<p>Les étudiants « internationaux » qui réalisent une partie de leur cursus académique dans une université francophone doivent s’approprier les modèles génériques censément mobilisés par la communauté enseignante et étudiante. Il peut s’agir de genres écrits très formalisés, comme le commentaire de texte en France ou le mémoire de fin d’études en Belgique ; ou, au contraire, de genres aux normes plus floues qui peuvent varier d’une discipline à l’autre, voire d’un enseignant à l’autre (voir notamment Blaser et Pollet 2010 ; Delcambre et Lahanier-Reuter 2010 ; Delcambre, Donahue et Lahanier-Reuter 2009 ; Dezutter et Lousada 2016 ; Meunier et Dezutter 2019, à paraitre).</p>
<p>Dans tous les cas, les cultures discursives universitaires (Donahue 2000 ; Goes et Mangiante, 2010 ; Hidden 2008 ; Meunier 2015 ; Rentel, 2009) se traduisent par des communautés de pratiques, notamment scripturales, qu’il s’agit d’identifier, d’inventorier, de comparer en vue d’élaborer des dispositifs pédagogiques d’accompagnement adaptés aux étudiants pour qui le français est une langue étrangère ou seconde.</p>
<p>Or, les formateurs n’ont pas toujours conscience des spécificités de la communauté discursive dans laquelle ils s’inscrivent, ni des genres de discours qu’ils demandent de produire à leurs étudiants, qu’ils soient allophones ou non. Et, par ailleurs, le plurilinguisme des étudiants « internationaux » est souvent ignoré dans les dispositifs d’enseignement/apprentissage, tout comme le potentiel didactique de ce plurilinguisme (cf. les théories de l’interdépendance des langues, du répertoire plurilingue comme levier d’apprentissage, Cummins 2000, entre autres).</p>
<p>Sans prétendre épuiser ici la problématique, nous proposons de nous intéresser ici aux étudiants allophones qui effectuent un séjour d’études dans une université francophone, et, plus précisément, d’étudie les dynamiques plurilingues qui sont en jeu dans le rapport à l’écriture d’étudiants pour qui le français n’est pas la langue première.</p>
<p>Pour ce faire, nous analyserons les résultats obtenus dans le cadre d’une recherche menée dans une université québécoise, en particulier au sein de la Faculté de Lettres et Sciences humaines. Nous étudierons d’abord le cas d’une étudiante en « Travail social », colombienne et plurilingue. Cette analyse qualitative sera par ailleurs complétée par des éléments issus d’une enquête semi-directive plus large menée auprès de 8 étudiants de 1er et de 2e cycle au sein de la même Faculté. Suivra une analyse statistique descriptive de données obtenues via une enquête directive par questionnaire auprès de 35 étudiants, dans le même contexte que celui décrit supra.</p>
<p>Plusieurs questions baliseront notre réflexion: quelles sont les dynamiques d’appropriation plurielle des pratiques scripturales chez ces étudiants ? Quelles tensions peut-on observer dans leurs schèmes de représentations des normes discursives ? Quelles stratégies développent-ils en lien avec leur expérience de mobilité ? Nous nous intéresserons donc aux espaces discursifs vécus par ces étudiants, à leur trajectoire, à leurs pratiques d’écriture, mais aussi à leur conscience métadiscursive (notamment à leur compétence « générique », que nous définirons) et à leurs stratégies d’écriture et de soutien à la rédaction (au niveau du processus, mais aussi de l’environnement de la tâche et du contexte de production).</p>
<p>Les témoignages analysés sont non seulement révélateurs des schèmes de représentations pluriels qui guident le rapport à l’écriture des étudiants, mais aussi des stratégies d’écriture développées en fonction de l’expérience de mobilité (Louis et Meunier 2017 ; Meunier, à paraitre) et de la diversité culturelle des discours universitaires.</p>
<p>Références bibliographiques</p>
<p>Bernié J.-P. (2002). « L'approche des pratiques langagières scolaires à travers la notion de "communauté discursive": un apport à la didactique comparée ? ». Revue française de pédagogie, volume 141, pp. 77-88.</p>
