<h2>Introduction</h2> <p>Pour entrer dans les probl&eacute;matiques de &laquo;&nbsp;la place et [de] la figure su sujet&nbsp;&raquo; et plus sp&eacute;cifiquement dans les rapports au(x) savoir(s) en classe de langue, nous avons choisi la figure du &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;, issue de l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot (1818), reprise et interpr&eacute;t&eacute;e par Jacques Ranci&egrave;re dans un ouvrage que d&rsquo;aucuns consid&egrave;rent comme &agrave; la fois &laquo;&nbsp;enthousiaste et provocateur&nbsp;&raquo; (Cerletti, 2005&nbsp;: 81), <em>Le ma&icirc;tre ignorant. Cinq le&ccedil;ons d&rsquo;&eacute;mancipation intellectuelle</em>. La pens&eacute;e de Jacotot/Ranci&egrave;re a attir&eacute; l&rsquo;attention de nombreux chercheurs de divers horizons comme en t&eacute;moigne par exemple l&rsquo;ouvrage <em>Figures du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;: savoir et &eacute;mancipation</em> sous la direction de Marc Derycke<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a> et Michel Peroni (2010) qui r&eacute;unit des contributions de chercheurs en sciences de l&rsquo;&eacute;ducation, sociologie, philosophie, sciences politiques. Dans une moindre mesure, la didactique des langues s&rsquo;est elle aussi int&eacute;ress&eacute;e &agrave; l&rsquo;h&eacute;ritage de ce didacticien avant l&rsquo;heure qui semble ouvrir des perspectives int&eacute;ressantes et stimulantes autour d&rsquo;un apprendre&nbsp;diff&eacute;rent et &eacute;mancipateur (Susso Lopez 2003&nbsp;; Lorilleux et Castellotti 2018&nbsp;; Huver et Lorilleux 2018).</p> <p>Partageant cet enthousiasme, nous avons repris &agrave; notre compte l&rsquo;exp&eacute;rience du &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo; dans une tentative de penser le sujet en didactique des langues. Mais pourquoi partir du &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;&nbsp;? Que peuvent apporter &agrave; la didactique des langues d&rsquo;aujourd&rsquo;hui les le&ccedil;ons d&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;hier de Jacotot&nbsp;? En fait, le &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo; nous servira d&rsquo;abord de pr&eacute;alable nous permettant dans un premier temps de postuler, dans la lign&eacute;e des travaux sur les postures de l&rsquo;enseignant de Bucheton (2005, 2014), Bucheton et Soul&eacute; (2009), l&rsquo;existence d&rsquo;une &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; de l&rsquo;enseignant en classe de langue en g&eacute;n&eacute;ral et en UPE2A<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a> en particulier. &Agrave; partir de ce postulat, il s&rsquo;agira pour nous de voir en quoi cette posture favorise l&rsquo;expression du sens que les &eacute;l&egrave;ves accordent au(x) savoir(s) en langues et aux langues dans le cadre plurilingue de la classe de langue, &agrave; travers la cr&eacute;ation d&rsquo;un espace interactionnel facilitant l&rsquo;&eacute;mergence du sujet en classe de langue. Nous essaierons d&rsquo;engager par la suite une r&eacute;flexion sur les voies que la pens&eacute;e de Jacotot/Ranci&egrave;re est susceptible d&rsquo;ouvrir autour du sujet en didactique des langues. Pour ce faire, &agrave; la fa&ccedil;on de Philippe Astier (2010&nbsp;: 191), nous utiliserons l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot comme &laquo;&nbsp;analyseur&nbsp;&raquo; d&rsquo;une exp&eacute;rience inspir&eacute;e de l&rsquo;&eacute;veil aux langues afin de comprendre, avec Ranci&egrave;re (2010&nbsp;: 426-427),</p> <blockquote> <p><q>&nbsp;Comment le jeu lui-m&ecirc;me se d&eacute;roule, comment la maitrise fait appel pour que l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve puisse glisser son mot&nbsp;?&nbsp;Le probl&egrave;me n&rsquo;est pas d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;autre qui r&eacute;pond au ma&icirc;tre, le probl&egrave;me est de pouvoir mettre sa mani&egrave;re de jouer dans le jeu.</q></p> </blockquote> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous nous attacherons tout d&rsquo;abord &agrave; pr&eacute;senter le contexte dans lequel est n&eacute;e notre r&eacute;flexion, suivi d&rsquo;un gros plan sur l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot, ce qui nous permettra par la suite de postuler l&rsquo;existence, &agrave; partir de notre contexte, d&rsquo;une possible &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; de l&rsquo;enseignant. Nous continuerons avec l&rsquo;analyse d&rsquo;une s&eacute;quence inspir&eacute;e de l&rsquo;&eacute;veil aux langues, en vue de d&eacute;couvrir le sens que les &eacute;l&egrave;ves donnent au(x) savoir(s) en langues, en l&rsquo;interrogeant et en l&rsquo;interpr&eacute;tant &agrave; la lumi&egrave;re des analyses de Jacotot/Ranci&egrave;re. Cela nous permettra, en cl&ocirc;ture de cet article, d&rsquo;entamer une r&eacute;flexion sur l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, pour la didactique des langues, de r&eacute;fl&eacute;chir en termes de &laquo;&nbsp;posture&nbsp;de l&rsquo;ignorance &raquo; de l&rsquo;enseignant la probl&eacute;matique du sujet en classe de langue.&nbsp; </span></span></span></p> <h2>1. Une activit&eacute; plurilingue en UPE2A, une exp&eacute;rience jacototienne&nbsp;?</h2> <p>Les id&eacute;es d&eacute;velopp&eacute;es dans cet article sont n&eacute;es sur le terrain d&rsquo;une recherche-action-formation men&eacute;e entre 2013 et 2015 dans des &eacute;tablissements du 1er et 2d degr&eacute;s &agrave; Saint-Etienne. L&rsquo;objectif qui a r&eacute;uni les enseignants-chercheurs de l&rsquo;universit&eacute; Jean Monnet et les enseignants de fran&ccedil;ais langue seconde &eacute;tait de r&eacute;colter des pratiques enseignantes &agrave; succ&egrave;s dans l&rsquo;accueil et la valorisation du plurilinguisme en UPE2A afin d&rsquo;en faire profiter par la suite d&rsquo;autres enseignants. Le format choisi pour cela a &eacute;t&eacute; celui d&rsquo;un ouvrage paru en 2017, <em>L&rsquo;arc-en-ciel de nos langues. Jalons pour une &eacute;cole plurilingue</em> (Graci, Rispail, Totozani, 2016).</p> <p>L&rsquo;activit&eacute; sur laquelle prend appui notre r&eacute;flexion dans le cadre de cette &eacute;tude fait partie des donn&eacute;es recueillies lors de cette recherche. Elle se d&eacute;roule dans une UPE2A au sein d&rsquo;un coll&egrave;ge &agrave; Saint-Etienne qui accueille chaque ann&eacute;e un nombre important d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves consid&eacute;r&eacute;s comme allophones<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>. Inspir&eacute;e de l&rsquo;&eacute;veil aux langues et co&iuml;ncidant &agrave; ce moment-l&agrave; avec les nouveaux programmes de langues pour le coll&egrave;ge (2015) qui pr&eacute;conisaient un travail allant dans le sens de l&rsquo;&eacute;tablissement de contacts entre les langues dans le cadre d&rsquo;une &eacute;ducation linguistique globale, l&rsquo;activit&eacute; en question consistait en une ouverture aux langues de la classe par le biais d&rsquo;un conte, <em>Le Petit Chaperon Rouge</em>. L&rsquo;entr&eacute;e par ce conte a &eacute;t&eacute; choisie suite &agrave; une sortie scolaire qui avait permis aux &eacute;l&egrave;ves de prendre pr&eacute;alablement connaissance de sa version cin&eacute;matographique.&nbsp;&nbsp;</p> <p>La s&eacute;ance s&rsquo;ouvre par une tentative de l&rsquo;enseignante de prononcer le titre du conte dans l&rsquo;une des langues des &eacute;l&egrave;ves et se poursuit avec des interventions en d&rsquo;autres langues de la part des &eacute;l&egrave;ves. Mais comment l&rsquo;enseignante parvient-elle &agrave; relever le d&eacute;fi de mener une activit&eacute; susceptible de donner lieu &agrave; &laquo;&nbsp;[&hellip;] de l&rsquo;inattendu qui intervient dans le processus&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 2010&nbsp;: 427)&nbsp;? Saurait-on qualifier son exp&eacute;rience de &laquo;&nbsp;jacototienne&nbsp;&raquo;&nbsp;? Les &laquo;&nbsp;lignes de co&iuml;ncidence&nbsp;&raquo;, pour utiliser l&rsquo;expression d&rsquo;Alain Battegay (2010&nbsp;: 214), avec l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot, comme nous allons essayer de le montrer plus loin, semblent multiples.</p> <p>Du fait de l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; linguistique qui la caract&eacute;rise (Totozani et <em>al</em>. 2016), l&rsquo;UPE2A pr&eacute;sente par ailleurs un terrain propice pour une exp&eacute;rience jacototienne &agrave; travers la &laquo;&nbsp;mise en sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; du savoir et du sens qui est donn&eacute; au(x) savoir(s) qu&rsquo;elle permet. Pour d&eacute;couvrir le r&ocirc;le que peut jouer ce que nous appelons la &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; dans la perspective du sujet en classe, nous allons dans un premier temps passer en revue l&rsquo;exp&eacute;rience de Ma&icirc;tre Jacotot, avant de nous arr&ecirc;ter sur ce qui s&rsquo;est r&eacute;ellement pass&eacute; dans la classe et qui servira d&rsquo;appui &agrave; nos r&eacute;flexions conclusives.