<p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">La grammaire et son enseignement comme mise en &eacute;vidence des r&eacute;gularit&eacute;s dans la langue et sch&eacute;matisation de leurs fonctionnements est, peut-&ecirc;tre plus que tout autre aspect de la didactique des langues, celui o&ugrave; le signe linguistique apparait dans tout son arbitraire. C&rsquo;est au sens saussurien d&rsquo;abord, le caract&egrave;re immotiv&eacute; du signe linguistique, toujours plus finement auscult&eacute; en classe par l&rsquo;apprenant de niveau interm&eacute;diaire, qui distingue avec de plus en plus d&rsquo;&eacute;vidence le langage humain du code univoque. C&rsquo;est ensuite au plan m&eacute;talinguistique, la n&eacute;cessaire simplification qu&rsquo;op&egrave;re la description grammaticale sur la langue r&eacute;ellement v&eacute;cue pour y d&eacute;limiter des parties de discours et mettre en mots les lois qui semblent en r&eacute;gler les rapports, en soulignant les irr&eacute;gularit&eacute;s, en r&eacute;pertoriant les exceptions. &Agrave; cela pourrait s&rsquo;ajouter un arbitraire d&rsquo;un autre ordre: celui du geste correctif qui, s&rsquo;il s&rsquo;exerce trop verticalement, n&rsquo;accueillant pas l&rsquo;alternative, n&rsquo;observant pas avec l&rsquo;apprenant les effets de sens produits par le jeu sur les formes grammaticales pourrait &ecirc;tre v&eacute;cu comme un fait du prince et achever de donner de la langue l&rsquo;image fausse d&rsquo;un simple code dont la grammaire dicterait les param&egrave;tres. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">La classe de grammaire semble de prime abord devoir &ecirc;tre le lieu de la r&eacute;flexion m&eacute;talinguistique conscientis&eacute;e, l&agrave; o&ugrave; s&rsquo;op&egrave;re des r&eacute;ductions de la langue en autant d&rsquo;objets restreints, plus facilement observables et manipulables,</span></span></span> <span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">en facilitant leur fixation par la r&eacute;p&eacute;tition d&rsquo;exercices structuraux. </span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Certes l&rsquo;enseignant n&rsquo;enseigne toujours n&eacute;cessairement qu&rsquo;une partie restreinte de la langue, celle d&eacute;limit&eacute;e et d&eacute;crite par les grammairiens et celle prescrite par le programme et les objectifs de l&rsquo;institution. Et l&rsquo;appropriation en situation didactique est n&eacute;cessairement artificielle et contrainte par des enjeux qui ne sont pas ceux des situations de paroles ordinaires, contraintes de temps et hi&eacute;rarchie de la parole notamment. Mais pourrait-on faire que le flot de la langue, &agrave; la fois medium et objet d&rsquo;apprentissage, ne se trouve pas garrot&eacute; par l&rsquo;artifice de l&rsquo;exercice et le projet correctif, qu&rsquo;il soit celui de l&rsquo;enseignant ou celui int&eacute;rioris&eacute; de l&rsquo;apprenant lui-m&ecirc;me&nbsp;? </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Nous appuyant sur les travaux de Humboldt, Saussure, Bakhtine et Benveniste, nous avons envisag&eacute; la langue comme syst&egrave;me symbolique singulier, lieu d&rsquo;institution du sujet parlant et m&eacute;moire discursive. La langue instituant le sujet et faisant corps avec lui, elle touche en effet &agrave; l&rsquo;intime et son apprentissage comme son enseignement ne sont pas faits anodins. Si l&rsquo;objet de la langue est, avant que de communiquer, d&rsquo;&ecirc;tre institu&eacute; dans et par elle, apprendre une langue nouvelle c&rsquo;est alors avant tout accepter de se red&eacute;finir et d&rsquo;&ecirc;tre red&eacute;fini dans le dialogue de soi &agrave; soi-m&ecirc;me &agrave; travers les formes et les univers de discours nouveaux offerts par l&rsquo;autre langue-culture. Ni statique, inerte ou d&eacute;finitive, la langue apparait comme un compos&eacute; instable, mise en mouvement et renouvel&eacute;e &agrave; chaque &eacute;nonciation. Et c&rsquo;est semble-t-il dans cette permanente ranimation que le sujet parlant s&rsquo;invente en r&eacute;inventant la langue. &Agrave; chaque r&eacute;it&eacute;ration des mots de la langue par un sujet qui l&rsquo;&eacute;nonce, il y aurait donc r&eacute;investissement et r&eacute;activation des mots que le sujet parlant vient habiter. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Fixation-red&eacute;couverte</span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">L&agrave; o&ugrave; dans les approches communicative et actionnelle, la phase dite de <i>fixation</i> consiste &agrave; la r&eacute;alisation d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;exercices structuraux en application de la r&egrave;gle expos&eacute;e, la phase de <i>fixation-red&eacute;couverte </i>telle que nous l&rsquo;avons mise en &oelig;uvre, veut faire des exercices structuraux ou d&rsquo;expression libre un corpus d&rsquo;observation plus vaste que n&rsquo;importe quel document d&eacute;clencheur isol&eacute; et procurer aux apprenants autant d&rsquo;occasions d&rsquo;induire de plus en plus finement dans la parole &eacute;chang&eacute;e, les fonctionnements langagiers dans un mouvement spiralaire d&rsquo;induction-d&eacute;duction. Mais pour que la fixation rende possible la <i>re</i>d&eacute;couverte, il est apparu que l&rsquo;enseignant doive accepter et encourager&nbsp;la conceptualisation, reconnaitre et donner &agrave; voir la non-univocit&eacute; de la grammaire; qu&rsquo;il ne cache ni les limites ni les lumi&egrave;res de l&rsquo;exercice structural, ces failles d&rsquo;o&ugrave; peuvent surgir malentendu, humour et po&eacute;sie. Et cela passe semble-t-il, par la valorisation de l&rsquo;erreur, l&rsquo;examen de r&eacute;ponses alternatives et de leurs effets de sens, la circulation constante de la parole de chacun, rendue possible par une atmosph&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale de confiance et d&rsquo;accueil qui l&rsquo;autorise, l&rsquo;invite et la l&eacute;gitime. <a name="_Hlk104468830"></a></span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><a name="_Hlk104468774"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Non-univocit&eacute; de la grammaire</span></span></span></b></a></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Ce