<p>Le FOU à l’épreuve des compétences interdisciplinaires des étudiants en droit : entre rhétorique décentrée et discours réflexif</p>
<p>L’Université de Fribourg (CH) offre aux étudiants la possibilité de faire leurs études soit entièrement en français, soit entièrement en allemand, ou alors « en bilingue »[1]. A titre indicatif, à la faculté de droit, environ un tiers des étudiants suit les études disciplinaires au niveau du Bachelor en français, un tiers en allemand et un tiers en bilingue. Parmi ce dernier groupe, les étudiants qui le souhaitent et qui attestent d’un niveau B2 en langue 2 à l’issue d’un entretien d’admission, peuvent s’inscrire à la formation complémentaire « bilingue plus-droit »[2]. Celle-ci a été conçue comme un dispositif de soutien linguistique et culturel en langue 2 ayant pour objectif d’amener les étudiants au niveau C1 (voire du C1 au C2). Or, afin de mieux tenir compte de la double finalité définie par le Rectorat de l’Université de Fribourg – à savoir le renforcement du bilinguisme et de l’interdisciplinarité[3] – le dispositif « bilingue plus-droit » a évolué depuis 2014. En effet, il s’est mué en une formation plus complexe ayant pour ambition d’offrir aux étudiants en droit, outre la possibilité d’approfondir leurs compétences linguistiques et culturelles en langue 2, un espace formatif qui leur permet d’évoluer non seulement dans les deux aires linguistiques présentes à l’Université de Fribourg/Freiburg mais aussi dans plusieurs disciplines académiques[4].</p>
<p>Afin de développer des outils supplémentaires favorisant l’éveil des capacités bilingues et interdisciplinaires, l’équipe « bilingue plus-droit » a choisi de placer au centre d’un nouveau projet d’apprentissage de la langue 2 (le français ou l’allemand) des soirées cinéma-débat organisées – en dehors des cursus officiels et pour l’ensemble de la communauté universitaire – par la Chaire de droit économique et de droit international. Consacré chaque année à un nouveau thème transversal (la liberté / Freiheit 2016, la révolution / Revolution 2017, la vérité / Wahrheit 2018, l’identité / Identität 2019, l’erreur / Irrtum 2020), cet événement bilingue intitulé « Le Droit dans le cinéma / Recht im Film »[5] nous permet de constituer, à l’intersection des langues et des disciplines, un réseau d’échanges et de rencontres au sein duquel l’étudiant pourra devenir un véritable acteur de son apprentissage. Loin de son cadre disciplinaire habituel, il se voit « contraint » d’avancer sur des terrains inexplorés et de réinvestir la langue étrangère dans une réalité « hors classe » – là où, précisément, le bilinguisme ainsi que la pluridisciplinarité sont vécus comme une normalité et non comme une exception.</p>
<p>Autrement dit, sans vouloir abolir les frontières entre les langues et les disciplines, nous mettons à la disposition des étudiants un nouvel espace formatif où ces frontières sont perméables, la circulation des idées encouragée ainsi que les rapprochements valorisés. Concrètement, l’objectif demandé aux étudiants est de se préparer à ces soirées cinéma-débat, de les suivre activement et de réaliser, en langue cible, un dossier-mémoire qui matérialisera leurs réflexions et leurs analyses relatives au thème de l’année en y intégrant des apports théoriques et pratiques en provenance de la littérature, du cinéma, de la philosophie, etc. et, bien sûr, du droit. En fin de formation, ce travail interdisciplinaire devra être défendu lors d’une soutenance devant un jury bilingue composé d’un professeur de droit, d’un spécialiste des médias et des lecteurs de langues en charge de la formation « bilingue plus-droit ». Opérationnel depuis l’année universitaire 2015–2016, ce dispositif tripartite – comprenant donc les soirées cinéma-débat, le dossier-mémoire et l’évaluation finale – constitue la partie émergente et évaluable d’un nouveau réseau d’échanges et de collaborations entre les langues et les disciplines qui, en dépassant les clivages disciplinaires traditionnels, bouscule la manière d’aborder l’enseignement du FOS/FOU en milieu universitaire.</p>
<p>Créée d’une manière relativement spontanée afin de suivre rapidement les directives du Rectorat en matière de bilinguisme et d’interdisciplinarité, cette nouvelle orientation de la formation « bilingue plus-droit », comme nous l’avons déjà mentionné, ne pourra plus être conçue ni comme un simple cours de soutien linguistique complémentaire (FLE) ni comme un cours de langue sur objectifs juridiques (FOU/FOS-droit). Ces nouveaux besoins à la fois linguistiques et interdisciplinaires – dictés par l’université bilingue de Fribourg ainsi que par les exigences du métier de juriste en Suisse –, nous contraignent à évoluer sur un terrain « d’entre-deux » pour lequel ni l’un ni l’autre cadre méthodologique semblent adaptés – un terrain en réalité assez mouvant et déstabilisant où enseignants et étudiants sont confrontés à une nouvelle approche pluriperspectiviste[6] pour laquelle nous avons forgé la notion opératoire de « digression méthodique » (RACINE et al. 2018, p. 26).</p>
<p>Bien que l’expérience menée depuis 2015 semble avoir donné entière satisfaction à tous les acteurs impliqués – investissement des étudiants dans les activités de terrain, relectures enthousiastes des dossiers-mémoires de la part des lecteurs de langue, partenaires de la faculté de droit oubliant même que l’épreuve est tout d’abord une performance en langue-culture étrangère avant d’être un écrit disciplinaire[7] – nous ressentons aujourd’hui le besoin d’une prise de distance. Dans cette réussite, quelle est la part effectivement attribuable à l’enseignement mis en place ? La qualité des dossiers-mémoires ne serait-elle pas, plus simplement, attribuable à des phénomènes de transfert de compétences déjà acquises en langue 1 ? Comment, en définitive, mieux cibler sur le plan didactique des savoir-dire[8] pouvant être reconduits, de manière spécifique, à l’expérience d’une interdisciplinarité éprouvée, vécue en contexte (et non ornementale) ?</p>
<p>Nous ne pourrons évidemment pas répondre de manière exhaustive à toutes ces questions, mais elles nous bousculent dans notre confort didactique et nous incitent à nous repositionner. Dans cet article, nous proposons donc de considérer les dossiers-mémoires produits depuis 2015 par les étudiants inscrits en seconde année de « bilingue plus-droit » comme un corpus d’analyse[9]. Ces écrits semblent être – pour de nombreux étudiants germanophones – le lieu d’une appropriation opératoire de la culture francophone : quelles sont les traces de ce processus dans leurs discours ? Peut-on, à partir de nos observations, établir une typologie d’unités discursives caractéristiques de ce corpus ? </p>
<p>1. Le travestissement rhétorique transculturel</p>
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<p>Paradoxalement, suite à son remaniement bilingue et interdisciplinaire, il semble que la formation « bilingue plus-droit » vise désormais davantage au cœur du métier de juriste – ce qui a priori est surprenant. En effet, si l’on s’éloigne de l’idée sans doute trop réductrice du bachotage des premières années de droit consistant à accumuler le maximum de connaissances disciplinaires, on s’aperçoit que le point commun à tous les juristes, universitaires ou non universitaires, est la pratique du langage juridique, imprégnée de postures culturelles et académiques tout à fait spécifiques. Selon Didier Truchet, spécialiste du droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, ce langage spécialisé, qu’il soit ancré dans un contexte universitaire ou professionnel, est entièrement façonné par un raisonnement juridique dont « toutes les étapes […] appellent un effort particulier d’argumentation ». Autrement dit, le métier de juriste est, d’après lui, essentiellement « rhétorique »[10].</p>
