<p>&nbsp;Si certains intellectuels de premier rang&nbsp;vont jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;dire l&#39;effondrement&nbsp;de la po&eacute;sie (Yves Bonnefoy), du roman (Milan Kundera),&nbsp;de la litt&eacute;rature (Tzvetan Todorov) voire de la culture (Hannah Arendt), ces &eacute;minents haruspices contemporains qui analysent la crise des Lettres de noblesse ont en commun d&rsquo;&eacute;voquer le r&eacute;tr&eacute;cissement du monde et de l&rsquo;individu. Le corps, omnipr&eacute;sent et fascinant, &eacute;galement soumis au risque d&rsquo;annihilation&nbsp;de&nbsp;l&rsquo;utopie transhumaniste&nbsp;(Le Breton, 2015) et du monde terrestre, symbolise le d&eacute;tachement paroxystique de l&rsquo;Homme<a href="#nbp_1" name="lien_nbp_1">1</a>&nbsp;&agrave; sa propre mati&egrave;re. Ces nouveaux d&eacute;doublements et ces &eacute;ternels d&eacute;bats, dont la subsistance et les morts annonc&eacute;es participent d&rsquo;une paling&eacute;n&eacute;sie amn&eacute;sique, renvoient aux fondements de notre anthropologie. Par ricochet, la grammaire semble &eacute;galement travers&eacute;e par cette alt&eacute;ration provoqu&eacute;e par les incitations, selon les cas, &agrave; l&#39;aseptisation ou &agrave; la dissolution. Victime d&#39;anesth&eacute;sie g&eacute;n&eacute;rale ou patiente en soin palliatif, la dichotomie opposant d&eacute;litement ou r&eacute;investissement de la grammaire ne semble pas tant se poser du c&ocirc;t&eacute; de son utilit&eacute; que, finalement, de sa conception. Apr&egrave;s avoir subi un fort d&eacute;clin dans l&rsquo;enseignement en Angleterre depuis des d&eacute;cennies en langue maternelle malgr&eacute; un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t inspir&eacute; par la didactique en langue &eacute;trang&egrave;re (Kasazian, 2016), ce signe annonciateur de la r&eacute;trogradation de la grammaire outre-manche permet d&rsquo;imaginer, par exag&eacute;ration, la v&eacute;racit&eacute; d&#39;une&nbsp;dystopie huxleysienne-orwellienne (dans un sc&eacute;nario de science-fiction, ce pourrait &ecirc;tre une puce int&eacute;gr&eacute;e qui censurerait des mots et orienterait la teneur de nos discours) ou au contraire, la r&eacute;g&eacute;n&eacute;ration offerte par l&rsquo;enseignement-apprentissage des langues &eacute;trang&egrave;res. Cependant, &agrave; l&rsquo;heure o&ugrave; les promesses d&rsquo;apprendre rapidement ou &agrave; son rythme en autonomie compl&egrave;te gr&acirc;ce au num&eacute;rique et aux p&eacute;dagogies innovantes&nbsp;font flor&egrave;s dans un monde satur&eacute; d&rsquo;informations, il peut &ecirc;tre pertinent et souhaitable&nbsp;d&rsquo;interroger notre rapport au langage et &agrave; notre corps pour ensuite f&eacute;conder&nbsp;les progr&egrave;s technologiques, plut&ocirc;t que l&rsquo;inverse. Les potentialit&eacute;s p&eacute;dagogiques du m&eacute;tavers (litt&eacute;ralement apr&egrave;s l&rsquo;univers), illustrent le&nbsp;brouillon du corps&nbsp;contemporain (Le Breton, 2005) face &agrave; la&nbsp;r&eacute;alit&eacute; virtuelle&nbsp;(oxymore invent&eacute; en 1938 par Antonin Artaud pour d&eacute;signer le th&eacute;&acirc;tre&hellip;) des artefacts num&eacute;riques install&eacute;s pour toujours dans nos vies. Le m&eacute;tavers n&rsquo;incarne-t-il pas la continuit&eacute; persistante d&rsquo;une conception m&eacute;taphysique ancienne du corps ? L&#39;asym&eacute;trie de la grammaire &eacute;crite sur la grammaire orale ne refl&egrave;te-t-elle pas un dualisme faisant pr&eacute;valoir le signe sur le sens ? Grammaire et rythme sont des termes utilis&eacute;s &agrave; foison dans de nombreux contextes, ajoutant &agrave; la confusion et &agrave; la dispersion. Traiter la grammaire par le rythme (oral ou &eacute;crit) oblige &agrave; reconnaitre un rythme&nbsp;particulier du langage, donc du sujet, et ce que le langage doit au corps, donc &agrave; la vie.&nbsp;Poussi&egrave;re d&#39;&eacute;toiles&nbsp;(Reeves, 1984), le corps biologique s&rsquo;oppose-t-il &agrave; la personne sociale ou doit-on plut&ocirc;t aborder la nature/culture par une approche&nbsp;sym&eacute;trique&nbsp;(Latour, 1991) faisant place &agrave;&nbsp;la pens&eacute;e complexe&nbsp;(Morin, 1990) et aller&nbsp;par-del&agrave; nature et culture&nbsp;(Descola, 2005) afin de relier corps et langage ? Avant de songer &agrave; devenir une esp&egrave;ce multiplan&eacute;taire, dans ce nouveau laboratoire qu&rsquo;offre les&nbsp;courses (commerciales) de notre galaxie et&nbsp;de la&nbsp;r&eacute;alit&eacute; augment&eacute;e, divergente en cela de l&rsquo;ogrerie gargantuesque ; comment envisager de relier grammaire et corpor&eacute;it&eacute; quand l&rsquo;une et l&rsquo;autre se destinent &agrave; &ecirc;tre diminu&eacute;es ?&nbsp;&nbsp;</p> <h2>1. L&#39;acquisition du langage et de la grammaire (du vivant &agrave; l&#39;humain)&nbsp;</h2> <p>&nbsp;</p> <p>Un lieu commun admet que la grammaire s&rsquo;apprend &agrave; l&rsquo;&eacute;cole en espace clos, assis, et la parole &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur, dans la vraie vie, hors les murs... D&rsquo;o&ugrave; cette d&eacute;fiance vis-&agrave;-vis de la grammaire ressentie comme impos&eacute;e par une institution acad&eacute;mique d&eacute;connect&eacute;e, et la classant ainsi comme exclusivement scolaire. Pourtant, si l&rsquo;&eacute;cole va bien normer et structurer la grammaire &agrave; l&rsquo;aide de prescriptions dans une vis&eacute;e &eacute;mancipatrice plus globale, elle fait n&eacute;anmoins d&eacute;j&agrave; partie des structures linguistiques que va int&eacute;grer l&rsquo;enfant d&egrave;s son plus jeune &acirc;ge gr&acirc;ce &agrave; la syst&eacute;matisation de combinaisons de mots. Durant l&#39;ontogen&egrave;se qui va voir &eacute;voluer le f&oelig;tus pour passer du vivant &agrave; l&rsquo;humain, la parole va se complexifier &agrave; la diff&eacute;rence des animaux dont nos semblables les plus familiers en degr&eacute; et non en nature, les chimpanz&eacute;s, sont capables de m&eacute;moriser des mots (parfois plus de cent) mais dans l&rsquo;incapacit&eacute; de juxtaposer plus de deux mots suite &agrave; un entra&icirc;nement tr&egrave;s exigeant, tandis que les b&eacute;b&eacute;s humains y parviennent avant d&#39;atteindre l&rsquo;&acirc;ge de 3 ans (Florin, 1999). Ce qui ne veut pas dire que les chimpanz&eacute;s ne disposent pas d&#39;un&nbsp;langage&nbsp;complexe, bien au contraire puisqu&#39;ils utilisent de nombreuses s&eacute;quences vocales structur&eacute;es (Girard-Buttoz et al., 2022) et un riche r&eacute;pertoire gestuel (Hobaiter &amp; Byrne, 2013). Cette capacit&eacute; de cr&eacute;er et g&eacute;n&eacute;raliser des repr&eacute;sentations diachroniques et abstraites d&eacute;tach&eacute;es du pur besoin imm&eacute;diat gr&acirc;ce &agrave; des signes (&eacute;tymologiquement la lettre cr&eacute;atrice de tout et le miracle en h&eacute;breu<a href="#ndp_2" name="lien_nbp_2">2</a>) est consid&eacute;r&eacute;e comme l&rsquo;origine m&ecirc;me de notre condition humaine. La grammaire (gramma) vient elle-m&ecirc;me de la lettre dont la premi&egrave;re mention remonte &agrave; Platon mais est loin de se cantonner &agrave; l&#39;&eacute;crit. En effet, sans aucune le&ccedil;on particuli&egrave;re, le nouveau-n&eacute; va acqu&eacute;rir le langage plus ou moins vite en fonction de son entourage et de ses caract&eacute;ristiques dont le d&eacute;veloppement va imbriquer irr&eacute;guli&egrave;rement dans un ordre assez pr&eacute;cis : la phonologie, le lexique et la syntaxe. Si la gestation est longue chez l&rsquo;esp&egrave;ce humaine par rapport aux autres mammif&egrave;res, son d&eacute;veloppement cognitif et langagier se d&eacute;veloppe rapidement malgr&eacute; des variabilit&eacute;s contingentes qui n&rsquo;affectent en rien son acquisition d&eacute;corr&eacute;l&eacute;e de l&rsquo;intelligence. Toutes les &eacute;tapes de l&rsquo;acquisition, non-lin&eacute;aires et dynamiques (Sauvage, 2015), proviennent d&rsquo;un instinct du langage qui nous relie &agrave; notre phylogen&egrave;se, notre environnement et nous-m&ecirc;mes.