<p>Les travaux consacr&eacute;s &agrave; la formation linguistique d&rsquo;adultes sont g&eacute;n&eacute;ralement li&eacute;s &agrave; l&rsquo;activit&eacute; professionnelle et/ou aux migrations et s&rsquo;il est tout &agrave; fait pertinent de situer l&rsquo;apprentissage linguistique d&rsquo;adultes dans ces contextes sp&eacute;cifiques, il semble que cela implique une certaine optique, r&eacute;duite, entre utilitarisme et pragmatisme. Cependant, l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue nouvelle nous semble devoir se penser dans sa dimension subjective&nbsp;: en tant que professionnel&middot;le, une personne n&rsquo;en est pas moins marqu&eacute;e par des apprentissages pr&eacute;c&eacute;dents ou des pratiques langagi&egrave;res, ni moins mue par des d&eacute;sirs propres. Quel que soit le contexte, cette nouvelle &eacute;nonciation la met en jeu en tant que sujet. Concevoir une approche didactique de qualit&eacute;, questionnant les &laquo;&nbsp;&eacute;vidences&nbsp;&raquo;, implique donc de penser cette subjectivit&eacute;. Cet article se propose de contribuer &agrave; cette r&eacute;flexion en s&rsquo;appuyant sur une recherche en cours, consacr&eacute;e au rapport subjectif au yiddish et qui a pour fondement une r&eacute;flexion sur la (r&eacute;)appropriation linguistique.</p> <p>Quelle que soit l&rsquo;histoire personnelle, (re)devenir un sujet parlant du yiddish renvoie &agrave; une m&eacute;moire discursive, au contexte d&eacute;mographique, culturel et linguistique du juda&iuml;sme ashk&eacute;naze. En situation d&rsquo;attrition linguistique et de postvernacularisation du yiddish (Shandler, 2006), cela renvoie &eacute;galement &agrave; la question de l&rsquo;authenticit&eacute;, ainsi qu&rsquo;&agrave; celle de la l&eacute;gitimit&eacute; des n&eacute;o-locuteurs/-trices. D&egrave;s lors, la classe de yiddish semble offrir un terreau particuli&egrave;rement f&eacute;cond pour l&rsquo;approche du sujet en didactique. Cette contribution montrera ainsi en quoi, &agrave; partir de ce cas pr&eacute;cis, une approche circonstanci&eacute;e de la subjectivit&eacute; permet de mettre au jour des enjeux pour la didactique des langues minor&eacute;es. Elle s&rsquo;appuie sur le croisement d&rsquo;observations en classe lors d&rsquo;une universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute;, d&rsquo;entretiens biographiques et d&rsquo;une enqu&ecirc;te par questionnaires.<br /> Apr&egrave;s un expos&eacute; d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments contextuels (1), la subjectivit&eacute; sujet sera ainsi abord&eacute;e selon trois perspectives&nbsp;: le parcours d&rsquo;apprenant&middot;e, le type de locuteur/-trice (Grinevald et Bert, 2010) et les d&eacute;sirs (exprim&eacute;s) de yiddish (2). Faisant appara&icirc;tre la classe de yiddish comme un lieu de complexit&eacute; du d&eacute;sir de langue, cette approche de l&rsquo;appropriation linguistique par la subjectivit&eacute; permet de soulever des enjeux et de dessiner des perspectives didactiques (3).</p> <p>1. &Eacute;l&eacute;ments contextuels</p> <p>Langue mill&eacute;naire, le yiddish a &eacute;t&eacute; le vernaculaire des populations juives d&rsquo;Europe rh&eacute;nane et orientale jusqu&rsquo;au XX&egrave;me si&egrave;cle. C&rsquo;est aujourd&rsquo;hui une langue &laquo;&nbsp;en danger&nbsp;&raquo;, selon la classification de l&rsquo;Unesco. Afin d&rsquo;en brosser les grandes lignes sociolinguistiques, il convient de revenir sur les &eacute;l&eacute;ments majeurs de son histoire, de rappeler comment les scientifiques s&rsquo;en sont empar&eacute;&middot;e&middot;s et d&rsquo;examiner la situation particuli&egrave;re en France.</p> <p>1.1. Le yiddish, une langue juive</p> <p>Si la qualification de langue &laquo;&nbsp;juive&nbsp;&raquo; peut faire d&eacute;bat&nbsp;(voir not. Alvarez-Pereyre, 2002&nbsp;: 45-50), force est de constater qu&rsquo;au-del&agrave; des traits distinctifs d&eacute;gag&eacute;s par Max Weinreich (fusion et convergence), le yiddish est caract&eacute;ris&eacute; par trois aspects majeurs du juda&iuml;sme ashk&eacute;naze. Il s&rsquo;agit tout d&rsquo;abord d&rsquo;une langue de diaspora, travers&eacute;e &laquo;&nbsp;de bout en bout&nbsp;&raquo; par &laquo;&nbsp;des migrations de peuples&nbsp;&raquo;, comme l&rsquo;&eacute;crit Franz Kafka&nbsp;(1989&nbsp;: 1141). Son destin est ensuite marqu&eacute; par la catastrophe du g&eacute;nocide, le <em>khurbn</em>, qui r&eacute;duisit des millions de locuteurs/-trices au silence et amputa son avenir. Enfin, il semble qu&rsquo;un certain regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t grandisse depuis les ann&eacute;es 1970, tout d&rsquo;abord aux &Eacute;tats-Unis.</p> <p>Attest&eacute; au moins &agrave; partir du XIV&egrave;me si&egrave;cle, le yiddish est une langue dont l&rsquo;origine ne fait pas consensus. On la situe autour de l&rsquo;an mille, en Rh&eacute;nanie, en Bavi&egrave;re ou dans l&rsquo;actuelle Ukraine. Longtemps consid&eacute;r&eacute;e comme une version &laquo;&nbsp;corrompue&nbsp;&raquo; de l&rsquo;allemand, elle conna&icirc;t gr&acirc;ce &agrave; des linguistes et &eacute;crivains une entreprise de grammatisation et de normativisation au tournant du si&egrave;cle dernier. C&rsquo;est majoritairement sur la variante lituanienne, <em>litvish</em>, r&eacute;put&eacute;e plus prestigieuse que le <em>poylish </em>(la variante polonaise), que le standard est fond&eacute; par M.&nbsp;Weinreich et des intellectuels du YIVO, l&rsquo;institut de recherche juive qui fait encore r&eacute;f&eacute;rence aujourd&rsquo;hui. Au cours du XX&egrave;me si&egrave;cle, M.&nbsp;Weinreich instaure un changement complet de paradigme scientifique en envisageant le yiddish comme &laquo;&nbsp;langue de fusion&nbsp;&raquo;, plut&ocirc;t que comme &laquo;&nbsp;mixte&nbsp;&raquo;&nbsp;(1973)<sup>1</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: On observe par exemple que des verbes &agrave; radical germanique fonctionnent selon un syst&egrave;me de pr&eacute;verbes typique de langues slaves ou qu&rsquo;un pluriel h&eacute;bra&iuml;que s&rsquo;applique &agrave; un lexique qui ne l&rsquo;est pas.]. Le yiddish t&eacute;moigne ainsi de l&rsquo;histoire de la diaspora ashk&eacute;naze (Baumgarten, 2002&nbsp;: 56)&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le yiddish est donc le r&eacute;sultat de la fusion phonologique, morphologique et syntaxique de trois composantes principales&nbsp;: le substrat h&eacute;br&eacute;o-aram&eacute;en, des vestiges de langues romanes, des &eacute;l&eacute;ments des dialectes germaniques ou slaves.</p> </blockquote> <p>Par ailleurs, alors que le XIX&egrave;me si&egrave;cle avait vu une entreprise conjointe de grammatisation et de r&eacute;habilitation du yiddish, le XX&egrave;me si&egrave;cle est celui d&rsquo;une attrition brutale et irr&eacute;versible. On estime &agrave; environ 11 millions le nombre de personnes qui parlent yiddish en 1935&nbsp;(Fishman, 2012). La population juive est majoritaire dans de nombreuses bourgades rurales (le &laquo;&nbsp;<em>shtetl&nbsp;</em>&raquo;) et repr&eacute;sente environ un tiers de la population de grandes villes des actuelles Lituanie, Bi&eacute;lorussie, Pologne et Ukraine. Dans une sorte de continuit&eacute; de la &laquo;&nbsp;guerre des langues&nbsp;&raquo; qui avait culmin&eacute; &agrave; la conf&eacute;rence de Czernowitz en 1908, la politique linguistique men&eacute;e en Palestine mandataire, puis en Isra&euml;l est marqu&eacute;e par un fort nationalisme. Apr&egrave;s la guerre, l&rsquo;esprit pionnier caract&eacute;risant la construction du nouvel &Eacute;tat ne laisse aucune place au yiddish&nbsp;: l&rsquo;Homme nouveau fait verdir le d&eacute;sert et parle h&eacute;breu&nbsp;; le <em>shtetl </em>est derri&egrave;re lui. C&rsquo;est depuis les ann&eacute;es 1970 que le yiddish b&eacute;n&eacute;ficie d&rsquo;un contexte plus favorable en Isra&euml;l&nbsp;(Niborski, 1998&nbsp;: 64). Ainsi, des personnes survivantes ou rescap&eacute;es, tr&egrave;s peu continuent &agrave; parler yiddish apr&egrave;s la guerre. Dans les milieux ultra-orthodoxes (&Eacute;tats-Unis, Isra&euml;l), le yiddish est la langue du quotidien de nombreuses familles, tandis que l&rsquo;h&eacute;breu est la langue sacr&eacute;e. Il est difficile d&rsquo;avancer avec pr&eacute;cision le nombre actuel de yiddishophones, on l&rsquo;estime &agrave; plus ou moins un million de personnes en 2010 (Fishman, 2012).