<h1 align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:24pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Que signifie &eacute;valuer un &quot;niveau de langue&quot; ? </span></span></h1> <h1 align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:24pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Analyse sociolinguistique et didactique&nbsp;</span></span></h1> <p align="center" style="text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:24.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">d&rsquo;une demande politique et sociale en Suisse romande</span></span></b></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <h2><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bruno Maurer et Anne-Christel Zeiter</span></b></span></span></h2> <h2><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ecole de Fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re - Universit&eacute; de Lausanne</span></b></span></span></h2> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En &eacute;t&eacute; 2019, une ancienne &eacute;tudiante, Kulap, nous &eacute;crit pour nous demander conseil concernant la transformation de son permis de s&eacute;jour en permis d&rsquo;&eacute;tablissement en Suisse. En sus d&rsquo;autres crit&egrave;res tels que le temps pass&eacute; sur le territoire ou l&rsquo;autonomie financi&egrave;re, la loi (Loi sur les &eacute;trangers et l&rsquo;int&eacute;gration (d&eacute;sormais LEI)) exige en effet un niveau A2 &agrave; l&rsquo;oral et A1 &agrave; l&rsquo;&eacute;crit pour un tel changement de statut. Or, bien que titulaire d&rsquo;un grade de l&rsquo;&Eacute;cole de fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re de l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne qui atteste d&rsquo;un niveau C1 dans les genres acad&eacute;miques, elle se voit refuser son nouveau statut au motif que son niveau de langue n&rsquo;est pas reconnu par les autorit&eacute;s : &ldquo;Comme mentionn&eacute; sur la lettre,&rdquo; nous &eacute;crit-elle, &ldquo;on veut un certificat de langue fran&ccedil;aise comme FIDE et DEFL ou autres certificats qui sont reconnus par le Secr&eacute;tariat d&#39;&Eacute;tat aux migrations&rdquo;. Voici l&rsquo;analyse que fait Kulap de la situation :</span></span></span><br /> <span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i>&nbsp;&nbsp;</i></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:-18pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i>&nbsp;&nbsp;&laquo;&nbsp;Cette exp&eacute;rience me permet de faire quelques remarques&nbsp;: </i></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:-18pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">- <i>L&#39;Etat ne compte pas la comp&eacute;tence de langue acquise dans un &eacute;tablissement au sein de contexte homoglotte. Ce qu&#39;il compte est le certificat puisque le DEFL peut &ecirc;tre obtenu n&#39;importe o&ugrave; dans le monde entier.&nbsp;</i></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:-18pt"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">- <i>Le DEFL est fond&eacute; par l&#39;acad&eacute;mie fran&ccedil;aise ; le but est plut&ocirc;t le commerce que l&#39;&eacute;ducation. Je suis surprise que l&#39;&eacute;tat suisse demande ce certificat au lieu du dipl&ocirc;me de fran&ccedil;ais qui est attest&eacute; par l&#39;universit&eacute; cantonale. C&#39;est-&agrave;-dire que je paie &agrave; l&#39;acad&eacute;mie fran&ccedil;aise pour obtenir le certificat de langue qui me permet de vivre sur le territoire suisse. D&#39;apr&egrave;s moi, cela ne fait aucun sens.&nbsp;&raquo;</i></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les observations de Kulap illustrent une dynamique pr&eacute;sente dans de nombreux contextes sociaux li&eacute;s &agrave; la migration, en Suisse comme ailleurs en Europe. Depuis le d&eacute;but du XXI&egrave;me si&egrave;cle au moins, et de mani&egrave;re concomitante avec l&rsquo;implantation du Cadre Europ&eacute;en Commun de R&eacute;f&eacute;rence pour les langues (d&eacute;sormais CECR) (2001, 2018), la langue est toujours plus consid&eacute;r&eacute;e comme un objet &eacute;valuable, mesurable, objectif : le march&eacute; des certifications en langue s&rsquo;aligne sur les march&eacute;s &eacute;conomiques mondialis&eacute;s (Duch&ecirc;ne, 2011 ; Maurer, 2011), alors m&ecirc;me que la langue repr&eacute;sente un crit&egrave;re d&rsquo;int&eacute;gration l&eacute;galement &eacute;tabli dans la plupart des pays occidentaux qui s&rsquo;appuient sur le crit&egrave;re linguistique pour &eacute;tayer leurs politiques migratoires (Pradeau 2021). En vingt ans, la compr&eacute;hension de ce que signifie ma&icirc;triser une langue s&rsquo;est ainsi peu &agrave; peu d&eacute;connect&eacute;e de ce que les personnes peuvent r&eacute;ellement faire dans et avec la langue (par exemple mener &agrave; bien des &eacute;tudes sup&eacute;rieures comme l&rsquo;a fait Kulap) pour aller vers des objectifs politiques et &eacute;conomiques d&eacute;finis en termes de niveaux de langue. En parall&egrave;le, l&rsquo;association de la ma&icirc;trise linguistique et de la r&eacute;ussite de l&rsquo;int&eacute;gration socioprofessionnelle des personnes migrantes est devenue une &eacute;vidence si commun&eacute;ment partag&eacute;e et si rarement discut&eacute;e dans le d&eacute;bat public (Hambye et Romainville, 2014) que ce qu&rsquo;est la langue, au fond, n&rsquo;est que rarement explicit&eacute;. Adoss&eacute;e au CECR, elle s&#39;exprime en niveaux, soit en lettres et en chiffres, en un r&eacute;sultat qui masque non seulement le processus d&rsquo;apprentissage, mais &eacute;galement ce que la personne peut effectivement faire dans et avec sa nouvelle langue (Jeanneret et Zeiter, 2020).&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Or, comme on le voit dans le cas de Kulap, les niveaux de langue impactent directement la vie des gens qui doivent en faire la preuve pour obtenir ou conserver un statut administratif dans le pays ou pour acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;emploi, alors que dans le m&ecirc;me temps, le constat des actrices et acteurs de l&rsquo;insertion socio-professionnelle en situation migratoire &ndash; qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de d&eacute;cideurs politiques, de travailleurs sociaux, de conseillers en emploi ou de formateurs de langue &ndash; ce concernant est sans appel: ces niveaux ne co&iuml;ncident ni entre eux &ndash; un niveau A2 attest&eacute; dans une &eacute;cole de langue peut se voir attest&eacute; A1 ou B1 ailleurs &ndash; ni avec ce qui est attendu comme comp&eacute;tence langagi&egrave;re sur le march&eacute; de l&rsquo;emploi ou de la formation &ndash; un B2 attest&eacute; par un DELF ne procurant pas forc&eacute;ment les ressources ad&eacute;quates pour mener &agrave; bien des &eacute;tudes sup&eacute;rieures, par exemple (Zeiter, 2019). Les personnes apprenantes qui se voient enclass&eacute;es diff&eacute;remment &ndash; et parfois plus bas &ndash; d&rsquo;une institution &agrave; l&rsquo;autre, s&rsquo;interrogent alors l&eacute;gitimement sur les comp&eacute;tences des formatrices et formateurs, mais &eacute;galement sur leur niveau r&eacute;el, ce qui peut engendrer des remises en question et du d&eacute;couragement. Par ailleurs, si&nbsp; toutes les institutions ne d&eacute;livrent pas de certifications de langue, toutes ont le souci de pr&eacute;parer au mieux les personnes &agrave; se pr&eacute;senter, le moment venu, &agrave; une &eacute;preuve certificative. Le doute subsiste alors chez l&rsquo;apprenant&middot;e quant &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;une telle &eacute;preuve lorsqu&rsquo;elle doit &ecirc;tre pass&eacute;e : puisque toutes les &eacute;coles ne m&rsquo;&eacute;valuent pas de la m&ecirc;me mani&egrave;re, vais-je r&eacute;ussir ? Le degr&eacute; d&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; peut en ce cas s&rsquo;av&eacute;rer important, dans la mesure o&ugrave; il ne s&rsquo;agit le plus souvent pas seulement d&rsquo;un potentiel &eacute;chec &agrave; un examen, mais aussi et surtout d&rsquo;un &eacute;cueil administratif dont les cons&eacute;quences peuvent &ecirc;tre lourdes : ainsi, dans le cas de Kulap, un permis de s&eacute;jour n&rsquo;octroie &eacute;videmment ni les m&ecirc;mes droits, ni la m&ecirc;me stabilit&eacute; administrative et financi&egrave;re qu&rsquo;un permis d&rsquo;&eacute;tablissement.