<p>À la fois capitale d’une Confédération helvétique plurilingue et d’un canton bilingue (allemand-français) mais ville, quant à elle, exclusivement germanophone, Berne a inauguré en 2019 sa toute première offre de scolarisation bilingue. Si de nouvelles dynamiques liées aux langues nationales et à leurs enjeux dans les milieux éducatifs y semblent à pied d’œuvre, tous ne semblent pas partager l’enthousiasme pour la « nouvelle idéologie dominante » du plurilinguisme (Maurer, 2011). Certains francophones semblent exprimer de la méfiance à l’encontre de ce type de formation dont ils estiment qu’elles présentent avant tout des avantages pour les alémaniques. Allant à l’encontre de l’engouement actuel pour les formations bi/plurilingues, cet apparent décalage invite à envisager le point de vue de ces acteur.e.s, issus d’une communauté linguistique triplement minoritaire (aux niveaux fédéral, cantonal et communal) : s’agit-il d’un refus d’apprendre l’allemand de leur part? A l’instar de phénomènes observés en Belgique néerlandophone (Delahaie, 2014) ou au Canada anglophone (Duverger, 1996), le bilinguisme serait-il perçu à Berne comme une forme de germanisation cachée ? Comment les parents parmi les quelques 7% de francophones/bilingues de Berne envisagent-ils leur rôle et celui de l’école dans la transmission (ou non) des langues à leur.s enfant.s ? En quoi les représentations de francophones suisses diffèrent-elles (ou non) de celles de francophones étrangers ?</p>
<p>Ces questionnements sont à la base du projet de recherche qualitative « Politiques linguistiques familiales de parents francophones à Berne » (2019-23). Véritable collaboration entre chercheures de disciplines différentes (sociolinguistique, anthropologie sociale et sociologie) et de différents groupes linguistiques (francophone et germanophone), le projet articule pluridisciplinarité et plurilinguisme. Mettant en lumière les pratiques invisibilisées des parents francophones de Berne, il donne également à voir comment une apparente résistance microsociale peut cacher d’autres formes de résistance plus systémiques et institutionnalisées.</p>