<h2>Résumé</h2>
<p>Cet article aborde le problème de la subjectivité de la voix dans l’apprentissage du français langue étrangère. Il mobilise l’exemple de la lecture à haute voix pour montrer que mon expression dans une langue qui n'est pas la mienne ne consiste pas à s'approprier cette langue, mais à accepter de se laisser traverser par elle. L’expression de soi n'est possible que sur le fil des expressions d'autrui. Je ne m'approprie donc pas une langue, c'est elle qui s'empare de moi en me liant à elle. Puis-je supporter l'altération de mon expression dans le corps de mots qui ne sont pas les miens ? Cela dépendra de ma capacité à me rendre intelligible dans des rythmes et dans des musiques que je ne maîtrise pas. Cette intelligibilité sera fragile parce qu'elle impliquera toujours que je me reconnaisse moi et que je me fasse reconnaître des autres dans un paysage sonore qui ne m’est pas familier. L'apprentissage d'une langue étrangère me demande alors un effort qui s'apparente à de la patience : vis-à-vis des autres d’abord, vis-à-vis de moi-même ensuite. Cette vision de la subjectivité dans une langue étrangère met en évidence que son apprentissage est tributaire d'une confiance en soi qui se construit symétriquement à l'apprentissage d'une confiance en autrui. D’une confiance en soi comme un autre.</p>
<p>Yves ERARD<br />
Université de Lausanne, Suisse</p>