<h2>1. Activit&eacute; langagi&egrave;re et subjectivit&eacute;</h2> <p>Dans son livre <i>Pour une didactique de l&rsquo;appropriation</i>, V&eacute;ronique Castellotti (2017) fait le portrait de la didactologie-didactique des langues (DDdL). Sa description appose deux orientations conceptuelles, la premi&egrave;re qui consid&egrave;re la langue comme une technique et la seconde qui consid&egrave;re la langue comme une exp&eacute;rience. La premi&egrave;re orientation valorise la langue comme code, la deuxi&egrave;me orientation valorise la langue comme pratiques ou repr&eacute;sentations. V&eacute;ronique Castellotti n&rsquo;opte pour aucune des options qu&rsquo;elle d&eacute;crit pr&eacute;f&eacute;rant choisir une autre voie&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Face aux deux tendances emprunt&eacute;es majoritairement par la DDdL en valorisant le code ou la communication, le propos de cet ouvrage est de revendiquer une &laquo; troisi&egrave;me voie &raquo; (si tant est que les pr&eacute;c&eacute;dentes ne rel&egrave;vent pas, au fond, des m&ecirc;mes pr&eacute;suppos&eacute;s philosophiques) pour penser les &laquo;&nbsp;Humanit&eacute;s&nbsp;&raquo; en particulier, ici, du point de vue de &laquo; l&#39;appropriation des langues &raquo;. (Castellotti, 2017&nbsp;: 38)</p> </blockquote> <p>Pour ne pas laisser impens&eacute;s ses choix &eacute;pist&eacute;mologiques, elle explicite alors ses pr&eacute;suppos&eacute;s th&eacute;oriques diff&eacute;rents de ceux qui sous-tendent les orientations th&eacute;oriques dominantes en DDdL. Elle fait le choix d&rsquo;une orientation &agrave; la fois ph&eacute;nom&eacute;nologique et herm&eacute;neutique (Castellotti, 2017&nbsp;: 38). Elle entend ainsi se d&eacute;marquer aussi bien des perspectives didactiques plurilingues que des didactiques communicativo-actionnelles et qu&rsquo;enfin des didactiques d&rsquo;inspiration cognitive (Castellotti, 2017&nbsp;: 304-305) pour proposer &laquo;&nbsp;une didactique &ldquo;de l&#39;appropriation&rdquo; [&hellip;] [qui] devrait d&#39;abord partir des finalit&eacute;s humaines &raquo; (Castellotti, 2017&nbsp;: 54). Cette DDdL qui ne se veut ni une technologie ni une science, V&eacute;ronique Castellotti se refuse &agrave; la qualifier d&rsquo;humaniste pour lui pr&eacute;f&eacute;rer le terme de relationnelle parce qu&rsquo;elle met l&rsquo;accent sur le fait que l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue est d&rsquo;abord une transformation de soi au contact de l&rsquo;autre (Castellotti, 2017&nbsp;: 251). La compr&eacute;hension des autres &agrave; travers ma relation &agrave; eux joue un r&ocirc;le central dans la voie que d&eacute;finit V&eacute;ronique Castellotti pour la DDdL. En donnant ainsi la priorit&eacute; &agrave; la question de la r&eacute;ception (Castellotti, 2017&nbsp;: 70), l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue ne peut pas &ecirc;tre d&eacute;crite comme la possession d&rsquo;une langue parce que l&rsquo;on ne peut jamais ni la ma&icirc;triser ni la contr&ocirc;ler&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; S&#39;approprier une &ldquo;langue&rdquo;, au sens o&ugrave; j&#39;ai essay&eacute; de l&#39;expliciter dans ce livre, ce n&#39;est ni la&nbsp;ma&icirc;triser ni la poss&eacute;der, c&#39;est la &ldquo;laisser advenir en propre&rdquo; (Dastur, 2011). Donc, de mon point de vue, cela s&#39;inscrit dans une dynamique absolument contraire &agrave; celle de la possession et du contr&ocirc;le qui constitue la base de la grande majorit&eacute; des syst&egrave;mes &eacute;ducatifs et, plus largement, des institutions. &raquo; (Castellotti, 2017&nbsp;: 307).</p> </blockquote> <p>Dans la proposition didactique de V&eacute;ronique Castellotti s&rsquo;approprier une langue ne veut surtout pas dire la poss&eacute;der. Cette red&eacute;finition de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;s&rsquo;approprier une langue&nbsp;&raquo; suit donc une pente contraire &agrave; son sens ordinaire de &laquo;&nbsp;prendre possession&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;se rendre ma&icirc;tre&nbsp;&raquo; qu&rsquo;a l&rsquo;expression pour lui faire dire &laquo;&nbsp;laisser une langue advenir en propre &raquo;. Mais &laquo; apprendre une langue&nbsp;&raquo; ne veut-il pas d&eacute;j&agrave; dire &laquo; laisser advenir une langue en propre &raquo;&nbsp;? J&rsquo;ai l&rsquo;impression que la grammaire du verbe &laquo;&nbsp;approprier &raquo; impose un objet &laquo;&nbsp;langue&nbsp;&raquo; que l&rsquo;on doit s&rsquo;approprier et &laquo;&nbsp;sujet &raquo; qui doit s&rsquo;approprier cet objet, c&rsquo;est-&agrave;-dire deux entit&eacute;s s&eacute;par&eacute;es qui se font face et ne rendent pas vraiment compte du processus r&eacute;ciproque et dynamique de transformation de la personne en m&ecirc;me temps que de la transformation de la langue qu&rsquo;apprend cette personne, processus qui est pourtant au c&oelig;ur de ce que veut mettre en &eacute;vidence V&eacute;ronique Castellotti. La ph&eacute;nom&eacute;nologie et l&rsquo;herm&eacute;neutique sur lesquelles s&rsquo;appuie son mod&egrave;le d&rsquo;appropriation ne sont pas &eacute;trang&egrave;res &agrave; cette difficult&eacute;. En effet, autant l&rsquo;une que l&rsquo;autre suppose un sujet face &agrave; un objet d&rsquo;abord s&eacute;par&eacute;s et dont la relation doit &ecirc;tre expliqu&eacute;e. Dans ce cadre th&eacute;orique, l&rsquo;appropriation sonne comme un processus de saisie comme si l&rsquo;apprentissage ne relevait pas, d&rsquo;abord, d&rsquo;un processus d&rsquo;&eacute;changes et de transformations mutuelles. Le probl&egrave;me du sujet de l&rsquo;appropriation, le probl&egrave;me de l&rsquo;objet langue et le probl&egrave;me de la relation de ce sujet &agrave; cet objet qu&rsquo;il faut expliciter provient des r&eacute;f&eacute;rences th&eacute;oriques autant &agrave; la ph&eacute;nom&eacute;nologie qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;herm&eacute;neutique.</p> <p>Dans ma contribution, j&rsquo;aimerais montrer qu&rsquo;une autre troisi&egrave;me voie entre existe en DDdL entre code et communication. Cette troisi&egrave;me voie partage, avec la d&eacute;marche de V&eacute;ronique Castellotti, l&rsquo;exigence de clarification &eacute;pist&eacute;mologique, non pas sur ce qu&rsquo;il faut entendre par l&rsquo;objet langue comme exp&eacute;rience telle qu&rsquo;elle la d&eacute;finit (Castellotti, 2017&nbsp;: 307), mais sur la langue comme activit&eacute;&nbsp;; non pas sur ce qu&rsquo;il faut entendre par sujet de cette exp&eacute;rience, mais sur l&rsquo;agent de cette activit&eacute;&nbsp;; non pas sur ce qu&rsquo;il faut entendre par d&eacute;sir, mais sur ce qu&rsquo;il faut entendre par vouloir dire, qui est une forme de d&eacute;sir qui consiste &agrave; trouver sa voix dans une parole qui est incorpor&eacute;e tant dans un corps individuel que dans un corps social. Cette autre troisi&egrave;me voie emprunte sa conception de la langue, de la subjectivit&eacute; et du d&eacute;sir &agrave; la philosophie du langage ordinaire (d&eacute;sormais PLO) telle que la d&eacute;finit Stanley Cavell dans <i>Dire et vouloir dire</i> (2009) et dans <i>Les voix de la raison</i> (1996).