sont les apprenants eux-m&ecirc;mes qui forcent sur l&rsquo;enseignant natif des points de vue riches de leurs ext&eacute;riorit&eacute;s, mettant en jeu son arbitraire et en &eacute;vidence tout son potentiel cr&eacute;atif. Pour l&rsquo;apprenant &eacute;tranger abordant la grammaire fran&ccedil;aise depuis les cadres de sa ou ses langues maternelles, la singularit&eacute; syst&eacute;mique des langues en contact impose un passage d&rsquo;une vision du monde &agrave; l&rsquo;autre, d&rsquo;une &eacute;laboration et articulation de l&rsquo;exp&eacute;rience subjective v&eacute;cue en modes, temps, natures et fonctions grammaticales (ou leur absence) &agrave; l&rsquo;autre. En effet, le passage d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre est travers&eacute;e d&rsquo;une vision du monde &agrave; l&rsquo;autre, chaque langue lestant les mots d&rsquo;un poids qui lui est propre et singuli&egrave;rement r&eacute;parti, de sorte que cette travers&eacute;e ne se r&eacute;alise vraiment qu&rsquo;au prix de d&eacute;lestages consentis (de nos rep&egrave;res familiers, de nuances de sens), d&eacute;pouillement permettant les d&eacute;couvertes: nouveaux rep&egrave;res parfois mieux accord&eacute;s &agrave; nos r&eacute;alit&eacute;s int&eacute;rieures, effets de sens nouveaux, nuances plus chatoyantes, p&eacute;pites orpaill&eacute;es en passant. Pertes et (re)trouvailles dans la confrontation avec l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; de la langue en apprentissage et de la grille de lecture nouvelle qu&rsquo;elle propose, s&rsquo;op&egrave;rent &agrave; tous les plans&nbsp;: lexical, sonore et bien-s&ucirc;r grammatical. Quoi de plus inhospitalier que la morphosyntaxe du fran&ccedil;ais pour un apprenant chinois ? Quoi de plus inadapt&eacute; que les parties du discours de l&rsquo;h&eacute;ritage gr&eacute;co-latin pour une langue o&ugrave; chaque mot peut &agrave; loisir rev&ecirc;tir diverses natures grammaticales ? Et quoi de plus intriqu&eacute; que l&rsquo;expression de la temporalit&eacute; en fran&ccedil;ais pour un japonais ? Ainsi de cet exercice de morphologie et d&rsquo;appariement qui proposait &agrave; nos apprenants des paires de verbes &agrave; ins&eacute;rer dans des &eacute;nonc&eacute;s en conjuguant &agrave; l&rsquo;imparfait ou au pass&eacute; compos&eacute; selon le contexte. Au lieu de la r&eacute;ponse attendue la m&egrave;re a eu peur quand l&rsquo;enfant s&rsquo;est pench&eacute; par la fen&ecirc;tre un apprenant donnera la m&egrave;re a &eacute;clat&eacute; en sanglots quand l&rsquo;enfant a dit oui par la fen&ecirc;tre, &eacute;nonc&eacute; tout &agrave; fait correct du point de vue grammatical mais pour le moins insolite.&nbsp; Ou encore, au lieu de Rose a &eacute;clat&eacute; en sanglots quand elle a dit &laquo;&nbsp;oui&nbsp;&raquo; devant monsieur le maire, on aura Rose a cri&eacute; quand elle est tomb&eacute;e devant monsieur le maire, &eacute;nonc&eacute; non seulement correct grammaticalement mais aussi tout &agrave; fait plausible. Le choix des pronoms relatifs complexes aussi est source de malentendus et de rire&nbsp;: l&rsquo;injustice est une chose pour laquelle on doit lutter de toutes nos forces ou encore le droit de vote est une chose contre laquelle les femmes se sont longtemps battues. Les apprenants r&eacute;alisent bien vite l&rsquo;erreur dans ces &eacute;nonc&eacute;s grammaticalement irr&eacute;prochables mais dont la coh&eacute;rence est pour le moins discutable. Et encore dans cet exercice de combinaison-transformation &agrave; l&rsquo;aide de relatifs qui donnera des ouvriers qui dataient de la Seconde Guerre mondiale ont d&eacute;couvert une bombe !<i> </i></span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Confront&eacute; au syst&egrave;me autre et plus ou moins radicalement &eacute;loign&eacute;, l&rsquo;apprenant est, dans son affrontement avec l&rsquo;arbitraire, forc&eacute; &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;tation du nouveau au prisme du connu et &agrave; la r&eacute;interpr&eacute;tation du connu lui-m&ecirc;me par ce pas de c&ocirc;t&eacute; r&eacute;flexif et m&eacute;talinguistique qu&rsquo;est l&rsquo;&eacute;tude de la grammaire. Il est aussi invit&eacute; &agrave; sans cesse r&eacute;&eacute;valuer les savoirs acquis &agrave; mesure qu&rsquo;ils font l&rsquo;objet d&rsquo;un d&eacute;coupage toujours plus fin, pour des possibilit&eacute;s expressives toujours plus nuanc&eacute;es et subtiles. En attendant et aux prises avec l&rsquo;arbitraire des exceptions &agrave; la r&egrave;gle, des irr&eacute;gularit&eacute;s de formes en apparence &eacute;quivalentes mais aux nuances encore grossi&egrave;rement per&ccedil;ues, l&rsquo;apprenant se questionne et questionne l&rsquo;enseignant. Face &agrave; ces mises en question, l&rsquo;enseignant-locuteur natif se voit alors contraint de sortir de l&rsquo;illusion r&eacute;f&eacute;rentielle et du confort de l&rsquo;&eacute;vidence. Et ce d&rsquo;autant que l&rsquo;exercice de grammaire structural souvent centr&eacute; sur le niveau phrastique propose des &eacute;nonc&eacute;s hors-sols&nbsp;: &agrave; cause ou plut&ocirc;t gr&acirc;ce &agrave; ces conditions de laboratoire (autre niveau de l&rsquo;arbitraire), extrait de l&rsquo;in vivo de la parole v&eacute;cue, l&rsquo;exercice de grammaire autorise (si l&rsquo;on s&rsquo;y autorise) chacun &agrave; la parole singuli&egrave;re. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><a name="_Hlk104468804"></a></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Valorisation de l&rsquo;erreur</span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">De cette reconnaissance de la non-univocit&eacute; de la grammaire et de l&rsquo;envie de la mettre en jeu d&eacute;coule dans nos pratiques de classe, une valorisation de l&rsquo;erreur et plus g&eacute;n&eacute;ralement de la parole de l&rsquo;apprenant que nous souhaitons circulante et d&eacute;complex&eacute;e, encourag&eacute;e par une libert&eacute; de ton qui favorise &eacute;changes et questionnements. C&rsquo;est alors l&rsquo;interpr&eacute;tation des r&eacute;ponses donn&eacute;es, correctes ou incorrectes vis-&agrave;-vis de la r&egrave;gle ou de l&rsquo;usage, mais toujours traces observables de l&rsquo;interpr&eacute;tation de la r&egrave;gle elle-m&ecirc;me, diff&eacute;remment accommod&eacute;e par chaque apprenant. Et c&rsquo;est le choix de l&rsquo;enseignant d&rsquo;interpr&eacute;ter l&rsquo;erreur, d&rsquo;en faire d&eacute;plier le raisonnement, d&rsquo;en donner &agrave; voir les effets de sens, qui peut contribuer &agrave; accompagner l&rsquo;apprenant dans l&rsquo;affirmation d&rsquo;intentions, faisant de ces anomalies des singularit&eacute;s. Mais il faut pour cela ne pas laisser s&rsquo;&eacute;teindre en surface et s&rsquo;abolir dans un choix binaire, juste ou faux, les potentialit&eacute;s d&rsquo;un travail grammatical foncier. Notre d&eacute;marche lors de la correction d&rsquo;exercices structuraux sera de faire d&rsquo;abord confiance au d&eacute;j&agrave;-l&agrave; et &agrave; l&rsquo;intelligence collective du groupe-classe. Lorsqu&rsquo;une r&eacute;ponse est donn&eacute;e, qu&rsquo;elle soit juste, fausse ou inattendue, nous guettons les r&eacute;actions et faisons d&rsquo;abord et en priorit&eacute; circuler la parole dans le groupe. Souvent, le groupe atteint un consensus qu&rsquo;il suffit &agrave; l&rsquo;enseignant de valider avec au besoin un rappel de la r&egrave;gle. Que la r&eacute;ponse soit juste ou fausse, non invitons quoi qu&rsquo;il en soit l&rsquo;apprenant &agrave; la justifier par un raisonnement. Lorsqu&rsquo;un mauvais choix produit un &eacute;nonc&eacute; grammaticalement correct mais pas celui prescrit, nous passons outre la r&eacute;ponse attendue pour nous laisser interpeller par l&rsquo;alternative sugg&eacute;r&eacute;e par l&rsquo;apprenant. Nous lui demandons de pr&eacute;ciser dans quel contexte cet &eacute;nonc&eacute; pourrait selon lui &ecirc;tre valide, nous examinons avec le groupe-classe les effets de sens alternatifs, les nuances apport&eacute;es. De fait, des configurations alternatives et grammaticalement envisageables ne sont pas rares. Ainsi, divers choix et combinaisons de temps du pass&eacute; seraient envisageables pour peu qu&rsquo;un contexte les justifient (emplois litt&eacute;raires de l&rsquo;imparfait o&ugrave; l&rsquo;on attendrait naturellement un pass&eacute; compos&eacute; ou un pass&eacute; simple par exemple). Nous examinons avec l&rsquo;apprenant &laquo;&nbsp;fautif&nbsp;&raquo; son raisonnement et les &eacute;ventuels effets de sens produits par son &eacute;nonc&eacute;. Du reste les effets produits et les contextes sortis du chapeau pour justifier une erreur sont souvent tr&egrave;s ing&eacute;nieux: interrogeant un apprenant sur sa pronominalisation intempestive du verbe voler, il reviendra vers nous quelques instants plus tard avec l&rsquo;improbable contexte d&rsquo;une anarque &agrave; l&rsquo;assurance dans lequel en effet, le locuteur se vole bien lui-m&ecirc;me. Imparable ! </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Si pour le locuteur natif ce qui se dit en langue maternelle se couvre d&rsquo;un vernis de fausse &eacute;vidence, chez l&rsquo;enseignant le projet correctif pourrait venir renforcer son propre sentiment de la langue et sans travail conscient, le faire passer &agrave; c&ocirc;t&eacute; de trouvailles, perles d&rsquo;humour et d&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; qui surgissent spontan&eacute;ment &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;exercices structuraux. Lorsqu&rsquo;une erreur g&eacute;n&egrave;re un &eacute;nonc&eacute; grammaticalement fautif, nous invitons encore le groupe &agrave; puiser en lui-m&ecirc;me la r&eacute;ponse attendue, aiguillant la r&eacute;flexion au besoin et ne donnant la r&eacute;ponse qu&rsquo;en dernier lieu. Nous sugg&eacute;rons aussi les modifications &agrave; apporter pour rendre la r&eacute;ponse initiale acceptable et en pr&eacute;cisons l&rsquo;effet de sens. Valoriser l&rsquo;erreur c&rsquo;est reconnaitre la cr&eacute;ativit&eacute; dont la langue est travaill&eacute;e &agrave; chaque &eacute;nonciation par un locuteur. Car l&rsquo;erreur semble naitre de la distance entre l&rsquo;&eacute;nonciation de l&rsquo;apprenant allophone et les combinaisons pr&eacute;vues par le syst&egrave;me de la langue. Ainsi des erreurs fr&eacute;quentes produites par la g&eacute;n&eacute;ralisation du paradigme morphologique d&rsquo;un verbe r&eacute;gulier &agrave; un verbe irr&eacute;gulier. Sugg&eacute;rant que c&rsquo;est la grande fr&eacute;quence d&rsquo;usage des verbes irr&eacute;guliers (&ecirc;tre, avoir, aller&hellip;) qui les ayant expos&eacute;s &agrave; de plus nombreuses r&eacute;-&eacute;nonciations et donc d&rsquo;erreurs potentielles et d&rsquo;autant de cr&eacute;ations langagi&egrave;res ensuite pass&eacute;es dans l&rsquo;usage. En g&eacute;n&eacute;ralisant le paradigme r&eacute;gulier, l&rsquo;apprenant sous-estimerait la cr&eacute;ativit&eacute; de la langue. &Agrave; l&rsquo;inverse en cr&eacute;ant des formes aberrantes, il la surestimerait. Il s&rsquo;agirait toujours d&rsquo;une distance relative &agrave; la cr&eacute;ativit&eacute; interne au syst&egrave;me de la langue. Ailleurs encore, l&rsquo;erreur proc&egrave;dera d&rsquo;une proximit&eacute; morphologique se doublant d&rsquo;un glissement m&eacute;taphorique lorsque par exemple les apprenants persisteront &agrave; confondre les participes pass&eacute;s des verbes pleurer et pleuvoir. Valoriser l&rsquo;erreur et l&rsquo;interroger, c&rsquo;est donc en tous les cas interroger la cr&eacute;ativit&eacute; dans la langue et la position relative de l&rsquo;&eacute;nonciateur &agrave; ses limites, admises par le grammairien ou l&rsquo;usage.