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Depuis plusieurs ann&eacute;es, les autorit&eacute;s politiques de la r&eacute;gion o&ugrave; nous travaillons, le canton de Vaud en Suisse romande, ont &eacute;t&eacute; alert&eacute;es par les institutions de langue, les employeurs et les organismes de formation quant au fait que les niveaux de langue sont flous et pas toujours ad&eacute;quats par rapport aux attendus en termes de comp&eacute;tences langagi&egrave;res effectives. Outre les enjeux politiques et &eacute;conomiques qui sous-tendent le contexte de l&rsquo;enseignement-apprentissage-&eacute;valuation de la langue des personnes migrantes, la question est par ailleurs &eacute;galement sociale &ndash; et d&eacute;clar&eacute;e comme telle par les autorit&eacute;s &ndash; dans la mesure o&ugrave; ce qui est en cause derri&egrave;re la question du manque de lisibilit&eacute; de l&rsquo;&eacute;valuation en langue rel&egrave;ve de la justice sociale : les exigences linguistiques toujours plus fortes fix&eacute;es par la LEI en 2019 confrontent r&eacute;guli&egrave;rement les personnes migrantes &agrave; un d&eacute;calage entre leurs comp&eacute;tences langagi&egrave;res effectives, les exigences administratives et les &eacute;valuations effectives concr&egrave;tes li&eacute;es &agrave; la qualit&eacute; de leur r&eacute;pertoire dans diff&eacute;rents contextes sociaux, un d&eacute;calage qui les renvoie sans cesse &agrave; leur alt&eacute;rit&eacute; plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; leur appartenance &agrave; la communaut&eacute; d&rsquo;accueil. Il s&rsquo;agit &eacute;videmment d&rsquo;un danger pour la coh&eacute;sion sociale, mais aussi surtout d&rsquo;une atteinte de plus en plus perceptible &agrave; l&#39;&eacute;galit&eacute; des droits et &agrave; la dignit&eacute; humaine.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La langue &eacute;trang&egrave;re, en l&rsquo;occurrence ici le fran&ccedil;ais, lorsqu&rsquo;elle doit &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;e et certifi&eacute;e, n&rsquo;est donc plus uniquement une langue de coh&eacute;sion europ&eacute;enne, de rencontres culturelles et de loisirs dans la ligne de ce que le Parlement europ&eacute;en envisageait en amont du CECR: elle est une langue de migration et d&rsquo;insertion socioprofessionnelle. Ce constat implique de repenser les &ldquo;besoins langagiers&rdquo; que Richterich (1985: 28) d&eacute;crivait comme se construisant &ldquo;par le fait m&ecirc;me d&rsquo;apprendre&rdquo; : dans une perspective prax&eacute;ologique (Bulea et Jeanneret, 2007) en effet, que doit-on apprendre de la langue et comment cela peut-il s&rsquo;articuler avec le type d&rsquo;agir pr&eacute;vus par le CECR, puisque ceux-ci semblent &ecirc;tre en d&eacute;calage avec les pratiques effectives alors que, dans le m&ecirc;me temps, l&rsquo;expression de la langue en niveaux &eacute;tablis en regard de ces agirs est devenu une pratique incontournable ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le projet que nous pr&eacute;senterons dans cet article tente de r&eacute;pondre &agrave; cette question essentielle tant pour le milieu de l&rsquo;insertion socio-professionnelle que pour la didactique des langues. Dans un premier temps, nous pr&eacute;senterons l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;adopter une perspective critique et interdisciplinaire articulant didactique des langues et sociolinguistique pour analyser les probl&egrave;mes soulev&eacute;s par le contexte de l&rsquo;&eacute;valuation en langue en contexte homoglotte. Nous d&eacute;crirons ensuite la mani&egrave;re dont la langue peut &ecirc;tre con&ccedil;ue comme un r&eacute;pertoire de ressources &eacute;nonciatives selon trois dimensions compl&eacute;mentaires et interd&eacute;pendantes, le syst&egrave;me de la langue, les comp&eacute;tences et strat&eacute;gies communicationnelles et les agirs sociolangagiers. </span><span style="font-size:11.0pt"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Une proposition sera alors faite pour passer d&rsquo;une logique de niveaux de langue &agrave; une logique de profils sociolangagiers, avant de discuter les questions que pose un tel changement de perspective. Nous conclurons par la question de l&rsquo;influence d&rsquo;un tel changement sur le milieu de la formation en langue en situation d&rsquo;insertion socioprofessionnelle.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. &Eacute;valuer la langue : vers une intervention sociolinguistique et didactique</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un projet de cr&eacute;ation d&rsquo;outil d&rsquo;&eacute;valuation commun aux institutions de langue sous mandat cantonal est lanc&eacute; en 2020, dans l&rsquo;id&eacute;e premi&egrave;re de construire un test de langue commun, sur la base du CECR. La vari&eacute;t&eacute; des modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation est dans un premier temps consid&eacute;r&eacute;e par les responsables des services concern&eacute;s comme cause du flou, mais cette hypoth&egrave;se est presque imm&eacute;diatement balay&eacute;e par le constat que cette vari&eacute;t&eacute; est inh&eacute;rente &agrave; la diversit&eacute; des formations. Il leur apparait par ailleurs &eacute;vident que la construction d&rsquo;un outil commun, le m&ecirc;me pour tous, s&rsquo;av&eacute;rerait inefficace, car inadapt&eacute; aux formations concern&eacute;es, et mettrait en p&eacute;ril la richesse de l&rsquo;offre de formation en langue dans le canton sans pour autant r&eacute;gler le probl&egrave;me. C&rsquo;est &agrave; ce stade de la r&eacute;flexion que nous sommes alors sollicit&eacute;s par le comit&eacute; de pilotage (d&eacute;sormais Copil) de ce projet pour encadrer la r&eacute;flexion des repr&eacute;sentant&middot;e&middot;s de sept institutions repr&eacute;sentatives de &ldquo;la diversit&eacute; du public allophone et des comp&eacute;tences de base exig&eacute;es dans l&#39;&eacute;valuation du fran&ccedil;ais (A1 &agrave; B1)&rdquo; (Lettre du Copil aux prestataires-experts, 28 mai 2020). Le point de d&eacute;part consiste en une analyse des pratiques et des difficult&eacute;s destin&eacute;e &agrave; identifier ce qui, au-del&agrave; des diff&eacute;rences, peut aller dans le sens d&rsquo;une culture commune de l&rsquo;&eacute;valuation et permettre une meilleure coop&eacute;ration entre les diff&eacute;rents organismes concern&eacute;s. L&rsquo;outil commun d&rsquo;&eacute;valuation n&rsquo;est alors rapidement plus pens&eacute; de mani&egrave;re &eacute;troite comme un test, mais comme une proposition plus large concernant &ldquo;les &eacute;l&eacute;ments-cl&eacute;s d&rsquo;un outil commun de positionnement qui tiendra[it] compte de l&#39;existant et des besoins diversifi&eacute;s&rdquo; (idem) des diff&eacute;rentes institutions. L&rsquo;objectif d&eacute;clar&eacute; est de &ldquo;garantir aux b&eacute;n&eacute;ficiaires des cours de fran&ccedil;ais une &eacute;quit&eacute; dans l&#39;&eacute;valuation de leurs comp&eacute;tences linguistiques&rdquo; (idem), un objectif fr&eacute;quemment rappel&eacute; lors des entretiens de suivi que nous avons eus avec le comit&eacute; de pilotage.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La principale contrainte est toutefois que cette grille d&eacute;bouche sur les niveaux du CECR, pour conserver une terminologie largement lisible et rester conforme &agrave; fide, qui s&rsquo;appuie sur la perspective actionnelle et les niveaux du CECR :&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;La mise en place de l&rsquo;outil vise &agrave; convenir d&rsquo;une d&eacute;finition commune des crit&egrave;res permettant de situer des personnes quant &agrave; leur niveau de fran&ccedil;ais, pour les quatre comp&eacute;tences du CECR et pour les niveaux A1, A2 et B1. L&rsquo;outil en question devra &ecirc;tre suffisamment flexible pour s&rsquo;adapter aux r&eacute;alit&eacute;s et aux besoins de chacun &quot; (Lettre Copil, 11 janvier 2021).&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le public d&rsquo;apprenant&middot;e&middot;s auquel s&rsquo;adresse l&rsquo;outil d&rsquo;&eacute;valuation se distingue par ailleurs par sa &ldquo;diversit&eacute;&rdquo;, dans la mesure o&ugrave; il s&rsquo;agit de &ldquo;tous les allophones, ind&eacute;pendamment de leur trajectoire, leur statut administratif et/ou leur projet socioprofessionnel&rdquo; (idem). L&rsquo;id&eacute;al recherch&eacute; est donc similaire, au fond, &agrave; celui qui pr&eacute;sidait au CECR : il s&rsquo;agit de d&eacute;finir des niveaux de langue correspondant &agrave; des crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation d&eacute;clinables pour une diversit&eacute; maximale d&rsquo;apprenant&middot;e&middot;s adultes, de formations et de dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation. La difficult&eacute; est donc la m&ecirc;me que pour le CECR : de m&ecirc;me qu&rsquo;il importe de pr&eacute;ciser ce qui est commun dans l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&eacute;valuer &ndash; et donc, en amont, de savoir &agrave; quoi former, pourquoi et comment &ndash;, il importe de d&eacute;finir l&rsquo;objet commun de ces situations p&eacute;dagogiques, un objet qui se doit d&rsquo;&ecirc;tre comparable entre toutes : la &ldquo;langue&rdquo;. Un premier travail &agrave; effectuer est donc de d&eacute;construire les diff&eacute;rents pans de cet objet langue pour mieux savoir ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;valuer, au niveau de ce qu&#39;on peut appeler &quot;strictement&quot; le &quot;linguistique&quot; et, au-del&agrave; de cette dimension, au niveau de r&eacute;alit&eacute;s qui tiennent &agrave; la fois de comp&eacute;tences communicationnelles et d&#39;agirs sociaux.