&nbsp;In utero, les syst&egrave;mes sensoriels se mettent d&eacute;j&agrave; en place par l&#39;interm&eacute;diaire d&#39;un&nbsp;accordage neuro-perceptif par l&rsquo;exp&eacute;rience sensorielle f&oelig;tale [qui] pr&eacute;pare l&rsquo;organisme &agrave; interagir avec l&rsquo;&eacute;cologie sensorielle d&rsquo;apr&egrave;s la naissance&nbsp;(Granier-Deferre &amp; Schaal, 2005). Si pr&eacute;dire les performances langagi&egrave;res du futur enfant &agrave; partir de sa vie intra ut&eacute;rine oblige &agrave; la prudence puisque les syst&egrave;mes sensoriels ne sont pas encore arriv&eacute;es &agrave; maturit&eacute; (alors que c&#39;est presque le cas &agrave; la fin de la gestation chez les autres mammif&egrave;res, ce qui explique sans doute la plus longue d&eacute;pendance durant les premi&egrave;res ann&eacute;es de l&#39;esp&egrave;ce humaine), ils pr&eacute;parent ce que l&#39;enfant va devoir traiter dans le monde&nbsp;ex utero.&nbsp;Le syst&egrave;me sensoriel ant&eacute;natal&nbsp;suit lui aussi un d&eacute;veloppement ordonn&eacute; pr&eacute;cis comprenant d&#39;abord les structures tactiles et somesth&eacute;siques, olfactives et gustatives, vestibulaires et auditives, puis visuelles (Ibid.). Ainsi, le f&oelig;tus&nbsp;poss&egrave;de une sensibilit&eacute; proprioceptive structurante et ant&eacute;rieure &agrave; la sensibilit&eacute; auditive o&ugrave; la voix maternelle se distingue amplement des autres dans la continuit&eacute; transnatale&nbsp;puerp&eacute;rale :</p> <p><q>&nbsp; La perception pr&eacute;c&egrave;de la production sur le plan neurophysiologique, tout comme la compr&eacute;hension pr&eacute;c&eacute;dera toujours la production. Mehler et al. (1978) ont ainsi montr&eacute; que la voix de la m&egrave;re &eacute;tait privil&eacute;gi&eacute;e plus que tout autres sur le plan perceptif. Condon &amp; Sanders (1974) montre que d&egrave;s les premi&egrave;res heures qui suivent la naissance, le nourrisson coordonne sa gestuelle sur le rythme de la parole per&ccedil;ue. [...] On comprend alors que la prosodie de la langue joue un r&ocirc;le fondamental dans l&rsquo;entr&eacute;e dans la langue maternelle, le syst&egrave;me neuroperceptuel se d&eacute;veloppant tout en se sp&eacute;cialisant dans des sonorit&eacute;s linguistiques contextuelles&nbsp;(Sauvage, 2015). </q></p> <p>La prosodie incarne donc l&#39;&eacute;l&eacute;ment primordial de la perception auditive et de la complexification du langage :</p> <p><q>Elle constitue en effet la premi&egrave;re chose qu&rsquo;un f&oelig;tus per&ccedil;oit dans le ventre de sa m&egrave;re ; tout au long de sa premi&egrave;re ann&eacute;e de vie, le b&eacute;b&eacute; d&eacute;veloppe une sensibilit&eacute; tr&egrave;s musicale &agrave; sa langue maternelle et elle lui permet ensuite de structurer ses productions tant au niveau de son proto-langage qu&rsquo;au niveau de son premier langage et de ses &eacute;nonc&eacute;s plus &eacute;labor&eacute;s&nbsp;(Dodane, 2020).</q></p> <p>Apr&egrave;s la naissance, souvent articul&eacute;e &agrave; la production de gestes, la focalisation prosodique rattach&eacute;e &agrave; la prosodie interagit &eacute;galement avec la proprioception&nbsp;au niveau du gyrus supramarginal gauche et de la production prosodique&nbsp;:</p> <p><q>La focalisation prosodique peut en fait &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme le pointage vers un constituant avec la voix exactement comme on montrerait un objet dans l&rsquo;espace avec notre doigt. [&hellip;] la focalisation est v&eacute;hicul&eacute;e acoustiquement mais aussi visuellement parce qu&rsquo;on a conscience de l&rsquo;importance de la vision dans la communication. Il y aurait ainsi une planification de l&rsquo;hyper-articulation dans le but de v&eacute;hiculer une information r&eacute;ellement multisensorielle, &agrave; la fois auditive et visuelle, voire proprioceptive&nbsp;(Dohen, 2005).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Toutes les dimensions sont sollicit&eacute;es lorsque nous parlons, linguistiques et extra-linguistiques (bien que cette nette distinction ne nous satisfait pas). Ainsi, la gestualit&eacute; co-verbale s&rsquo;accorde avec le syst&egrave;me rythmique pour relier les pro&eacute;minences des &eacute;l&eacute;ments suprasegmentaux avec les gestes&nbsp;lors de l&rsquo;accentuation rythmique (Llorca, 1989). Pas seulement auditive, la prosodie pourrait en ce sens &ecirc;tre visible mais &eacute;galement induite par la proprioception ce qui nous oriente &agrave; consid&eacute;rer la multisensorialit&eacute; du langage pour soutenir l&rsquo;appropriation de la prosodie par une multimodalit&eacute; plus vaste que ce qui se voit et ce qui s&rsquo;entend, fig&eacute;&nbsp;et &agrave; sa place.</p> <p><q>Le d&eacute;veloppement de l&#39;appareil phonatoire permet aux sons respiratoires d&#39;&eacute;voluer vers des sons isol&eacute;s puis d&#39;atteindre le babillage canonique avant de laisser place aux proto-mots. Toutes ces &eacute;tapes sont d&eacute;cisives pour la production de la parole durant la p&eacute;riode linguistique (le premier &laquo;&nbsp;mot&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;signe linguistique&nbsp;&raquo; apparait entre 9 mois-1 an et 8 mois) afin d&#39;entra&icirc;ner le cerveau mais aussi le corps dans son ensemble&nbsp;(Sauvage, 2015).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Malgr&eacute; la faible production et articulation de mots au regard de la kyrielle de perceptions toujours plus &eacute;labor&eacute;es et complexes, le processus de grammaticalisation&nbsp;(Bassano, 2008) suit son cours jusqu&#39;&agrave; l&#39;explosion grammaticale&nbsp;vers 2 ans et l&#39;explosion lexicale&nbsp;peu avant 3 ans. Ces associations de mots en apparence lentes et limit&eacute;es rendent compte d&#39;une &eacute;bauche de structure grammaticale et d&rsquo;indications s&eacute;mantiques associ&eacute;es pour progresser vers une plus grande capacit&eacute; &agrave; enrichir et allonger des &eacute;nonc&eacute;s. L&#39;&eacute;mergence de la syntaxe va prendre forme et sens pour s&rsquo;&eacute;tendre &agrave; des morph&egrave;mes grammaticaux de plus en plus sophistiqu&eacute;s (Kail, 2020). En consid&eacute;rant l&#39;&eacute;mergence lexicale et grammaticale &agrave; peu pr&egrave;s concomitante&nbsp;(Bassano 2008) et le lien qui les unit avec le d&eacute;veloppement phonologique dont la prosodie mentionn&eacute;e plus haut, le d&eacute;veloppement langagier constitue un syst&egrave;me interactif et dynamique o&ugrave; toutes les composantes du langage s&#39;entrem&ecirc;lent et s&#39;enrichissent :</p> <p><q>le d&eacute;veloppement des noms et des verbes est le lieu d&rsquo;interactions entre les diff&eacute;rentes composantes du langage, en particulier entre lexique et grammaire mais aussi entre prosodie et grammaire, entre lesquelles il existerait donc des relations d&rsquo;interd&eacute;pendance. Autrement dit, et en coh&eacute;rence avec les approches int&eacute;gratives, [...] les processus de grammaticalisation sont influenc&eacute;s par les dimensions lexicales et prosodiques du d&eacute;veloppement&nbsp;(Ibid.).