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><a name="_Hlk104468812"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Circulation de la parole&nbsp;</span></span></span></b></a></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Si la reconnaissance de la non-univocit&eacute; de la grammaire et l&rsquo;int&eacute;gration de ses ambigu&iuml;t&eacute;s au dispositif didactique se traduisent notamment par une valorisation de l&rsquo;erreur et de la parole de l&rsquo;apprenant, ce parti-pris ne peut s&rsquo;actualiser que par une circulation de la parole constante sous ses diff&eacute;rentes modalit&eacute;s pendant la classe de grammaire. Car en effet, sans cette parole vivant de son mouvement constant, la phase de fixation ne saurait &ecirc;tre le lieu d&rsquo;une red&eacute;couverte. Ce travail interpr&eacute;tatif sur la langue se d&eacute;ploiera d&rsquo;autant mieux qu&rsquo;il s&rsquo;enrichira des apports de chacun et de tous dans l&rsquo;interaction. En effet chaque parole est constamment interpr&eacute;t&eacute;e, le message toujours diversement reconstruit dans l&rsquo;interaction entre locuteurs jamais parfaitement align&eacute;s l&rsquo;un sur l&rsquo;autre. Travailler en classe de langue dans l&rsquo;interaction pose l&rsquo;enjeu de la circulation de la parole dans les limites et artifices d&rsquo;une situation de communication bien particuli&egrave;re qu&rsquo;est la situation didactique. Du reste, sans cette n&eacute;gociation permanente du sens, l&rsquo;enseignant prend le risque de passer &agrave; c&ocirc;t&eacute; des difficult&eacute;s qui se posent aux apprenants. Par l&rsquo;&eacute;change constamment encourag&eacute; entre pairs, il s&rsquo;agit de laisser qu&rsquo;une parole autre que magistrale circule et que s&rsquo;&eacute;labore progressivement et en commun la compr&eacute;hension. Dans ce passage de paroles diverses, nous donnons l&rsquo;occasion &agrave; quelque chose de passer et de se passer, peut-&ecirc;tre mieux que le seul enseignant, jamais omniscient, ne pourrait le transmettre. C&rsquo;est ainsi multiplier les occasions et modalit&eacute;s de d&eacute;volution. Car c&rsquo;est dans un tissu riche de relations que s&rsquo;&eacute;labore notre rapport &agrave; la langue, nos rep&egrave;res dans le monde tel qu&rsquo;elle permet de l&rsquo;exprimer. Dans la vie comme en classe. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Nous avons autant que possible voulu favoriser une circulation transversale&nbsp;de la parole, d&rsquo;apprenant &agrave; apprenant en encourageant la r&eacute;alisation des exercices structuraux et des activit&eacute;s d&rsquo;&eacute;criture libre en bin&ocirc;mes ou petits groupes. C&rsquo;est qu&rsquo;il nous semble que si les interactions en classe de grammaire devaient se cantonner &agrave; celles n&eacute;cessairement limit&eacute;es d&rsquo;enseignant &agrave; apprenant, ce serait laisser bien peu d&rsquo;occasions aux apprenants de s&rsquo;expliciter leurs questionnements face &agrave; la r&egrave;gle, de partager leurs exp&eacute;riences et sentiments de la langue afin de n&eacute;gocier et coconstruire des &eacute;nonc&eacute;s grammaticalement corrects et porteurs de sens. C&rsquo;est l&rsquo;occasion pour chacun de r&eacute;aliser qu&rsquo;il n&rsquo;est peut-&ecirc;tre pas seul &agrave; &eacute;prouver telle difficult&eacute;, l&rsquo;occasion aussi de se trouver en position d&rsquo;expliquer &agrave; un camarade et ce faisant peut-&ecirc;tre l&rsquo;occasion de renforcer sa propre compr&eacute;hension du point de langue. Dans la parole adress&eacute;e de pair &agrave; pair quelque chose peut-&ecirc;tre pourrait passer, s&rsquo;inscrire dans la m&eacute;moire diff&eacute;remment de ce que permettrait un &eacute;change v&eacute;cu comme plus asym&eacute;trique avec l&rsquo;enseignant. Une fois les exercices r&eacute;alis&eacute;s, la phase de correction s&rsquo;est toujours voulue coll&eacute;giale. L&rsquo;enseignant recevant sans jugement la r&eacute;ponse de l&rsquo;apprenant sollicit&eacute; et relan&ccedil;ant aussit&ocirc;t la parole dans le groupe, faisant appel &agrave; l&rsquo;intelligence collective, &agrave; la mise en commun des comp&eacute;tences, savoirs et intuitions linguistiques pr&eacute;sents en son sein. De fait, ce temps de conceptualisation en groupe-classe a parfois permis de suppl&eacute;er l&rsquo;enseignant natif qui peinait &agrave; situer un probl&egrave;me et donc &agrave; sugg&eacute;rer comment le r&eacute;soudre&nbsp;: un autre apprenant (ou le groupe) se trouvait parfois en meilleure position pour saisir la difficult&eacute; qui se pose au locuteur &eacute;tranger et pour l&rsquo;expliquer efficacement. Si notre conviction est que c&rsquo;est dans la parole adress&eacute;e que la langue se vit, s&rsquo;impr&egrave;gne et s&rsquo;approprie fonci&egrave;rement, un des enjeux est donc de multiplier les occasions, canaux et modalit&eacute;s de cette adresse. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">L&rsquo;enseignement de la grammaire par un natif impose un effort de conceptualisation et de didactisation suppl&eacute;mentaire de sorte que l&rsquo;enseignant lui-m&ecirc;me se trouve mis en position de r&eacute;apprentissage permanent de sa propre langue par les erreurs et questionnements des apprenants. L&rsquo;enseignement de la grammaire &agrave; des apprenants &eacute;trangers invite de toute &eacute;vidence le locuteur natif &agrave; un v&eacute;ritable pas de c&ocirc;t&eacute;, &agrave; une mise &agrave; distance de son instinct de la langue, au d&eacute;fi de sa verbalisation, &agrave; l&rsquo;humilit&eacute; dans sa r&eacute;vision constante de la r&egrave;gle &eacute;tablie par les grammairiens dans la recherche de la meilleure mani&egrave;re de la conceptualiser lui-m&ecirc;me pour mieux la faire conceptualiser &agrave; ses apprenants. Pour peu qu&rsquo;il accepte ce degr&eacute; d&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; et laisse le temps et l&rsquo;espace &agrave; l&rsquo;&eacute;change, la phase de fixation-red&eacute;couverte est bien une red&eacute;couverte pour l&rsquo;enseignant natif de sa propre langue, de ses ambigu&iuml;t&eacute;s, de ses potentialit&eacute;s expressives. Mais il semble qu&rsquo;il doit y avoir dans la parole du maitre, pour que l&rsquo;autorit&eacute; lui soit v&eacute;ritablement consentie, une forme d&rsquo;honn&ecirc;tet&eacute;&nbsp;: &agrave; reconnaitre ses propres limites comme celles de l&rsquo;exercice structural toujours hors-sol, &agrave; accueillir la question et n&eacute;gocier l&rsquo;erreur, &agrave; envisager l&rsquo;alternative dans ses possibilit&eacute;s expressives, permettant ainsi &agrave; l&rsquo;apprenant d&rsquo;aller plus loin que l&rsquo;objet de l&rsquo;exercice en cours et de go&ucirc;ter &agrave; tout moment la polyphonie de la langue. L&agrave; o&ugrave; une verticalit&eacute; trop rigide qui pourrait en apparence paraitre plus efficace et s&eacute;curisante pour le maitre courrait le risque d&rsquo;inhiber la parole, de st&eacute;riliser le raisonnement jusqu&rsquo;&agrave; &eacute;teindre peu &agrave; peu le d&eacute;sir de langue, la parole sous une forme ou une autre aura pr&eacute;valu, ne cessant de circuler, d&rsquo;interroger, de n&eacute;gocier les formes et le sens.