<h2>Introduction</h2> <blockquote> <blockquote> <p><q>Je veux bien respecter les textes sacr&eacute;s, mais la langue ne peut pas &ecirc;tre sacr&eacute;e.</q> (Hoda Barakat, Le Monde, 26 juillet 2019, p. 18)</p> <p><q>C&rsquo;est ainsi que le d&eacute;butant qui apprend une nouvelle langue la retraduit toujours dans sa langue maternelle, mais il ne r&eacute;ussit &agrave; s&rsquo;assimiler l&rsquo;esprit de cette nouvelle langue et &agrave; s&rsquo;en servir librement que quand il arrive &agrave; la manier sans se rappeler sa langue maternelle, et qu&rsquo;il parvient m&ecirc;me &agrave; oublier compl&egrave;tement cette derni&egrave;re.</q>&nbsp;(Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1851, Paris&nbsp;: Les Editions sociales, 1969, p. 13-14)</p> </blockquote> </blockquote> <p>C&rsquo;est &agrave; partir de la lecture du livre d&rsquo;Alain Borer (De quel amour bless&eacute;e&hellip;R&eacute;flexions sur la langue fran&ccedil;aise, Gallimard, 2014) que m&rsquo;est venue l&rsquo;id&eacute;e de proposer une communication au colloque de Montpellier. Je souhaitais faire entendre une double voix&nbsp;: celle d&rsquo;un plaidoyer caustique et brillant pour la langue fran&ccedil;aise sous la plume d&rsquo;un &eacute;crivain, celle d&rsquo;un trouble &ndash; le mien &ndash; face &agrave; la s&eacute;duction d&rsquo;un discours renouvelant parfois avec bonheur l&rsquo;argumentaire du &laquo;&nbsp;g&eacute;nie&nbsp;&raquo;. Mais, au-del&agrave; du cas Borer, c&rsquo;est le propre des id&eacute;ologies, singuli&egrave;rement des id&eacute;ologies linguistiques, de laisser ouverts des espaces qui vont du consentement &agrave; la fascination. Le pr&eacute;sent article est l&rsquo;occasion de revenir sur la probl&eacute;matique du colloque, de pr&eacute;senter ma r&eacute;flexion sur les id&eacute;ologies linguistiques et d&rsquo;&eacute;voquer l&rsquo;essai de Borer.</p> <blockquote> <h2>1. Le d&eacute;sir et son autre</h2> </blockquote> <p>Le colloque qui nous a r&eacute;unis &laquo;&nbsp;D&eacute;sir de langues, subjectivit&eacute;, rapport au savoir&nbsp;&raquo; portait ce sous-titre&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les langues n&rsquo;ont-elles pour vocation que d&rsquo;&ecirc;tre utiles&nbsp;?&nbsp;&raquo;. La r&eacute;ponse, &eacute;videmment n&eacute;gative, est contenue dans la question mais &agrave; condition que soit discut&eacute;e la notion m&ecirc;me d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; (voir Nuccio Ordine, <em>L&rsquo;Utilit&eacute; de l&rsquo;inutile</em>, Les Belles Lettres, 2013). Le texte de pr&eacute;sentation du colloque renvoie l&rsquo;&laquo;&nbsp;utilit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; tout un continent que traduisent les &eacute;nonc&eacute;s militants du type &laquo;&nbsp;vision utilitariste et &eacute;conomiste&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;mod&egrave;le n&eacute;o-lib&eacute;ral&nbsp;et march&eacute; des langues&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;conceptions manag&eacute;riales de la comp&eacute;tence&nbsp;&raquo;&hellip;Face &agrave; cette n&eacute;buleuse se trouverait le &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo; et ses d&eacute;clinaisons&nbsp;: subjectivit&eacute;, affectivit&eacute;, qui refont surface dans nombre de manifestations scientifiques en didactique des langues &ndash; et c&rsquo;est sans doute heureux. Quelle place pour le <em>sujet </em>s&rsquo;interroge-t-on. Mais quel sujet&nbsp;? Le sujet parlant&nbsp;? Le sujet de l&rsquo;apprentissage&nbsp;? O&ugrave; passent les fronti&egrave;res entre le &laquo;&nbsp;besoin&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo;&nbsp;? R&egrave;gle-t-on la question de l&rsquo;anglais en France et dans la mondialisation en en faisant la langue des technocrates et des touristes&nbsp;? La fonctionnalit&eacute; qui lui est attach&eacute;e comme &laquo;&nbsp;langue de service&nbsp;&raquo; (!) oublie-t-elle la puissance originelle de sa s&eacute;duction voire de son emprise dans le soft power anglo-am&eacute;ricain (la musique, les modes alimentaires ou vestimentaires)&nbsp;? Le d&eacute;sir d&rsquo;apprendre des langues &eacute;trang&egrave;res, si souvent all&eacute;gu&eacute;, y compris dans les attendus de notre colloque, se soutient-il de quelle enqu&ecirc;te empirique, de quelle d&eacute;monstration heuristique&nbsp;? Ne pourrait-on pas, &agrave; l&rsquo;inverse, mettre en avant la puissance des langues &laquo;&nbsp;maternelles&nbsp;&raquo;, des langues &agrave; soi, des langues de ceux qui souhaitent &ecirc;tre chez eux (&laquo;&nbsp;On est chez nous&nbsp;&raquo;, a-t-on entendu crier ces derniers mois dans les rues de notre douce France&nbsp;!)<a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a> dans leur terroir, leur territoire ou dans leur langue. Conflictualit&eacute; des d&eacute;sirs entre le &laquo;&nbsp;propre&nbsp;&raquo; et l&rsquo;&laquo;&nbsp;autre&nbsp;&raquo; mise en sc&egrave;ne chez tant d&rsquo;&eacute;crivains, dans leur rapport aux langues, dans leur &eacute;criture souvent (et je me suis &eacute;tonn&eacute; de l&rsquo;absence de la litt&eacute;rature, des &eacute;crivains dans les titres des communications &agrave; notre colloque&nbsp;!).</p> <h3>1.1. Didactique dominante et didactiques &eacute;mergentes&nbsp;?</h3> <p>Il s&rsquo;agit par cette entr&eacute;e critique de prendre au s&eacute;rieux une probl&eacute;matique inscrite dans un contexte th&eacute;orique, politique et didactique. Il appartient &agrave; l&rsquo;histoire de la didactique des langues de voir se succ&eacute;der, coexister de mani&egrave;re plus ou moins pacifique des configurations th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques, de passer de la confrontation directe &agrave; un &eacute;clectisme suppos&eacute; pragmatique mais souvent paresseux. L&rsquo;extension occidentale, et parfois au-del&agrave;, des orientations communicatives semblait avoir sign&eacute; la fin de l&rsquo;histoire avant que la perspective actionnelle du Cadre europ&eacute;en ne rebatte en apparence les cartes. En apparence car je consid&egrave;re que les r&eacute;quisits pour d&eacute;finir une nouvelle m&eacute;thodologie au sens de Puren (1988) ne sont pas r&eacute;unis (pas de nouvelle conception th&eacute;orique de l&rsquo;objet, de l&rsquo;enseignant et de l&rsquo;apprenant) et qu&rsquo;il s&rsquo;agit, ce qui n&rsquo;est pas n&eacute;gligeable, d&rsquo;une orientation donn&eacute;e &agrave; l&rsquo;enseignement des langues en Europe, davantage ax&eacute;e sur le &laquo;&nbsp;faire&nbsp;&raquo; avec les langues dans les univers professionnels ou acad&eacute;miques.