</q></p> <p>Ces progr&egrave;s se font toujours en concordance avec des actes moteurs pr&eacute;cis : mouvements, rires, d&eacute;placements, marche, pointage du doigt&hellip; Malgr&eacute; des variations selon les langues, les enfants ma&icirc;trisent normalement vers 4 ans les structures morpho-syntaxiques de base (Ibid.). Parall&egrave;lement au langage, le d&eacute;veloppement global de l&rsquo;enfant (Bouchard, 2019) met en jeu conjointement la motricit&eacute;, la cognition, l&rsquo;affect, la sociabilit&eacute; pour se d&eacute;velopper r&eacute;ciproquement. Cette interd&eacute;pendance tr&egrave;s nette durant l&rsquo;enfance tend &agrave; &ecirc;tre oubli&eacute;e par la suite au profit d&rsquo;une vision dualiste corps-esprit que l&rsquo;&eacute;cole va valoriser et accentuer en faveur de l&#39;intellect. La grammaire au d&eacute;part pratique en lien avec l&rsquo;&eacute;volution de sa physiologie (respiration, maturation et conduit vocal notamment), ses capacit&eacute;s motrices et ses interactions de toute nature (regards, gestes, postures, expressions faciales&hellip;), devient une mati&egrave;re reposant uniquement sur le m&eacute;talangage mais d&eacute;connect&eacute;e de son ancrage corpo-rythmique. Pourtant, selon une &eacute;tude (Gordon et al, 2015) aupr&egrave;s d&rsquo;enfants de 6 ans,&nbsp;les comp&eacute;tences morpho-syntaxiques, la conscience phonologique, les capacit&eacute;s cognitives non-verbales et la perception du rythme sont li&eacute;es.&nbsp;</p> <h2><span style="color:#000000;">2. Rythme et langage</span></h2> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Si raisonner d&rsquo;un point de vue acquisitionniste et interactionniste nous semble pertinent, il est &eacute;vident qu&rsquo;on ne peut cloner l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re &agrave; partir de l&rsquo;acquisition naturelle de la langue maternelle (celle qui s&rsquo;initie dans le ventre). En revanche, comprendre les m&eacute;canismes de la formation du langage quel qu&rsquo;il soit (parl&eacute;, oral, &eacute;crit, litt&eacute;raire, corporel, etc.) permet d&rsquo;envisager des ponts, des pistes de r&eacute;flexion didactique pour infuser les pratiques enseignantes au contact d&rsquo;autres disciplines&nbsp;:</p> <p><q>travailler &agrave; la th&eacute;orie du langage, c&rsquo;est travailler &agrave; &eacute;liminer les fronti&egrave;res entre les disciplines qui constituent les sciences humaines, principalement les &eacute;tudes de litt&eacute;rature, de langue et de philosophie, mais aussi d&rsquo;histoire, de sociologie, de psychologie, de sciences de l&rsquo;&eacute;ducation et d&rsquo;anthropologie. Cette vis&eacute;e ne se confond pas avec ce qu&rsquo;on a appel&eacute; l&rsquo; &quot;interdisciplinarit&eacute;&quot;&nbsp;ou la &quot;transdisciplinarit&eacute;&quot;, car la th&eacute;orie du langage devrait tout &agrave; la fois constituer une autre discipline et les englober toutes, comme th&eacute;orie d&rsquo;ensemble, travaillant hors de l&rsquo;isolement de chacune d&rsquo;entre elles. [&hellip;] C&rsquo;est &agrave; chacun, dans chaque discipline, &agrave; travailler &agrave; la th&eacute;orie du langage&nbsp;(Meschonnic, 1999 : 432).&nbsp;</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">En didactique du FLE, le langage constitue un arri&egrave;re fond assez univoque alors m&ecirc;me que les formations universitaires sont greff&eacute;es aux science du langage et que sa multiplicit&eacute; am&egrave;ne &agrave; prendre en compte la complexit&eacute; de la langue et la diversit&eacute; des apprenants&nbsp;:</p> <p><q>Une th&eacute;orie de la langue isol&eacute;e, &agrave; l&rsquo;&eacute;cart des autres disciplines, emp&ecirc;che en effet de comprendre l&rsquo;ensemble des activit&eacute;s du langage, ou, ce qui revient au m&ecirc;me, maintient en vigueur la th&eacute;orie traditionnelle du signe, avec son dualisme de la forme et du sens, et interdit de reconna&icirc;tre qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit que d&rsquo;une repr&eacute;sentation, et qu&rsquo;elle est inefficace pour analyser le continu dans le langage. Car le langage comporte du discontinu et du continu. Les psychologues du comportement ont mis en &eacute;vidence la communication extralinguistique, et on conna&icirc;t assez bien le continu du langage, avec la gestuelle, l&rsquo;intonation et ses variables culturelles. Mais ce n&rsquo;est qu&rsquo;une partie du continu entre le corps et le langage. On peut soutenir que la plus grande partie de ce qui rel&egrave;ve du continu reste impens&eacute;&nbsp;(Meschonnic, 1999 : 432).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Que reste-t-il d&rsquo;impens&eacute;&nbsp;et par quels&nbsp;moyens l&rsquo;entreprendre ? Pour Henri Meschonnic, le rythme permet de sortir de la m&eacute;taphysique du signe et de r&eacute;tablir le continu corps-langage. Dans ce cas, quel rythme concevoir dans le langage&nbsp;et comment l&rsquo;articuler avec celui de l&rsquo;enseignement-apprentissage d&rsquo;une langue&nbsp;? Sommes-nous condamn&eacute;s &agrave; subir&nbsp;le rythme lorsque l&rsquo;on apprend une langue au m&ecirc;me titre que la langue nous domine pour Roland Barthes ou comme dirait Georges Bataille : le rythme de l&rsquo;autre, c&rsquo;est l&rsquo;enfer&nbsp;(Bataille, 1992 [1937] : 24) ? Meschonnic pr&eacute;cise le sien&nbsp;:</p> <p><q>Je d&eacute;finis le rythme dans le langage comme l&rsquo;organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques et extra-linguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une s&eacute;mantique sp&eacute;cifique, distincte du sens lexical, et que j&rsquo;appelle la signifiance : c&rsquo;est-&agrave;-dire les valeurs propres &agrave; un discours et &agrave; un seul. Ces marques peuvent se situer &agrave; tous les &ldquo;niveaux&rdquo; du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques&nbsp;(Meschonnic, 1982 : 216-217).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Cette s&eacute;mantique sp&eacute;cifique&nbsp;(la signifiance), vise &agrave; r&eacute;affirmer le continu&nbsp;afin de rompre avec la repr&eacute;sentation platonicienne du langage qui s&eacute;pare les mots&nbsp;et les choses en se basant sur le discontinu des signes&nbsp;:</p> <p><q>Au lieu du paradigme linguistique du signe, qui impose une conception discontinue des objets qu&rsquo;il d&eacute;crit (le langage interpr&eacute;t&eacute; &agrave; travers la langue, le sujet confondu avec l&rsquo;individu, la soci&eacute;t&eacute; devenant alors ce qui s&rsquo;oppose &agrave; l&rsquo;individu, au lieu que le sujet est radicalement social), une po&eacute;tique du rythme con&ccedil;oit les pratiques humaines comme des s&eacute;mantiques du continu&nbsp;(Meschonnic, 2005 : 37).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Notion polys&eacute;mique, les d&eacute;finitions du rythme varient mais restent finalement confondues avec la r&eacute;gularit&eacute; de la m&eacute;trique (temps fort/temps faible). Dans le chapitre XXVII des&nbsp;Probl&egrave;mes de linguistique g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;(1966 : 327),&nbsp;Benveniste retrace l&#39;&eacute;tymologie du&nbsp;rythme qui regroupe des domaines transversaux pour mettre fin &agrave; une id&eacute;e re&ccedil;ue entretenue par&nbsp;la pens&eacute;e occidentale moderne&nbsp;o&ugrave; &rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; (rithmos&nbsp;en grec) s&#39;apparente &agrave; un&nbsp;&eacute;coulement&nbsp;dont l&#39;id&eacute;e aurait surgi&nbsp;par l&#39;observation de la mer. Comme il le souligne&nbsp;justement,&nbsp;le mouvement r&eacute;guliers des flots&nbsp;ne permet pas d&#39;expliquer l&#39;origine de la notion puisque la mer ne s&#39;&eacute;coule pas, encore moins r&eacute;guli&egrave;rement, sauf si l&#39;on parle d&#39;un cours d&#39;eau avec des flots...&nbsp;&Rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; remonte en fait &agrave; la po&eacute;sie lyrique (Theognis) et tragique (Eschyle), avant Hom&egrave;re, puis chez les philosophes atomistes.