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">La r&eacute;alisation d&rsquo;exercices structuraux peut donc &ecirc;tre plus qu&rsquo;une phase de fixation, une phase de red&eacute;couverte au sens plein, un temps fort de la conceptualisation des &eacute;l&eacute;ments langagiers. D&egrave;s lors que l&rsquo;erreur est valoris&eacute;e, que la parole s&rsquo;adresse et circule &agrave; tous niveaux et que la subjectivit&eacute; des apprenants est engag&eacute;e, les outils langagiers peuvent se r&eacute;envisager dans la complexit&eacute; renouvel&eacute;e et le miroitement toujours insaisissable de leurs nuances. Valorisation de l&rsquo;erreur et circulation de la parole produisent et sont le produit d&rsquo;une atmosph&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale de confiance o&ugrave; les questions osent se poser car elles savent qu&rsquo;elles trouveront sinon r&eacute;ponse du moins un accueil favorable. Ainsi de cette apprenante qui avait &eacute;chou&eacute; lors d&rsquo;un contr&ocirc;le sur les temps du pass&eacute; et se plaignait d&rsquo;avoir syst&eacute;matiquement interverti imparfait et pass&eacute; compos&eacute;. Un peu par boutade et beaucoup par pragmatisme, nous l&rsquo;encouragions donc en vue de la prochaine &eacute;ch&eacute;ance &agrave; inverser dans l&rsquo;autre sens. Et &agrave; notre grande surprise, elle nous avouera triomphante avoir mis en application ce conseil qui lui avait permis d&rsquo;&eacute;tonnamment mieux r&eacute;ussir. O&ugrave; le sentiment de la langue en apprentissage consiste parfois &agrave; aller &agrave; contre-courant du sentiment en langue maternelle, &agrave; se forger un idiolecte, grammaire int&eacute;rioris&eacute;e subjective mais non moins efficace et dont la complexit&eacute; et le myst&egrave;re des rouages d&eacute;passent de loin ce que le grammairien ou l&rsquo;enseignant pourrait vouloir syst&eacute;matiser. Car si l&rsquo;&eacute;valuation sommative permet d&rsquo;observer qu&rsquo;un certain nombre de grands jalons sont pos&eacute;s, l&rsquo;appropriation par chacun demeure fondamentalement singuli&egrave;re. L&rsquo;apprenant s&rsquo;appropriera la langue et les savoirs sur la langue de mille mani&egrave;res non envisag&eacute;es par l&rsquo;enseignant. En multipliant les occasions de parole, nous souhaitons ne fermer aucune de ces portes et laisser sa part &agrave; l&rsquo;inattendu. Si la langue est mati&egrave;re organique plut&ocirc;t que code, l&rsquo;on voit que m&ecirc;me la r&eacute;duction que force la grammaire syst&eacute;matique n&rsquo;en peut abolir l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; ni la polyphonie. Au contraire, le temps de l&rsquo;observation m&eacute;talinguistique et son regard aiguis&eacute; peut contribuer &agrave; les mettre en lumi&egrave;re. Car c&rsquo;est bien par la mise en jeu des r&egrave;gles que se cr&eacute;ent effets de styles et de sens, c&rsquo;est-&agrave;-dire des singularit&eacute;s dans l&rsquo;actualisation par chacun de la langue, et qu&rsquo;il soit &eacute;crivain ou non ne change rien &agrave; l&rsquo;affaire. Tout exercice de grammaire peut &ecirc;tre le lieu d&rsquo;un surgissement, dr&ocirc;le, po&eacute;tique, rendu possible par le regard ext&eacute;rieur de l&rsquo;apprenant qui se teste en testant les limites de la langue en apprentissage. &Agrave; l&rsquo;enseignant de se saisir de ces occasions, de les valoriser, de les susciter. De cet inattendu que nous laissons &eacute;clore et encourageons par la subjectivation des consignes, nous donnons &agrave; dire sur des sujets qui impliquent, qui concernent. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Quelques exemples d&rsquo;activit&eacute;s</span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">En vue de favoriser la circulation de la parole et de mettre en place des conditions qui nous ont sembl&eacute;es propices &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une parole singuli&egrave;re dans la classe de grammaire, nous ferons aussi souvent que possible le choix parmi les exercices propos&eacute;s tir&eacute;s de manuels, de ceux qui portent en eux le plus grand potentiel subjectivant. De fait, nous privil&eacute;gierons les exercices de compl&eacute;tion libre, forme d&rsquo;&eacute;criture &agrave; contraintes grammaticales rudimentaire certes mais r&eacute;alisable en classe en un temps raisonnable et permettant le partage et l&rsquo;examen en groupe des propositions de chacun. Tout exercice de grammaire porte en lui d&rsquo;infinies variations que l&rsquo;enseignant peut exploiter &agrave; condition de les accueillir avec curiosit&eacute; et sans jugement. Mais l&rsquo;exercice libre invite par d&eacute;finition &agrave; une mobilisation des moyens langagiers en vue de productions personnelles qui peuvent d&egrave;s lors que l&rsquo;on en modifie les modalit&eacute;s de r&eacute;alisation et de r&eacute;ception, ouvrir de belles fen&ecirc;tres expressives. Les exercices de compl&eacute;tion libre seront donc r&eacute;alis&eacute;s en bin&ocirc;mes et avec la contrainte suppl&eacute;mentaire que les r&eacute;ponses devront &ecirc;tre non seulement grammaticalement correctes, mais en m&ecirc;me temps aussi dr&ocirc;les, insolites ou originales que possible. C&rsquo;est en d&rsquo;autres termes donner aux apprenants carte blanche pour s&rsquo;amuser avec la langue. Car dans le jeu et la recherche du trait d&rsquo;humour ou de po&eacute;sie, il leur faudra mobiliser des ressources propres (transfert de comp&eacute;tences depuis la langue maternelle, fonds culturel, lexique connus mais rarement admis en classe de fran&ccedil;ais, id&eacute;es provocantes&hellip;). Au plan de la r&eacute;ception / correction, nous prendrons le temps de valoriser les propositions de chacun en faisant un tour de classe, chaque bin&ocirc;me livrant sa trouvaille. Ce passage en revue est sans doute chronophage, mais que de r&eacute;pliques m&eacute;morables, qui peut-&ecirc;tre contribuent &agrave; ce que les formes grammaticales qui les portent s&rsquo;inscrivent et se retiennent. La parole insolite, dr&ocirc;le ou po&eacute;tique n&rsquo;aurait-elle pas une force d&rsquo;attraction autre, ne laisserait-elle pas en nous des traces plus singuli&egrave;res que la r&eacute;p&eacute;tition &agrave; l&rsquo;identique du pr&eacute;visible ? Ainsi, l&rsquo;expression de l&rsquo;hypoth&egrave;se aura &eacute;t&eacute; un terrain de jeu fertile&nbsp;: - si vous montiez dans le bus et vous rendiez compte que vous n&rsquo;aviez ni argent ni ticket&nbsp;: que feriez-vous ? - &laquo;&nbsp;Je paierais avec mon joli visage !