</p> <p>Mais tout se passe comme si, une mod&eacute;lisation s&rsquo;&eacute;tant impos&eacute;e dans les esprits et parfois sur le terrain, il convenait de lui opposer des contre-mod&egrave;les, des didactiques alternatives, d&eacute;nomm&eacute;es &laquo;&nbsp;socio-didactique&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;ethno-didactique&nbsp;&raquo;, de chercher dans une psychologie des &eacute;motions et des motivations, dans une philosophie herm&eacute;neutique centr&eacute;e sur l&rsquo;interpr&eacute;tation et la relation, des ressources pour construire (?) des didactiques <em>autres </em>qui signalent certes des impens&eacute;s mais ne constituent pas des matrices substituables &agrave; une configuration actionnelle, elle-m&ecirc;me introuvable. V&eacute;ronique Castellotti (2017) a le m&eacute;rite de passer au crible tous ces essais de &laquo;&nbsp;correction&nbsp;&raquo; de la matrice consid&eacute;r&eacute;e comme dominante, des options interactionnistes aux biographies langagi&egrave;res, de l&rsquo;essor de la r&eacute;flexivit&eacute; &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de la contextualisation pour poser les bases d&rsquo;une&nbsp;&laquo;&nbsp;didactique de l&rsquo;appropriation&nbsp;&raquo; pour l&rsquo;instant &agrave; caract&egrave;re programmatique. Les &laquo;&nbsp;inversions&nbsp;&raquo; de trajectoire que l&rsquo;auteure pr&eacute;conise, j&rsquo;ai eu l&rsquo;occasion d&rsquo;en mesurer avec d&rsquo;autres la port&eacute;e quand, &agrave; propos de l&rsquo;enseignement/apprentissage du fran&ccedil;ais dit &laquo;&nbsp;langue maternelle&nbsp;&raquo;, j&rsquo;ai propos&eacute; de substituer &agrave; la didactique &laquo;&nbsp;descendante&nbsp;&raquo;, encore marqu&eacute;e par la linguistique appliqu&eacute;e et malgr&eacute; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la transposition didactique, une didactique &laquo;&nbsp;ascendante&nbsp;&raquo; consistant &agrave; d&eacute;finir, &agrave; partir d&rsquo;un terrain travaill&eacute; par les chercheurs didacticiens, des probl&egrave;mes et des questionnements susceptibles de &laquo;&nbsp;rencontrer&nbsp;&raquo; les th&eacute;ories du langage et de l&rsquo;&eacute;ducation. A d&eacute;faut de substitution, une compl&eacute;mentarit&eacute; en forme de r&eacute;troaction, d&rsquo;effet en retour (voir Chiss, 2016 et Chiss et David, 2018, premi&egrave;re partie).</p> <h3>1.2. Quel plurilinguisme pour l&rsquo;Europe&nbsp;?</h3> <p>Cette dimension m&eacute;thodologique du Cadre europ&eacute;en s&rsquo;accompagne, dans une liaison pas toujours fortement argument&eacute;e, d&rsquo;une vision plurilingue et pluriculturelle qu&rsquo;il faut bien consid&eacute;rer comme une id&eacute;ologie, quelles que soient les r&eacute;alit&eacute;s empiriques du ph&eacute;nom&egrave;ne que subsume cette expression rest&eacute;e pour moi toujours myst&eacute;rieuse de &laquo;&nbsp;didactique du plurilinguisme&nbsp;&raquo; sauf &agrave; consid&eacute;rer qu&rsquo;elle serait simplement l&rsquo;antidote d&rsquo;une didactique d&rsquo;<em>une</em> langue qui ne serait au contact d&rsquo;aucune autre, ni sur le plan social ni dans l&rsquo;univers &eacute;ducatif. De ce point de vue le syntagme &laquo; didactique du monolinguisme&nbsp;&raquo; ne s&rsquo;inscrirait en rien comme antonyme du pr&eacute;c&eacute;dent. Face &agrave; une conception franco-fran&ccedil;aise du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re, auto-centr&eacute;e, tributaire de son r&eacute;f&eacute;rent institutionnel constitu&eacute; par les r&eacute;seaux fran&ccedil;ais de diffusion internationale du fran&ccedil;ais, il me semble que s&rsquo;est progressivement impos&eacute; un autre r&eacute;f&eacute;rent, celui des syst&egrave;mes scolaires et universitaires d&rsquo;Europe et du monde o&ugrave; le fran&ccedil;ais est enseign&eacute; comme premi&egrave;re, seconde, troisi&egrave;me langue &eacute;trang&egrave;re, o&ugrave; il peut &ecirc;tre aussi une langue d&rsquo;accueil et de scolarisation.</p> <p>En ce sens, quand les sp&eacute;cialistes du FLE pr&eacute;tendent s&rsquo;inscrire dans une &laquo;&nbsp;didactique des langues&nbsp;&raquo;, il faut d&rsquo;abord lire cette revendication comme la prise en compte explicite des langues des apprenants et des contextes &eacute;tudi&eacute;s o&ugrave; s&rsquo;enseigne le fran&ccedil;ais. Pour moi, l&rsquo;inscription principielle de toute didactique dans des cultures linguistiques et &eacute;ducatives sp&eacute;cifiques est partie int&eacute;grante de sa d&eacute;finition. C&rsquo;est pourquoi le travail entam&eacute; sur les processus de contextualisation doit &ecirc;tre absolument poursuivi. Loin des esprits chagrins devant cette notion (Castellotti, 2017), je revendique la conceptualisation des contextualisations comme un axe de recherche incontournable, &agrave; condition de ne pas limiter le &laquo;&nbsp;contexte&nbsp;&raquo; au micro-environnement des activit&eacute;s linguistiques et &eacute;ducatives, d&rsquo;&eacute;tendre la contextualisation aux aspects anthropologiques, &eacute;pist&eacute;mologiques, prax&eacute;ologiques et axiologiques (Chiss, 2013, 2014, 2015, 2016). Evidemment, la contextualisation ne saurait, en aucun cas, prendre la forme d&rsquo;une &laquo;&nbsp;adaptation&nbsp;&raquo; &agrave; un terrain donn&eacute; sous peine de r&eacute;duire &agrave; n&eacute;ant la dimension du rapport entre langue et culture<a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a>; elle doit, en revanche s&rsquo;inscrire dans l&rsquo;histoire, se penser comme indissociable des diff&eacute;rents modes d&rsquo;historicit&eacute;.