&nbsp;Leucippe et D&eacute;mocrite par l&#39;interm&eacute;diaire&nbsp;d&#39;Aristote&nbsp;consid&egrave;rent&nbsp;la&nbsp;forme&nbsp;comme&nbsp;la&nbsp;signification originelle de&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; en la distinguant de&nbsp;l&#39;ordre&nbsp;et de&nbsp;la position. C&#39;est aussi la racine des verbes&nbsp;former&nbsp;et&nbsp;trans-former&nbsp;avec par exemple&nbsp;l&#39;enseignement transforme l&#39;homme&nbsp;chez&nbsp;D&eacute;mocrite et repris par H&eacute;rodote pour&nbsp;la&nbsp;transformation&nbsp;des lettres ph&eacute;niciennes par les Grecs. Notion distinctive pour l&#39;ensemble de ce qui p&eacute;trie l&#39;humain et son environnement, cet&nbsp;arrangement caract&eacute;ristique des parties dans un tout&nbsp;s&#39;assimile &agrave; une&nbsp;dis-position, discordant avec le formatage, que l&#39;on retrouve en tant que&nbsp;figurer, localiser&nbsp;chez Sophocle. Benveniste va plus loin en expliquant le sens du rythme pour le diff&eacute;rencier des autres&nbsp;formes. Il pr&eacute;cise le sens du suffixe :</p> <p><q>La formation en -(&theta;)&mu;ό&sigmaf; m&eacute;rite attention pour le sens sp&eacute;cial qu&#39;elle conf&egrave;re aux mots &quot;abstraits&quot;. Elle indique, non l&#39;accomplissement de la notion, mais la modalit&eacute; particuli&egrave;re de son accomplissement, telle qu&#39;elle se pr&eacute;sente aux yeux&nbsp;(Ibid., 332).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Danse, r&eacute;ponse, ou disposition&nbsp;particuli&egrave;re, le suffixe compl&egrave;te le radical (&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf;) qui&nbsp;d&eacute;signe la forme dans l&#39;instant [...] assum&eacute;e par ce qui est mouvant, mobile, fluide. [...] C&#39;est la forme improvis&eacute;e, momentan&eacute;e, modifiable. D&#39;Epicure &agrave; Lucr&egrave;ce&nbsp;o&ugrave; la pro&eacute;minence de la forme des atomes (crochus) et leur circularit&eacute; les font entrer&nbsp;en contact,&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; se d&eacute;finit comme&nbsp;mani&egrave;re particuli&egrave;re de fluer. C&#39;est donc la doctrine mat&eacute;rialiste antique qui donne au d&eacute;part le sens du rythme. Dans le&nbsp;Phil&egrave;be,&nbsp;Platon&nbsp;va d&eacute;finitivement orienter cette d&eacute;finition en y int&eacute;grant&nbsp;une th&eacute;orie de la mesure appliqu&eacute;e. Pour Socrate, le rythme s&#39;accompagne de la mesure dans une recherche d&#39;ordre du mouvement et d&#39;harmonie par la connaissance des intervalles r&eacute;guliers. Benveniste&nbsp;cite le&nbsp;Banquet&nbsp; :</p> <p><q>L&#39;harmonie est une consonance, la consonance un accord... C&#39;est de la m&ecirc;me mani&egrave;re que le&nbsp;rythme&nbsp;r&eacute;sulte du rapide et du lent, d&#39;abord oppos&eacute;s, puis accord&eacute;s&nbsp;(Ibid., 334).</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">L&#39;arithm&eacute;tique du corps conserve l&#39;id&eacute;e de la forme tout en la d&eacute;passant, Benveniste explicite le r&ocirc;le de Platon dans cette &eacute;volution :</p> <p><q>Il innove en l&#39;appliquant &agrave; la&nbsp;forme du mouvement&nbsp;que le corps humain accomplit dans la danse, et &agrave; la disposition des figures en lesquels ces mouvements se r&eacute;sout. La circonstance d&eacute;cisive est l&agrave;, dans la notion d&#39;un&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; corporel associ&eacute; au&nbsp;&mu;έ&tau;&rho;&omicron;&nu;&nbsp;et soumis &agrave; la loi des nombres : cette &quot;forme&quot; est d&eacute;sormais d&eacute;termin&eacute;e par une &quot;mesure&quot; et assujettie &agrave; un ordre&nbsp;(Ibid.).</q></p> <p>L&#39;arrangement spatial des &eacute;l&eacute;ments va se poursuivre avec une configuration&nbsp;spatio-temporelle cadenc&eacute;e&nbsp;et ordonn&eacute;e dont&nbsp;tout rythme se mesure par un mouvement pr&eacute;-d&eacute;fini. Les d&eacute;bats sur le rythme se prolongent chez les &eacute;crivains dont certains reconnaissent volontiers la primaut&eacute; du rythme de la langue maternelle o&ugrave; apprendre une langue &eacute;trang&egrave;re c&rsquo;est aussi, c&rsquo;est avant tout, changer de rythme, subir une sorte de &quot;recyclage&quot; rythmique et intonatif&nbsp;(Dabrowska cit&eacute;e dans Meschonnic, 1982 : 420).&nbsp;Qu&rsquo;en est-il du rythme de la langue fran&ccedil;aise&nbsp;? Comment appr&eacute;hender cette&nbsp;architecture sonore&nbsp;en didactique du FLE&nbsp;et comment&nbsp;s&rsquo;y conformer ?</p> <p>En didactique du FLE, la langue est majoritairement per&ccedil;ue comme un outil de communication et d&rsquo;interaction sociale (Germain, 1993) pour r&eacute;pondre aux besoins de l&rsquo;apprenant (Cornaire &amp; Raymond, 1999) dans un contexte marqu&eacute; par le plurilinguisme et l&rsquo;interculturalit&eacute; o&ugrave; le rythme ne fait pas l&rsquo;objet d&rsquo;une r&eacute;flexion centrale, hormis parmi les experts en phon&eacute;tique qui insistent sur cette notion d&eacute;finie comme une composante de la prosodie avec l&rsquo;intonation (Billi&egrave;res, 2014).&nbsp;L&rsquo;apprenant est en premier lieu consid&eacute;r&eacute; comme un auditeur qui doit percevoir pour produire. Si son int&eacute;r&ecirc;t est nettement reconnu dans la m&eacute;thode verbo-tonale afin de faciliter l&rsquo;acc&egrave;s au sens et pouvoir se faire comprendre (Borrell &amp;&nbsp;Salsignac, 2002) gr&acirc;ce au crible phonologique form&eacute; durant l&rsquo;enfance et adapt&eacute; aux sons de notre langue (Troubetzkoy, 1967), le crible prosodique se forme lui aussi pour correspondre au syst&egrave;me prosodique sp&eacute;cifique de la langue. Si les motivations et les besoins sont en r&eacute;alit&eacute; aussi nombreux qu&rsquo;il y a d&rsquo;apprenants et que le rapport original &agrave; la langue est au moins au m&ecirc;me niveau de complexit&eacute; que son enseignement, la diversit&eacute; des langues et des cultures en contact pose n&eacute;cessairement l&rsquo;enjeu du passage d&rsquo;un rythme &agrave; un autre (en tant que locuteur et auditeur). Nous pouvons d&rsquo;ailleurs &eacute;mettre l&rsquo;hypoth&egrave;se que les orientations didactiques diff&egrave;rent pour d&rsquo;autres langues en fonction des consid&eacute;rations jug&eacute;es prioritaires. En fran&ccedil;ais, d&eacute;j&agrave; rel&eacute;gu&eacute;e &agrave; la p&eacute;riph&eacute;rie de la didactique des langues, la phon&eacute;tique p&acirc;tit&nbsp;d&rsquo;un manque de consid&eacute;ration en didactique de l&rsquo;oral, elle-m&ecirc;me atrophi&eacute;e par la didactique de l&rsquo;&eacute;crit (Sauvage, 2019). Mais m&ecirc;me l&rsquo;enseignement de la phon&eacute;tique va g&eacute;n&eacute;ralement se focaliser sur la distinction et la r&eacute;p&eacute;tition de phon&egrave;mes (en g&eacute;n&eacute;ral &agrave; la fin) sans forc&eacute;ment mettre en avant la prosodie (d&egrave;s le d&eacute;but) ni construire une progression &agrave; partir des langues en pr&eacute;sence. En effet, peu d&rsquo;enseignants sont r&eacute;ellement form&eacute;s aux sp&eacute;cificit&eacute;s du rythme (Guimbreti&egrave;re, 1994 ; Dufeu, 2008 ; Martin, 2020) ce qui indique que le manque&nbsp;de&nbsp;rythme se retrouve aussi en didactique, particuli&egrave;rement en grammaire.&nbsp;</p> <p>Pour ce qui concerne l&rsquo;&eacute;nonciation, quelle que soit la situation g&eacute;ographique ou linguistique, le fran&ccedil;ais con&ccedil;oit une structure orale pr&eacute;cise (diff&eacute;rente de l&rsquo;&eacute;crit oralis&eacute;) et unique parmi les autres langues europ&eacute;ennes, notamment par l&rsquo;absence d&rsquo;accent lexical. En fran&ccedil;ais, la caract&eacute;ristique fondamentale de la structure rythmique proc&egrave;de de l&rsquo;allongement, et non de l&rsquo;intensit&eacute;, de la derni&egrave;re syllabe du groupe rythmique au niveau articulatoire, et non acoustique (Wioland, 2012 : 91). La confusion entre avoir un accent&nbsp;(notion relative qui rend compte d&rsquo;un contraste dans un contexte g&eacute;ographique donn&eacute;, plus int&eacute;ressante en didactique sur le plan interculturel que phon&eacute;tique du moment que la prononciation est intelligible) et accentuer&nbsp;(caract&eacute;ristique physique structurelle), emp&ecirc;che parfois d&rsquo;aborder &agrave; l&rsquo;oral ce qui est commun &agrave; la langue fran&ccedil;aise dans toute sa diversit&eacute; et les aspects prosodiques pertinents pour favoriser l&rsquo;apprentissage de la syntaxe, sans renier l&rsquo;originalit&eacute; de chacun.