<p>Les exp&eacute;riences de mobilit&eacute; acad&eacute;mique ne doivent pas &ecirc;tre pens&eacute;es comme une suite finie et discontinue d&rsquo;actions disjointes faites par des individus quelconques mais comme un ensemble complexe, dynamique, qui se construit et se d&eacute;veloppe dans le temps, &agrave; partir des relations d&rsquo;obligations r&eacute;ciproques existant entre leurs diff&eacute;rents co-acteurs. L&rsquo;&eacute;nergie qui alimente le dynamisme de cette <q><i>situation d&rsquo;exp&eacute;rience de mobilit&eacute;</i></q> (Pungier, 2014) provient des discours produits continuellement autour de ces exp&eacute;riences, autrement dit de leurs <q>restitutions</q> (Pungier, 2014).</p> <p>Les mobilit&eacute;s acad&eacute;miques sont devenues aujourd&rsquo;hui des affaires d&rsquo;Etat aussi bien en Occident qu&rsquo;en Extr&ecirc;me-Orient<a href="#_ftn1"> [1]</a> o&ugrave; elles font l&rsquo;objet d&rsquo;une institutionnalisation (Garneau, 2007&nbsp;; Ballatore, 2011). Par ailleurs, l&rsquo;importance accord&eacute;e &agrave; leurs restitutions n&rsquo;a cess&eacute; d&rsquo;augmenter. D&eacute;sormais, toute exp&eacute;rience v&eacute;cue &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger est susceptible de donner lieu &agrave; une mise en mots et d&rsquo;&ecirc;tre diffus&eacute;e dans la sph&egrave;re publique parce qu&rsquo;on attribue &agrave; celui qui en a v&eacute;cu une un statut de t&eacute;moin de premi&egrave;re qualit&eacute;&nbsp;: il peut dire <q>j&rsquo;y &eacute;tais</q> (Dulong, 1998). Ce processus global est ainsi perceptible au Japon o&ugrave; l&rsquo;incitation &agrave; la mobilit&eacute; aupr&egrave;s des jeunes Japonais se fait en particulier &agrave; travers un programme intitul&eacute; Tobitate Japan <a href="#_ftn2">[2]</a> (not&eacute; ci-apr&egrave;s Tobitate) ou bien via les actions des bureaux des relations internationales des universit&eacute;s (ou BRI). Dans ces deux cas, il existe une habitude de recensement et de mise en ligne des restitutions. Or curieusement, ces espaces, ouverts par les institutions gouvernementales et acad&eacute;miques &agrave; la parole d&rsquo;&eacute;tudiants, sont assez peu l&rsquo;objet de l&rsquo;attention de chercheurs (pour l&rsquo;aire francophone par exemple, Papatsiba, 2002&nbsp;; Anquetil, 2011&nbsp;; Pungier, 2014). Globalement, lorsque ceux-ci convoquent des sources &eacute;crites, ils s&rsquo;int&eacute;ressent plut&ocirc;t &agrave; la question du degr&eacute; d&rsquo;acquisition et de ma&icirc;trise de comp&eacute;tences linguistiques et interculturelles lors de s&eacute;jours d&rsquo;exp&eacute;riences de mobilit&eacute; (Meunier, 2011) ou &agrave; celle de la motivation &agrave; continuer &agrave; apprendre la langue (Mogi, 2016).</p> <p>Dans cette &eacute;tude, nous nous int&eacute;ressons sp&eacute;cifiquement aux discours qui concernent l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment langue ne cessant d&rsquo;affleurer dans les restitutions &ndash; peut-&ecirc;tre parce que <q>la symbolisation langagi&egrave;re op&egrave;re un certain &quot;<em>d&eacute;coupage du monde&quot;</em>, d&eacute;coupage [&hellip;] &agrave; entendre [&hellip;] comme une diff&eacute;renciation et une abstraction pratique et intellectuelle, &agrave; partir d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; construite, et dont la construction, est en retour, nou&eacute;e par le langage et par les activit&eacute;s pratiques et sensorielles</q>&nbsp;&raquo; (Leimdorfer, 2010&nbsp;: 20).</p> <p>D&rsquo;un point de vue mobilitaire, quelle relation unit-elle le Japon &agrave; la France&nbsp;? Par quels moyens, les &eacute;tudiants l&rsquo;ayant privil&eacute;gi&eacute;e peuvent-ils la mettre en mots&nbsp;? Quelle place et quel r&ocirc;le l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment linguistique joue-t-il alors dans le quotidien et l&rsquo;imaginaire de ces scripteurs&nbsp;? Son appr&eacute;hension varie-t-elle au fur et &agrave; mesure du d&eacute;roulement du s&eacute;jour&nbsp;?</p> <p>Voil&agrave; quelques questions qui ont guid&eacute; la lecture et l&rsquo;analyse, dans une perspective qualitative d&rsquo;un corpus de restitutions d&rsquo;exp&eacute;riences en libre acc&egrave;s sur la toile (BRI de l&rsquo;Universit&eacute; Pr&eacute;fectorale d&rsquo;Osaka (ou UPO)) ou site intitul&eacute;&nbsp;Grande Encyclop&eacute;die Illustr&eacute;e (ou GEI) (留学大図鑑) (Pungier, 2018) <a href="#_ftn3">[3]</a>.</p> <p>Dans un premier temps, nous examinons les possibilit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;apprentissage des langues &eacute;trang&egrave;res et &agrave; la mobilit&eacute; ainsi qu&rsquo;au ph&eacute;nom&egrave;ne de restitution d&rsquo;exp&eacute;riences dans la soci&eacute;t&eacute; japonaise. Ensuite, nous nous int&eacute;ressons, plus sp&eacute;cifiquement, aux discours centr&eacute;s sur l&rsquo;appr&eacute;hension de la langue et de ses usages pendant le s&eacute;jour de mobilit&eacute;. Enfin nous discutons de la raison de la pr&eacute;sence ou de l&rsquo;absence de passages sur la langue en faisant l&rsquo;hypoth&egrave;se que la place de celle-ci dans le moment de socialisation secondaire que constitue le s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger n&rsquo;est pas fig&eacute;e.