<p>Article</p>
<h1 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt">Introduction</span></h1>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Alors queSi le masque de la comédie et de la tragédie convoque des identités aux contours relativement stables dans la tradition théâtrale classique, composant une unité, (Ubersfeld, [1977<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc" style="font-size:57%"><sup>1</sup></a>] 1996 : 150), la création contemporaine repose au contraire sur le brouillage de ces identités et sur la construction scénique de « figures » multiples (Ryngaert, 2014 : 111) : acrobates qui se dédoublent, pantins désarticulés, créatures sous-marines aux ondulations presque vivantes, etc. Une grande variété de pratiques émerge de l’utilisation du genre théâtral en didactique du français langue étrangère<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc" style="font-size:57%"><sup>2</sup></a>(Rollinat-Levasseur, 2015 : 248), ainsi qu’une pluralité de répertoires (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 258), or, les textes dramatiques contemporains occupent une place encore assez marginale malgré leur intérêt au niveau de la langue (Ryngaert, 2013 : 236), dans l’usage de l’implicite par exemple ou dans la pluralité des situations d’énonciation (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.). </em></span><span style="font-size:medium">Exploiter la littérature en didactique du FLE implique une conception questionnant les approches utilitaristes de la langue, puisqu’elle permet de dépasser la perspective communicative dominante pour proposer des démarches interprétatives (Godard, 2015 : 90), impliquant la rencontre entre la subjectivité d’un auteur et la subjectivité du lecteur, et envisageant l’individu autrement que dans sa dimension sociale<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc" style="font-size:57%"><sup>3</sup></a> (Anderson, 1999 : 239). Dans la mesure où apprendre une langue étrangère suppose « la mobilisation d’investissements du sujet qui modifieront son rapport au monde » (Anderson, 1999 : 256), l’œuvre peut ainsi être considérée comme une expérience de l’autre et du langage, impliquant une transformation de soi comme de l’autre (Castellotti, 2015 : 42), Dans l’expérience de l’œuvre, le rapport à l’altérité est central, Quelles formes prend cette altérité, en particulier au théâtre, où le jeu convoque la figure de l’autre, à la fois dans l’incarnation d’un personnage mais également comme partenaire de jeu ? Quelle place occupe le théâtre contemporain dans cette approche, dans la mesure où l’écriture dramatique contemporaine tend à questionner les conventions du personnage ? Enfin, comment les zones d’ombre du personnage contemporain (Ryngaert, 2007 : 110) peuvent-elles rencontrer la subjectivité du lecteur et participer à la construction et à la transformation de son identité en langue étrangère ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Depuis peu considérée comme un objet d’études dans le système scolaire français, participant à l’éducation à l’image, (Rollinat-Levasseur, 2017), la représentation théâtrale n’est que rarement exploitée en didactique du français langue étrangère, la représentation théâtrale contemporaine .n’est que rarement exploitée en didactique du FLE, malgré quelques supports récents d’exploitation<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc" style="font-size:57%"><sup>4</sup></a>, Or, cette approche du théâtre convoque plusieurs dimensions subjectives telles que l’imaginaire, le rapport à soi et à l’autre, les représentations, la sensibilité et les perceptions, la mémoire, et l’expérience vécue ou l’expérience antérieure du lecteur/spectateur. Ce sont ces dimensions subjectives liées à la représentation que nous aimerions questionner, nous demandant quel(s) rapport(s) à l’autre et à soi peu(ven)t émerger de la confrontation aux langages de la représentation (langage du corps, des gestes, des mots, des objets, du décor, des costumes)? Comment le « texte scénique » que constitue la représentation, </span><span style="font-size:medium">c’est-à-dire</span><span style="font-size:medium">, un agencement d’éléments scéniques à la fois fixes et changeants (Benhamou, 1988 : 20) et qui implique une interprétation, peut-il rencontrer la subjectivité de l’apprenant ? Sur quelles démarches s’appuyer pour faire émerger ce rapport à l’altérité dans l’interprétation ? Quelles transformations seront à l’œuvre, dans le rapport à soi et à ses langues ? Il nous faudra également revenir sur les conceptions de l’apprentissage et de l’enseignement qu’impliquent des démarches d’expérience de l’œuvre dramatique. Or, la création théâtrale contemporaine s’appuie sur différents types d’écritures, qui ne viennent plus exclusivement du texte dramatique, mais convoquent d’autres langages scéniques comme le cirque ou la danse, ou encore, exploitent l’écriture romanesque sur scène (Ryngaert, 2007). Nous nous demanderons par conséquent quels usages de la langue peuvent être déclenchés par la représentation contemporaine dans l’apprentissage du français langue étrangère, dans la mesure où le théâtre contemporain réclame une coopération accrue du spectateur pour lui donner un sens (Ubersfeld, 1996 ; Rancière, 2008). Notre question dans ce travail est construite autour du rapport entre la construction subjective de l’apprenant qui apprend une langue nouvelle et doit, par conséquent, penser autrement son rapport à la langue et à lui-même (Vadot, 2012), et la confrontation à une œuvre qui tend à déconstruire le rapport traditionnel à la scène : comment s’articule l’expérience d’une œuvre dramatique et la production langagière ? Quelles nouvelles dimensions peut porter cette production ? Quelles conceptions de la langue porte une telle démarche et par quel dispositif faire émerger la communication ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Les dispositifs démarches<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc" style="font-size:57%"><sup>5</sup></a> du type école du spectateur<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc" style="font-size:57%"><sup>6</sup></a> (Loriol & Lallias, 2009), en permettant une approche plus sensible que scolaire duau théâtre, et en sensibilisant à la richesse favorisant la fréquentation de la création contemporaine, envisagent le genre théâtral comme une « pratique » créative, se rapprochant de ce fait de la conception récente de l’approche de la littérature par les ateliers d’écriture créative (Houdart-Mérot, 2018 ). Ces démarches, en valorisant l’interprétation subjective de l’œuvre et en prenant en compte toute sa polysémie dans l’acte de lecture et de pratique, rencontrent les perspectives actionnelles qui « conçoivent l’apprenant comme un acteur et l’apprentissage comme une action » (Rollinat-Levasseur, 2015 : 220). Mais, qu’entendre par acteur et action, en particulier dans la perspective théâtrale qui est la nôtre ? Qu’entendons-nous également par « pratique » de la représentation ? Quelle est la place du corps dans une démarche prenant en compte la théâtralité sous toutes ces formes, </span><span style="font-size:medium">c’est-à-dire</span><span style="font-size:medium">, les langages propres au théâtre? Enfin, quels rôles jouent les nouvelles écritures contemporaines dans le rapport à soi et à l’autre ? permettent une exploitation de la représentation adaptée à des publics variés et pour des objectifs pluriels. Si l’apprenant est considéré par le CECRL comme un acteur dans une situation de communication authentique, il s’avère que la dimension subjective de la construction de la parole est peu prise en compte dans les discours officiels en didactique des langues. Nous proposons au contraire un dispositif plaçant au premier plan la dimension de l’affectivité et de la construction subjective de la parole (Vadot, 2012) dans le dialogue qui se déclenche entre un spectateur et une œuvre dramatique. Si le théâtre peut être considéré en tant que lieu où se joue la transmission de la langue-culture et le lieu d’un nouveau rapport à l’apprentissage de la langue (Rollinat-Levasseur, 2015 : 248), qu’en est-il des rapports à la langue que peut tisser l’apprenant confronté au théâtre contemporain ? Nous postulons que c’est dans la confrontation avec les nouvelles écritures de la scène contemporaine et l’identification aux nouvelles « figures » scéniques, dépassant les cadres traditionnels du concept de personnage, que l’apprenant peut construire un autre rapport à lui même et aux langages.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Nous présenterons La question de l’exploitation de la représentation contemporaine en langue nous conduit dans un premier temps à évoquer l’idée de l’expérience de la représentation contemporaine dans ses dimensions subjectives, mais également comme « rencontre altéritaire », porteuse de processus de transformations dans l’acte d’interprétation. Nous abordons ensuite la démarche de l’école du spectateur considérée comme une « pratique » de la théâtralité regroupant tout ce qui fait la spécificité du théâtre et centrée sur l’acte d’interprétation de l’œuvre, nous demandant ainsi comment construire « des situations pédagogiques propres à accueillir l’élève dans sa singularité » (Coïaniz, 2001 : 253), enfin, et à travers deux pièces du répertoire contemporain : </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium"> de Mathurin Bolze et </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt mille lieues sous les mers</em></span><span style="font-size:medium"> de Christian Hecq et Valérie Lesort, nous analysons comment les apprenants construisent leur subjectivité dans la confrontation aux nouvelles écritures contemporaines, en particulier dans la confrontation aux personnages et à leur(s) identité(s) scéniques, mais également dans le jeu considéré dans notre démarche comme une « réécriture du texte scénique ». dans un premier temps dans quelle mesure la représentation contemporaine permet de dépasser une étude textuelle et patrimoniale de l’œuvre dramatique (Rollinat-Levasseur, 2017) et comment s’articulent construction du sujet et expérience de l’œuvre. La démarche d’école du spectateur retenue sera ensuite présentée, avec ses objectifs, adaptés à la classe de langue. La place de l’enseignant au cours de ce type de démarche sera également discutée ainsi que notre point de vue en tant que chercheure. Enfin, nous analyserons à travers deux ateliers d’école du spectateur de quelle manière le théâtre et sa représentation ainsi que les pratiques théâtrales associées peuvent constituer un espace de déconstruction et reconstruction à la fois langagier et identitaire pour l’apprenant, articulant expériences de vie et nouvelles écritures de la scène.</span></span></span></p>