</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Les structures rythmiques &eacute;tant reli&eacute;es aux structures syntaxico-s&eacute;mantiques (Billi&egrave;res, 2014), le sens du rythme est aussi le rythme du sens. Etonnamment, cette relation entre les diff&eacute;rentes structures ne fait pas l&rsquo;objet d&rsquo;un enseignement sp&eacute;cifique ou explicite, l&rsquo;apprenant doit se d&eacute;brouiller et bricoler int&eacute;rieurement s&rsquo;il veut parvenir &agrave; faire cohabiter ces structures. La difficult&eacute; r&eacute;side &agrave; la fois dans la capacit&eacute; &agrave; prendre conscience de cette relation et &agrave; la modification (&agrave; volont&eacute; ou en situation naturelle) des habitudes prosodiques de la langue de r&eacute;f&eacute;rence pour percevoir et produire la prosodie cibl&eacute;e. Le crible prosodique reste un sujet d&rsquo;&eacute;tude ouvert (Borrell &amp;&nbsp;Salsignac, 2002) dans un contexte plus large de regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de la phon&eacute;tique du FLE &agrave; vis&eacute;e didactique (Sauvage, 2021). La n&eacute;cessit&eacute; de la modification de la conscience phonologique qui d&eacute;passe la m&eacute;moire et la compr&eacute;hension cognitive (Gardies &amp; Sauvage, 2021) dans l&rsquo;apprentissage de la phon&eacute;tique et surtout de la phonologie comme le rappellent les auteurs, montre l&rsquo;implication de la structure neurophysiologique &agrave; transformer. L&rsquo;appropriation de la grammaire ne semble pas concern&eacute;e par cette trans-formation au niveau de la conscience grammaticale, comme si la traduction s&rsquo;op&eacute;rait par le calque d&rsquo;une grammaire &agrave; une autre par le m&eacute;talangage uniquement sans tenir compte de la dis-position du corps. Pourtant, le caract&egrave;re authentique de la grammaire de l&rsquo;oral, naturelle pour ceux dont c&rsquo;est la langue premi&egrave;re, th&eacute;orique voire &eacute;sot&eacute;rique pour l&rsquo;apprenant en FLE, admet que les groupes rythmiques poss&egrave;dent bien une coh&eacute;rence et un ordre orient&eacute;s, entres autres, par l&rsquo;allongement de la syllabe finale accentu&eacute;e et les pauses segmentales (inter et intra) dans l&rsquo;interaction orale faisant le lien entre la prosodie et la morphosyntaxe (Bourvon, 2014) qui peut varier selon les idiosyncrasies de chacun puisque le rythme est &agrave; la fois un ph&eacute;nom&egrave;ne de langue et de parole (Billi&egrave;res, 2014). Ce qui signifie, selon nous, une vari&eacute;t&eacute; de rythmes au-del&agrave; du rythme propre &agrave; la langue qui nous &eacute;loigne d&rsquo;une vision harmonieuse d&rsquo;un accord m&eacute;taphysique parfait en langue avec les rythmes biologiques et cosmiques mais t&eacute;moignent &agrave; l&rsquo;inverse d&rsquo;un r&eacute;-accordage du langage entre l&rsquo;environnement naturel et social gr&acirc;ce &agrave; une construction historicis&eacute;e et individu&eacute;e de la langue. Se pose alors &agrave; l&rsquo;enseignant une exigence forte et un paradoxe didactique soulev&eacute; par Fran&ccedil;ois Wioland, comment relier un enseignement g&eacute;n&eacute;ral &agrave; des cas particuliers &eacute;tant donn&eacute; que l&rsquo;oral (le fran&ccedil;ais parl&eacute; pr&eacute;cis&eacute;ment) est toujours singulier, de m&ecirc;me que l&rsquo;&eacute;crit, (en plus d&#39;&ecirc;tre plurivoque) ?</p> <p><q>L&rsquo;oral et l&rsquo;&eacute;crit sont deux syst&egrave;mes distincts de structuration de la langue&nbsp;(Wioland, 2012 : 44).&nbsp;</q></p> <p style="text-align:justify">Distincts mais pas oppos&eacute;s, si l&rsquo;&eacute;crit souffre de plus en plus d&rsquo;un manque de valorisation de la grammaire, l&rsquo;oral n&rsquo;en est que plus d&eacute;ficitaire alors que l&rsquo;un et l&rsquo;autre pourraient se renforcer mutuellement au lieu de s&rsquo;exclure. En effet, le d&eacute;s&eacute;quilibre et le d&eacute;centrage n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;appropriation du fran&ccedil;ais n&rsquo;est pas seulement d&rsquo;ordre lexical ou grammatical, m&ecirc;me si les correspondances asym&eacute;triques entre lettres (les consonnes finales amu&iuml;es par exemple) et phon&egrave;mes provoquent de nombreuses frustrations chez certains apprenants &agrave; cause de l&rsquo;orthographe &eacute;tymologique pr&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; l&rsquo;orthographe phon&eacute;tique,mais intrins&egrave;quement et implicitement prosodique. L&agrave; encore, les repr&eacute;sentations visuelles pr&eacute;dominent au d&eacute;triment d&rsquo;autres sens.&nbsp;Le rythme prosodique entretient&nbsp;une relation &eacute;troite avec le rythme syntaxique et pas seulement &agrave; l&rsquo;oral&nbsp;:</p> <p><q>La syntaxe &eacute;pouse donc le mouvement d&rsquo;un dire qui se d&eacute;ploie progressivement dans l&rsquo;exercice de sa r&eacute;alisation. On aper&ccedil;oit alors que l&rsquo;&eacute;nonciation ne vient pas se couler dans un moule syntaxique qui lui pr&eacute;existerait, mais que c&rsquo;est l&rsquo;acte de langage lui-m&ecirc;me qui pr&eacute;side &agrave; l&rsquo;organisation, avec ses doutes, ses corrections, ses remords, ses retours en arri&egrave;re, ses arr&ecirc;ts, ses analogies. La phrase se cherche au fur et &agrave; mesure qu&rsquo;elle se d&eacute;ploie, et elle exhibe cette recherche, montrant son dire tout en construisant son objet&nbsp;(Bigot, 2010).</q></p> <p style="text-align:justify">Bien que ma&icirc;trisant les structures syntaxiques, l&rsquo;apprenant doit parvenir &agrave; (se) jouer de la syntaxe. Une conscience du rythme peut l&rsquo;aider dans cette voie pour d&eacute;passer la pure transposition et faciliter son d&eacute;ploiement. <span style="color:#000000;">&nbsp; &nbsp;&nbsp;</span></p> <h2 style="margin-bottom: 11px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:11pt"><span style="background:white"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Po&eacute;tique de l&rsquo;apprenant en langue &eacute;trang&egrave;re</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p>&nbsp;</p> <p>Le terme po&eacute;tique renvoie imm&eacute;diatement &agrave; la po&eacute;sie, que l&rsquo;on peut rapprocher de la po&iuml;&eacute;tique, de la cr&eacute;ation et de la fabrication. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, la po&eacute;tique fait &eacute;cho &agrave; tout ce qui permet d&rsquo;identifier et de d&eacute;gager les sp&eacute;cificit&eacute;s d&rsquo;une &oelig;uvre. A la diff&eacute;rence du sens commun de la communication (un moyen parmi d&rsquo;autres et non une fin en soi comme peut l&#39;&ecirc;tre le fait de&nbsp;signifier), la po&eacute;tique emp&ecirc;che la traduction transparente puisque la valeur du sens est irr&eacute;m&eacute;diable. De m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;oral, l&rsquo;apprenant ne peut traduire litt&eacute;ralement, d&rsquo;une langue &agrave; une autre, ce qu&rsquo;il dit. La po&eacute;tique surpasse le sens&nbsp;d&rsquo;un message mais n&rsquo;emp&ecirc;che pas la traduction, &agrave; condition, de chercher le rythme du langage et de la langue. Citons l&#39;exemple de Lucr&egrave;ce avec le po&egrave;me philosophique&nbsp;De natura rerum&nbsp;qui&nbsp;traduit&nbsp;Epicure,&nbsp;pourtant contre la po&eacute;sie, dans le sens latin (traducere) de&nbsp;faire passer, traverser, conduire au-del&agrave;, tel Charon mais sans d&eacute;naturer la pens&eacute;e ni le sujet de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; du Styx... L&rsquo;organisation complexe de la po&eacute;sie, pas seulement par ses signes mais par ses rythmes, &eacute;chappe aux lois de la communication commune aussi bien que son analyse minutieuse ne permet d&rsquo;aucune fa&ccedil;on la capacit&eacute; de produire un po&egrave;me (de m&ecirc;me pour la grammaire et davantage encore &agrave; l&rsquo;oral). Le po&egrave;me et la grammaire se travaillent d&rsquo;abord dans et par l&rsquo;exp&eacute;rience du sujet. La po&eacute;tique n&rsquo;existe pas seulement dans le po&egrave;me qui bien que repr&eacute;sentant sa r&eacute;alisation maximale, poss&egrave;de autant de variantes qu&rsquo;il y a de langage. La litt&eacute;rature, sous-entendue &eacute;crite, entretient un lien fort avec l&rsquo;oral souvent oubli&eacute; ou m&eacute;pris&eacute;. Reprenant les remarques du formaliste russe Ossip Brik, Robert Georgin consid&egrave;re une rythmique <q>inh&eacute;rente<a href="#ndp_3" name="lien_nbp_3">3</a>&nbsp;:</q></p> <p><q>Il existe une rythmique propre &agrave; chaque langue, qui fait partie de la structure de la langue et &agrave; laquelle aucun locuteur parlant cette langue, ne peut &eacute;chapper. La po&eacute;sie serait seulement un suremploi de cette rythmique, elle en rajouterait par rapport &agrave; ce qui est n&eacute;cessaire&nbsp;(Robert Georgin, 1977).</q></p> <p>Allant jusqu&rsquo;&agrave; pointer une correspondance naturelle&nbsp;inconsciente entre le rythme de la langue fran&ccedil;aise et celui de l&rsquo;alexandrin (expliquant son succ&egrave;s semble-t-il), Georgin affirme que l&rsquo;objectif de la po&eacute;sie classique vise &agrave; faire co&iuml;ncider la syntaxe &agrave; travers le temps fort avec la fin d&rsquo;un groupe rythmique qui forme un ensemble s&eacute;mantique coh&eacute;rent. Malgr&eacute; un abandon relatif &agrave; partir du romantisme, il semble que cette tendance se poursuive dans les vers libres. Mais la s&eacute;paration entre vers et prose subsiste, l&rsquo;exemple embl&eacute;matique du Bourgeois gentilhomme (Moli&egrave;re, 1671)&nbsp;tout ce qui n&rsquo;est point prose est vers&nbsp;; et tout ce qui n&rsquo;est point vers est prose&nbsp;illustre cette dichotomie, rythme po&eacute;tique du vers et prosification du parler sans rythme par son caract&egrave;re chaotique. Cette s&eacute;paration superficielle de la po&eacute;sie&nbsp;et de la prose ne saurait s&#39;appliquer ni dans le langage ni dans l&#39;apprentissage d&#39;une langue &eacute;trang&egrave;re car&nbsp;la reconnaissance po&eacute;tique du corps dans le&nbsp;langage et du rythme dans&nbsp;la langue, aussi bien en prose qu&rsquo;en vers, se retrouve au c&oelig;ur.</p> <p>Nous posons qu&rsquo;il existe une homologie avec l&rsquo;apprenant en langue et que la po&eacute;tique correspond &agrave; la rythmique particuli&egrave;re de l&rsquo;apprenant dans sa pratique la plus &eacute;l&eacute;mentaire de la langue en la traduisant et la r&eacute;-inventant sans cesse. Nous l&#39;oublions trop souvent, les langues sont des organismes vivants dont la vitalit&eacute; d&eacute;pend de locuteurs et d&rsquo;une pratique orale, les langues dites mortes&nbsp;ne sont plus parl&eacute;es ou seulement &eacute;crites. D&egrave;s lors, seules les repr&eacute;sentations visuelles sont possibles. Telle des notes de musique, des po&egrave;mes ou des pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre, l&rsquo;&eacute;crit s&#39;essouffle lorsqu&rsquo;il n&rsquo;entretient pas une relation &eacute;troite avec l&rsquo;oral. Le gueuloir de Flaubert rappelle ce lien oral-&eacute;crit qui traverse la litt&eacute;rature depuis l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e de Gilgamesh et la naissance de l&rsquo;&eacute;criture. Les po&egrave;mes sont au d&eacute;part destin&eacute;s &agrave; raconter oralement des mythes aux nouvelles g&eacute;n&eacute;rations, Les Mille et Une Nuits des contes moraux pour les nobles, les textes religieux pour &ecirc;tre r&eacute;cit&eacute;s par les croyants, L&rsquo;Ing&eacute;nieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche des nouvelles qui s&#39;encha&icirc;nent pour des gens se r&eacute;unissant aux moissons et ne sachant pas lire. La forme &eacute;crite ne se s&eacute;pare jamais de la forme orale qui lui pr&eacute;existe et lui donne forme bien que la litt&eacute;rature soit pr&eacute;sent&eacute;e en r&eacute;gime autarcique comme chez les structuralistes par l&#39;absence du sujet et de son historicit&eacute;.&nbsp;Les Essais&nbsp;dict&eacute;s par Montaigne t&eacute;moignent de l&rsquo;importance de la voix haute qui n&rsquo;a jamais si bien port&eacute;e son nom, et Paul Val&eacute;ry de fulminer dans une conf&eacute;rence (sur l&rsquo;orthographe&hellip;<a href="#ndp_4" name="lien_nbp_4">4</a>) contre l&rsquo;enseignement des Fables et des classiques&nbsp;:</p> <p><q>Croyez-vous que notre litt&eacute;rature, et singuli&egrave;rement notre po&eacute;sie, ne p&acirc;tisse pas de la n&eacute;gligence dans l&rsquo;&eacute;ducation de la parole&nbsp;? Que voulez-vous que devienne un po&egrave;te, un v&eacute;ritable po&egrave;te, un homme pour qui les sons du langage ont une importance &eacute;gale&nbsp;(&eacute;gale, vous m&rsquo;entendez bien&nbsp;!)&nbsp;&agrave; celle du sens&nbsp;? [&hellip;]&nbsp;La diction scolaire telle qu&rsquo;elle est pratiqu&eacute;e est tout bonnement criminelle. Allez donc entendre du&nbsp;La Fontaine, du Racine, r&eacute;cit&eacute; dans une &eacute;cole quelconque&nbsp;! La consigne est litt&eacute;ralement d&rsquo;&acirc;nonner, et, d&rsquo;ailleurs, jamais la moindre id&eacute;e du rythme, des assonances et des allit&eacute;rations qui constituent la substance sonore de la po&eacute;sie n&rsquo;est donn&eacute;e et d&eacute;montr&eacute;e aux enfants. On consid&egrave;re sans doute comme futilit&eacute;s ce qui est la substance m&ecirc;me de la po&eacute;sie. Mais, en revanche, on exigera des candidats aux examens une certaine connaissance de la po&eacute;sie et des po&egrave;tes. Quelle &eacute;trange connaissance&nbsp;! N&rsquo;est-il pas &eacute;tonnant que l&rsquo;on substitue cette connaissance purement abstraite (et qui n&rsquo;a d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;un lointain rapport avec la po&eacute;sie), &agrave; la sensation m&ecirc;me du po&egrave;me&nbsp;? Cependant qu&rsquo;on exige le respect de la partie absurde de notre langage, qui est sa partie orthographique, on tol&egrave;re la falsification la plus barbare de la partie phon&eacute;tique, c&rsquo;est-&agrave;-dire la langue vivante. L&rsquo;id&eacute;e fondamentale semble ici, comme en d&rsquo;autres mati&egrave;res, d&rsquo;instituer des moyens de contr&ocirc;le&nbsp;faciles, car rien n&rsquo;est plus facile que de constater la conformit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un texte, ou sa non-conformit&eacute;, avec l&rsquo;orthographe l&eacute;gale, aux d&eacute;pens de la v&eacute;ritable connaissance, c&rsquo;est-&agrave;-dire de la sensation po&eacute;tique. L&rsquo;orthographe est devenue le crit&eacute;rium de la belle &eacute;ducation, cependant que le sentiment musical, le nombre et le dessin des phrases ne jouent absolument aucun r&ocirc;le dans les &eacute;tudes ni dans les &eacute;preuves&hellip;&nbsp;(Val&eacute;ry, 1935).