</p> <p>C&rsquo;est pourquoi, si j&rsquo;en reviens frontalement &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie plurilingue et pluriculturelle port&eacute;e par le Cadre europ&eacute;en, la question est bien de savoir dans quelle historicit&eacute; se con&ccedil;oit le plurilinguisme <em>europ&eacute;en</em>. C&rsquo;est l&agrave; sans doute que se noue le d&eacute;bat qui est politique et &eacute;thique. Le sens de ce plurilinguisme n&rsquo;est sans doute pas le m&ecirc;me que celui &agrave; attribuer &agrave; la pluralit&eacute; des langues dans des soci&eacute;t&eacute;s extra-europ&eacute;ennes, en Am&eacute;rique latine par exemple (Dahlet, 2011), o&ugrave; l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; des langues non natives peut signer un sentiment de d&eacute;possession de soi comme dans les contextes d&rsquo;immigration o&ugrave; le conflit entre langue dite d&rsquo;origine et langue dite d&rsquo;accueil engendre des troubles identitaires (Chiss, 2016, 2&deg; partie &agrave; propos des d&eacute;bats sur l&rsquo;immigration). Certes, l&rsquo;inscription de ce plurilinguisme dans la synchronie du &laquo;&nbsp;march&eacute;&nbsp;&raquo; europ&eacute;en des langues et du mod&egrave;le &laquo;&nbsp;n&eacute;o-lib&eacute;ral&nbsp;&raquo; constitue une entr&eacute;e, fabrique un point de vue, construit un paradigme marqu&eacute; par l&rsquo;&eacute;conomisme, l&rsquo;utilitarisme, la technocratie ou le technicisme (qu&rsquo;il ne faudrait pas confondre avec l&rsquo;indispensable technicit&eacute;).</p> <p>Mais comment ne pas voir que le plurilinguisme europ&eacute;en, c&rsquo;est aussi et pour moi d&rsquo;abord, la permanence, et les &eacute;clipses, de la tradition humaniste depuis Erasme et Comenius, l&rsquo;ouverture &laquo;&nbsp;plurilingue&nbsp;&raquo; &eacute;tant consubstantielle &agrave; l&rsquo;enseignement des humanit&eacute;s tant dans la tradition fran&ccedil;aise des Lettres (avec le latin et le grec) que dans la romanistique allemande. Ce que j&rsquo;appelle une &laquo;&nbsp;culture du langage&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; mise &agrave; mal par le nazisme et le communisme mais obstin&eacute;ment port&eacute;e par les grands &eacute;crivains de l&rsquo;Europe depuis les ann&eacute;es 30 et par-del&agrave; la Shoah (Kafka, Canetti, Celan, d&rsquo;autres encore)<a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a>. Jorge Semprun (2010, p. 10), &agrave; travers son plurilinguisme (espagnol, fran&ccedil;ais, allemand), r&eacute;pond &agrave; Thomas Mann qui d&eacute;clarait, comme tant d&rsquo;autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;la patrie d&rsquo;un &eacute;crivain, c&rsquo;est la langue&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne peux y souscrire. Je dirais pour ma part&nbsp;: la patrie d&rsquo;un &eacute;crivain, c&rsquo;est le langage&nbsp;&raquo; avant de souligner&nbsp;(<em>op. cit</em>, p 122) &laquo;&nbsp;le r&ocirc;le de la culture juive d&rsquo;expression allemande dans la formation universaliste de l&rsquo;esprit europ&eacute;en des temps modernes&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est cet esprit europ&eacute;en dont Husserl analyse la crise en 1935 (&laquo;&nbsp;La crise de l&rsquo;humanit&eacute; europ&eacute;enne et la philosophie&nbsp;&raquo;) qu&rsquo;il faut rappeler aux d&eacute;tracteurs de l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue et pluriculturelle du Conseil de l&rsquo;Europe et aussi &agrave; ses promoteurs pour qu&rsquo;elle devienne r&eacute;ellement une <em>Education europ&eacute;enne</em> (Romain Gary, 1945).</p> <h3>1.3. Quelle langue du d&eacute;sir&nbsp;?</h3> <p>On comprend ais&eacute;ment que face &agrave; ces conceptions communicationnelles-actionnelles de l&rsquo;enseignement des langues et de l&rsquo;id&eacute;ologie plurilingue et pluriculturelle, la (r&eacute;)activation des r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la subjectivit&eacute;, au &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo;, constitue une porte de sortie &ndash; ou une entr&eacute;e &ndash; commode s&rsquo;il s&rsquo;agit de dire ce qui &eacute;chappe &agrave; ce qui est r&eacute;put&eacute; dominant &agrave; condition d&rsquo;abord d&rsquo;accepter que ce qui est d&eacute;sirable pour les uns ne le soit pas pour les autres. C&rsquo;est ce que j&rsquo;ai voulu sugg&eacute;rer &agrave; propos des langues &laquo;&nbsp;maternelles&nbsp;&raquo; et des langues &eacute;trang&egrave;res. J&rsquo;ai affect&eacute; &laquo;&nbsp;maternelles&nbsp;&raquo; de guillemets, consid&eacute;rant les critiques r&eacute;currentes et techniquement fond&eacute;es mais je tiens &agrave; cette d&eacute;nomination et, plus encore, dans ce d&eacute;bat car il me semble que toutes les questions identitaires, existentielles, relationnelles sont d&rsquo;abord enracin&eacute;es dans la langue de premi&egrave;re socialisation, la langue transmise et non apprise, m&ecirc;me si le contact avec les langues <em>secondes </em>peut bousculer des &eacute;quilibres, cr&eacute;er de nouvelles tensions ou acter des lib&eacute;rations.</p> <p>Toute une tradition depuis Saint Augustin, en passant par Dante et jusqu&rsquo;aux linguistes que j&rsquo;ai &eacute;tudi&eacute;s comme Victor Henry (Chiss, 2004) et surtout Charles Bally (Chiss, 2006) fait de la langue &laquo;&nbsp;maternelle&nbsp;&raquo; le lieu de l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; et de l&rsquo;attachement &agrave; celle-ci le destin du sujet humain. C&rsquo;est pourquoi langue du c&oelig;ur et de la spiritualit&eacute;, de l&rsquo;imagination et des &eacute;motions, travers&eacute;e par l&rsquo;ambivalence amour/haine (&agrave; la mesure de la figure de la &laquo;&nbsp;m&egrave;re&nbsp;&raquo; ou de ses substituts), elle marque la proximit&eacute; la plus intense, contrairement aux langues &laquo;&nbsp;&eacute;trang&egrave;res&nbsp;&raquo;, quelle que soit leur degr&eacute; de x&eacute;nit&eacute;<a href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a>. On voit bien que quelque chose de l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; des sujets est atteint quand ils expriment des jugements d&rsquo;empathie ou de rejet pour tel ou tel mot, quand, par exemple, ils mettent en avant ce que les linguistes appellent &laquo;&nbsp;euphonie&nbsp;&raquo; pour refuser &laquo;&nbsp;&eacute;crivaine&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;autrice&nbsp;&raquo; (voir <em>infra</em>). Mais ces &laquo;&nbsp;sentiments&nbsp;&raquo; linguistiques, ces repr&eacute;sentations mises en discours ne sont pas appr&eacute;hendables, de mon point de vue, par des conceptualisations issues de la psychanalyse (Patrick Anderson) ou d&rsquo;une approche ph&eacute;nom&eacute;nologique-herm&eacute;neutique (Castellotti-Debono-Huver)<a href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a>. Il y faut l&rsquo;historicit&eacute; et la contextualisation, ce qui revient &agrave; dire le m&ecirc;me sous deux vocables diff&eacute;rents : il y a une histoire du &laquo;&nbsp;maternelle&nbsp;&raquo; de &laquo;&nbsp;langue maternelle&nbsp;&raquo;, sans doute une histoire du &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo;, en tout cas par exemple une <em>Histoire des &eacute;motions</em> (Corbin, Courtine et Vigarello, &eacute;ds, 2016-2018).