</p> <p>Dans son article &laquo; Pragmatique, th&eacute;orie des actes de langages et didactique des langues-cultures. Histoire, arri&egrave;re-plans philosophiques, cons&eacute;quences et alternatives &raquo; (2013), Marc Debono examine les inspirations th&eacute;oriques de la perspective communicationnelle et actionnelle (centrale dans le CECR) en essayant de mettre &agrave; jour leurs liens avec le pragmatisme et, en particulier, les th&eacute;ories de actes de langage. Marc Debono s&rsquo;attache &agrave; une double et difficile t&acirc;che&nbsp;: d&rsquo;une part, la perspective actionnelle du CECR n&rsquo;a jamais explicit&eacute; ses liens aux th&eacute;ories des actes de langage ni au pragmatisme et, d&rsquo;autre part, le pragmatisme trace des lin&eacute;aments compliqu&eacute;s qui dessinent des allers et retours nombreux entre les deux c&ocirc;t&eacute;s de l&rsquo;atlantique (Laugier, 2008). En ce qui concerne la PLO, je ne suis pas s&ucirc;r de pouvoir suivre la g&eacute;n&eacute;alogie que trace Marc Debono entre Wittgenstein, Austin et Searle&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Au contraire, Wittgenstein, le p&egrave;re fondateur de la philosophie du langage ordinaire dira &agrave; peu pr&egrave;s exactement le contraire : les &laquo; jeux de langage &raquo; du langage ordinaire produisant selon lui des r&egrave;gles adapt&eacute;es aux diff&eacute;rentes situations. Les th&egrave;ses d&rsquo;Austin et Searle s&rsquo;inscrivent dans cette filiation wittgensteinienne, et les pragmatistes et pragmaticiens travaillent, en philosophie comme en sciences du langage, uniquement sur ce langage ordinaire, r&eacute;el, attest&eacute;, empirique. &raquo; (Debono, 2013&nbsp;: 5)</p> </blockquote> <p>Classer Wittgenstein dans la cat&eacute;gorie des philosophes du langage ordinaire peut &ecirc;tre questionn&eacute;. Stanley Cavell le cat&eacute;gorise ainsi tout en disant que cette d&eacute;cision peut &ecirc;tre sujette &agrave; d&eacute;bat. Par contre, placer Austin comme h&eacute;ritier de Wittgenstein est impossible. Ils sont contemporains, l&rsquo;un enseignant la philosophie &agrave; Oxford et l&rsquo;autre &agrave; Cambridge. Ils se connaissaient, mais &eacute;taient, au mieux, indiff&eacute;rents l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre. Le rapport entre Wittgenstein et Austin sous l&rsquo;&eacute;tiquette de la PLO est &eacute;tabli par Stanley Cavell. Ce dernier prolonge les pens&eacute;es de ces deux philosophes d&rsquo;une mani&egrave;re tr&egrave;s diff&eacute;rente &agrave; celle que propose Searle. Il &eacute;chappe ainsi &agrave; la critique de Marc Debono &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de la pragmatique&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;En lien avec ce premier ensemble de raisons, la conception tr&egrave;s instrumentale du langage que propose la pragmatique explique aussi son succ&egrave;s en DLC. Il y a en effet l&rsquo;id&eacute;e, chez Searle surtout, qu&rsquo;en ma&icirc;trisant l&rsquo;acte de langage, on peut d&eacute;coder, apr&egrave;s un certain effort, l&rsquo;intention de son auteur (l&rsquo;intentionnalit&eacute; &eacute;tant un &eacute;l&eacute;ment central dans la th&eacute;orie de Searle, j&rsquo;y reviendrai) &ndash; ce qui revient &agrave; dire que cette intention pourrait &ecirc;tre transparente &agrave; celui qui aurait fait le travail n&eacute;cessaire pour qu&rsquo;elle le soit (et notamment d&rsquo;apprentissage de la langue et de ses conditions d&rsquo;utilisation contextuelles). Inversement, en ma&icirc;trisant l&rsquo;acte de langage, on pourra encoder de mani&egrave;re fiable son intention de communication. In fine, l&rsquo;incompr&eacute;hension est pour Searle un cas d&rsquo;&eacute;cole, les intentions de communication &eacute;tant potentiellement toujours compr&eacute;hensibles/transmissibles par la bonne ma&icirc;trise de l&rsquo;unit&eacute; minimale de communication qu&rsquo;est l&rsquo;acte de parole.&nbsp;&raquo; (Debono, 2013&nbsp;: 4-5)</p> </blockquote> <p>Sans entrer dans les d&eacute;tails, la philosophie perfectionniste de Stanley Cavell h&eacute;rite d&rsquo;Austin une conception des actes de langage dont la f&eacute;licit&eacute; (la r&eacute;ussite) est fragile. Stanley Cavell souligne combien Austin insiste dans ses travaux sur le malheur potentiel des actes de langage (la bouteille ne se casse pas au moment du bapt&ecirc;me d&rsquo;un bateau, le pr&ecirc;tre qui c&eacute;l&egrave;bre le mariage n&rsquo;est pas tout &agrave; fait pr&ecirc;tre, etc.). Le travail d&rsquo;Austin sur les excuses (Austin, 1956) met le doigt sur la vuln&eacute;rabilit&eacute; de notre expression langagi&egrave;re. Ce travail montre aussi le d&eacute;calage entre ce que l&rsquo;on dit et ce que l&rsquo;on voulait dire faisant ainsi appara&icirc;tre la subjectivit&eacute; des actes de langage dans leur fragilit&eacute; m&ecirc;me. En effet c&rsquo;est dans les ratages qu&rsquo;appara&icirc;t notre vouloir dire dans le regard de celui &agrave; qui nous nous adressons autant que dans notre attention &agrave; cet autre qui nous &eacute;coute dire. Quand nous disons &laquo;&nbsp;excusez-moi ce n&rsquo;est pas ce que je voulais dire&nbsp;&raquo;, l&rsquo;expression de notre vouloir dire appara&icirc;t dans la r&eacute;action de l&rsquo;autre. Le langage, lui, nous trahit ou plut&ocirc;t, le langage nous expose en m&ecirc;me temps qu&rsquo;il nous exprime (Laugier, 2010). Nous ne poss&eacute;dons pas une langue, c&rsquo;est plut&ocirc;t elle qui nous poss&egrave;de. Nous ne nous approprions pas une langue, c&rsquo;est plut&ocirc;t elle qui s&rsquo;empare de nous.</p> <p>Dans la PLO de Stanley Cavell, la langue est aussi quelque chose qu&rsquo;il faut &laquo;&nbsp;laisser advenir en propre&nbsp;&raquo;. Toute tentative de saisie (ma&icirc;trise, contr&ocirc;le) de notre exp&eacute;rience dans les mots de notre langue loin de nous donner une exp&eacute;rience contribue &agrave; nous la faire perdre (Laugier, 2002). Par contre laisser &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience le soin de nous apprendre ce que nous sommes en portant une grande attention aux mots qui disent notre exp&eacute;rience et qui nous disent, met en avant notre besoin d&rsquo;&eacute;ducation autant que notre besoin de transformation. Cette perspective que donne Stanley Cavell &agrave; la PLO peut &ecirc;tre dite perfectionniste.</p> <p>L&rsquo;autre troisi&egrave;me voie que je vais emprunter dans mon article entend comme Marc Debono donner une explicitation &agrave; la perspective actionnelle en DDdL dans une tentative de d&eacute;finir avec la PLO comment nous concevons ce que peut &ecirc;tre une activit&eacute; langagi&egrave;re, ce que peut &ecirc;tre le sujet d&rsquo;une activit&eacute; langagi&egrave;re et ce qu&rsquo;il faut entendre par expression langagi&egrave;re ainsi qu&rsquo;apprentissage de cette expression langagi&egrave;re dans une langue.</p> <p>Le tournant actionnel dans la didactique des langues (Puren, 2006) n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; accompagn&eacute; d&rsquo;une r&eacute;flexion suffisante sur la place qu&rsquo;il fallait accorder &agrave; la subjectivit&eacute; dans les pratiques langagi&egrave;res. Le sujet de l&rsquo;action langagi&egrave;re a &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute; s&eacute;par&eacute;ment de ses activit&eacute;s, comme si les conditions dialogiques de leur ex&eacute;cution et de leur apprentissage n&rsquo;avaient pas d&rsquo;influence sur le sujet consid&eacute;r&eacute; dans son action comme expression de sa subjectivit&eacute; (Taylor, 1997).