</q></p> <p>Alors que le rythme s&rsquo;illustrait en po&eacute;sie, il tend paradoxalement &agrave; s&rsquo;effacer par une pr&eacute;valence des signes orthographiques, d&rsquo;une glose faisant abstraction des sensations physiques, et d&rsquo;une inconscience du rythme parolier qui ne se limite pas &agrave; la litt&eacute;rature. Si le rythme est l&rsquo;organisation du mouvement de la parole, Meschonnic compl&egrave;te sa d&eacute;finition en y ajoutant par un sujet&nbsp;(Meschonnic, 1998 : 28). Le rythme po&eacute;tique est celui du rythme du discours qui va produire un sens&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;exp&eacute;rience du sujet se fait jour et se reconna&icirc;t parmi d&rsquo;autres. Nous reprenons ici &agrave; notre compte dans le domaine du FLE cette notion de la critique litt&eacute;raire car elle nous para&icirc;t poser distinctement l&rsquo;enjeu de l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re repr&eacute;sentant un conflit entre la connaissance du g&eacute;n&eacute;ral et la connaissance du singulier&nbsp;(Meschonnic, 2005 : 61).&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Dans ce cas, la po&eacute;tique ne d&eacute;finit pas ce qui correspond &agrave; une vision traditionnelle du po&egrave;me mais &agrave; l&rsquo;historicisation de la parole chez l&rsquo;apprenant et la transformation qui va s&rsquo;op&eacute;rer en lui par un rythme sp&eacute;cifique&nbsp;:</p> <p><q>Il convient &agrave; pr&eacute;sent d&rsquo;aller plus loin et de montrer que le rythme n&rsquo;est pas li&eacute; par nature &agrave; une dimension &quot;po&eacute;tique&quot;&nbsp;du langage. Il est de la logique de l&rsquo;&eacute;volution du savoir sur le langage et sur la litt&eacute;rature, que la notion de rythme ne puisse plus opposer un texte en langage dit &quot;ordinaire&quot;&nbsp;ou &quot;prosa&iuml;que&quot;&nbsp;et un texte en langage dit &quot;po&eacute;tique&quot;. Ce qui ne veut pas dire que ces objets de langage ne soient pas distincts, mais leur sp&eacute;cificit&eacute; ne tient pas &agrave; la pr&eacute;sence ou &agrave; l&rsquo;absence de rythme&nbsp;: elle repose sur le statut de leur rythme, ce qui n&rsquo;est pas la m&ecirc;me chose&nbsp;(Meschonnic, 2005 : 4).</q></p> <p>Sortir de l&rsquo;id&eacute;alisation du rythme (vague, arbitraire, psychologique et esth&eacute;tique) revient &agrave; ne plus chercher &agrave; l&rsquo;enfermer &agrave; travers une structure rigide id&eacute;ale que l&rsquo;on pourrait singer par une im-posture. Il existe d&#39;ailleurs un risque de robotiser l&rsquo;apprenant ou&nbsp;de fossiliser une accentuation sur le mode de la langue de r&eacute;f&eacute;rence. Forc&eacute;ment ouverte, la didactique du FLE, autant que la th&eacute;orie du langage, ne peut &ecirc;tre dogmatique ni univoque. La po&eacute;tique du langage&nbsp;implique un sujet pluriel dont l&#39;historicit&eacute; et l&#39;&eacute;thique par le mouvement du langage le transforme en acte po&eacute;tique &eacute;loign&eacute; du cadavre ex-libris o&ugrave; le signe et le rythme se chor&eacute;graphient sans dynamisme.&nbsp;Ainsi, le rythme constitue&nbsp;la mati&egrave;re du sens qui pr&eacute;c&egrave;de le sens (Meschonnic, 1982 : 83) o&ugrave; le corps du sujet int&eacute;gr&eacute; dans des&nbsp;rapports subjectifs-sociaux&nbsp;d&eacute;joue les mots pour retrouver l&rsquo;&eacute;lan musculaire avant et apr&egrave;s la trahison de l&rsquo;&eacute;nonciation et de la traduction. Perdre le rythme revient &agrave; perdre la vie du langage, schibboleth imparable.&nbsp;La langue, &eacute;manation et construction particuli&egrave;re du langage va d&eacute;velopper gr&acirc;ce aux caisses de r&eacute;sonance du corps, des rythmes dont la musicalit&eacute;&nbsp;s&#39;appr&eacute;cie selon diverses modalit&eacute;s : affectives, sociales, culturelles, physiques.</p> <h2>4. Conversion et mesure de la position du corps&nbsp;</h2> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Nous cherchons donc &agrave;&nbsp;inventer une didactique s&eacute;mantique r&eacute;unissant le rythme et le corps apprenant (Lapaire, 2014) comme approche&nbsp;apte &agrave; cr&eacute;er de nouveaux sentiers dans l&rsquo;enseignement-apprentissage du FLE. Ad augusta per angusta, apprendre une langue &eacute;trang&egrave;re pour le plaisir, le travail ou l&rsquo;&eacute;cole, rel&egrave;ve toujours d&rsquo;op&eacute;rations mentales complexes, non-lin&eacute;aires, chaotiques, dynamiques. Au-del&agrave; de l&#39;opposition entre art et science, c&#39;est la mise en jeu d&#39;une pens&eacute;e.&nbsp;Penser le langage &agrave; partir du rythme, revient &agrave; lancer une nouvelle &eacute;nigme &agrave; l&#39;enseignant&nbsp;et un&nbsp;d&eacute;fi significatif &agrave; l&#39;apprenant. A l&rsquo;inverse de la psychanalyse qui cherche &agrave; circonscrire le corps par le&nbsp;langage, nous posons un rapport po&eacute;tique &agrave; la langue qui fait toujours entrer du corps dans le langage, la philosophie ne s&rsquo;oppose pas dans cette optique &agrave; la po&eacute;sie&nbsp;:</p> <p><q>Sans philosophie, le po&egrave;te reste inaccompli - sans po&eacute;sie, le penseur - le critique - reste, &eacute;galement, inaccompli (Novalis cit&eacute; par Meschonnic, 1970 : 12).&nbsp;</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Pour acc&eacute;der &agrave; la sagesse, les premiers philosophes originaires d&rsquo;Inde (Pol-Droit, 2004), appel&eacute;s gymnosophistes (sages nus), d&eacute;ambulaient tels quels et ont inspir&eacute; par la suite les philosophes grecs dont les p&eacute;ripat&eacute;ticiens (qui se prom&egrave;nent en discutant) d&rsquo;Aristote. Diff&eacute;rentes &eacute;coles vont na&icirc;tre dont les sto&iuml;ciens, les &eacute;picuriens et les cyniques (certains appel&eacute;s &agrave; tort pr&eacute;socratiques). Le corps en mouvement est au centre de la pens&eacute;e et de la pratique philosophique car celle-ci vise &agrave; mieux vivre, ou mourir, &agrave; l&rsquo;inverse de la cr&eacute;ation de concepts abstraits qui ont envahi depuis les enseignements. Ainsi, certaines &eacute;coles pratiquent des exercices<a href="#ndp_5" name="lien_nbp_5">5</a>&nbsp;spirituels<a href="#ndp_6" name="lien_nbp_6">6</a>&nbsp;comme le remarquent Michel Foucault et surtout Pierre Hadot. Si on les retrouve dans la philosophie contemporaine chez Goethe, Husserl, Bergson, Merleau-Ponty ou Wittgenstein, la philosophie antique se caract&eacute;rise d&rsquo;abord par une volont&eacute; en acte de se transformer dans tous les aspects de la vie. Ce n&rsquo;est pas un m&eacute;tier mais un travail sur soi qui ne s&rsquo;arr&ecirc;te jamais. Pierre Hadot pr&eacute;cise :</p> <p><q>pour produire un effet de formation : le philosophe voulait faire travailler les esprits de ses lecteurs ou auditeurs, pour qu&rsquo;ils se mettent dans une certaine disposition (Hadot, 2003).&nbsp;</q></p> <p>Former plut&ocirc;t qu&rsquo;informer, par des exercices&nbsp;exp&eacute;riment&eacute;s,&nbsp;existentiels,&nbsp;une pratique destin&eacute;e &agrave; op&eacute;rer un changement radical de l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;ou la d&eacute;couverte d&rsquo;un&nbsp;nouvel univers mental&nbsp;pour le sujet (Misrahi, 2011). La le&ccedil;on de philosophie se transmet &agrave; l&rsquo;oral car les philosophes n&rsquo;&eacute;crivent pas &agrave; ce moment-l&agrave;. A ce titre,&nbsp;Euclide de M&eacute;gare (&agrave; ne pas confondre avec&nbsp;le c&eacute;l&egrave;bre math&eacute;maticien) n&#39;est pas vraiment consid&eacute;r&eacute; comme un philosophe puisqu&#39;il a besoin de consigner le dialogue entre Th&eacute;&eacute;t&egrave;te et Socrate.