</p> <h2>2. Pourquoi travailler sur et avec les id&eacute;ologies linguistiques&nbsp;?</h2> <p>Dans la dynamique de mon travail (voir <em>La culture du langage et les id&eacute;ologies linguistiques</em>, Lambert-Lucas, 2018a), je me suis enquis de l&rsquo;in&eacute;puisable litanie des &laquo;&nbsp;qualit&eacute;s&nbsp;&raquo; de la langue fran&ccedil;aise et des &laquo;&nbsp;valeurs&nbsp;&raquo; qui lui sont attach&eacute;es&nbsp;; elle se d&eacute;cline, sur tous les tons, dans les discours des politiques linguistiques et &eacute;ducatives et de la socialit&eacute; conversationnelle et litt&eacute;raire. Constitu&eacute; en&nbsp;id&eacute;ologie linguistique, le &laquo;&nbsp;g&eacute;nie de la langue fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo; (voir Siouffi, 2010) a sa propre historicit&eacute; et ses contextualisations multiples. Tenu en lisi&egrave;re par les &laquo;&nbsp;sciences du langage&nbsp;&raquo;, il pose une question d&rsquo;importance &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie plurilingue contemporaine. S&rsquo;il offre une prise de choix &agrave; la critique d&rsquo;une <em>th&eacute;orie du langage</em>, il est port&eacute; par les subjectivit&eacute;s ordinaires qui le distribuent en toutes sortes de repr&eacute;sentations pr&eacute;gnantes dont on sait l&rsquo;effet sur l&rsquo;enseignement et l&rsquo;apprentissage du fran&ccedil;ais.</p> <h3>2.1. Le fran&ccedil;ais, les langues&nbsp;: d&eacute;construire les id&eacute;ologies</h3> <p>Si j&rsquo;ai choisi d&rsquo;employer le terme d&rsquo;&laquo;&nbsp;id&eacute;ologie linguistique&nbsp;&raquo; et pas celui d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;imaginaire&nbsp;&raquo; par exemple, c&rsquo;est qu&rsquo;il n&rsquo;en va pas seulement de l&rsquo;investissement du sujet et de la probl&eacute;matique du d&eacute;sir (ou de son envers r&eacute;pulsif) &ndash; je renvoie &agrave; la discussion pr&eacute;c&eacute;dente &ndash;&nbsp;mais de d&eacute;terminations politiques et &eacute;thiques. Certes les repr&eacute;sentations esth&eacute;tiques, logiques ou pragmatiques des langues s&rsquo;expriment chez les sujets parlants mais les id&eacute;ologies linguistiques se construisent comme des ensembles structur&eacute;s de repr&eacute;sentations et de discours avec une consistance, une syst&eacute;matisation, une historicit&eacute; surtout, et s&rsquo;inscrivent dans des cultures linguistiques et &eacute;ducatives sp&eacute;cifiques. Elles sont li&eacute;es &agrave; l&rsquo;histoire des langues nationales, des institutions et des politiques linguistiques. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse du &laquo;&nbsp;g&eacute;nie&nbsp;&raquo; et de son ambivalence constitutive (entre le sens du &laquo;&nbsp;caract&egrave;re&nbsp;&raquo; de la langue et celui de son de son &laquo;&nbsp;exceptionnalit&eacute;&nbsp;&raquo;, fabriquant une antinomie avec le plurilinguisme, voir Chiss, 2018b), de la &laquo;&nbsp;crise du fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (Chiss et Puech, 2004) aux contenus diff&eacute;rents selon les temporalit&eacute;s, des fils &agrave; tirer dans ces grands ensembles (la &laquo;&nbsp;clart&eacute;&nbsp;&raquo; fran&ccedil;aise, le purisme, la &laquo;&nbsp;grande querelle&nbsp;&raquo; de la f&eacute;minisation, voir Cerquiglini, 2018), il s&rsquo;agit de penser un continent qui ne concerne pas seulement une langue &ndash; le fran&ccedil;ais &ndash; dans son rapport aux autres langues<a href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc">6</a> mais le rapport au langage et la conception du sens (voir Thouard (2016, &agrave; propos de Humboldt).</p> <p>Il est parfois difficile &ndash;&nbsp;et c&rsquo;est heureux &ndash;&nbsp;de tracer une ligne de d&eacute;marcation claire entre l&rsquo;investigation scientifique et la pens&eacute;e des id&eacute;ologies linguistiques. Des th&eacute;matiques comme l&rsquo;origine du langage ou la &laquo;&nbsp;vie et la mort des langues&nbsp;&raquo; ont toujours oscill&eacute; entre le statut d&rsquo;objets de science et la constellation de repr&eacute;sentations ancr&eacute;es dans des discours philosophiques, anthropologiques ou religieux. Parfois, telle repr&eacute;sentation cherche ses justifications dans le travail des linguistes, la &laquo;&nbsp;douceur&nbsp;&raquo; du fran&ccedil;ais dans les observations de la phon&eacute;tique&nbsp;(les <em>e</em> muets), la &laquo;&nbsp;clart&eacute;&nbsp;&raquo; du fran&ccedil;ais dans les constructions grammaticales (l&rsquo;ordre direct de la phrase) de sorte que le couple science/id&eacute;ologie si pr&eacute;gnant dans la conjoncture intellectuelle des ann&eacute;es 1970 s&rsquo;efface au profit du travail de la <em>th&eacute;orie du langage</em> dans une &eacute;pist&eacute;mologie sp&eacute;cifique aux sciences humaines.</p> <p>Si l&rsquo;on s&rsquo;en tient &agrave; quelques &eacute;l&eacute;ments de notre actualit&eacute;, on voit bien comment se r&eacute;activent des d&eacute;bats qui tiennent tout autant de la permanence et des m&eacute;tamorphoses du &laquo;&nbsp;g&eacute;nie de la langue fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo; que de &laquo;&nbsp;la crise du fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si l&rsquo;expression elle-m&ecirc;me d&eacute;finit des conjonctures successives seulement depuis le milieu du XIX&deg; si&egrave;cle. Le surgissement de l&rsquo;&eacute;criture inclusive, la reprise des discussions sur le f&eacute;minin dans l&rsquo;accord du participe pass&eacute;, plus largement l&rsquo;affaire de la &laquo;&nbsp;f&eacute;minisation&nbsp;&raquo;, particuli&egrave;rement celle des noms (Cerquiglini, 2018), prouvent qu&rsquo;on a affaire &agrave; des sympt&ocirc;mes d&rsquo;une &laquo;&nbsp;crise&nbsp;&raquo; plus g&eacute;n&eacute;rale, &agrave; des manifestations d&rsquo;une id&eacute;ologie linguistique concernant le fran&ccedil;ais voire d&rsquo;un rapport global au langage. A travers cette querelle de la f&eacute;minisation, si charg&eacute;e d&rsquo;&eacute;motion et g&eacute;n&eacute;ratrice de ces &laquo;&nbsp;&eacute;motions&nbsp;&raquo; qui sont comme de petites &eacute;meutes dans la vie culturelle, Bernard Cerquiglini rep&egrave;re les r&eacute;sistances du purisme, le poids des conceptions monos&eacute;miques du langage qui ne sont &eacute;videmment pas l&rsquo;apanage de l&rsquo;Acad&eacute;mie&nbsp;: il faut compter, &eacute;crit-il, avec &laquo;&nbsp;la r&eacute;ticence du public&nbsp;&raquo; (<em>op.cit</em>, p. 89). D&eacute;licieux euph&eacute;misme si l&rsquo;on veut bien consid&eacute;rer le fonctionnement propre aux id&eacute;ologies linguistiques et leur propri&eacute;t&eacute; premi&egrave;re qui est de circuler entre les formations discursives, l&rsquo;examen de ce dossier sp&eacute;cifique ne permettant pas &agrave; l&rsquo;auteur une contextualisation d&rsquo;ensemble. En rappelant certains emportements de Marc Fumaroli (<em>op. cit</em>&nbsp;p. 164, et &laquo;&nbsp;La querelle du neutre&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde</em>, 11 ao&ucirc;t 1998) &ndash; et oui, il y a de la v&eacute;h&eacute;mence, signe du d&eacute;sir contrari&eacute;, dans tous ces discours de crise &ndash; Bernard Cerquiglini ajoute des pi&egrave;ces &agrave; un dossier particuli&egrave;rement charg&eacute; (voir Chiss, 2016, premi&egrave;re partie), celui de la &laquo;&nbsp;d&eacute;fense&nbsp;&raquo; de la langue fran&ccedil;aise, toujours, constitutivement menac&eacute;e par les langages scientifiques, les tchatcheurs des cit&eacute;s, les technocrates de l&rsquo;administration, les clich&eacute;s des journalistes, l&rsquo;invasion des am&eacute;ricano-anglicismes, la liste est ouverte et renouvelable depuis le XVI&deg; si&egrave;cle&nbsp;<a href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a>.</p> <p>Il s&rsquo;agit d&egrave;s lors de r&eacute;sister non pas au suppos&eacute; d&eacute;clin de la langue mais au discours de la menace ici ou l&agrave; teint&eacute; de complotisme dans le m&ecirc;me temps o&ugrave; l&rsquo;on s&rsquo;essaie &agrave; d&eacute;construire, &agrave; travers cette investigation sur les id&eacute;ologies linguistiques, le fonctionnement des attributs, des &laquo;&nbsp;qualit&eacute;s&nbsp;&raquo; (voir <em>supra</em>) et aussi des&nbsp;&laquo;&nbsp;appartenances&nbsp;&raquo;&nbsp;: langue de la nation et langue de l&rsquo;empire, langues de culture et langues de service, langue de la r&eacute;volution (le fran&ccedil;ais), langue de l&rsquo;imp&eacute;rialisme et du dollar (l&rsquo;anglais), langue des assassins (l&rsquo;allemand), la liste est ouverte de ces d&eacute;nominations circulantes qui mettent en cause et le sens et la force du langage. Dans cette double entreprise, on peut avoir le viatique de la connaissance, celle de la culture du langage dans l&rsquo;histoire et les soci&eacute;t&eacute;s contemporaines&nbsp;: &laquo;&nbsp;De sorte que l&rsquo;ennemi du fran&ccedil;ais n&rsquo;est nullement l&rsquo;anglais, mais l&rsquo;inculture, &agrave; tous les niveaux, du langage et des langues, y compris le fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (H. Meschonnic, &laquo;&nbsp;L&rsquo;ennemi des langues, c&rsquo;est la langue&nbsp;&raquo;, <em>Le Monde</em>, 3 juillet 1999). Il y faut aussi une certaine exp&eacute;rience de la litt&eacute;rature&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les seules personnes qui d&eacute;fendent la langue fran&ccedil;aise (comme l&rsquo;Arm&eacute;e pendant l&rsquo;Affaire Dreyfus) ce sont celles qui l&rsquo;&rsquo;attaquent&rsquo;&nbsp;&raquo; (M. Proust, <em>Lettre &agrave; Madame Emil Straus</em>, 1908).</p> <h3>2.2. Les id&eacute;ologies linguistiques&nbsp;: emprise et s&eacute;duction</h3> <p><font face="Times New Roman, serif">Le travail critique ici &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre ne peut ignorer, m&ecirc;me s&rsquo;il tient ferme la distinction entre</font><font face="Times New Roman, serif"><i> langue</i></font><font face="Times New Roman, serif"> et </font><font face="Times New Roman, serif"><i>discours</i></font><font face="Times New Roman, serif">, l&rsquo;emprise que constituent les repr&eacute;sentations des langues chez les &eacute;crivains, les traducteurs et m&ecirc;me les linguistes qui ont t&ocirc;t fait d&rsquo;id&eacute;ologiser leurs descriptions des langues surtout dans une optique comparative. Ainsi, entre autres exemples, celui canonique de la relation entre le fran&ccedil;ais et l&rsquo;allemand. Charles Bally (1932, &eacute;dition de 1944, p. 29) met en avant la&nbsp;&laquo;&nbsp;tendance synth&eacute;tique attribu&eacute;e &agrave; l&rsquo;allemand&nbsp;&raquo; <em>vs </em>la &laquo;&nbsp;tendance analytique qui est cens&eacute;e caract&eacute;riser le fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; et, tout en discutant ces cat&eacute;gories, d&eacute;rive parfois des caract&eacute;ristiques de la langue vers les caract&egrave;res du peuple. Madame de Sta&euml;l, d&eacute;j&agrave;, dans </font><font face="Times New Roman, serif"><i>De l&rsquo;Allemagne</i></font><font face="Times New Roman, serif"> (1814, p. 112) s&rsquo;&eacute;tait livr&eacute;e &agrave; cette comparaison entre les deux langues pour en tirer des conclusions sur les aptitudes respectives des locuteurs &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;esprit de conversation&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le fran&ccedil;ais ayant &eacute;t&eacute; parl&eacute; plus qu&rsquo;aucun autre dialecte europ&eacute;en est &agrave; la fois poli par l&rsquo;usage et ac&eacute;r&eacute; pour le but. Aucune langue n&rsquo;est plus claire et plus rapide, n&rsquo;indique plus l&eacute;g&egrave;rement et n&rsquo;explique plus nettement ce qu&rsquo;on veut dire. L&rsquo;allemand se pr&ecirc;te beaucoup moins &agrave; la pr&eacute;cision et &agrave; la rapidit&eacute; de la conversation. Par la nature m&ecirc;me de sa construction grammaticale, le sens n&rsquo;est ordinairement compris qu&rsquo;&agrave; la fin de la phrase.