</p> <h2>2. &nbsp;Pour un &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;&nbsp;: les le&ccedil;ons de Jacotot</h2> <p>&laquo;&nbsp;Ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;oxymore fait autant sourire que r&eacute;fl&eacute;chir, tant la juxtaposition de ces deux termes semble invraisemblable. Car si l&rsquo;enseignant est commun&eacute;ment consid&eacute;r&eacute; comme quelqu&rsquo;un qui sait et dont le r&ocirc;le est de transmettre des savoirs et si &laquo;&nbsp;ignorant&nbsp;&raquo; veut dire &laquo;&nbsp;qui n&rsquo;a pas de connaissances sur quelque chose [&hellip;], qui ne conna&icirc;t pas ou tr&egrave;s peu quelque chose parce qu&rsquo;il ne l&rsquo;a pas &eacute;tudi&eacute;, pratiqu&eacute;, exp&eacute;riment&eacute;&nbsp;&raquo; (<em>CNRTL</em>), que peut enseigner/transmettre un &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;&nbsp;? Et d&rsquo;abord, est-ce possible qu&rsquo;un ma&icirc;tre soit &laquo;&nbsp;ignorant&nbsp;&raquo;&nbsp;? Un tel bouleversement dans le &laquo;&nbsp;pays de la didactique des langues&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a> d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, aurait-il ne serait-ce qu&rsquo;une infime chance de se produire&nbsp;? Pr&eacute;cisons que si la d&eacute;marche de Ranci&egrave;re semble relever davantage d&rsquo;une &laquo;&nbsp;appropriation politique&nbsp;&raquo; (Cerletti, 2005&nbsp;: 88) de l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;de Jacotot, nous l&rsquo;aborderons essentiellement dans ses implications p&eacute;dagogiques et didactiques, m&ecirc;me s&rsquo;il est difficilement envisageable de la s&eacute;parer du politique. Pour cela, l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot, telle qu&rsquo;elle est racont&eacute;e par Ranci&egrave;re (1987&nbsp;: 7-8), m&eacute;rite le d&eacute;tour&nbsp;: jeune lecteur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Louvain, Joseph Jacotot se trouve confront&eacute; &agrave; une situation inattendue&nbsp;pour lui : une partie des &eacute;tudiants qui veut profiter de ses le&ccedil;ons fortement appr&eacute;ci&eacute;es ne conna&icirc;t pas le fran&ccedil;ais. Et Jacotot ne parle pas hollandais non plus. En l&rsquo;absence d&rsquo;une langue commune, il voit en la version bilingue de <em>T&eacute;l&eacute;maque </em>le moyen de faire apprendre le fran&ccedil;ais &agrave; ses &eacute;tudiants et r&eacute;ussit ce qui en apparence semblait difficile. Enthousiasm&eacute;, il r&eacute;it&egrave;re son exp&eacute;rience dans d&rsquo;autres contextes. Quelles sont donc les le&ccedil;ons que Jacotot en a tir&eacute;es,&nbsp;susceptibles de faire r&eacute;fl&eacute;chir la didactique des langues aujourd&rsquo;hui ?</p> <h3><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.1 De l&rsquo;&laquo;&nbsp;abolition&nbsp;&raquo; du principe explicateur&hellip; </span></span></span></h3> <p>Pour Jacotot, il ne s&rsquo;agit pas de proposer aux &eacute;tudiants son savoir, puisqu&rsquo;il ne l&rsquo;a pas. &laquo;&nbsp;En toute rigueur, il ne faut m&ecirc;me pas l&rsquo;avoir&nbsp;: c&rsquo;est cela justement la possibilit&eacute; scandaleuse du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo; souligne Cerletti (2005&nbsp;: 83). C&rsquo;est ce qui am&egrave;ne Jacotot &agrave; une remise en cause d&rsquo;une pratique ancestrale et toujours en vigueur dans tout enseignement, l&rsquo;explication.</p> <p>Concr&egrave;tement, ce que Jacotot ne pouvait faire du fait de son ignorance&nbsp;linguistique, ses &eacute;tudiants l&rsquo;ont fait par eux-m&ecirc;mes avec l&rsquo;aide de la version bilingue de <em>T&eacute;l&eacute;maque </em>et en suivant la consigne consistant &agrave; r&eacute;pondre &agrave; &laquo;&nbsp;la triple question&nbsp;: que vois-tu&nbsp;? qu&rsquo;en penses-tu&nbsp;? qu&rsquo;en fais-tu&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 42). Cela correspond &agrave; trois phases de travail&nbsp;: &laquo;&nbsp;mn&eacute;monique, analyse, synth&egrave;se&nbsp;&raquo; (Suso Lopez Javier, 2003&nbsp;: 6) pendant lesquelles l&rsquo;enseignant ne doit rien expliquer, laissant l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve d&eacute;couvrir et v&eacute;rifier par lui-m&ecirc;me. Suso Lopez (<em>Ibid</em>.) met &agrave; juste titre l&rsquo;accent sur le fait que l&rsquo;apport premier de la &laquo;&nbsp;m&eacute;thode Jacotot&nbsp;&raquo; consiste en la libert&eacute; qu&rsquo;elle laisse aux &eacute;l&egrave;ves de tout d&eacute;couvrir et apprendre par eux-m&ecirc;mes. &nbsp;</p> <p>De cette fa&ccedil;on, &laquo;&nbsp;Jacotot permettait &agrave; chacun de dire ce qu&rsquo;il pensait, permettait que chacun parle, non comme ma&icirc;tre et &eacute;l&egrave;ve mais comme homme et femme&nbsp;&raquo; (Cerletti, 2005&nbsp;: 84), car &laquo;&nbsp;on peut enseigner ce qu&rsquo;on ignore si l&rsquo;on &eacute;mancipe l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve, c&rsquo;est-&agrave;-dire si on le contraint &agrave; user de sa propre intelligence&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 29).</p> <h3><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.2 &hellip; vers le principe de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des intelligences&hellip;</span></span></span></h3> <p>La d&eacute;couverte semble radicale&nbsp;: les &eacute;l&egrave;ves n&rsquo;ont pas besoin de ma&icirc;tre pour apprendre&nbsp;la langue ! Elle remet en cause la fausse &eacute;vidence du caract&egrave;re indispensable de l&rsquo;explication de la part du ma&icirc;tre pour aider les &eacute;l&egrave;ves &agrave; comprendre car il s&rsquo;agit l&agrave; de deux actes diff&eacute;rents&nbsp;: l&rsquo;explication et la compr&eacute;hension. En les dissociant, Jacotot avance la th&egrave;se de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des intelligences qu&rsquo;il consid&egrave;re non pas comme un objectif &agrave; atteindre mais comme un pr&eacute;alable (Cerletti, 2005&nbsp;: 85). &laquo;&nbsp;Il s&rsquo;agirait de permettre &agrave; chacun d&rsquo;exercer &eacute;galement son intelligence. Intelligence qui permet l&rsquo;inscription du savoir dans l&rsquo;histoire, dans l&rsquo;exp&eacute;rience, dans un r&eacute;seau de sens propre &agrave; chacun&nbsp;&raquo; (Lorilleux et Castellotti, 2018&nbsp;: 22). &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>Quant aux outils dont dispose l&rsquo;intelligence pour permettre la compr&eacute;hension en langue &eacute;trang&egrave;re, en mettant l&rsquo;accent sur la comparaison, Jacotot et Ranci&egrave;re distinguent plusieurs op&eacute;rations&nbsp;: &laquo;&nbsp;partout il s&rsquo;agit d&rsquo;observer, de comparer, de combiner, de faire et de remarquer comment l&rsquo;on a fait&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 64). Ne serait-on pas sur la voie de ce que certains appellent les comp&eacute;tences plurilingues, faites de comparaisons et de passages&nbsp;?</p> <p>Il est &agrave; souligner enfin que l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des intelligences doit &ecirc;tre comprise dans un faisceau d&rsquo;&eacute;galit&eacute;s &laquo;&nbsp;articul&eacute;es selon une relation d&rsquo;ordre&nbsp;: l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des &ecirc;tres parlants qui implique l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des intelligences, laquelle implique l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des volont&eacute;s&nbsp;&raquo; (Derycke, dans ce volume).&nbsp;&nbsp;</p> <h3><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2.3 &hellip; pour ouvrir la voie &agrave; l&rsquo;&eacute;mancipation</span></span></span></h3> <p>Saurait-on penser par cons&eacute;quent que le ma&icirc;tre serait inutile&nbsp;? Et &agrave; partir de l&agrave;, en d&eacute;veloppant&nbsp;ce raisonnement &agrave; un niveau politique et institutionnel, peut-on d&eacute;duire que &laquo;&nbsp;Cette condition de r&eacute;unir l&rsquo;enseignement et l&rsquo;&eacute;mancipation dans une m&ecirc;me singularit&eacute; &ndash; la construction de son propre chemin &ndash; entra&icirc;ne une cons&eacute;quence&nbsp;: l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;institutionnaliser la m&eacute;thode Jacotot &raquo;&nbsp;(Cerletti, 2005&nbsp;: 84) ? Ce questionnement rejoint celui de Lorilleux et Castellotti qui &eacute;mettent en m&ecirc;me temps des r&eacute;serves concernant les capacit&eacute;s de l&rsquo;&eacute;cole fran&ccedil;aise d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;ellement &eacute;mancipatrice alors que &laquo;&nbsp;son existence m&ecirc;me en tant qu&rsquo;institution d&rsquo;&Eacute;tat a pour effet, principalement, une rationalisation et une d&eacute;personnalisation du savoir&nbsp;&raquo; (2018&nbsp;: 24). De ce point de vue, m&ecirc;me si la r&eacute;flexion de Jacotot/Ranci&egrave;re para&icirc;t stimulante et prometteuse, on ne s&rsquo;&eacute;tonne pas qu&rsquo;elle ait eu peu d&rsquo;&eacute;chos dans le domaine &eacute;ducatif.</p> <p>Or, dans notre article, nous avons choisi de nous situer &agrave; un autre niveau et d&rsquo;aborder l&rsquo;exp&eacute;rience de Jacotot d&rsquo;un autre point de vue qui rejoint la proposition que Ranci&egrave;re &eacute;met dans &laquo;&nbsp;Choses (re)dites&nbsp;&raquo; (2010&nbsp;: 420)&nbsp;une trentaine d&rsquo;ann&eacute;es apr&egrave;s la publication du <em>Ma&icirc;tre ignorant</em> : &laquo; Il faut&nbsp;situer cette probl&eacute;matique de l&rsquo;&eacute;mancipation &agrave; &eacute;gale distance de la position d&eacute;senchant&eacute;e et de &#39;&#39;la bonne solution&#39;&#39; &raquo; (2010&nbsp;: 420). Le (re)positionnement de Ranci&egrave;re promet des ouvertures qui, dans notre cas, permettent de penser en termes d&rsquo;avantages la &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; du ma&icirc;tre et son r&ocirc;le dans l&rsquo;expression des subjectivit&eacute;s en classe de langues.