</p> <p>Ce d&eacute;faut pointe deux difficult&eacute;s de la perspective actionnelle du CECRL&nbsp;: premi&egrave;rement, la faiblesse du concept d&rsquo;action qui sous-tend toute la d&eacute;marche du Cadre et deuxi&egrave;mement, la faiblesse corr&eacute;lative du concept de sujet de l&rsquo;action ou, s&rsquo;il l&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re, de l&rsquo;acteur ou, si l&rsquo;on pr&eacute;f&egrave;re encore, de l&rsquo;auteur de l&rsquo;action. En 2011 d&eacute;j&agrave;, nous formulions le probl&egrave;me dans un num&eacute;ro de la revue A contrario&nbsp;consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;application du CECRL &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne en ces termes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Pour &eacute;chapper &agrave; cette aporie, la recherche sur l&rsquo;apprentissage des langues aurait int&eacute;r&ecirc;t &agrave; s&rsquo;inspirer des d&eacute;bats r&eacute;cents de la philosophie de l&rsquo;esprit suite &agrave; la parution du Compl&eacute;ment du sujet, de Vincent Descombes (2004). Apr&egrave;s avoir &eacute;cart&eacute; les conceptions solipsiste et r&eacute;flexive du sujet, le philosophe retient le seul sujet de l&rsquo;action. Mais remplacer le sujet par l&rsquo;acteur, loin de r&eacute;soudre le probl&egrave;me que nous pose la question de la subjectivit&eacute;, ne fait que le d&eacute;placer. Dans Wittgenstein : le mythe de l&rsquo;inexpressivit&eacute;, Sandra Laugier (2010) fait basculer compl&egrave;tement la question de la subjectivit&eacute; en sugg&eacute;rant que ce n&rsquo;est pas son caract&egrave;re priv&eacute;, mais son caract&egrave;re trop imm&eacute;diatement public qui pose probl&egrave;me. Ainsi, ma subjectivit&eacute; n&rsquo;est pas cach&eacute;e, mais plut&ocirc;t trop visible ou, pour le dire dans les termes de Taylor, &ldquo;l&rsquo;action est expression&rdquo; (Taylor 1997). Une activit&eacute; langagi&egrave;re m&rsquo;exprime autant qu&rsquo;elle m&rsquo;expose au regard de l&rsquo;autre et, dans une &ldquo; perspective actionnelle &rdquo;, la question de l&rsquo;apprenant&middot;e comme acteur&middot;trice social&middot;e doit &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;e dans le rapport qu&rsquo;entretiennent expression et communaut&eacute; langagi&egrave;re.&nbsp;&raquo; (Erard, Merrone, Stebler, 2011&nbsp;: 8)</p> </blockquote> <p>Concevoir le sujet dans son expression langagi&egrave;re nous rend soudain bien &eacute;trang&egrave;re la dichotomie du CECR, qui s&eacute;pare clairement ce qui doit &ecirc;tre appris de celui&middot;celle qui l&rsquo;apprend. En d&eacute;finissant d&rsquo;embl&eacute;e la subjectivit&eacute; dans l&rsquo;action comme expression dans une communaut&eacute; langagi&egrave;re, elle donne une d&eacute;finition politique de l&rsquo;acteur&middot;trice social&middot;e. Une gouvernance, si elle se veut d&eacute;mocratique, devrait alors chercher le consentement du/de la citoyen&middot;ne et donner &agrave; chacun&middot;e, quel que soit son niveau de langue la possibilit&eacute; d&rsquo;exprimer sa voix dans une approche plurilingue.</p> <p>Dans son article &laquo;&nbsp;Voix et claim&nbsp;: Cavell et la politique de la voix&nbsp;&raquo; de l&rsquo;ouvrage collectif <i>Les plis de la voix</i> dirig&eacute; par Martine de Gaudemar (2013), Sandra Laugier affirme que la philosophie de Stanley Cavell a pour but de &laquo;&nbsp;r&eacute;introduire la voix humaine en philosophie&nbsp;&raquo; :</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Pour lui [Stanley Cavell], l&rsquo;enjeu de la philosophie du langage ordinaire &ndash; l&rsquo;&oelig;uvre de Wittgenstein, et celle d&rsquo;Austin &ndash; est bien de faire comprendre que le langage est dit, prononc&eacute; par une voix humaine au sein d&rsquo;une &ldquo;forme de vie&rdquo;. Il s&rsquo;agit alors de d&eacute;placer la question de l&rsquo;usage commun du langage, centrale dans les Recherches Philosophiques, vers la question, plus in&eacute;dite, du rapport du locuteur individuel &agrave; la communaut&eacute; du langage : ce qui conduit pour Cavell &agrave; une r&eacute;introduction de la voix en philosophie, et &agrave; une red&eacute;finition de la subjectivit&eacute; dans le langage &agrave; partir, pr&eacute;cis&eacute;ment, du rapport de la voix individuelle &agrave; la communaut&eacute; linguistique, de la justesse &agrave; l&rsquo;accord. Il y a aussi dans la voix l&rsquo;id&eacute;e de claim, de revendication : la voix individuelle r&eacute;-clame une validit&eacute; commune et y trouve sa juste tonalit&eacute;. &raquo; (Laugier, 2013&nbsp;: 97)&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> </blockquote> <p>Si la subjectivit&eacute; dans le langage est d&eacute;finie par l&rsquo;accord entre ma voix et ma communaut&eacute; langagi&egrave;re, l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re devrait d&rsquo;abord &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;, d&rsquo;un point de vue subjectif, comme la perte d&rsquo;une expression en m&ecirc;me temps que perte de communaut&eacute;. Sous cet aspect, l&rsquo;apprenant&middot;e d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re n&rsquo;acquiert ni ne s&rsquo;approprie un objet langue qui lui serait ext&eacute;rieur, mais vit un processus de transformation qui affecte profond&eacute;ment ce qu&rsquo;il est. Ainsi d&eacute;crite l&rsquo;acquisition d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re rel&egrave;verait plus d&rsquo;une p&eacute;dagogie de l&rsquo;&ecirc;tre que d&rsquo;une p&eacute;dagogie de l&rsquo;avoir parce que celui ou celle qui apprend est transform&eacute; par ce qu&rsquo;il ou elle apprend (Standish, 2007).</p> <p>Je vais maintenant observer cet entrelacement de l&rsquo;accord dans les voix autant naturel que social en suivant le fil qui va de l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;une voix perdue (1) &agrave; la sensation d&rsquo;une voix retrouv&eacute;e (4) en prenant l&rsquo;exemple de la lecture &agrave; haute voix dans l&rsquo;apprentissage du fran&ccedil;ais comme langue &eacute;trang&egrave;re (2). Dans un premier temps, nous consid&eacute;rerons la langue &eacute;trang&egrave;re sous l&rsquo;aspect d&rsquo;un paysage sonore (3). Nous suivrons ensuite des &eacute;tudiant&middot;e&middot;s de FLE dans leurs efforts pour se familiariser avec le paysage sonore du fran&ccedil;ais dans une trajectoire qui devrait leur permettre de trouver une voix dans la langue qu&rsquo;ils apprennent (5).</p> <h2>2. Perdre sa voix</h2> <p>Dans le monde acad&eacute;mique, un&middot;e non-francophone ne vit jamais autant le risque de perdre son expression que lors d&rsquo;une pr&eacute;sentation oral publique dans laquelle la confrontation &agrave; l&rsquo;autre est directe et dans laquelle les effets perlocutoires<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> du langage ont des effets massifs sur la possibilit&eacute; de faire entendre sa voix. L&rsquo;apprentissage de cette capacit&eacute; &agrave; supporter son expression dans une langue qui n&rsquo;est pas la sienne passe par la confiance dans la justesse de sa lecture &agrave; haute voix. Cette activit&eacute; qui expose (il faut se rendre intelligible en public), peut &ecirc;tre tr&egrave;s mal v&eacute;cue comme en t&eacute;moigne les mots de cette &eacute;tudiante non francophone&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Souvent, on entend les &eacute;tudiant&middot;e&middot;s non-francophones commencer une pr&eacute;sentation orale avec la phrase &ldquo;Je m&rsquo;excuse, je ne suis pas francophone&rdquo;. Moi-m&ecirc;me, je le faisais souvent quand je sentais que le public n&rsquo;&eacute;tait pas tr&egrave;s tol&eacute;rant. Pourquoi doit-on s&rsquo;excuser devant les enseignant&middot;e&middot;s et les coll&egrave;gues lorsque l&rsquo;on n&rsquo;est pas francophone&nbsp;? Je me demande si je suis la seule qui rencontre quelques difficult&eacute;s comme &eacute;tudiante &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne (UNIL)&nbsp;: l&rsquo;exclusion des groupes d&rsquo;&eacute;tudes avec &eacute;tudiant&middot;e&middot;s francophones, le silence dans les cours et, plut&ocirc;t, le processus long h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne exig&eacute; par l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un texte scientifique. &raquo; Gina Wirz-Su&aacute;rez (2017), &laquo; Je m&rsquo;excuse, je ne suis pas francophone&hellip; &raquo;, Revue des IEU, Cours de vacances, UNIL.</p> </blockquote> <p>Comment peut na&icirc;tre ce sentiment d&rsquo;avoir une parole tellement malheureuse qu&rsquo;on ressente le besoin de s&rsquo;excuser d&rsquo;&ecirc;tre non francophone avant m&ecirc;me d&rsquo;avoir lu le plus petit mot ? Si l&rsquo;on y r&eacute;fl&eacute;chit bien, justifier sa peur de l&rsquo;&eacute;preuve orale par le fait de ne pas &ecirc;tre francophone revient &agrave; s&rsquo;exclure soi-m&ecirc;me de la communaut&eacute; linguistique &agrave; laquelle, pourtant, on s&rsquo;adresse. Cette inad&eacute;quation entre voix et forme de vie est une mani&egrave;re de ne pas exprimer sa voix en prenant la parole.