<br /> &nbsp;</p> <h2>1. Acc&eacute;der aux langues, &agrave; la mobilit&eacute; vers la France, aux mises en mots des exp&eacute;riences</h2> <h3>1.1. Acc&eacute;der &agrave; des langues &eacute;trang&egrave;res</h3> <p>Avant l&rsquo;ouverture sur l&rsquo;occident (seconde moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle), les langues &eacute;trang&egrave;res reconnues au Japon &eacute;taient le chinois et le hollandais. Apr&egrave;s 1858, anglais, fran&ccedil;ais et allemand les ont remplac&eacute;es sur le march&eacute; de l&rsquo;enseignement-apprentissage. Au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, la formation de l&rsquo;&eacute;lite passait par l&rsquo;acquisition d&rsquo;au moins l&rsquo;une de ces trois langues que le cursus soit litt&eacute;raire ou scientifique (Iwasaki, 2007). Ce n&#39;est que r&eacute;cemment (fin du XX<sup>e</sup> ou d&eacute;but du XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle) que le cor&eacute;en et le chinois ont fait ou refait leur entr&eacute;e dans un syst&egrave;me scolaire et universitaire modernis&eacute; (Harayama, 2000&nbsp;; Agawa, 2011).</p> <p>Cependant, parall&egrave;lement, le temps d&rsquo;exposition &agrave; la langue &eacute;trang&egrave;re, anglais except&eacute;, n&rsquo;a cess&eacute; de diminuer. Malgr&eacute; des tentatives d&rsquo;<em>&eacute;veil aux langues</em> d&egrave;s le primaire, l&rsquo;introduction par le gouvernement d&rsquo;un apprentissage pr&eacute;coce d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re a favoris&eacute; l&rsquo;anglais. Les jeunes Japonais ont donc tr&egrave;s peu de chances de rencontrer une autre langue avant l&rsquo;entr&eacute;e &agrave; l&rsquo;universit&eacute;, o&ugrave; son apprentissage n&rsquo;est d&eacute;sormais plus obligatoire depuis la loi d&rsquo;autonomie des universit&eacute;s (2004). Pour beaucoup, ce bagage linguistique est pens&eacute; comme suffisant et comme naturellement partag&eacute; o&ugrave; qu&rsquo;on aille. Ainsi, Momo, partie six mois entre la France et la Suisse, note par exemple&nbsp;:<q>(&hellip;) je croyais que dans les supermarch&eacute;s en Europe ou dans les &eacute;quipements publics, il n&rsquo;y avait pas seulement des inscriptions en langue locale mais aussi obligatoirement en anglais (&hellip;)</q>.</p> <h3>1.2. Acc&eacute;der &agrave; la France</h3> <p>D&rsquo;apr&egrave;s les statistiques du Minist&egrave;re japonais de l&rsquo;Education, qui recense les donn&eacute;es sur les mobilit&eacute;s entrantes et sortantes, les Etats-Unis, le Canada et l&rsquo;Australie ou bien la Cor&eacute;e et la Chine repr&eacute;sentaient en 2016 des pays tr&egrave;s attractifs pour les candidats &agrave; un s&eacute;jour d&rsquo;&eacute;tudes &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger. La France n&rsquo;appara&icirc;t ainsi comme destination principale ou partielle que dans environ cinq pour cent du total des restitutions de la GEI<a href="#_ftn4"> [4]</a>.</p> <p>Dans le cas de Tobitate, le d&eacute;sir de mieux ma&icirc;triser une langue n&rsquo;est pas consid&eacute;r&eacute; comme un objectif en soi mais comme un moyen pour en atteindre d&rsquo;autres. M&ecirc;me pour ceux qui ont d&eacute;j&agrave; commenc&eacute; &agrave; apprendre le fran&ccedil;ais, le choix de la France (plus qu&rsquo;un autre pays francophone) s&rsquo;appuie toujours sur d&rsquo;autres crit&egrave;res que la langue&nbsp;: existence d&rsquo;une convention d&rsquo;&eacute;changes ou d&rsquo;un laboratoire effectuant des recherches dans un domaine hyper sp&eacute;cialis&eacute;, pr&eacute;sence d&rsquo;un enseignant particulier, par exemple. Par ailleurs, on remarque que, plus on fait des &eacute;tudes scientifiques, moins on choisit la France pour le fran&ccedil;ais.</p> <h3 class="western">1.3. Acc&eacute;der &agrave; la langue via les mises en mots</h3> <p>Le BRI de l&rsquo;UPO demande que le contenu du compte rendu du s&eacute;jour fasse deux pages et qu&rsquo;il contienne des informations utiles pour les suivants Aucune pr&eacute;cision suppl&eacute;mentaire n&#39;&eacute;tant donn&eacute;e, les mentions de l&rsquo;apprentissage linguistique ne constituent alors qu&rsquo;une option possible pour les scripteurs.</p> <p>De son c&ocirc;t&eacute;, Tobitate propose simplement aux &eacute;tudiants de mesurer, dans un document format&eacute; intitul&eacute; <em>taikendan</em> (体験談) ou <em>r&eacute;cit d&rsquo;exp&eacute;riences v&eacute;cues</em>, leurs comp&eacute;tences linguistiques globales avec un niveau estim&eacute; avant le d&eacute;part et au retour. Cependant, bien que peu valoris&eacute;s par le commanditaire, les &eacute;pisodes concernant la langue r&eacute;apparaissent ici et l&agrave; sous la plume des &eacute;tudiants, par exemple, dans l&rsquo;espace scripturaire intitul&eacute; &eacute;pisode sp&eacute;cial ou bien dans celui dit des regrets. On note alors que, dans la mesure o&ugrave; le s&eacute;jour se passe en France, le fran&ccedil;ais est la langue &eacute;trang&egrave;re qui y devient la plus cit&eacute;e.</p> <h2 class="western">2. De l&rsquo;appr&eacute;hension de la langue et de ses usages pendant le s&eacute;jour de mobilit&eacute;</h2> <p>Dans les restitutions, la langue s&rsquo;appr&eacute;hende &agrave; la fois comme une entit&eacute; globale, et comme quelque chose qui change suivant le moment de la vie ou du s&eacute;jour o&ugrave; il est manipul&eacute;.