</p> <p>L&rsquo;&eacute;mancipation est directement li&eacute;e au postulat de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; des &ecirc;tres humains et des intelligences. Que devient l&rsquo;enseignant, quel r&ocirc;le joue-t-il dans une perspective &eacute;mancipatrice&nbsp;? Pour Ranci&egrave;re, &laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est [&hellip;] pas le proc&eacute;d&eacute;, la marche, la mani&egrave;re qui &eacute;mancipe ou abrutit, c&rsquo;est le principe&nbsp;&raquo;, car &laquo;&nbsp;Pour &eacute;manciper un ignorant, il faut et il suffit d&rsquo;&ecirc;tre soi-m&ecirc;me &eacute;mancip&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire conscient du v&eacute;ritable pouvoir de l&rsquo;esprit humain&nbsp;&raquo; (1987&nbsp;: 29). En didactique des langues, cela se traduirait par une ouverture aux exp&eacute;riences humaines des &eacute;l&egrave;ves allophones et une &laquo;&nbsp;repersonnalisation&nbsp;&raquo; de ce savoir (Lorilleux, Castellotti, 2018&nbsp;: 25) que l&rsquo;&eacute;cole a d&eacute;personnalis&eacute;. C&rsquo;est ce que j&rsquo;essaierai de montrer ci-apr&egrave;s &agrave; travers l&rsquo;analyse de la s&eacute;quence d&rsquo;&eacute;veil aux langues pr&eacute;sent&eacute;e plus haut.&nbsp;</p> <h2>3. R&eacute;veiller l&rsquo;enfant dans l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve&nbsp;: r&eacute;flexions jacototiennes&nbsp;en terrain d&rsquo;&eacute;veil aux langues</h2> <h3><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.1 </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Quelques pr&eacute;alables th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques </span></span></span></h3> <p>La langue occupe une place importante chez Jacotot. Toute sa r&eacute;flexion autour du ma&icirc;tre ignorant commence et se construit &agrave; partir d&rsquo;une exp&eacute;rience d&rsquo;enseignement <em>de/en lien avec</em> la langue. Dans notre cas, il s&rsquo;agit de savoir comment le(s) rapport(s) au(x) savoir(s) en langues, se manifeste(nt) &agrave; travers les interactions d&eacute;ploy&eacute;es lors de l&rsquo;activit&eacute; inspir&eacute;e de l&rsquo;&eacute;veil aux langues propos&eacute;e par l&rsquo;enseignante. Cela pr&eacute;suppose d&rsquo;abord une mise au point quant &agrave; ce que nous entendons par la notion de &laquo;&nbsp;rapport(s) au(x) savoir(s) &raquo;. En nous situant dans la perspective du sujet (de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve comme de l&rsquo;enseignant), nous allons consid&eacute;rer le rapport au(x) savoir(s) en langue(s) comme une &laquo;&nbsp;relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits de savoir&nbsp;&raquo; (Charlot et <em>al</em>. 1992, dans Charlot 1992&nbsp;: 122). Nous partageons avec d&rsquo;autres chercheurs l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il y a une diff&eacute;rence entre le singulier &laquo;&nbsp;savoir&nbsp;&raquo; et le pluriel &laquo;&nbsp;savoirs&nbsp;&raquo;, pourtant pr&eacute;sents tous les deux dans la notion en question. Le premier est utilis&eacute; comme g&eacute;n&eacute;rique, pour d&eacute;signer le savoir en g&eacute;n&eacute;ral, alors que le second met l&rsquo;accent sur le particulier (Therriault et <em>al</em>. 2017&nbsp;: 7). Le maintien des parenth&egrave;ses offre ainsi la possibilit&eacute; de prendre en compte les deux &laquo;&nbsp;types&nbsp;&raquo; de savoirs d&eacute;sign&eacute;s par le singulier et le pluriel.</p> <p>Permettant de comprendre &laquo;&nbsp;quel sens pr&eacute;sente pour l&rsquo;enfant le fait d&rsquo;aller &agrave; l&rsquo;&eacute;cole et d&rsquo;y apprendre des choses, qu&rsquo;est-ce qui le mobilise dans le champ scolaire, qu&rsquo;est-ce qui l&rsquo;incite &agrave; travailler &agrave; l&rsquo;&eacute;cole&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Charlot, 1992&nbsp;: 122), le rapport au(x) savoir(s) de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve a donn&eacute; lieu &agrave; de nombreuses &eacute;tudes. Quant aux recherches sur le rapport au(x) savoir(s) de l&rsquo;enseignant d&eacute;velopp&eacute;es par la suite, elles ont permis &laquo;&nbsp;d&rsquo;observer son influence sur les pratiques, d&rsquo;en d&eacute;celer certaines tensions et d&rsquo;&eacute;clairer les diff&eacute;rentes facettes de leur d&eacute;veloppement professionnel&nbsp;&raquo; (Therriault et <em>al</em>. 2017&nbsp;: 11). Or, ce qui nous int&eacute;resse dans cette &eacute;tude est ce qui se passe entre l&rsquo;enseignant et l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve afin d&rsquo;&laquo; explorer davantage la dialectique qui se joue entre le rapport au(x) savoir(s) de l&rsquo;enseignant et le rapport au(x) savoir(s) de l&rsquo;apprenant en termes d&rsquo;influences r&eacute;ciproques&nbsp;&raquo; (Therriault et <em>al</em>. 2017&nbsp;: 8), notamment dans le cas du &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;.</p> <p>Comme nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; dit, le &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo; servira ici d&rsquo;analyseur. Mais quels sont les &laquo;&nbsp;mat&eacute;riaux&nbsp;&raquo; sur lesquels s&rsquo;appuiera notre analyse&nbsp;? Comment &laquo;&nbsp;saisir&nbsp;&raquo; le sens que les &eacute;l&egrave;ves donnent &agrave; leurs langues et &agrave; leurs savoirs en langues&nbsp;? Pour essayer d&rsquo;y r&eacute;pondre, nous avons effectu&eacute; une analyse qualitative des interactions enregistr&eacute;es au cours de l&rsquo;activit&eacute; d&rsquo;&eacute;veil aux langues pr&eacute;sent&eacute;e ci-dessus. Nous avons op&eacute;r&eacute; en deux temps&nbsp;:</p> <p>- pour comprendre la &laquo;&nbsp;circulation du rapport au(x) savoir(s) entre l&rsquo;enseignant et l&rsquo;apprenant&nbsp;&raquo; (Therriault et <em>al</em>. 2017, 7), &agrave; la mani&egrave;re de Val&eacute;rie Vincent et Olivier Maulini (2017&nbsp;: 24), nous avons abord&eacute; ce rapport &laquo;&nbsp;<em>par </em>et <em>dans </em>la conduite des interactions&nbsp;&raquo; autour de deux axes, le premier&nbsp;consistant &agrave; extraire &laquo;&nbsp;les th&egrave;mes abord&eacute;s et les savoirs formul&eacute;s&nbsp;&raquo;, ce qui correspond aux produits de savoir, le second &eacute;tant &laquo;&nbsp;celui des sch&egrave;mes et des sch&eacute;mas (s&eacute;quences r&eacute;p&eacute;t&eacute;es de sch&egrave;mes) de formulation de ces th&egrave;mes et de ces savoirs&nbsp;&raquo;, ce qui permet de comprendre les processus&nbsp;;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>- nous avons exploit&eacute; &eacute;galement les traces de l&rsquo;activit&eacute; m&eacute;ta/&eacute;pilinguistique qui permettent d&rsquo;expliciter le rapport sujet/langue &laquo;&nbsp;puisque&nbsp;&lsquo;&lsquo;l&rsquo;activit&eacute; m&eacute;talinguistique&rsquo;&rsquo; &ndash; qu&rsquo;elle soit de type &lsquo;&lsquo;m&eacute;ta&rsquo;&rsquo; ou &lsquo;&lsquo;&eacute;pi&rsquo;&rsquo; - est constitutive de l&rsquo;activit&eacute; langagi&egrave;re, con&ccedil;ue comme activit&eacute; de production et d&rsquo;interpr&eacute;tation des &eacute;nonc&eacute;s&nbsp;&raquo; (Boutet, Gauthier, Saint-Pierre, 1983&nbsp;: 214, dans Canut, 1998&nbsp;: 75). Ces traces ne se traduisent &laquo;&nbsp;toutefois pas forc&eacute;ment par des &lsquo;&lsquo;mises en mots&rsquo;&rsquo;, mais aussi par des gestes, des mimiques, etc., voire du &lsquo;&lsquo;non-dit&rsquo;&rsquo;.&nbsp;&raquo; (Canut, 1998&nbsp;: 71).&nbsp;</p> <p>Pour l&rsquo;interpr&eacute;tation des donn&eacute;es r&eacute;colt&eacute;es, un va-et-vient avec les r&eacute;flexions de Jacotot/Ranci&egrave;re a &eacute;t&eacute; institu&eacute; tout au long des analyses.&nbsp;</p> <h3>3.2 Les deux ignorances</h3> <h4>3.2.1 L&rsquo;ignorance de la langue</h4> <blockquote> <p><q>1 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; alors aujourd&rsquo;hui on va faire quelque chose de DIff&eacute;rent / pas comme hier pas comme les autres fois / je vais d&rsquo;abord commencer par vous dire des mots / et vous allez me dire si vous reconnaissez XXX ces mots / et apr&egrave;s / on va / on va XXX il faut que je cache &ccedil;a / sinon / sinon je vais d&eacute;voiler la / [&hellip;] alors / si je vous dis / (AAA)</q></p> <p><q>2 Af1&nbsp;&nbsp; (AA) (r&eacute;p&egrave;te le mot prononc&eacute; par l&rsquo;enseignante)</q></p> <p><q>3 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA)</q></p> <p><q>4 Af1&nbsp;&nbsp; (AA) (r&eacute;p&egrave;te le mot prononc&eacute; par l&rsquo;enseignante)</q></p> <p><q>5 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; vous me comprenez&nbsp;?