<p>Sans vouloir reprendre la distinction stéréotypée entre le sophiste, qui maîtrise tous les (en)jeux du discours au point de pouvoir faire passer pour vrai ce qui est faux, et le philosophe, qui lui se contente du questionnement du vrai pour dénoncer le faux, il n’empêche que dans le métier de juriste, l’argumentation juridique se situe au-dessus – ou au-delà – des points de vue individuels et des convictions collectives. Ainsi, il n’est pas rare qu’un avocat soit amené à argumenter à l’encontre de celles-ci – nous pensons notamment à Me Robert Badinter qui pour sauver son client Bontems plaidait à l’époque, en vain, contre la peine capitale voulue par l’opinion publique – ou à défendre un client dont les actes sont a priori indéfendables aux yeux de la société et, qui sait, aux yeux de l’avocat lui-même – pour s’en convaincre, il suffit de citer Me Jacques Vergès, avocat de Klaus Barbie, et Me Francis Vuillemin, jeune avocat défenseur de Maurice Papon. C’est donc avant tout la fonction que revêt chaque juriste (juge, avocat, conseil, médiateur, etc.) qui, dans le cadre étroit du raisonnement juridique et celui des procédures judiciaires, lui dicte sa prise de position particulière et, de ce fait, son argumentaire spécifique.</p>
<p>Afin de maîtriser à la fois l’art du raisonnement juridique, qui a son fonctionnement propre, et celui de la rhétorique, qui se construit indépendamment d’un quelconque point de vue personnel, les étudiants sont méthodiquement contraints, dès la première année de droit, de se glisser dans les méandres de procédures spécifiques, de se décentrer dans un système de pensée autre et, au cours de leur parcours professionnel, de revêtir différentes fonctions, parfois opposées, du métier de juriste. A défaut d’acquérir l’habileté langagière et la capacité intellectuelle de pouvoir argumenter en « camouflant » leur propre position, les étudiants en droit ne passeront guère le cap des premiers examens. Il s’agit donc, pour eux, de s’approprier, à une échelle totalisante, la métaphore du décentrement, du déguisement voire du travestissement afin de faire corps à tout moment avec le raisonnement juridique idoine et de pouvoir l’appliquer à toute situation litigieuse qui se présentera à eux tout au long de leur carrière[11]. </p>
<p>En définitive, si l’appropriation du raisonnement juridique demande un effort certain à l’étudiant en droit de langue maternelle, que dire alors de l’étudiant allophone ? Ce dernier devra réussir le tour de force de réaliser un double travestissement : à la fois épouser la conception juridique francophone (de Suisse romande) tout en se fondant dans la langue-culture étrangère dont la première est indissociable et s’aventurer dans des disciplines inconnues jusqu’alors, plus « humaines », plus « littéraires ». En effet, si nous souhaitons que le futur juriste helvétique devienne un « acteur » bilingue – à l’instar du comédien paradoxal de Diderot qui, déguisant son moi intime originel, sait prendre de la hauteur et « dit qu’[il] pleure mais [il] ne pleure pas »[12] –, il nous semble utile de ne point se limiter à l’acquisition de compétences linguistiques en langue étrangère mais de proposer une formation plus rhétorique et plus globalisante qui mette en valeur ces mécanismes de décentration et de camouflage à l’œuvre dans le métier de juriste – ceux-là mêmes qui opèrent systématiquement lors du passage entre les langues-cultures, les disciplines universitaires et les fonctions professionnelles.</p>
<p>2. Croisements et changements de perspectives méthodologiques </p>
<p>Bien que des propositions méthodologiques innovantes aient régulièrement vu le jour concernant l’insertion d’éléments culturels en classe de langue[13], les appareillages didactiques qui les englobent oscillent, encore aujourd’hui, entre objectifs de rétention d’informations factuelles (dans des exercices de type compte-rendu ou synthèse de documents, par exemple, pour le FOU) ou de jugement méta-littéraire (dans des explications de texte, se rapprochant de ce que l’on ferait produire en langue maternelle). Dans un contexte helvétique où l’influence de la langue française (et, à travers elle, des valeurs culturelles qu’elle véhicule) est en perte de vitesse[14], nous nous posons donc la question de savoir quel autre rôle la culture francophone pourrait avoir dans la formation en langue de juristes allophones qui – sans se destiner à des métiers artistiques ou littéraires – vont faire de cette langue-culture une marque de distinction professionnelle.</p>
<p>Avant de décrire précisément ces nouveaux enjeux auxquels nous pensons, ainsi que les savoir-dire rhétoriques qui leur sont reliés, il semble nécessaire de les situer au sein d’un cadre didactique centré sur la didactisation de l’élément culturel, envisagé dans une perspective diachronique. Ce cadre nous permettra ensuite de situer la troisième voie – celle que nous avons choisie – se frayant un chemin dans le paysage des méthodologies.</p>
<p>2.1. Lire la dimension culturelle en classe de FOU : les limites de l’actionnel</p>
<p>Le document culturel – littéraire, en particulier – avait centralisé tous les apprentissages jusqu’à ce que les méthodologies dites traditionnelles soient remplacées par la SGAV (structuro-globale audiovisuelle): apprendre une langue, c’était avant tout se cultiver dans cette langue (GOHARD-RADENKOVIC [1999] 2004). De manière cyclique, ensuite, la culture a été évincée des programmes au profit de matériaux relevant (plus clairement) de la langue orale, pour être à nouveau exploitée – mais à des fins différentes…</p>
<p>Sans contester sa valeur en tant que témoin d’un monde et d’une langue idéalisés, la méthodologie active avait conçu des objectifs autour de l’élément culturel, s’appuyant sur des sources diverses et des connaissances apportées par l’enseignant (LUSCHER 2009). Puis les méthodologies communicatives, en envisageant les progressions autour de documents authentiques ayant pour (seul) but de déclencher des échanges verbaux en classe, ont brisé ce lien entre discours et contextes de production : l’élément culturel devenait un phénomène civilisationnel isolé rapidement périssable.</p>