<h1 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14140_4232717676"></a>1. La représentation théâtrale dans la construction du sujet en langue étrangère</span></h1>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14142_4232717676"></a>1.1. La représentation contemporaine en didactique des languesL’expérience de la représentation contemporaine et son interprétation</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">L’enseignement institutionnel en didactique des langues accorde peu de place au théâtre, à l’exception des manuels </span><span style="font-size:medium"><em>Saisons </em></span><span style="font-size:medium">(Didier, 2015) qui ciblent le travail de l’improvisation et des jeux de langue dans des ateliers créatifs. Or En classe de langue, l’élève s’inscrit souvent dans une « relation où l’altérité s’absente », relation qui est « privée ainsi de désir et de socialité » (Coïaniz, 2001 : 49). Or, la langue peut être vécue comme un « lieu d’interprétation » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 79) et l’œuvre d’art ou l’œuvre littéraire peut consister un support d’expérience de l’altérité en constituant un mode d’accès au monde (Godard, 2015 : 6), et en impliquant un processus de transformation dans son interprétation. Mais de quelle interprétation parle-t-on et à travers quelle démarche ? Cela pose la question du statut de la littérature dans l’enseignement, voire de la culture ainsi que du sujet., le CECRL, en adoptant la perspective actionnelle qui incite à envisager l’apprenant comme un acteur social, assigne à la littérature une « place ambiguë » (Woerly, 2015 : 133). En effet, :bien que considérée comme un apport essentiel dans l’utilisation esthétique ou poétique de la langue ainsi que comme une « contribution majeure au patrimoine culturel européen » (CECRL, 2001 : 47), la littérature « fait figure de parent pauvre » (Woerly, 2015 : 133). Le texte littéraire implique pourtant des perspectives pédagogiques nouvelles puisque c’est l’utilisation subjective et créatrice du langage qui est mise en avant (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid. </em></span><span style="font-size:medium">: </span><span style="font-size:medium">134). Le théâtre peut dès lors être considéré comme une littérature « en acte » (Rollinat-Levasseur, 2015 : 220) puisque le texte devient une « parole incarnée » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium">: 221) par le jeu de l’interprétation de l’acteur : nous postulons que cette incarnation de la parole rend l’expérience de la théâtralité spécifique et implique un nouveau regard sur la langue pour le lecteur/spectateur de langue étrangère. Pourtant, la pratique théâtrale dans l’apprentissage d’une langue étrangère apparaît dès la fin du XVIe siècle chez les jésuites (Rollinat-Levasseur, 2015 : 247), dans la mesure où cette démarche « permet d’apprendre ensemble par le jeu, en rompant avec les traditions de l’enseignement magistral » (Ibid.). Interpréter des textes dramatiques dans l’apprentissage d’une langue étrangère permet en outre une approche active de la langue et des situations de communication car le théâtre « donne à voir les lois de la conversation tout en rendant sensibles les dimensions non linguistiques de l’échange verbal » (Ibid.). </span><span style="font-size:medium">Cependant, si les pratiques théâtrales ont déjà été envisagées à plusieurs reprises en didactique du français langue étrangère à travers la mise en voix ou en espace de textes (Ibid. : 248) ou à travers la pratique de l’improvisation (Pierra, 2006, Aden, 2009b), le travail de la langue à partir de la représentation théâtrale reste à la marge (Rollinat-Levasseur, 2017).</span><span style="font-size:medium"> Dépassant pourtant l’analyse exclusive de la dimension textuelle et patrimoniale du théâtre, très présente dans la culture éducative française (Aden, 2015), et favorisant l’analyse de l’image (Rollinat-Levasseur, 2017), la représentation dramatique permet d’envisager les multiples langages de la scène, en particulier dans le cadre de la représentation contemporaine, et permet en outre une prise en compte de la construction du sujet à travers les émotions déclenchées par la représentation.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">L’interprétation qu’un lecteur fait d’un texte place l’expérience de la littérature dans le paradigme des sensations, des perceptions et de l’imaginaire, et permet aux apprenants « d’échanger entre eux sur leur lecture, d’élaborer ensemble une interprétation de l’œuvre, de partager leurs émotions et leurs sensations à la lecture » (Rollinat-Levasseur, 2015 : 221). La représentation théâtrale contemporaine en tant que texte scénique peut se prêter également aux jeux de l’interprétation, sa polysémie vient de la tension entre l’intention de l’auteur ou de l’artiste et la réception du lecteur ou du spectateur, d’autant plus dans le texte contemporain qui se méfie des intentions et ne se livre pas facilement, d’où un malentendu parfois durable entre ceux qui écrivent et ceux qui assistent aux pièces (Ryngaert, 2007 : 5). Comment favoriser l’interprétation des apprenants, évitant une démarche analytique sur la représentation ? Quelle est la place de la description par exemple, et la place du corps et du jeu dans l’interprétation puisque nous sommes au théâtre ? Comment passer du spectateur passif, séduit par les images, à une forme d’émancipation (Rancière, 2008) ? Si l’approche proposée tente d’offrir à l’apprenant « un accès par lequel ce dernier puisse s’inscrire comme sujet parlant et investir affectivement les mots de la langue nouvelle » (Vadot, 2012 : 261), quelle sera alors la place du collectif dans l’interprétation? Le théâtre contemporain, envisageant de nouvelles façons de raconter, notamment sous des formes de partage des voix qui « s’écartent toujours du strict échange dialogué »(Ryngaert, 2012 : 10) et interrogeant de multiples façons le statut du personnage sur scène et sa représentation (Sermon, 2012), remet en cause nos habitudes de spectateurs à travers un « travail d’opacification des signes » (Ubersfeld, [1977] 1996 : 248). Nous postulons que c’est dans ce rapport à la théâtralité contemporaine que réside la possibilité pour l’apprenant de se considérer comme un acteur non plus exclusivement destiné à « accomplir des tâches » dans une situation spécifique (CECRL, 2001 : 15), mais à interroger de multiples façons son rapport à la langue et son rapport à l’autre. La richesse herméneutique de la représentation contemporaine est induite par les émotions qui découlent du plaisir de la représentation et des différentes formes d’ identification, émotions qui ne viennent pas seulement de la poésie des mots et de leur pouvoir évocateur, mais de la poésie de l’image et du son, de la polysémie du jeu des corps dans l’espace, dans l’imaginaire des nouvelles formes de représentation, à travers les marionnettes par exemple. Cette richesse peut entrer en résonance avec notre vécu, notre sensibilité, nos craintes ou nos joies, et peut constituer un support de projection vers nos désirs, notamment le « désir de parole en langue étrangère » (Pierra, 200- : 15), en particulier dans le jeu.</span></span></span></p>
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<p style="text-align:left"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Times New Roman,serif">Contrairement à une conception de l’apprentissage qui favorise une standardisation de la langue, ce type de pratique pédagogique comporte une part d’inconnu et se laisse difficilement maîtriser dans des grilles de compétences : dans la mesure où elle s’appuie sur l’expérience individuelle, les émotions, l’expérience du monde et l’histoire de chacun, ainsi que sur sa créativité :</span></span></p>
<blockquote><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium">« L’expérience herméneutique, en effet, ça ne se commande pas : en premier lieu, l’enseignant ne sait pas s’il ressortira quelque chose de la fréquentation de l’œuvre qu’il propose. En second lieu, s’il en ressort quelque chose, il est impossible d’anticiper sur ce qui en ressortira » (Huver & Lorilleux, 2018 : 11).</span></span></blockquote>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Le théâtre contemporain, envisageant de nouvelles façons de raconter (Ryngaert, 2012 : 9) et interrogeant de multiples façons la figure du personnage sur scène (Sermon, 2012), remet en cause nos habitudes de spectateurs à travers un « travail d’opacification des signes » (Ubersfeld, 1996 : 248). Par ailleurs, certains spectacles de la scène contemporaine ne donnent pas lieu à des textes imprimés, c’est le cas par exemple du Théâtre du Soleil qui construit ses créations à partir d’une trame puis d’improvisations, ou encore convoquent plusieurs arts du spectacle, notamment la danse et le cirque (Ryngaert, 2007 : 53), et abordent donc un langage non verbal dans la représentation. C’est en outre dans les modifications du statut du dialogue et de ses règles que le théâtre contemporain a été le plus novateur, la parole entretient donc « un rapport à la situation et à l'action de moins en moins nécessaire et codifié » (Ibid. : 104). Nous postulons par conséquent que c’est dans ce rapport au langage en perpétuelle déconstruction et reconstruction que réside la possibilité pour l’apprenant de se considérer comme un acteur non plus exclusivement destiné à « accomplir des tâches » dans une situation spécifique (CECRL, 2001 : 15), mais à interroger de multiples façons son rapport à la langue.</span></span></span></p>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14144_4232717676"></a>1.2. L’expérience de l’œuvre dramatique dans la construction du sujetLe rapport à l’autre dans la théâtralité</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Quels rapports à l’autre implique l’expérience de la représentation contemporaine ? « Interprétation » au théâtre signifie également que le comédien joue un personnage pour le rendre présent sur scène. Or, la notion de personnage dans le théâtre contemporain est questionnée en déjouant ses présupposés (Ryngaert, 2014: 111), les « figures » que la représentation contemporaine met en jeu (acrobates à l’identité floue, marionnettes, etc.) sont moins liées à des référents du monde que « liées à un univers d’écriture » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 112) : le rapport à l’autre pour le spectateur et les procédés d’identification se complexifient. Le personnage est à la fois « sujet du discours et objet du discours » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium">. : 118) et c’est aussi dans la parole du spectateur qu’il existe. C’est dans les rapports à l’identification aux personnages ou « figures » dans la nouvelle langue que se situe notre point d’intérêt, non pas pour savoir à qui l’apprenant aimerait ressembler en « s’énonçant dans cette langue » (Vadot, 2012 : 262), mais plutôt de quelle(s) manière(s) il se projette dans le personnage et comment cette projection s’inscrit dans son langage. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Ce type de démarche serait proche d’une conception « poïétique » de la langue (Huver & Lorilleux, 2018) qui propose de dépasser une vision « dépolitisée » et « technicisée » de la créativité en langue (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 5) pour l’insérer dans un champ plus expérientiel, inscrivant les langages et langue comme « expériences du monde » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid. </em></span><span style="font-size:medium"> : 6). L’interprétation d’une </span><span style="font-size:medium">œuvre</span><span style="font-size:medium"> peut participer de ce chemin, offrant la possibilité d’une « véritable rencontre altéritaire » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 9) dans l’idée que, dans l’apprentissage de la langue, « s’opère une appropriation de sens qui , d’étrangers, adviennent en propre à celui qui apprend ; à celui qui, dans son effort d’apprentissage, se (trans-)forme » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium">). En questionnant la notion de personnage, en envisageant d’autres manières de le représenter, en ouvrant les interprétations du texte scénique, la scène contemporaine offre une rencontre avec l’altérité basée sur le sensible et l’imaginaire, où la langue devient le lieu de l’exploration de cette rencontre. Dans la mesure où le théâtre peut « offrir un espace de médiation entre l’identité et l’altérité aux apprenants » (Rollinat-Levasseur, 2013 : 31), nous proposons une démarche d’accompagnement au spectacle, une « école du spectateur » (Loriol & Lallias, 2009) dans une double perspective : une réception collective de l’œuvre sous forme d’ « analyse chorale », et, dans un second temps, une réécriture du texte scénique dans la pratique du jeu dramatique. Ces deux temps de l’expérience de l’œuvrel’oeuvre peuvent engager une interprétation à plusieurs niveaux : dans le discours qui décrit et compare et cherche à donner un sens, puis, dans l’interprétation créative du corps et de l’imaginaire, impliquant une forme d’appropriation du personnage par l’apprenant. L’école du spectateur que nous proposons en langue étrangère cherche à favoriser une exploration des langages de la théâtralité en activant les différents réseaux du texte scénique et en mobilisant le « re-travail » de l’</span><span style="font-size:medium">œuvre (Martin, 2005), re-travail qui implique, dans notre démarche, les dimensions théâtrales du corps et de l’espace : qu’apportent ces dimensions dans le rapport à la langue de l’apprenant ? Comment seront-elles envisagées par les apprenants ? </span><span style="font-size:medium">Nous utilisons l’appellation « école du spectateur » pour notre démarche pédagogique en didactique des langues, tout en écartant une approche trop académique de la représentation théâtrale centrée sur une approche textuelle et patrimoniale, que le terme « école » pourrait induire. Nous souhaitons au contraire privilégier les dimensions esthétiques, imaginaires et créatives du théâtre à travers ce qui conviendrait plutôt d’appeler « atelier du spectateur », en plaçant au cœur de notre dispositif </span><span style="font-size:medium">réception et pratique</span><span style="font-size:medium"> artistique (Dulibine & Grosjean, 2013). Le jeu dramatique tel que nous le concevons permet de retravailler le texte scénique en l’expérimentant dans son propre corps et dans son propre langage, le théâtre devenant alors une forme de connaissance sensible et corporelle sur le monde et les autres (Aden, 2015 : 436). Il ne s’agit pas uniquement d’explorer la rencontre altéritaire dans le travail de réception mais de rejouer cette rencontre, de la transformer, dans son propre corps, le rejeu créatif permettant une forme de « transfert » laissant des traces s’inscrivant dans le corps de chacun (Lecoq, [1997] 2016 : 69). Nous postulons une rencontre du sujet avec lui-même et avec l’altérité au cours de ce re-travail esthétique du texte scénique dans le jeu :</span></span></span></p>
<blockquote><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium">« C’est dans des mouvements pluriels de langues, de langages et de cultures, par une subjectivation positive des pratiques linguistiques obtenue grâce à la création scénique langagière de nature esthétique et par ses relations à d’autres, que le sujet se verra reconnu dans son corps et dans son identité mouvante » (Pierra, 2006 : 19).</span></span></blockquote>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Quelle sera alors la place de l’enseignant dans ce type de démarche, partant du principe qu’il n’est pas spécialiste de dramaturgie et que ses apprenants n’ont pas vocation à l’être ? Quelle conception de l’enseignement et du rapport à l’œuvre est impliquée par cette approche ? Quelles formes de langages apparaîtront de cette rencontre avec l’œuvre dramatique contemporaine ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Si la subjectivité est considérée comme ce qui appartient en propre au sujet, comme la façon singulière dont il prend en compte le réel, force est de constater que la didactique des langues s’est intéressée à l’apprenant en tant qu’être en situation d’apprentissage et non pas en ce qui concerne sa part affective (Vadot, 2012). Or, si la langue constitue l’acte par lequel se constitue le sujet, la classe de langue devrait fournir à l’apprenant « des moyens de se positionner dans cette nouvelle langue » (Ibid.) et de faire advenir « une parole singulière, authentique et signifiante » (Ibid.). L’œuvre littéraire et en particulier la représentation dramatique contemporaine, dans la mesure où c’est au spectateur que revient la tâche de donner du sens (Rancière, 2008), peut constituer une médiation pour aborder la dimension « poïétique » du langage (Huver & Lorilleux, 2018), c’est-à-dire une conception dépassant la seule implication utilitaire de la langue comme moyen de communication en l’envisageant plutôt comme « le mode par lequel nous pensons le monde » (Ibid.). Dans cette perspective, l’œuvre d’art est considérée comme un « chemin » permettant une « véritable rencontre altéritaire » (Ibid.). C’est cette rencontre altéritaire que nous aimerions interroger, notamment dans le rapport des apprenants aux personnages sur scène ainsi qu’aux différents langages qui sont déployés.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Comment favoriser la rencontre entre une œuvre aussi complexe que la représentation dramatique contemporaine et l’apprenant de langue étrangère ? </span><span style="font-size:medium">Comment déclencher la communication et les interactions d’une part, objectif principal en classe de langue, mais également inciter l’apprenant à aborder la dimension esthétique et imaginaire ou « poïétique » des langues d’autre part, à travers la médiation de l’œuvre ? Quelles seront les modalités de la construction subjective, dans la mesure où le théâtre peut « offrir un espace de médiation entre l’identité et l’altérité aux apprenants » (Rollinat-Levasseur, 2013 : 31) ?Quelle est la place de l’enseignant de langue dans ce dispositif, puisqu’il n’est pas spécialiste de dramaturgie et puisque l’objectif de la classe de langue ne vise pas les compétences en analyse dramaturgique des apprenants ?</span><span style="font-size:medium"> Nous proposons pour répondre à ces interrogations un dispositif de type « école<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc" style="font-size:57%"><sup>7</sup></a> du spectateur du spectateur<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc" style="font-size:57%"><sup>8</sup></a> » dont l’objectif est de permettre aux jeunes de tous les âges « de partager leur expérience de spectateur par l’échange collectif, et de mettre un spectacle en résonance avec de multiples centres d’intérêts et des références partagées » (Loriol & Lallias, 2009). Cette démarche<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc" style="font-size:57%"><sup>9</sup></a> adaptée à la didactique du français langue étrangère en articulant objectifs linguistiques et dramaturgiques, incite l’apprenant à parler de son expérience de spectateur, et, par conséquent, à se positionner en cherchant à co-construire le ou plutôt les sens de l’œuvre dramatique (Ubersfeld, 1996 : 255) dans une langue nouvelle. Une nouvelle forme d’action est déclenchée, qui n’est plus exclusivement fondée sur des situations de communication mais qui commence par le regard sur la représentation (Rancière, 2008), et la construction d’une interprétation collective, avant d’aborder l’acte de jouer. Il ne s’agit pas dans notre travail de considérer les dimensions patrimoniales de la représentation, mais plutôt de l’aborder à travers la subjectivité du spectateur dans un premier temps, puis, à travers les pratiques théâtrales dans un second temps, incitant une exploration incarnée des langues (Aden, 2014) ainsi queCette démarche<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc" style="font-size:57%"><sup>10</sup></a> adaptée à la didactique du français langue étrangère en articulant objectifs linguistiques et dramaturgiques, incite l’apprenant à parler de son expérience de spectateur, et, par conséquent, à se positionner en cherchant à co-construire le ou plutôt les sens de l’œuvre dramatique (Ubersfeld, 1996 : 255) dans une langue nouvelle. Une nouvelle forme d’action est déclenchée, qui n’est plus exclusivement fondée sur des situations de communication mais qui commence par le regard sur la représentation (Rancière, 2008), et la construction d’une interprétation collective, avant d’aborder l’acte de jouer. Il ne s’agit pas dans notre travail de considérer les dimensions patrimoniales de la représentation, mais plutôt de l’aborder à travers la subjectivité du spectateur dans un premier temps, puis, à travers les pratiques théâtrales dans un second temps, incitant une exploration incarnée des langues (Aden, 2014) ainsi que la construction du sujet en langue étrangère (Pierra, 2006) :</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small">« C’est dans des mouvements pluriels de langues, de langages et de cultures, par une subjectivation positive des pratiques linguistiques obtenue grâce à la création scénique langagière de nature esthétique et par ses relations à d’autres, que le sujet se verra reconnu dans son corps et dans son identité mouvante » (Pierra, 2006 : 19).<span style="font-size:medium">la construction du sujet en langue étrangère (Pierra, 2006) :</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small">« C’est dans des mouvements pluriels de langues, de langages et de cultures, par une subjectivation positive des pratiques linguistiques obtenue grâce à la création scénique langagière de nature esthétique et par ses relations à d’autres, que le sujet se verra reconnu dans son corps et dans son identité mouvante » (Pierra, 2006 : 19).</span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Si notre pratique théâtrale n’est pas conçue à partir de mise en voix de textes dramatiques (Ibid.), mais plutôt de re-jeu et de variations à partir du texte scénique, l’objectif de la mise en relation d’un sujet avec une œuvre dans une langue étrangère reste identique. Contrairement à une conception de l’apprentissage qui favorise une standardisation de la langue, ce type de pratique pédagogique comporte une part d’inconnu et se laisse difficilement maîtriser dans des grilles de compétences : dans la mesure où elle s’appuie sur l’expérience individuelle, les émotions, l’expérience du monde et l’histoire de chacun, ainsi que sur sa créativité :</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small">« L’expérience herméneutique, en effet, ça ne se commande pas : en premier lieu, l’enseignant ne sait pas s’il ressortira quelque chose de la fréquentation de l’œuvre qu’il propose. En second lieu, s’il en ressort quelque chose, il est impossible d’anticiper sur ce qui en ressortira » (Huver & Lorilleux, 2017).</span></span></p>