</p> <p>Pourtant, une pr&eacute;sentation orale dans un cours universitaire consiste dans bien des cas &agrave; lire un texte &agrave; haute voix en public.&nbsp; Pour des &eacute;tudiant&middot;e&middot;s qui savent lire et &eacute;crire en fran&ccedil;ais, pourquoi est-il si difficile de passer des lettres sur le papier &agrave; leur expression orale publique&nbsp;?</p> <h2>3. Lecture &agrave; haute voix</h2> <p>Je me rappelle, par exemple, de ce s&eacute;minaire de Master o&ugrave; une &eacute;tudiante hispanophone avait beaucoup travaill&eacute; la r&eacute;daction de son texte pour sa pr&eacute;sentation. Un bon texte, clair et pr&eacute;cis. Elle a commenc&eacute; &agrave; lire. Sa lecture ne respectait pas les groupes rythmiques, ni dans le d&eacute;bit, ni dans les pauses. Son expression orale &eacute;tait saccad&eacute;e, elle devenait difficile &agrave; suivre. Au bout de cinq minutes, les &eacute;tudiantes francophones ont commenc&eacute; &agrave; faire autre chose. L&rsquo;intervenante a remarqu&eacute; qu&rsquo;elle commen&ccedil;ait &agrave; perdre l&rsquo;attention de son auditoire. L&rsquo;enseignant a remarqu&eacute; que l&rsquo;&eacute;tudiante avait remarqu&eacute; qu&rsquo;elle avait perdu l&rsquo;attention des &eacute;tudiant&middot;e&middot;s &agrave; qui elle s&rsquo;adressait. Le temps a commenc&eacute; &agrave; &ecirc;tre long. Il lui restait quinze minutes &agrave; parler sans &ecirc;tre entendue. Quinze longues minutes &agrave; faire partie d&rsquo;un ensemble sans y &ecirc;tre comprise.</p> <p>Dans cet exemple, ce ne sont pas les mots qui ne sont pas compris, mais la personne. Pour comprendre cette incompr&eacute;hension, la distinction que fait Wittgenstein entre les deux sens que nous donnons &agrave; comprendre dans notre usage ordinaire&nbsp;peut nous aider &agrave; mettre des mots sur le malaise que nous ressentons dans de telles situations&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;Nous parlons de la compr&eacute;hension d&#39;une phrase au sens o&ugrave; la phrase peut &ecirc;tre remplac&eacute;e par une autre qui dit la m&ecirc;me chose, mais aussi au sens o&ugrave; elle ne peut &ecirc;tre remplac&eacute;e par aucune autre. (Pas plus qu&#39;un th&egrave;me musical ne peut l&#39;&ecirc;tre par un autre.)</p> <p>Dans le premier cas, la pens&eacute;e exprim&eacute;e par la phrase est ce qu&#39;il y a de commun &agrave; diff&eacute;rentes phrases, dans le second, elle est quelque chose qu&#39;expriment seulement ces mots-l&agrave;, &agrave; ces places-l&agrave;. (Comprendre un po&egrave;me.)&nbsp;&raquo; (Wittgenstein&nbsp;: &sect;531)</p> </blockquote> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm">Comprendre signifie en m&ecirc;me temps avoir la capacit&eacute; d&rsquo;exprimer ce que je veux dire avec d&rsquo;autres mots et avoir la capacit&eacute; d&rsquo;exprimer ce que je veux dire avec le mot juste, avec le ton juste. Ce deuxi&egrave;me sens de comprendre a un rapport avec notre compr&eacute;hension de la musique et notre compr&eacute;hension de la po&eacute;sie. Nous nous nous accordons dans le langage comme un choeur s&rsquo;accorde dans le chant. Nous nous accordons dans nos voix.</p> <h2>4. Suivre une voie</h2> <p>Dans son livre <i>Enseigner l&rsquo;oral en interaction</i> (2001), Elizabeth Lhot transf&egrave;re la notion de paysage sonore du domaine de la musicologie o&ugrave; il est utilis&eacute; pour d&eacute;crire les rapports de l&rsquo;&ecirc;tre humain &agrave; son environnement sonore, au domaine de la didactique des langues pour d&eacute;crire les rapports entre des langues diff&eacute;rentes qui ont toutes un paysage sonore qui leur est propre. Apprendre une langue &eacute;trang&egrave;re fait donc entrer dans un paysage sonore diff&eacute;rent de celui auquel nous avons &eacute;t&eacute; habitu&eacute;s par le rythme et la musique de notre langue maternelle. Autant pour l&rsquo;expression que pour l&rsquo;audition, celui qui apprend le fran&ccedil;ais comme langue &eacute;trang&egrave;re est confront&eacute; &agrave; un paysage sonore qui lui est &eacute;tranger. Chaque auditeur d&rsquo;une langue particuli&egrave;re a acquis une habitude d&rsquo;&eacute;coute qui est li&eacute;e aux paysages sonores qui lui sont familiers. Si le paysage est dessin&eacute; d&rsquo;une mani&egrave;re qui ne correspond pas &agrave; ses habitudes, il ressentira un sentiment d&rsquo;&eacute;tranget&eacute;. Ce sentiment d&rsquo;&eacute;tranget&eacute; peut expliquer la baisse d&rsquo;attention d&rsquo;un auditoire francophone &agrave; l&rsquo;&eacute;gard d&rsquo;une lecture non-francophone. La voix qui lit n&rsquo;est pas reconnue. Ce manque de reconnaissance peut s&rsquo;expliquer par une volont&eacute; de ne pas comprendre, mais aussi par un effort trop soutenu d&rsquo;adaptation &agrave; des contours vocaux syncop&eacute;s et parfois dissonants. L&rsquo;&eacute;coute doit faire son chemin dans un paysage sonore peu familier.</p> <p>J&rsquo;aimerais illustrer cette variation possible du paysage sonore en prenant l&rsquo;exemple d&rsquo;une apprenante de fran&ccedil;ais ayant effectu&eacute; deux enregistrements d&rsquo;une lecture &agrave; haute voix &agrave; trois mois d&rsquo;intervalle, la deuxi&egrave;me lecture apr&egrave;s avoir suivi un cours d&rsquo;expression orale qui entra&icirc;ne la lecture &agrave; haute voix. Dans la premi&egrave;re lecture enregistr&eacute;e au d&eacute;but du semestre, l&rsquo;&eacute;tudiante accentue tous les mots fran&ccedil;ais comme si elle lisait en anglais. Sa lecture donne &agrave; un francophone l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre tr&egrave;s saccad&eacute;e.</p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><img height="535" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 1.png" width="716" /><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Audio1_S&eacute;quence 1</span></span></span></p> <p>Dans sa deuxi&egrave;me lecture, trois mois plus tard, l&rsquo;&eacute;tudiante ne place plus un accent tonique sur tous les mots, mais &agrave; la fin des groupes rythmiques (en noir). Elle a aussi r&eacute;ussi &agrave; d&eacute;placer l&rsquo;&eacute;nergie de sa voix du d&eacute;but du groupe de souffle comme en anglais &agrave; la fin du groupe de souffle comme en fran&ccedil;ais&nbsp;:</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="542" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 2.png" width="726" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Audio1_s&eacute;quence 2</span></span></span></p> <p>Pour sa deuxi&egrave;me lecture, l&rsquo;&eacute;tudiante s&rsquo;est aid&eacute;e d&rsquo;une partition qui inscrit sur le papier des techniques du corps utilis&eacute;es pour entra&icirc;ner le rythme de sa voix. Cette partition note diff&eacute;remment la mat&eacute;rialit&eacute; sonore de la voix que ne le ferait un texte &agrave; l&rsquo;&eacute;criture cursive&nbsp;:</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="768" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 3.png" width="1024" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:11pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><em><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:" times="">Fig. 1&nbsp;: partition.</span></span></em></span></span></p> <p>Le travail sur les groupes rythmiques et les groupes de souffle a &eacute;t&eacute; accompagn&eacute; d&rsquo;un travail parall&egrave;le sur la syllabation. La syllabe joue un grand r&ocirc;le en fran&ccedil;ais, d&rsquo;une part parce que l&rsquo;accent tombe non pas sur un mot, mais sur un ensemble de syllabes et, d&rsquo;autre part, parce ce qu&rsquo;il a une tr&egrave;s grande affinit&eacute; pour les syllabes ouvertes de type consonne-voyelle. En effet, la suite des syllabes consonnes voyelles donne son rythme au fran&ccedil;ais. La reconnaissance de l&rsquo;alternance consonne-voyelle est donc primordiale pour lire le fran&ccedil;ais (Sprenger-Charolles, Desrochers, Gentaz, 2018).