</p> <h3>2.1. La langue comme entit&eacute; saisie dans sa globalit&eacute;</h3> <p>En tant qu&rsquo;entit&eacute; globale, le fran&ccedil;ais appara&icirc;t anim&eacute; &ndash;il provoque toute une s&eacute;rie de sentiments &agrave; son &eacute;gard&ndash; et comme ayant un double visage, adverse ou coop&eacute;rant&nbsp;: Maya assiste &agrave; ses premiers cours en pleurant car elle ne comprend rien.</p> <p>La langue peut amener un sentiment de malaise, de mal-&ecirc;tre dans la vie quotidienne. L&rsquo;&eacute;tudiant se pense alors seul face &agrave; elle. C&#39;est l&agrave; que l&rsquo;image du mur peut intervenir. La p&eacute;riode difficile peut &ecirc;tre ressentie comme plus ou moins longue. Hanae mentionne par exemple les deux mois suivant son arriv&eacute;e en France comme <em>sinistres</em> car elle a perdu la forme physique et psychologique.</p> <p>Pour d&rsquo;autres, les difficult&eacute;s li&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment linguistique se r&eacute;sorbent plus rapidement. Dans ce cas, on remarque que la langue ne prend pas de forme extr&ecirc;me. Elle n&rsquo;isole pas. Elle est plus simplement assimil&eacute;e &agrave; une source de tension(s). Dans ce cas, la situation de face-&agrave;-face en jeu ne se construit pas avec la langue mais avec un ou plusieurs autres, des pairs. Va-t-on &ecirc;tre &agrave; leur hauteur&nbsp;? La langue sert alors d&rsquo;&eacute;talon de mesure. Mais la comparaison n&rsquo;est pas toujours n&eacute;gative. Ainsi, Ryoko qui obtient un 15 sur 20 &agrave; un expos&eacute; compare son r&eacute;sultat &agrave; d&rsquo;autres dans la classe et s&rsquo;aper&ccedil;oit que sa note est plus que satisfaisante.</p> <h3 class="western">2.2. La langue comme objet d&rsquo;apprentissage</h3> <p>La langue &eacute;trang&egrave;re fait l&rsquo;objet d&rsquo;une cat&eacute;gorisation double comme mati&egrave;re d&rsquo;apprentissage. Ainsi, pour Sho, il y a l&rsquo;<em>anglais discipline scolaire et la langue-communication</em>, et c&rsquo;est cette derni&egrave;re qu&rsquo;elle veut apprendre. De son c&ocirc;t&eacute;,&nbsp;libk005 oppose la langue &eacute;crite &agrave; l&rsquo;expression orale&nbsp;: elle pense qu&rsquo;&nbsp;<q>il y a beaucoup de gens qui sont forts pour l&rsquo;&eacute;crit mais qui ne se sentent pas &agrave; l&rsquo;aise pour parler.</q>&nbsp; Takuya, lui, montre d&rsquo;abord la langue comme une entit&eacute; &eacute;trang&egrave;re puis comme un outil &agrave; disposition.</p> <h3 class="western" lang="es-ES">2.3. La langue comme objet de strat&eacute;gie</h3> <p>Les raisons du changement ne sont pas dues au hasard ni &agrave; la seule dur&eacute;e du s&eacute;jour mais &agrave; la mise en &oelig;uvre de strat&eacute;gies&nbsp;: la langue se manipule ou oblige &agrave; se transformer soi. Les comptes rendus de la GEI tendent &agrave; montrer ce passage progressif d&rsquo;une position de locuteur passif &agrave; celle de locuteur actif.</p> <h4>2.3.1. Prendre la langue &agrave; bras-le-corps</h4> <p>Le changement d&rsquo;attitude peut concerner la langue&nbsp;discipline scolaire ou la langue&nbsp;communication. La strat&eacute;gie mise en place par Shika commence avant son d&eacute;part en France et s&rsquo;y poursuit. Elle la d&eacute;taille sous forme d&rsquo;une suite d&rsquo;&eacute;tapes par lesquelles passer, un peu comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;une recette&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <i>Comment bien s&rsquo;entendre avec le fran&ccedil;ais&nbsp;? Quoi qu&rsquo;il arrive, l&rsquo;utiliser&nbsp;!</i></p> <p><i>Avant le s&eacute;jour</i></p> <p><i>- Parler avec les &eacute;tudiants &eacute;trangers fran&ccedil;ais de la fac&nbsp;; leur poser des questions</i></p> <p><i>- M&ecirc;me si c&rsquo;est seulement, un peu, essayer de tenir un journal en fran&ccedil;ais</i></p> <p><i>- Ecouter un podcast en fran&ccedil;ais sur un th&egrave;me qui nous pla&icirc;t</i></p> <p><i>Pendant le s&eacute;jour</i></p> <p><i>- Parler avec des Fran&ccedil;ais</i></p> <p><i>- Si on se sent trop intimid&eacute; quand on parle avec des Fran&ccedil;ais, parler avec les camarades &eacute;trangers</i></p> <p><i>- Ecouter la radio</i></p> <p><i>- Si on oublie, demander encore et encore, rechercher</i> &raquo;.</p> </blockquote> <p>Cette attitude volontariste ne correspond cependant pas &agrave; la majorit&eacute; des situations, d&rsquo;o&ugrave; la saturation de l&rsquo;espace scripturaire&nbsp;regrets de Tobitate par des mentions de ne pas avoir assez travaill&eacute; la langue avant de partir <a href="#_ftn5">[5]</a>.