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les enjeux soulev&eacute;s par ce projet sont donc divers et demandent &agrave; &ecirc;tre investigu&eacute;s dans une perspective interdisciplinaire: les ressources de la didactique des langues&nbsp; &ndash; en termes de connaissances et d&rsquo;analyse des m&eacute;thodologies d&rsquo;enseignement et des facteurs en jeu dans l&rsquo;appropriation langagi&egrave;re &ndash; doivent imp&eacute;rativement s&rsquo;articuler &agrave; celles de la sociolinguistique critique &ndash; en termes d&rsquo;analyse de la situation existante et des cons&eacute;quences sociales, &eacute;conomiques et politiques des outils en construction. S&rsquo;il est en effet indispensable de penser &ldquo;la langue&rdquo;, il importe de le faire en identifiant au mieux le contexte m&eacute;thodologique effectif (les pratiques) et impos&eacute; (le CECR), les cons&eacute;quences sociales des pratiques en cours et projet&eacute;es pour les personnes apprenantes, les formatrices et formateurs et les institutions, mais &eacute;galement les milieux de la migration en Suisse romande. C&rsquo;est en effet ces milieux qui permettent de mieux comprendre les types d&rsquo;agir dans lesquels le public concern&eacute; est susceptible d&rsquo;&eacute;voluer, de s&rsquo;approprier la langue, et d&rsquo;identifier de quelle &ldquo;langue&rdquo; il est question.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Que ce soit dans notre r&eacute;flexion en amont ou dans le dialogue avec les prestataires-experts du projet, le constat d&rsquo;une polys&eacute;mie forte des deux principaux termes de l&rsquo;&eacute;quation que sont l&rsquo;&eacute;valuation et la langue revenait ainsi sans cesse, rendant n&eacute;cessaire une harmonisation terminologique sur les besoins des publics, les formes de l&rsquo;&eacute;valuation et les connaissances linguistiques et comp&eacute;tences langagi&egrave;res &eacute;valuables: lever les malentendus devait permettre de cr&eacute;er un langage et une culture communs entre les experts-prestataires. Pour ce faire, trois &eacute;tapes ont &eacute;t&eacute; suivies, que nous d&eacute;velopperons en d&eacute;tail ci-apr&egrave;s : (1) une r&eacute;flexion sur la complexit&eacute; de ce qu&rsquo;est la &ldquo;langue&rdquo; pratiqu&eacute;e, apprise, transmise, &eacute;valu&eacute;e et exig&eacute;e dans certains contextes ; (2) une exploration critique et appliqu&eacute;e du CECR et de ses grilles de descripteurs pour mieux comprendre comment l&rsquo;adapter au projet ;&nbsp; (3) un d&eacute;placement de regard sur ce que signifie &eacute;valuer la langue pour d&eacute;terminer un niveau de maitrise. Enfin, concr&egrave;tement, le travail s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute; en plusieurs ateliers de travail bas&eacute;s, dans un premier temps, sur le partage des dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation existant dans chaque institution. Les &eacute;changes ont alors port&eacute; sur les types de pratiques, les philosophies d&rsquo;&eacute;valuation et les utilisations du CECR. &Agrave; partir de la compr&eacute;hension d&eacute;sormais partag&eacute;e de ce que signifiait &ldquo;&eacute;valuer la langue&rdquo;, un deuxi&egrave;me temps a permis de construire des descripteurs sur deux dimensions : la connaissance du syst&egrave;me de la langue d&rsquo;une part, les strat&eacute;gies et comp&eacute;tences communicationnelles orales et &eacute;crites d&rsquo;autre part, des dimensions de la langue estim&eacute;es prises en compte de mani&egrave;re trop impr&eacute;cise dans le CECR. &Agrave; ce stade du travail, les objectifs &eacute;taient presque atteints : il restait &agrave; construire deux dispositifs d&rsquo;&eacute;valuation diff&eacute;rents &ndash; l&rsquo;un sous forme d&rsquo;entretien-discussion naturelle et l&rsquo;autre sous forme d&rsquo;exercices et d&rsquo;items construits en vue d&rsquo;&eacute;valuer certaines connaissances et comp&eacute;tences sp&eacute;cifiques &ndash; mais ais&eacute;ment utilisables avec la nouvelle grille de descripteurs: autrement dit, un travail &agrave; aborder d&rsquo;un point de vue essentiellement didactique. Or, il a fallu patienter, les prestataires-experts ayant exprim&eacute; des doutes quant &agrave; la maniabilit&eacute; de l&rsquo;outil et, surtout, quant &agrave; son ad&eacute;quation aux r&eacute;alit&eacute;s du terrain en termes de ressources humaines, technologiques et financi&egrave;res disponibles pour de telles &eacute;valuations. Les ressources de la sociolinguistique critique ont alors d&ucirc; &ecirc;tre mobilis&eacute;es pour pouvoir aller plus loin : une analyse du milieu a en effet montr&eacute;, et nous y reviendrons en conclusion, que la construction d&rsquo;une culture commune de l&rsquo;&eacute;valuation soulevait en fait des enjeux politiques, &eacute;conomiques et strat&eacute;giques relatifs &agrave; la formation en langue pour l&rsquo;insertion socioprofessionnelle, des enjeux qu&rsquo;il importait de consid&eacute;rer et de rendre visibles pour toutes les parties engag&eacute;es &ndash; notamment pour le Copil &ndash; avant de finaliser puis de promouvoir un tel outil.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. La langue en trois dimensions: vers un d&eacute;veloppement conjoint du r&eacute;pertoire langagier et du projet socioprofessionnel</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La question de la d&eacute;finition de l&rsquo;objet &quot;langue&#39;&#39; s&rsquo;av&egrave;re donc essentielle, puisque c&rsquo;est de cette d&eacute;finition que d&eacute;pendront tant les descripteurs mobilis&eacute;s pour l&rsquo;&eacute;valuation que leur organisation, mais &eacute;galement parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit de savoir, socialement, ce que les personnes font effectivement de cette langue. Comme le souligne Hadji (2012 : 218), en effet,</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;<q>(...) il nous faut tenter de montrer (...) comment l&rsquo;&eacute;valuation peut trouver, concr&egrave;tement, sa l&eacute;gitimit&eacute; sociale. &Agrave; quelles conditions pourra-t-elle &ecirc;tre tenue, de fa&ccedil;on raisonnablement assur&eacute;e, pour socialement l&eacute;gitime, dans une perspective &laquo; d&eacute;mocratique &raquo; ? Nous r&eacute;pondrons : (1) &agrave; condition d&rsquo;avoir un minimum de coh&eacute;rence ; (2) &agrave; condition de privil&eacute;gier des usages socialement utiles ; (3) &agrave; condition de se garder des d&eacute;rives id&eacute;ologiques. </q></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Au cours de discussions reposant sur l&rsquo;analyse de productions orales d&rsquo;apprenant&middot;e&middot;s, nous avons pu poser avec les experts-prestataires que l&rsquo;&eacute;valuation des comp&eacute;tences langagi&egrave;res devrait prendre en compte le r&eacute;pertoire langagier (Busch, 2015) des publics dans toute sa complexit&eacute;, soit dans toutes les dimensions des possibilit&eacute;s &eacute;nonciatives particuli&egrave;res permettant &agrave; la personne d&rsquo;agir socialement. Dans la ligne de ce que proposait Py (1993) et que nous prolongeons dans nos travaux (Zeiter, 2019), les observations des sp&eacute;cialistes avec qui nous travaillons mettent en &eacute;vidence trois dimensions, &agrave; la fois compl&eacute;mentaires et en interaction :</span></span></span></p> <ul type="disc"> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">la connaissance du syst&egrave;me linguistique, dans ses aspects morpho-syntaxiques, lexicaux ou phon&eacute;tiques, et dont la ma&icirc;trise conditionne pour une grande part la r&eacute;ussite de la communication ;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">les comp&eacute;tences et strat&eacute;gies d&rsquo;identification et d&rsquo;utilisation des normes communicationnelles et sociales utiles pour tenir des discours ad&eacute;quats &agrave; la diversit&eacute; des situations rencontr&eacute;es ;&nbsp;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">la capacit&eacute; &agrave; agir dans la langue, soit &agrave; mener &agrave; bien toutes sortes de pratiques sociales (dont professionnelles) dans la langue.