<h1 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14146_4232717676"></a>2. Données de terrain et méthodologie</span></h1>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14148_4232717676"></a>2.1. Objectifs et déroulement des ateliers</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Quatre ateliers d’école du spectateur ont été proposés à un groupe de quatorze apprenants de l’université de Cergy-Pontoise de niveau A2/B1 pendant l’année universitaire 2016-2017. Ces apprenants suivaient un diplôme universitaire de français intensif au centre de langue française (CLF) de cette université avec comme objectif l’obtention du niveau B2. Ces ateliers s’intégraient aux cours de français général et à objectifs universitaires en proposant d’articuler aux compétences linguistiques et interculturelles une exploration des dimensions poétiques de la langue à travers les différents types de langages scéniques, propres à la dramaturgie des spectacles. A chaque atelier d’école du spectateur correspondent des objectifs spécifiques liés à la dramaturgie des spectaclescette dramaturgie, dramaturgie considérée comme « ce qui anime, proprement, la scène théâtrale, qu’elle procède d’un texte dramatique ou pas » (Danan, 2010 : 67). Dans le cadre de notre réflexion sur le sujet en langue et ses rapports à l’autre, nous avons souhaité privilégier deux représentations dans la mesure où ces créations ont provoqué une expérience de la relation aux personnages et à soi. Il s’agit du spectacle </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium"> de Mathurin Bolze, mêlant les langages du cirque et du théâtre, représenté le mercredi 1e mars 2017 à La Sscène Nnationale de Cergy<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc" style="font-size:57%"><sup>11</sup></a>, et de </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt Mille Lieues sous les mers </em></span><span style="font-size:medium">de Christian Hecq et Valérie Lesort, spectacle de marionnettes créé à partir du roman de Jules Verne, représenté le mardi 31 janvier 2017 à la Comédie Française. Les spectacles ont été choisis en fonction de leur intérêt dramaturgique : hybridité des différents langages scéniques pour </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium"> à mi-chemin entre théâtre et acrobatie</span><span style="font-size:medium"><em>, </em></span><span style="font-size:medium">et</span><span style="font-size:medium"><em> </em></span><span style="font-size:medium">« dramaturgie marionnettique » dans le cas de </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt Mille Lieues sous les mers</em></span><span style="font-size:medium"> (Sermon, 2012 : 80), un type de dramaturgie qui autorise à « dépasser les champs du possible » et à « hybrider les niveaux d’énonciation et les types de présence » (Ibid.</span><span style="font-size:medium">ibid.</span><span style="font-size:medium"> : 79), dimensions propres à la représentation contemporaine. Ces deux spectacles présentent l’intérêt de questionner les codes de la construction du personnage en questionnant les identités, dans le premier cas, et en proposant d’autres types de figuration dans le deuxième : comment les apprenants parleront-ils de ces pièces, quels liens pourront-ils tisser et quel sera le rôle de l’enseignant dans cette perspective ? Le niveau de langue des apprenants a également constitué un critère de sélection : </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium"> est un spectacle questionnant le langage des corps dans l’espace et ne comporteait, de ce fait, peu de aucune difficulté liée à la de compréhension de l’ orale (en tout cas a priori <a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc" style="font-size:57%"><sup>12</sup></a>) ; le roman de Jules Verne était déjà connu par les apprenants, ce qui a pu faciliter, pour certains, la compréhension de la pièce. pour </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt Mille Lieues sous les mers, ce qui a facilité l’appréhension de ce spectacle.</em></span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Les deux ateliers présentés comportaient trois étapes :</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">1. Une étape de réception collective du spectacle cherchant à recueillir les impressions spontanées des apprenants immédiatement après la représentation et souvent dans le hall du théâtre ou dans des salles de répétition. Cette étape permettait aux apprenants d’exprimer ce qu’ils avaient ressenti pendant la représentation dans le cadre d’une conversation libre et de débuter une recherche de sens. La forme de conversation libre qui s’ensuit fait émerger les premières émotions vives. Dans cet exercice, l’enseignant relance les débats à travers un questionnement très ouvert, favorisant une approche sensible du spectacle. ;</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">2. Une seconde étape de réception collective est proposée quelques jours plus tard, plus structurée et impliquant une « école du regard » (Mancel, 2009)., Aappelée « analyse chorale » de la représentation (Mancel, 2009), c’est une étape au cours de laquelle l’enseignant cherche à concentrer l’attention des apprenants sur tous les signes de la représentation, favorisant une forme de distanciation. Ce travail de description, plus objectif, incite les participants à dépasser les premiers jugements de valeur pour s’intéresser précisément à ce qu’ils ont vu et proposer des hypothèses de sens à partir de ces signes. Il s’agit par conséquent d’un premier travail d’interprétation, dans une forme d’approche sensible de la représentation. L’émancipation du spectateur peut commencer lorsque l’acte de regarder est conçu comme une action, lorsque le spectateur « compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui » (Rancière, 2008 : 19) ;</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Au cours de ces deux étapes de réception, le rapport au personnage se construit de manière à la fois individuelle et collective dans une première interprétation émergeant des interactions, qui ne sont donc pas considérées de manière exclusivement linguistique, ce qui « engendre encore une fois la disparition du sujet en tant que tel » (Anderson, 1999 : 20). A contrario, les traces subjectives du rapport à soi et à l’autre apparaissent à travers des formes de résonances ou d’associations qui émergent de l’expérience de la représentation;</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">3. Enfin, une dernière étape de pratiques théâtrale comportant dans un premier temps le mime ou « rejeu créatif » (Lecoq, [1997] 2016) « acte fondamental » pour la création dramatique (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 39) car il permet de « </span><span style="font-size:medium"><em>faire corps avec</em></span><span style="font-size:medium"> et donc comprendre mieux » (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium">), construit autour de l’imitation des comédiens, et dans un deuxième temps, une improvisation avec une contrainte de jeu articulant objectifs linguistiques et dramaturgiques, engageant l’apprenant dans une forme de création scénique collective. Le modèle de jeu dramatique vers lequel nous tendons ne cherche pas à imiter un théâtre professionnel où seul le résultat compte<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc" style="font-size:57%"><sup>13</sup></a>, mais se préoccupe en premier lieu du processus mis en œuvre et de l’autonomisation des participants dans le jeu (Dulibine & Grosjean, 2013 : 4) Les pratiques de rejeu et de variation Ces deux pratiques de jeu dramatique offrent aux apprenants la possibilité d’explorer dans leur corps la théâtralité et les langages propres à la dramaturgie des deux spectacles proposés. Elles dépassent la recherche d’une « production » dans la mesure où elles constituent une forme d’interprétation incarnée de l’œuvre et laissent le champs libre à l’apprenant pour s’engager en tant que sujet créateur en langue étrangère dans le jeu, à travers l’accès esthétique au langage et les formes de relation à l’autre (Pierra, 2006 : 19). Elles permettent en outre une forme d’exploration du « fonds poétique commun » (Lecoq, [1997] 2016 : 70) qui engage l’apprenant dans son corps et dans son imaginaire à partir des traces que nos diverses expériences, notamment l’expérience de l’œuvre, laissent en nous. De quelles manières ces traces émergeront dans la langue de l’apprenant, comment envisagera-t-il ce « fonds poétique commun » dans le rapport à la théâtralité ? apportent une dimension à nos yeux essentielle dans notre démarche d’école du spectateur, en permettant aux apprenants d’explorer de manière artistique dans leur corps et leur parole la fonction poétique et imaginaire de la langue.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">L’objectif principal de l’atelier autour du spectacle de Christian Lesort et de Valérie Hecq étaitest de permettre aux apprenants d’explorer une exploration de l’adaptation scénique du roman de Jules Verne, en particulier à travers l’atmosphère de l’art marionnettique afin de trouver sa propre voix sur ce spectacle et l’intégration du récit dans la dramaturgie. Comment adapter sur scène le genre romanesque, en particulier un roman à partir d’une </span><span style="font-size:medium">œuvre</span><span style="font-size:medium"> traitant de la mer et des explorations marines ?, et comment parler de cette expérience de spectateur en langue étrangère ? En ce qui concerne le spectacle de Mathurin Bolze, l’atelier étaitest consacré au travail des corps dans l’espace et à l’exploration de l’identité des personnages, personnages s’approchant davantage de « figures » à l’identité floue et souvent multiple. En quoi cette polysémie permise par le brouillage des identités et par les nouvelles figurations de l’art marionnettique peut-elle engager l’apprenant dans un nouveau rapport à soi et à l’autre, ainsi qu’au langage ? Nous postulons dans ces deux ateliers que ce sont les explorations des langages scéniques de la représentation contemporaine (hybridité, perte de trame narrative, art marionnettique, brouillage des identités des personnages) qui font émerger le désir de parole des apprenants, dans la mesure où ces recherches scéniques provoquent une expérience spécifique d’une part, et cherchent à être interprétées d’autre part. Nous chercherons ainsi à analyser de quelle manière émerge la construction subjective de l’apprenant à travers son expérience de la scène en tant que spectateur et à travers les sens qu’il va tenter de lui donner.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Si ce sont « les reproductions des pratiques professionnelles du monde du théâtre telles que se les figurent les enseignants, qui constituent l’empêchement majeur à la mise en œuvre d’une pratique théâtrale pertinente auprès des élèves » (Dulibine & Grojean, 2013), notre démarche d’école du spectateur cherche à articuler la relation avec la représentation à de courtes pratiques de jeu adossées aux objectifs de la classe de langue (Ibid.) Considéré à la fois comme un animateur de la réception collective mais également comme un médiateur de l’œuvre, dans la mesure où il construit un dispositif original dont l’objectif est la rencontre sensible entre un spectateur et une œuvre où se joue la transmission de la langue, l’enseignant acquiert au cours de la démarche un rôle double qui n’est pas réduit à celui de simple accompagnateur<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc" style="font-size:57%"><sup>14</sup></a> : il permet aux apprenants de considérer la langue sous un angle plus créatif et les incite à entrer en relation avec l’œuvre dramatique en trouvant leur propre voix incarnée, et, de ce fait, d’« apprendre les langues par corps » (Aden, 2014). Son rôle lors des trois étapes de la démarche est essentiel : il laisse libre cours à la parole et veille à ce que cette parole circule entre tous les participants, il structure par la suite le regard lors de l’analyse chorale, tout en accordant « la préséance à la parole chorale de l’auditoire » et en apportant parfois des éléments de connaissance en surplomb (Mancel, 2009), il peut, ainsi, être considéré comme un animateur qui guide l’apprenant vers l’œuvre et une forme d’interprétation. Une forme de « maïeutique » se met alors en place entre l’animateur et les spectateurs, ou accouchement d’une pensée sur le spectacle, une « mémoire sensible de spectateur » (Ibid.