</q></p> <p><q>6 Af1&nbsp;&nbsp; oui</q></p> <p><q>7 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui&nbsp;? (rires) qu&rsquo;est-ce que j&rsquo;ai dit&nbsp;? </q></p> <p><q>8 Af1&nbsp;&nbsp; (AAAA) euh&nbsp;:</q></p> <p><q>9 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui oui</q></p> </blockquote> <p>D&egrave;s le d&eacute;but, la s&eacute;ance semble sortir des sentiers battus&nbsp;: aussit&ocirc;t qu&rsquo;elle situe rapidement son th&egrave;me en rupture avec les s&eacute;ances pr&eacute;c&eacute;dentes sans cependant le r&eacute;v&eacute;ler, l&rsquo;enseignante commence par une immersion imm&eacute;diate dans l&rsquo;activit&eacute; qu&rsquo;elle propose. Elle tente de prononcer le titre du conte dans l&rsquo;une des langues des &eacute;l&egrave;ves, ce qui est suivi par les r&eacute;actions de ces derniers qui se prennent au jeu et essaient d&rsquo;en enseigner &agrave; leur enseignante la prononciation correcte. D&rsquo;entr&eacute;e de jeu, on peut poser que l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;enseignante pr&eacute;sente beaucoup de similarit&eacute;s avec celle de Jacotot en 1818&nbsp;: que peut enseigner aux &eacute;l&egrave;ves dans leurs langues une enseignante qui ne conna&icirc;t pas&nbsp;ces langues ?</p> <p>L&rsquo;activit&eacute; plurilingue autour du conte <em>Le Petit Chaperon Rouge</em> propos&eacute;e par l&rsquo;enseignante a pour but de mettre en honneur les langues de la classe, mais son th&egrave;me se d&eacute;voilera progressivement &agrave; travers les &eacute;changes entre l&rsquo;enseignante et les &eacute;l&egrave;ves. Il fera l&rsquo;objet d&rsquo;explicitations successives &agrave; cinq moments &eacute;tal&eacute;s sur la premi&egrave;re moiti&eacute; de la dur&eacute;e totale de l&rsquo;activit&eacute; (55 minutes). L&rsquo;enseignante am&egrave;ne ainsi ses &eacute;l&egrave;ves &agrave; proc&eacute;der par d&eacute;couvertes&nbsp;: d&rsquo;abord du conte, &eacute;cout&eacute; dans son int&eacute;gralit&eacute; en diff&eacute;rentes langues, ensuite du titre, de la premi&egrave;re&nbsp;phrase et d&rsquo;autres moments pr&eacute;cis du conte &agrave; travers un travail plus fin de comparaison dans les langues de la classe. En fait, &laquo;&nbsp;l&rsquo;art de l&rsquo;examinateur ignorant est de &lsquo;&lsquo;ramener l&rsquo;examin&eacute; &agrave; des objets mat&eacute;riels, &agrave; des phrases, &agrave; des mots &eacute;crits dans un livre, &agrave; une chose qu&rsquo;il puisse v&eacute;rifier avec les sens&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo; (Jacotot, 1835-1836, dans Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 57).</p> <p>Les savoirs particuliers sont dus &agrave; un investissement et &agrave; un partage, de la part des &eacute;l&egrave;ves allophones, de leurs langues et de leurs histoires de langues. Il en est ainsi de la volont&eacute; de partager sa fiert&eacute; et en m&ecirc;me temps d&rsquo;exprimer ses craintes&nbsp;par rapport &agrave; sa/ses langue(s) :</p> <blockquote> <p><q>506 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est vrai que les G&eacute;orgiens ont un bon niveau d&rsquo;anglais (&eacute;changes au fond) tu continues l&rsquo;anglais&nbsp;? tu suis tu suis des cours d&rsquo;anglais&nbsp;l&agrave; ? tu as trois heures d&rsquo;anglais par semaine</q></p> </blockquote> <blockquote> <p><q>507 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; avant elle a quatre-vingt / euh / douze heures AAA</q></p> <p><q>508 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; du coup &ccedil;a te/ &ccedil;a suffit pas&nbsp;? tu trouves que tu as perdu en anglais&nbsp;? </q></p> <p><q>509 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; il y a douze ans</q></p> <p><q>510 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Georgie maintenant y vont &ecirc;tre euh/ l&agrave; ce que j&rsquo;apprends l&rsquo;anglais aujourd&rsquo;hui j&rsquo;avais d&eacute;j&agrave; appris</q></p> </blockquote> <p>Par ailleurs, la connaissance du genre se trouve enrichie par la mise en commun de diff&eacute;rentes variantes nationales du conte. C&rsquo;est ce qui appara&icirc;t dans l&rsquo;exemple qui suit o&ugrave; l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve insiste sur le contenu du panier de la grand-m&egrave;re du <em>Petit Chaperon Rouge</em>&nbsp;dans la variante de son pays :</p> <blockquote> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;<q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 223 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; comment tu pourrais comment tu pourrais dire en fran&ccedil;ais </q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 224 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; euh chais pas comment on dit en France on fait pas les AAA </q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 225 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on fait pas et voil&agrave; / alors / &ccedil;a se mange / &ccedil;a se mange&nbsp;? </q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 226 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &ccedil;a se mange oui (rires)</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 227 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est comme un g&acirc;teau&nbsp;?</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 228 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; non</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 229 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; est-ce que c&rsquo;est sucr&eacute; ou est-ce que c&rsquo;est sal&eacute;&nbsp;?</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 230 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; sal&eacute;</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 231 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est sal&eacute;&nbsp;?</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; 232 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; mais c&rsquo;est la m&ecirc;me p&acirc;te qu&rsquo;on</q></p> </blockquote> <p>Notons que, dans cet &eacute;change, l&rsquo;enseignante pose de vraies questions. Cela n&rsquo;est pas sans rappeler l&rsquo;exp&eacute;rience du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Enseigner ce qu&rsquo;on ignore, c&rsquo;est tout simplement questionner sur tout ce qu&rsquo;on ignore&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 27).</p> <p>L&rsquo;activit&eacute; plurilingue devient en m&ecirc;me temps le lieu o&ugrave; s&rsquo;explicitent les relations entre les langues comme dans l&rsquo;exemple suivant&nbsp;:&nbsp;&nbsp;</p> <blockquote> <p><q>461 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; scuficha roche alors en italien c&rsquo;est joli c&rsquo;est cappuccetto rosso</q></p> <p><q>462 E2 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; cappuccetto rosso</q></p> <p><q>463 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; cappuccetto rosso</q></p> <p><q>464 E2 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; cappuccetto rosso ouaih</q></p> </blockquote> <blockquote> <p><q>465 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; en bulgare c&rsquo;est červenata sapi sapcica sapcica et en portugais c&rsquo;est capuchinho vermelho </q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>468 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on retrouve apr&egrave;s dans les langues latines / en tout cas c&rsquo;est parlant.</q></p> </blockquote> <p>N&rsquo;est-ce pas ce que ma&icirc;tre Jacotot appelait de ses v&oelig;ux lorsqu&rsquo;il s&rsquo;exclamait&nbsp;: &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;ils apprennent ainsi en jouant plusieurs langues &agrave; la fois, les rapportant toutes &agrave; celle dont ils savent l&rsquo;<em>Epitome</em> par c&oelig;ur&nbsp;&raquo;&nbsp;? (Jacotot, 1824&nbsp;: 75).</p> <h4 style="text-align: justify; text-indent: -36pt; margin-left: 48px;"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.2.2 </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;&nbsp;Accompagner sans savoir o&ugrave;&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">[5]</span></span></span></span></a> </span></span></span></h4> <p>Avec Ranci&egrave;re (2010&nbsp;: 409), il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;carter le faire semblant.&nbsp;Un ma&icirc;tre ignorant c&rsquo;est &laquo;&nbsp;celui qui r&eacute;ellement ignore quelque chose, se trouve en d&eacute;faut dans sa ma&icirc;trise m&ecirc;me ce qui ne l&rsquo;emp&ecirc;che pas finalement d&rsquo;exercer une fonction&nbsp;&raquo;. En ce sens, l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;&eacute;veil aux langues, permet d&rsquo;instaurer dans les interactions une horizontalit&eacute; qui d&eacute;coule de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; pr&eacute;suppos&eacute;e entre l&rsquo;enseignante et les &eacute;l&egrave;ves. &laquo;&nbsp;La fonction du ma&icirc;tre sera celle de poser &agrave; l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve un d&eacute;fi qu&rsquo;il rel&egrave;verait tout seul. Il s&rsquo;agira de l&rsquo;interroger comme entre &eacute;gaux, et non comme un connaisseur qui sait d&eacute;j&agrave; toutes les r&eacute;ponses en s&rsquo;adressant &agrave; l&rsquo;ignorant. [&hellip;] La parole circule parmi tous et non pas dans une seule direction&nbsp;&raquo; (Cerletti, 2005&nbsp;: 83). C&rsquo;est ce qui permet aux histoires singuli&egrave;res de venir se poser en classe.