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<p>Si l’approche communicative a installé l’oral et la conversation au centre de l’apprentissage, la perspective actionnelle, quant à elle, y a instauré, à travers la « pédagogie du projet », la pensée économique de l’efficacité et du rendement : le résultat (« le livrable ») devient l’unique but vers lequel tendent et se focalisent tous les efforts d’apprentissage et auquel tous les objectifs sont subordonnés. Les « tâches », découpant le projet final en séquences discursives et en actes de parole, incitent l’apprenant à parcourir le plus rapidement possible toutes les étapes qui mènent à l’accomplissement de celui-ci. Or dans cette course linéaire où aucune digression enrichissante ni aucun travestissement rhétorique ou interdisciplinaire ne sont admises – comme dans la vraie vie économique –, l’élément culturel est englouti dans un « acte social d’expression et de communication » (PUREN, 2006) qui se borne à exploiter le fait culturel comme un « réservoir de formes » en vue de la mise en mots du projet final. Même si Christian Puren, se rendant compte du déficit culturel inhérent à la démarche actionnelle, a tenté de réhabiliter le texte littéraire en proposant une typologie pour l’enseignement de la littérature, qui départage les savoir-faire liés à la lecture de textes en sept macro-compétences (paraphraser / analyser / extrapoler / interpréter / comparer / réagir / transposer), (PUREN, 2006), on ne peut s’empêcher de constater que cette pédagogie purement pragmatique a gommé deux distinctions fondamentales : d’une part, celle entre un travail accompli en langue-culture maternelle et un apprentissage intellectuel et culturel effectué en langue-culture étrangère où l’obstacle de la langue oblige à une prise de distance (et de hauteur !) par rapport au projet à accomplir; et d’autre part, celle entre l’acquisition d’une langue étrangère en contexte homoglotte et l’apprentissage de celle-ci dans un contexte hétéroglotte où tout projet – avec à la clef un livrable à visée « sociale », c’est-à-dire hors classe et, le plus souvent, en milieu professionnel – n’a in fine que peu d’intérêt (CUQ, 2016).</p>
<p>En définitive si, sur le plan méthodologique, nous reconnaissons notre dette vis-à-vis de la perspective actionnelle puisque les programmes de FOS, et donc de FOU, dont nous nous revendiquons, se conçoivent, en lien avec des analyses de besoin (RICHER, 2008, p. 23), autour de tâches découpant l’élément culturel en séquences discursives afin de faciliter leur réalisation en langue-cible, nous constatons, suite à la « pragmatisation » de l’élément culturel, un manque de compétence interprétative, voire réflexive, auprès des apprenants de langue, compétence pourtant indispensable en milieu universitaire. Non point que cette réflexivité soit totalement absente de la démarche actionnelle, mais elle reste – telle qu’elle est envisagée – à l’état implicite comme si l’apprenant en langue étrangère, à l’instar du natif lors de la réalisation d’un projet en langue maternelle, pouvait faire l’impasse sur l’appropriation active et explicite d’éléments d’ordre culturel[15]. A titre illustratif, on peut remarquer que, bien que les trois dernières macro-compétences proposées par Christian Puren – comparer / réagir / transposer – soient, effectivement, déclinables en consignes se rapportant au monde de l’apprenant allophone, celui-ci ne saura pas concurrencer (et tel n’est pas l’objectif !) le natif dans les réponses qu’il apportera aux quatre premières : dans l’exercice de paraphrase, son obstacle sera d’ordre linguistique ; pour l’analyse – l’extrapolation et l’interprétation – ce sont les références socio-culturelles (ayant sédimenté, chez le natif, durant toute une scolarité) qui lui feront défaut. Et, dans les deux cas, aucune indication ne nous est donnée pour savoir comment il acquerra la langue et la culture pour mettre en place ces « actions ».</p>
<p>2.2. De l’objet regardé à l'œil qui regarde : du positionnement décentré à la posture réflexive</p>
<p>Considérant nos publics spécifiques – des étudiants en droit allophones pour lesquels la culture-cible[16] n’est pas, a priori, une culture exotique à découvrir, mais un bagage de références dont il s’agit de comprendre le fonctionnement intrinsèque pour pouvoir l’exploiter – nous ressentons donc le besoin de compléter la réflexion amorcée sur le statut du regardé (la culture), en nous questionnant davantage sur le rôle du regardeur (l’apprenant lui-même). En alternative aux démarches impliquant des savoir-faire factuels ou des réflexions de type méta-littéraire, encore très présentes en FLE, comment reformuler les objectifs pour que se réalise l’alchimie de l’appropriation, de l’incorporation, du travestissement dans le sens d’une mise en corps intellectuelle et sensorielle ?</p>
<p>A l’époque où la didactique du FLE a croisé le chemin des anthropologues, Louis Porcher avait décrit le processus de construction de compétences culturelles – en proposant d’organiser le travail en classe autour d’« universels singuliers » : ces thèmes, comme l’amour, le temps ou l’eau, présents dans toutes les sociétés, mais incarnant, dans leur mise en mots/mise en scène, la singularité des rapports au monde (PORCHER, 1987)[17]. Par ces propositions pédagogiques, l’auteur entendait contrer le réflexe rassurant – pour l’enseignant, comme pour l’apprenant – d’un catalogage hiérarchisé de données culturelles immuables à mémoriser par blocs[18]. La construction de savoirs étant un processus dynamique, la classe de langue devenait alors le lieu-même où s’amorce un système de classement, pour une mise en lien évolutive de faits culturels – entre de ce qui est connu et ce qu’il reste à connaître. Au gré des expériences (faites intra- et extra- muros), la pensée interprétative émergeait au sein de productions individuelles ou en co-construction avec le groupe-classe – la verbalisation devenant, en elle-même, le lieu où s’explicitent les étonnements (ZARATE 1986, pp. 16 – 19, GOHARD-RADENKOVIC, 2004, GODARD, 2015, pp. 75 et ss.). Au centre de ce système, pour que les fils de ces mises en lien puissent se tisser, la notion de positionnement – associée depuis Georg Simmel à une « sociologie [du regard] étranger » (SIMMEL, 1979 [1908] ; MOLINIE, 2002 et 2009). Car, de par sa position liminaire, l’étranger porte un regard « plus objectif » sur le monde dans lequel il pénètre – ce qui ne veut pas nécessairement dire une vision plus juste. Les cadres de référence, acquis par ses socialisations antérieures, questionneront nécessairement ce qu’il observe dans la nouvelle société – des pratiques et des discours que les membres eux-mêmes ne pourront pas toujours expliquer parce qu’elles relèvent, pour eux, d’« évidences invisibles » (CARROLL, 1987).</p>
<p>C’est donc dans cet espace interstitiel de mise en lien des discours que le sentiment d'inadéquation face à l’objet culturel produit dans la culture-cible pourra se désamorcer, permettant ainsi une appropriation de nouvelles connaissances. L’espace-classe, dans sa matérialité même, aura un rôle à jouer en tant que lieu de rencontre, semi-protégé, entre les œuvres et leurs nouveaux lecteurs. Mais pour que ce type de lecture ne se traduise pas en versions délavées de discours savants prononcés ailleurs ou qu’il serve, au contraire, des réflexions intimistes décontextualisées – le texte devenant un prétexte pour de l'introspection – nous proposons de réarticuler les orientations didactiques que nous venons brièvement d’exposer: de la perspective actionnelle, nous retiendrons l’analyse séquentielle méticuleuse des discours-support pour leur reproduction totale ou partielle (l’objet culturel lui-même, ou le discours sur, devenant une matrice formelle pour la mise en mots du livrable final). De la perspective anthropologique, en revanche, nous retiendrons l’idée d’une inversion des regards, pour que soient associées aux visions diachroniques sur les objets culturels (issues des méthodologies traditionnelles) des lectures synchroniques qui, entremêlées aux premières, permettent des perspectives décentrées et des croisements de perspectives plus approfondis. Afin de parvenir à une sédimentation de ces opérations de transformation et de décentrement, notre démarche s’inspire de l’idée qu’en FOU, il s’agit de travailler non plus au niveau du mot, de la phrase ou de l’acte de parole à travers des tâches – comme on le propose encore souvent – mais sur du discours analysé selon les schèmes rhétoriques attendus dans la société-cible et découpé en séquences prototypiques dont il s’agit d’évaluer le degré de ritualisation (RICHER, 2008).</p>