<p>Blaser, C. et Pollet, M.-C. (2010). L’appropriation des écrits universitaires. Namur : Diptyque.</p>
<p>Bucheton, D. (2006). « Les postures d’écriture et de lecture : la diversité des modes de penser-parler-apprendre », Langage & Pratiques, 37, pp. 29-39.</p>
<p>Cummins, J. (2000), Language, Power and Pedagogy, Bilingual Children in the Crossfire, Multilingual Matters, Clevedon.</p>
<p>Delcambre, I. et Lahanier-Reuter, D. (2010). « Les littéracies universitaires : influence des disciplines et du niveau d’étude dans les pratiques de l’écrit », en ligne : www.forumlecture.ch , 3.</p>
<p>Delcambre, I. et Lahanier-Reuter, D. (2012). Pratiques : « Littéracie universitaires : nouvelles perspectives », juin, 153-154.</p>
<p>Dezutter, O., Cansigno, Y., Silva, H. et Bleys, F. (éds.) (2010). Défis d’écriture. Développer la compétence scripturale en langue seconde ou étrangère à l’université. Mexico, Universidad Autónoma Metropolitana, Université de Sherbrooke, CONACYT.</p>
<p>Dezutter, O. et Lousada, E. (2016). « La rédaction de genres universitaires : pratiques et points de vue d’étudiants universitaires au Brésil et au Québec », Le français à l’université, année 21, n°1, en ligne : http://www.bulletin.auf.org</p>
<p>Donahue, C. (2000), Genres, mouvements textuels, subjectivité dans les écrits d’apprentissage académique. L’interprétation du discours des étudiants-écrivains américains et français, thèse de doctorat en linguistique, Université Paris 5-René Descartes.</p>
<p>Goes, J. et Mangiante, J.-M. 2010. « Les écrits universitaires : besoins linguistiques et méthodologiques des étudiants allophones ». In Parpette C. et Mangiante J.-M. (dir.). « Faire des études supérieures en langue française », Le Français dans le monde. Recherches et applications, 47, Paris, CLE International, pp. 142-152.</p>
<p>Hidden, M.-O. (2008), Variabilité culturelle des genres et didactique de la production écrite, thèse de doctorat en didactique des langues et des cultures, Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle.</p>
<p>Kaplan, R. B. (1966). « Cultural thought patterns in inter-cultural education ». Language learning, n°16 (1-2), pp. 1-20.</p>
<p>Laborde-Milaa, I., Boch, F. et Reuter, Y. (2004). Pratiques : « Les écrits universitaires », juin, 121-122.</p>
<p>Louis, V. et Meunier, D. (coord.) (2017). « Enseigner le français et en français aux étudiants Erasmus. Enjeux et pratiques de la mobilité étudiante en Francophonie », Langage et l’Homme, 52.1.</p>
<p>Meunier, D. (2018). « La posture : un outil conceptuel pour la didactique des langues », Actes du Colloque Dynadiv « Diversité linguistique et culturelle, appropriations, réceptions », Université François-Rabelais de Tours, 9-10 juin 2016, Lyon : Lambert-Lucas.</p>
<p>Meunier, D. (à paraitre). « Penser les modalités d’une appropriation plurielle des langues et des expériences de mobilités : représentations de l’altérité, réflexivité et dispositifs didactiques », Recherches en Didactique des Langues et Cultures : les Cahiers de l’Acedle.</p>
<p>Meunier, D. et Dezutter, O. (à paraitre). « De la compétence d’écriture et de son évaluation à l’université : analyse de postures d’enseignants en sciences humaines », in Delarue-Breton C., Jacquin M., Meunier D. et Simons G. (dir.), Écrits de recherche, écrits réflexifs, écrits de formation: quelles dynamiques? , Presses universitaires de Liège, Didactiques en recherche (coll.).</p>
<p>Rentel, N. (2009), « Différences interculturelles dans le discours universitaire : une analyse contrastive du type de texte « résumé » en français et en allemand », in Acteurs et contextes des discours universitaires, tome 2, p.285-300.</p>
<p>Reuter, Y. (1996). Enseigner et apprendre à écrire. Construire une didactique de l’écriture. Paris : E.S.F. Rosier, L. (2008), Le français moderne : « Nouveaux regards sur le purisme ». 76e année, n°1.</p>
<p>Von Münchow, P. (2010). « Langue, discours, culture : quelle articulation ? (1ère partie) », Signes, Discours et Sociétés [en ligne], 4. Consultable en ligne : http://revue-signes.info/document.php?id=1439</p>