</p> <p>Le jeu de vraies questions de la part de l&rsquo;enseignante qui sollicite l&rsquo;expertise de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve conf&egrave;re de l&rsquo;authenticit&eacute; aux interactions et d&eacute;voile en m&ecirc;me temps le sch&eacute;ma interactif de la construction du savoir. C&rsquo;est ce qui se passe lorsque l&rsquo;enseignante essaie de prononcer le titre du conte en russe&nbsp;et se fait corriger par l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve :</p> <blockquote> <p><q>&nbsp;288 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; je sais pas comment le dire</q></p> <p><q>&nbsp;289 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est pas grave</q></p> <p><q>290 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; il &eacute;tait une fois une petite fille</q></p> <p><q>291 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; allez / vas-y / mais dis-le / dis-le en russe</q></p> <p><q>292 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; AAA (parle en russe)</q></p> <p><q>&nbsp;293 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (r&eacute;p&egrave;te en russe) petit chaperon rouge (r&eacute;p&egrave;te en russe)</q></p> <p><q>294 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (corrige la prononciation)</q></p> </blockquote> <p>L&rsquo;originalit&eacute; de la d&eacute;marche du ma&icirc;tre ignorant consiste justement en ceci&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;ignorant peut tout demander, et seulement ses questions seront, pour le voyageur au pays des signes, de vraies questions contraignant l&rsquo;exercice autonome de son intelligence&nbsp;&raquo; (Ranci&egrave;re, 1987&nbsp;: 53). Mais elle appara&icirc;t aussi dans l&rsquo;absence de tout contr&ocirc;le des connaissances. Car que peut v&eacute;rifier un ma&icirc;tre qui ne conna&icirc;t pas les langues de ses &eacute;l&egrave;ves&nbsp;? C&rsquo;est ce qu&rsquo;il ressort de l&rsquo;&eacute;change qui suit&nbsp;:</p> <blockquote> <p><q>448 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ah moi arm&eacute;nien je suis trop fort</q></p> <p><q>449 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; j&rsquo;ai &eacute;crit tout juste</q></p> <p><q>450 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; en tout cas, je peux vous dire qu&rsquo;il n&rsquo;y aura pas de contr&ocirc;le / hein / y aura pas de test</q></p> <p><q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;(rires)</q></p> </blockquote> <blockquote> <p><q>451 E2 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on pourra pas corriger</q></p> <p><q>452 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on va pas corriger</q></p> <p><q>&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;(rires)</q></p> </blockquote> <p>Cela para&icirc;t logique, compte tenu du fait que l&rsquo;enseignante ignore les langues de ses &eacute;l&egrave;ves. C&rsquo;est ce qui explique son &eacute;tonnement naturel lorsqu&rsquo;elle essaie de se renseigner sur des &eacute;l&eacute;ments du conte dans l&rsquo;une des langues de la classe&nbsp;:</p> <blockquote> <p><q>213 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;tu as oubli&eacute;&nbsp;? et ben les autres qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;elle apporte / qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;elle apporte &agrave; sa grand-m&egrave;re&nbsp;? &nbsp;</q></p> <p><q>214 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; AAA</q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>218 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; mais non / c&rsquo;est pas &ccedil;a c&rsquo;est pas &ccedil;a</q></p> <p><q>219 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ah bon&nbsp;? </q></p> </blockquote> <p>Le seul contr&ocirc;le qu&rsquo;exerce le ma&icirc;tre ignorant est celui de la volont&eacute;&nbsp;de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve comme cela appara&icirc;t &agrave; travers le rappel de la consigne de l&rsquo;activit&eacute;&nbsp;de la part de l&rsquo;enseignante dans l&rsquo;&eacute;change ci-dessous :&nbsp;</p> <blockquote> <p><q>322 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; [&hellip;] on va tous &eacute;crire la premi&egrave;re phrase /apr&egrave;s / on fera par toute la&nbsp;: on va pas on va pas tout faire mais on a la premi&egrave;re phrase&nbsp;/ tu &eacute;cris au fond&nbsp;? ben en arm&eacute;nien </q></p> <p><q>323 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; et &ccedil;a sert &agrave; quoi&nbsp;? </q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>326 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; [&hellip;] &ccedil;a sert &agrave; quoi&nbsp;? ce qu&rsquo;on fait l&agrave;&nbsp;? Eum&nbsp;: &ccedil;a sert &agrave; &eacute;changer, tu vois&nbsp;? &agrave; voir d&rsquo;autres langues / et &agrave; regarder comment les langues / euh&nbsp;: comment on peut trouver tu vois des points communs entre les langues et puis &agrave; partager / nos diff&eacute;rentes langues tu vois&nbsp;?&nbsp;</q>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> </blockquote> <p>Le sch&eacute;ma ternaire &laquo;&nbsp;classique&nbsp;&raquo;&nbsp;: interrogation de l&rsquo;enseignant &ndash; r&eacute;ponses des apprenants &ndash; feed-back de la part de l&rsquo;enseignant ne semble pas possible dans le cas en question. En effet, du fait de son ignorance, l&rsquo;enseignante n&rsquo;est pas en mesure d&rsquo;assurer la phase du feed-back. Le sch&eacute;ma de construction du savoir est alors transform&eacute; en un va-et-vient permanent de questions-r&eacute;ponses entre enseignant et &eacute;l&egrave;ve et vice-versa.</p> <p>Ce va-et-vient se refl&egrave;te jusque dans la n&eacute;gociation des modalit&eacute;s de travail&nbsp;qui am&egrave;nent l&rsquo;enseignante &agrave; revoir son ambition initiale de travailler le conte en entier :</p> <blockquote> <p><q>243 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; je cherche comment on va continuer (rires) / on a &eacute;crit premier / on &eacute;crit le premier / alors en quelle langue&nbsp;? </q></p> <p><q>244 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; XXX c&rsquo;est long &agrave; &eacute;crire</q></p> <p><q>245 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; alors est-ce qu&rsquo;on fait est-ce qu&rsquo;on fait un tableau&nbsp;? </q></p> <p><q>246 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on peut faire m&ecirc;me comme &ccedil;a oui j&rsquo;ai &eacute;crit AAA expliqu&eacute; AAA</q></p> <p><q>247 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; est-ce qu&rsquo;on &eacute;crit tout / parce que &ccedil;a va prendre du temps / hein&nbsp;?&nbsp; </q></p> <p><q>248 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on &eacute;crit la moiti&eacute;</q></p> <p><q>249 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; on &eacute;crit la moiti&eacute; / peut-&ecirc;tre la premi&egrave;re phrase&nbsp;? </q></p> <p><q>250 E2&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui la premi&egrave;re / oui oui</q></p> <p><q>250 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; il &eacute;tait une fois</q></p> <p><q>252 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;il &eacute;tait une fois / allez-y / tu veux l&rsquo;&eacute;crire&nbsp;? allez vas-y et apr&egrave;s alors / on va dire / c&rsquo;est en quelle langue&nbsp;?</q></p> </blockquote> <h3 style="text-align: justify; text-indent: -18pt; margin-left: 48px;"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.3 </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Faire &eacute;merger les rapports aux langues </span></span></span></h3> <p>Lors de la construction du rapport au(x) savoir(s) en classe, les interactions entre l&rsquo;enseignante et ses &eacute;l&egrave;ves deviennent le th&eacute;&acirc;tre o&ugrave; viennent se greffer des consid&eacute;rations individuelles sur les langues qui permettent de rep&eacute;rer le sens donn&eacute; aux langues, ses propres langues, mais aussi celles des autres. Ces consid&eacute;rations se mat&eacute;rialisent dans des marques que l&rsquo;activit&eacute; &eacute;pilinguistique laisse dans les discours. En prenant appui sur la typologie des marques de C&eacute;cile Canut (1998&nbsp;: 78), nous nous pencherons, dans cette derni&egrave;re partie, sur les &laquo;&nbsp;positionnements &eacute;pilinguistiques du sujet&nbsp;&raquo; (Canut, 1998&nbsp;: 79) qui refl&egrave;tent notamment le rapport entre le sujet, les &eacute;l&egrave;ves ou l&rsquo;enseignante, et la/les langue(s).&nbsp;</p> <p>Les commentaires sur les langues que nous avons rep&eacute;r&eacute;s dans les interactions sont le plus souvent des commentaires de hi&eacute;rarchisation et de prescription, dans une moindre mesure d&rsquo;&eacute;valuation et seulement dans un seul cas de cat&eacute;gorisation. Il serait int&eacute;ressant aussi d&rsquo;&eacute;tudier ces commentaires en fonction de la personne &agrave; laquelle elles s&rsquo;adressent.</p> <p>En prenant le risque de l&rsquo;ignorance, ce qui est susceptible de traduire son positionnement p&eacute;dagogique aussi, l&rsquo;enseignante s&rsquo;expose &agrave; des commentaires de hi&eacute;rarchisation et de prescription de la part de ses &eacute;l&egrave;ves. Le plus souvent ces commentaires sont de nature non-verbale, tel le rire, omnipr&eacute;sent. Mais les commentaires d&rsquo;auto-&eacute;valuation de nature verbale de l&rsquo;enseignante quand elle s&rsquo;essaye aux langues de ses &eacute;l&egrave;ves sont tr&egrave;s nombreux aussi. L&rsquo;exemple qui suit contient les deux&nbsp;marques en question :</p> <blockquote> <p><q>5 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; vous me comprenez&nbsp;?