</p> <p>Enfin, le yiddish conna&icirc;t &agrave; travers le monde un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t en partie gr&acirc;ce &agrave; la popularit&eacute; grandissante de la musique klezmer apr&egrave;s la guerre. Dans son sillage, il entra&icirc;ne une (re)d&eacute;couverte des chansons et un int&eacute;r&ecirc;t pour la langue de cet univers culturel. Si l&rsquo;on parle de &laquo;&nbsp;<em>revival&nbsp;</em>&raquo; de ce genre musical&nbsp;(Sapoznik, 2006&nbsp;: 273), il faut le consid&eacute;rer en regard de changements soci&eacute;taux de plus grande &eacute;chelle, d&eacute;crits par le &laquo;&nbsp;<em>ethnic revival</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;(Smith, 1981). Il s&rsquo;agit ainsi plut&ocirc;t d&rsquo;une revendication que d&rsquo;une &laquo;&nbsp;renaissance&nbsp;&raquo;, au sens o&ugrave; une pratique ne peut &laquo;&nbsp;rena&icirc;tre&nbsp;&raquo; l&agrave; o&ugrave; elle ne se trouvait pas auparavant. Yitskhok Niborski, figure tut&eacute;laire du yiddish en France, emploie plut&ocirc;t l&rsquo;image d&rsquo;un &laquo;&nbsp;printemps&nbsp;&raquo;&nbsp;(Grober, 2006&nbsp;: 2), qui semble mieux correspondre &agrave; la floraison de festivals de musique et de cours d&rsquo;&eacute;t&eacute; de yiddish. Ces nouvelles pratiques font l&rsquo;objet d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t scientifique&nbsp;(voir not. R&uuml;thers, 2014), qui s&rsquo;inscrit dans une &eacute;mergence plut&ocirc;t tardive d&rsquo;une anthropologie du juda&iuml;sme.</p> <p>1.2. Un objet scientifique tardif</p> <p>Si Modeste Moussorgsky collecte des chansons d&egrave;s les ann&eacute;es 1860&nbsp;(Slobin, 2000&nbsp;: 288) et que des folkloristes s&rsquo;int&eacute;ressent aux populations du <em>shtetl</em>, on consid&egrave;re que de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, l&rsquo;approche anthropologique du juda&iuml;sme est tardive. D&rsquo;apr&egrave;s Harvey E. Goldberg, il y a trois raisons &agrave; la marginalisation de ce champ d&rsquo;&eacute;tudes&nbsp;: la difficult&eacute; pos&eacute;e par les outils conceptuels utilis&eacute;s pour les soci&eacute;t&eacute;s dites primitives, qui enl&egrave;veraient sa contemporan&eacute;it&eacute; au juda&iuml;sme&nbsp;; les lacunes linguistiques des scientifiques pour l&rsquo;&eacute;tude des textes anciens&nbsp;; et la question de la place &agrave; accorder au religieux&nbsp;(1987&nbsp;: 2‑3). Pour Frank Alvarez-Pereyre, le yiddish a &eacute;galement p&acirc;ti du d&eacute;sint&eacute;r&ecirc;t pour les langues minor&eacute;es et d&rsquo;un soup&ccedil;on apolog&eacute;tique plus g&eacute;n&eacute;ral concernant les &eacute;tudes juives&nbsp;(1997).</p> <p>C&rsquo;est &agrave; partir de la th&egrave;se de M.&nbsp;Weinreich en 1923 que le yiddish devient v&eacute;ritablement objet d&rsquo;&eacute;tude. Selon Jean Baumgarten, il op&egrave;re une r&eacute;volution copernicienne en pensant le yiddish comme &laquo;&nbsp;langue de fusion&nbsp;&raquo; (2002&nbsp;: 44-45)&nbsp;: il ne s&rsquo;agit donc plus de l&rsquo;envisager par le prisme (d&eacute;pr&eacute;ciatif) de l&rsquo;allemand, mais dans la complexit&eacute; de son propre syst&egrave;me. En France, il semble que la premi&egrave;re publication concernant le juda&iuml;sme vienne avec l&rsquo;av&egrave;nement de l&rsquo;anthropologie du proche&nbsp;(Jacques Gutwirth enqu&ecirc;te au sein d&rsquo;une communaut&eacute; hassidique d&rsquo;Anvers, 1970). Pour le versant linguistique, c&rsquo;est en Alsace que des travaux sont conduits&nbsp;; ils sont consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;attrition de la variante occidentale locale&nbsp;(Rapha&euml;l, 1986), au contact de langues&nbsp;(Matzen, 1975&nbsp;; D. Bechtel, 1997) et &agrave; la litt&eacute;rature&nbsp;(Starck-Adler, 1995). La recherche permet &eacute;galement de penser le yiddish dans ses relations diglossiques&nbsp;: langue profane li&eacute;e &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu, langue sacr&eacute;e&nbsp;; langue du (petit) peuple face &agrave; l&rsquo;allemand de la <em>Haskala </em>(les &laquo;&nbsp;Lumi&egrave;res&nbsp;&raquo; juives)&nbsp;; langue des bundistes face &agrave; l&rsquo;h&eacute;breu moderne du projet sioniste&nbsp;; langue du <em>shtetl </em>opprim&eacute;e par l&rsquo;h&eacute;breu moderne, qui est elle la langue de l&rsquo;Homme nouveau, des pionniers. Dans les communaut&eacute;s orthodoxes nord-am&eacute;ricaines ou britanniques yiddishophones, c&rsquo;est avec l&rsquo;anglais que la relation diglossique se noue.</p> <p>L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t autour du yiddish et les nouvelles pratiques auquel il donne lieu ont fourni deux notions sur lesquelles cette recherche s&rsquo;appuie. Il s&rsquo;agit tout d&rsquo;abord du yiddish <em>postvernaculaire</em>, d&rsquo;apr&egrave;s Jeffrey Shandler&nbsp;: cette notion d&eacute;crit ce qui est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre lorsque la valeur informative de la langue c&egrave;de le pas &agrave; sa valeur symbolique&nbsp;(2006). Dans le cadre conceptuel de l&rsquo;anthropologie dynamique&nbsp;(Balandier 1974) qui pr&eacute;side &agrave; cette recherche et selon les observations en France, cette notion semble de voir se concevoir en tant que processus, plut&ocirc;t qu&rsquo;en tant qu&rsquo;un &eacute;tat qui serait atteint&nbsp;: il est ainsi question dans ces lignes de <em>postvernacularisation</em>.</p> <p>La deuxi&egrave;me notion issue de la recherche yiddish et qui peut s&rsquo;appliquer &agrave; d&rsquo;autres contextes de langues en danger est la proposition de Netta R.&nbsp;Avineri (2012). Ayant conduit une ethnographie dans les contextes la&iuml;cs en Californie et &agrave; New-York, elle forge la notion de communaut&eacute; m&eacute;talinguistique, qui prolonge les observations de J.&nbsp;Shandler. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une &laquo;&nbsp;communaut&eacute; d&rsquo;acteurs sociaux situ&eacute;s, engag&eacute;s primairement dans un discours sur la langue et les symboles culturels attach&eacute;s &agrave; la langue&nbsp;&raquo;&nbsp;; ses membres sont &laquo;&nbsp;engag&eacute;s dans une &lsquo;&lsquo;socialisation de nostalgie&rsquo;&rsquo; dans une nation imagin&eacute;e de la diaspora Juive, d&eacute;montrant le r&ocirc;le central de la langue comme produisant et marquant l&rsquo;identit&eacute; au sein de contextes multilingues&nbsp;&raquo;&nbsp;(Avineri, 2012&nbsp;: 2, traduction par nos soins). Dans cette perspective, marqu&eacute;e par un certain pragmatisme, il s&rsquo;agit de maintenir une communaut&eacute; qui partage davantage des normes relatives &agrave; l&rsquo;expression culturelle yiddish, plut&ocirc;t qu&rsquo;un seul partage de normes (socio)linguistiques&nbsp;(Labov, 1976).</p> <p>1.3. Une langue de/en France</p> <p>En France, le yiddish a connu une semblable &eacute;volution&nbsp;: de langue vernaculaire parmi les populations juives rh&eacute;nanes, &agrave; langue-culture d&rsquo;h&eacute;ritage dont la transmission est aujourd&rsquo;hui relay&eacute;e par des institutions.