&nbsp;&raquo; R&eacute;cemment, Anne Weber, romanci&egrave;re et traductrice entre allemand et fran&ccedil;ais, dans un article significativement intitul&eacute; &laquo;&nbsp;A la fin &eacute;tait le verbe&nbsp;&raquo; (</font><font face="Times New Roman, serif"><i>Le Monde</i></font><font face="Times New Roman, serif">, 6 octobre 2017, p. 4) soulignait &agrave; propos de la langue fran&ccedil;aise&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cette &lsquo;&eacute;rudition&rsquo; du vocabulaire a pour effet que les Fran&ccedil;ais vivent dans un monde plus distingu&eacute; et en quelque sorte plus p&acirc;le, en tout cas moins sensuel que les Allemands, dont la langue est toute de terre et de chair&nbsp;&raquo;. Tout en ayant conscience de la fragilit&eacute; et de la r&eacute;versibilit&eacute; de ces repr&eacute;sentations, &laquo;&nbsp;&agrave; mi-chemin entre la v&eacute;rit&eacute; et le st&eacute;r&eacute;otype&nbsp;&raquo; (</font><font face="Times New Roman, serif"><i>ibid</i></font><font face="Times New Roman, serif">.), tout en relativisant l&rsquo;affaire du &laquo;&nbsp;verbe &agrave; la fin&nbsp;&raquo;, Anne Weber n&rsquo;en assigne pas moins au traducteur de &laquo;&nbsp;sauver, dans l&rsquo;&oelig;uvre qu&rsquo;il donne &agrave; lire, quelque chose des </font><font face="Times New Roman, serif"><i>singularit&eacute;s de la langue d&rsquo;origine</i></font><font face="Times New Roman, serif"> (</font><font face="Times New Roman, serif"><i>ibid</i></font><font face="Times New Roman, serif">. C&rsquo;est moi qui souligne).</font></p> <p>Ce travail critique trouve aussi parfois ses limites quand l&rsquo;on accepte de se rendre attentif &agrave; une puissance de s&eacute;duction &ndash; facette de ce &laquo;&nbsp;d&eacute;sir&nbsp;&raquo; au c&oelig;ur de notre colloque &ndash;&nbsp;celle qu&rsquo;exerce par exemple un livre, ici celui d&rsquo;Alain Borer, <em>De quel amour bless&eacute;e&hellip; R&eacute;flexions sur la langue fran&ccedil;aise </em>(Gallimard, 2014). Si je choisis de m&rsquo;y arr&ecirc;ter en conclusion c&rsquo;est &agrave; la fois pour son caract&egrave;re paradigmatique (mod&egrave;le d&rsquo;une recension quasi exhaustive des th&eacute;matiques du &laquo;&nbsp;g&eacute;nie&nbsp;&raquo;) et son originalit&eacute; &eacute;rudite, r&eacute;flexive et stylistique, comme une forme de &laquo;&nbsp;po&eacute;tique&nbsp;&raquo; du fran&ccedil;ais. La tradition de la &laquo;&nbsp;D&eacute;fense et illustration&nbsp;&raquo; de la langue fran&ccedil;aise a souvent produit des libelles peu convaincants, des essais o&ugrave; la d&eacute;ploration efface l&rsquo;argumentation. Ici, le discours de &laquo;&nbsp;crise&nbsp;&raquo; est port&eacute; par la rationalit&eacute; tout autant que par le <em>d&eacute;sir</em>&hellip; de fran&ccedil;ais. La grande culture linguistique de Borer (il lit les linguistes et Meschonnic, ce qui n&rsquo;est jamais mauvais&nbsp;!), son refus de consid&eacute;rer la langue comme un outil, sa mani&egrave;re de s&rsquo;affronter &agrave; des questions non triviales comme les &laquo;&nbsp;difficult&eacute;s&nbsp;&raquo; des langues et de traiter brillamment certaines sp&eacute;cificit&eacute;s du fran&ccedil;ais, la volont&eacute; d&rsquo;<em>assumer</em> une hi&eacute;rarchie des langues, des registres et variations &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la m&ecirc;me langue, de conjuguer enracinement et universalit&eacute;, son inlassable inventivit&eacute; m&eacute;talinguistique, tout cela, &agrave; d&eacute;faut de convaincre, attire et retient.</p> <p>Heureusement que les exc&egrave;s du lexique du renoncement et de la &laquo;&nbsp;collaboration&nbsp;&raquo; (la fin de la langue fran&ccedil;aise et de la France) remettent les pendules des discours d&eacute;clinistes &agrave; l&rsquo;heure du conservatisme voire de la r&eacute;action. Mais, c&rsquo;est avec cet ouvrage d&rsquo;un grand lecteur de Rimbaud, l&rsquo;opportunit&eacute; de saisir les racines d&rsquo;un attachement &agrave; la langue &laquo;&nbsp;maternelle&nbsp;&raquo; ici indissolublement langue de l&rsquo;&eacute;criture, d&rsquo;un &eacute;crivain, de mesurer ainsi comment la question de la langue fait corps avec le sujet, le politique et la culture. De Du Bellay &agrave; Borer en passant par Rivarol, l&rsquo;id&eacute;ologie du &laquo;&nbsp;g&eacute;nie&nbsp;&raquo; de la langue fran&ccedil;aise a aussi perdur&eacute; parce qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas enfant&eacute; que des discours inanes. C&rsquo;est pourquoi, le meilleur moyen de s&rsquo;en distancier, comme de toutes les autres id&eacute;ologies linguistiques, est de la prendre au s&eacute;rieux, de r&eacute;sister &agrave; ses ind&eacute;niables s&eacute;ductions, d&rsquo;en faire un objet de recherche, au moins de r&eacute;flexion, au sein des th&eacute;ories du langage et de la didactique des langues.</p> <h2>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p><font face="Times New Roman, serif">Bally, Charles,&nbsp; <i>Linguistique g&eacute;n&eacute;rale et linguistique fran&ccedil;aise</i>, Paris, E. Leroux et Berne,&nbsp;Francke, 1932/1944.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Castellotti, V&eacute;ronique,&nbsp;</font><font face="Times New Roman, serif"><i>Pour une didactique de l&rsquo;appropriation. Diversit&eacute;, compr&eacute;hension, relation</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Paris,&nbsp;Didier, 2017.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Cerquiglini, Bernard&nbsp;,&nbsp;</font><font face="Times New Roman, serif"><i>LE/LA Ministre est enceinte</i></font> <font face="Times New Roman, serif"><i>ou la grande querelle de la f&eacute;minisation des noms</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Paris,&nbsp;Seuil, 2018.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss, Jean-Louis, &laquo;&nbsp;Victor Henry : penser avec et contre les m&eacute;taphores en linguistique&nbsp;&raquo;, C. Puech &eacute;d, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Victor Henry (1850-1907)&nbsp;: Linguistique et partages disciplinaires &agrave; la fin du XIX&deg;, d&eacute;but du XX&deg;</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Louvain et Paris&nbsp;: Editions Peeters, 2004, pp&nbsp;115-123.</font></p> <p>Chiss, <font face="Times New Roman, serif">Jean-Louis</font> (&eacute;d),&nbsp;Charles Bally (1865-1947).<em> Historicit&eacute; des d&eacute;bats linguistiques et didactiques. Stylistique, Enonciation, Crise du fran&ccedil;ais</em>, Louvain-Paris,&nbsp;&eacute;ditions Peeters, 2006.</p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss, Jean-Louis,&nbsp;&laquo;&nbsp;La didactique du fran&ccedil;ais et des langues &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de la pluralit&eacute; linguistique et culturelle&nbsp;&raquo;, Jean-Claude Beacco &eacute;d, <i>Ethique et politique en didactique des langues</i></font><font face="Times New Roman, serif">. </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Autour de la notion de responsabilit&eacute;</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Paris,&nbsp;Didier, 2013, p. 102-115.