</q></p> <p><q>6 Af1&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui</q></p> <p><q>7 E&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui&nbsp;? (rires) qu&rsquo;est-ce que j&rsquo;ai dit&nbsp;? </q></p> </blockquote> <blockquote> <p><q>[&hellip;]</q></p> </blockquote> <blockquote> <p><q>11 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; j&rsquo;ai essay- (AA) oui&nbsp;? (r&eacute;p&egrave;te le mot prononc&eacute; par Am1) oui oui c&rsquo;est &ccedil;a / et quelle couleur (AA)</q></p> <p><q>12 Af1 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; rouge</q></p> <p><q>13 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui / c&rsquo;est quel mot qui dit rouge&nbsp;? (AA)&nbsp;?</q></p> <p><q>14 Am1 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA)</q></p> <p><q>15 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA) c&rsquo;est rouge&nbsp;?</q></p> <p><q>16 Am1 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA) (r&eacute;p&egrave;te en &ldquo;corrigeant&rdquo;)</q></p> <p><q>17 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui je prononce peut-&ecirc;tre pas bien (rires) pas tr&egrave;s bien rouge et (AA)</q></p> <p><q>18 Am1 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA) (rires)</q></p> <p><q>19 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; (AA) &ccedil;a veut dire le petit chapeau&nbsp;?</q></p> <p><q>20 As &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; mmh</q></p> <p><q>21 Am1 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est &ccedil;a.</q></p> </blockquote> <p>Ce passage, qui se situe au d&eacute;but de la s&eacute;ance, fait la part belle aux rires de natures diff&eacute;rentes en fonction de leur provenance et de leur destinataire. Ainsi, du fait de son &laquo;&nbsp;ignorance&nbsp;&raquo;, l&rsquo;enseignante accompagne souvent ses propos de rires face aux &eacute;l&egrave;ves-experts. Lorsque le rire vient des &eacute;l&egrave;ves, ici comme &agrave; d&rsquo;autres endroits dans le texte, il pourrait s&rsquo;expliquer par la perception d&rsquo;un &eacute;cart &agrave; la norme des productions de leur enseignante ou par la situation inhabituelle et inattendue de voir leur enseignante faire appel &agrave; leur expertise.</p> <p>Mais souvent on assiste &agrave; une remise en cause de la norme aussi, fait qui semble se justifier par la rencontre des ignorances dans la classe. Cela conduit l&rsquo;enseignante &agrave; d&eacute;sacraliser cette norme devant ses &eacute;l&egrave;ves comme lorsqu&rsquo;elle invite toute la classe &agrave; &eacute;crire en russe&nbsp;le titre du conte&nbsp;:</p> <blockquote> <p><q>254 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; allez russe&nbsp;? ok on &eacute;crit tous en russe // on va essayer d&rsquo;&eacute;crire si c&rsquo;est pas tr&egrave;s juste c&rsquo;est pas grave </q></p> </blockquote> <p>On rejoint sur ce point l&rsquo;interpr&eacute;tation de Marc Derycke selon lequel &laquo;&nbsp;dans l&rsquo;all&eacute;gresse du jeu, il n&rsquo;y a pas &agrave; craindre l&rsquo;erreur car ce danger guette m&ecirc;me les sp&eacute;cialistes les plus s&eacute;rieux&nbsp;: &lsquo;&lsquo;on peut <em>se tromper</em> sur l&rsquo;analyse&nbsp;: c&rsquo;est ce qui arrive tous les jours aux &eacute;tymologistes&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo; (Jacotot, 1823&nbsp;: 7, cit&eacute; par Derycke dans ce volume).&nbsp;</p> <p>Quant aux commentaires de constat et/ou d&rsquo;&eacute;valuation, ils se traduisent souvent par des consid&eacute;rations concernant le degr&eacute; de facilit&eacute;/difficult&eacute;&nbsp;provenant des comparaisons entre les langues o&ugrave; le politique ne semble pas bien loin :</p> <blockquote> <p><q>140 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; alors on commence en russe</q></p> <p><q>141 E2 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ou en tch&eacute;ch&egrave;ne</q></p> <p><q>142 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ou en tch&eacute;ch&egrave;ne</q></p> <p><q>143 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; non russe russe c&rsquo;est plus facile</q></p> <p><q>144 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; [&hellip;] c&rsquo;est plus facile en russe&nbsp;? </q></p> <p><q>145 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ouais </q></p> <p><q>146 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; plus facile que tch&eacute;tch&egrave;ne</q></p> <p><q>147 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Tch&eacute;tch&eacute;nie c&rsquo;est AAA en Russie AAA</q></p> <p><q>148 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ah c&rsquo;est marrant &ccedil;a / c&rsquo;est marrant c&rsquo;est plus c&rsquo;est plus</q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>159 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; en russe c&rsquo;est plus facile &agrave; &eacute;crire que tch&eacute;tch&egrave;ne parce que </q></p> </blockquote> <p>Parfois, la d&eacute;couverte d&rsquo;un nouveau monde de sons ou de nouvelles formes d&rsquo;&eacute;criture pr&eacute;vaut sur la compr&eacute;hension du sens :</p> <blockquote> <p><q>E et apr&egrave;s on va continuer / hein&nbsp;? / j&rsquo;ai moins compris de choses (rires) / d&rsquo;accord / mais c&rsquo;est beau c&rsquo;est tr&egrave;s joli quand je t&rsquo;entends parler.</q></p> </blockquote> <p>Pour les &eacute;l&egrave;ves, l&rsquo;activit&eacute; devient en m&ecirc;me temps le lieu o&ugrave; s&rsquo;exprime leur rapport aux langues premi&egrave;res&nbsp;:</p> <blockquote> <p><q>312 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; mais tout le monde passera hein&nbsp;? alors tu dis l&agrave; arm&eacute;nien // oui&nbsp;? E.N/ E.N./ E</q></p> <p><q>313 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; oui</q></p> <p><q>314 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; et N // alors vous recopiez tout hein&nbsp;? allez </q></p> <p><q>315 Af &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; AAA</q></p> <p><q>316 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; MOI J&rsquo;AI &Eacute;CRIT AAA</q></p> <p><q>317 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est pas grave tu recopies</q></p> <p><q>318 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est plus joli que / en fran&ccedil;ais </q></p> <p><q>319 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est plus joli&nbsp;? / plus joli&nbsp;? moi j&rsquo;aime bien tout hein&nbsp;? </q></p> </blockquote> <p>Quant aux commentaires cat&eacute;gorisants, leur quasi absence dans les interactions ne semble avoir rien d&rsquo;&eacute;tonnant &eacute;tant donn&eacute; que l&rsquo;activit&eacute; visait &agrave; valoriser la diversit&eacute; linguistique de la classe.&nbsp;Par ailleurs, il est int&eacute;ressant de noter que le seul commentaire cat&eacute;gorisant vient de l&rsquo;enseignante elle-m&ecirc;me lorsqu&rsquo;elle met &agrave; nu ses repr&eacute;sentations, comme dans l&rsquo;exemple suivant o&ugrave; elle affiche sa m&eacute;connaissance de l&rsquo;alphabet g&eacute;orgien&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p><q>409 Am &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;AAA c&rsquo;est l&rsquo;alphabet g&eacute;orgien</q></p> <p><q>410 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est l&rsquo;alphabet g&eacute;orgien ah oui</q></p> <p><q>411 E2 &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; ah oui / c&rsquo;est joli</q></p> <p><q>412 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; c&rsquo;est un m&eacute;lange de russe et de latin non&nbsp;? c&rsquo;est quoi&nbsp;? </q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>415 E &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;hein c&rsquo;est encore un autre alphabet y faut que je voie &ccedil;a avec mes &eacute;l&egrave;ves / XXX je me rendais pas compte que / il changeait d&rsquo;&eacute;criture.</q></p> </blockquote> <h2>Pour ouvrir la r&eacute;flexion</h2> <p>Notre r&eacute;flexion autour de la &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; s&rsquo;inscrit dans une d&eacute;marche nourrie de la volont&eacute; d&rsquo;un</p> <blockquote> <p><q>&nbsp;recadrage en public de la figure du &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo; qui l&rsquo;&eacute;loigne d&rsquo;une interpr&eacute;tation rapport&eacute;e aux limites du monde scolaire pour la rapprocher de la vie publique et l&rsquo;inscrire dans les exp&eacute;riences ordinaires de la d&eacute;mocratie comme mode de vie&nbsp;: l&agrave; o&ugrave; se r&eacute;it&egrave;re et se ren&eacute;gocie, dans des relations publiquement soumises &agrave; v&eacute;rification et &agrave; &eacute;preuves quotidiennes, l&rsquo;horizon d&eacute;mocratique d&rsquo;un vivre ensemble comme rapport de volont&eacute; &agrave; volont&eacute;&nbsp;&raquo; (Battegay, 2010&nbsp;: 215) </q></p> </blockquote> <p>Elle s&rsquo;inspire des travaux de Bucheton (2014), Bucheton et Soul&eacute; (2009) sur des postures de l&rsquo;enseignant que nous avons d&eacute;j&agrave; revisit&eacute;es en les soumettant &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du terrain de la diversit&eacute; linguistique et culturelle (Totozani, Tomc, Lapique, 2016&nbsp;; Totozani 2018). D&eacute;finies comme &laquo; mode d&rsquo;agir temporaire pour conduire la classe et s&rsquo;ajuster dans l&rsquo;action à la dynamique évolutive de l&rsquo;activité et des postures des élèves &raquo; (Bucheton et <em>al</em>., 2014 : 205), les postures de l&rsquo;enseignant sont &laquo;&nbsp;constituées d&rsquo;un faisceau de gestes de pilotage, de tissage, d&rsquo;atmosphère et de gestes spécifiquement didactiques (Bucheton et <em>al</em>., 2014 : 205). Les m&ecirc;mes auteurs identifient cinq types&nbsp;de postures : d&rsquo;accompagnement, de contr&ocirc;le, de l&acirc;cher prise, d&rsquo;enseignement, du magicien.