<p>3. Ébauche d’une typologie des savoir-dire propres au regard interdisciplinaire et réflexif </p>
<p>Les œuvres d’art, produites au sein d’une société, sont un lieu de choix pour une lecture des universaux face au singulier (GOHARD-RADENKOVIC, 2004) : par le truchement d’une voix qui raconte, ou d’une main qui peint, elles ouvrent des fenêtres sur des mondes – des imaginaires sociaux et culturels – ancrés dans des contextes spatio-temporels donnés. Solidaires des manières de dire et de se dire dans ces mondes, donnant d’ailleurs à l’auteur le loisir de tout réinventer – mais ne se réinvente-t-on pas toujours en lien avec quelque chose ? – elles incitent aussi celui qui lit à se situer. Qu’il s’agisse de films, d’art plastique ou de littérature, ces discours mettent en scène des narrateurs – correspondant peut-être à l’auteur lui-même ? – et des autres représentés interrogeant, à leur tour, les images de soi du lecteur / observateur.</p>
<p>Dans cette partie, nous procéderons à une relecture des dossiers-mémoires existants – produits depuis 2015 – en nous posons la question suivante : ce type d’écrit porte-t-il la trace de l’émergence du futur juriste bi/plurilingue et, si tel est le cas, peut-on en tirer des savoir-dire potentiellement transférables à d’autres contextes de formation ? Afin d’établir la « table des savoirs-dire » de la partie 3, nous avons donc entrepris une analyse typologique du discours de nos étudiants : nous les avons observés durant leur va-et-vient entre les langues et les disciplines, en laissant de côté nos critères d’évaluation habituels. Au travers de leurs textes, nous avons repéré à quels endroits se posaient leurs regards sur la culture-support et comment ces découvertes étaient réinvesties dans leur propre argumentaire. Nos catégorisations se suivront ici en fonction du jeu de focale que les auteurs adoptent, en limitant les exemples par manque de place : de la construction d’une vision intime, liée à la logique d’un personnage remis en scène pour les nécessités du discours, à la réflexion plus générale relative à l’impact du dispositif de formation en lui-même sur la pensée qui se formule.</p>
<p>Avant de poursuivre notre réflexion, une petite précision reste à faire concernant le contexte de production original des extraits sélectionnés dans nos analyses. Il s’agit majoritairement d’écrits initialement pensés comme des exercices de style pour s’essayer à différentes matrices discursives (le compte-rendu d’article de presse, de conférence ou la critique littéraire ; l’analyse de scène de film ou de roman ; le récit autobiographique d’une scène où l’on s’est senti en décalage avec son environnement), produits durant des cours-blocs d’une semaine en amont des soirées-cinéma. Ces exercices pouvaient, si les auteurs y voyaient un intérêt en relation au sujet de leur dossier-mémoire, être retravaillés pour s’y insérer dans une perspective interdisciplinaire. Ceci explique que les documents déclencheurs des discours que nous analysons ici n’étaient pas systématiquement attachés au cinéma, ou de thème juridique ; ils étaient sélectionnés en lien avec la thématique générale annoncée par le festival à venir (la liberté, l’identité, la vérité, etc.). Il pouvait s’agir aussi bien d’extraits de romans, de scènes de films ou de comptes-rendus de discussions impliquant initialement plusieurs locuteurs (en séance tandem, par exemple[19]).</p>
<p>3.1. Inclusion de voix tierces dans un argumentaire</p>
<p>Une préoccupation apparaissant systématiquement dans le corpus des dossiers-mémoires est la volonté, de la part des auteurs, de s’approprier d’autres voix pour les inclure dans leur propre argumentaire, en particulier celles de personnages de fiction. L’extrait ci-dessous porte sur Premier amour, un texte de Samuel Beckett se développant sur le mode de la digression – le narrateur parle pour ne pas disparaître, comme si seule sa voix le maintenait en vie :</p>
<p>Bien que l’on pourrait imaginer qu’il soit indifférent de l’opinion des autres, le narrateur […] admet qu’il pourrait mourir de honte (p. 29) : « Alors je pensais à Anne, moi qui avais appris à ne penser à rien, sinon à mes douleurs, très rapidement, puis aux mesures à prendre pour ne pas mourir de faim, ou de froid, ou de honte, mais jamais sous aucun prétexte aux êtres vivants en tant que tels ». Ce manque de confiance en soi, et la nécessité du regard de l’autre, apparaît également à la page 32 : « Que pouvait-elle voir en moi ? ». (Cours-bloc « Identité » SP19).</p>
<p>Dans un dossier-mémoire portant sur les relations entre identité personnelle et identité collective, l’analyse du fonctionnement mental d’un protagoniste beckettien offre un cas extrême de détachement du monde servant pourtant, par la concessive « bien qu'on pourrait imaginer que… », l’idée inverse : celle d’une dépendance inéluctable de tout homme à ses cadres sociaux. Afin d’illustrer sa thèse, l’étudiant relut le texte littéraire à la recherche de ces rares passages où les autres (le monde) ont un impact sur la pensée du narrateur. Il fallut ensuite relier ces citations prises à des moments différents de l’histoire pour qu’elles jouent le rôle d’exempla dans le discours global (mention des pages rappelant un rythme de lecture, usage de connecteurs pour souligner les liens entre les citations choisies, phrases de commentaire sur ces mêmes citations et retour sur la thèse en guise de conclusion).</p>
<p>Si elle fait partie des savoir-faire attendus d’un étudiant en littérature, l’imbrication de citations à bon escient au sein d’une démonstration n’est pas une compétence évidente pour un étudiant inscrit en droit dans une université helvétique. Nos étudiants germanophones – contrairement aux italophones[20] – attestent n’avoir jamais fait l’exercice dans leur propre langue maternelle. Une fois ce savoir-faire acquis, néanmoins, ils réalisent qu’extraire les éléments d’un discours-source pour reconstituer des logiques de pensées – pouvoir défendre l’indéfendable ainsi que des personnalités peu dignes d’empathie (voir supra, partie 1), comme celles mises en scène par Beckett – est un atout dans la formation linguistique et professionnelle d’un juriste.</p>
<p>Tableau 1...............................................................................................................................................................................................</p>
<p>VISÉE RHÉTORIQUE</p>
<p>SAVOIR-DIRE</p>
<p>SAVOIR-FAIRE OPERATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p>
<p>Inclusion de voix tierces pour consolider un argumentaire</p>
<p>Présenter la logique d’une personne / d’un personnage</p>
<p>Sélectionner quelques traits (psychologiques / physiques / symboliques) servant à la démonstration</p>
<p>Décrire les étapes d’un mode de pensée / d’agir</p>
<p>Extraire quelques passages représentatifs d’un mode de pensée et d’agir ; les relier entre eux</p>
<p>Faire un parallèle avec une expérience (personnelle) vécue</p>