</p> <p>Pour en faire bri&egrave;vement le panorama, il faut tout d&rsquo;abord &eacute;voquer la variante historiquement parl&eacute;e en Alsace. Attest&eacute;e dans un document rabbinique de 1511, cette variante du yiddish occidental est diversement nomm&eacute;e dans la litt&eacute;rature&nbsp;: jud&eacute;o-alsacien, yidich alsacien, jeddich-daitsh &ndash; ce dernier est semble-t-il celui employ&eacute; par les locuteurs/-trices. Dans le cadre d&rsquo;un projet de la Columbia University initi&eacute; par U.&nbsp;Weinreich, Richard Zuckerman en d&eacute;crit le syst&egrave;me phonologique en 1969&nbsp;(Bechtel, 1997&nbsp;: 85‑86). &Agrave; partir du corpus constitu&eacute; dans ce cadre, Delphine Bechtel a conduit une recherche sur le contact avec l&rsquo;alsacien. Elle en conclut une fid&eacute;lit&eacute; &laquo;&nbsp;s&eacute;lective&nbsp;&raquo; au yiddish occidental&nbsp;: c&rsquo;est &laquo;&nbsp;une langue mouvante, ouverte aux emprunts, mais [&hellip;] les formes du yiddish occidental sont maintenues dans le domaine de la famille et de la religion&nbsp;&raquo; (op.cit.&nbsp;: 111). Cette langue ne semble plus parl&eacute;e aujourd&rsquo;hui.</p> <p>Par ailleurs, les migrations de populations juives, en particulier polonaises, am&egrave;nent d&egrave;s la fin du XIX&egrave;me si&egrave;cle le yiddish oriental (<em>poylish</em>) en France, surtout &agrave; Paris&nbsp;(Green, 1985). Pour en donner une id&eacute;e g&eacute;n&eacute;rale, faute de pouvoir d&eacute;velopper et nuancer davantage ce point, on peut brosser quelques caract&eacute;ristiques. Souvent employ&eacute;es dans l&rsquo;industrie du v&ecirc;tement, ces personnes sont peu religieuses. Elles parlent g&eacute;n&eacute;ralement yiddish et leurs enfants l&rsquo;apprennent en famille ou en colonies de vacances. Un grand nombre de titres de presse t&eacute;moignent d&rsquo;une vie en yiddish &agrave; Paris, notamment syndicale &ndash; de nombreuses personnes sont en effet membres ou &laquo;&nbsp;sympathisantes&nbsp;&raquo; du Bund<sup>2</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: Forme courte du <em>algemeyner yidisher arbeter bund in Lite, Poyln un Rusland</em> (אַלגעמײנער ײדישער אַרבעטער בונד אין ליטע, פוילן און רוסלאַנד), l&rsquo;Union g&eacute;n&eacute;rale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie, fond&eacute;e en 1897.]. Selon Alan Astro, &laquo;&nbsp;on peut facilement estimer qu&rsquo;en 1940 plus de 100 000 yiddishophones, immigr&eacute;s et enfants d&rsquo;immigr&eacute;s, vivaient &agrave; Paris&nbsp;&raquo;&nbsp;(2013&nbsp;: 548). Apr&egrave;s la guerre, certain&middot;e&middot;s intellectuelles et r&eacute;fugi&eacute;&middot;e&middot;s transitant par la France d&eacute;cident d&rsquo;y rester (<em>ibid.</em>).</p> <p>Aujourd&rsquo;hui, plusieurs institutions ont acquis le statut de &laquo;&nbsp;relais&nbsp;&raquo; de la langue et de la culture yiddish, tandis que les locuteurs/-trices et leurs moments de rencontre dans les caf&eacute;s parisiens sont de moins en moins nombreux. Ailleurs en France, de plus modestes associations poursuivent les m&ecirc;mes buts. &Agrave; Paris, il s&rsquo;agit tout d&rsquo;abord du centre Medem Arbeter Ring, dont l&rsquo;histoire remonte aux ann&eacute;es 1920 et qui offre aujourd&rsquo;hui de nombreuses activit&eacute;s autour des langues juives et du mouvement ouvrier du Bund. Lorsque la biblioth&egrave;que est devenue trop importante, une deuxi&egrave;me structure a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;e&nbsp;: elle porte aujourd&rsquo;hui le nom de Maison de la Culture Yiddish (MCY). La MCY, &agrave; quelques rues du centre Medem, propose &eacute;galement de nombreuses activit&eacute;s et des cours (de yiddish uniquement). Enfin, sans qu&rsquo;elle ait de locaux propres, l&rsquo;association Yiddish Pour Tous organise des &eacute;v&eacute;nements &agrave; Paris ; son activit&eacute; en ligne est tr&egrave;s importante et attire des personnes du monde entier.</p> <p>De cette situation &agrave; peine esquiss&eacute;e, on retiendra donc qu&rsquo;en France, ne se trouve qu&rsquo;une infime proportion du million actuel (estim&eacute;) de yiddishophones, mais que la vitalit&eacute; de la MCY fait de Paris un haut-lieu de la culture yiddish. Parmi ces personnes, il est fr&eacute;quent qu&rsquo;elles soient d&rsquo;origine polonaise, plut&ocirc;t modeste et de culture yiddish bundiste. Par ailleurs, il ne semble pas y avoir de communaut&eacute; ultra-orthodoxe yiddishophone significative en France.</p> <p>C&rsquo;est la MCY qui a fourni le cadre de la pr&eacute;sente recherche explorant le rapport subjectif aux langues et s&rsquo;inscrivant dans une recherche de terrain plus g&eacute;n&eacute;rale consacr&eacute;e au yiddish. Six r&eacute;cits de vie de participant&middot;e&middot;s et deux entretiens avec des enseignantes compl&egrave;tent les donn&eacute;es constitu&eacute;es au cours d&rsquo;une observation participante pendant les trois semaines d&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; en 2018. Un questionnaire a &eacute;galement &eacute;t&eacute; administr&eacute; six mois apr&egrave;s l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute;&nbsp;; environ un tiers des participant&middot;e&middot;s (23 sur 74 personnes) y a r&eacute;pondu. Les personnes ayant accept&eacute; de participer &agrave; des entretiens sont des hommes et des femmes vivant actuellement en France, &acirc;g&eacute;es de 24 &agrave; 75 ans, d&rsquo;origine juive ou non (aucune n&rsquo;&eacute;voque une quelconque foi religieuse). Leurs occupations professionnelles ou associatives diff&egrave;rent, bien que l&rsquo;importance de la langue ou de la parole y soit forte (&eacute;tudes de langues, transmission linguistique, psychanalyse).</p> <p>2. La classe de yiddish comme lieu de complexit&eacute; du d&eacute;sir de langue</p> <p>Au cours de ce travail de recherche, des &eacute;coute et lecture &laquo;&nbsp;flottantes&nbsp;&raquo; ont op&eacute;r&eacute; quelques regroupements au sein de la constellation d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments identifi&eacute;s comme relevant de la subjectivit&eacute; des personnes en classe ou dans les r&eacute;cits relatifs &agrave; leur rapport aux langues. Des trois &laquo;&nbsp;p&ocirc;les&nbsp;&raquo; qui se sont dessin&eacute;s, deux correspondent &agrave; des &laquo;&nbsp;profils&nbsp;&raquo; ou optiques courants en didactique et en sociolinguistique&nbsp;: la personne consid&eacute;r&eacute;e comme apprenante et comme locutrice. Moins fr&eacute;quente et mobilisant dans la litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;ralement une perspective lacanienne, l&rsquo;approche par le d&eacute;sir est apparue tout aussi signifiante, &agrave; la fois dans les discours des personnes et dans l&rsquo;analyse des donn&eacute;es. C&rsquo;est donc selon ces trois optiques, comme des angles de vue distincts permettant de saisir la tridimensionnalit&eacute; d&#39;un m&ecirc;me objet, qu&rsquo;est successivement probl&eacute;matis&eacute;e le sujet dans la classe de langue.</p> <p>2.1. Des parcours d&rsquo;apprenant&middot;e&middot;s vari&eacute;s</p> <p>Consid&eacute;r&eacute;es tout d&rsquo;abord comme &laquo;&nbsp;apprenant&middot;e&middot;s&nbsp;&raquo;, les personnes qui ont fr&eacute;quent&eacute; l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; pr&eacute;sentent une certaine diversit&eacute; de parcours. Leurs apprentissages pr&eacute;c&eacute;dents, linguistiques ou non, induisent des rapports au savoir et &agrave; l&rsquo;apprentissage formel, ainsi que des cultures d&rsquo;enseignement/apprentissage distincts. Par ailleurs, leurs repr&eacute;sentations sur le yiddish cr&eacute;ent des horizons d&rsquo;attente diff&eacute;rents quant &agrave; l&rsquo;objet du cours.