</p> <p>Malheureusement, la correspondance grapho-phonologique du fran&ccedil;ais est tr&egrave;s compliqu&eacute;e&nbsp;: les phon&egrave;mes ont des graphies complexes (plusieurs lettres pour un son) ; un tr&egrave;s grand nombre de consonnes &eacute;crites ne se prononcent pas&nbsp;; des voyelles notent des consonnes (le <i>e</i> qui indique qu&rsquo;il faut prononcer la consonne pr&eacute;c&eacute;dente comme dans <i>grande </i>et des consonnes notent des voyelles (comme dans le <i>n</i> des voyelles nasales <i>an, in, on</i>) (Wioland, 2012 : 12-16, 37-38).</p> <p>Un moyen, parmi d&rsquo;autres, de r&eacute;tablir la correspondance grapho-phonologique consiste &agrave; utiliser l&rsquo;orthographe usuelle et de la couleur pour repr&eacute;senter en m&ecirc;me temps phon&egrave;mes et graph&egrave;mes. Les graphies <i>er, ez, &eacute;</i>, etc. peuvent par exemple &ecirc;tre colori&eacute;es en orange pour repr&eacute;senter le phon&egrave;me /e/, c&rsquo;est le moyen qu&rsquo;utilise Phonocolor pour r&eacute;tablir une correspondance grapho-phonologique plus univoque du fran&ccedil;ais&nbsp;:</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="199" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 4.png" width="283" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:11pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><em><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:" times="">Fig. 2&nbsp;: Tableau des correspondances grapho-phonologiques</span></span></em></span></span></p> <p>Mais la correspondance entre les graph&egrave;mes et les phon&egrave;mes n&rsquo;a de pertinence pour la lecture &agrave; haute voix que dans l&rsquo;alternance des consonnes et des voyelles pour former des syllabes dans la cha&icirc;ne des graphies d&rsquo;un texte. Donc si la reconnaissance phon&eacute;mique dans les graphies complexes est importante, la segmentation en syllabe ne l&rsquo;est pas moins. Dans la repr&eacute;sentation graphique ci-dessous, les consonnes sont repr&eacute;sent&eacute;es par des carr&eacute;s et les voyelles par des ronds, la syllabe la plus fr&eacute;quente en fran&ccedil;ais (Consonnes-voyelles) est aussi repr&eacute;sent&eacute;e par le fort contraste entre le fond noir, pour les consonnes, et le fond blanc, pour les voyelles. L&rsquo;alternance des couleurs noires et blanches figure visuellement le rythme consonne-voyelle.</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="856" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 5.png" width="591" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:11pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><em><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:" times="">Fig.4: Tableau du syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais</span></span></em></span></span></p> <p>Dans l&rsquo;exemple qui suit, une &eacute;tudiante de fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re dispose d&rsquo;un tableau du syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais dans lequel les consonnes sont repr&eacute;sent&eacute;es par des carr&eacute;s en couleurs et les voyelles par des ronds en couleur, &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;une baguette elle va tracer l&rsquo;alternance des consonnes et des voyelles en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle lit son texte d&rsquo;abord en couleur puis en noir et blanc.</p> <p>Dans cette pratique sp&eacute;cifique de la lecture, elle suit la r&egrave;gle <i>associer &agrave; chaque graph&egrave;me le phon&egrave;me correspondant</i>. Quand le texte est en couleur, il s&rsquo;agit de choisir la m&ecirc;me couleur dans le tableau que dans la cha&icirc;ne des lettres &eacute;crites en couleur. La difficult&eacute; r&eacute;side dans le fait que plusieurs lettres peuvent correspondre &agrave; une seule couleur ou une seule lettre peut correspondre &agrave; plusieurs couleurs Quand le texte est en noir et blanc, la difficult&eacute; consiste &agrave; reconna&icirc;tre la physionomie des phon&egrave;mes dans les graph&egrave;mes (comment se groupent les graph&egrave;mes pour former des phon&egrave;mes et comment les phon&egrave;mes alternent pour former des syllabes). Ma&icirc;triser cette technique aide &agrave; se familiariser avec l&rsquo;&eacute;criture du fran&ccedil;ais et sa correspondance grapho-phonologique compliqu&eacute;e.</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="296" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 6.png" width="665" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Vid&eacute;o1_S&eacute;quence 1</span></span></span></p> <p>Dans cette lecture &agrave; haute voix tr&egrave;s particuli&egrave;re, on peut visualiser le trac&eacute; que suit la vocalisation d&rsquo;un texte &eacute;crit dans une repr&eacute;sentation en couleur du syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais. L&rsquo;&eacute;tudiante traduit un texte en noir et blanc en couleur tout en pronon&ccedil;ant les phon&egrave;mes qu&rsquo;elle pointe. Elle utilise le syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais comme instrument de lecture. De la m&ecirc;me mani&egrave;re qu&rsquo;une personne utiliserait une carte de g&eacute;ographie pour trouver son chemin dans une ville, elle se sert des caract&egrave;res d&rsquo;imprimerie pour trouver son chemin dans la prononciation du fran&ccedil;ais. Nous pouvons la voir suivre avec pr&eacute;cision la r&egrave;gle &laquo;&nbsp;faire correspondre &agrave; chaque graph&egrave;me le phon&egrave;me correspondant &raquo;, mais pas seulement. Elle suit aussi la r&egrave;gle &laquo;&nbsp;&agrave; chaque consonne faire correspondre un carr&eacute; et &agrave; chaque voyelle faire correspondre un rond&nbsp;&raquo;, la r&egrave;gle &laquo;&nbsp;faire une pause apr&egrave;s chaque syllabe&nbsp;&raquo;, la r&egrave;gle &laquo;&nbsp;faire une pause plus longue &agrave; chaque groupe rythmique&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;tudiante rend ainsi publiquement disponible, sa mani&egrave;re d&rsquo;encha&icirc;ner les syllabes (avec la pr&eacute;dilection du fran&ccedil;ais pour les syllabes consonne-voyelle qui explique le ph&eacute;nom&egrave;ne dit de liaison), elle apprend aussi les fronti&egrave;res des syllabes et des groupes rythmiques. Quand peut-on dire qu&rsquo;elle sait lire &agrave; haute voix ou, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, quand peut-on dire qu&rsquo;elle sait lire correctement un texte en fran&ccedil;ais &agrave; voix haute ? Une r&eacute;ponse pourrait &ecirc;tre&nbsp;: quand elle a compris la r&egrave;gle, c&rsquo;est-&agrave;-dire quand elle est capable de continuer &agrave; suivre la r&egrave;gle toute seule. Ici, nous avons affaire &agrave; une d&eacute;finition de la compr&eacute;hension, non pas comme processus mental, mais comme capacit&eacute; pratique. Nous pouvons voir la compr&eacute;hension devant nos yeux comme dans l&rsquo;exemple qui suit.</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="296" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 7.png" width="665" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Vid&eacute;o2_S&eacute;quence 2</span></span></span></p> <p>Dans cet exemple, l&rsquo;&eacute;tudiante doit lire les mots <i>un peu loin</i>. Elle trace sa prononciation en pointant correctement le phon&egrave;me <i>un</i> puis <i>p</i> et pointe alors le phon&egrave;me <i>e</i> (de <i>ne</i>) au lieu du phon&egrave;me <i>eu</i> (de <i>peu</i>). L&rsquo;enseignant vocalise ce qu&#39;elle pointe en disant <i>pe</i>, elle se rend alors compte visuellement que ce qu&#39;elle prononce (en pointant e) ne correspond pas &agrave; ce qu&#39;elle voudrait prononcer (en pointant <i>eu</i>). Elle pointe ensuite <i>eu</i> en demandant &laquo;&nbsp;avec &ccedil;a&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Les deux &eacute;tudiantes qui lisent le texte en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle, lui r&eacute;pondent &laquo; oui &raquo;. Elle dit alors &laquo;&nbsp;ah ! &raquo; et r&eacute;p&egrave;te <i>peu</i> correctement.