</font></p> <p>Chiss <font face="Times New Roman, serif">Jean-Louis</font>,&nbsp;&laquo;&nbsp;La didactique des langues comme discipline&nbsp;: contextualisation et historicit&eacute;&nbsp;&raquo;, J. Aguilar, C. Brudermann, M. Lecl&egrave;re, &eacute;ds,&nbsp;<em>Langues, cultures, soci&eacute;t&eacute; : interrogations didactiques</em>, Paris,&nbsp;Riveneuve Editions, 2014, p. 299-313.</p> <p>Chiss, <font face="Times New Roman, serif">Jean-Louis</font>, &laquo;&nbsp;Complexit&eacute;, contextualisation, historicit&eacute;&nbsp;: questions pour la didactique du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re et des langues&nbsp;&raquo;, J.-M. Defays et al, &eacute;ds, <em>Transversalit&eacute;s</em>. <em>20 ans de FLES. Faits et gestes de la didactique du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re et seconde de 1995 &agrave; 2015</em> (Vol.1), Bruxelles&nbsp;: E.M.E., 2015, p. 79-85.</p> <p>Chiss, <font face="Times New Roman, serif">Jean-Louis</font>, &laquo;&nbsp;Contextualisations et historicit&eacute;s&nbsp;: une r&eacute;flexion pour la didactique des langues&nbsp;&raquo;, A. P&eacute;gaz Paquet et L. Cadet (&eacute;ds), <em>Les langues &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, La langue de l&rsquo;&eacute;cole</em>, Artois Presses Universit&eacute;s, 2016, p.15-24.</p> <p>Chiss, <font face="Times New Roman, serif">Jean-Louis</font>,&nbsp;<em>De la p&eacute;dagogie du fran&ccedil;ais &agrave; la didactique des langues. La linguistique, les disciplines et l&rsquo;histoire</em>, Paris,&nbsp;Editions de l&rsquo;Ecole Polytechnique, 2016.</p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss, Jean-Louis,<i> La culture du langage et les id&eacute;ologies linguistiques</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Limoges,&nbsp;Lambert-Lucas, 2018a.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss, Jean-Louis, &laquo;&nbsp;La langue fran&ccedil;aise et le plurilinguisme&nbsp;: en m&ecirc;me temps&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <i>Recherches et applications </i></font><font face="Times New Roman, serif">n&deg; 64, 2018b, pp. 189-192.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss, Jean-Louis et David, Jacques, <i>Didactique du fran&ccedil;ais. Enjeux disciplinaires et &eacute;tude de la langue,</i></font><font face="Times New Roman, serif"> Paris,&nbsp;Armand Colin, 2018.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Chiss Jean-Louis, Puech, Christian, R&eacute;&eacute;dition de Charles Bally : </font><font face="Times New Roman, serif"><i>La crise du fran&ccedil;ais</i></font><font face="Times New Roman, serif">, pr&eacute;c&eacute;d&eacute; de &laquo;&nbsp;Gen&egrave;ve&nbsp;: 1930. Charles Bally et </font><font face="Times New Roman, serif"><i>La crise du fran&ccedil;ais</i></font><font face="Times New Roman, serif">&nbsp;: exemple et exemplarit&eacute;&nbsp;&raquo; pp. 7-11 et suivi de &laquo;&nbsp;De l&rsquo;usage de la crise en mati&egrave;re linguistique&nbsp;&raquo;, Gen&egrave;ve, Droz, 2004, pp. 95-116.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Compagnon, Antoine,&nbsp;&laquo;&nbsp;Pourquoi le fran&ccedil;ais devient une langue comme les autres&nbsp;?&nbsp;&raquo;, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Cahiers de l&rsquo;Association internationale des &eacute;tudes fran&ccedil;aises</i></font><font face="Times New Roman, serif"> n&deg; 50, 1998, p. 17-36.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Corbin, Alain,&nbsp;Courtine, Jean-Jacques et Vigarello, Georges (&eacute;ds),&nbsp;<i>Histoire des &eacute;motions</i></font><font face="Times New Roman, serif">, 3 vol, Paris, Seuil, 2016-2018.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Dahlet, Patrick, &laquo;&nbsp;Investissements identitaires et &eacute;ducation mixilingue&nbsp;&raquo;, V. Braun Dahlet &eacute;d, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Ci&ecirc;ncias da linguagem e didatica das linguas</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Sao Paulo, Humanitas et FAPESP, 2011, pp. 135-147.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">De Sta&euml;l, Germaine, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>De l&rsquo;Allemagne, </i></font><font face="Times New Roman, serif">premi&egrave;re partie, chap. XII &laquo;&nbsp;De la langue allemande dans ses rapports avec l&rsquo;esprit de conversation&nbsp;&raquo;, Paris, Librairie St&eacute;r&eacute;otype, 1814.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Encrev&eacute;, Pierre&nbsp;et Braudeau, Michel,</font><font face="Times New Roman, serif"><i>&nbsp;Conversations sur la langue fran&ccedil;aise, </i></font><font face="Times New Roman, serif">Paris, Gallimard, 2007.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Puren, Christian,</font><font face="Times New Roman, serif"><i> Histoire des m&eacute;thodologies de l&rsquo;enseignement des langues, </i></font><font face="Times New Roman, serif">Paris,&nbsp;Nathan-CLE international, 1988.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Semprun, Jorge, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Une tombe au creux des nuages. Essais sur l&rsquo;Europe d&rsquo;hier et d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, </i></font><font face="Times New Roman, serif">Climats, 2010.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Siouffi, Gilles, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Le g&eacute;nie de la langue fran&ccedil;aise. Etudes sur les structures imaginaires de la description linguistique &agrave; l&rsquo;&Acirc;ge classique</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Honor&eacute; Champion, 2010.</font></p> <p><font face="Times New Roman, serif">Thouard, Denis, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Et toute langue est &eacute;trang&egrave;re. Le projet de Humboldt</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Paris,&nbsp;Les Belles Lettres, 2016.</font></p> <p>&nbsp;</p> <div id="sdfootnote1"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a><font face="Times New Roman, serif">Mais &laquo;&nbsp;Quand donc est-on chez soi&nbsp;?&nbsp;&raquo; se demande Barbara Cassin, sous-titre de son ouvrage </font><font face="Times New Roman, serif"><i>La nostalgie</i></font><font face="Times New Roman, serif">, Paris&nbsp;: Autrement (2013).