</span></li> </ul> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces trois dimensions sont compl&eacute;mentaires dans l&rsquo;agir langagier, mais l&rsquo;&eacute;valuation de la ma&icirc;trise du syst&egrave;me tend souvent &agrave; masquer les deux autres comp&eacute;tences, ou l&rsquo;inverse : une prononciation tr&egrave;s fautive peut donner l&rsquo;impression erron&eacute;e d&rsquo;une incapacit&eacute; &agrave; fonctionner dans la langue, de m&ecirc;me qu&rsquo;une capacit&eacute; solide &agrave; se positionner de mani&egrave;re ad&eacute;quate peut parfois fausser l&rsquo;&eacute;valuation de la ma&icirc;trise du syst&egrave;me. Lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;valuer la comp&eacute;tence sociolangagi&egrave;re dans le but de renforcer les chances de r&eacute;ussite de la personne dans son projet d&rsquo;emploi ou de formation, il importe donc de cibler au mieux la dimension devant &ecirc;tre renforc&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Concr&egrave;tement, il s&rsquo;agit de cr&eacute;er les conditions pratiques d&rsquo;une nouvelle forme d&rsquo;&eacute;valuation con&ccedil;ue, et c&rsquo;est l&agrave; son originalit&eacute;, avec une vis&eacute;e double :&nbsp;</span></span></span></p> <ul type="disc"> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&eacute;valuer le niveau de langue en termes de connaissance du syst&egrave;me linguistique (cf point 1 ci-dessus) et des normes communicationnelles (cf. point 2 ci-dessus) ;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&eacute;valuer l&rsquo;ad&eacute;quation entre les comp&eacute;tences communicationnelles et l&rsquo;orientation vers un projet socioprofessionnel &agrave; un moment T en termes de dimensions communicatives et sociales et d&rsquo;aptitudes &agrave; se positionner - (cf. points 2 et 3 ci-dessus).&nbsp;</span></li> </ul> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comme on le voit, la dimension 2 appara&icirc;t dans les deux objectifs, ce qui explique sans doute certaines des disparit&eacute;s actuelles dans les &eacute;valuations. Le niveau de langue &agrave; proprement parler peut en effet &ecirc;tre &eacute;valu&eacute; de mani&egrave;re relativement d&eacute;connect&eacute;e de l&rsquo;agir social effectif, &agrave; partir de t&acirc;ches artificielles travaill&eacute;es en classe de langue mais peu pratiqu&eacute;es par ailleurs, ce qui emp&ecirc;che d&rsquo;&eacute;valuer les comp&eacute;tences effectives de la personne en conditions r&eacute;elles, par exemple dans le cadre d&rsquo;une formation professionnelle.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">De nouvelles formes et modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation sont ainsi souhaitables &ndash; et souhait&eacute;es par les actrices et acteurs du terrain &ndash; dans l&rsquo;id&eacute;e de combler cet &eacute;cart en se reposant sur une prise en compte globale du capital sociolangagier de la personne, de ses comp&eacute;tences (formation ant&eacute;rieure, exp&eacute;rience professionnelle, autres langues, etc.) et de ses moteurs (d&eacute;sirs, talents, aptitudes, etc.). Une telle perspective est aujourd&rsquo;hui courante dans la prise en charge socioprofessionnelle, la langue y &eacute;tant consid&eacute;r&eacute;e comme l&rsquo;un des aspects dont il faut tenir compte pour une orientation ad&eacute;quate de la personne vers un projet d&rsquo;insertion. Or, il importe de faire de m&ecirc;me avec l&rsquo;accompagnement en langue, en situation d&rsquo;insertion socioprofessionnelle notamment, puisque le d&eacute;veloppement du r&eacute;pertoire langagier est intimement li&eacute; &agrave; la trajectoire pass&eacute;e, aux aspirations et objectifs pr&eacute;sents et aux projections vers l&rsquo;avenir de la personne (Ausoni et Zeiter, 2017). C&rsquo;est en ce sens que nous envisageons &agrave; ce stade de privil&eacute;gier une forme d&#39;&eacute;valuation con&ccedil;ue comme un bilan sociolangagier participant &agrave; et s&rsquo;inscrivant dans le syst&egrave;me d&rsquo;orientation global de la personne. Il s&rsquo;agit d&rsquo;adopter un mod&egrave;le d&rsquo;&eacute;valuation bas&eacute; sur la reconnaissance des comp&eacute;tences communicationnelles (y compris en reconnaissant d&#39;une certaine mani&egrave;re leur r&eacute;pertoire plurilingue) et non uniquement sur les lacunes linguistiques dans la langue-cible. Par ailleurs, il importe d&rsquo;&eacute;viter au maximum les effets pervers de l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; socio-langagi&egrave;re (Adami et Andr&eacute;, 2010) souvent li&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation de la langue (tests de langue et &eacute;valuation sociale) (Demirsas et Bozdogan, 2013 ; Prokofieva et al., 2017) : des retards dans le projet socio-professionnel li&eacute;s &agrave; un d&eacute;veloppement lent des ressources langagi&egrave;res, le voilement des comp&eacute;tences effectives de la personne par une difficult&eacute; langagi&egrave;re &agrave; en faire &eacute;tat, une fossilisation des ressources langagi&egrave;res relative &agrave; une succession de mesures inadapt&eacute;es ou trop similaires, etc. Dans le cas de grands d&eacute;butants (A0-A1) par exemple, et donc d&rsquo;une orientation socioprofessionnelle pr&eacute;alable vers une prestation FLE, l&rsquo;&eacute;tablissement du profil sociolangier plurilingue de la personne peut sans doute avoir lieu avec un interpr&egrave;te, ce qui donnerait des indications sur son pouvoir communicatif global (li&eacute; &agrave; son parcours de formation et ses exp&eacute;riences professionnelles ant&eacute;rieurs, son &eacute;tat de sant&eacute; physique et psychique, ses conditions de vie, etc.), qui est presque toujours masqu&eacute; derri&egrave;re l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;en faire montre en fran&ccedil;ais. Ceci permettrait notamment de s&rsquo;assurer de l&rsquo;adh&eacute;sion de la personne aux mesures de formation qui lui sont propos&eacute;es et de co-construire avec elle le dispositif susceptible de renforcer son profil socio-langagier en direction du type d&rsquo;insertion socioprofessionnelle auquel elle aspire: autrement dit, estimer sa compr&eacute;hension du syst&egrave;me, des enjeux, des possibilit&eacute;s et des ressources n&eacute;cessaires pour y parvenir. En ce sens, le projet souhait&eacute; par le groupe d&rsquo;experts-prestataires est donc de rendre plus fluide la dynamique entre communication et construction du projet socioprofessionnel, le d&eacute;veloppement des comp&eacute;tences communicationnelles &eacute;tant au b&eacute;n&eacute;fice du d&eacute;veloppement du projet socioprofessionnel et vice-versa.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. D&rsquo;une logique de &ldquo;niveaux de langue&rdquo; &agrave; une logique de profils sociolangagiers</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur la base de cette conception de la langue comme r&eacute;pertoire de ressources &eacute;nonciatives comportant trois dimensions, il s&rsquo;agit de d&eacute;finir des descripteurs permettant d&rsquo;&eacute;tablir un niveau conforme aux &eacute;chelles du CECR : communes, connues et simples, ces &eacute;chelles sont en effet aujourd&rsquo;hui tellement r&eacute;pandues qu&rsquo;il serait dommageable de s&rsquo;en passer. Toutefois, le constat des experts-prestataires et des recherches en didactique des langues est que les t&acirc;ches communicatives pr&eacute;vues dans le CECR pour des citoyens en mobilit&eacute; s&rsquo;av&egrave;rent pour beaucoup inadapt&eacute;es aux publics actuels (Jeanneret et Zeiter 2020) et que, dans le m&ecirc;me temps, les descripteurs se montrent insatisfaisants: trop vagues, ils m&ecirc;lent indistinctement des indicateurs relevant des trois niveaux identifi&eacute;s ci-dessus. Il importe donc d&rsquo;articuler les avantages du CECR et les perspectives adopt&eacute;es sur la langue, en retravaillant les descripteurs &ldquo;de mani&egrave;re critique&rdquo; et en s&rsquo;engageant sur des voies non encore explor&eacute;es, conform&eacute;ment &agrave; ce que sugg&egrave;re le CECR dans son discours d&#39;accompagnement (CECR, 2001 : 5). Le Volume compagnon de 2018 (d&eacute;sormais VC) rappelle d&rsquo;ailleurs que les &eacute;chelles de descripteurs sont des &ldquo;outils de r&eacute;f&eacute;rence&rdquo; et &quot;n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; con&ccedil;ues pour &ecirc;tre utilis&eacute;es comme des outils d&rsquo;&eacute;valuation m&ecirc;me si elles peuvent constituer une ressource pour l&rsquo;&eacute;laboration de tels outils, comme, par exemple, des listes de contr&ocirc;le pour un niveau ou une grille pour plusieurs cat&eacute;gories &agrave; diff&eacute;rents niveaux&quot;. (VC, 2018 : 42)</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il est donc essentiel de s&rsquo;appuyer sur cette base globale, qui donne une id&eacute;e de ce que peut &ecirc;tre chaque niveau, pour construire des descripteurs mobilisables pour l&rsquo;&eacute;valuation dans toutes sortes de contextes et pour tous les niveaux. En effet, les &eacute;chelles de descripteurs du CECR s&rsquo;appuient non sur une d&eacute;finition de ce qu&rsquo;est la langue, mais sur des domaines langagiers, des t&acirc;ches communicatives qui, nous l&rsquo;avons &eacute;voqu&eacute;, ne sont pas ou plus forc&eacute;ment ad&eacute;quates pour les publics qui nous int&eacute;ressent ici: c&rsquo;est l&agrave; sans doute la raison des lacunes relev&eacute;es par les concepteurs du CECR (2001 : 34), qui encouragent les utilisateurs &agrave; analyser ces lacunes: c&rsquo;est le but que nous poursuivions en pensant la langue comme nous l&rsquo;avons fait. Cela &eacute;vite, &agrave; notre sens, de trop d&eacute;connecter l&rsquo;enseignement-apprentissage-&eacute;valuation de la langue des agirs effectifs des personnes apprenantes et de leurs besoins communicationnels : en partant de ce qu&rsquo;est la langue comme agir social plut&ocirc;t qu&rsquo;en partant de t&acirc;ches communicationnelles pens&eacute;es a priori (et donc toujours lacunaires vis-&agrave;-vis des pratiques), il devient possible de continuer &agrave; &eacute;valuer la comp&eacute;tence de communication dans la ligne du CECR en questionnant les agirs langagiers dans les termes du mod&egrave;le SPEAKING de Hymes (1967), et en partant d&rsquo;une conception pr&eacute;cise de la langue analys&eacute;e dans ses trois dimensions. Proc&eacute;der de la sorte r&eacute;pond en ce sens &agrave; la demande du CECR, qui insiste sur l&rsquo;importance d&rsquo;identifier les &ldquo;besoins, des motivations, des caract&eacute;ristiques et des ressources des apprenants et autres partenaires&rdquo; (CECR, 2001 : 40).