</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> 2009), qui devient progressivement mémoire collective. Enfin, c’est à lui que revient la responsabilité de proposer des contraintes de mime et de variationjeu permettant aux apprenants à la fois d’investir la parole scénique dans leur corps et leur voix, mais également de créer une nouvelle proposition artistique à partir de leur imaginaire et de leurs expériences de vie<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc" style="font-size:57%"><sup>15</sup></a>. Un des rôles de l’enseignant dans cette activité consiste à « faire désirer la lecture ou l’interprétation des textes » (Dulibine & Grosjean, 2013 : 7) en permettant de tisser des liens entre l’œuvre et le spectateur/joueur, en partant de deux critères : un travail dramaturgique préalable et une adaptation à la réalité de la classe (</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium"> : 12). L’enseignant peut par conséquent être considéré comme un passeur de langue et de langage à travers le lieu de la représentation scéniquetexte scénique et ses potentialités langagières et imaginaires, incitant les apprenants à devenir acteurs-explorateurs des multiples potentialités du langage.</span></span></span></p>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14150_4232717676"></a>2.2. Méthodologie d’analyse</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Nous avons observé pendant deux semestres universitaires la construction des langages à la fois verbaux et non verbaux de l’apprenant dans sa relation aux représentations dramatiques. Le point de vue que nous avons retenu pour l’analyse de nos données articule analyse dramaturgique de la représentation contemporaine (Ryngaert, 2007, Sermon & Ryngaert, 2012) et approche imaginaire et poétique de la langue étrangère (Huver & Lorilleux, 20187), à travers l’exploration de la théâtralité, notamment les pratiques théâtrales en tant que construction du sujet apprenant (Pierra, 2006). Notre recueil de données est constitué de vidéos des entretiens après représentations et des ateliers d’école du spectateur, d’entretiens semi-guidés en fin de parcours et de carnets du spectateur numériques. Nous avons ainsi pu croiser des données à la fois collectives et individuelles, orales et écrites, verbales et non-verbales. Une dimension réflexive est apportée dans notre approche à notre recueil de données dans la mesure où les apprenants ont été incités à revenir sur leurs productions au cours des entretiens, dimension importante puisque permettant de dépasser le produit (Huver & Lorilleux, 2018 : 10) pour ouvrir sur l’expérience. Si le sujet peut également être défini comme un sujet de recherche, ce n’est pas en tant que cobaye dans une démarche innovante que nous envisageons l’apprenant de langue étrangère, mais comme un sujet collaboratif qui co-construit son savoir et les connaissances que le chercheur doit ensuite chercher à interpréter analyser. En outre, notre démarche s’inscrit dans la recherche-action impliquant le chercheur comme praticien et réalisant sur le terrain l’objet de sa recherche en lien avec un contexte qui lui est familier. Ce type de recherche questionne des certitudes telles que « la séparation de son objet de recherche » (Pierra, 2011 : 107), ce qui peut poser problème dans une démarche abordant à la fois l’œuvre dramatique – qui peut influencer le chercheur-praticien par les émotions qu’elle véhicule-, et la pratique théâtrale. or, i Impliquée depuis quelques années dans l’apprentissage du FLE à travers la représentation théâtrale, nous envisageons notre travail de recherche dans une articulation entre pratiques personnelles de spectatrice et participation à de nombreuses formations d’école du spectateur avec l’ANRAT<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc" style="font-size:57%"><sup>16</sup></a>, formations qui nous ont incité à réfléchir à une adaptation de cette démarche à la didactique du FLE. Pour mener à bien une démarche d’école du spectateur, un engagement physique proche de celui du plateau est nécessaire (Mancel, 2009), l’expérience venant « d’une vie au théâtre et non pas d’une vie de théâtre » (Ibid.</span><span style="font-size:medium"><em>ibid.</em></span><span style="font-size:medium">), l’enseignant trouvant ainsi toute sa légitimité, même s’il n’est pas lui-même artiste, en étant lui-même impliqué et parti-prenante de sa démarche (Pierra, 2011 : 108). En ce qui concerne notre méthologie de recherche, notre point de vue en tant que chercheure, nous adoptons une perspective transversale, à la frontière de différentes disciplines (sciences du langage et perspective interactionniste, analyses dramaturgiques, pratiques théâtrales en didactique des langues, etc.).</span></span></span></p>
<h1 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14152_4232717676"></a>3. Le théâtre, ça change la vie</span></h1>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc1109_4176715368"></a>3.1. Du sujet spectateur</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">La démarche de réception des spectacles, qui part des perceptions subjectives et de l’imaginaire de chacun, engage des formes d’identification aux personnages et favorise la construction d’un discours collectif sur l’œuvre.,</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">favorisant premièrement une parole libre et spontanée, puis cherchant à structurer le regard en partant des signes de la dramaturgie, déclenche une co-construction sur un double niveau : d’un côté, émergent des hypothèses sur les sens à donner à l’œuvre dramatique articulée à une construction d’une parole subjective, d’un autre côté, cette construction se réalise dans le groupe de manière collective, tout en gardant une dimension subjective forte puisque l’œuvre engage l’expérience et l’histoire personnelle de chaque participant. Nous souhaiterions dans un premier temps montrer que, de la réception de </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés, ont émergé des résonances fortes avec l’expérience de la langue étrangère et du pays étranger, et que ces résonances sont liées à la dramaturgie hybride et à la construction des deux « figures » d’acrobates dans le spectacle de Mathurin Bolze. En effet, d</em></span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Les zones d’ombre laissées dans la construction des personnages au cours des deux spectacles, et le statut fragmentaire de la parole dans </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium"> invitent à la recherche de signification. Les apprenants donnent en groupe une identité aux personnages : qui sont-ils (sosie, même personne avec un double mort ou un double qui rêve ou encore une ombre, personnage schizophrène, frères), quelle est la nature de leurs relations (familiale, amicale, amoureuse), quels sens peut-on donner à leurs mouvements, etc., et s’identifient parfois à eux. e nombreux apprenants ont indiqué au cours des phases de réception collective puis dans les entretiens individuels semi-guidés que les personnages de ce spectacle ont constitué un mystère pour eux, mystère auquel beaucoup cherchent à donner sens : qui sont-ils (sosie, même personne avec un double mort ou un double qui rêve ou encore une ombre, personnage schizophrène, frères), quelle est la nature de leurs relations (familiale, amicale, amoureuse), quels sens peut-on donner à leurs mouvements, etc. </span><span style="font-size:medium">La dramaturgie de ce spectacle est liée à la gestuelle des acrobates dans l’espace, puisqu’ils explorent un espace scénique où un dispositif complexe d’échelles, de portes, et d’escaliers, articulé à un trampoline au sol, permettant de nombreuses variations autour des mouvements de chute et de relevé. Ce type de dramaturgie contemporaine, brouillant les pistes de l’intrigue traditionnelle et inscrivant plusieurs langages scéniques dans sa création dans le texte scénique, incite les spectateurs à s’approprier les sens de la représentation : « </span><span style="font-size:medium"><em>j’ai impression de Barons Perchés parce que les gens rien dire<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc" style="font-size:57%"><sup>17</sup></a> et donc heu il y a beaucoup de espace que je peux imaginer<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc" style="font-size:57%"><sup>18</sup></a></em></span><span style="font-size:medium"> » (X. Chine, apprenante chinoise, entretien). Cette apprenante compare les mouvements des acrobates à ses propres difficultés dans la langue étrangère : « </span><span style="font-size:medium"><em>je pense heu les gens peut-être heu tombaient levaient tombaient levaient il y a beaucoup de fois et ce moment je pense heu comment parce que en France j’ai beaucoup de choses qui n’est pas bien et il y a beaucoup de fois j’ai eu tombé donc j’ai imaginé de moi</em></span><span style="font-size:medium"> », et dans le pays étranger : «</span><span style="font-size:medium"><em> les amis heu la banque le* CAF</em></span><span style="font-size:medium"> ». C’est par conséquent à travers un processus d’identification qui ne s’appuie pas sur une conception classique du personnage vu comme une unité mais plutôt comme une construction artistique, dépendante d’une écriture scénique (Ryngaert, 2014 : 112), que l’apprenante entre en relation avec l’œuvre. C’est dans son identité en tant qu’étrangère vivant dans une autre culture et en tant qu’apprenante de langue que se tisse la relation à l’autre. La dramaturgie hybride de ce spectacle pousse les apprenants à envisager diverses hypothèses de sens pour l’évoquer, en particulier à propos d’une scène au cours de laquelle les acrobates cherchent en vain à attraper une lampe, trop haute pour être touchée :</span></span></span></p>
<blockquote><u>Extrait de l’analyse chorale de </u><em><u>Barons Perchés</u></em></blockquote>
<blockquote>119. Z : oui et une moment c’est plus touché moi <em>(se frappe la poitrine)</em> c’est il touché le lampe <em>(fait le geste de toucher quelque chose)</em> et lampe se <em>(fait le geste de quelque chose qui va vers le haut)</em></blockquote>
<blockquote>120. P : se lève ↑</blockquote>
<blockquote>121. Z : oui se lève et enfin il il il n’a pas touché le lampe <em>(main au plafond bras tendu)</em> le lampe se <em>(geste vers le bas)</em></blockquote>
<blockquote>122. P : baisse</blockquote>
<blockquote>123. Z : baisse et mais<em> (secoue la tête)</em> il ne peut pas aussi toucher le lampe</blockquote>
<blockquote>124. P : et pourquoi ça vous a touchée ↑</blockquote>
<blockquote>125. V : ou peut-être c’est parfois comme notre rêve c’est très proche <em>(deux mains se touchent) </em>c’est presque tu touches mais<em> (gestes vers le haut pour toucher quelque chose)</em> c’est loin loin loin et après tu</blockquote>