&nbsp;&raquo; - Si un enfant jouait avec un couteau. Que feriez-vous ? - &laquo;&nbsp;Je le provoquerais en duel !&nbsp;&raquo; - Si on vous proposait de vous lire les lignes de la main. Que feriez-vous ? - &laquo;&nbsp;Je demanderais qu&rsquo;on me lise les pieds !&nbsp; Ou encore ce charmant surgissement po&eacute;tique: - pourquoi avez-vous une bosse bleue sur le front ? - &laquo;&nbsp;Je l&rsquo;ai toujours eu car je suis un dauphin !&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Miroir. &Agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;un cours o&ugrave; nous avions syst&eacute;matis&eacute; et fix&eacute; par des exercices structuraux les emplois du subjonctif avec des formes impersonnelles, nous prolongeons ce travail par une variation subjectivante en demandant pour la s&eacute;ance suivante&nbsp;d&rsquo;imaginer des exhortations que chacun s&rsquo;adresserait le matin devant son miroir sous la forme il faut que je + subjonctif.&nbsp; L&rsquo;enjeu ici &eacute;tant bien-s&ucirc;r que la mani&egrave;re de dire en fran&ccedil;ais s&rsquo;accouple &agrave; des r&eacute;alit&eacute;s physiques (un lieu de la sph&egrave;re priv&eacute;e, un temps de l&rsquo;intimit&eacute;) propres &agrave; chaque apprenant ainsi qu&rsquo;&agrave; ses d&eacute;sirs, &agrave; ses d&eacute;fis personnels. C&rsquo;est mettre en jeu cette parole adress&eacute;e &agrave; soi-m&ecirc;me (peut-&ecirc;tre d&rsquo;ailleurs nous parlons nous &agrave; nous-m&ecirc;me avant et plus qu&rsquo;&agrave; autrui ?), parole int&eacute;rieure, faisant retour sur elle-m&ecirc;me et faire entrer le temps d&rsquo;un exercice de style, la langue fran&ccedil;aise en apprentissage dans l&rsquo;intimit&eacute; r&eacute;flexive du sujet parlant. Et que l&rsquo;apprenant ex&eacute;cute la t&acirc;che devant son miroir ou pas importe peu, susciter en esprit l&rsquo;image famili&egrave;re d&rsquo;une situation de la vie quotidienne suffirait &agrave; lier en imagination l&rsquo;acte langagier &agrave; la projection mentale d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; domestique o&ugrave; le routinier et le banal se m&ecirc;le souvent aux questions existentielles. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Le document iconographique. Le commentaire de document visuel est un incontournable des approches communicatives et actionnelles. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;un dessin de presse devant suscit&eacute; la parole ou le commentaire &eacute;crit autour d&rsquo;une question de soci&eacute;t&eacute; ou bien d&rsquo;une photo de quidam desquels l&rsquo;apprenant doit imaginer les sentiments, nous avons l&agrave; encore cherch&eacute; &agrave; donner une tonalit&eacute; plus personnelle &agrave; ce type d&rsquo;exercice. Ainsi plut&ocirc;t que de commenter un document visuel sans lien direct avec l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;apprenant, nous leur avons demand&eacute; de choisir une photo qu&rsquo;ils ont eux-m&ecirc;mes prise, qui a de l&rsquo;importance &agrave; leurs yeux (moment marquant, personne ch&egrave;re&hellip;) et d&rsquo;expliquer &agrave; l&rsquo;&eacute;crit dans quel contexte elle a &eacute;t&eacute; prise, ce qu&rsquo;elle repr&eacute;sente et pourquoi elle est importante &agrave; leurs yeux (nous donnions comme support non contraignant et &agrave; titre d&rsquo;inspiration un document photo et texte tir&eacute; d&rsquo;un manuel). La contrainte grammaticale &eacute;tait ici l&rsquo;emploi des temps du pass&eacute; dans la description et le r&eacute;cit. Il s&rsquo;agit &agrave; nouveau de donner aux apprenants une occasion de se saisir des outils langagiers et de les mettre en &oelig;uvre dans un projet expressif sur un sujet qui les touche personnellement, qui pr&eacute;sente donc un enjeu de parole partag&eacute;e qui d&eacute;passe le simple exercice de r&eacute;emploi. Nous postulons aussi qu&rsquo;il y a photo et photo et que la parole qui nait d&rsquo;une photo prise par un inconnu, repr&eacute;sentant des inconnus ou des situations relativement lointaines et abstraites (exception faite de certaines photos d&rsquo;art ou journalistiques poignantes) ne sera pas de m&ecirc;me nature, ne pr&eacute;sentera pas le m&ecirc;me enjeu pour le locuteur que celle qui r&eacute;pond &agrave; une photo prise par lui-m&ecirc;me ou un proche, fixant un instant auquel il a particip&eacute;, figurant des lieux ou des personnes qui ont compt&eacute;s. Il s&rsquo;agit ici de mettre en mots des sentiments, des &eacute;motions ou leurs souvenirs. En tissant dans la m&eacute;moire de l&rsquo;apprenant les mots de la langue en apprentissage, on propose un travail sur la m&eacute;moire des mots. Comment exprimer dans une langue nouvelle et autre, les souvenirs et sentiments qui se sont v&eacute;cus et jusqu&rsquo;alors dits en langue maternelle? </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Le professeur et l&rsquo;&eacute;tudiants id&eacute;aux. Un exercice sur les pronoms nous a fourni la th&eacute;matique d&rsquo;une autre activit&eacute; &agrave; vis&eacute;e subjectivante. L&rsquo;exercice en question se contentant de donner &agrave; compl&eacute;ter par des pronoms les portraits du bon professeur et du bon &eacute;l&egrave;ve, simple pr&eacute;texte donc au travail de grammaire structurale, certes important mais pauvre au plan de l&rsquo;&eacute;nonciation singuli&egrave;re, nous l&rsquo;avons amplifi&eacute; et r&eacute;envisag&eacute; de sorte qu&rsquo;il pr&eacute;sente un enjeu de parole subjective. Car en