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;analyse d&eacute;taill&eacute;e des descripteurs du CECR permet par ailleurs d&rsquo;y d&eacute;celer un trop grand niveau de g&eacute;n&eacute;ralisation pour d&eacute;terminer pr&eacute;cis&eacute;ment les niveaux (Maurer et Puren, 2019). Pour exemple, voici ce que d&eacute;crit l&rsquo;&eacute;chelle globale des niveaux communs de comp&eacute;tences pour le niveau A1:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Peut comprendre et utiliser des expressions famili&egrave;res et quotidiennes ainsi que des &eacute;nonc&eacute;s tr&egrave;s simples qui visent &agrave; satisfaire des besoins concrets. Peut se pr&eacute;senter ou pr&eacute;senter quelqu&rsquo;un et poser &agrave; une personne des questions la concernant&nbsp; &ndash; par exemple, sur son lieu d&rsquo;habitation, ses relations, ce qui lui appartient, etc. &ndash; et peut r&eacute;pondre au m&ecirc;me type de questions. Peut communiquer de fa&ccedil;on simple si l&rsquo;interlocuteur parle lentement et distinctement et se montre coop&eacute;ratif. (CECR, 2001 : 25)</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Diff&eacute;rentes comp&eacute;tences sont ici &eacute;voqu&eacute;es : la compr&eacute;hension et la production c&ocirc;toient la capacit&eacute; &agrave; &ldquo;communiquer&rdquo;, sans qu&rsquo;on sache v&eacute;ritablement si les deux premi&egrave;res en font partie ou s&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une comp&eacute;tence &agrave; part. Par ailleurs, si les trois dimensions de la langue mentionn&eacute;es plus haut sont pr&eacute;sentes, leur gradation entre les niveaux est peu claire: au niveau du syst&egrave;me et en particulier du lexique, par exemple, un&middot;e utilisateur&middot;trice pourra mobiliser &ldquo;des &eacute;nonc&eacute;s tr&egrave;s simples&rdquo; au niveau A1, s&rsquo;exprimer &ldquo;avec des moyens simples&rdquo; au niveau A2 et &ldquo;produire un discours simple&rdquo; au niveau B1, ce qui suppose des complexit&eacute;s de discours diff&eacute;rentes mais qui ne sont jamais explicit&eacute;es comme telles. Elles gagneraient enfin &agrave; &ecirc;tre plus clairement mises en &eacute;vidence, ce qui n&rsquo;est le cas ni dans l&rsquo;&eacute;chelle globale, ni dans les &eacute;chelles sp&eacute;cifiques. En effet, les &eacute;l&eacute;ments linguistiques sont vagues (&ldquo;expressions famili&egrave;res et quotidiennes&rdquo; ou &ldquo;de fa&ccedil;on simple&rdquo; pour le lexique et la complexit&eacute; syntaxique), la description du contexte d&rsquo;utilisation et des normes communicationnelles sont minimes (&ldquo;un interlocuteur coop&eacute;ratif&rdquo;) et les &eacute;l&eacute;ments pragmatiques tr&egrave;s g&eacute;n&eacute;ralisants et peu en rapport avec ce qu&rsquo;une personne est amen&eacute;e &agrave; faire socialement lorsqu&rsquo;elle vit dans un nouveau contexte social et langagier, quel que soit son niveau (&quot;satisfaire des besoins concrets&rdquo; laisse par exemple entendre que la personne devra attendre d&rsquo;avoir un niveau plus &eacute;lev&eacute; pour en satisfaire d&rsquo;autres, de m&ecirc;me qu&rsquo;elle devra en attendant se satisfaire de &ldquo;se pr&eacute;senter, pr&eacute;senter quelqu&rsquo;un, poser &agrave; une personne des questions la concernant&rdquo;: quid, alors, de d&eacute;marches qu&rsquo;elle pourrait devoir mener &agrave; bien au niveau administratif notamment ?). A notre sens, subsistent ici des traces de l&#39;approche communicative ant&eacute;rieure &agrave; la perspective actionnelle dont se r&eacute;clame le CECR. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En termes de comp&eacute;tences particuli&egrave;res enfin &ndash; et nous prendrons ici l&rsquo;exemple de la comp&eacute;tence de production &eacute;crite g&eacute;n&eacute;rale propos&eacute; par le CECR &ndash; les descripteurs restent &eacute;galement g&eacute;n&eacute;raux, incomplets et amalgamants en termes de dimensions de la langue:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><img alt="https://lh5.googleusercontent.com/E3lL7wio2gDNFLc6Kq8r5C2wspfQppLaIuX0A8ItmqCRAga4JvTGoP3-9TgB7ANoUaG6hfx7uZ8mKGN-fFvFMA6zDlDehOvcycHxATIYaaNbcK3ToSinNiTowvNOcjdiy82xY0eF" src="https://lh5.googleusercontent.com/E3lL7wio2gDNFLc6Kq8r5C2wspfQppLaIuX0A8ItmqCRAga4JvTGoP3-9TgB7ANoUaG6hfx7uZ8mKGN-fFvFMA6zDlDehOvcycHxATIYaaNbcK3ToSinNiTowvNOcjdiy82xY0eF" style="width:454px; height:199px" /></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Rien n&rsquo;est explicit&eacute; sur la dimension du syst&egrave;me, autrement dit de la correction linguistique. Sont pris en compte le degr&eacute; de complexit&eacute; des discours (pour A1, des &ldquo;expressions et phrases simples&rdquo;, pour A2 des &ldquo;phrases simples&rdquo;, pour B1 des &ldquo;textes&rdquo; et pour B2 des &ldquo;textes clairs et&nbsp; &ldquo;d&eacute;taill&eacute;s&rdquo;), sans que ces discours soient, encore une fois, explicit&eacute;s, et&nbsp; la coh&eacute;sion textuelle : les expressions sont &ldquo;isol&eacute;es&rdquo; pour A1, &ldquo;reli&eacute;es&rdquo; pour A2, alors que les textes sont &ldquo;articul&eacute;s simplement&rdquo; pour B1 et &ldquo;clairs et d&eacute;taill&eacute;s&rdquo; pour B2. On se demande alors si un niveau A1 ne permet pas d&rsquo;&eacute;crire un texte et ce que signifie &ldquo;clairs&rdquo; exactement. Les normes communicationnelles sont par ailleurs compl&egrave;tement absentes de cette comp&eacute;tence jusqu&rsquo;au niveau C2, qui mentionne une &ldquo;structure logique qui aide le destinataire &agrave; remarquer les points importants&rdquo;: ces points importants ne peuvent-ils &ecirc;tre mis en &eacute;vidence de cette mani&egrave;re ou autrement pour d&rsquo;autres niveaux ? Enfin, les t&acirc;ches sugg&eacute;r&eacute;es dans le CECR sont essentiellement langagi&egrave;res: elles &ldquo;sont l&rsquo;un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, &eacute;ducationnel et professionnel&rdquo; (CECR, 2011 : 121), autrement dit, une partie seulement des agirs sociaux dont elles sont en quelque sorte d&eacute;connect&eacute;es.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Enfin, les descripteurs du CECR &eacute;noncent des comportements (Peut + faire) sans mention d&rsquo;aucune ressource pour y parvenir en termes de &ldquo;faire langagier&rdquo; ou des op&eacute;rations cognitives &agrave; mobiliser pour avoir ce comportement, ce qui masque tout le processus d&rsquo;apprentissage pour ne souligner que le r&eacute;sultat &agrave; atteindre pour attester un niveau. Ceci pourrait s&rsquo;av&eacute;rer int&eacute;ressant pour l&rsquo;&eacute;valuation, mais force est de constater qu&rsquo;aucun indicateur de r&eacute;ussite sp&eacute;cifique n&rsquo;existe: ces &eacute;chelles sont donc aussi peu ad&eacute;quates pour l&rsquo;&eacute;valuation que pour l&rsquo;enseignement. Il serait donc n&eacute;cessaire de proposer des observables.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pourtant, si l&rsquo;analyse faite par les experts-prestataires a montr&eacute; plusieurs limites du CECR (des descripteurs vagues ; une logique inflationniste de tableaux de descripteurs con&ccedil;us par type de situations de discours et non par comp&eacute;tences g&eacute;n&eacute;rales ; des descripteurs amalgamant plusieurs dimensions diff&eacute;rentes de la &ldquo;langue&rdquo; et donc &agrave; d&eacute;compacter sur des axes diff&eacute;rents), l&rsquo;attachement aux cat&eacute;gories du CECR a &eacute;t&eacute; r&eacute;affirm&eacute;: majoritairement mobilis&eacute;es en Europe pour d&eacute;signer les niveaux de langue, elles sous-tendent &eacute;galement le curriculum-cadre fide, aujourd&rsquo;hui incontournable en Suisse, et permettent, comme le&nbsp; CECR y invite explicitement, de proposer de nouveaux descripteurs. Ainsi, malgr&eacute; les limites tant du CECR que de fide sur les plans didactique et sociolinguistique, il a paru essentiel d&rsquo;en conserver les avantages et de proposer des pistes d&rsquo;am&eacute;lioration pour l&rsquo;apprentissage-enseignement-&eacute;valuation des langues.