</p> <h4>2.3.2. Choisir son interlocuteur</h4> <p>Prenant acte du fait qu&rsquo;il est difficile de communiquer de mani&egrave;re agr&eacute;able avec les natifs, il s&rsquo;agit alors de trouver des interlocuteurs &agrave; la fois naturellement compr&eacute;hensibles et compr&eacute;hensifs. Ces interlocuteurs id&eacute;aux sont les autres &eacute;tudiants &eacute;trangers, des &eacute;gaux dans la langue. Naka explique ainsi&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <i>Si on pense apprendre le fran&ccedil;ais, le mieux est de parler r&eacute;ellement avec des Fran&ccedil;ais (&hellip;). Cependant, comme pour les Fran&ccedil;ais, le fran&ccedil;ais est leur langue maternelle, il arrive que si de notre c&ocirc;t&eacute; on parle un peu et on comprend, on a affaire &agrave; des tirs de mitraillette. (&hellip;) Moi, au d&eacute;but, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; &eacute;cras&eacute;e par cette pression (&hellip;). Je pense que pour apprendre le fran&ccedil;ais il n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire de rencontrer seulement des francophones, (&hellip;) de se consacrer uniquement aux films fran&ccedil;ais, &agrave; la musique fran&ccedil;aise. Moi, personnellement, j&rsquo;ai parl&eacute; avec mes ami(es) cor&eacute;en(ne)s et allemand(e)s, en regardant la version fran&ccedil;aise du film Harry Potter (&hellip;)</i> &raquo;.</p> </blockquote> <p>Naka effectue donc une sorte de repli sur des autres dont elles pensent qu&rsquo;ils lui ressemblent.</p> <h4>2.3.3. Se changer soi</h4> <p>Pour d&rsquo;autres, plut&ocirc;t que de changer d&rsquo;interlocuteur, il faut se changer soi parce que l&rsquo;usage qui est fait de la langue dans la communication est diff&eacute;rent de celui qui est connu avec le japonais dans le monde acad&eacute;mique japonais, dans la soci&eacute;t&eacute; japonaise. Fran&ccedil;ois estime, par exemple, que, dans un contexte d&rsquo;adversit&eacute; linguistique, il a d&eacute;velopp&eacute; une comp&eacute;tence d&rsquo;opini&acirc;tret&eacute;, d&rsquo;offensive verbale&nbsp;: <span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span><em>(&hellip;) Peut-&ecirc;tre que c&rsquo;est la m&ecirc;me chose dans tous les pays mais, en France, sp&eacute;cialement, il est important d&rsquo;insister, de s&rsquo;exprimer soi-m&ecirc;me</em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;</span></span></span><em>.</em></p> <p>De son c&ocirc;t&eacute;, Takeshi, au lieu de passer &agrave; l&rsquo;offensive, effectue une r&eacute;volution int&eacute;rieure&nbsp;: il apprend &agrave; l&acirc;cher prise pour mieux s&rsquo;en sortir&nbsp;: <span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span><em>Pendant le s&eacute;jour d&rsquo;&eacute;tudes &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, ce que j&rsquo;ai ressenti comme le plus stressant, c&rsquo;est le fait de ne pas pouvoir faire preuve mes propres comp&eacute;tences &agrave; cause de la barri&egrave;re de la langue et d&rsquo;avoir des r&eacute;sultats d&eacute;cevants. Dans ce cas, il est n&eacute;cessaire de demander de l&rsquo;aide &agrave; son entourage et, &agrave; ce moment-l&agrave; il est n&eacute;cessaire de reconna&icirc;tre son absence de comp&eacute;tence. J&rsquo;ai jet&eacute; aux orties mon sentiment de honte, jet&eacute; aux orties ma fiert&eacute; et j&rsquo;ai eu la force de demander de l&rsquo;aide &agrave; mon entourage</em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;</span></span></span><span style="line-height:100%"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><font style="font-size: 12pt">.</font></font></font></span></p> <p>Dans ces deux nouveaux exemples, le repli a lieu sur soi afin de r&eacute;apprendre &agrave; ma&icirc;triser ses relations avec les autres.</p> <h2 align="justify" class="western" style="margin-top: 19px; margin-bottom: 19px;">3. Le s&eacute;jour de mobilit&eacute; comme exp&eacute;rience socialisatrice et le r&ocirc;le de la langue</h2> <p>Pourquoi beaucoup d&rsquo;&eacute;tudiants estiment-ils capital de rapporter leurs exp&eacute;riences concernant la langue et insistent-ils sur la n&eacute;cessit&eacute; de lui accorder de l&rsquo;importance alors que d&rsquo;autres ne le font pas&nbsp;? L&rsquo;hypoth&egrave;se que nous faisons ici est que les &eacute;crits de restitution d&rsquo;exp&eacute;rience de mobilit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger prescrits par une autorit&eacute; institutionnelle sont aussi un lieu d&rsquo;expression et de l&eacute;gitimation de diff&eacute;rentes &eacute;tapes de socialisation, dans lesquels l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment langue joue un r&ocirc;le plus ou moins important suivant les capitaux sociaux (culturels, de mobilit&eacute;, etc.) poss&eacute;d&eacute;s par les individus en mobilit&eacute; et suivant leur sensibilit&eacute; de personnes (Murphy-Lejeune, 2003).</p> <h3>3.1. D&rsquo;une situation de socialisation &agrave; une situation de d&eacute;socialisation</h3> <p>A reprendre les diff&eacute;rentes d&eacute;finitions de la notion de socialisation (Dubar, [2010] 2014), il semblerait qu&rsquo;elle soit toujours con&ccedil;ue comme un processus se mettant en place entre des individus et que les &eacute;l&eacute;ments formant l&rsquo;environnement mat&eacute;riel, sensoriel dans lequel elle se r&eacute;alise ne soient pas consid&eacute;r&eacute;s comme participant pleinement du ph&eacute;nom&egrave;ne<a href="#_ftn6"> [6]</a> comme si elle se produisait dans un espace vide. Les contraintes mat&eacute;rielles, sensorielles n&rsquo;appara&icirc;traient qu&rsquo;avec leur symbolisation par le langage.