<p>Article</p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-top:8px; margin-bottom:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="color:black">1. Introduction :</span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-top:8px; margin-bottom:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="background:white"><span style="color:black">L’Algérie est un pays du Maghreb où le français est très enraciné dans la réalité sociolinguistique et socioculturelle. Il est non seulement très présent dans les pratiques langagières des locuteurs lorsqu’ils communiquent dans leur quotidien mais il est surtout profondément ancré dans la culture algérienne en raison de la longue présence française dans ce pays. Si cette description est admise par beaucoup de sociolinguistes qui travaillent sur cette partie du monde, il n’en demeure pas moins que cette réalité n’est pas dominante et des différences dans la manière de considérer la présence du français à l’école et hors de l’école ont été bel et bien relevées. Étant donné que le degré de variation diffère d’une région du monde à l’autre, il n’est pas possible de généraliser les approches de ces terrains. Pour Calvet, une analyse d'une ville africaine ou asiatique très plurilingue ne mène pas nécessairement aux mêmes retombées théoriques que celle d'une ville européenne plus unifiée linguistiquement (Calvet, 2005 : 9).</span></span></span></span></p>
<p style="text-indent:35pt; margin-top:8px; margin-bottom:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="background:white"><span style="color:black">Étant donné que j’ai choisi d’aborder ici la question de l’environnement rural, je serai amené à référer très souvent à la sociolinguistique urbaine (Bulot, 2001). C’est une sociolinguistique </span></span><span style="color:black">des discours qui problématise les rapports entre espace et langues autour de la matérialité discursive. Pour le sociolinguiste, cette sous-discipline « […] pose dans ses postulats, la multiplicité des espaces impartis aux villes, multiplicité qui, à son tour, prend sens et valeur dans les pratiques discursives (dont le discours sur la ou les langues et leurs usages) qui l’énoncent […] (Bulot et Veschambre, 2006 : 305).</span></span></span></p>
<p style="text-indent: 35pt; margin-top: 8px; margin-bottom: 8px;"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="background:white"><span style="color:black">La sociolinguistique algérienne décrit le contexte sociolinguistique algérien comme éminemment hétérogène (Taleb-Ibrahimi 1995 ; Derradji 2002 ; Cherrad-Benchefra, 2002, Chachou, 2013). Mais plus largement, cette hétérogénéité est caractéristique d</span></span><span style="color:black">es pays maghrébins où cette hétérogénéité « […] se pose en termes de trichotomie urbain vs rural vs citadin (Chachou, 2013 : 99). <span style="background:white">En raison de la forte variation caractérisant les différentes régions linguistiques du pays, les sociolinguistes distinguent « </span>les parlers ruraux des parlers citadins » (Taleb Ibrahimi, 2004 : 207). Mais en ce qui concerne le français, outre la dichotomie urbain vs rural, il y a une dichotomie que l’on pourrait désigner de « polaire» qui distingue les deux grandes régions du pays, le nord (le littoral) et le sud (le Sahara), en fonction de leur degré d’usage du français, soit dans la communication formelle soit dans des formes d’hybridation avec les langues maternelles, l’arabe algérien ou le tamazight. C’est une configuration qui intègre l’usage du français selon un continuum géographique qui va du nord au sud : en prenant le départ du nord, on se rend vite compte qu’au fur et à mesure qu’on descend vers le sud, l’usage du français diminue progressivement pour devenir très rare, ce qui fait de la région sud du pays, une région très arabisée.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-top:8px; margin-bottom:8px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="color:black">Outre une différence de l’usage du français liée à l’environnement géographique, il faut ajouter à cela un paramètre qui s’implique dans la variation du plus ou moins usage du français dans ce pays. Il s’agit des représentations socioculturelles qui participent à l’élaboration de catégorisations sociolinguistiques et les rendent extrêmement rigides. C’est ainsi le cas par exemple d’une représentation selon laquelle une bonne partie des algériens apprennent le français en société. Il est vrai que certaines familles apprennent à leurs enfants le français avant l’école.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Ces familles correspondent à une catégorie de la population avec des caractéristiques diastratique, diatopique, et diaphasique (Coseriu, 1969) spécifiques : plus citadine que rurale, plus classe moyenne et supérieure qu’inférieure, plus quartiers favorisés que quartiers défavorisés, plus littoral qu’intérieur du pays, plus nord que sud. Il n’est pas certain que cette accessibilité à l’apprentissage préscolaire du français soit ouverte à tous. Ce genre de représentations, souvent diffusées dans les discours ordinaires, déforment la réalité sociolinguistique dans ce pays et le peu d’enquêtes d’envergure nationale consacrées aux statistiques démolinguistiques laissent plus place à des conjectures qu’à des données tangibles.