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&Agrave; ce stade de l&rsquo;analyse, le d&eacute;fi consiste donc &agrave; produire des &eacute;chelles de descripteurs adapt&eacute;es des niveaux du CECR et prenant en compte des crit&egrave;res de performance sur les trois dimensions permettant d&rsquo;analyser une production langagi&egrave;re. Il faut toutefois mentionner que si les dimensions du syst&egrave;me et des normes communicationnelles peuvent &ecirc;tre abord&eacute;es qualitativement et quantitativement, celle de l&rsquo;agir sociolangagier, qui &eacute;value les types et les modalit&eacute;s de l&rsquo;agir langagier, ne peut &ecirc;tre &eacute;valu&eacute;e sur la base de descripteurs classiques: il doit &ecirc;tre d&eacute;crit, au plus pr&egrave;s de ce que la personne apprenante fait exactement avec les possibilit&eacute;s que lui offre son r&eacute;pertoire plurilingue. Cette description permet donc &eacute;galement de valoriser la richesse et la complexit&eacute; du r&eacute;pertoire plurilingue de la personne ce qui, ici encore, est dans la ligne de l&rsquo;importance qu&rsquo;accorde le CECR aux comp&eacute;tences plurilingues et pluriculturelles.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Concr&egrave;tement, les nouvelles &eacute;chelles de descripteurs r&eacute;sultant de cette r&eacute;flexion se veulent en nombre fini, contrairement &agrave; la vis&eacute;e expansionniste du CECR, et ont pour objectif de refl&eacute;ter les diff&eacute;rentes composantes de l&rsquo;agir sociolangagier en les traitant s&eacute;par&eacute;ment. Pour ce faire, il est essentiel qu&rsquo;elles pr&eacute;cisent des indicateurs qui sont des observables permettant de mener &agrave; bien des &eacute;valuations de mani&egrave;re aussi pr&eacute;cise et &eacute;quitable que possible. Cette acception n&rsquo;est toutefois pas absolue et, pour certains descripteurs, la r&eacute;flexion s&rsquo;est arr&ecirc;t&eacute;e &agrave; d&eacute;finir des domaines (&ldquo;&Eacute;tendue du lexique&rdquo;, par exemple) sans arriver &agrave; des observables qui pourraient, par exemple, &ecirc;tre traduits dans des verbes d&rsquo;action. Afin d&rsquo;en faciliter la mise en oeuvre dans les institutions, une explicitation des concepts linguistiques et textuels, des crit&egrave;res pour l&rsquo;&eacute;valuation et des &eacute;l&eacute;ments qui ont servi &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration des descripteurs est fournie avec les &eacute;chelles de descripteurs. Des tests produits dans cette optique proposeront des situations dans lesquelles ces dimensions seront observables. Voici enfin, pour terminer sur les &eacute;chelles d&rsquo;&eacute;valuation, &agrave; quoi pourrait ressembler le r&eacute;sultat d&rsquo;une &eacute;valuation en langue dans cette optique :</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <table class="Table"> <tbody> <tr> <td colspan="3" style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A1</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A2</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">B1</span></span></span></p> </td> </tr> <tr> <td colspan="3" rowspan="2" style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Syst&egrave;me linguistique</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td rowspan="4" style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Comp&eacute;tences communicationnelles</span></span></span></p> </td> <td rowspan="2" style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">oral</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">interaction</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">compr&eacute;hension</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td rowspan="2" style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&eacute;crit</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">production</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">compr&eacute;hension</span></span></span></p> </td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px">&nbsp;</td> </tr> <tr> <td style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Descriptif des agirs socio-langagiers les mieux ma&icirc;tris&eacute;s&nbsp;</span></span></span></p> </td> <td colspan="5" style="padding:.100px .100px .100px .100px"> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">exemple : habitude de communication dans un contexte particulier, habitude d&rsquo;un type de discours particulier oral ou &eacute;crit, etc.</span></span></span></p> </td> </tr> </tbody> </table> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4. Discussion</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sans entrer dans le d&eacute;tail de la grille de descripteurs, ce qui en soi serait un autre sujet, il importe ici de relever quelques r&eacute;flexions ayant anim&eacute; les travaux du groupe concernant les niveaux et la mani&egrave;re de les d&eacute;finir.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une premi&egrave;re question concerne la distance &agrave; parcourir entre les niveaux: est-elle la m&ecirc;me entre un A1 et un A2 ou entre un A2 et un B1, ou les efforts pour passer d&rsquo;un niveau &agrave; l&rsquo;autre sont-ils diff&eacute;rents et, le cas &eacute;ch&eacute;ant, pourquoi? Cette dimension n&#39;appara&icirc;t pas dans les r&eacute;flexions du CECR, qui envisage implicitement les niveaux comme s&eacute;par&eacute;s par des distances &eacute;quivalentes, dans une gradation de type marche d&rsquo;escalier. Et si l&rsquo;escalier &eacute;tait in&eacute;gal, fait de marches de hauteurs diff&eacute;rentes ?&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Une deuxi&egrave;me question interroge le poids des comp&eacute;tences selon les niveaux: il s&rsquo;agit de savoir si ces derniers refl&egrave;tent simplement une gradation quantitative r&eacute;guli&egrave;re des diff&eacute;rentes composantes de la &ldquo;langue&rdquo; ou si, d&rsquo;un niveau &agrave; l&rsquo;autre, il ne faudrait pas accorder une importance diff&eacute;rente &agrave; la connaissance du syst&egrave;me (pr&eacute;cision de l&rsquo;utilisation de la langue) ou aux comp&eacute;tences et strat&eacute;gies communicationnelles (efficacit&eacute; du discours). Et si les marches, en plus d&#39;&ecirc;tre de hauteur variable, &eacute;taient compos&eacute;es de m&eacute;langes avec des dosages diff&eacute;rents des m&ecirc;mes &ldquo;mat&eacute;riaux&rdquo;, pour prolonger la m&eacute;taphore de l&rsquo;escalier ?&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Cette r&eacute;flexion pourrait trouver sa traduction lors de la d&eacute;termination de seuils de niveaux. La piste serait de pond&eacute;rer les diff&eacute;rents r&eacute;sultats par dimension, voire sous-dimension, en fonction de la d&eacute;finition que donne le CECR du profil de chaque niveau et de ce que le groupe des prestataires-experts, par son exp&eacute;rience et de mani&egrave;re empirique, sait de ces niveaux.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Un pas suppl&eacute;mentaire pour lever les malentendus autour des &ldquo;niveaux de langue&rdquo; serait de mettre en rapport les scores obtenus avec ce que les personnes apprenantes peuvent ou veulent en faire. A quoi pourraient servir leurs connaissances en fran&ccedil;ais dans la suite de leur parcours ? Que vont-ils faire de leur niveau &eacute;valu&eacute; ?&nbsp; Qui en aura connaissance, l&rsquo;utilisera et pour quoi faire ? Comment vont-ils progresser ? Envisager la question des r&eacute;sultats de l&rsquo;&eacute;valuation de cette mani&egrave;re, c&rsquo;est se demander ensuite si les connaissances et comp&eacute;tences attendues sont les m&ecirc;mes selon que la personne veut vivre &agrave; Lausanne, y travailler dans un m&eacute;tier d&rsquo;aide &agrave; la personne, un m&eacute;tier du b&acirc;timent, une profession de sant&eacute;, une profession juridique, un m&eacute;tier de vente, s&rsquo;engager dans une formation sup&eacute;rieure ou professionnelle et/ou si elle veut obtenir une naturalisation ou un permis d&rsquo;&eacute;tablissement, prolonger un permis de s&eacute;jour, passer son permis de conduire, etc.. Poser la question ainsi laisse donc entrevoir une autre partie de la probl&eacute;matique de l&rsquo;&eacute;valuation et permet de mieux comprendre comment une attestation &ldquo;simple&rdquo; de niveau, qui ne prendrait pas en compte les utilisations potentielles, peut ne suffire ni aux besoins de la personne, ni &agrave; ceux des diverses institutions. Si l&rsquo;on peut en effet th&eacute;oriquement concevoir qu&rsquo;une personne atteigne un certain niveau de langue par rapport &agrave; des attendus fix&eacute;s dans l&rsquo;absolu d&rsquo;un outil d&rsquo;&eacute;valuation crit&eacute;ri&eacute;, il n&rsquo;en reste pas moins que ce &ldquo;niveau&rdquo; ne prend tout son sens que dans le relatif des possibles utilisations. Une telle r&eacute;flexion remet par ailleurs en question l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un niveau de langue exigible comme crit&egrave;re d&rsquo;int&eacute;gration de la personne dans le pays d&rsquo;accueil :&nbsp; il ne faut pas le consid&eacute;rer de mani&egrave;re absolue mais, une fois d&eacute;termin&eacute; &agrave; l&#39;aune de diff&eacute;rents descripteurs, il reste toujours &agrave; interpr&eacute;ter en regard de ce que la personne fait socialement avec les ressources de son r&eacute;pertoire plurilingue.