</p> <p>Il appara&icirc;t tout d&rsquo;abord que le rapport de distance/proximit&eacute; avec l&rsquo;apprentissage formel peut faciliter ou entraver l&rsquo;exp&eacute;rience en classe de yiddish. Selon la familiarit&eacute; de l&rsquo;apprenant&middot;e avec ce contexte et son activit&eacute; (professionnelle) habituelle, l&rsquo;adaptation g&eacute;n&eacute;rale &agrave; la classe (ou le fait de devoir s&rsquo;y habituer &agrave; nouveau apr&egrave;s parfois plusieurs d&eacute;cennies) peut &ecirc;tre plus ou moins ais&eacute;e. Il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments aussi vari&eacute;s que la station assise prolong&eacute;e, l&rsquo;obligation de suivre un rythme impos&eacute; ou la seule exp&eacute;rience d&rsquo;une relation p&eacute;dagogique &agrave; l&rsquo;&acirc;ge adulte. Les enseignant&middot;e&middot;s sont bien repr&eacute;sent&eacute;&middot;e&middot;s parmi les apprenant&middot;e&middot;s et changer de r&ocirc;le au sein d&rsquo;une salle de classe peut leur poser difficult&eacute;. Par ailleurs, l&rsquo;enqu&ecirc;te montre que les domaines de formation initiale varient grandement et on peut penser que cela implique quelques difficult&eacute;s dans la compr&eacute;hension de traits grammaticaux inconnus (rection casuelle, aspect verbal), comme dans la ma&icirc;trise d&rsquo;un vocabulaire m&eacute;talinguistique.</p> <p>Cependant, outre l&rsquo;aisance en classe et en cours de langue, la diversit&eacute; des parcours se mesure aussi &agrave; l&rsquo;aulne des diff&eacute;rentes cultures d&rsquo;enseignement/apprentissage dont les personnes sont issues. Par ce terme, il s&rsquo;agit de d&eacute;crire les syst&egrave;mes de valeurs et attitudes associ&eacute;es, propres &agrave; diff&eacute;rents syst&egrave;mes &eacute;ducatifs et de formation. Le tutoiement entre enseignant et &eacute;l&egrave;ve, les devoirs apr&egrave;s la classe, la non-mixit&eacute; de genre ou encore l&rsquo;approche m&eacute;thodologique, par exemple la &laquo;&nbsp;grammaire-traduction&nbsp;&raquo;, sont autant d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments qui peuvent constituer cette &laquo;&nbsp;culture&nbsp;&raquo;, que l&rsquo;on peut aussi comprendre comme &laquo;&nbsp;habitus&nbsp;&raquo; bourdieusien&nbsp;(Pierre Martinez parle &eacute;galement des &laquo;&nbsp;acquis exp&eacute;rientiels&nbsp;&raquo;, 2011). Elle comporte une dimension nationale ou r&eacute;gionale et en tout cas g&eacute;n&eacute;rationnelle. L&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; rassemble des personnes de 18 ans &agrave; plus de 75 ans et les approches didactiques ont vari&eacute; pour leurs p&eacute;riodes de scolarit&eacute; respectives &ndash; ce qui est selon elles particuli&egrave;rement sensible pour la place de l&rsquo;oral. Enfin, dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;apprentissage est un processus co-construit, il convient de garder &agrave; l&rsquo;esprit que les enseignant&middot;e&middot;s m&ecirc;mes viennent de diff&eacute;rents pays et s&rsquo;inscrivent donc dans diff&eacute;rentes cultures d&rsquo;enseignement/apprentissage.</p> <p>Pour finir, les parcours respectifs influent sur la perception m&ecirc;me de l&rsquo;objet d&rsquo;apprentissage qu&rsquo;est le yiddish. Les entretiens et questionnaires montrent que les repr&eacute;sentations et les apprentissages pr&eacute;c&eacute;dents cr&eacute;ent des attentes sp&eacute;cifiques en classe. Le yiddish est ainsi langue de (grande) culture pour certain&middot;e&middot;s, de la familiarit&eacute; pour d&rsquo;autres ou encore langue interdite et secr&egrave;te des parents. Les r&eacute;cits comme les r&eacute;ponses au questionnaire r&eacute;v&egrave;lent &eacute;galement que les langues &laquo;&nbsp;connexes&nbsp;&raquo; (germaniques, slaves, h&eacute;bra&iuml;ques) ou qui ont entretenu des rapports diglossiques avec le yiddish, jouent un r&ocirc;le dans la perception que les personnes en ont. Leur &laquo;&nbsp;entr&eacute;e&nbsp;&raquo;, pour ainsi dire, dans la langue peut donc &ecirc;tre plut&ocirc;t germanique ou h&eacute;bra&iuml;que, ce qui influence notamment leur maniement du lexique et leur perception des (ir)r&eacute;gularit&eacute;s grammaticales. En outre, une m&ecirc;me pratique familiale peut donner lieu &agrave; des repr&eacute;sentations tendant &agrave; exclure une approche grammaticale ou au contraire, poussant &agrave; se l&rsquo;approprier, lorsqu&rsquo;on l&rsquo;estime manquer.</p> <p>2.2. Des types de locuteurs/-trices de &laquo;&nbsp;traditionnel&nbsp;&raquo; &agrave; &laquo;&nbsp;n&eacute;o &raquo;</p> <p>Les parcours d&rsquo;apprentissage peuvent ainsi recouvrir des &eacute;l&eacute;ments tr&egrave;s divers et t&eacute;moigner de choix et d&rsquo;exp&eacute;riences singuliers. En consid&eacute;rant &agrave; pr&eacute;sent le type de locuteur/-trice, on observe des cas de figure vari&eacute;s, dont les caract&eacute;ristiques se manifestent en particulier lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;entendre ou de parler, dans la relation &agrave; l&rsquo;&eacute;crit ou par rapport &agrave; la connaissance de l&rsquo;univers r&eacute;f&eacute;rentiel yiddish.</p> <p>Pour des n&eacute;o-locuteurs/-trices, discriminer les sons de la langue nouvelle n&rsquo;est pas forc&eacute;ment ais&eacute; et la t&acirc;che peut &ecirc;tre plus difficile en prenant de l&rsquo;&acirc;ge. En effet, un nombre important de personnes retrait&eacute;es fr&eacute;quentent l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; et leur capacit&eacute; auditive est plus susceptible de d&eacute;cliner qu&rsquo;au sein de la population moyenne. De plus, les personnes dont le r&eacute;pertoire inclut d&eacute;j&agrave; le yiddish peuvent avoir des difficult&eacute;s &agrave; distinguer le standard pratiqu&eacute; en classe. La plupart du temps en France, la vari&eacute;t&eacute; transmise en famille est le <em>poylish </em>et nombre de voyelles diff&egrave;rent (u&nbsp;&harr;&nbsp;i, o&nbsp;&harr;&nbsp;u). Deux &eacute;l&eacute;ments de socialisations peuvent &eacute;galement causer un mal-entendu&nbsp;: l&rsquo;absence de scolarisation en yiddish (donc de connaissance du standard) et la faible diffusion, par des chansons ou des films, d&rsquo;un yiddish standardis&eacute;. Ce sont enfin des dispositions d&rsquo;ordre psycholinguistique (m&eacute;moire discursive, interdits familiaux exprim&eacute;s ou non) qui peuvent entraver cette &eacute;nonciation nouvelle qu&rsquo;est la prise de parole en yiddish.</p> <p>D&rsquo;autre part, au sein d&rsquo;un m&ecirc;me niveau peuvent se retrouver des personnes qui ont des degr&eacute;s de ma&icirc;trise de la lecture et de l&rsquo;&eacute;criture tr&egrave;s diff&eacute;rents. La connaissance de l&rsquo;h&eacute;breu moderne ou biblique permet aux d&eacute;butant&middot;e&middot;s d&rsquo;appr&eacute;hender rapidement la lecture et l&rsquo;&eacute;criture, tandis que g&eacute;n&eacute;ralement, les germanophones comprennent par transparence la majorit&eacute; du lexique d&eacute;chiffr&eacute; &agrave; grand peine. Parmi les locuteurs/-trices traditionnel&middot;le&middot;s, un court s&eacute;jour ou un passage par les niveaux d&eacute;butant s&rsquo;av&egrave;re parfois n&eacute;cessaire, car il n&rsquo;est pas rare que ces personnes n&rsquo;aient pas &eacute;t&eacute; litt&eacute;ris&eacute;&middot;e&middot;s en yiddish. Elles peuvent par ailleurs, comme les n&eacute;o-locuteurs/-trices selon leur connaissance de l&rsquo;h&eacute;breu, &ecirc;tre plus ou moins &agrave; l&rsquo;aise avec les h&eacute;bra&iuml;smes. Ces mots &eacute;crits comme en h&eacute;breu, c&rsquo;est-&agrave;-dire sans voyelles, se prononcent diff&eacute;remment en yiddish. De plus, l&rsquo;emploi des deux alphabets, imprim&eacute; et manuscrit, dans les documents et leur lisibilit&eacute; (ils sont parfois photocopi&eacute;s plusieurs fois ou en police de petite taille) peuvent poser difficult&eacute; aux yiddishophones confirm&eacute;&middot;e&middot;s comme d&eacute;butant&middot;e&middot;s. Les premi&egrave;r&middot;e&middot;s pourront avoir des difficult&eacute;s notamment li&eacute;es &agrave; leur vue, les second&middot;e&middot;s &agrave; la co-existence des deux alphabets nouveaux et &agrave; leur taille d&rsquo;impression.