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">En ce qui suit, je ne vais exposer que la problématique concernant l’enseignement apprentissage du français à l’école dans l’environnement rural. Cette question fait partie d’un travail de recherche réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat qui étudie la pratique du recours à la langue première (essentiellement l’arabe algérien) en cours de français en Algérie (Gacemi, 2021). Des entretiens ont été réalisés auprès de 17 enseignants de français exerçant au collège ont permis de mettre en évidence la gestion que font ces derniers du recours à la l’arabe algérien dans leurs pratiques langagières non seulement à l’école mais aussi hors de l’école. Ainsi, l’analyse de ces entretiens a permis de déterminer la forme que prenait cette gestion lorsqu'elle est réalisée dans un environnement particulier : scolaire vs extrascolaire, classe vs hors classe, urbain vs rural...</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">2. Le rural, un environnement socioculturel spécifique</span></span></span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Le village est un environnement où le parler est caractérisé par des variations phonologiques et lexicales qui en font une variété spécifique à ce lieu. Bien que par l’architecture de ses habitations, la présence de services publics (école, poste, polyclinique, mosquée, magasins…), le village possède quelques traits de l’espace urbain, pourtant il suffit d’avancer quelques dizaines de mètres pour que ce caractère urbain cède le pas devant les images champêtres caractéristiques de l’espace rural. Mais ce n’est pas simplement par la nature de son espace que cet environnement diffère de celui de la ville, il l’est aussi par les pratiques langagières qui s’y déploient, une variation qui se distingue du parler urbain et qui est spécifique à ce lieu. Mais n’est-ce pas là une différence que partagent la plupart des contextes sociolinguistiques de par le monde ?</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:34.85pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Si par ailleurs, cette distinction entre urbain vs rural se limitait en définitive à quelques disparités linguistiques, cette dernière serait mise sur le compte d’une variation diatopique, une variation qui, pour Gadet, existe « pour des raisons évidentes de lien entre locuteur et territoire » (2003, 81).</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.45pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Lévy-Bruhl a depuis longtemps déjà souligné que les représentations sociales et collectives occupent une place spécifique au sein de la culture (Jodelet, 2002 : 117). Dès lors postuler une <span style="background:white">dichotomie environnement urbain vs environnement rural sans que ne soit convoqués les aspects socioculturels des deux fera perdre de vue les effets que peut avoir sur l’un et sur l’autre les spécificités socioculturelles liées aux deux environnements. Plus encore, aborder la question de l’environnement rural nécessite qu’il soit étudié à l’aune de l’environnement urbain. Dès lors, ce sont certains aspects socioculturels spécifiques au village (par opposition à ceux de la ville) qui viennent expliquer en quoi un tel environnement est vu comme différent. Ainsi, supposer la spécificité d’un environnement implique un rapport de cause à effet de « […] la diversité socioculturelle des locuteurs, de leurs activités et de leurs interactions langagières » (Gadet, 2003 : 80).</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Si des différences langagières entre locuteurs issus d’un environnement rural et ceux issus un environnement urbain ont été bel et bien relevées, le rapport entre pratiques langagières et diversité socioculturelle invoquée par Gadet semble vraisemblable et peut même constituer un des facteurs important justifiant la spécificité concernant l’enseignement apprentissage du français dans cet environnement. </span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">3- Dichotomie environnement urbain vs environnement rural</span></span></span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">C’est cette spécificité concernant l’enseignement apprentissage du français en rapport avec l’environnement rural est mis en évidence dans les entretiens par les enseignants de français exerçant dans des villages. Ils rapportent qu’à l’école le français est peu désiré par les apprenants ce qui expliquerait son usage limité aux seuls enseignants de français. Ils font par ailleurs le constat encore plus général qu’hors des murs de l’école, le français n’a pratiquement pas d’existence dans les interactions langagières du quotidien des locuteurs villageois. C’est ce que livre dans son témoignage ESG07, un enseignant citadin exerçant dans un village des environs. </span></span></span></span></span></span></span></p>
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<p>E : « où enseignez-vous ?</p>
<p>ESG07/18 : j’enseigne dans la commune de ht/<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a></p>
<p>E : c'est-à-dire ?</p>
<p>ESG07/19 : c’est en dehors de la ville/ c’est une petite commune assez éloignée assez coupée du monde /non pas coupée du monde je ne peux pas dire (rire) mais je ressens un isolement par rapport à la ville/ ils ne sont pas accoutumés à la langue française/ ils le disent / ils ne sont même pas intéressés/oui/ ».</p>