</p> <p>Quelqu&rsquo;un qui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; partir &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger se trouve globalement en situation d&rsquo;&eacute;quilibre dans son monde v&eacute;cu <em>&eacute;vident</em>, <q>un monde pris pour allant de soi</q>&nbsp;(Sch&uuml;tz,&nbsp;[2007] 2010&nbsp;: 79) car il peut acc&eacute;der &agrave; tout moment &agrave; un ou plusieurs des &eacute;l&eacute;ments qui le composent, c&rsquo;est-&agrave;-dire (pour lui) tout un ensemble de r&eacute;f&eacute;rents&nbsp;: ses autruis significatifs, individus ou institutions, mais aussi un ensemble de ressources naturelles et une somme de r&eacute;alisations concr&egrave;tes de l&rsquo;activit&eacute; humaine ou <q>instance environnementale du quotidien</q> <a href="#_ftn7">[7]</a> pr&eacute;sentes dans l&rsquo;ici et maintenant en tant que telles et m&eacute;di&eacute;es par le langage.</p> <p>L&rsquo;&eacute;quilibre socialisateur d&rsquo;un individu repose sur l&rsquo;activation constante des interactions r&eacute;elles ou imagin&eacute;es avec une partie ou la totalit&eacute; des &eacute;l&eacute;ments de ce r&eacute;servoir de ressources.</p> <p>Or le d&eacute;part &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, souvent pr&eacute;sent&eacute; comme extr&ecirc;me lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de pays g&eacute;ographiquement &eacute;loign&eacute;s comme le Japon et la France, est l&rsquo;occasion de ressentir une perte de rep&egrave;res. En un mot, il s&rsquo;apparente &agrave; une exp&eacute;rience de d&eacute;socialisation.</p> <p>L&rsquo;&eacute;tudiant en s&eacute;jour de mobilit&eacute; acad&eacute;mique n&rsquo;a plus un acc&egrave;s direct &agrave; ses ressources environnementales du quotidien ni &agrave; ses r&eacute;f&eacute;rents socialisateurs sauf par la pens&eacute;e &ndash;il peut se les repr&eacute;senter&ndash; ou bien par le truchement des moyens des technologies de l&rsquo;information. Mais, c&rsquo;est &agrave; partir de cette double situation de perte qu&rsquo;une nouvelle socialisation est possible.</p> <h3>3.2. Restaurer un &eacute;quilibre socialisateur a minima</h3> <h4>3.2.1. Survivre sans la langue</h4> <p>D&rsquo;autres &eacute;l&eacute;ments que la langue peuvent jouer un r&ocirc;le moteur dans la mise en place d&rsquo;un nouveau climat socialisateur. Ainsi, Shoko T. estime a posteriori que poss&eacute;der des connaissances dans sa langue premi&egrave;re aurait pu lui permettre de se sentir plus vite plus &agrave; l&rsquo;aise dans le domaine de l&rsquo;&oelig;nologie. Pour cette &eacute;tudiante, c&rsquo;est la discipline et les savoirs disponibles qu&rsquo;elle sous-entend qui sont donn&eacute;s comme jouant un r&ocirc;le dans un retour &agrave; un certain &eacute;quilibre. Ainsi, dans une partie du domaine acad&eacute;mique, dans les laboratoires, les savoirs, et non pas la langue en soi, apparaissent comme la cl&eacute; du d&eacute;ploiement de soi-m&ecirc;me dans le nouvel environnement, comme la cl&eacute; possible d&rsquo;une int&eacute;gration r&eacute;ussie Bien s&ucirc;r, le m&eacute;dia des &eacute;changes de savoirs reste bien la langue, non pas celle du pays o&ugrave; on se trouve, mais l&rsquo;anglais&nbsp;: Shinosuke, &eacute;tudiant &agrave; l&rsquo;UPO, explique que, pendant son stage long, il a communiqu&eacute; en anglais,&nbsp;langue commune avec les autres &eacute;tudiants &eacute;trangers logeant avec lui dans une famille d&rsquo;accueil, et avec sa logeuse aussi.</p> <p>Il suffit d&rsquo;accorder une importance plus grande &agrave; la sph&egrave;re des &eacute;tudes qu&rsquo;&agrave; celle du temps libre pour ne pas ressentir, au moins dans un premier temps, le besoin d&rsquo;un apprentissage approfondi de la langue. Sho qui reste seulement deux mois &agrave; Limoges en donne un exemple&nbsp;: <span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span><em>Dans le laboratoire en France, il y a un espace d&eacute;tente (lounge) que les professeurs et les &eacute;tudiants peuvent utiliser librement. Tous les jours &agrave; l&rsquo;heure du d&eacute;jeuner, apr&egrave;s le bento, il y a une pause-caf&eacute; et il y a eu des occasions de parler avec des &eacute;tudiants et des professeurs d&rsquo;autres laboratoires (...)</em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;</span></span></span>.</p> <p>Cela est facilit&eacute; dans le domaine des sciences dures et moins dans celui des sciences humaines ou bien par une mobilit&eacute; encadr&eacute;e dans la mesure o&ugrave; une partie des &eacute;l&eacute;ments qui composent l&rsquo;instance environnementale du quotidien est garantie avant le d&eacute;part &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger (logement, financement, inscription dans un cadre d&rsquo;&eacute;tudes, contenu des &eacute;tudes).</p> <h4>3.2.2. Un semblable comme r&eacute;f&eacute;rent socialisateur</h4> <p>Pour certains &eacute;tudiants, l&rsquo;absence physique d&rsquo;autruis significatifs peut &ecirc;tre difficile &agrave; vivre jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;apparaisse quelqu&rsquo;un qui va prendre le r&ocirc;le de r&eacute;f&eacute;rent socialisateur dans la nouvelle soci&eacute;t&eacute;. Ce dernier n&rsquo;est pas obligatoirement fran&ccedil;ais. Maya parle ainsi d&rsquo;<span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span><em>Eunjin venue de Cor&eacute;e pour &eacute;tudier, celle qui est devenue ma premi&egrave;re amie. Nous deux, on ne parlait presque pas fran&ccedil;ais, et comme on n&rsquo;avait pas d&rsquo;ami(e), naturellement, on s&rsquo;est bien entendues.