</font></font></span></small></p> </div> <div id="sdfootnote2"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a><font face="Times New Roman, serif">Dans la gamme immense des &laquo;&nbsp;adaptations&nbsp;&raquo;, je ne r&eacute;siste pas au plaisir de reproduire un extrait d&rsquo;un cours de fran&ccedil;ais radiodiffus&eacute; (</font><font face="Times New Roman, serif"><i>Fran&ccedil;ais</i></font><font face="Times New Roman, serif">, livre 4), Le&ccedil;on 4, 1974, en usage durant la R&eacute;volution Culturelle en Chine&nbsp;: </font></font></span></small></p> <p><small><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">&laquo;&nbsp;Wang&nbsp;: Camarade Lou, voulez-vous me dire quelques mots sur votre village natal&nbsp;?</font></font></font></small></p> <p><small><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">Lou&nbsp;: Volontiers. Dans mon village natal, on a beaucoup souffert avant la lib&eacute;ration&hellip;&nbsp;&raquo; </font></font></font></small></p> <p><small><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><font face="Times New Roman, serif">(passage cit&eacute; dans la th&egrave;se de doctorat de Yan Xu</font><font face="Times New Roman, serif"><i>, Histoire des m&eacute;thodologies de l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais en Chine (1850-2010</i></font><font face="Times New Roman, serif">), universit&eacute; de Nice Sophia Antipolis et universit&eacute; des langues &eacute;trang&egrave;res de P&eacute;kin).</font></font></font></small></p> </div> <div id="sdfootnote3"> <p><small><span style="page-break-before:always"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">L&rsquo;Europe, c&rsquo;est le Printemps de Prague, tout aussi bien que Mai 68, la chute du Mur de Berlin, tous ces &eacute;v&eacute;nements qui ont contribu&eacute; &agrave; construire une Europe, davantage menac&eacute;e aujourd&rsquo;hui par les &laquo;&nbsp;d&eacute;mocraties illib&eacute;rales&nbsp;&raquo; avec leurs tentations nationalistes et x&eacute;nophobes que par la Commission europ&eacute;enne ou le Parlement de Strasbourg&hellip;Etudiant de Husserl, Jan Patocka, philosophe tch&egrave;que, est mort en 1977 sous les coups de la police du r&eacute;gime communiste. Voir son ouvrage </font></font></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><i>L&rsquo;Europe apr&egrave;s l&rsquo;Europe</i></font></font></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> (Verdier, 2007).</font></font></font></span></small></p> </div> <div id="sdfootnote4"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a><font face="Times New Roman, serif">Y-a-t-il des langues &eacute;trang&egrave;res dans la langue &laquo;&nbsp;maternelle&nbsp;&raquo;, est-elle susceptible de se d&eacute;doubler quand elle se confond avec la langue &laquo;&nbsp;nationale&nbsp;&raquo;, ouvrant vers d&rsquo;autres pratiques linguistiques, en particulier scolaires ou administratives (Pierre Encrev&eacute; intitulait un article &laquo;&nbsp;La langue de l&rsquo;Etat est une langue &eacute;trang&egrave;re aux Fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;, </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Lib&eacute;ration</i></font><font face="Times New Roman, serif">, 12 mai 2002)&nbsp;? Et la litt&eacute;rature qui &laquo;&nbsp;consiste &agrave; forger une langue &eacute;trang&egrave;re dans la langue maternelle&nbsp;&raquo; (Encrev&eacute; et Braudeau, 2007, p. 75), dans le sillage de Proust et Sartre.</font></font></span></small></p> </div> <div id="sdfootnote5"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a><font face="Times New Roman, serif">Je cite ces coll&egrave;gues pr&eacute;sents et intervenants dans le colloque de Montpellier.</font></font></span></small></p> </div> <div id="sdfootnote6"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a><font face="Times New Roman, serif">Antoine Compagnon (1998) s&rsquo;interrogeait ainsi, il y a 20 ans&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pourquoi le fran&ccedil;ais devient une langue comme les autres&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Quelle que soit sa nostalgie de professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise, il analyse lucidement au moyen de son exp&eacute;rience et de donn&eacute;es chiffr&eacute;es ce qui, pour certains, se dirait dans les registres du d&eacute;sastre et de l&rsquo;inacceptable. </font></font></span></small></p> </div> <div id="sdfootnote7"> <p><small><span style="page-break-before:always"><font size="2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a><font face="Times New Roman, serif">Il faudrait sur une courte p&eacute;riode, par exemple la fin du XX&deg; si&egrave;cle, p&eacute;riode charg&eacute;e en discours d&eacute;clinistes, reprendre toute cette archive&nbsp;: rapport demand&eacute; par l&rsquo;Acad&eacute;mie &agrave; Jacqueline de Romilly et H&eacute;l&egrave;ne Carr&egrave;re d&rsquo;Encausse (novembre1995), articles de Bertrand Poirot-Delpech dans </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Le Monde</i></font><font face="Times New Roman, serif"> (par exemple 13 mars 1996, 11 avril 2001, 6 f&eacute;vrier 2002), ouvrages de Jean Dutourd </font><font face="Times New Roman, serif"><i>A la recherche du fran&ccedil;ais</i></font> <font face="Times New Roman, serif"><i>perdu </i></font><font face="Times New Roman, serif">(Plon, 1999), de Claude Duneton </font><font face="Times New Roman, serif"><i>La Mort du fran&ccedil;ais</i></font><font face="Times New Roman, serif">, (Plon, 1999). Les titres parlent d&rsquo;eux-m&ecirc;mes qui &eacute;pinglent tout &agrave; la fois le triste devenir d&rsquo;une langue et le sabotage de son enseignement, oublieux des grands textes, f&acirc;ch&eacute; avec la m&eacute;morisation, tout entier tourn&eacute; vers la communication. N&rsquo;oublions pas la francophonie genevoise&nbsp;(avec un clin d&rsquo;&oelig;il au Charles Bally de </font><font face="Times New Roman, serif"><i>La Crise du fran&ccedil;ais</i></font><font face="Times New Roman, serif"> en 1930) :</font><font face="Times New Roman, serif"><i> La</i></font> <font face="Times New Roman, serif"><i>Tribune de Gen&egrave;ve </i></font><font face="Times New Roman, serif">des 20-21 novembre 1999 titre &laquo;&nbsp;Malmen&eacute; dans les &eacute;coles genevoises, le fran&ccedil;ais est en p&eacute;ril&nbsp;&raquo;.</font></font></span></small></p> </div>