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il ne s&rsquo;agit, &agrave; ce stade, que d&rsquo;une premi&egrave;re r&eacute;flexion sur la question, mais qui m&eacute;rite d&rsquo;&ecirc;tre pouss&eacute;e plus avant. Quoi qu&rsquo;il en soit, il s&rsquo;av&egrave;re int&eacute;ressant d&rsquo;exploiter les donn&eacute;es d&rsquo;une &eacute;valuation langagi&egrave;re en fonction des diff&eacute;rentes utilisations possibles, des d&eacute;bouch&eacute;s professionnels, des projets de vie, etc. en consid&eacute;rant quelles dimensions de la &ldquo;langue&rdquo; sont les plus importantes&nbsp; :</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <ul type="disc"> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">pour un enclassement simple ;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">pour une demande de naturalisation, de permis de s&eacute;jour ou d&rsquo;&eacute;tablissement;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">pour suivre un parcours de formation professionnelle en&hellip; (&agrave; compl&eacute;ter ult&eacute;rieurement avec plusieurs types de formation) ;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">pour une insertion sociale ;</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">pour une insertion professionnelle (&agrave; distinguer ult&eacute;rieurement selon des types de m&eacute;tier);</span></li> <li calibri="" style="text-align:justify; font-size:12pt; font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">...</span></li> </ul> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">On peut alors imaginer des coefficients de pond&eacute;ration tenant compte des besoins diff&eacute;rents en mati&egrave;re de fran&ccedil;ais en fonction des diff&eacute;rents projets et d&eacute;bouch&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Il est important de pr&eacute;ciser que ces r&eacute;sultats n&rsquo;ont pas une vocation prescriptive mais bien diagnostique, descriptive et informative. Ainsi, ils ne profilent en aucune mani&egrave;re les utilisateurs vers des d&eacute;bouch&eacute;s et des m&eacute;tiers, mais donnent un suppl&eacute;ment d&rsquo;information en indiquant &agrave; un instant T, &agrave; la personne apprenante, de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, si ses comp&eacute;tences acquises en fran&ccedil;ais sont coh&eacute;rentes avec son ou ses projets&nbsp; et quels &eacute;l&eacute;ments seraient &agrave; renforcer en vue de r&eacute;aliser son ou ses projets, et aux institutions de formation, sur quoi l&rsquo;accent m&eacute;riterait d&rsquo;&ecirc;tre port&eacute; lors de formations ult&eacute;rieures.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">En ce sens, ces informations peuvent &ecirc;tre de premi&egrave;re importance. On a coutume de dire que les formats d&rsquo;&eacute;valuation sont d&rsquo;une telle importance qu&rsquo;il finissent par formater &eacute;galement les enseignements en amont dans une logique de bachotage, un effet &eacute;galement nomm&eacute; en fran&ccedil;ais &ldquo;enseignement pour l&rsquo;examen&rdquo; et en anglais &ldquo;<i>teaching to the test</i>&rdquo;. L&agrave;, ce n&rsquo;est pas l&rsquo;&eacute;valuation elle-m&ecirc;me (qui pourra relever de plusieurs types) qui sera conditionnante, mais la prise de conscience des comp&eacute;tences n&eacute;cessaires pour r&eacute;aliser tel ou tel projet de formation ou de vie. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">4. Pour conclure : quel impact pour le milieu de la formation linguistique des migrants adultes ?</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La perspective pr&eacute;sent&eacute;e ici sur l&rsquo;&eacute;valuation implique un changement significatif pour le milieu de la formation en langue. Comme &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, nous avons en effet pu constater, au fur et &agrave; mesure que l&rsquo;outil prenait forme, que des doutes &eacute;mergeaient de la part des prestataires-experts qui l&rsquo;avaient pourtant con&ccedil;u. Dans les discussions, les discours devenaient ambivalents : dans le m&ecirc;me temps, il s&rsquo;agissait d&rsquo;affiner les descripteurs pour construire l&rsquo;outil le plus pr&eacute;cis possible et de simplifier au maximum les formulations tant de ces descripteurs que du guide d&rsquo;utilisation. De m&ecirc;me, les grilles devaient &ecirc;tre aussi compl&egrave;tes que possible pour s&rsquo;adapter &agrave; tous les niveaux et types d&rsquo;&eacute;valuation, mais se montrer &eacute;galement plus simples d&rsquo;utilisation, plus maniables, et le guide plus succinct. Nous avons alors pris le parti de faire une pause dans le travail technique pour investiguer ce qui &eacute;tait &agrave; la source de ces tensions pour le moins ambigu&euml;s, et nous avons pu d&eacute;celer un probl&egrave;me de fond li&eacute; non &agrave; l&rsquo;outil, mais au milieu de la formation et de l&rsquo;&eacute;valuation en langue. Le souci des prestataires-experts s&rsquo;oriente en effet dans deux directions : pour ces sp&eacute;cialistes de la formation et de l&rsquo;&eacute;valuation, il s&rsquo;agit d&rsquo;abord, dans une perspective p&eacute;dagogique, d&rsquo;am&eacute;liorer l&rsquo;&eacute;valuation des personnes apprenantes, dans un souci fort de justice sociale, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;insistance sur la conception d&rsquo;un outil pr&eacute;cis, complet et flexible. La cr&eacute;ation du guide est alors venue de la conscience de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;accompagner les &eacute;valuatrices et &eacute;valuateurs dans cette nouvelle pratique. Les prestataires-experts s&rsquo;accordent ainsi sur l&rsquo;importance d&rsquo;&ecirc;tre form&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation, dans la mesure o&ugrave; il s&rsquo;agit d&rsquo;une pratique inh&eacute;rente &agrave; la formation en langue. Or, le probl&egrave;me vient de ce que les personnes amen&eacute;es &agrave; &eacute;valuer ne b&eacute;n&eacute;ficient pas toutes, loin s&rsquo;en faut, de formations en didactique du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re &ndash; ou en didactique des langues en g&eacute;n&eacute;ral. Les b&eacute;n&eacute;voles sont en effet nombreux dans le milieu, et du personnel administratif est &eacute;galement souvent mobilis&eacute; pour les &eacute;valuations de type orientation ou enclassement. Ces cat&eacute;gories de personnes sont essentielles au monde de l&rsquo;insertion socio-langagi&egrave;re, qui compte trop peu d&rsquo;enseignant&middot;e&middot;s form&eacute;&middot;e&middot;s et qui ne b&eacute;n&eacute;ficie que de moyens financiers limit&eacute;s. La question qui inqui&egrave;te n&rsquo;est donc pas tant celle de la complexit&eacute; de l&rsquo;outil, mais des difficult&eacute;s de son utilisation par des cat&eacute;gories de personnes ne b&eacute;n&eacute;ficiant pas, ou pas encore, de comp&eacute;tences suffisantes pour se l&rsquo;approprier r&eacute;ellement. Par ailleurs, l&rsquo;outil implique &eacute;galement, en particulier pour l&rsquo;oral, d&rsquo;engager soit deux personnes en m&ecirc;me temps &ndash; l&rsquo;une qui conduit les t&acirc;ches d&rsquo;&eacute;valuation et l&rsquo;autre qui &eacute;value la production &ndash;, soit d&rsquo;avoir recours &agrave; des enregistrements et donc au double temps de la passation de l&rsquo;&eacute;valuation et de son &eacute;coute, ainsi que du mat&eacute;riel technique y relatif. Se pose alors &agrave; nouveau la question des ressources humaines et techniques (donc financi&egrave;res) mobilisables, de m&ecirc;me que celle du temps &agrave; accorder &agrave; l&rsquo;&eacute;valuation de l&rsquo;oral : lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;valuer cinquante personnes par jour, comment faire, concr&egrave;tement ? Lorsque dans certaines institutions, l&rsquo;&eacute;valuation &eacute;crite et orale ne dure que quinze minutes, tout compris, comment la mener &agrave; bien avec des descripteurs pr&eacute;cis et complets ? Enfin, lorsque les &eacute;valuations d&rsquo;enclassement ne sont destin&eacute;es qu&rsquo;&agrave; choisir entre deux classes de langue, l&rsquo;une plus avanc&eacute;e, l&rsquo;autre plus d&eacute;butante, dans quelle mesure est-il n&eacute;cessaire d&rsquo;&eacute;valuer aussi finement les personnes &agrave; enclasser ?