</em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;</span></span></span>&nbsp;Il arrive que ce soit un groupe de semblables qui devienne ce nouveau r&eacute;f&eacute;rent. Ainsi, la socialisation dans la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise peut s&rsquo;y faire dans la sph&egrave;re sp&eacute;cifique des personnes qui n&rsquo;en sont pas natives, qui n&rsquo;y ont pas v&eacute;cu leur socialisation primaire.</p> <h3 class="western">3.3. Elargir son environnement socialisateur primaire &agrave; partir de soi</h3> <h4 class="western">3.3.1. Apprendre, un moyen d&rsquo;int&eacute;gration sociale</h4> <p>On pressent pour quelques &eacute;tudiants la possibilit&eacute; de vivre le s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger comme une extension de la vie au Japon. Kenta K. affirme ainsi que <span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span><em>Ce n&rsquo;est pas l&rsquo;&eacute;tranger seulement qui fait l&rsquo;apprentissage. En &eacute;tant au Japon aussi, on peut plonger dans un monde qu&rsquo;on ne conna&icirc;t pas, si on veut apprendre [l&agrave;], on peut aussi dire que c&rsquo;est un s&eacute;jour d&rsquo;&eacute;tudes.&nbsp;</em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo;</span></span></span><em> Le fait d&rsquo;aller &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger est judicieux. Le fait de rester au Japon est tout aussi judicieux</em>. Ce que Kenta sugg&egrave;re ne serait-ce pas que quel que soit l&rsquo;endroit o&ugrave; on se trouve on vit en soci&eacute;t&eacute;, on s&rsquo;int&egrave;gre en soci&eacute;t&eacute;&nbsp;?</p> <h4>3.3.2. Des autres toujours significatifs</h4> <p>Les &eacute;changes avec les autres rencontr&eacute;s dans l&rsquo;espace &eacute;tranger se trouvent finalement incorpor&eacute;s &agrave; leur&nbsp;moi et ne sont plus distinguables d&rsquo;autres qui leur seraient ant&eacute;rieurs. Par exemple, si Yuki reconna&icirc;t au d&eacute;but de son s&eacute;jour une certaine pression psychologique, d&egrave;s ce moment-l&agrave; d&eacute;j&agrave;, la langue ne semble pas pens&eacute;e comme un &eacute;l&eacute;ment ind&eacute;pendant et hors d&rsquo;elle, mais comme quelque chose qui lui permet de se familiariser avec d&rsquo;autres dimensions du quotidien. Elle raconte alors que finalement, en parlant avec beaucoup de personnes, les opinions de ses interlocuteurs se sont m&eacute;lang&eacute;es en elle, et lui ont permis de trouver une image d&rsquo;elle-m&ecirc;me et de ce qu&rsquo;elle &eacute;tait capable de faire. Elle se montre renfor&ccedil;ant l&rsquo;assise de sa socialisation primaire.</p> <h4>3.3.3. Profiter de son capital de mobilit&eacute;&nbsp;</h4> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px">Naoya, gr&acirc;ce &agrave; sa capacit&eacute; &agrave; concevoir l&rsquo;environnement du quotidien o&ugrave; il se trouve comme &eacute;tant par essence son instance permanente de socialisation, montre aussi que la langue n&rsquo;est pas un obstacle mais quelque chose qui appartient au courant de sa vie. Dans son compte rendu, il utilise le terme&nbsp;<em>&agrave; nouveau</em><span style="line-height:100%"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><font style="font-size: 12pt"> </font></font></font></span>(改めて). Nous pensons reconna&icirc;tre ici ce que E. Murphy-Lejeune r&eacute;fl&eacute;chissant sur la question de la r&eacute;ussite d&rsquo;un s&eacute;jour en termes de savoirs ou de qualit&eacute;s permettant une int&eacute;gration plus ou moins rapide dans la soci&eacute;t&eacute; cible propose de lire comme la possession d&rsquo;un&nbsp;<em>capital de mobilit&eacute;</em> acquis ant&eacute;rieurement soit dans la famille, soit dans d&rsquo;autres exp&eacute;riences &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger (Murphy-Lejeune, 2000&nbsp;: 16-17).</p> <p>Pour ceux qui arrivent &agrave; unifier l&rsquo;appr&eacute;hension de leur monde v&eacute;cu quel que soit le lieu o&ugrave; ils se trouvent, on peut aussi faire l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une <q>socialisation anticipatrice</q>&nbsp;(M.-C. Mu&ntilde;oz, 2009).</p> <h2 align="justify" class="western" style="margin-top: 19px; margin-bottom: 19px;">Conclusion</h2> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px">Dans les situations pr&eacute;sent&eacute;es ici, le regard que portent les &eacute;tudiants sur ce qu&rsquo;ils ont v&eacute;cu &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger leur fait dire qu&rsquo;ils ont v&eacute;cu des exp&eacute;riences (agr&eacute;ables, merveilleuses, superbes, etc.), autrement dit <em>des exp&eacute;riences</em><span style="line-height:100%"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><font style="font-size: 12pt"><i> </i></font></font></font></span>de type <em>Erlebnis,</em> c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;ils pensent cette p&eacute;riode de leur vie comme une suite d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements, de moments particuliers de leur existence. Pour quelques &eacute;tudiants seulement, il semblerait que ce s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger devienne <em>une</em> exp&eacute;rience de type <em>Erfahrung</em>, c&#39;est-&agrave;-dire un ensemble unifi&eacute; de connaissances nouvelles qu&rsquo;ils se sont appropri&eacute;es. Force est de constater que ces &eacute;tudiants-l&agrave;, &agrave; un moment o&ugrave; l&rsquo;autre de leur parcours, ont saisi la langue &agrave; bras-le-corps et en ont fait une extension d&rsquo;eux-m&ecirc;mes. Pour ceux-l&agrave;, la langue &eacute;trang&egrave;re devient un instrument d&rsquo;appr&eacute;hension, de compr&eacute;hension et d&rsquo;interpr&eacute;tation du quotidien, au m&ecirc;me titre que la langue premi&egrave;re.