</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">&nbsp;Ce &laquo;&nbsp;ah&nbsp;!&nbsp;&raquo; &eacute;quivaut &agrave; un &laquo; j&#39;ai compris &raquo; (Wittgenstein 2015&nbsp;: &sect;180). Il n&#39;est pas la description d&#39;un &eacute;tat psychique, mais un signal pour dire &laquo; je peux continuer toute seule&raquo;. L&#39;&eacute;tudiante voit maintenant la combinaison <em>peu</em> non plus comme la suite <em>p+e</em>, mais comme la suite <em>p+eu </em>et, ici, &laquo; voir autrement &raquo; peut aussi s&#39;appeler &laquo;&nbsp;prendre conscience &raquo; pour peu que l&#39;on ne veuille pas d&eacute;signer cette prise de conscience comme une &laquo;&nbsp;op&eacute;ration mentale &raquo; qui interviendrait &agrave; l&#39;arri&egrave;re-plan de ce que nous avons sous les yeux. La prise de conscience de l&#39;&eacute;tudiante intervient pour combler l&#39;espace entre ce qu&#39;elle pense lire et ce qu&#39;elle lit effectivement. Dans la reconnaissance de cet &eacute;cart interviennent ceux et celles qui la corrigent dans un m&ecirc;me d&eacute;sir de mettre un texte en voix en formant une communaut&eacute; de lecture.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Prenons un dernier exemple dans lequel on peut voir &eacute;merger cette communaut&eacute; du jugement dans une pratique o&ugrave; l&#39;on suit une r&egrave;gle &agrave; plusieurs. L&#39;&eacute;tudiant-e-s veut lire <em>chaleur</em> &agrave; haute voix, elle h&eacute;site entre le <em>eu </em>de <em>peur</em> et le <em>eu</em> de <em>peu</em>. Elle montre son h&eacute;sitation avec un geste allant d&#39;un son &agrave; l&#39;autre en regardant </span><span style="font-family:" times="">ses co-lectrices. L&#39;une d&#39;elles lui indique la couleur &agrave; choisir. Leur compr&eacute;hension mutuelle s&#39;incarne dans un sourire.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="296" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 8.png" width="665" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Vid&eacute;o3_S&eacute;quence 3</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Cet exemple montre aussi combien l&#39;&eacute;tudiante engage tout son corps dans son &eacute;lan pour prononcer le <em>d&eacute;e </em>d&#39;<em>id&eacute;e</em>. Il montre aussi combien le dispositif am&egrave;ne les &eacute;tudiantes &agrave; faire communaut&eacute; dans leur lecture. Toutes ont le texte &agrave; la main. Toutes vocalisent le texte, m&ecirc;me si c&#39;est chacune &agrave; leur mani&egrave;re, c&#39;est-&agrave;-dire, chacune selon ses capacit&eacute;s. Toutes suivent la baguette qui n&#39;est plus celle du ma&icirc;tre, mais devient celle de la cheffe d&#39;orchestre. Elle donne le rythme, elle bat la mesure, elle suit le texte comme on suit une port&eacute;e. L&#39;accord est musical au niveau de la voix, il est politique au niveau de la communaut&eacute; de lecture. Les &eacute;tudiantes s&#39;entendent dans une forme de vie qui a une dimension autant naturelle (expressions corporelles de la voix) que sociale (jugements sur l&#39;harmonie des voix).</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Dans cette activit&eacute; didactique, l&rsquo;initiative revient aux personnes qui apprennent, l&rsquo;enseignant ne fait que suivre. Le fait sonore est ainsi abord&eacute; dans la relation tr&egrave;s &eacute;troite qui se tisse entre la personne qui parle et les personnes qui l&rsquo;&eacute;coutent. L&rsquo;atmosph&egrave;re est bienveillante. La voix peut s&rsquo;exprimer tout en exposant sa vuln&eacute;rabilit&eacute;. La voix peut ainsi trouver une voie.</span></span></span></p> <h2>5. Retrouver sa voix&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</h2> <p>D&#39;autres p&eacute;dagogies des langues &eacute;trang&egrave;res partagent avec Elizabeth Lhot une conception du langage comme pratique incorpor&eacute;e et consid&egrave;re la mat&eacute;rialit&eacute; vocale comme une caract&eacute;ristique fondamentale d&#39;une langue et de son apprentissage. C&#39;est le cas, parmi beaucoup d&rsquo;autres, de Caleb Gattegno (Gattegno, 2010) et de Bernard Dufeu (Dufeu, 1992). Cette attention particuli&egrave;re &agrave; la mati&egrave;re vocale de la langue implique chez l&#39;un comme chez l&#39;autre une p&eacute;dagogie qui met l&rsquo;apprenant&middot;e au centre de son apprentissage en prenant grand soin de son d&eacute;sir d&rsquo;expression. Pour reprendre une formule de Gattegno, il s&#39;agit de &laquo; subordonner l&#39;enseignement &agrave; l&#39;apprentissage &raquo; (Gattegno, 2010&nbsp;: 13), ou, pour le dire dans les termes de la m&eacute;taphore que j&#39;ai utilis&eacute;e jusqu&#39;ici, il s&rsquo;agit de laisser &agrave; celui ou celle qui doit trouver son chemin dans un paysage sonore &eacute;tranger le soin de s&rsquo;aventurer par lui-m&ecirc;me sur ses propres pistes.</p> <p>Dans ce type de p&eacute;dagogies, le vouloir dire n&#39;est plus du c&ocirc;t&eacute; du ma&icirc;tre, mais du c&ocirc;t&eacute; de celui ou celle qui d&eacute;sire s&#39;exprimer. Le tableau noir n&#39;est plus une surface destin&eacute;e &agrave; recevoir un savoir institu&eacute;, mais une surface d&#39;inscription o&ugrave; s&#39;instituent les possibles de ceux et celles qui tracent leur voix collectivement dans une carte du syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais. Cet usage du tableau noir fait penser &agrave; celui de Deligny (Cardoso, 2016&nbsp;: 33) qui brise la barri&egrave;re invisible qui s&eacute;pare l&#39;enseignant-e sur son estrade des &eacute;l&egrave;ves sur leur banc. Ce dispositif fait de la classe un espace de jeux qui favorise l&#39;imagination collective&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Le commun dont parle Deligny est celui du coutumier, o&ugrave; participent adultes et enfants &agrave; travers un lien qui est infra-linguistique, infra-subjectif. S&rsquo;il n&rsquo;est pas &ldquo;&nbsp;social&rdquo;, c&rsquo;est parce qu&rsquo;il ne passe nullement par le rapport dialogique et verbal. Mais le mot d&rsquo;&ldquo;accord&rdquo; serait encore probl&eacute;matique, sauf si nous le comprenons dans un sens plut&ocirc;t &rdquo;musical&rdquo;, comme r&eacute;sonance des corps les uns avec les autres. La politique du commun du r&eacute;seau passe par tout un travail sur l&rsquo;habitude, sur &ldquo;se&rdquo; fabriquer autrement. Une politique v&eacute;hicul&eacute;e non pas par le verbe et la discussion, mais attentive aux gestes, aux corps, aux orni&egrave;res&hellip; &ldquo;Se&rdquo; fabriquer autrement, mais sans viser ce qu&rsquo;on fabrique, dans une chor&eacute;graphie des corps et des gestes non sans rapport avec le travail minutieux des cartes.&nbsp;&raquo; (Cardoso 2016&nbsp;: 439)</p> </blockquote> <p>Le tableau du syst&egrave;me phonologique fonctionne comme une carte avec laquelle un&middot;e apprenant&middot;e de fran&ccedil;ais va pouvoir chercher sa voix. Les outils Phonocolor, pour l&rsquo;enseignement de la prononciation doivent &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;s dans cette optique. Ils n&rsquo;ont d&rsquo;utilit&eacute; que comme cr&eacute;ateur de circonstances qui permettent &agrave; des &eacute;tudiant-e-s de parcourir le paysage sonore du fran&ccedil;ais en s&rsquo;y perdant souvent et en s&rsquo;y retrouvant parfois.</p> <p>Le parcours que trace l&rsquo;&eacute;tudiante lui permet de prendre conscience de certains aspects du paysage sonore du fran&ccedil;ais (de le voir autrement). Elle en incorpore les chemins par le geste et le rythme tout en suivant la r&egrave;gle qui consiste &agrave; faire correspondre un graph&egrave;me &agrave; un phon&egrave;me. Cet apprentissage est normatif. La r&egrave;gle appara&icirc;t quand l&rsquo;&eacute;tudiante la suit ou quand elle l&rsquo;enfreint dans la r&eacute;action de ses co-lectrices qui la guide dans son parcours. Un regard complice et la voie est reconnue par celle qui trace. Un regard complice et la voix est reconnue par celles et ceux qui suivent la lecture. S&rsquo;accorder dans une lecture, et plus largement dans le langage, est une relation ou, plus pr&eacute;cis&eacute;ment, une circulation.