</p> <p>Notre postulat de d&eacute;part &eacute;tait d&rsquo;envisager un nouveau type de posture que nous avons appel&eacute;e, &agrave; l&rsquo;instar de Jacotot/Ranci&egrave;re, &laquo;&nbsp;la posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo;. Elle partage avec les autres postures certains points communs et s&rsquo;en distingue sur d&rsquo;autres. Sans nier l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;en faire une description pr&eacute;cise, retenons, pour l&rsquo;instant, trois caract&eacute;ristiques saillantes qui se d&eacute;gagent de ce d&eacute;but d&rsquo;&eacute;tude : son authenticit&eacute;, qui l&rsquo;&eacute;loigne du faire-semblant p&eacute;dagogique, le renversement de la hi&eacute;rarchie traditionnelle ma&icirc;tre/&eacute;l&egrave;ve au profit d&rsquo;un rapport d&rsquo;&eacute;galit&eacute; et l&rsquo;absence de contr&ocirc;le des connaissances. Ces caract&eacute;ristiques permettent &agrave; une parole vraie et originale, aux langues et aux histoires de langues des &eacute;l&egrave;ves et de l&rsquo;enseignante de venir prendre place en classe tout naturellement.</p> <p>La &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; se manifeste &agrave; des &laquo;&nbsp;moments d&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; qui ne sont pas le propre de la classe de langue ou de l&rsquo;UPEAA m&ecirc;me si pour nous, cette derni&egrave;re a permis une fois de plus &laquo;&nbsp;d&rsquo;op&eacute;rer un effet de loupe &raquo; (Go&iuml;, Huver, 2013&nbsp;: 117) sur la classe dite&nbsp;&laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo; pour la compr&eacute;hension des rapports au(x) savoir(s) et aux langues. L&rsquo;exemple sur lequel se penchent Val&eacute;rie Vincent et Olivier Maulini (<em>op.cit.</em>) pour &eacute;tudier le rapport au(x) savoir(s) en classe, l&rsquo;enseignement de la pr&eacute;histoire, peut se pr&ecirc;ter &agrave; la m&ecirc;me analyse. Ainsi, dans les classes qu&rsquo;ils ont observ&eacute;es, aux questions pos&eacute;es par les &eacute;l&egrave;ves &laquo;&nbsp;Pourquoi les hommes n&rsquo;ont-ils pas continu&eacute; &agrave; se d&eacute;velopper&nbsp;? [&hellip;] Pourquoi les singes n&rsquo;ont-ils pas continu&eacute; &agrave; se d&eacute;velopper&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Ibid</em>., 25-27), les enseignants r&eacute;pondent, soit par de vraies questions&nbsp;: &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce que &ccedil;a veut dire &lsquo;&lsquo;&eacute;voluer&rsquo;&rsquo;, qu&rsquo;est-ce que &ccedil;a veut dire &lsquo;&lsquo;arr&ecirc;ter d&rsquo;&eacute;voluer&rsquo;&rsquo;&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Ibid</em>., 25-27), soit par des &laquo;&nbsp;aveux d&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est des questions dont je ne suis pas s&ucirc;re que j&rsquo;aie la r&eacute;ponse. [&hellip;] Alors je ne te dis pas que je pourrais te r&eacute;pondre (en te disant) que c&rsquo;est comme &ccedil;a&nbsp;&raquo; (<em>Ibid</em>., 25), soit en en faisant des moments de r&eacute;flexion&nbsp;: &laquo;Ces questions sont excellentes, &ccedil;a veut dire que vous avez une r&eacute;flexion qui va tr&egrave;s loin. Parce que ce n&rsquo;est pas tout d&rsquo;avoir des r&eacute;ponses, mais les questions c&rsquo;est tr&egrave;s important aussi&nbsp;&raquo; (Ibid., 25).&nbsp;Ces exemples permettent de souligner l&rsquo;importance de &laquo;&nbsp;ce type de d&eacute;veloppement argumentatif en formation des enseignants, pour&nbsp;lever toutes les r&eacute;sistances devant les prises de risque&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>.</p> <p>Si notre propos ne vise pas &agrave; faire l&rsquo;apologie de l&rsquo;ignorance, malgr&eacute; les vertus que la recherche scientifique<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a> lui reconna&icirc;t, l&rsquo;exp&eacute;rience &eacute;tudi&eacute;e a le m&eacute;rite d&rsquo;esquisser les perspectives qu&rsquo;une r&eacute;flexion en termes de &laquo;&nbsp;posture de l&rsquo;ignorance&nbsp;&raquo; de l&rsquo;enseignant ouvre pour l&rsquo;&eacute;mergence du sujet en classe de langue.</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ASTIER, Philippe, &laquo;&nbsp;Faire, montrer, raconter&nbsp;: figures de l&rsquo;intervention didactique en situation de travail&nbsp;&raquo;, dans DERYCKE, Marc, PERONI, Michel (dir.), <i>Figures du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;: savoir et &eacute;mancipation</i>, Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, coll. &laquo;&nbsp;Sociologie&nbsp;&raquo;, - Mati&egrave;res &agrave; penser, 2010, p. 191-205.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BATTEGAY, Alain, &laquo; L&rsquo;&eacute;ducation publique et la figure du Ma&icirc;tre ignorant. D&eacute;passer l&rsquo;opposition du formel et de l&rsquo;informel en &eacute;ducation&nbsp;&raquo;, dans DERYCKE, Marc, PERONI, Michel (dir.), <i>Figures du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;: savoir et &eacute;mancipation</i>, Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, coll. &laquo;&nbsp;Sociologie&nbsp;&raquo;&nbsp;- Mati&egrave;res &agrave; penser, 2010, p. 205-222. &nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BUCHETON, Dominique et ALEXANDRE, Danielle, JURADO, Monique (collab.), <i>Refonder l&rsquo;enseignement de l&rsquo;&eacute;criture, </i>Paris, Retz, 2014. &nbsp;</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BUCHETON, Dominique, SOUL&Eacute;, Yves, &laquo;&nbsp;Les gestes professionnels et le jeu des postures de l&rsquo;enseignant dans la classe&nbsp;: un multi-agenda de pr&eacute;occupations ench&acirc;ss&eacute;es&nbsp;&raquo;, dans <i>&Eacute;ducation et didactique, </i>vol. 3, n&deg;3, 2009, p. 29-48.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BUCHETON, Dominique, &laquo;&nbsp;L&rsquo;activit&eacute; enseignante, une architecture complexe de gestes professionnels&nbsp;&raquo;, Actes du colloque international <i>Former des enseignants professionnels, savoirs et comp&eacute;tences</i>, IUFM Nantes, CDROM, 2005.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CANUT, C&eacute;cile, &laquo;&nbsp;Pour une analyse des productions &eacute;pilinguistiques&nbsp;&raquo;, dans &laquo;&nbsp;Linguistique et repr&eacute;sentation(s)&nbsp;&raquo;, <i>Cahiers de prax&eacute;matique, </i>n&deg;31, 1998, p. 69-90. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CERLETTI, Alejandro, &laquo;&nbsp;La politique du ma&icirc;tre ignorant&nbsp;: la le&ccedil;on de Ranci&egrave;re&nbsp;&raquo;, dans <i>Le T&eacute;l&eacute;maque, </i>n&deg; 27,<i> </i>Caen, Presses universitaires de Caen, 2005, p. 81-88. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#003300">Circulaire n&deg;&nbsp;2012-141 du 2 octobre 2012&nbsp;relative &agrave; l&rsquo;organisation de la scolarit&eacute; des &eacute;l&egrave;ves allophones nouvellement arriv&eacute;s.</span></span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CHARLOT, Bernard, &laquo;&nbsp;Rapport au savoir et rapport &agrave; l&rsquo;&eacute;cole dans deux coll&egrave;ges de banlieue&nbsp;&raquo;, dans <i>Soci&eacute;t&eacute;s contemporaines, </i>n&deg;11-12, 1992, p. 119-147.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CUQ, Jean-Pierre (dir.), <i>Dictionnaire de didactique du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re et seconde, </i>Paris, Asdifle et Cl&eacute; international, 2003, p. 17, 82. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">DERYCKE, Marc, &laquo;&nbsp;Jacotot, Louvain 1818&nbsp;: le &laquo;&nbsp;ma&icirc;tre ignorant&nbsp;&raquo;, enseignant de FLE&nbsp;&raquo;, dans DENIMAL, Amandine, DJORDJEVIC, Ksenija, PIVOT, B&eacute;n&eacute;dicte, <i>Recherches en didactique des langues, </i>num&eacute;ro sp&eacute;cial, Universit&eacute; de Montpellier, &agrave; para&icirc;tre. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">DERYCKE, Marc, PERONI, Michel, <i>Figures du ma&icirc;tre ignorant. Savoir &amp; &eacute;mancipation, </i>Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, 2010.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">FIRENSTEIN, Stuart, <i>Les continents de l&rsquo;ignorance, </i>Paris, &Eacute;ditions Odile Jacob, 2014. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">GO&Iuml;, C&eacute;cile, HUVER, Emmanuelle, &laquo;&nbsp;Accueil des &eacute;l&egrave;ves migrants &agrave; l&rsquo;&eacute;cole fran&ccedil;aise&nbsp;: postures, repr&eacute;sentations, pratiques s&eacute;gr&eacute;gatives et/ou inclusives&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans BERTUCCI, Marie-Madeleine, &laquo;&nbsp;Lieux de s&eacute;gr&eacute;gation sociale et urbaine&nbsp;:&nbsp;tensions linguistiques et didactiques&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <i>Glottopol, </i>n&deg;21, 2013p. 117-137.