<blockquote>126. A : tu annules</blockquote>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Le verbatim ci-dessus, extrait de l’analyse chorale de </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés,</em></span><span style="font-size:medium"> montre comment la parole est co-construite par les apprenants, explorant les signes de la représentation. L’apprenante Z (Chine) évoque la scène de la lampe qui l’a marquée (les marqueurs de son émotion sont à la fois langagiers et corporels), elle co-construit son énoncé grâce aux étayages linguistiques de l’enseignante (P), l’apprenante V (Russie) répond ensuite à la place de Z à la question de P pour élaborer une hypothèse sur le sens de la scène en utilisant les pronoms de la deuxième personne du singulier et du pluriel : « notre rêve », « tu touches ». Cette utilisation des pronoms de la deuxième personne crée, pour cette apprenante, une communauté de spectateurs vivant la même expérience sensible qu’elle, dimension qui peut être favorisée par l’analyse chorale. L’apprenant A poursuit l’énoncé de V et clôt la discussion en trouvant un sens à la gestuelle des personnages et en utilisant le même système de pronom de la deuxième personne que V. L’œuvre devient alors une « œuvre en discours » (Huver & Lorilleux, date ?), et l’analyse chorale prend alors tout un son sens et une forme de chœur antique à travers la une véritable polyphonie des voix des apprenants qui entrent en relation avec l’œuvre par la parole mais également par le corps (Mancel, 2009). qui engage le groupe en entier dans sa parole mais également dans son corps. La construction subjective prend ici des allures de chœur antique répondant aux personnages sur scène, et , Lles interactions prennent une forme créative « qui va cristalliser un sens auquel on n’avait pas accès », c’est un deuxième spectacle qui s’écrit alors dans l’analyse chorale (Mancel, 2009).</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">La scène contemporaine enclenche également une prise de conscience de ses représentations, voire, une remise en question de ses goûts et de sa personnalité, donc, une forme de distanciation, peut-être salutaire dans une approche où la prise de risque est forte, tant au niveau de la réception que du jeu. Ainsi, une apprenante compare le spectacle de Mathurin Bolze avec </span><span style="font-size:medium"><em>Trois Grandes Fugues</em></span><span style="font-size:medium">, un spectacle de danse présenté au mois de décembre à Lla Scène Nnationale de Cergy et dans lequel apparaît une pièce de Maguy Marin qu’elle juge très éloignée de ses propres représentations de la danse : « </span><span style="font-size:medium"><em>pour moi c’était danse moderne et peut-être je je suis très carrée et j’accepte pas le danse moderne c’est c’est trop différent pour moi c’est peut-être je suis trop fermée pour heu pour voir heu + quand je compare avec le ballet classique bien sûr ça me donne heu + ça provoque je sais pas ce que ça provoque (rires) » </em></span><span style="font-size:medium">(V. Russieapprenante russe, entretien semi-guidé). L’apprenante articule ainsi son rejet de cette pièce à sa formation professionnelle de patineuse artistique et à son propre désir de perfectionnisme :</span></span></span></p>
<blockquote>« <em>La fin c’était très moderne c’était la partie que j’ai pas aimée du tout pour être honnête et pour moi aussi c’est important qu’on comment on dit par exemple quand quand vous allez au cinéma vous êtes prêt pour voir les beaux paysages heu les les beaux gens tout le monde est je sais pas joli et tout ça le même heu pour moi c’est pareil avec le spectacle avec heu le théâtre cirque je viens pour voir le perfectionnisme qui</em><em> peut-être je manque heu le perfectionnisme dans ma vie et quand je vois le ballet c’est très heu c’est parfait</em><em> </em>» <span style="font-family:Times New Roman,serif">(V. apprenante russe</span><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium">Russie</span></span><span style="font-family:Times New Roman,serif">, entretien semi-guidé).</span></blockquote>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Dans cette pièce de la chorégraphe, un quatuor de femmes dialogue de manière décalée et désarticulée avec la pièce de Beethoven, cassant les codes du ballet classique dans leurs mouvements qui les rapprochent du pantin, de la marionnette. L’apprenante compare dans un premier temps l’expérience de la danse à celle du cinéma, expérience qu’elle relie à travers le prisme de ses propres représentations : la recherche d’une beauté classique, d’une « perfection » issue de sa propre expérience de vie et d’éducation. La rencontre avec l’œuvre de Maguy Marin déclenche un discours d’ordre réflexif qui l’incite à prendre de la distance par rapport à ses représentations et qui la pousse à explorer sa propre personnalité «</span><span style="font-size:medium"><em> je manque le perfectionnisme</em></span><span style="font-size:medium"> ». La construction subjective se joue donc à travers le type d’écriture de la scène contemporaine, provoquant des phénomènes d’identification dans la recherche de sens ou des phénomènes de prise de distance du sujet.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">L’analyse des données indique par ailleurs que la construction du sujet se réalise également dans une dimension corporelle propre au théâtre et aux phénomènes de miméesis ou imitation puisque, dans les phases de réception, les apprenants évoquent, en les décrivant ou en les mimant, les sensations physiques procurées par l’identification aux comédiens ou par les différentes perceptions liées aux marionnettes dans </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt mille lieues sous les mers</em></span><span style="font-size:medium"> par exemple (impression de chute, de « chair de poule », impression d’immersion sous l’eau, etc.), au cours d’une scène de </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt mille lieues sous les mers,</em></span><span style="font-size:medium"> etc.). Les apprenants s’approprient la gestuelle du comédien quand ils évoquent la représentation, cette gestuelle prend alors des fonctions multiples et devient un des langages pour parler du spectacle. La gestuelle du comédien est appropriée par les apprenants et devient un des langages pour parler du spectacle, elle préfigure l’étape de mime proposée dans les ateliers, et, à nos yeux, essentielle pour aborder la théâtralité. Elle participe également de la transformation du sujet dans la mesure où du spectateur l’apprenant devient acteur à son tour et explore les chemins multiples de l’action artistique.</span></span></span></p>
<h2 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc1111_4176715368"></a>3.2. Au sujet acteur en langue étrangère</span></h2>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">L’émancipation du spectateur (Rancière, 2008) se joue ainsi dans l’imitation des comédiens mais également dans la projection sur scène. Ainsi, dDans la phase de réception, les apprenants évoquent leur impression d’être sur scène avec les acteurs, produisant le spectacle à leur tour, non plus en tant que spectateurs qui collaborent pour trouver un sens, mais en tant que comédiens à part entière jouant eux-mêmes dans le spectacle. , au cours d’un phénomène d’identification qui provoque une confusion entre réel et fiction, le plaisir de la mimesis (Ubersfeld, 1996 : 276) participant à la construction subjective : «</span><span style="font-size:medium"><em> j’ai oublié que c’était le spectacle j’ai vraiment heu j’étais le partie de l’histoire</em></span><span style="font-size:medium"> » (V. apprenante russe</span><span style="font-size:medium">Russie</span><span style="font-size:medium">, entretien semi-guidé ».</span><span style="font-family:Traditional Arabic,serif"> </span><span style="font-size:medium">Les apprenants découvrent alors le plaisir du jeu et expérimentent dans leur propre corps le rapport à la scène. Une autre forme de transfert a alors lieu entre le corps de l’acteur et le corps de l’apprenant, le jeu peut s’engager dans la phase de réception avant même l’atelier de pratiques, à travers l’identification aux comédiens. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Au cours de l’étape de rejeu et d’improvisation, les apprenants sont amenés à rejouer des scènes ou à imiter les comédiens sous la forme du « théâtre-image » par exemple (Dulibine & Grosjean, 2013, Rollinat-Levasseur, 2015 : 249), cette étape leur permet de se remémorer le spectacle et de se l’approprier dans la langue et dans leur corps. Dans le rendu des improvisations, l’écriture scénique est explorée en lien avec les deux étapes de réception et avec le type de dramaturgie abordée par les artistes. L’enseignant incite les apprenants à créer une nouvelle proposition de jeu à travers l’étape de rejeu et la contrainte de variation basée sur le travail dramaturgique réalisé en amont et en s’adaptant à la réalité du terrain et de ses objectifs. Au cours de l’atelier, il accompagne les apprenants tout au long de leur création en leur rappelant les dimensions scéniques du corps dans l’espace, de la relation à l’autre et au public, en travaillant la voix et le souffle. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Enfin, il aurait fallu achever chaque atelier par un retour réflexif systématique des joueurs ainsi que du public sur les productions, permettant une entreprise de « double traduction, d’une compréhension en œuvre et d’une œuvre en discours » (Huver & Lorilleux, 2017), ce qui n’a pas toujours été réalisé dans notre travail, faute de temps. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">Le re-travail créatif du texte scénique, déjà enclenché dans l’analyse chorale puisque le travail de description est une forme de réécriture, de « réénonciation » du texte (Martin, 2005 : 71), se poursuit dans les phases de rejeu. Dans l’atelier sur </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium">, les propositions ont envisagé d’autres relations entre les personnages et ont ajouté une trame narrative : un homme d’affaire au bord du burn-out se suicide et son double fantomatique, exclu du monde des vivants, erre dans une forme d’enfer où il rencontre un autre personnage qui n’a plus accès à la parole. Bouleversé par cette rencontre, le personnage décide de réintégrer le monde des vivants et de rejoindre sa première enveloppe corporelle. Le trampoline, élément dramaturgique central dans la pièce de Mathurin Bolze, est figuré par un matelas de DOJO dans le rejeu, et devient un lieu de passage entre les deux espaces-temps. A travers le travail de variation du texte scénique et en incarnant eux-mêmes les personnages à qui ils donnent une autre signification, les apprenants trouvent un accès à la parole en explorant les potentialités créatives du jeu dramatique. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">et ont ajouté une trame narrative à la proposition. Le trampoline a par ailleurs été utilisé comme lieu de passage entre deux espaces-temps. En ce qui concerne l’atelier de jeu à propos du sur le spectacle </span><span style="font-size:medium"><em>Vingt mille lieues sous les mers, </em></span><span style="font-size:medium">chaque acteur dans le groupe représente a représenté un élément différent du Nautilussous-marin, qui composait le décor sur scène, espace où se déroule la pièce de Christian Hecq et Valérie Lesort : (l’hélice, l’ampoule, le canapé, le hublot, élément ) et auquel une voix ainsi qu’une parole est a été donnée, démultipliant ainsi le système de « partages des voix » questionné dans le théâtre contemporain (Ryngaert, 2012 : 9), propre au théâtre. Le dialogue est construit dans l’interaction entre Le Nautilus et les différents éléments qui le composent, établissant ainsi une forme de parole métonymique. Chaque participant prend dans cette création une nouvelle identité de machine et module sa parole dramatique à travers cette nouvelle identité. Ce re-travail du texte scénique dans le jeu fait intervenir une forme de « fonds poétique » composé des expériences diverses de lectures et d’interprétation : la lecture de l’œuvre de Jules Verne, que beaucoup d’apprenants connaissent, la lecture de son adaptation théâtrale et ses diverses interprétations, enfin, l’imaginaire lié à l’exploration des mers. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">C’est par conséquent une nouvelle œuvre qui est construite, en constant dialogue avec l’œuvre qui a permis de la créer, dans une intertextualité féconde entre la parole de l’apprenant et la parole des artistes et des comédiens.</span></span></span></p>