<p>Intervenir, au fil du texte, par des phrases-liantes indiquant un positionnement personnel</p>
<p>Mimer une expérience de lecture, évoquer des émotions ressenties</p>
<p>Evoquer des personnages / personnalités « hors texte », au profil similaire, pour soutenir sa thèse</p>
<p>..................................................................................................................................................................................................................</p>
<p>3.2. Décomposition et recomposition de l’artifice culturel : passer du statut d’explorateur à celui d’analyste</p>
<p>Dans un deuxième texte consacré à Premier amour, l’étudiant s’inspire d’une critique de film pour rédiger une critique littéraire: </p>
<p>Il y a certainement de l’amour dans la nouvelle « Premier Amour » de Beckett, mais pas comme on peut l’attendre. La personnalité du narrateur est beaucoup trop complexe pour donner de l’élan à une simple histoire romantique. Non, cet homme – dont le nom nous est inconnu jusqu’à la fin du livre – ne se prête pas à être une personne facilement 44compréhensible, ou aimée, ni même par le lecteur. En effet, « être aimé » n’était jamais l`intention du narrateur ; même lorsqu`un jour une femme le rejoint sur le banc où il est habitué à passer ses après-midis depuis la mort de son père, et provoque chez lui « des sensations ». Mais il devra écrire dans des ex-créments de vache et changer le nom de la femme pour s’habituer finalement au fait qu’il ressent de l’amour. Ce début de relation n`est pas du tout la fin de l`histoire : cela serait trop facile, vous ne le croyez pas ? Le dialogue intérieur continue et vers la fin, on découvre qu’un « mariage » ne suffit pas pour aider à surmonter la mort d’un père.</p>
<p>Que peut-on donc attendre de cette nouvelle ? Évidemment pas de happy end. Mais Beckett nous offre une histoire sur l’identité (ou plutôt la non-identité ?) habile et captivante, tellement hors la norme, qu’on apprend, finalement, des choses sur soi-même (Cours-bloc « Identité » SP19).</p>
<p>Dans un écrit volontairement court, l’auteur glisse quelques éléments de scénario (excréments de vache, banc), y mêle des voix tirées du texte, pour aboutir à une évaluation esthétique. Ce tissage d’éléments disparates, apparaissant par touches, mime l’activité de lecture (le lecteur de la critique devient, par procuration, le lecteur de l’œuvre). Ce partage de sensations se construit par l’usage de « on » à valeur inclusive, et par une suite de questions rhétoriques.</p>
<p>Dans le texte suivant, l’étudiante déconstruit pour les comprendre des effets qui sont généralement subis inconsciemment lorsque l’on regarde un film. En prenant l’exemple d’une même scène, elle passe en revue différents procédés techniques (la musique et les bruitages, les cadrages et les lumières, le langage métaphorique). Son texte, dans son développement, suit le regard du spectateur : on rencontre, d’abord, les deux protagonistes – deux jeunes filles en processus d’embrigadement – pour glisser ensuite, sous la couverture, avec celle qui deviendra l'héroïne du film (qui gagnera, progressivement, notre empathie) :</p>
<p>Le premier élément visuel que nous aimerons illustrer est la présentation des filles au début du film. Nous rencontrons deux jeunes filles : Mélanie, la fille sympathique, et Sonia, la folle. Mais même si Mélanie est plus aimable, on garde la distance. Par contre on se sent plus proche de Sonia. Il y a une scène où elle est couchée dans son lit et nous, en temps que spectateurs, sommes à la même hauteur. A la fin de cette scène, nous sommes même sous la couverture avec elle, donc nous devenons ses complices sans le vouloir.</p>
<p>On continue à se distancier quand Mélanie dessine un cœur sur sa fenêtre avec son doigt. Elle fait ce geste directement après sa première conversation avec son rabatteur. Cette image est suivie par un shot de Sonia qui fait le même geste. Par ce contraste, le spectateur comprend que Mélanie est en train de tomber dans le piège. Les deux filles se trouvent à un stade très différent : Sonia est en train de se réhabiliter lorsque Mélanie vient de découvrir l’Islam (Cours-bloc « Liberté » SP16).</p>
<p>On voit ici le travail que requiert, sur le plan discursif, la mise en lien de séquences éloignées dans le document support. Ce commentaire s’appuie sur une utilisation à bon escient de vocabulaire spécifique pour l’analyse cinématographique. L’auteure guide son propre lecteur (qui n’a pas forcément vu le film) en mentionnant quelques détails de décor – le lit, la couverture, la fenêtre – et suggère la valeur symbolique de ces objets, le rôle qu’ils jouent au sein d’une histoire d’enfermement psychologique et physique.</p>
<p>Tableau 2................................................................................................................................................................................................</p>
<p>VISÉE RHÉTORIQUE</p>
<p>SAVOIR-DIRE</p>
<p>SAVOIR-FAIRE OPERATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p>
<p>Composition de son propre artifice pour rendre l’argumentaire cohérent et convaincant</p>
<p>1. décomposer et expliciter</p>
<p>(analyser)</p>
<p>Circonscrire (artificiellement) des éléments du langage cinématographique (fonctionnant simultanément en temps réel)</p>
<p>Expliciter des métaphores et parler de leur portée symbolique générale, pour la scène et pour l’histoire</p>
<p>2. recomposer une nouvelle matrice</p>
<p>(synthétiser / recréer)</p>
<p>Evoquer, en lien, des éléments esthétiques comme la musique / la lumière / les cadrages / les mouvements de caméra</p>
<p>Mimer (par les mots) l’expérience du spectateur (le mouvement du regard sur des objets / des personnages / des parties de corps / des paysages, guidé par la caméra)</p>
<p>Synthétiser, en quelques phrases, des éléments de narration nécessaires à comprendre la scène</p>
<p>.................................................................................................................................................................................................................</p>
<p>3.3. Mise en scène de connaissances patrimoniales dans une perspective interdisciplinaire et biculturelle</p>
<p>A l’occasion d’une séance tandem (une classe en mode bilingue, mettant en dialogue des étudiants germanophones dont la langue-cible était le français et des étudiants francophones dont la langue-cible était l’allemand), les participants des deux groupes linguistiques se sont échangé des caricatures en provenance de leur propre sphère culturelle. Dans l’un des binômes, la discussion a porté sur la figure féminine aux yeux bandés, élégamment déhanchée, à gauche dans la caricature. Puisant dans son encyclopédie de connaissances personnelles, l’étudiant francophone a fait le rapprochement avec une figure représentant la Synagogue, provenant de la cathédrale de Strasbourg en France[21] : </p>
<p> </p>
<p>C’est parce que nous partageons, sans doute, avec l’étudiant francophone des représentations sur ce qu’il faut savoir-dire dans une conversation pour paraître cultivé que nous démasquons ici (avec beaucoup d’amusement et de connivence) une mise en scène (pour impressionner !) de connaissances patrimoniales… Au-delà de la boutade, cet exemple sert à montrer qu’être compétent en rhétorique, c’est aussi savoir choisir – à travers les objets que l’on nomme – un réseau de connotations qui, à son tour, parlera de nous...</p>