effet, la situation de classe et la relation didactique qui s&rsquo;y joue est bien ce qui rassemble tous ces individus tr&egrave;s divers, l&rsquo;enseignant compris, et par laquelle s&rsquo;articule leur relation &agrave; la langue fran&ccedil;aise. Si nous souhaitons autant que faire se peut proposer aux apprenants de s&rsquo;exprimer sur des sujets qui les concernent et sur lesquels ils ont quelque chose &agrave; dire, une activit&eacute; invitant &agrave; faire un pas en arri&egrave;re et &agrave; poser un regard en surplomb sur la relation didactique semble tout indiqu&eacute;e. Au plan du travail sur la langue, l&rsquo;activit&eacute; se pr&eacute;sente comme une forme d&rsquo;exercice sommatif qui intervient en fin de s&eacute;quence sur le subjonctif. Nous distribuons une s&eacute;rie d&rsquo;amorces imposant l&rsquo;usage du subjonctif et organis&eacute;e en quatre sections (je voudrais que&hellip;&ccedil;a m&rsquo;est &eacute;gal que&hellip; je ne pourrais pas supporter que&hellip; en revanche, il faut absolument que&hellip;) qui guide le raisonnement et sugg&egrave;re un travail sur la progression des id&eacute;es et leur mise en coh&eacute;rence dans un ensemble plus large (d&eacute;passant le simple niveau phrastique qui domine les exercices de grammaire habituels). Au-del&agrave; de l&rsquo;exercice d&rsquo;&eacute;criture &agrave; contrainte grammaticale, c&rsquo;est aussi l&rsquo;occasion pour l&rsquo;enseignant de faire &eacute;merger et mettre en mots, les repr&eacute;sentations et autorepr&eacute;sentions, les frustrations, les attentes des apprenants. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">On y notera d&rsquo;int&eacute;ressants renversements des r&ocirc;les didactiques, certains assumant le point de vue de l&rsquo;enseignant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est essentiel que les &eacute;tudiants ne se sentent pas stress&eacute;s pour me poser des questions&nbsp;&raquo;; &laquo;&nbsp;Je voudrais des &eacute;tudiants qui soient silencieux quand je parle.&nbsp;&raquo; Surtout se dessine le portrait d&rsquo;un professeur de fran&ccedil;ais id&eacute;al, qui sugg&egrave;re que l&rsquo;essentiel de la relation p&eacute;dagogique se situe peut-&ecirc;tre dans la r&eacute;ponse, le dialogue et ce qui est donn&eacute; &agrave; voir de sa relation au savoir&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Ccedil;a me plairait qu&rsquo;il comprenne et r&eacute;ponde &agrave; mes doutes&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;Je ne voudrais pas quelqu&rsquo;un qui fasse le monologue&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;&Ccedil;a me plairait qu&rsquo;il soit passionn&eacute; et montre de la motivation.&nbsp;Et parlant d&rsquo;&eacute;nergie communicative, le rire. Car selon nos apprenants &laquo;&nbsp;en revanche, il faut absolument qu&rsquo;il [l&rsquo;enseignant] ait un peu d&rsquo;humeur&nbsp;&raquo;. On aura pris soin de distinguer l&rsquo;humour de l&rsquo;humeur, confondus en un m&ecirc;me phon&egrave;me par nos apprenants hispanophones et japonophones. Et en effet, il nous faut bien un peu d&rsquo;humour pour ce texte savoureusement hors-sujet (annexe) livr&eacute; par l&rsquo;apprenante Y. multir&eacute;cidiviste en la mati&egrave;re. Le professeur id&eacute;al &laquo;&nbsp;je le tue d&rsquo;un coup de fusil [&hellip;] c&rsquo;est indispensable que je fasse savoir au monde qu&rsquo;il est d&eacute;j&agrave; mort.&nbsp;&raquo; Prenons cela comme un aphorisme zen et estimons-nous privil&eacute;gi&eacute;s que la parole subjective se soit sentie &agrave; ce point libre de se faire voix. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px; margin-left:48px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Revendications. Autre activit&eacute; sommative du m&ecirc;me type, mais cette fois r&eacute;alis&eacute;e en groupe de 4-5 apprenants. Apr&egrave;s avoir observ&eacute; un tract syndical nous donnons la consigne et les modalit&eacute;s de r&eacute;alisation suivante&nbsp;: &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;une discussion de groupe, il s&rsquo;agira de produire une s&eacute;rie de revendications concernant la formation en langue au sein de l&rsquo;institut d&rsquo;accueil. Elles devront &ecirc;tre formul&eacute;es &agrave; l&rsquo;aide de tournures du type nous revendiquons / demandons / exigeons que + subjonctif. De fait, pour &ecirc;tre en situation de poser de telles revendications, il faut en premier lieu identifier un probl&egrave;me qui a des causes et des cons&eacute;quences, g&eacute;n&egrave;re une demande dans un but particulier. L&rsquo;activit&eacute; permet donc de brasser les principaux points abord&eacute;s lors de la s&eacute;quence, dans un contexte d&rsquo;&eacute;criture libre et complexe. Pour correspondre avec le genre textuel du tract, par essence coll&eacute;gial, ce travail sera r&eacute;alis&eacute; en groupe. L&rsquo;activit&eacute; nous permet de nouveau de faire &eacute;merger des repr&eacute;sentations, de faire verbaliser des probl&egrave;mes rencontr&eacute;s par les apprenants dans le cadre de leur formation. Du reste, lorsque nous proposons cette consigne, une apprenante nous interpelle, faisant justement remarquer qu&rsquo;elle se rapproche de l&rsquo;exercice de production &eacute;crite de type &laquo;&nbsp;&eacute;crire une lettre au maire au sujet d&rsquo;une r&eacute;clamation&nbsp;&raquo;. En effet, l&rsquo;activit&eacute; reprend &agrave; son compte ce canevas classique mais d&eacute;passe le cadre de la fiction didactique, sans grand risque ni enjeu, et invite &agrave; formuler des demandes v&eacute;ritables au sujet de d&eacute;sagr&eacute;ments r&eacute;els subis dans un environnement concret et commun &agrave; tous. Il s&rsquo;agit donc de nouveau de faire parler autour d&rsquo;un sujet sur lequel nous supposons que les apprenants ont &agrave; dire et de leur faire mobiliser la langue dans des modalit&eacute;s de discours non consensuelles, de donner &agrave; se servir d&rsquo;elle en situation de tension, de conflit. Car le conflit, la divergence de vues, la r&eacute;crimination font aussi partie de la subjectivit&eacute; en langue que l&rsquo;on pourrait avoir tendance &agrave; ne pas travailler, sinon de mani&egrave;re indirecte o&ugrave; d&eacute;samorc&eacute;e par la fiction d&rsquo;une situation de pur pr&eacute;texte. Ici au contraire, nous souhaitons que les formes de la langue &eacute;pousent des frustrations v&eacute;ritables. Et c&rsquo;est encore une mani&egrave;re de valoriser la parole des apprenants, ici dans leurs remises en question collectives. Inconfortable pour l&rsquo;apprenant peut-&ecirc;tre, inconfortable pour l&rsquo;enseignant assur&eacute;ment, mais la vie en langue et le passage de l&rsquo;une &agrave; l&rsquo;autre sont aussi faits de ces tiraillements.