<h1 style="text-align:left"><span style="font-size:14pt"><a name="__RefHeading___Toc14154_4232717676"></a>Conclusion</span></h1>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">« Le théâtre ça change la vie », comme le dit une apprenante vietnamienne (T) à la sortie du spectacle </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium">. Les variations et réécriture du texte scénique que permet l’école du spectateur impliquent, pour l’apprenant de langue étrangère, d’aborder l’œuvre dramatique contemporaine en tissant des liens avec son propre vécu, notamment à travers les phénomènes divers d’identification, de composer un discours collectif sur l’œuvre, fait des interprétations diverses et d’un tissage de voix, d’envisager la complexité du texte scénique et de ses langages, de se confronter à des formes d’altérité multiples dans les zones d’ombre des personnages et les nouvelles formes de représentations scéniques, enfin, de renouveler son rapport à la langue étrangère en explorant le dialogue théâtral et ses différentes formes de transposition poétique. Les formes créatives produites par cette transposition (personnages dédoublés voire démultipliés, espaces-temps pluriels, parole métonymique où le tout parle aux éléments qui le composent, représentation d’objets humanisés et construction de leur identité à travers leur parole, etc.) déclenchent la constitution d’une matière poétique qui se prête à d’autres interprétations et d’autres rejeux, dans l’activité inachevée de l’œuvre et de son texte<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc" style="font-size:57%"><sup>19</sup></a>. (Martin, 2005 : 73). Les perspectives actionnelles du CECRL peuvent alors prendre une dimension plus ouverte dans l’exploration des langages de la scène : l’apprenant, engagé par le jeu dans des situations d’énonciation plurielles, qu’il crée lui-même, interroge le statut de l’action et la notion d’acteur. Les démarches d’école du spectateur tendent à rendre le spectateur actif, dans une conception du théâtre comme un lieu où « une action est conduite à son accomplissement par des corps en mouvement face à des corps vivants à mobiliser » (Rancière, 2008 : 9).</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">La démarche sensible autour du langage théâtral que nous proposons dans une école du spectateur se rapprochant davantage d’une pratique de l’œuvre dramatique plutôt que d’une « école » où le rapport à l’œuvre serait à enseigner, où les sens seraient transmis, implique une réception du dispositif diverse selon les apprenants. La pluralité des interprétations engagée peut déstabiliser, voire exclure, en particulier des apprenants de langue étrangère, tout comme l’œuvre dramatique contemporaine et ses interrogations sur le langage: L’altérité d’un personnage trop opaque ou bien trop en décalage par rapport aux représentations, ou encore, engageant le spectateur dans un trop-plein émotif<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc" style="font-size:57%"><sup>20</sup></a>, est à envisager et à travailler. Le jeu dramatique peut également être vécu comme une prise de risque identitaire, même si incarner un personnage (de « persona » le masque d’acteur) sur scène tend à réduire ce risque. Le rôle de l’enseignant dans cette approche est alors central puisque c’est dans sa connaissance des langages de la scène, dans sa capacité à guider les apprenants vers l’œuvre, notamment dans les questions qu’il pose ou les contraintes de rejeu qu’il donne, enfin, dans sa manière de rendre la parole à ceux qui l’auraient perdu à travers une exploration collective des langages corporels, qu’il pourra permettre à ses apprenants d’établir un rapport ludique à la nouvelle langue et de tisser des liens entre la voix d’un auteur, celle d’un artiste et la sienne propre.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">« Le théâtre ça change la vie », comme le dit une apprenante vietnamienne à la sortie du spectacle </span><span style="font-size:medium"><em>Barons Perchés</em></span><span style="font-size:medium">. Le théâtre contemporain change la vie en abordant la langue d’une manière multiple et en donnant à la figure du personnage un tout autre visage, plus mystérieux ou plus onirique dans le cas des marionnettes. C’est en confrontant son identité à celle des personnages ou « figures » sur scène et en créant une nouvelle proposition à partir du texte scénique que l’apprenant construit son rapport à la langue et à son identité en langue étrangère, une identité qui se rapproche de celle du théâtre contemporain : plurielle, mouvante, hybride et propice à de multiples interprétations. Si la langue est le lieu de la mise en scène du sujet (Coïaniz, 2001), la scène peut devenir le lieu d’une nouvelle construction du sujet dans la langue étrangère. </span><span style="font-size:medium">La perspective actionnelle prônée par le CECRL prend donc une nouvelle dimension à travers la représentation théâtrale</span><span style="font-size:medium"> puisque l’apprenant devient un acteur multiple engagé dans des actions non plus exclusivement communicatives mais qui interrogent le statut même de l’action et l’identité même de l’acteur.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><br />
</p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">De persona « le masque d’acteur » à la construction identitaire, l’écart se comble grâce à la langue nouvelle et à ses spécificités que l’apprenant s’approprie sur scène. Il ne s’agit cependant pas d’une subjectivité démesurée, qui permet de tout dire et de tout faire, mais d’un vrai dialogue, d’une relation authentique en langue étrangère entre la scène et le spectateur, entre un artiste et un apprenant : c’est en confrontant son imaginaire et sa subjectivité à celle des artistes que l’apprenant de langue étrangère se construit dans un dialogue réellement créatif.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><br />
</p>
<p style="text-align:left"><a name="__RefHeading___Toc14156_4232717676"></a><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small">BIBLIOGRAPHIE</span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ADEN, Joëlle, « La créativité artistique à l’école : refonder l’acte d’apprendre », </span><span style="font-size:medium"><em>La créativité dans tous ses états : enjeux et potentialités en éducation</em></span><span style="font-size:medium">. </span><span style="font-size:medium"><em>Synergies Europe</em></span><span style="font-size:medium">, 4, 2009a, p. 173-180.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ADEN, Joëlle, « Improvisation dans le jeu théâtral et acquisition de stratégies d’interaction. dans Joëlle Aden (dir.), </span><span style="font-size:medium"><em>Apprentissage des langues et pratiques artistiques, </em></span><span style="font-size:medium">Paris : Manuscrit recherche-université</span><span style="font-size:medium"><em>, </em></span><span style="font-size:medium">2009b, p. 67-101.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ADEN, Joëlle, « Apprendre les langues par corps », dans Yamna Abdelkader (Dir.). </span><span style="font-size:medium"><em>Pour un ThéâtreMonde. Plurilinguisme, interculturalité et transmission</em></span><span style="font-size:medium">, Presses universitaires de Bordeaux, 2014 , p.109-123.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ADEN, Jöelle, « Théâtre et didactique des langues », dans Blanchet P. & Chardenet P. (Dir.), </span><span style="font-size:medium"><em>Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures, </em></span><span style="font-size:medium">Paris: Édition des archives contemporaines</span><span style="font-size:medium"><em>, </em></span><span style="font-size:medium">2015, p.</span><span style="font-size:medium"><em> </em></span><span style="font-size:medium">422-237.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ANDERSON, Patrick, La didactique des langues à l’épreuve du sujet : Presses Universitaires Franc-Comtoises, 1999. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">COÏANIZ. Alain. </span><span style="font-size:medium"><em>Apprentissage des langues et subjectivité</em></span><span style="font-size:medium">. Paris: L’Harmattan, 2001.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><a name="apa"></a><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">DULIBINE, Chantal. & GROSJEAN, Bernard, « Former les enseignants à la transmission du langage théâtral : déplacer des « représentations » ?.», </span><span style="font-size:medium"><em>Le français aujourd'hui</em></span><span style="font-size:medium">, 180(1), 2013, p. 121-135.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><strong><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium">HOUDART-MEROT, V. (2018). </span></span></strong><strong><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium"><em>La création littéraire à l’université</em></span></span></strong><strong><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:medium">. Presses universitaires de Vincennes.</span></span></strong></p>
<p style="text-align:left"> </p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><strong><span style="font-size:medium">HUVER, Emmanuelle, LORILLEUX, Joanna, « </span></strong><span style="font-size:medium">Démarches créatives en DDdL : créativité ou </span><em><span style="font-size:medium">poïesis</span></em><span style="font-size:medium"> ? » , </span><em><span style="font-size:medium">Lidil</span></em><span style="font-size:medium"> [En ligne], 57 | 2018 . URL : </span><u><a href="http://journals.openedition.org/lidil/4885"><span style="font-size:medium">http://journals.openedition.org/lidil/4885</span></a></u></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">LECOQ, Jacques. </span><span style="font-size:medium"><em>Le corps poétique</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Actes Sud Papiers, [1997] 2016.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">LORIOL, Jean-Pierre; & LALLIAS, Jean-Claude, « L'école du spectateur, c'est quoi au juste ? », </span><span style="font-size:medium"><em>Trait d'Union</em></span><span style="font-size:medium">, 17/2009. Paris : ANRAT, p. 11-12.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">MANCEL, Yannick, Entretien avec Claire Rannou,</span><span style="font-size:medium"><em>Trait d’Union </em></span><span style="font-size:medium">16/2009, Paris : ANRAT, p.6-13.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">MARTIN, Serge, Faire œuvre avec les œuvres. </span><span style="font-size:medium"><em>Le français aujourd’hui</em></span><span style="font-size:medium"> 2005/2 N°149. (PP. 67-73). </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">PIERRA, Gisèle. </span><span style="font-size:medium"><em>Le</em></span> <span style="font-size:medium"><em>Corps, la Voix, le Texte: Arts du langage en langue étrangère</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : L'Harmattan, 2006.