<p>Tableau 3...............................................................................................................................................................................................</p>
<p>VISÉE RHÉTORIQUE</p>
<p>SAVOIR-DIRE</p>
<p>SAVOIR-FAIRE OPERATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p>
<p>Mise en scène d’éléments (culturels) interdisciplinaires pour enrichir le débat et impressionner</p>
<p>(posture culturelle et interdisciplinaire)</p>
<p>Rapprocher des éléments de différentes disciplines</p>
<p>Présenter des définitions (divergentes ?) portant sur un concept</p>
<p>Adopter une « boîte à outils d’analyse » appropriée au domaine choisi (ex : le lexique pour parler d’iconographie ou du style d’une œuvre d’art)</p>
<p>Émettre des hypothèses expliquant le transfert / emprunt de figures iconographiques / thèmes ou symboles dans le temps et entre les disciplines (ici sculpture du Moyen-âge / caricature contemporaine)</p>
<p>Expliciter la manière dont le concept opère dans le domaine choisi</p>
<p>Exposer les résultats de la relecture du domaine</p>
<p>A la lumière du concept (« autre ») introduit, remonter éventuellement à des observations de terrain et revenir dans le domaine d’origine</p>
<p>..........................................................................................................................................................................................................</p>
<p>3.4. De la succession à la simultanéité des perspectives : entremêler les visions diachroniques et synchroniques</p>
<p>Chaque mercredi soir je dîne avec ma grand-mère. C’était ainsi un mercredi soir en février après avoir passé ma journée au cours bloc bilingue plus. En lui expliquant ce qu’on faisait, elle m’a posé la question d’où venaient mes collègues participants à ce cours bloc. Ma réponse était qu’ils venaient un peu de partout mais elle était étonnée d’apprendre qu’il y avait des Zurichois. Selon elle, il y a juste une seule raison pourquoi des zurichois font leurs études à Fribourg, alors elle m’a dit : « Les zurichois qui sont à Fribourg… c’est bien parce qu’ils sont catholiques ? »</p>
<p> </p>
<p>Après un petit moment de réflexion je me suis rendu compte que je n’ai aucune idée de la confession de mes collègues d’études. Et cela parce que l’orientation religieuse ne joue aucune importance pour ma génération. Ayant fait l’école avec des catholiques, protestants, musulmans etc., l’orientation religieuse d’une autre personne m’est complètement égale et je n’aurais jamais choisi le lieu de mes études sur la base de ma confession. Après discussion avec mes collègues d’études j’ai constaté qu’ils sont du même avis que moi. Mais cela ne veut pas dire que ma grand-mère a tort ! Dans la génération où elle a grandi c’était une réalité, la confession avait une grande importance, non seulement concernant le choix de l’université mais aussi concernant l’identité de cette génération. (Cours-bloc « Identité » SP18).</p>
<p>Ce texte a pour objet une prise de conscience qui transformera de manière irréversible le regard que l’auteur porte sur son monde. Il se met en scène – au moment du cours-bloc qui vient de se conclure – face à des figures (des voix, presque des slogans) porteuses de messages discordants. Par sa personne, il se fait le véhicule de ces messages qu’il transporte d’un cercle social à l’autre (de la maison à la classe), pour tester leur effet. Comme le veut la rhétorique, l’argumentaire se dénoue par un retour à la réalité de l’écriture et au thème général du cours-bloc (l’identité).</p>
<p>Il s’agit ici d’une autre forme de travestissement rhétorique et de décentration car l’auteur se met à la place des personnes qu’il interroge (la grand-mère / les camarades), adopte/se glisse dans l’argumentation « historique » de sa grand-mère pour la confronter à « l’artefact » créé en classe (argumentaire évoluant de façon synchronique).</p>
<p>Tableau 4.....................................................................................................................................................................................................</p>
<p>VISÉE RHÉTORIQUE</p>
<p>SAVOIR-DIRE</p>
<p>SAVOIR-FAIRE OPERATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p>
<p>Mise en scène de soi face à des visions du monde incompatibles (à première vue)</p>
<p>Exposer une problématique existentielle / un cas de conscience</p>
<p>Introduire une thématique / une question importante</p>
<p>Expliciter la portée de la thématique / question par rapport au moment vécu</p>
<p>Procéder à un décentrement diachronique (= voix tierce diachronique) pour mettre en perspective le point de vue de départ, construit à partir de visions synchroniques</p>
<p>Se mettre en scène, successivement, face à des figures porteuses, par leurs voix, de logiques contraires > décider d’une succession de ces scènes (chronologique ici)</p>
<p>Produire un discours liant permettant de montrer ce que l’on retient de chacune des logiques mises en jeu</p>
<p>Trancher, ou ne pas trancher…</p>
<p>…et remonter au thème général de l’argumentaire</p>
<p>......................................................................................................................................................................................................................</p>
<p>Enfin, dans ce dernier exemple, la langue-cible devient, en elle-même, le terrain de liberté qui permet de devenir « autre » (RICOEUR, 1990) : s’exprimer en langue étrangère permet le décentrement, l’explicitation des implicites qui rend plus objectif. Pour soutenir sa thèse, l’étudiant a saisi l’outil de l’interdisciplinarité que lui offre la formation « bilingue plus-droit » pour aller puiser dans des théories émanant de domaines autres que le sien, en psychologie et en didactique des langues :</p>
<p>Nous avons vu qu’une langue est bien plus qu’un seul outil pour exprimer des pensées et idées seulement. Dans des expériences faites avec des personnes polyglottes, des chercheurs ont trouvé des indications selon lesquelles l’utilisation d’une langue étrangère nous rendrait moins impulsifs et nous feraient prendre des décisions plus réfléchies face à un problème. De plus, la théorie de la « relativité linguistique » propose que la perception même de la réalité puisse dépendre de notre langue maternelle.</p>
<p>Par conséquent, force est de constater qu’il faudrait ajouter la question de la langue utilisée à la longue liste des paramètres qui façonnent notre relation à la vérité. True, isn’t it ? (Cours-bloc « Vérité » SP17).</p>
<p>C’est l’apologie du plurilingue qui voit mieux, au sens de Simmel – dont l’allophonie n’est plus perçue comme handicap, mais comme un atout : c’est l’avènement du juriste suisse-allemand « augmenté d’une nouvelle dimension, le français » (KELLER-GERBER, CHOMENTOWSKI, à paraître).</p>
<p>En guise de conclusion : une troisième voie pour le FOU interdisciplinaire ?</p>