</blockquote>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Souvent le faible niveau en français est justement lié au caractère rural de cet environnement. Si certains des enseignants interrogés ont beaucoup insisté sur le fait que la spécificité de cet environnement est à l’origine du faible niveau des apprenants en français, d’autres enseignants ne partagent pas ce constat. Ils estiment que beaucoup d’autres facteurs pourraient être à l’origine de cette faiblesse du niveau. Par contre tous sont unanimes pour expliquer qu’enseigner dans tel environnement nécessite une gestion différente de celle habituellement faite dans une classe dans un établissement scolaire de la ville. Une gestion différente non seulement dans le rapport à tenir avec les apprenants mais surtout une différence dans la manière d’enseigner le français et d’aborder l’interculturel. C’est ce qui démontre en définitive qu’au village, quels qu’en soient les facteurs évoquant la faiblesse du niveau des apprenants, il faudra désormais beaucoup compter avec l’aspect socioculturel qui caractérise cet environnement si particulier.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Les enseignants enquêtés insistent sur le rapport qu’entretiennent l’environnement rural et l’aspect socioculturel abordé plus haut. Ils font part de la prégnance du stéréotype qui considère le locuteur villageois comme incompétent en français. Soulever la question des disparités entre niveau de compétence en français entre locuteurs des zones urbaines et ceux des zones rurales charrie des représentations instituant une stratification socioculturelle qui dévalorise indéniablement le parler villageois.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Également lié à l’aspect socioculturel, un autre facteur semble émerger dans les explications données par les enseignants sujets de l’enquête. Il s’agit de l’absence d’un bain linguistique francophone dans cet environnement. Si en ville beaucoup de parents regardent des chaînes françaises créant (sciemment ou non) un bain francophone dont s’imprègnent leurs enfants dès le bas âge, au village, les chaînes françaises sont totalement absentes, on regarde plutôt les chaines arabes. Ce bain n’est pas plus présent dans la famille, à l’école voire entre camarades alors qu’en ville, les locuteurs intègrent naturellement le français (à des degrés divers) dans leurs pratiques langagières de tous les jours et dans situations de communication formelles et informelles. Cette absence du français dans les pratiques langagières des villages entraîne des effets psycho-affectifs chez nombre d’apprenants dont l’altérité à cette langue induit une forme de crispation identitaire engendrant de la méfiance à l’encontre des locuteurs citadins vus comme privilégiés (ou supposés l’être) concernant l’acquisition d’une compétence en français</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">4. Rapport au français des apprenants à l’école du village</span></span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Une revue des entretiens sur la question du début de la carrière au village montre qu’enseigner le français en ce lieu n’était pas chose aisée. Dès leur prise de fonction, les enseignants nouvellement installés se rendent compte que le niveau des apprenants n’était pas celui qu’ils s’attendaient avoir. Selon ESG10, beaucoup d’apprenants n’ont pas appris le français au primaire. Par conséquent, leur niveau en français au collège demeure irrémédiablement faible.</span></span></span></span></span></span></p>
<blockquote>
<p>ESG10/25 : « au début oui parce que j’ai des élèves au village qui n’avaient vraiment aucun contact avec le français/ je leur disais vous n’avez rien appris au primaire ?/on me dit “non madame l’instituteur prend un journal et il lit tout le temps et on n’a pas bien étudié le français au primaire”/ mes élèves utilisaient des mots en arabe pour me répondre/je m’efforçais d’enseigner le français mais c’était très difficile/ ils ne connaissaient rien /».</p>
</blockquote>
<p style="text-align:justify; text-indent:36pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Dans cet extrait, l’enquêtée relie la faiblesse du niveau de ses élèves au collège à un enseignement apprentissage raté au primaire mais en faisant référence au recours à l’arabe par ses élèves, elle ne fait que confirmer cette spécificité langagière de l’apprenant du village qui a souvent tendance à utiliser l’arabe dans le cours de français ou d’attendre que l’enseignant lui explique le cours en arabe.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Dans le sillage de cette question, il est perceptible la trop grande pesanteur des représentations au sujet de la variation souvent conjuguée entre diastratisque et diatopique. Notamment celle qui établit un rapport de cause à effet entre le locuteur et son environnement sociogéographique. ESG 12 explique pourquoi il existe des différences entre certaines régions de l’Algérie.</span></span></span></span></span></span></p>
<blockquote>
<p>ESG12/41<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a> : /« si on veut comparer les enfants d’Alger à ceux de Dd c’est pas la même chose / la majorité des habitants d’Alger parlent le français/ à l’école, la communication est facile entre l’enseignant et l’apprenant mais la communication entre l’élève et l’enseignant à Od à Trn à Tsn<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a> c’est pas la même chose/on peut suivre les instructions ministérielles à Alger mais ces instructions n’ont aucune valeur dans l’Algérie profonde<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>/ ».</p>