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">GRACI, Isabelle, RISPAIL, Marielle, TOTOZANI, Marine, <i>L&rsquo;arc-en-ciel de nos langues. Jalons pour une &eacute;cole plurilingue, </i>Paris, L&rsquo;Harmattan, 2016. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">HUVER, Emmanuelle, LORILLEUX, Joanna, &laquo;&nbsp;D&eacute;marches cr&eacute;atives en DDL&nbsp;: cr&eacute;ativit&eacute; ou po&iuml;esis&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans Lidil [En ligne] n&deg;57, pp. 1-16, 2018. URL&nbsp;: http://journals.openedition.org/lidil/4885</span> &nbsp;</span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">JACOTOT, Joseph, <i>Enseignement universel&nbsp;: langue &eacute;trang&egrave;re</i>, Louvain, imprimerie de H. De Pauw, 1824, p. 75. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">LORILLEUX, Joanna, CASTELLOTTI, V&eacute;ronique, &laquo;&nbsp;Face &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie uniciste, une &eacute;ducation &eacute;mancipatrice&nbsp;&raquo;, dans SUZUKI, Elli, POTOLIA, Anthippi, CAMBRONE-LASNES, Stella (dir.), 2018, <i>Penser la didactique du plurilinguisme et ses mutations. Id&eacute;ologies, politiques, dispositifs, </i>Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 17-26. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Minist&egrave;re de l&rsquo;&Eacute;ducation nationale, &laquo;&nbsp;Langues vivantes (&eacute;trang&egrave;res ou r&eacute;gionales)&nbsp;&raquo;, dans<i> Programme pour les cycles 2, 3, 4, </i>Paris, 2015, p. 255-267.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">RANCI&Egrave;RE, Jacques, &laquo;&nbsp;Choses (re)dites&nbsp;&raquo;, dans DERYCKE, Marc, PERONI, Michel (dir.), <i>Figures du ma&icirc;tre ignorant. Savoir &amp; &eacute;mancipation, </i>Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, coll. &laquo;&nbsp;Sociologie&nbsp;&raquo;&nbsp;- Mati&egrave;res &agrave; penser, 2010, p. 409-427.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">RANCI&Egrave;RE, Jacques, <i>Le ma&icirc;tre ignorant. Cinq le&ccedil;ons d&rsquo;&eacute;mancipation intellectuelle, </i>Paris, Fayard, 1987.</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">SUSO LOPEZ, Javier, &laquo;&nbsp;T&eacute;l&eacute;maque au c&oelig;ur de la &laquo;&nbsp;m&eacute;thode Jacotot&nbsp;&raquo;, dans &laquo;&nbsp;Les aventures de T&eacute;l&eacute;maque. Trois si&egrave;cles d&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais I&nbsp;&raquo;, <i>Documents pour l&rsquo;histoire du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re et seconde </i>[En ligne],<i> </i>n&deg;30, p. 1-11, 2003. URL&nbsp;: http://journal.openedition.org/dhfles/1608 </span></span></span></p> <p class="CxSpLast" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">THERRIAULT, Genevi&egrave;ve, BAILLET, Doroth&eacute;e, CARNUS, Marie-France, VINCENT, Val&eacute;rie (dir.), <i>Rapports au(x) savoir(s) de l&rsquo;enseignant et de l&rsquo;apprenant&nbsp;? Une &eacute;nigmatique rencontre, </i>Louvain-la-Neuve, De Boeck Sup&eacute;rieur, 2017, p. 7-20.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TOMC, Sandra, VILLA-PEREZ, Valeria, &laquo;&nbsp;Les &eacute;motions et l&rsquo;apprentissage du frn&ccedil;ais langue seconde de tr&egrave;s jeunes enfants au sein d&rsquo;Ateliers Langage Cr&eacute;atifs. Une enqu&ecirc;te exploratoire&nbsp;&raquo;, dans <i>TIPA. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage </i>[En ligne], n&deg;35, 2019, mis en ligne le 18 juillet 2019, consulté le 25 juillet 2019. URL : http:// journals.openedition.org/tipa/3215 ; DOI : 10.4000/tipa.3215 </span></span></p> <p class="CxSpFirst" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TOTOZANI, Marine, &laquo;&nbsp;Enseigner entre les langues&nbsp;: pluralit&eacute; linguistique et postures de l&rsquo;enseignent-e&nbsp;&raquo;, dans ABBÈS KARA, Attika, KEBBAS, Malika, BLANCHET, Philippe, &laquo;&nbsp;Explorer les pratiques linguistiques, textuelles et artistiques francophones du point de vue de l&rsquo;entre-deux et de l&rsquo;écart&nbsp;&raquo;, Actes des journées LAFEF co-organisées par les laboratoires LISODIP (ENS de Bouzaréah-Alger) et le laboratoire PRÉFIcs (Université de Rennes 2), <i>Socles, </i>n&deg; 11, Alger, ENS de Bouzaréah, 2018, pp. 357-377. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">TOTOZANI, Marine, TOMC, Sandra, LAPIQUE, Virginie, &laquo;&nbsp;Quels gestes professionnels langagiers pour l&rsquo;accueil du plurilinguisme en classe&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans MATTHEY, Marinette, MILLET, Agn&egrave;s (dir.), &laquo;&nbsp;H&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; et changement&nbsp;: perspectives sociolinguistiques&nbsp;&raquo;, Actes du 2<sup>e</sup> congr&egrave;s du R&eacute;seau francophone de Sociolinguistique, <i>Cahiers de linguistique, </i>n 42/2, Louvain-la-Neuve, 2016, p. 127-135. &nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">VINCENT, Val&eacute;rie, MAULINI, Olivier, &laquo;&nbsp;Entre enqu&ecirc;te, arbitrage et partage&nbsp;: trois rapports au savoir et leur impact sur l&rsquo;&eacute;tude de la pr&eacute;histoire &agrave; l&rsquo;&eacute;cole primaire&nbsp;&raquo;, dans THERRIAULT, Genevi&egrave;ve, BAILLET, Doroth&eacute;e, CARNUS, Marie-France, VINCENT, Val&eacute;rie (dir.), <i>Rapports au(x) savoir(s) de l&rsquo;enseignant et de l&rsquo;apprenant&nbsp;? Une &eacute;nigmatique rencontre, </i>Louvain-la-Neuve, De Boeck Sup&eacute;rieur,&nbsp;2017, p. 21-33. </span></span></span></p> <p class="CxSpMiddle" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">YAGUELLO, Marina, <i>Alice au pays du langage, </i>Paris, Seuil, 1981. </span></span></span></p> <h2>Conventions de transcription</h2> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">E &ndash; enseignante</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">E2 &ndash; enseignante 2</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Af &ndash; apprenant f&eacute;minin</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Am &ndash; apprenant masculin</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Am1 &ndash; le chiffre permet d&rsquo;identifier diff&eacute;rents apprenants </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">XXX &ndash; inaudible</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">AAA &ndash; langue de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">? &ndash; question</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">/ &ndash; pause</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">// &ndash; pause longue </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span new="" roman="" style="font-family:" times="">(parenth&egrave;ses) &ndash; commentaires du transcripteur</span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><small><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Nous tenons &agrave; remercier ici Marc Derycke pour ses &eacute;clairages et les &eacute;changes enrichissants que nous avons eus.</small></p> </div> <div id="ftn2"> <p><small><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> <em>Unit&eacute; p&eacute;dagogique pour &eacute;l&egrave;ves allophones arrivants</em>. Dispositif (2012) accueillant des &eacute;l&egrave;ves non (ou peu&nbsp;?) francophones nouvellement arriv&eacute;s en France et qui ont besoin d&rsquo;apprendre le fran&ccedil;ais ou d&rsquo;approfondir leurs connaissances en fran&ccedil;ais. Il serait int&eacute;ressant de revisiter cette appellation (comme &laquo;&nbsp;allophone&nbsp;&raquo; ci-apr&egrave;s, mais d&rsquo;autres aussi) &agrave; la lumi&egrave;re de la th&eacute;matique de ce num&eacute;ro. Comme toute &laquo;&nbsp;&eacute;tiquette&nbsp;&raquo;, ne serait-elle pas susceptible de faire &eacute;cran entre l&rsquo;&eacute;cole et les histoires singuli&egrave;res, de vie et de langues,&nbsp;des &eacute;l&egrave;ves allophones comme des &eacute;l&egrave;ves &laquo; francophones&nbsp;&raquo; ?</small></p> </div> <div id="ftn3"> <p><small><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> Terme employ&eacute; &laquo;&nbsp;pour cat&eacute;goriser un public qui parle une langue &lsquo;&lsquo;autre&rsquo;&rsquo;.&nbsp;&raquo; (Cuq, 2003, 17). Cette focalisation sur la diff&eacute;rence (<em>Ibid</em>.) lui conf&egrave;re un caract&egrave;re &laquo;&nbsp;ethno-linguistico centr&eacute;&nbsp;&raquo; (Tomc, Villa-Perez, 2019&nbsp;: 5) et d&eacute;voile en m&ecirc;me temps le regard uniformisateur de cette appellation au d&eacute;triment des parcours individuels. </small></p> </div> <div id="ftn4"> <p><small><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> A la mani&egrave;re de Marina Yaguello, la r&eacute;flexion de Jacotot, h&eacute;t&eacute;rodoxe et &eacute;mancipatrice, permet de revisiter la figure du ma&icirc;tre et son r&ocirc;le en didactique des langues. </small></p> </div> <div id="ftn5"> <p><small><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a> Titre emprunt&eacute; &agrave; Huver et Lorilleux, 2018, 11.</small></p> </div> <div id="ftn6"> <p><small><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a> Nous remercions Marielle Rispail pour les &eacute;changes enrichissants autour de ce sujet. </small></p> </div> <div id="ftn7"> <p><small><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a> Nous renvoyons le lecteur &agrave; l&rsquo;ouvrage de Stuart Firestein <em>Les continents de l&rsquo;ignorance</em>. </small></p> </div> </div>