<p>En définitive, ce chantier complexe et vaste relatif au développement des compétences interdisciplinaires des étudiants en droit que nous sommes en train d’ouvrir nous oblige à emprunter des sentiers sinueux, semés d’embûches, et très éloignés de nos chemins didactiques habituels (et confortables), qui relèvent soit des méthodologies du FLE/FOS soit de celles des méthodologies disciplinaires… Or, ce que nous entr’apercevons d’ores et déjà – et que nous espérons avoir pu démontrer dans cet article –, c’est que, sur cette voie tierce qui transgresse sans cesse les frontières linguistiques, culturelles et disciplinaires, l’étudiant en droit (et futur juriste bilingue), s’il veut réussir ses études et exercer avec succès son métier, est amené à changer radicalement de posture, et ce à différents niveaux : il lui faut non seulement réussir un double travestissement rhétorique et transculturel afin de s’approprier et reproduire le raisonnement juridique en langue étrangère, mais encore opérer systématiquement des revirements de perspectives au niveau culturel et (inter)disciplinaire afin de parvenir à se hisser à un haut degré de réflexivité qui résulte de l’explicitation et de la synthétisation de tous ces « déguisements » et décentrements successifs.</p>
<p>Si ces observations théoriques sont indispensables pour saisir en quoi consiste une formation axée sur l’inter/transdisciplinaire (et, qui plus est, en langue étrangère) et expliciter les mécanismes de transformation qui y sont à l’œuvre, il n’en est pas moins décisif de circonscrire les compétences interdisciplinaires y afférentes en vue de les évaluer dans le cadre d’un cursus universitaire. En effet, il nous semble important que l’interdisciplinarité devienne évaluable de crainte qu’elle ne demeure purement ornementale… Pour cela, nous avons tenté, dans la dernière partie de cet article, d’ébaucher une typologie culturelle et interdisciplinaire à partir de séquences discursives que nous avons relevées dans les dossiers-mémoires rédigés par les étudiants en droit, afin de pouvoir, à terme, passer d’une démarche spontanée à une méthode reproductible avec à la clef une évaluation pertinente.</p>
<p>Au regard de tous ces éléments étudiés, qui nous conduisent, sans doute au-delà du FOU traditionnel, vers une approche digressive et pluriperspectiviste où les savoir-dire sont indissociables des « savoir-réfléchir » en réseaux transdisciplinaires, on pourrait se demander si la méthode « actionnelle », qui précipite l’apprentissage de façon linéaire vers un but pragmatique (pour ne pas dire pratique), est encore adaptée aux nouveaux contextes et enjeux universitaires. Face à ces derniers (bien que la pression financière se fasse de plus en plus sentir), l’étudiant en droit bi/plurilingue, avant d’être un acteur social et économique prêt à se lancer sur le terrain professionnel et scientifique, est en premier lieu un acteur-comédien intellectuel et culturel qui, confronté à des disciplines et des rhétoriques inconnues, effectue nombre de digressions, de travestissements et de décentrements dans et au moyen de la langue-culture étrangère afin de parvenir à un excellent niveau de réflexivité et de mobilité intellectuelle. Il nous semble donc que les compétences interdisciplinaires – qui sont peut-être avant tout des savoir-être – ne pourront être acquises qu’à ce prix.</p>
<p>BIBLIOGRAPHIE</p>
<p>CARROLL R. (1987). Evidences invisibles : Américains et Français au quotidien. Paris : Seuil.</p>
<p>CUQ J.-P. (2016). « Quelles transpositions méthodologiques en didactique du FLE ? », Le Français dans le monde, no 403, janvier-février, pp. 28-29.</p>
<p>GODARD A. dir. (2015). La littérature dans l’enseignement du FLE. Paris : Didier.</p>
<p>GOHARD-RADENKOVIC A. ([1999] 2004). Communiquer en langue étrangère : de compétences culturelles vers des compétences linguistiques. Berne : Peterlang.</p>
<p>GOHARD-RADENKOVIC A. (2004). « Altérités et identités dans les littératures de langue française », Le Français dans le Monde, Recherches et Applications. (juillet). Paris : Clé International.</p>
<p>KELLER-GERBER A., CHOMENTOWSKI M. (à paraître). « Les ateliers d’écriture en contexte universitaire : de l’autobiographie littéraire à l’acte de parole réflexif ». Synergies Italie, n. 16.</p>
<p>LUSCHER J.-M. (2009). L’enseignement de la littérature selon la perspective actionnelle. Que pourrait être une tâche littéraire, in Le Français à l’université, n. 2. 14-02.</p>
<p>MOLINIÉ M. (2002). « Discontinuité socio-linguistique et cohérence biographique », Bulletin suisse de linguistique appliquée VALS ASLA, pp. 99-113.</p>
<p>MOLINIÉ M. (2009). « Approche biographique et sciences humaines : l’acquisition des langues comme processus de formation », Revue japonaise du français, vol. 4, n. 1.</p>
<p>OLIVERI C. (1996). « La culture cultivée et ses métamorphoses », in PORCHER L. coord. Culture, cultures, Le français dans le monde (numéro spécial de janvier), pp. 8 – 18.</p>
<p>PORCHER L. (1987). Manières de classe. Paris : Didier.</p>
<p>PUREN C. (2006). « Explication de textes et perspective actionnelle : la littérature entre le dire scolaire et le faire social ». Article consultable sur le Site personnel de l’auteur : aplv.languesmodernes.org.</p>
<p>RACINE R., KELLER-GERBER A., BURKHALTER K. (2018). « Créer un espace bilingue et interdisciplinaire : ein Sprachlernprojekt zwischen Sprachen, Disziplinen, Perspektiven », Language Learning in Higher Education. Journal of the European Confederation of Language Centres in Higher Education (CerlceS), vol. 8 (1), Berlin: De Gruyter Mouton, pp. 21-44.</p>
<p>RICHER J.-J. (2008). « Le français sur objectifs spécifiques (F.O.S.) : une didactique spécialisée ? »</p>
<p>RICOEUR P. (1990). Soi-même comme un autre. Paris : Seuil.</p>
<p>SIMMEL G., (1979) [1908], « Digression sur l’étranger », in Grafmeyer Y. & Joseph I, L’École de Chicago, naissance de l'écologie urbaine, Paris : Ed. Du Champ urbain, p.53-77.</p>
<p>ZARATE G. (1986). Enseigner une culture étrangère. Paris : Hachette.</p>
<p> </p>
<p>[1] Par exemple, pour le Bachelor de droit « mention bilingue/Zusatz zweisprachig », il faut obtenir 72 crédits ECTS (sur 180) dans la deuxième langue d’études (le français ou l’allemand).</p>
<p>[2] C’est cet appui complémentaire et parallèle aux études disciplinaires visant la « mention bilingue » qui explique le plus dans l’intitulé de la formation.</p>
<p>[3] Le Rectorat de l’université de Fribourg, dans son rapport « Stratégie Horizon 2020 » ainsi que dans sa « Planification pluriannuelle 2018-2020 », identifie un potentiel d’amélioration dans le développement du bilinguisme et de l’interdisciplinarité. Il considère en effet que, si ce système, organisé au niveau linguistique selon un bilinguisme parallèle (« double monolinguisme ») et au niveau disciplinaire selon une coordination facultaire, a prouvé son efficacité, il n’en demeure pas moins qu’un renforcement des échanges entre les langues et les disciplines est souhaitable pour augmenter la qualité de la recherche et de l’enseignement.</p>
<p>[4] Les heures de cours dont dispose la formation « bilingue plus-droit » se répartissement entre des cours en face à face pédagogique (cours de FOS/FOU pour les étudiants germanophones et de DAFF-Deutsch als Fremd- und Fachsprache an Hochschulen pour les étudiants francophones), des séances tandem (où les deux groupes linguistiques travaillent ensemble sous l’égide des lecteurs de FOS/FOU et/ou de DAFF), du travail personnel (pour la recherche et la rédaction du dossier-mémoire de fin de formation) ainsi que des activités en binômes bilingues semi-dirigées pour participer à des événements « hors classe » (soirées-cinéma, visites d’institutions bilingues, interviews de spécialistes juridiques et non juridiques, concours de plaidoiries, etc.). Vu l’entrecroisement complexe d’une partie des activités, il est désormais nécessaire que les enseignants de FOS/FOU et de DAFF travaillent en étroite collaboration afin de garantir l’harmonisation systémique de ce nouvel espace formatif commun (voir https://www3.unifr.ch/centredelangues/fr/bilingueplus/).</p>