</p> <p>Mais, on peut se demander aussi si une organisation comme Tobitate Japan ne fait pas le pari que le nouvel &eacute;quilibre dans la vie quotidienne va s&rsquo;organiser sans que la langue du pays de s&eacute;jour soit le m&eacute;dia obligatoire de cette socialisation parce qu&rsquo;il suffit de diminuer temporairement l&rsquo;&eacute;nergie utilis&eacute;e pour entretenir l&rsquo;interrelation avec des autruis significatifs et augmenter la fr&eacute;quentation d&rsquo;autres r&eacute;f&eacute;rents pour, au moins momentan&eacute;ment, retrouver une sorte d&rsquo;&eacute;quilibre socialisateur. Le but alors de l&rsquo;exp&eacute;rience mobilitaire n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas de r&eacute;ussir &agrave; int&eacute;grer compl&egrave;tement tous les nouveaux &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;instance environnementale du quotidien &agrave; celle d&rsquo;origine ni d&rsquo;int&eacute;grer les nouveaux autruis significatifs aux groupes de ceux de la socialisation primaire ou des premi&egrave;res socialisations secondaires mais de les garder dans une zone ext&eacute;rieure comme preuves de la r&eacute;alit&eacute; et de l&rsquo;importance des premi&egrave;res socialisations. Ryoko H. ne conclut-elle pas alors que&nbsp;<span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo;</span></span></span> <em>plus qu&rsquo;&agrave; Paris, &agrave; Tokyo, il y a tout ce qu&rsquo;il faut </em><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo;</span></span></span>.</p> <h2 class="western">Bibliographie</h2> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px">Agawa, Naoyuki, (2011), &laquo;&nbsp;Internationalisation de l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur au Japon&nbsp;: enjeux et &eacute;volutions&nbsp;&raquo;. Rep&egrave;res, n&ordm;10, Campus France document 6 pages.</p> <p>Anquetil, Mathilde, (2011), &laquo;&nbsp;Erasmus, lieux d&rsquo;&eacute;criture et &eacute;criture des lieux pour public nomade&nbsp;&raquo;, dans J.-M. Robert (coord.), Le public Erasmus/Strat&eacute;gies d&rsquo;enseignement et d&rsquo;appropriation de la langue du pays d&rsquo;accueil. Ela, n&ordm;162, pp.189-206.</p> <p>Ballatore, Magali, 2011, &laquo;&nbsp;&Eacute;changes internationaux en Europe et apprentissages&nbsp;&raquo;, Cahiers de la recherche sur l&rsquo;&eacute;ducation et les savoirs, Hors-s&eacute;rie n&deg;3, pp. 149-166.</p> <p>Dubar, Claude, ([2010] 2014), La socialisation, Paris, Armand Colin.</p> <p>Dulong, Renaud, (1998), Le t&eacute;moin oculaire. Les conditions sociales de l&rsquo;attestation personnelle, Paris, EHESS.</p> <p>Garneau, St&eacute;phanie, (2007), &laquo; Les exp&eacute;riences migratoires diff&eacute;renci&eacute;es d&rsquo;&eacute;tudiants fran&ccedil;ais &raquo;, Revue europ&eacute;enne des migrations internationales, vol. 23, n&deg;1, pp. 139-161.</p> <p>Harayama, Yuko, (2000), Le syst&egrave;me universitaire japonais. Paris&nbsp;: Economica.</p> <p>Iwasaki, Katsumi, (2007),「日本の大学における初修外国語の現状と改革のための一試案 ―主に、ドイツ語教育を例にして―」(The Current State of Second Foreign Language Education in Japanese Universities, and One Tentative Plan for Its Reform), Hiroshima Gaikokugo Kyoiku Kenkyu, n&ordm;10, pp. 57-83.</p> <p>Leimdorfer, Fran&ccedil;ois, (2010), Les sociologues et le langage, Paris, EMSH.</p> <p>Meunier, Deborah, (2011), &laquo;&nbsp;Mobilit&eacute; et apprentissage linguistique&nbsp;: &eacute;tude du discours m&eacute;talinguistique d&rsquo;apprenants Erasmus&nbsp;&raquo;, dans J.-M. Robert (coord.), Le public Erasmus/Strat&eacute;gies d&rsquo;enseignement et d&rsquo;appropriation de la langue du pays d&rsquo;accueil. Ela, n&deg;162, pp. 137-151.</p> <p>Mogi, Ryoji, (2016), &laquo;&nbsp;短期留学によるフランス語学習態度の変容 (Transformations dans l&rsquo;attitude d&rsquo;apprentissage du fran&ccedil;ais dans le cas d&rsquo;un s&eacute;jour de mobilit&eacute; court)&nbsp;&raquo;, Journal of the Nanzan Academic Society, n&ordm;99, pp. 67-89.</p> <p>Mu&ntilde;oz, Marie-Claude, (2009), &laquo;&nbsp;La mobilit&eacute; internationale &agrave; destination de la France. Objectivation des parcours et exp&eacute;rience existentielle&nbsp;&raquo;, Cahiers de la recherche sur l&rsquo;&eacute;ducation et les savoirs,