</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ces questions ne sont pas anodines et provoquent, chez les prestataires-experts avec qui nous travaillons &ndash; et chez nous &eacute;galement &ndash; un certain degr&eacute; d&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; devant les changements entrevus: ce qui est &agrave; am&eacute;liorer et la mani&egrave;re d&rsquo;y parvenir est, techniquement, assez ais&eacute;ment identifiable pour des sp&eacute;cialistes de la didactique des langues, une fois &eacute;claircis les malentendus li&eacute;s &agrave; la langue et &agrave; son &eacute;valuation. Ce sont toutefois deux autres difficult&eacute;s, plus difficiles &agrave; surmonter, qui jaillissent : celle des moyens financiers d&rsquo;abord, qui est toujours le nerf de la guerre et d&eacute;pend d&rsquo;une volont&eacute; politique en termes non seulement de politique linguistique, mais &eacute;galement de politique migratoire et d&rsquo;&eacute;conomie politique orient&eacute;e vers le march&eacute; de l&rsquo;emploi. Il n&rsquo;y a, sur ce plan, rien d&rsquo;autre &agrave; faire que d&rsquo;informer les d&eacute;cideuses et d&eacute;cideurs politiques, d&rsquo;essayer de les convaincre de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;investir des ressources humaines et financi&egrave;res dans ce changement et de rendre a minima les outils disponibles au plus grand nombre possible d&#39;enseignant.e.s de la langue &eacute;trang&egrave;re. L&rsquo;autre difficult&eacute; concerne cependant la professionnalisation du milieu de la formation en langue. Les difficult&eacute;s concr&egrave;tes soulev&eacute;es ci-dessus posent en effet une question essentielle, celle de savoir ce que l&rsquo;on fait lorsque l&rsquo;on &eacute;value sur la base de crit&egrave;res flous et pour le moins subjectifs. En effet, enclasser n&rsquo;est&nbsp; par exemple pas forc&eacute;ment &eacute;valuer : il s&rsquo;agit, dans le cas mentionn&eacute; plus haut, de choisir entre deux groupes classes et non de questionner les comp&eacute;tences langagi&egrave;res des personnes : une tout autre pratique. De m&ecirc;me, renoncer &agrave; former les b&eacute;n&eacute;voles de peur de les voir abandonner leur activit&eacute; revient &agrave; accepter de poursuivre dans la voie d&rsquo;une formation en langue &ldquo;en amateur&rdquo;, &agrave; vrai dire peu en phase avec les aspirations politiques d&rsquo;insertion efficace et durable des personnes migrantes dans la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;accueil. Si l&rsquo;on souhaite promouvoir des formations et des &eacute;valuations qui marchent, qui permettent r&eacute;ellement aux personnes apprenantes d&rsquo;enrichir leurs possibilit&eacute;s &eacute;nonciatives dans la nouvelle langue et de se voir appartenir toujours plus l&eacute;gitimement &agrave; la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;accueil, ne faudrait-il pas, alors, songer &agrave; professionnaliser le milieu de la formation linguistique des migrant&middot;e&middot;s adultes et mieux distinguer d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; accompagnement en langue et socialisation &ndash; ce qui pourrait &ecirc;tre assur&eacute; par des b&eacute;n&eacute;voles moins form&eacute;s &ndash; et, de l&rsquo;autre, enseignement de la langue ? La question m&eacute;rite d&rsquo;&ecirc;tre pos&eacute;e, bien que la r&eacute;ponse risque de provoquer quelques remous, voire temp&ecirc;tes.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><b><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">BIBLIOGRAPHIE&nbsp;</span></span></b></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Adami, Herv&eacute;, &amp; Andr&eacute;, Virginie. (2010). Les migrants en ins&eacute;curit&eacute; linguistique au travail: analyses et perspectives de formation. Points communs, 40, 1-5.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ausoni, Alain, &amp; Zeiter, Anne-Christel. (2017). Des langues inad&eacute;quates. Lire la complexit&eacute; de la constitution du r&eacute;pertoire langagier dans la d&eacute;marche biographique r&eacute;flexive. Bulletin suisse de linguistique appliqu&eacute;e, 2(Num&eacute;ro sp&eacute;cial), 205-214.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bulea, Ekaterina, &amp; Jeanneret, Th&eacute;r&egrave;se. (2007). Comp&eacute;tence de communication, processus comp&eacute;tentiel et ressources : les apports des sciences du travail et des sciences du langage. In M. Verdelehan-Bourgade (Ed.), Le fran&ccedil;ais langue seconde: un concept et des pratiques en &eacute;volution (pp. 85-156). </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bruxelles: De Boeck.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Busch, Brigitta. (2015). Expanding the Notion of the Linguistic Repertoire: On the Concept of Spracherleben - The Lived Experience of Language. Applied Linguistics, 1-20. doi:10.1093/applin/amv030</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Demirsas, &Ouml;zkan, &amp; Bozdogan, Deryas. (2013). Foreign Language Anxiety and Performance of Language in Preparatory Classes. </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Turkish Journal of Education, 2(3), 7-13.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Duch&ecirc;ne, Alexandre. (2011). N&eacute;olib&eacute;ralisme, in&eacute;galit&eacute;s sociales et plurilinguisme: l&#39;exploitation des ressources langagi&egrave;res et des locuteurs. Langage et Soci&eacute;t&eacute;, 136(2), 81-108. doi:10.3917/ls.136.0081</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Division des Politiques &eacute;ducatives, Service de l&rsquo;&eacute;ducation. (2018). Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les langues: apprendre, enseigner, &eacute;valuer. Volume compl&eacute;mentaire avec de nouveaux descripteurs. Strasbourg: Conseil de l&rsquo;Europe.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Hadji, Charles. (2012). Faut-il avoir peur de l&#39;&eacute;valuation? Bruxelles: De Boeck.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Hambye, Philippe, &amp; Romainville, Anne-Sophie. (2014). Apprentissage du fran&ccedil;ais et int&eacute;gration. Des &eacute;vidences &agrave; interroger. Bruxelles: E.M.E.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Hymes, Dell. </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">(1967). Models of the Interaction of Language and Social Setting. </span><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Journal of Social Issues, 23(2), 8-28.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Jeanneret, Th&eacute;r&egrave;se, &amp; Zeiter, Anne-Christel. (2020). L&rsquo;av&egrave;nement de la didactique des langues &eacute;trang&egrave;res: entre humanisme et n&eacute;olib&eacute;ralisme. &Eacute;tudes de lettres(312), 47-50.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Unit&eacute; des Politiques linguistiques. (2001). Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les langues: apprendre, enseigner, &eacute;valuer. Strasbourg: Conseil de l&rsquo;Europe.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Maurer, Bruno. (2011). Enseignement des langues et construction europ&eacute;enne. Le plurilinguisme, nouvelle id&eacute;ologie dominante. Paris: Editions des archives contemporaines.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Maurer, Bruno, &amp; Puren, Christian. (2019). CECR: Par ici la sortie! Paris: Edition des Archives Contemporaines.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Pradeau, Coraline. (2021). Politiques linguistiques d&#39;immigration et didactique du fran&ccedil;ais : Regards crois&eacute;s sur la France, la Belgique, la Suisse et le Qu&eacute;bec. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Prokofieva, Victoria, Brandt-Pomares, Pascale, Velay, Jean-Luc, H&eacute;rold, Jean-Fran&ccedil;ois, &amp; Kostromina, Svetlana. (2017). Stress de l&rsquo;&eacute;valuation scolaire: un nouveau regard sur un probl&egrave;me ancien. Recherches et &eacute;ducation, 2. https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.4657</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Py, Bernard. (1993). L&#39;apprenant et son territoire: syst&egrave;me, norme et t&acirc;che. AILE(2), 9-24.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Richterich, Ren&eacute;. (1985). Besoins langagiers et objectifs d&rsquo;apprentissage. Paris: Hachette.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Zeiter, Anne-Christel. (2019a). &Agrave; la crois&eacute;e des trajectoires et de la soci&eacute;t&eacute; : langue et int&eacute;gration. Cahiers de linguistique, L&rsquo;image des langues: vingt ans apr&egrave;s(451), 51-70.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Zeiter, Anne-Christel. (2019b). D&eacute;construire la motivation pour rencontrer le d&eacute;sir (de langue). Revue TDFLE [En ligne], (1).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">http://revue-tdfle.fr/actes-1-44/168-deconstruire-la-motivation-pour-rencontrer-le-desir-de-langue-&nbsp;</span></span></span></p>