<p>[5] Cf. https://www3.unifr.ch/ius/stoffel/fr/droitcinema/edition-2020/</p>
<p>[6] Si pour le champ interdisciplinaire Jules DUCHASTEL et Danielle LABERGE (1999), en référence aux sciences économiques et sociales, parlent d’approche « extensive » (« La recherche comme espace de médiation interdisciplinaire », Sociologie et sociétés, vol. 31, no 1, p. 68 [en ligne]), nous préférons parler d’approche pluriperspectiviste.</p>
<p>[7] Nous faisons référence ici à une critique adressée par un professeur de droit, membre du jury de soutenance, lors de la défense orale d’un dossier-mémoire. Ce professeur avait attiré l’attention – à juste titre – sur le fait qu’une candidate avait intégré dans son écrit des éléments entendus durant une table-ronde, sans citer ses sources. Tout en reconnaissant que cette observation a sa raison d’être – surtout concernant un travail universitaire – nous avions néanmoins attiré l’attention du jury sur le fait qu’écrire un compte-rendu de soirée cinéma est un exercice complexe, basé uniquement sur une prise de notes. Il est assez facile de comprendre, de ce fait, qu’un étudiant allophone, dans le feu de l’action, puisse ne pas réussir à noter systématiquement – ou même entendre – le nom des personnes s’alternant pour prendre la parole. Ce cas pose, de manière intéressante de notre point de vue, la question des critères d’évaluation d’un travail émanant à la fois de compétences (inter)disciplinaires, (inter)culturelles et (inter)linguistiques. </p>
<p>[8] Nous visons ici le repérage de savoir-dire, ce qui pourrait paraître réducteur. En effet, ces savoir-dire répertoriés dans le corpus des dossiers-mémoires sont la trace visible, analysables et palpables, de savoir-faire / savoir-être / savoir-apprendre qu’ils impliquent.</p>
<p>[9] Le corpus, limité aux textes rédigés en français, comprend 42 dossiers produits entre 2015 et 2020. Durant l’analyse, nous nous sommes aperçus qu’au fil des années la maîtrise des formats, sur le plan méthodologique, augmentait chez les étudiants – en lien, sans doute, avec l’affinement du dispositif d’enseignement (et donc des consignes données). Dans cet article, nous n’avons retenu que des extraits issus des promotions 2018-2020.</p>
<p>[10] Didier Truchet (2002), « La rhétorique universitaire des juristes contemporains », Droits, vol. 36 (2), consultable en ligne sur Cairn.info, p. 59.</p>
<p>[11] Que le discours juridique soit essentiellement rhétorique pourrait paraître évident pour un lecteur francophone. Cependant, nous employons ici la notion de rhétorique dans son acception la plus large, incluant toutes les postures et attitudes, y compris vestimentaires, qui sous-tendent et encadrent ledit discours juridique. A titre illustratif, il suffit de mentionner l’aspect solennel – certains diraient « théâtral » - d’une audience se déroulant dans un canton entièrement francophone lors de laquelle le langage châtié ainsi que les robes d’avocat et de magistrat sont en général de rigueur. Par contre, la rhétorique en est tout autre dans les cantons germanophones où les audiences, afin de souligner la proximité de la justice vis-à-vis du peuple, se déroulent en général en dialecte suisse allemand et sans accessoires vestimentaires. Dans ce contexte, on mesure aisément la surprise des étudiants germanophones devant le décorum des procédures judiciaires en Suisse francophone.</p>
<p>[12] Denis Diderot, Paradoxe sur le comédien [1773, 1830], éd. de Robert Abirached, Paris, Gallimard, folio no 2575, 1994, p. 67.</p>
<p>[13] Nous pensons en particulier à une publication qui date, mais qui n’a – selon nous – jamais été égalée : DOUENEL L., JACKSON G., RAOUL S. (1994). Si tu t’imagines… Atelier de littérature, lecture, écriture. Paris : Hatier / Didier. Et, plus récemment, RACINE, R., SCHENKER J.-Ch. (2018). Communication progressive du français perfectionnement C1-C2, Paris : Clé international, qui prépare à la production de séquences discursives autour d’actes de parole qui guident la lecture d’objets culturels – comme « s’exercer à la critique d’une production artistique », ou « Lire la presse francophone ».</p>
<p>[14] RACINE, R. (2016). « La Suisse : un jardin des langues à défendre », Le Temps, 18 mars. Du côté des jeunes Suisses romands, le manque d’intérêt pour l’allemand se fait également sentir. La formation « bilingue plus-droit » sert, entre autres, justement à provoquer des prises de conscience au niveau linguistique et culturel afin de corriger cette tendance qui met en péril la cohabitation des langues nationales en Suisse.</p>
<p>[15] Cette « omission » vaut également pour le vocabulaire, qui, bien que les éditeurs de FLE proposent d’excellents ouvrages tels que Pratique Vocabulaire B2 (Paris : Clé international, 2020), n’est plus guère travaillé d’une façon approfondie dans l’approche actionnelle.</p>
<p>[16] Culture : lecteurs d’images / lecteurs de textes / consommateurs de films (de tout signe, en fait).</p>
<p>[17] Les thèmes (la vérité, la liberté, l’identité, etc.) qui nous sont imposés par l’événement culturel et interdisciplinaire « Le Droit dans le cinéma » sont, en réalité, des « universels singuliers » qu’il nous faut transposer et intégrer dans notre contexte spécifique.</p>
<p>[18] Par exemple, un ouvrage comme DENIS C ; MEYER C. (2010). Clés pour la France. En 80 icônes culturelles. Paris : Hachette, qui fait le pari de faire « comprendre la France et les Français » par un catalogue de fiches thématiques telles que : « le Beaujolais nouveau », « Coluche », « le bonhomme Michelin » ou « le tour de France ».</p>
<p>[19] Une séance tandem est un cours où les étudiants de langue-cible français et de langue-cible allemand se retrouvent autour d’une activité commune. Généralement, chacun s’exprime dans sa langue-cible et l’un des enseignants des deux groupes mène l’activité (dans sa langue-cible). Nous tentons donc d’équilibrer, durant les semestres, les séances qui seront tenues majoritairement en français, et celles tenues majoritairement en allemand.</p>
<p>[20] Nous faisons ici référence à une analyse comparative (recherche en cours) sur des plans d’études de FLE au niveau de l’enseignement secondaire en Suisse. Elle démontre que le statut de la culture patrimoniale française et francophone est très différent selon que l’on a affaire à un établissement cisalpin ou transalpin. Dans les lycées tessinois (italophones), les cours de FLE se centrent essentiellement sur l’explication et l’analyse savante de textes littéraires (comme on apprend, d’ailleurs, à le faire en langue maternelle) alors qu’en Suisse alémanique, c’est le décryptage fonctionnel qui compte (comme en anglais) – la littérature se perdant dans un vaste catalogue de « documents authentiques », entre recettes de cuisine et horaires de trains.</p>
<p>[21] Référence des illustrations : La Synagogue (sculpture), cathédrale de Strasbourg (France) portail droit ; Das erstes Opfer des Krieges : Wahrheit, caricature publiée sur le site : https://wolf147.wordpress.com/2014/08/26/das-erste-opfer-des-krieges/ (trad. : « la première victime de la guerre : la vérité »).</p>