</p> <p>Dernier aspect des observations de terrain, le type de locuteur/-trice implique &eacute;galement un rapport &agrave; l&rsquo;univers r&eacute;f&eacute;rentiel (du) yiddish, qui peut &ecirc;tre familier jusqu&#39;&agrave; fantasm&eacute;. Ces enjeux se posent davantage pour les n&eacute;o-locuteurs/-trices&nbsp;: apprendre le yiddish, c&rsquo;est &ecirc;tre confront&eacute;&middot;e &agrave; une langue juive, &agrave; la langue du <em>shtetl </em>et aussi &agrave; une langue ashk&eacute;naze. Bien que le contexte d&rsquo;usage et de transmission du yiddish en France soit presque exclusivement la&iuml;c, il appara&icirc;t comme une langue juive dans la mesure o&ugrave; le lexique oblige &agrave; inscrire certains signifi&eacute;s par rapport au domaine religieux. Une &laquo;&nbsp;f&ecirc;te&nbsp;&raquo; ou une &laquo;&nbsp;question&nbsp;&raquo; sont diff&eacute;rentes selon qu&rsquo;elles sont li&eacute;es aux rituels juifs ou non et il est n&eacute;cessaire de conna&icirc;tre la valeur de la f&ecirc;te de la Torah pour comprendre l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;elle a un visage de <em>Simkhes-Toyre</em>&nbsp;&raquo;. Dans les niveaux avanc&eacute;s, ce sont les r&eacute;f&eacute;rences talmudiques qui conditionnent la compr&eacute;hension de textes litt&eacute;raires. Se (r&eacute;)approprier le yiddish, c&rsquo;est aussi s&rsquo;inscrire dans une tradition et une m&eacute;moire discursives du <em>shtetl</em>, qui ne correspondent pas n&eacute;cessairement aux valeurs de l&rsquo;&eacute;poque pr&eacute;sente. Lorsque le yiddish a &eacute;t&eacute; transmis en famille, cela s&rsquo;est de fait accompagn&eacute; d&rsquo;un univers et de ses codes &ndash; ceux-l&agrave; m&ecirc;mes que les personnes qui ne sont pas de culture juive doivent apprendre, sans forc&eacute;ment d&rsquo;embl&eacute;e les comprendre. &Agrave; cela s&rsquo;ajoute une certaine vision du monde, propre &agrave; l&rsquo;univers ashk&eacute;naze. De nombreuses plaisanteries la mettent en sc&egrave;ne de mani&egrave;re st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e, ce qui semble une simplification en m&ecirc;me temps qu&rsquo;une exag&eacute;ration de ce que Julien Bauer consid&egrave;re comme &laquo;&nbsp;une des caract&eacute;ristiques du juda&iuml;sme ashkenaz [<em>sic</em>]&nbsp;&raquo;, &agrave; savoir &laquo;&nbsp;[c]et &eacute;tonnant m&eacute;lange de pessimisme, quand ils voyaient le monde, et d&rsquo;optimisme, de joie intellectuelle quand ils &eacute;tudiaient les textes&nbsp;&raquo;&nbsp;(2001&nbsp;: 19).</p> <p>2.3. Des d&eacute;sirs singuliers</p> <p>Dans la mesure o&ugrave; ils constituent un moteur dans la d&eacute;marche vers le yiddish et/ou impliquent des attentes sp&eacute;cifiques, des &laquo;&nbsp;motivations&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;d&eacute;sirs&nbsp;&raquo;&nbsp;sont li&eacute;s au profil de locuteur/-trice et sous-tendent le parcours&nbsp;d&rsquo;apprenant&middot;e. T&eacute;moignant exemplairement de ce qui fait la singularit&eacute; d&rsquo;une personne, le &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo; est employ&eacute; ici comme synonyme de la volition, l&rsquo;acte de volont&eacute;, comme ce qui fonde cet &eacute;lan vers un objet.</p> <p>Plusieurs personnes lors de l&#39;enqu&ecirc;te disent ne pas pouvoir nommer ou identifier de d&eacute;sir propre dans leur d&eacute;marche vers le yiddish. Elles peinent &agrave; reconstituer le fil des &eacute;v&eacute;nements, attribuent la d&eacute;cision ou le premier pas &agrave; quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre ou encore invoquent le hasard. L&rsquo;analyse de ces discours montre pourtant que si la rencontre initiale avec le yiddish est fortuite, s&rsquo;y arr&ecirc;ter ne l&rsquo;est pas. Un &eacute;tudiant commence par exemple par dire que le yiddish &eacute;tait un hasard, puis construit au fil du r&eacute;cit un faisceau d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments qui concourent &agrave; pr&eacute;senter cette langue &eacute;galement comme objet de d&eacute;sir. S&rsquo;il ne pr&eacute;side pas &agrave; son choix sp&eacute;cifique (le r&eacute;cit le met sur un pied d&rsquo;&eacute;galit&eacute; avec le basque et le breton), c&rsquo;est bien le d&eacute;sir de d&eacute;couvrir une autre langue minoritaire que l&rsquo;&eacute;tudiant met en avant. Par la suite, l&rsquo;appropriation d&rsquo;un autre alphabet, cette condition minoritaire et le lien avec l&rsquo;Histoire font du yiddish un objet de d&eacute;sir pour lui. En outre, l&rsquo;activit&eacute; d&eacute;sirante est r&eacute;activ&eacute;e par une logique de r&eacute;compense (la r&eacute;ussite universitaire).</p> <p>Lorsqu&rsquo;il est exprim&eacute; explicitement, le d&eacute;sir de yiddish peut relever d&rsquo;une orientation pr&eacute;cise, instrumentale comme int&eacute;grative. Bien qu&rsquo;ils apparaissent dans un cadre conceptuel &eacute;loign&eacute; de celui de cette recherche, ces termes pr&eacute;sentent l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de libeller des distinctions &eacute;miques (c&rsquo;est-&agrave;-dire op&eacute;r&eacute;es par les apprenant&middot;e&middot;s). En effet, dans un cours, quatre personnes expliquent avoir &laquo;&nbsp;besoin&nbsp;&raquo; du yiddish. Une chercheuse et une doctorante veulent acc&eacute;der &agrave; des sources &eacute;crites en yiddish, une archiviste veut pouvoir lire et translitt&eacute;rer des titres d&rsquo;ouvrages du fonds qu&rsquo;elle g&egrave;re et un &eacute;tudiant met en avant son orientation instrumentale par le &laquo;&nbsp;pont&nbsp;&raquo; qu&rsquo;offre le yiddish entre l&rsquo;allemand et l&rsquo;h&eacute;breu&nbsp;: ces exemples se situent plut&ocirc;t du c&ocirc;t&eacute; du p&ocirc;le &laquo;&nbsp;universitaire&nbsp;&raquo; identifi&eacute; par J.&nbsp;Baumgarten pour la p&eacute;rennit&eacute; du yiddish&nbsp;(2002&nbsp;: 246). On peut ainsi avancer que dans certains champs de recherche (histoire, litt&eacute;rature, dialectologie, &eacute;tudes juives), comme dans l&rsquo;&eacute;dition (par la traduction), le yiddish acquiert une valeur qui le place, malgr&eacute; un questionnement de fond sur son (in)utilit&eacute;, sur un march&eacute; linguistique. D&rsquo;autres personnes du cours mettent en avant un projet &agrave; plus long terme, int&eacute;gratif&nbsp;: la connaissance de l&rsquo;univers r&eacute;f&eacute;rentiel yiddish, en particulier de la litt&eacute;rature de la premi&egrave;re moiti&eacute; du XX&egrave;me si&egrave;cle ou du r&eacute;pertoire musical. Cette orientation est donc plut&ocirc;t sous-tendue par une repr&eacute;sentation de la langue comme v&eacute;hicule de culture.</p> <p>D&rsquo;autres personnes encore mettent davantage en avant les dimensions personnelle, sp&eacute;cifiquement identitaire ou militante de leur d&eacute;marche. Si l&rsquo;on ne peut pr&eacute;sumer des jeux d&rsquo;identification singuliers (ni des d&eacute;sirs qui ne sont pas exprim&eacute;s ou inaccessibles aux personnes m&ecirc;mes), le corpus de cette recherche permet d&rsquo;affirmer que les investissements affectifs peuvent &ecirc;tre non seulement tr&egrave;s divers entre les personnes, mais &eacute;galement importants pour chacune. Il s&rsquo;agit d&#39;apr&egrave;s les d&eacute;clarations dans les questionnaires de d&eacute;couvrir leur &laquo;&nbsp;h&eacute;ritage&nbsp;&raquo;, voire de s&rsquo;approprier une part de leur identit&eacute; culturelle ou de trouver la &laquo;&nbsp;part manquante&nbsp;&raquo; &agrave; leur psych&eacute;. Le lien avec la jud&eacute;it&eacute; n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire&nbsp;: le yiddish s&rsquo;est ainsi r&eacute;v&eacute;l&eacute; &ecirc;tre pour une personne non-juive un moyen d&rsquo;affranchissement de l&rsquo;autorit&eacute; d&rsquo;un parent antis&eacute;mite. Arriv&eacute;es &agrave; la retraite, certaines personnes ont plus &laquo;&nbsp;simplement&nbsp;&raquo; envie d&rsquo;avoir une activit&eacute; sociale et intellectuelle qui s&rsquo;inscrive dans une coh&eacute;rence personnelle, parce qu&rsquo;elles parlent d&eacute;j&agrave; h&eacute;breu ou allemand ou parce qu&rsquo;elles s&rsquo;int&eacute;ressent &agrave; l&rsquo;histoire ou &agrave; la litt&eacute;rature. Les personnes que l&rsquo;on peut qualifier d&rsquo;&laquo;&nbsp;activistes linguistiques&nbsp;&raquo; se positionnent dans leurs discours explicitement par rapport &agrave; l&rsquo;enjeu de l&rsquo;attrition du yiddish.