</p> <p>Touver sa voix dans le paysage sonore d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re ne saurait vouloir dire consentir &agrave; une norme de prononciation univoque. Dans cette conception du langage comme expression, il n&rsquo;y a ni d&eacute;viance ni conformit&eacute; par rapport &agrave; un paysage sonore &eacute;tranger, mais cheminement dans ce paysage en prenant confiance dans l&rsquo;&eacute;cho que trouve ma voix dans l&rsquo;&eacute;coute des autres. Il faut insister sur l&rsquo;intelligibilit&eacute; dans l&rsquo;apprentissage de la prononciation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re, mais ce n&rsquo;est pas le message qui doit &ecirc;tre intelligible, c&rsquo;est celui qui prend la parole. Encore faut-il qu&rsquo;il ou elle la prenne, qu&rsquo;il ou elle trouve la confiance de la prendre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo;&nbsp;La Self-Reliance nous engage non pas &agrave; trouver une confiance subjective (ou transcendantale), mais &agrave; retrouver la capacit&eacute; &agrave; &ecirc;tre expressifs, c&rsquo;est-&agrave;-dire PUBLICS. &raquo; (Laugier, 2013&nbsp;: 107)</p> </blockquote> <p>La confiance dans sa voix est, comme je l&rsquo;ai dit en introduction, un enjeu autant &eacute;ducatif que politique. Cette subjectivit&eacute; s&rsquo;oppose autant &agrave; une conception lib&eacute;rale d&rsquo;un sujet isol&eacute; des autres qu&rsquo;&agrave; une conception communautariste du sujet identique aux autres&nbsp;: conforme parce que consentant &agrave; sa s&eacute;paration dans le premier cas, conforme parce que consentant &agrave; son assimilation dans le deuxi&egrave;me cas. Une &eacute;ducation de la voix consiste &agrave; travailler &agrave; l&rsquo;expression publique de sa voix qui est une revendication de sa place dans la communaut&eacute; des voix. Dans l&rsquo;exemple de l&rsquo;apprentissage de la prononciation dans une langue &eacute;trang&egrave;re, il s&rsquo;agit de travailler une pratique, la lecture &agrave; haute voix, dans un contexte public, la lecture &agrave; d&rsquo;autres. L&rsquo;exercice demand&eacute; aux &eacute;tudiant-e-s qui consiste &agrave; traduire un texte orthographique dans son &eacute;quivalent dans un tableau phonologique o&ugrave; chaque phon&egrave;me est repr&eacute;sent&eacute; par un symbole en couleur revient &agrave; faire un exercice de traduction simultan&eacute;e d&rsquo;un texte orthographique vers l&rsquo;expression vocale de ce texte. Cette exercice de traduction &agrave; plusieurs jouent un r&ocirc;le important dans l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue au sens o&ugrave; l&rsquo;entend V&eacute;ronique Castellotti&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; D&#39;un point de vue concret, cela signifie redonner de l&#39;importance, notamment, &agrave; des usages depuis longtemps sinon abandonn&eacute;s, du moins rel&eacute;gu&eacute;s &agrave; la portion congrue comme la traduction et la litt&eacute;rature, non pas en tant qu&#39; exercices scolaires mais en tant qu&#39; exp&eacute;riences privil&eacute;gi&eacute;es la relation alt&eacute;ritaire ou, comme le formulait A. Berman, lui-m&ecirc;me traducteur et th&eacute;oricien de la traduction, comme &laquo; &eacute;preuve de l&#39;&eacute;tranger &raquo; (Berman,&nbsp; 1984), &laquo; &eacute;preuve &raquo; pouvant ici &ecirc;tre compris dans ses deux significations de risque, obstacle, d&#39;une part, mais aussi de ressenti, de perception d&#39;autre part.&nbsp;&raquo;&nbsp;(Castellotti, 2017&nbsp;: 283)</p> </blockquote> <p>En enregistrant deux lectures d&rsquo;un m&ecirc;me texte &agrave; trois mois d&rsquo;intervalle apr&egrave;s avoir travaill&eacute; &agrave; l&rsquo;am&eacute;liorer par des exercices pratiques, puis en faisant &eacute;couter ses deux lectures &agrave; l&rsquo;&eacute;tudiant-e pour lui faire constater les changements de sa voix dans un paysage sonore qui ne lui est pas familier, le but p&eacute;dagogique est de lui mettre sous les yeux l&rsquo;immense potentiel de transformation que tout &ecirc;tre humain peut d&eacute;ployer dans ses prises de parole. L&rsquo;aisance &agrave; circuler dans un texte &agrave; l&rsquo;oral augmente la confiance qu&rsquo;une personne peut avoir dans sa voix. Dans ce dernier exemple, une &eacute;tudiante hispanophone passe d&rsquo;une lecture o&ugrave; les voyelles d&rsquo;une part et l&rsquo;accent lexical d&rsquo;autre part donnent des contours &eacute;tranges au paysage sonore dans son premier enregistrement&nbsp;:</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="400" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 9.png" width="533" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Audio2_S&eacute;quence 1</span></span></span></p> <p>Dans son deuxi&egrave;me enregistrement, le paysage sonore de sa lecture met plus d&rsquo;accent sur les syllabes consonne-voyelle avec attaque sur la consonne d&rsquo;une part et sur le regroupement des syllabes dans le groupe rythmique&nbsp;:</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><img height="400" src="https://www.numerev.com/img/ck_1_6_image 10.png" width="533" /></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">Audio2_S&eacute;quence 2</span></span></span></p> <p>La d&eacute;marche est individuelle parce que la voix est individuelle, elle aussi. Apprendre &agrave; tracer une voie dans le tableau du syst&egrave;me phonologique du fran&ccedil;ais dans une lecture publique et collective d&rsquo;un texte a pour but p&eacute;dagogique de montrer la fragilit&eacute; de la voix, pas en tant que telle, mais parce qu&rsquo;elle doit porter une tr&egrave;s grande attention &agrave; l&rsquo;&eacute;cho qu&rsquo;elle re&ccedil;oit. La r&eacute;ception acquiert dans cette perspective une tr&egrave;s grande importance et transforme compl&egrave;tement notre conception de l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re (Castellotti, 2017&nbsp;: 79&nbsp;; 309). Mais, malgr&eacute; une attention aiguis&eacute;e, la compr&eacute;hension dans cette perspective reste fragile. La justesse de l&rsquo;expression (d&rsquo;une lecture &agrave; haute voix, par exemple) n&rsquo;est jamais assur&eacute;e, aucune ma&icirc;trise ne peut la garantir (Anderson, 2015&nbsp;: 121), m&ecirc;me si, par la pratique, la possibilit&eacute; existe de faire confiance &agrave; son exp&eacute;rience, c&rsquo;est-&agrave;-dire faire confiance au chemin trac&eacute; et au regard d&rsquo;autrui qui accompagne ce trac&eacute;.</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm">La capacit&eacute; &agrave; faire entendre sa voix consiste donc aussi en un appel &agrave; la communaut&eacute;, un appel &agrave; l&rsquo;accord dans les voix (voies). L&rsquo;harmonie ou la dissonance d&rsquo;une voix dans le ch&oelig;ur des voix d&rsquo;une communaut&eacute; est en jeu &agrave; chaque prise de parole publique. L&rsquo;accord est un &eacute;quilibre fragile parce que la possibilit&eacute; de faire communaut&eacute; pour des individus qui reconnaissent leurs diff&eacute;rences est toujours al&eacute;atoire. Pourtant, comme dans l&rsquo;exemple de la lecture collective d&rsquo;un texte en fran&ccedil;ais sur la partition de son syst&egrave;me phonologique, l&rsquo;activit&eacute; collective donne la possibilit&eacute; d&rsquo;une expression commune dans laquelle chaque voix compte parce que chaque voix est reconnue dans sa contribution personnelle &agrave; l&rsquo;exploration collective d&rsquo;un paysage sonore &eacute;tranger. L&rsquo;attention &agrave; l&rsquo;autre est la condition de l&rsquo;aventure, mais aussi la condition de la reconnaissance de la voix. Cette nouvelle voix n&rsquo;est pas un quelque chose qui s&rsquo;ajouterait au capital de la personne ou au capital de la communaut&eacute;, mais un quelque chose qui la transforme et la grandit. Une politique de la voix met l&rsquo;accent sur la circulation des voix parce qu&rsquo;elle entend en montrer l&rsquo;importance pour la conversation d&eacute;mocratique.