</blockquote>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">5. Spécificités sociolinguistiques et socioculturelles liés à une variation diatopique </span></span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">La représentation ordinaire selon laquelle une certaine couche de la société algérienne jouirait d’un privilège à la fois géographique (littoral, proximité avec l’Europe), d’un privilège social (classes moyennes et supérieures) et d’un privilège sociolinguistique (maîtrise du français) correspondrait en fait au stéréotype « des Algérois ». Ces derniers seraient des citoyens économiquement, socialement et culturellement avantagés par leur situation géo-ethnocentrique et donc socio-culturellement plus favorisés que le reste de la population du pays. En revanche, ceux que ESG12 désigne par l’expression « les Algériens de l’Algérie profonde » seraient selon lui des laissés pour compte sur le plan socioculturel<i>.</i> </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:28pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Ce lien fait entre une la situation géo-socioéconomique d’une certaine catégorie sociale d’Algériens et leur compétence en français est à notre sens une généralisation un peu hâtive puisque d’autres enquêtés expriment un point de vue contraire. Ce n’est pas selon ESG17 un paramètre généralisable à tous les terrains. Par conséquent, lui et d’autres enseignants refusent de lier situation géographique de l’établissement scolaire et compétence en français des apprenants. Sur cette question, nous postulons que le critère générationnel joue également un rôle dans l’adoption de l’un ou de l’autre point de vue. Si certains « anciens » considèrent qu’au début de leur carrière cette faiblesse du niveau était surtout une caractéristique des zones rurales, pour les « nouveaux », le problème concerne indifféremment zone rurale et zone urbaine. Ils estiment que cette représentation longtemps véhiculée selon laquelle les apprenants du village auraient un niveau de français très bas contrairement à ceux de la ville n’est plus acceptée. ESG17 en explique la raison.</span></span></span></span></span></span></p>
<blockquote>
<p>ESG17/71 : « oui bizarrement c’est pareil/ il y a des enseignants qui m’ont dit écoutez vous allez dans un village ce n’est pas pareil vous allez vraiment être confronté à des difficultés alors que non/il y a toujours ce niveau de A-B-C<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>/ toujours une classe hétérogène et je dirai parfois même il y a des exceptions là (au village) où je trouve des élèves vraiment excellents et disposés à apprendre la langue/ ».</p>
</blockquote>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Si pour certains enseignants la disparité du niveau en français entre rural et urbain a été pendant longtemps un leitmotiv, pour d’autres cette disparité entre les deux zones n’a plus aucune réalité puisqu’elle existe aujourd’hui au sein même des établissements scolaires de la ville. Dans certains établissements, le niveau est bon, voire très bon, dans d’autres il est bas. Pis, selon ESG06, certains établissements en ville avaient un bon niveau mais ce dernier a inexorablement périclité ces dix dernières années. ESG06 avec une pointe de nostalgie, raconte comment les apprenants qu’ils avaient à <i>Bsr</i> il y a des années, avaient un bon niveau de français comparé à celui de l’établissement où il enseigne au moment où je réalise cet entretien.</span></span></span></span></span></span></p>
<blockquote>
<p>ESG06/61: « avant oui/quand j’enseignais à Bsr<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a> /j’avais des élèves qui comprenaient qui s’exprimaient bien/ je me rappelle bien de l’un d’eux / j’ai des cas que je peux citer/ j’ai des élèves comme par exemple les Rchd<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>c’est des élèves qui s’expriment couramment en français/ j’avais les fils de Jbr le médecin j’avais pas mal d’enfants qui avaient un très bon niveau/mais maintenant à Mfn j’ai pas ça/ je me retrouve donc si vous voulez seul /c’est pour ça que de temps en temps j’essaie d’intégrer la langue maternelle /l’utiliser comme aide dans le cours<+».</p>
</blockquote>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black"> ESG06/61 est un « ancien » qui confirme le point de vue de ESG17 en expliquant que même en ville, le niveau des apprenants en français a décliné. En passant d’un établissement scolaire à un autre en l’espace de quelques années, le niveau des apprenants a faibli à tel point qu’il en est réduit à introduire l’arabe dans l’explication de son cours en français. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><b><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Conclusion :</span></span></span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">L’article s’intéresse à un aspect de la variation langagière à l’école en lien avec l’environnement rural. Arriver à identifier d’une part l’existence de cette variation et d’autre part les facteurs à l’origine de son existence a nécessité la mise en contraste des deux environnements que certains sociolinguistes ont posé comme antinomiques sur les plans sociolinguistique et socioculturel. A l’école, cette variation semble surtout générer pour les enseignants des problèmes didactiques entrainant souvent le recours à la langue première pour aplanir les difficultés du cours. A l’extérieur de l’école, elle est à l’origine d’une forme de crispation identitaire qui induit des formes de rejet pour le locuteur compétent en français.