognitive</em>. Paris : Ophrys.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">HAYES, John R. (1996). « A new Framework for Understanding Cognition and Affect in Writing ». LEVY, C. Michael & Sarah Ransdell eds, <em>The Science of Writing</em>. Mahwah, NJ : Lawrence Erbaum Ass. 1-27.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">HIDDEN, Marie-Odile (2008). <em>Variabilité culturelle des genres et didactique de la production écrite. Analyse longitudinale de textes narratifs et argumentatifs rédigés par des apprenants de français langue étrangère. </em>Thèse de doctorat. Université Sorbonne Nouvelle Paris 3.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">HIDDEN Marie-Odile<strong> (</strong>2018). « Apprendre à réviser son texte en langue étrangère : les effets d’une révision guidée », in DEMPERIO J., DERAICHE M., DEWART R. et ZUERCHER B. (dir.) <em>Actes de la 6<sup>ème</sup> Rencontre sur l’enseignement des langues : l’enseignement-apprentissage de l’écrit : état des lieux</em>, Université du Québec à Montréal (UQAM).</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">HOUDÉ, Olivier (2018). <em>L’école du cerveau. De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives</em>. Bruxelles : Mardaga.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">LACHAUX, Jean-Philippe (2015). <em>Le cerveau funambule. Comprendre et apprivoiser son attention grâce aux neurosciences</em>. Paris : Odile Jacob.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">LINDSCHOUW, Jan (2016). Le feedback entre pairs, points de focalisation et attitudes lors des tâches d’écriture produites par les apprenants de FLE. <em>Pratiques, </em>169-170. doi : 10.4000/pratiques.3030</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">PORTINE, Henri (2002). « Autonomie et collaboration : Un couple paradoxal ». Laurence Vincent-Durroux & Rachel Panckhurst eds, <em>Autoformation et autoévaluation : Une pédagogie renouvelée ?</em> MediaTIC (Université Paul Valéry - Montpellier 3), 2002, vol. 2. 33-56.</span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">VYGOTSKI, Lev S. (1997). <em>Pensée et langage</em>. Paris : La dispute. Traduction de l’ouvrage de 1934.</span></span></p>
<p>Résumé</p>