</p> <p>Dans la mesure o&ugrave; des personnes ayant des parcours linguistiques et d&rsquo;apprentissage divers auxquels s&rsquo;ajoutent des expressions de d&eacute;sirs propres y interagissent, la classe de langue rassemble des &eacute;l&eacute;ments de subjectivit&eacute; tr&egrave;s vari&eacute;s. De plus, le contexte du yiddish et les sp&eacute;cificit&eacute;s et intrications mutuelles des trois optiques emprunt&eacute;es ici sugg&egrave;rent que la classe de yiddish constitue un lieu de particuli&egrave;re complexit&eacute; du d&eacute;sir de langue. Comment dans ces conditions concevoir la d&eacute;marche didactique&nbsp;? C&rsquo;est l&rsquo;objet de cette derni&egrave;re partie, dans laquelle sont envisag&eacute;es quelques orientations pour la prise en compte de ces &eacute;l&eacute;ments subjectifs.</p> <p>3. Enjeux pour l&rsquo;enseignement/apprentissage du yiddish</p> <p>Bien que cette recherche soit en cours, les &eacute;l&eacute;ments d&eacute;gag&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment permettent d&rsquo;esquisser de premi&egrave;res directions. Un examen ult&eacute;rieur permettra d&rsquo;envisager leur prise en compte dans une &laquo;&nbsp;orientation &lsquo;&lsquo;appropriative&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo;, l&rsquo;appropriation &eacute;tant con&ccedil;ue comme une &laquo;&nbsp;exp&eacute;rience &eacute;minemment personnelle&nbsp;&raquo; (Castellotti, 2017&nbsp;: 49-51). Cette derni&egrave;re partie se propose donc pour l&rsquo;heure de relever les enjeux li&eacute;s au contexte d&rsquo;attrition linguistique, &agrave; la variation et &agrave; la prise en compte des d&eacute;sirs exprim&eacute;s &ndash; d&rsquo;apr&egrave;s les trois axes d&eacute;gag&eacute;s primairement par l&rsquo;analyse &ndash; en s&rsquo;appuyant en outre sur des travaux de recherche et sur deux entretiens avec des enseignantes.</p> <p>3.1. L&rsquo;attrition linguistique</p> <p>Malgr&eacute; les revendications de vitalit&eacute; du yiddish, la forte r&eacute;duction de la fr&eacute;quence et du spectre des usages de la langue est une r&eacute;alit&eacute; dans le domaine la&iuml;c. Donn&eacute; pour moribond depuis presque un si&egrave;cle et demi, le yiddish n&rsquo;est toutefois pas arriv&eacute; &agrave; sa derni&egrave;re heure, mais l&rsquo;enseignement/apprentissage se heurte &agrave; des difficult&eacute;s li&eacute;es &agrave; l&rsquo;attrition des sources, &agrave; la tension entre ensembles de normes et &agrave; la (re)constitution d&rsquo;une communaut&eacute; linguistique.</p> <p>L&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la litt&eacute;rature dans le texte est r&eacute;guli&egrave;rement cit&eacute; dans les entretiens et les questionnaires comme objet du d&eacute;sir de yiddish, tout comme l&rsquo;&eacute;rudition des enseignant&middot;e&middot;s est mise en avant. L&rsquo;un comme l&rsquo;autre impliquent que les textes soient accessibles. Les fonds constitu&eacute;s aux &Eacute;tats-Unis, comme les biblioth&egrave;ques en Isra&euml;l, en France ou en Lituanie permettent un acc&egrave;s, mais la question est plus d&eacute;licate pour les documents sonores et filmiques. Parmi les 150 films tourn&eacute;s en yiddish avant guerre, seul <em>Le Dibbouk</em> serait pass&eacute; &agrave; la post&eacute;rit&eacute;&nbsp;(Dobzynski, 1998&nbsp;:&nbsp;281‑282). Lorsque des copies ont pu &ecirc;tre conserv&eacute;es dans des conditions satisfaisantes, il faut encore assurer leur restauration, m&ecirc;me si le public est a priori plut&ocirc;t restreint<sup>3</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: Le centre Medem Arbeter Ring a par exemple financ&eacute; la restauration de <em>Mir kumen on</em> pour l&rsquo;&eacute;dition des &laquo;&nbsp;Tr&eacute;sors du cin&eacute;ma yiddish&nbsp;&raquo;, par Lobster &eacute;dition.]. D&rsquo;autre part, l&rsquo;analyse des entretiens et des questionnaires r&eacute;v&egrave;le la tension entre ces attentes, g&eacute;n&eacute;ralement sous-tendues par des repr&eacute;sentations c&eacute;l&eacute;brant la dimension &laquo;&nbsp;cultiv&eacute;e&nbsp;&raquo; du yiddish, et la r&eacute;alit&eacute; de la production culturelle contemporaine.</p> <p>Cela semble impliquer deux choses. La premi&egrave;re est que, comme &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, le recours &agrave; des documents authentiques, d&rsquo;un autre temps, plaide particuli&egrave;rement pour une approche interculturelle en classe, contextualisant les faits et valeurs d&eacute;peints. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, les quelques films<sup>4</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: Par exemple les r&eacute;cents documentaire <em>M </em>de Yolande Zauberman (2018) et films de fiction <em>Un tramway &agrave; J&eacute;rusalem</em> d&rsquo;Amos Gita&iuml; (2018) et <em>Menashe </em>de Joshua Z. Weinstein (2017).] tourn&eacute;s (partiellement) en yiddish ont souvent pour cadre les milieux ultra-orthodoxes et t&eacute;moignent de r&eacute;alit&eacute;s sociales bien sp&eacute;cifiques, qu&rsquo;il convient d&rsquo;expliciter et de contextualiser. IL n&#39;y a presque plus de th&eacute;&acirc;tre yiddish en Europe et les quelques com&eacute;dies musicales, s&eacute;ries ou chansons parodiques sur Internet, voire op&eacute;ra<sup>5</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: <em>Mamzer Bastard</em> a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; &agrave; Londres en 2018 par Na&rsquo;ama Zisser.], constituent un corpus encore marginal. La seconde tient &eacute;galement &agrave; une tension entre univers de normes. La cr&eacute;ation litt&eacute;raire en yiddish apr&egrave;s la guerre est tr&egrave;s modeste quantitativement et les communaut&eacute;s ultra-orthodoxes yiddishophones ne fournissent pas de cr&eacute;ation culturelle. C&rsquo;est que, comme le souligne Y.&nbsp;Niborski, la conception de la litt&eacute;rature en milieu la&iuml;c est antinomique de leurs conceptions&nbsp;: &laquo;&nbsp;la libert&eacute; d&rsquo;imaginer et de cr&eacute;er selon n&rsquo;importe quel canon n&rsquo;est pas concevable [dans ces communaut&eacute;s]&nbsp;&raquo;&nbsp;(1998&nbsp;: 61). En revanche, m&ecirc;me si l&rsquo;on peut observer des sp&eacute;cificit&eacute;s des vari&eacute;t&eacute;s ultra-orthodoxes&nbsp;(Assouline, 2018), la distance avec le yiddish standard n&rsquo;entrave pas la communication. C&rsquo;est dans la mesure o&ugrave; les relations diglossiques diff&egrave;rent que l&rsquo;on peut consid&eacute;rer qu&rsquo;il s&rsquo;agit de deux communaut&eacute;s linguistiques distinctes au sens labovien&nbsp;: la dialectique langue profane-langue sacr&eacute;e peut &ecirc;tre tr&egrave;s forte dans certains groupes hassidiques&nbsp;; elle est, de fait, absente du monde la&iuml;c. On peut formuler l&rsquo;hypoth&egrave;se que si le nombre de locuteurs/-trices &eacute;tait plus &eacute;lev&eacute;, ces tensions seraient aplanies par une polarisation moindre, ou en tout cas que le monde la&iuml;c disposerait de suffisamment de sources pour mettre ces tensions en perspective et les r&eacute;duire.