 Hors-s&eacute;rie n&ordm;2, pp. 157-181.</p> <p>Murphy-Lejeune, Elisabeth, (2000), &laquo;&nbsp;Mobilit&eacute; internationale et adaptation interculturelle&nbsp;: les &eacute;tudiants voyageurs europ&eacute;ens&nbsp;&raquo;, Recherche &amp; Formation, n&ordm;33, pp.11-26.</p> <p>Murphy-Lejeune, Elisabeth, (2003), L&#39;Etudiant europ&eacute;en voyageur&nbsp;: un nouvel &eacute;tranger, Paris, Didier.</p> <p>Papatsiba, Vassiliki, (2002), &laquo;&nbsp;Ecrire pour une commande administrative. Le destinataire, son r&ocirc;le et son influence sur l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une exp&eacute;rience &eacute;tudiante&nbsp;&raquo;, Spirale, n&ordm;29, pp.221-245.</p> <p>Pungier, Marie-Fran&ccedil;oise, (2014), Restitutions d&rsquo;un s&eacute;jour en France dans des &eacute;crits d&rsquo;&eacute;tudiants japonais&nbsp;: fragments et traces d&rsquo;une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; courte, Th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; de Fribourg.</p> <p>Pungier, Marie-Fran&ccedil;oise, (2017), &laquo;&nbsp;Apprentissage linguistique et objet langue dans une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; entre le Japon et la France&nbsp;&raquo;, dans N. Wallenhorst (coord.), Comparer des exp&eacute;riences. Education compar&eacute;e, n&ordm;17, 2017, pp.13-31.</p> <p>Sch&uuml;tz, Albert, ([2007] 2010), Essais sur le monde ordinaire, Paris, le F&eacute;lin, Poches.</p> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref1"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[1]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> Cf. par exemple ou (en japonais).</font></font></font></span></p> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref2"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[2]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><font style="font-size: 12pt"> </font></font></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">&lt;</font></font></font><font color="#0000ff"><u><a href="http://www.tobitate.mext.go.jp/about/english.html"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">http://www.tobitate.mext.go.jp/about/english.html</font></font></font></a></u></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">&gt;</font></font></font></span></p> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref3"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[3]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> Le nombre de restitutions accessibles lors de la r&eacute;daction de cette &eacute;tude &eacute;tait de onze comptes rendus (six gar&ccedil;ons, cinq filles) pour l&rsquo;UPO, stages courts et longs confondus des ann&eacute;es 2017 et 2018, et accessibles sur &lt;</font></font></font><font color="#0000ff"><u><a href="https://www.osakafu-u.ac.jp/international/study-abroad/report/"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">https://www.osakafu-u.ac.jp/international/study-abroad/report/</font></font></font></a></u></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">&gt;, et de trente-neuf rapports (vingt gar&ccedil;ons et dix-neuf filles) pour Tobitate, accessibles sur &lt;</font></font></font><font color="#0000ff"><u><a href="https://tobitate.jasso.go.jp/zukan/"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">https://tobitate.jasso.go.jp/zukan/</font></font></font></a></u></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">&gt;. Il a vari&eacute; depuis.</font></font></font></span></p> <p class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref4"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[4]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><font style="font-size: 12pt"> </font></font></font><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt">Evaluation statistique au moment de la r&eacute;alisation de cette &eacute;tude.</font></font></font></span></p> <p class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref5"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[5]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> Ce ph&eacute;nom&egrave;ne s&rsquo;observe aussi quelquefois dans les comptes rendus pour le BRI de l&rsquo;UPO.</font></font></font></span></p> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref6"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[6]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> Cf. par exemple&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les approches culturelles et fonctionnelles de la socialisation mettent l&rsquo;accent sur une caract&eacute;ristique essentielle de la formation des individus&nbsp;: elle constitue une incorporation des mani&egrave;res d&rsquo;&ecirc;tre (de sentir, de penser et d&rsquo;agir) d&rsquo;un groupe, de sa vision du monde et de son rapport &agrave; l&rsquo;avenir, de ses postures corporelles comme de ses croyances intimes. (&hellip;), l&rsquo;individu se socialise en int&eacute;riorisant des valeurs, des normes, des dispositions qui en font un &ecirc;tre socialement indentifiable&nbsp;&raquo; (Dubar, op. cit&nbsp;: 79).</font></font></font></span></p> <p align="justify" class="western" lang="es-ES" style="margin-top:19px; margin-bottom:19px"><span style="line-height:100%"><a href="#_ftnref7"><font color="#0000ff"><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"><u>[7]</u></font></font></font></sup></font></a><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><font style="font-size: 10pt"> Ressources &eacute;cologiques (paysages, climats, &hellip;), nourriture, logement, ressources financi&egrave;res, ressources intellectuelles (savoirs, &hellip;), informations, facilit&eacute;s de la vie quotidienne (transports, magasins, marchandises, &hellip;), services, ressources r&eacute;cr&eacute;atives, ressources esth&eacute;tiques, ressources spirituelles, &hellip;</font></font></font></span></p>