</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">AUSTIN, John, &laquo; A plea for excuses &raquo; in <em>Proceedings of the Aristotelian Society </em>57, 1956, p.&nbsp;1-30.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CARDOSO PINTO MIGUEL, Marlon, </span><em><span style="font-family:" times="">&Agrave; la marge et hors-champ</span></em><em> </em><em><span style="font-family:" times="">: l&rsquo;humain dans la pens&eacute;e de Fernand Deligny</span></em><span style="font-family:" times=""> (th</span><span style="font-family:" times="">&egrave;se),</span><span style="font-family:" times=""> Paris 8, </span><span style="font-family:" times="">2016.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CAVELL, Stanley, <em>Les voix de la raison. Wittgenstein, le scepticisme, la moralit&eacute; et la trag&eacute;die</em>, traduit de l&rsquo;anglais (am&eacute;ricain) par S.&nbsp;Laugier et N.&nbsp;Balso, Paris, Seuil, (1996 [1953]).</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CAVELL, Stanley, <em>Un ton pour la philosophie : moments d&rsquo;une autobiographie</em>, Paris, Bayard, 2003.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CAVELL, Stanley <em>Dire et vouloir dire&nbsp;: livre d&rsquo;essais</em>, traduit de l&rsquo;anglais (am&eacute;ricain) par S. Laugier et C. Fournier, Paris, Seuil, (2009[1969]).</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CAVELL, Stanley, <em>Philosophie&nbsp;: le jour d&rsquo;apr&egrave;s demain</em>, Paris, Fayard, 2011a.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CAVELL, Stanley, <em>Philosophie des salles obscures&nbsp;: lettres p&eacute;dagogiques sur un registre de la vie morale</em>, traduit de l&rsquo;anglais (am&eacute;ricain) par </span><span style="font-family:" times="">N. Ferron, M. Girel et E. Domenach, </span><span style="font-family:" times="">Paris, Flammarion, 2011b.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CONSEIL DE L&rsquo;EUROPE, <em>CECRL&nbsp;: Volume compl&eacute;mentaire avec nouveau descripteur</em>, Stassbourg, Conseil de l&rsquo;Europe, 2018a.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">CONSEIL DE L&rsquo;EUROPE, <em>CECRL&nbsp;: Phonological scale revision process report, Council of Europe</em> &ndash; Language Policy, 2018b.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">DETEY, Sylvain, LE GAC, David, &nbsp;&laquo; Didactique de l&rsquo;oral et normes de prononciation : Quid du fran&ccedil;ais &ldquo;&nbsp;standard &rdquo; dans une approche perceptive ? &raquo;, in<em> </em>Congr&egrave;s Mondial de Linguistique Fran&ccedil;aise, N&deg; 061, 2008.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">DETEY, LE GAC, &laquo; Traitement de la prononciation en langue &eacute;trang&egrave;re : approches didactiques, m&eacute;thodes automatiques et enjeux pour l&rsquo;apprentissage &raquo;, <em>in</em>&ensp;Traitement automatique des langues, N&deg; 57(3), 2016, p 15-39.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">DUFEU Bernard, <em>Sur les chemins d&rsquo;une p&eacute;dagogie de l&rsquo;&ecirc;tre</em>. Frankfort, Editions Psychodramaturgie, 1992.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">DUFEU, Bernard, <em>Les approches non conventionnelles des langues &eacute;trang&egrave;re</em>s, Paris, Hachette, 1996.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">ERARD, Yves et al, &laquo; Un Cadre pour qui ? &raquo;, A contrario n&deg; 15, 2011, p. 3-10.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">GATTEGNO, Caleb, <em>Teaching Foreign Languages in Schools The Silent Way</em>, New York, Educational Solutions, 2010.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">GAUDEMAR, Martine de., dir, <em>Les Plis de la Voix</em>, Limoges, Lambert-Lucas, 2013.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">GAUDEMAR, Martine de., dir. &laquo;&nbsp;De la m&eacute;lodie &agrave; la pens&eacute;e&nbsp;&raquo; in <em>Trouver sa voix dans les mots des autres,</em> A contrario, n&deg;28<em>,</em> 2019,<em> </em>Lausanne, BSN Press.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">GUYOT-S&Eacute;CHET, Yolande <i>et al</i>., <em>Construire la conscience phonologique (PS, MS, GS),</em> Paris, Retz, 2008.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LAUGIER,<em> </em>Sandra<em> </em>&laquo; Emerson : penser l&#39;ordinaire &raquo; in <em>Revue fran&ccedil;aise d&rsquo;&eacute;tudes Am&eacute;ricaines</em>, n&deg;91, 2002<em>,</em> p. 43-60.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LAUGIER, Sandra, &laquo;&nbsp;L&rsquo;ordinaire transatlantique. De Concord &agrave; Chicago, en passant par Oxford&nbsp;&raquo;, in <i>L&rsquo;Homme</i>, Revue fran&ccedil;aise d&rsquo;anthropologie, n&deg; 187-188, p. 169-199.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LAUGIER,<em> </em>Sandra,<em> Wittgenstein: le mythe de l&rsquo;inexpressivit&eacute;, </em>Paris, Vrin, 2010.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LAUGIER, Sandra, &laquo;&nbsp;Voix et claim : Cavell et la politique de la voix&nbsp;&raquo;, in <em>Les plis de la voix,</em> Limoges, Lambert-Lucas, 2013.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LAURET, Bertrand, <em>Enseigner la prononciation du fran&ccedil;ais</em></span><em> </em><em><span style="font-family:" times="">: questions et outils</span></em><span style="font-family:" times="">, Paris, Hachette, </span><span style="font-family:" times="">2007.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">LHOT, Elisabeth, <em>Enseigner l&rsquo;oral en interaction. Percevoir, &eacute;couter, comprendre</em>, Paris, Hachette, 2001.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">PAGEL, Dario, MADELINI, Edith, WIOLAND, Fran&ccedil;ois, <em>Le rythme du fran&ccedil;ais parl&eacute;</em>, Paris, Hachette, 2012.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">PUREN, Christian, &laquo;&nbsp;De l&#39;approche communicative &agrave; la perspective actionnelle &raquo;, Le Fran&ccedil;ais dans le Monde, n&deg; 347, p. 37-40, 2006, Paris, FIPF-CLE international</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">MESCHONNIC, Henri, <em>Critique du rythme</em></span> <em><span style="font-family:" times="">: Anthropologie historique du langage</span></em><span style="font-family:" times="">, Lagrasse, Editions Verdier, 2009.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">SCHAFER</span><span style="font-family:" times=""> R., </span><span style="font-family:" times="">Murray, <em>Le Paysage sonore : le monde comme musique</em>, Marseille, Wildproject, 2010.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">SMEYERS, Paul, SMITH, Richard, </span><span style="font-family:" times="">STANDISH, Paul, <em>The Therapy of Education, Philosophy, Happiness and Personal Growth, </em>New York, Palgrave Macmillan, 2007.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">SPRENGER-CHAROLLES, Liliane, &laquo; Introduction &raquo;, <i>Langue fran&ccedil;aise</i>, n&deg;199, 2018, p. 5-16.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">SPRENGER-CHAROLLES, Liliane, DESROCHERS, Alain, GENTAZ, &Eacute;douard&nbsp;&laquo;&nbsp;Apprendre &agrave; lire-&eacute;crire en fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Langue fran&ccedil;aise</em>, vol. 199, N&deg;3, 2018, p.&nbsp;51-67.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">TAYLOR, Charles, <em>La libert&eacute; des modernes : essais</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1997.</span></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-family:" times="">WITTGENSTEIN, Ludwi</span><span style="font-family:" times="">g</span><span style="font-family:" times="">, <em>Recherches philosophiques</em>, Paris, Gallimard, 2015.</span></span></span></p> <div> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm">&nbsp;</p> </div> </div>