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Il est peut-être mal aisé de faire des propositions didactiques lorsqu’il s’agit d’une problématique aussi complexe que la variation langagière liée à un type d’environnement. Toutefois, nous estimons que dans le cadre d’un enseignement apprentissage des langues tenant compte de la variabilité des environnements, le développement d’une école en milieu rural peut s’articuler autour de projets sociaux et économiques qui tiennent compte des spécificités de ce milieu, qui crée une connexion directe entre formation et production, entre éducation et engagement politique. Une école qui, dans ses processus d’enseignement et d’apprentissage, prend en considération l’univers culturel et les formes propres d’apprentissage des populations rurales, qui reconnait et légitime ces savoirs construits sur les expériences de vie.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><i> </i></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35pt; margin-bottom:13px"><b><strong><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif"">Bibliographie </span></span></span></strong></b></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Bulot, T. et Veschambre, V. (2006). « Sociolinguistique urbaine et géographie sociale : articuler l’hétérogénéité des langues et la hiérarchisation des espaces », Presses universitaires de Rennes. p. 305-324. https://books.openedition.org/pur/1924 ?lang=fr.</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""> <span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Calvet, L.-J. (2005). <i>Les voix de la ville </i>revisitées. Sociolinguistique urbaine ou linguistique de la ville ? <i>Revue de l'Université de Moncton</i>, <i>36</i>(1), 9–30. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Chachou, I. (2013). <i>La situation sociolinguistique de l’Algérie</i>. <i>Pratiques plurilingues et variétés à l’œuvre</i>. Ed. L’Harmattan, 311 pages.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Coseriu E. (1969), <i>Einführung in die strukturelle Sprachwissenschaft</i>, Tübingen, Gunter Narr Verlag.</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Gadet, F. (2003) « Variatio Delectat : variation et dialinguistique. « Éditions de la Maison des sciences de l'homme | « Langage et société » 2017/2 n° 160-161 | pages 75 à 91 </span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Gacemi, M. (2021). « L’entretien biographique, outil d’identification des pratiques didactiques plurilingues chez les enseignants de français de Saïda. Thèse de doctorat en sociodidactique. HAL. https://tel.archives-ouvertes.fr › tel-03265458</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="background:white"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Jodelet, D. (2002). « Les représentations sociales dans le champs de la culture. Académia. Edu.</span></span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:13px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri", "sans-serif""><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span style="color:black">Taleb Ibrahimi, T. (2004) « L’Algérie : coexistence et concurrence des langues ». <i>L’Année du Maghreb</i>, I : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/305 ;</span></span></span></span></span></span></p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">[1]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> Village situé à environ 53 Km de la ville de Saïda.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> ESG12 correspond au code de l’enquêté /41 correspond au tour de parole dans la transcription des entretiens</span>.</span></span></p>
</div>
<div id="ftn3">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">[3]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> <i>Dd</i>, <i>Od,Trn, Tsn</i> sont des villages situés dans la wilaya de Saïda en Algérie.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn4">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri","sans-serif"">[4]</span></span></span></span></span></a> <span style="font-family:"Times New Roman","serif"">L’enseignant fait probablement allusion au fait qu’à Alger le recours à la LM (l’arabe algérien) est moins évident que dans les villages qu’il cite en exemple. En cours de français en zone rurale, les enseignants recourent invariablement à la LM dans la réalisation des cours.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn5">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-family:"Times New Roman","serif""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">[5]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> A : bon niveau ; B : niveau moyen ; C : niveau faible traduisant une hétérogénéité des niveaux d’apprenants en français.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn6">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri","sans-serif"">[6]</span></span></span></span></span></a> <i><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Bsr</span></i><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> et <i>Mfr</i> sont deux établissements scolaires situés en ville.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn7">
<p class="MsoFootnoteText"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", "serif""><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Calibri","sans-serif"">[7]</span></span></span></span></span></a> <i><span style="font-family:"Times New Roman","serif"">Rchd</span></i><span style="font-family:"Times New Roman","serif""> et <i>Jbr</i> sont d’anciens élèves de ESG06.</span></span></span></p>
</div>
</div>