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Conclusion</span></span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">L&rsquo;enseignement de la grammaire nous a sembl&eacute; s&rsquo;exposer &agrave; un double risque. Celui d&rsquo;abord de n&rsquo;&ecirc;tre qu&rsquo;un simple moyen en vue d&rsquo;une fin ext&eacute;rieure &agrave; lui. Et celui ensuite, et bien qu&rsquo;en apparence paradoxal, d&rsquo;&ecirc;tre <i>pour</i> lui-m&ecirc;me, d&eacute;connect&eacute; du tissu vivant et spontan&eacute; de la parole. Comment d&egrave;s lors concilier l&rsquo;artifice r&eacute;p&eacute;t&eacute; d&rsquo;un travail structural n&eacute;anmoins n&eacute;cessaire &agrave; la fixation, avec la langue telle qu&rsquo;elle est v&eacute;cue et parl&eacute;e par ses locuteurs, telle qu&rsquo;elle traverse et est travers&eacute;e de leurs subjectivit&eacute;s ?<i> </i>Dans la valorisation de la parole et de l&rsquo;erreur, dans l&rsquo;accueil et l&rsquo;examen constant de formes alternatives, dans l&rsquo;encouragement &agrave; se saisir de la r&eacute;flexion m&eacute;talinguistique &agrave; bras le corps et jusque dans ces derniers retranchements (comme ceux de l&rsquo;enseignant !) et dans la circulation permanente d&rsquo;une parole diverse, vive, &eacute;hont&eacute;e, il nous a sembl&eacute; que l&rsquo;exercice de grammaire pouvait devenir plus qu&rsquo;un moyen pour une fin mais une occasion et un enjeu de parole <i>en</i> lui-m&ecirc;me, pris qu&rsquo;il &eacute;tait dans une trame de parole, celle de la classe, qui l&rsquo;englobe et le d&eacute;passe. Car au-del&agrave;, l&rsquo;activit&eacute; m&eacute;talinguistique d&eacute;passe la situation d&rsquo;apprentissage formel en classe de langue et se trouve bien au c&oelig;ur de nos pratiques langagi&egrave;res quotidiennes. De m&ecirc;me que la cr&eacute;ativit&eacute; ne se limite pas &agrave; l&rsquo;usage artiste de la langue mais est une caract&eacute;ristique fondamentale du langage humain, pr&eacute;sente dans nos paroles quotidiennes et dont l&rsquo;artiste ne se saisit qu&rsquo;avec un peu plus de vigueur.&nbsp; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">Pour que la grammaire soit exploration de la langue dans ses dimensions interpr&eacute;tative, interactive et cr&eacute;ative, le r&ocirc;le de l&rsquo;enseignant serait alors de permettre &agrave; chacun d&rsquo;&ecirc;tre interpr&egrave;te, acteur et inventeur de la r&egrave;gle et de la langue. Interpr&egrave;te d&rsquo;abord au sens o&ugrave; chaque apprenant accommodant le savoir sur la langue &agrave; sa mani&egrave;re, le conceptualise et le traduit pour lui-m&ecirc;me. Interpr&egrave;te encore que l&rsquo;apprenant qui la met en sc&egrave;ne et en voix. L&rsquo;interpr&egrave;te donc au sens du passeur de langue mais donc aussi de l&rsquo;acteur/auteur (et pas seulement <i>acteur social</i>) cet auteur-compositeur-interpr&egrave;te qui reformulant, r&eacute;inventant, donnant vie &agrave; la langue, l&rsquo;actualise par une activit&eacute; permanente mais pas toujours consciente d&rsquo;&eacute;valuation m&eacute;talinguistique et de cr&eacute;ation langagi&egrave;re. Et inventeur ensuite au double sens encore de d&eacute;couvreur de tr&eacute;sors et bricoleur de g&eacute;nie. Concevoir la langue comme art vivant plut&ocirc;t que comme outil implique que son enseignement ne soit pas simple technologie mais artisanat, fa&ccedil;onnant dans la parole &eacute;chang&eacute;e des savoirs, mati&egrave;re jamais inerte et d&eacute;finitive mais toujours recompos&eacute;e. Le r&ocirc;le de l&rsquo;enseignant sera ici alors celui d&rsquo;une vigilance constante pour saisir au bond les surgissements, les accueillir et les cultiver. Il faut pour cela une disposition &agrave; la dissonance, &agrave; en percevoir la richesse et &agrave; vouloir l&rsquo;int&eacute;grer au concert.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><b><span lang="FR-CA" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">BIBLIOGRAPHIE</span></span></span></b> </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">ABRY, Dominique, CHALARON, Marie-Laure, La grammaire des premiers temps B1-B2, Grenoble, PUG, 2015.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">BAKHTINE Mikhail, Esth&eacute;tique de la cr&eacute;ation verbale, Paris, Gallimard, 1984 [1977].</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">BENVENISTE E., Probl&egrave;mes de linguistique g&eacute;n&eacute;rale, Paris, Gallimard. (2010 [1966])</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">COIANIZ, Alain, Apprentissage des langues et subjectivit&eacute;, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2001</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">GR&Eacute;GOIRE, Ma&iuml;a, KOSTUCKI, Alina, Grammaire progressive du fran&ccedil;ais B2-C2, Paris, CLE International, 2018</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">HUMBOLDT W. (1974 [1830]) Introduction &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre sur le Kavi et autres essais, Paris, Le Seuil.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">JAKOBSON, Roman, Essais de linguistique g&eacute;n&eacute;rale, Paris, Editions de Minuit, 2003[1963]</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px"><span style="font-size:10.5pt"><span style="line-height:110%"><span style="font-family:&quot;Calibri&quot;, sans-serif"><span lang="FR-CA" style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:125%"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">SAUSSURE (de), Ferdinand, Cours de linguistique g&eacute;n&eacute;rale, Paris, Payot, 2004 [1916].</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:8px">&nbsp;</p>