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">PIERRA, Gisèle, « Pratiques théâtrales en FLE : spécificités d’une recherche action en didactique » </span><span style="font-size:medium"><em>Synergies Chine </em></span><span style="font-size:medium">n°6/2011, 105-114.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">RANCIERE, Jacques. </span><span style="font-size:medium"><em>Le spectateur émancipé</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : La Fabrique, 2008.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ROLLINAT-LEVASSEUR, Eve-Marie, « Pratiques théâtrales en FLE : du jeu de l’imitation et des représentations dans l’apprentissage », dans Christophe Alix, Dominique Lagorgette, Eve-Marie Rollinat-Levasseur, </span><span style="font-size:medium"><em>Didactique du français langue étrangère par la pratique théâtrale</em></span><span style="font-size:medium">, Université de Savoie, 2013.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ROLLINAT-LEVASSEUR, Eve-Marie, « La littérature en acte : voir, entendre, ressentir », dans Anne Godard (Dir.), </span><span style="font-size:medium"><em>La littérature dans l’enseignement du FLE</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Didier, 2015.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">ROLLINAT-LEVASSEUR, Eve-Marie, « Textes et images : le théâtre en contexte éducatif ou l’âge des possibles », Dans Eve-Marie Rollinat-Levasseur, Florence Ferran, et François Vanoosthuyse (dir.), </span><span style="font-size:medium"><em>Image et enseignement: perspectives historiques et didactiques</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Champion, 2017.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">RYNGAERT, Jean-Pierre. </span><span style="font-size:medium"><em>Lire le théâtre contemporain</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Armand Colin, 2007.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">RYNGAERT, Jean-Pierre. </span><span style="font-size:medium"><em>Parler avec le répertoire dramatique contemporain ? Ou</em></span><span style="font-size:medium"> Avoir un théâtre sur la langue, dans Alix, C., Lagorgette, D., Rollinat-Levasseur, E-M. (Dir.) </span><span style="font-size:medium"><em>Didactique du Français Langue Etrangère par la pratique théâtrale</em></span><span style="font-size:medium">. Université de Savoie. 2013. </span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><a name="__DdeLink__1475_1123867667"></a><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">RYNGAERT, Jean-Pierre. </span><span style="font-size:medium"><em>Introduction à l’analyse du théâtre</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Armand Colin, 2014.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">SERMON, Julie & RYNGAERT, Jean-Pierre. </span><span style="font-size:medium"><em>Théâtres du XXIe siècle : commencements</em></span><span style="font-size:medium">. Armand Colin : Paris : 2012.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">UBERSFELD, Anne. </span><span style="font-size:medium"><em>Lire le théâtre II. L’école du spectateur</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Belin, [1977] 1996.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">VADOT. Maude, « Propositions didactiques pour une prise en compte du sujet en didactique du FLE », </span><span style="font-size:medium"><em>Travaux de didactique du français langue étrangère</em></span><span style="font-size:medium">, Université Paul Valéry, Montpellier III, 2012.</span></span></span></p>
<p style="text-align:left"><span style="font-family:Times New Roman,serif"><span style="font-size:small"><span style="font-size:medium">WOERLY, Donatienne, « Discours et pratiques d’enseignement du FLE : état des lieux et perspectives », dans Anne Godard (Dir.), </span><span style="font-size:medium"><em>La littérature dans l’enseignement du FLE</em></span><span style="font-size:medium">. Paris : Didier, 2015.</span></span></span></p>
<div id="sdfootnote1">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a> Les dates de première édition sont indiquées entre crochet. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote2">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Désormais FLE. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote3">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> Même si l’identité a une composante à la fois sociale et individuelle. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote4">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> Le réseau Canopé par exemple propose une exploitation d’extraits de mises en scène, notamment contemporaines, dans une perspective FLM et parfois FLE : https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote5">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a><sup> </sup>Nous employons volontairement le pluriel dans la mesure où l’école du spectateur recouvre de multiples démarches pédagogiques autour du théâtre et de sa représentation. Nous expliciterons au cours de ce travail notre positionnement et le justifierons, en lien avec les objectifs de la classe de langue.</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote6">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a><sup> </sup>Née dans les années 1970 des mouvements de décentralisation théâtrale et d’éducation théâtrale à Avignon notamment avec Jean Vilar, l’école du spectateur est une démarche pédagogique d’accompagnement au spectacle vivant et d’incitation à la rencontre avec les œuvres, elle vise, comme le souhaitait Jean Vilar, à « élargir le cercle des amateurs » par la rencontre artistique (Loriol & Lallias, 2009), cf La Charte de l’école du spectateur (2009) : http://www.anrat.net/pages/ecole-du-spectateur</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote7">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a><sup> </sup>Nous utilisons l’appellation « école du spectateur » pour notre démarche pédagogique en didactique des langues, tout en écartant une approche trop académique de la représentation théâtrale centrée sur une approche textuelle et patrimoniale, que le terme « école » pourrait induire. Nous souhaitons au contraire privilégier les dimensions esthétiques, imaginaires et créatives du théâtre à travers ce qui conviendrait plutôt d’appeler « atelier du spectateur », en plaçant au cœur de notre dispositif réception et pratique artistique (Dulibine & Grosjean, 2013).</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote8">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a><sup> </sup>La charte nationale de l’école du spectateur signée en 2009 émane d’un collectif issu des Ministères de la culture et de l’éducation nationale et incite à la sensibilisation à l’art et à la culture à travers la représentation théâtrale : www.<strong>anrat</strong>.net/pages/<strong>ecole-du-spectateur</strong></span></p>
</div>
<div id="sdfootnote9">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a><sup> </sup>Cf le site du réseau Canopé « Théâtre en acte » dont l’objectif est d’approcher les œuvres théâtrales à travers la représentation et la comparaison de mises en scène de référence: https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote10">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a><sup> </sup>Cf le site du réseau Canopé « Théâtre en acte » dont l’objectif est d’approcher les œuvres théâtrales à travers la représentation et la comparaison de mises en scène de référence: https://www.reseau-canope.fr/edutheque-theatre-en-acte/</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote11">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a> Depuis janvier 2019 : Pojnts Communs. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote12">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a><sup> </sup>Nous avons constaté au cours de notre travail de recherche que malgré l’absence de difficultés liées à la compréhension orale du spectacle, la dimension hybride, l’absence de trame narrative ainsi que la construction ambiguë des personnages de ce spectacle avaient constitué des obstacles pour les apprenants : « <span style="font-family:Traditional Arabic,serif">le théâtre raconte encore mais de moins en moins sur le mode de l'adhésion et de la prescription » (Ryngaert, 2007 : 66), d’où de nombreux questionnements des étudiants sur l’absence de récit.</span></span></p>
</div>
<div id="sdfootnote13">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a> Même si la saynète produite dans l’improvisation est présentée au public d’apprenants, c’est en particulier la recherche, l’inachevé, les variations, les réécritures qui nous intéressent dans notre travail. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote14">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a><sup> </sup>Pour que l’atelier de pratiques théâtrales soit complet, il est souhaitable d’envisager un partenariat enseignant-artiste (Dulibine & Grosjean, 2013).</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote15">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a> Au cours de l’atelier, l’enseignant accompagne les apprenants tout au long de leur création en leur rappelant les dimensions scéniques du corps dans l’espace, de la relation à l’autre et au public, en travaillant la voix et le souffle. </span></p>
</div>
<div id="sdfootnote16">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a><sup> </sup>Association Nationale de Recherche et d’Action Théâtrale : <u><a href="http://www.anrat.net/">www.</a></u><u><a href="http://www.anrat.net/"><strong>anrat</strong></a></u><u><a href="http://www.anrat.net/">.net</a></u>.</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote17">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a><sup> </sup>Les décalages entre la production langagière du locuteur et la norme linguistique attendue n’ont pas été corrigées afin de conserver l’authenticité de la parole du sujet.</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote18">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a><sup> </sup>Les paroles des apprenants se démarquent par l’italique dans notre texte.</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote19">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a> Il aurait fallu achever chaque atelier par un retour réflexif systématique des joueurs ainsi que du public sur les productions, permettant une entreprise de « double traduction, d’une compréhension en œuvre et d’une œuvre en discours » (Huver & Lorilleux, 2018), ce qui n’a pas toujours été réalisé dans notre travail, faute de temps.</span></p>
</div>
<div id="sdfootnote20">
<p style="text-align:left"><span style="font-size:small"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a> A la sortie de <em>Barons Perchés</em>, beaucoup d’apprenants se sont interrogés sur l’histoire : « de quoi ça parle ? » et ont été très destabilisés par l’absence de trame narrative (qu’ils ont d’ailleurs ajoutés pour la plupart dans leur création). En ce qui concerne <em>Vingt mille lieues sous les mers</em>, le réalisme des marionnettes et l’impression forte d’immersion ont donné la « chair de poule » à certains. Si le risque identitaire reste moindre dans les deux cas, il faut garder à l’esprit que de nombreuses pièces contemporaines peuvent déranger, bousculer, voire bouleverser très fortement les spectateurs, et porter éventuellement atteinte à leur identité, d’où l’importance à nos yeux d’un accompagnement du type école du spectateur. Comme le dit T, se rendre au théâtre laisse difficilement indemne...</span></p>
</div>