</p> <p>Prolongeant la question de la communaut&eacute; linguistique, le dernier aspect concerne la possibilit&eacute; que constitue le groupe-classe &agrave; la fois de parler et de trouver des interlocuteurs/-trices. Les donn&eacute;es constitu&eacute;es montrent d&rsquo;une part que prendre la parole en yiddish peut faire entrer en jeu un certain nombre de blocages psycho-linguistiques. La classe, par l&rsquo;environnement formel, l&rsquo;usage du standard ou l&rsquo;accompagnement p&eacute;dagogique, peut contribuer &agrave; les surmonter. D&rsquo;autre part, avoir quelqu&rsquo;un avec/&agrave; qui parler yiddish est avanc&eacute; par certain&middot;e&middot;s comme une raison (parmi d&rsquo;autres) de leur participation &agrave; l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute;. Lorsque les parents ou les proches meurent, les locuteurs/-trices traditionnel&middot;le&middot;s n&rsquo;ont souvent plus de yiddishophones dans leur entourage &ndash; ce que n&rsquo;ont jamais eu bon nombre de n&eacute;o-locuteurs/-trices. Pour reprendre des termes de Jean-Marie Prieur, le rapport d&rsquo;identification manque &agrave; celui qui apprend et il faut veiller &agrave; ce que sa &laquo;&nbsp;solitude radicale sur le territoire de l&rsquo;Autre&nbsp;&raquo; soit la plus courte possible&nbsp;(2006&nbsp;: 293-294). Nombreux sont les t&eacute;moignages sur l&rsquo;ambiance et la bienveillance lors de l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; et bien qu&rsquo;Internet fournisse de nombreuses possibilit&eacute;s de rencontres virtuelles pour des tandems linguistiques, faire exister le groupe-classe rev&ecirc;t un enjeu particulier : il s&rsquo;agit aussi de faire soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>3.2. La variation</p> <p>En particulier en contexte d&rsquo;attrition, la classe de langue permet de sensibiliser &agrave; la variation. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, au-del&agrave; de pouvoir communiquer de mani&egrave;re appropri&eacute;e et dans un rapport conscient &agrave; la norme, est d&rsquo;aborder &eacute;galement des &eacute;l&eacute;ments relatifs &agrave; l&rsquo;histoire de la langue et &agrave; sa dimension diasporique. Trois enjeux semblent se d&eacute;gager&nbsp;: une sorte de loyaut&eacute; linguistique envers son &laquo;&nbsp;accent&nbsp;&raquo; propre, la sensibilisation &agrave; la vari&eacute;t&eacute; du lexique et le choix d&rsquo;une posture en tant qu&rsquo;enseignant&middot;e.</p> <p>En plus de pouvoir prendre la parole en classe, deux personnes mentionnent au cours des entretiens l&rsquo;importance de le faire dans leur &laquo;&nbsp;accent&nbsp;&raquo; (le terme &eacute;mique est ici repris, bien qu&rsquo;il s&rsquo;agisse v&eacute;ritablement d&rsquo;une variante et pas seulement de caract&eacute;ristiques prosodiques). On refuse ici &laquo;&nbsp;d&rsquo;avaler&nbsp;&raquo; l&rsquo;accent du yiddish de l&rsquo;institution, on veut l&agrave; &laquo;&nbsp;faire ressortir&nbsp;&raquo; le sien. Cette posture peut relever d&rsquo;un v&eacute;ritable militantisme pour le <em>poylish </em>et contre la standardisation de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;; une sensation de douleur physique est m&ecirc;me &eacute;voqu&eacute;e au cours d&#39;un entretien. Dans ses travaux, Michael Hornsby rel&egrave;ve &eacute;galement le &laquo;&nbsp;malaise&nbsp;&raquo; de semi-locuteurs/-trices du <em>poylish </em>face au yiddish standard&nbsp;(2016). Il appara&icirc;t ainsi que dans un contexte o&ugrave; l&rsquo;investissement affectif du yiddish &laquo;&nbsp;de la maison&nbsp;&raquo; est fort<sup>6</sup> [<span style="background-color:#f1c40f;">note de bas de page &agrave; ins&eacute;rer</span>: Sentiment renforc&eacute; par une conception du monde sans doute ashk&eacute;naze, qui veut que &laquo;&nbsp;la nostalgie n&rsquo;est plus ce qu&rsquo;elle &eacute;tait&nbsp;&raquo;, selon le bon mot de Freddy Rapha&euml;l (1987).], il importe de donner leur place aux variantes. Une enseignante indique que dans ses cours, elle signale &agrave; certain&middot;e&middot;s &laquo;&nbsp;leur&nbsp;&raquo; expression&nbsp;: ici &laquo;&nbsp;<em>a git yur</em>&nbsp;&raquo;, l&agrave; &laquo;&nbsp;<em>a gut yor</em>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Elle indique &eacute;galement qu&rsquo;apr&egrave;s-guerre, les survivant&middot;e&middot;s ont constitu&eacute; des familles &laquo;&nbsp;mixtes&nbsp;&raquo;, si bien que la langue des yiddishophones d&rsquo;aujourd&rsquo;hui peut pr&eacute;senter des emprunts de diverses vari&eacute;t&eacute;s. Par ailleurs, la litt&eacute;rature et certaines chansons&nbsp;(voir en particulier Szulmajster-Celnikier 1991) t&eacute;moignent &eacute;galement d&rsquo;une importante variation diatopique. Si sensibiliser &agrave; cette variation permet &eacute;galement d&rsquo;aborder les interventions sur la langue (au Birobidjan, comme par le YIVO ou par id&eacute;ologie personnelle &ndash; h&eacute;bra&iuml;sation <em>vs</em> germanisation, par exemple), il appara&icirc;t que le cours devrait &eacute;galement tenir compte de la variation diaphasique. En effet, il est tout aussi important qu&rsquo;une personne habitu&eacute;e au lexique slave/russe retrouve des points de rep&egrave;re en classe et qu&rsquo;elle rencontre &eacute;galement les formes plus courantes. En outre, des termes apparemment synonymes peuvent relever de registres diff&eacute;rents, voire connoter des charges axiologiques diff&eacute;rentes. Pour le signifi&eacute; &laquo;&nbsp;main&nbsp;&raquo;, le yiddish conna&icirc;t deux signifiants&nbsp;: הַאנט [hant], d&rsquo;origine germanique, est neutre&nbsp;; יד [jad], d&rsquo;origine h&eacute;bra&iuml;que, est p&eacute;joratif.</p> <p>Outre le d&eacute;veloppement de la conscience sociolinguistique des apprenant&middot;e&middot;s, un enjeu pour l&rsquo;enseignant&middot;e de langue minor&eacute;e semble &ecirc;tre la gestion de son propre militantisme. Il s&rsquo;agit &agrave; la fois d&rsquo;honorer son contrat avec l&rsquo;institution qui l&rsquo;embauche, donc de favoriser l&rsquo;acquisition de la langue standard (dans laquelle sont r&eacute;dig&eacute;s les trois manuels de yiddish) et de sensibiliser &agrave; la variation. En particulier lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un&middot;e enseignant&middot;e de langue maternelle, cela peut &eacute;ventuellement cr&eacute;er une sorte de dissonance cognitive, selon la &laquo;&nbsp;mission&nbsp;&raquo; que des circonstances familiales ont transmise ou que le cheminement personnel a d&eacute;velopp&eacute;e. &Agrave; nouveau, cela ne repr&eacute;sente un enjeu que parce que la communaut&eacute; est de taille modeste, voire tend vers une dimension m&eacute;talinguistique, auquel cas le discours sur la langue et le rapport &agrave; la norme gagnent en importance.</p> <p>3.3. La prise en compte des d&eacute;sirs singuliers</p> <p>Il convient enfin d&rsquo;&eacute;tudier les possibilit&eacute;s de prise en compte des d&eacute;sirs singuliers. Cette derni&egrave;re perspective sur la subjectivit&eacute; est sans doute celle dont les personnes elles-m&ecirc;mes sont le plus conscientes, mais peut-&ecirc;tre la plus d&eacute;licate &agrave; int&eacute;grer dans une d&eacute;marche de classe, collective. Cela peut impliquer de proposer certains formats de cours ou certaines s&eacute;quences, d&rsquo;adopter une attitude sp&eacute;cifique ou encore de tenter d&rsquo;&laquo;&nbsp;harmoniser&nbsp;&raquo; les subjectivit&eacute;s en pr&eacute;sence.</p> <p>En proposant des formats sp&eacute;cifiques de cours, il est possible de constituer un groupe-classe dont les d&eacute;sirs exprim&eacute;s se rejoindront. Ainsi les personnes int&eacute;ress&eacute;es en premier lieu par la chanson yiddish ou les artistes qui souhaitent interpr&eacute;ter ce r&eacute;pertoire trouveront dans un cours d&eacute;di&eacute; leurs attentes combl&eacute;es. Celui-ci pourra s&rsquo;affranchir de certaines contraintes (en particulier parce que les partitions comportent des paroles en yiddish translitt&eacute;r&eacute;, pour conserver le sens de lecture des notes) et proposer une progression grammaticale s&eacute;lective, qui sert la compr&eacute;hension imm&eacute;diate des chansons. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, un cours pour chercheur&middot;e&middot;s en histoire mobiliserait des documents et lexiques tout autres &ndash; et comporterait a priori peu d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves&hellip; Il ressort enfin des r&eacute;cits de vie qu&rsquo;une approche par la calligraphie pourrait r&eacute;pondre aux d&eacute;sirs de quelques personnes ou les entretenir.</p> <p>Pour emprunter &agrave; pr&eacute;sent une perspective psychanalytique et faire &eacute;cho au &laquo;&nbsp;moment psy de l&rsquo;ann&eacute;e&nbsp;&raquo; &eacute;voqu&eacute; par une enseignante, la question du sujet et de son d&eacute;sir dans la classe de yiddish pose celle de l&rsquo;inconscient. Dans l&rsquo;approche lacanienne, le &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo; est celui de l&rsquo;inconscient et selon Jos&eacute; Luis Atienza, en tenir compte, c&rsquo;est envisager la classe de langue comme un espace de transfert. C&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;il s&rsquo;y joue une situation d&rsquo;interaction qui fait &eacute;cho &agrave; une situation pass&eacute;e non r&eacute;solue, si bien que &laquo;&nbsp;ce que chacun demande ou attend de l&rsquo;autre n&rsquo;est point ce qui est explicitement formul&eacute; [&hellip;] mais qu&rsquo;on r&eacute;ponde aux questions qui depuis l&rsquo;origine de chacun sont en attente&nbsp;&raquo; &nbsp;(2003, p.&nbsp;310). Bien que la situation de transfert ne signifie pas que la seule langue compte (il s&rsquo;agit de <em>parole</em>), cette perspective corrobore notre approche par la complexit&eacute;. Sans pr&eacute;sumer de subjectivit&eacute;s particuli&egrave;res, le contexte d&eacute;molinguistique et la dimension dialogique du yiddish sont loin d&rsquo;&ecirc;tre anodins. De cette hypoth&egrave;se, J.&nbsp;L.&nbsp;Atienza formule des propositions quant &agrave; l&rsquo;attention &agrave; avoir pour l&rsquo;&eacute;mergence et l&rsquo;obturation du d&eacute;sir, quant &agrave; l&rsquo;importance du discours et de &laquo;&nbsp;la pr&eacute;sence [&hellip;] de la voix, du corps et de la parole&nbsp;&raquo; (op.cit., 327). De quoi ouvrir quelques voies pour la formation d&rsquo;enseignant&middot;e&middot;s.</p> <p>Pour finir, par la diversit&eacute; des &eacute;l&eacute;ments subjectifs soulev&eacute;s, ces premiers r&eacute;sultats de recherche montrent la tension entre la construction d&rsquo;une &eacute;nonciation singuli&egrave;re et la gestion du collectif d&rsquo;&ecirc;tres humains qu&rsquo;est la classe de langue. S&rsquo;il convient de penser la subjectivit&eacute;, il s&rsquo;agit &eacute;galement de permettre au groupe-classe de trouver sa dynamique entre locuteurs/-trices ayant des parcours d&rsquo;apprentissage, r&eacute;pertoires linguistiques et rapports &agrave; la m&eacute;moire singuliers. Dans le contexte de postvernacularisation du yiddish, l&rsquo;organisation d&rsquo;une universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; semble devoir tenir compte d&rsquo;attentes aussi vari&eacute;es que de baigner dans les sonorit&eacute;s de la langue, d&rsquo;en ma&icirc;triser la lecture et l&rsquo;&eacute;criture ou la grammaire, de comprendre la langue, de la parler, de s&rsquo;inscrire dans l&rsquo;ordre des g&eacute;n&eacute;rations, c&rsquo;est-&agrave;-dire de se constituer en maillon de la <em>goldene keyt</em>, la &laquo;&nbsp;cha&icirc;ne dor&eacute;e&nbsp;&raquo; des g&eacute;n&eacute;rations. Cela pose la question de la juste place des &eacute;l&eacute;ments subjectifs relatifs au d&eacute;sir de yiddish, dont les enseignant&middot;e&middot;s tiennent compte de mani&egrave;re tr&egrave;s diff&eacute;rente.</p> <p>Pour r&eacute;sumer, aborder la question du sujet dans la classe de langue n&rsquo;est pas antinomique d&rsquo;une dimension &laquo;&nbsp;utilitaire&nbsp;&raquo;, mais la d&eacute;passe. Le croisement d&rsquo;observations lors d&rsquo;une universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute;, d&rsquo;entretiens biographiques et de questionnaires permet de d&eacute;ployer la richesse du rapport subjectif aux langues et la construction d&rsquo;une &eacute;nonciation singuli&egrave;re appara&icirc;t comme s&rsquo;inscrivant bien au-del&agrave; de la question de l&rsquo;&laquo;&nbsp;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; que peut rev&ecirc;tir l&rsquo;apprentissage linguistique. Men&eacute;e dans le cadre de cours de yiddish, cette recherche sugg&egrave;re gr&acirc;ce &agrave; trois optiques sur le &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo; (apprenant, parlant et &laquo;&nbsp;d&eacute;sirant&nbsp;&raquo;) que le d&eacute;sir de langue peut &ecirc;tre tout &agrave; la fois difficile &agrave; cerner avec pr&eacute;cision ou &agrave; exprimer, &eacute;vident ou fortement ancr&eacute; dans le parcours de vie &ndash; que l&rsquo;on soit de culture juive ou non et quel que soit le type de locuteur/-trice. Les &laquo;&nbsp;pro-jets&nbsp;&raquo; (Castelotti 2017) personnels de (r&eacute;)appropriation diff&egrave;rent donc fortement. Ces &eacute;l&eacute;ments subjectifs permettent de d&eacute;gager quelques enjeux pour la classe de langue, qui, cette derni&egrave;re &eacute;tant &laquo;&nbsp;en danger&nbsp;&raquo;, conna&icirc;t des probl&eacute;matiques particuli&egrave;res.</p> <p>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</p> <p>ALVAREZ-PEREYRE, Frank, &laquo;&nbsp;Langues juives, musique juive et anthropologie du juda&iuml;sme&nbsp;&raquo;, <em>Bulletin du Centre de recherche fran&ccedil;ais &agrave; J&eacute;rusalem </em>n&deg;10, 2002, p. 39‑56.</p> <p>ALVAREZ-PEREYRE, Frank, &laquo;&nbsp;En de&ccedil;&agrave; et au-del&agrave; des &eacute;vidences&nbsp;: quelle anthropologie du juda&iuml;sme ?&nbsp;&raquo; dans Florence Heymann, Danielle Storper-Perez&nbsp;(dir.), <em>Le corps du texte&nbsp;: pour une anthropologie des textes de la tradition juive</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions (coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Cahiers du Centre de recherche fran&ccedil;ais de J&eacute;rusalem&nbsp;&raquo;), 1997, p.&nbsp;29‑50.</p> <p>ASSOULINE, Dalit, &laquo;&nbsp;Introduction: American Hasidic Yiddish&nbsp;&raquo;, <em>Journal of Jewish Languages</em>, vol.&nbsp;6, 2018, p. 1‑3.</p> <p>ASTRO, Alan, &laquo;&nbsp;Le yiddish en France&nbsp;&raquo;, dans Georg Kremnitz (dir.), <em>Histoire sociale des langues de France</em>, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013, p.&nbsp;547‑557.</p> <p>ATIENZA, Jos&eacute; Luis, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;inconscient dans l&rsquo;appropriation des langues &eacute;trang&egrave;res&nbsp;&raquo;, <em>Ela. &Eacute;tudes de linguistique appliqu&eacute;e</em> 131, n&deg;3, 2003, p. 305‑328.</p> <p>AVINERI, Netta Rose, <em>Heritage Language Socialization Practices in Secular Yiddish Educational Contexts: The Creation of a Metalinguistic Community</em>, Los Angeles, UCLA, 2012.</p> <p>BALANDIER, Georges, <em>Anthropo-logiques</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1974.</p> <p>BAUER Julien, <em>Les Juifs Ashk&eacute;nazes</em>, Paris, Presses Universitaires de France (coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Que sais-je?&nbsp;&raquo;), 2001.</p> <p>BAUMGARTEN, Jean, <em>Le Yiddish, Histoire d&rsquo;une langue errante</em>, Paris, Albin Michel (coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;pr&eacute;sences du juda&iuml;sme&nbsp;&raquo;), 2002.</p> <p>BECHTEL, Delphine, &laquo;&nbsp;Le yidich alsacien&nbsp;: Entre la tradition du yidich occidental et l&rsquo;influence de l&rsquo;alsacien&nbsp;&raquo; dans Astrid Starck-Adler&nbsp;(dir.), <em>Le yidich en Alsace. 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