&nbsp;Connot&eacute;e religieusement, la conversion vise &agrave; un retournement, changer de direction et donc de position. Philosophie et po&eacute;sie se retrouvent, les atomistes antiques employaient d&#39;ailleurs une m&eacute;thode po&eacute;tique pour tenter d&#39;expliquer le monde physique, la th&eacute;orie des simulacres. Les exercices quotidiens, concrets et pratiques, des philosophes rejoignent le travail laborieux&nbsp;de l&rsquo;apprenant en langue comme le souligne Akira Mizubayashi :</p> <p><q>Mais j&rsquo;eus une musique &agrave; moi seul, c&rsquo;&eacute;tait le fran&ccedil;ais. Personne dans ma famille ne s&rsquo;en aper&ccedil;ut. Car cette langue venue d&rsquo;ailleurs &eacute;tait pour moi l&rsquo;objet d&rsquo;un travail laborieux, d&rsquo;un exercice patient, d&rsquo;une discipline asc&eacute;tique de tous les jours comme l&rsquo;a &eacute;t&eacute; le violon pour mon fr&egrave;re qui se l&rsquo;est appropri&eacute;, incorpor&eacute; pour en lib&eacute;rer la musique&nbsp;(Mizubayashi, 2013 : 39).</q></p> <p>L&rsquo;appropriation se fait jour par l&rsquo;incorporation. Mais du pourchas actuel de&nbsp;l&#39;incorporation de la langue &agrave;&nbsp;l&#39;acquisition du langage, les&nbsp;questionnements sur les modes d&#39;apparition et les modalit&eacute;s d&#39;int&eacute;riorisation sont anciens.&nbsp;De l&#39;antiquit&eacute; chinoise avec Lao Tseu, Confucius ou Xun Zi au mythe de la Tour de Babel dans la Gen&egrave;se, les conceptions du langage sont au centre des d&eacute;bats (philosophiques et&nbsp;religieux)&nbsp;pour d&eacute;terminer&nbsp;la place de l&#39;Homme dans l&rsquo;ordre cosmique et divin. Au XIXe si&egrave;cle, le conventionnalisme repris par Wilhelm Von Humboldt, pionnier de la philosophie du langage qui inspira Saussure pour dominer la linguistique contemporaine r&eacute;active&nbsp;les d&eacute;bats entam&eacute;s durant&nbsp;l&#39;antiquit&eacute; grecque. Dans le Cratyle, Platon met en sc&egrave;ne deux visions apparemment antagonistes de l&rsquo;origine du langage : la langue d&eacute;termin&eacute;e par la&nbsp; nature (position de Cratyle, disciple d&rsquo;H&eacute;raclite) et celle &eacute;tablie par la convention des hommes (position d&rsquo;Hermog&egrave;ne, disciple de Parm&eacute;nide) &agrave; partir de noms &eacute;tablis par des signes et form&eacute;s par un&nbsp;l&eacute;gislateur&nbsp;pour parvenir &agrave; la&nbsp;justesse.&nbsp;Entre les deux philosophes appara&icirc;t Socrate, sollicit&eacute; imm&eacute;diatement pour arbitrer et trancher le d&eacute;bat. Or, le fils (symbolique) d&rsquo;un sculpteur et d&rsquo;une sage-femme va choisir la mesure pour r&eacute;fl&eacute;chir avec ses camarades, s&rsquo;approcher (et accoucher) de la v&eacute;rit&eacute;. La ma&iuml;eutique et l&rsquo;heuristique de Socrate, son attitude ouverte &agrave; la discussion et &agrave; l&rsquo;&eacute;change, permet une interaction et une remise en cause des th&egrave;ses avanc&eacute;es. Pour Socrate, le langage n&rsquo;est qu&rsquo;une imitation approximative du r&eacute;el et ne peut donc incarner la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;objet mais une image qui tente d&rsquo;&ecirc;tre la plus repr&eacute;sentative possible sans pouvoir &eacute;tablir, ni une th&eacute;orie linguistique suffisante, ni une connaissance absolue de la r&eacute;alit&eacute; (les&nbsp;choses m&ecirc;mes). La distinction des termes s&rsquo;effectue par rapport aux autres &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un syst&egrave;me singulier dont le passage &agrave; un autre emp&ecirc;che l&rsquo;exactitude de la valeur. Le dualisme platonicien que l&rsquo;on retrouve dans la binarit&eacute; du signe (signifiant/signifi&eacute;) emp&ecirc;che finalement d&rsquo;envisager l&rsquo;origine du langage en &eacute;vacuant la question de la n&eacute;gativit&eacute; ainsi que les porosit&eacute;s et les asp&eacute;rit&eacute;s de la parole que l&rsquo;on retrouve dans l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue. L&rsquo;oral rel&egrave;ve de l&rsquo;instant, de subtilit&eacute;s et d&rsquo;implicites qui renvoient au monde sensible et au monde intelligible. Socrate, pour cl&ocirc;re sans conclure le dialogue entre Cratyle et Hermog&egrave;ne, admet que le langage est affaire de repr&eacute;sentations mais imparfaites donc humaines.</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Platon, &agrave; plusieurs reprises, s&#39;en prend &agrave; la&nbsp;fameuse locution de Protagoras&nbsp;L&rsquo;homme est la mesure de toute chose o&ugrave; le sens du monde est invent&eacute; par la m&eacute;diation de l&rsquo;homme pour convenir et former un langage, Hermog&egrave;ne admet donc la cr&eacute;ation humaine derri&egrave;re la langue.&nbsp;Le sophiste&nbsp;influence &eacute;galement Th&eacute;&eacute;t&egrave;te qui d&eacute;fend une vision relativiste de la connaissance. Socrate en d&eacute;saccord&nbsp;avec&nbsp;cette th&egrave;se, n&#39;en reconna&icirc;t pas moins les qualit&eacute;s de son adversaire id&eacute;ologique dans ce qui constitue les bases d&#39;une discussion&nbsp;o&ugrave; deux intelligences s&#39;affrontent. Dans le dialogue &eacute;ponyme,&nbsp;Protagoras consid&egrave;re&nbsp;la perception comme premi&egrave;re dans la formation du jugement et de la v&eacute;rit&eacute;. Celui pour qui&nbsp;la partie la plus importante de l&#39;&eacute;ducation consiste &agrave; &ecirc;tre un connaisseur en po&eacute;sie, &eacute;vacue (en partie) les divinit&eacute;s&nbsp;du ciel, en postulant le d&eacute;terminisme de l&rsquo;homme &agrave; devoir se d&eacute;terminer, malgr&eacute; l&rsquo;anthropocentrisme&nbsp;et les risques de solipsisme, &oelig;uvrant par cons&eacute;quent &agrave;&nbsp;un appel &agrave; la mesure que l&rsquo;on retrouve finalement chez Socrate (Connais-toi toi-m&ecirc;me). Ainsi, le positionnement de son corps dans l&rsquo;ordre physique devient l&rsquo;enjeu d&rsquo;une connaissance d&eacute;butant &agrave; partir de soi et qui loin de se limiter &agrave; l&rsquo;Homme, renverra toujours &agrave; un point de vue humain. Les conceptions po&eacute;tiques ou philosophiques du langage, dont nous exposons ici une infimit&eacute; parmi une infinit&eacute; (puisqu&#39;il y a autant de conceptions que de corps), permettent d&#39;enrichir et de d&eacute;passer (en for&ccedil;ant le trait) l&#39;&eacute;pist&eacute;m&egrave;&nbsp;dominante&nbsp;en didactique du FLE qui consiste &agrave; dissoudre la signifiance des sujets et &agrave; &eacute;vacuer la dimension historique du langage.&nbsp;La mesure (du rythme) de sa position s&rsquo;oppose ainsi au calcul des b&eacute;n&eacute;fices d&#39;un capital social ou d&#39;un(e) mode de&nbsp;gestion indiscutable et universel de la langue. Subs&eacute;quemment, peu importe que les mots trompent ou soient insuffisants, l&#39;&oelig;uvre de l&rsquo;apprenant (autant que du po&egrave;te ou du philosophe), tente de pr&eacute;ciser sans cesse sa pens&eacute;e, en tension, quelle que soit la forme des circonvolutions verbales.&nbsp;S&rsquo;approprier une langue constitue une conqu&ecirc;te vers l&#39;inconnu&nbsp;&agrave; bien des &eacute;gards, une qu&ecirc;te avec autrui comme port d&rsquo;attache et nouvel horizon. Pour transformer cette errance en odyss&eacute;e, la perception et la conscience de cette aventure improbable se re-lient &eacute;troitement. Nous encourageons donc &agrave; prendre (la) mesure de la langue qu&rsquo;introduit l&rsquo;acte de parole et la mise en perspective singuli&egrave;re de soi et du monde dans la diversit&eacute; des langues. Pour ce faire, nous proposons une d&eacute;-marche o&ugrave; le rythme de la parole correspond &agrave; une&nbsp;mesure interne des sens et du sens.&nbsp;Pour replacer le rythme au c&oelig;ur du discours, Henri Meschonnic&nbsp;privil&eacute;gie le continu pour sortir d&#39;une repr&eacute;sentation du langage abstraite du corps&nbsp;:</p> <p><q>Il me semble que la relation ne peut pas s&#39;expliquer par les mots, en reliant sapor &agrave; sapientia, et qu&#39;elle suppose une th&eacute;orie du corps dans le langage, donc du rythme (Meschonnic, 1982 : 84).&nbsp;&nbsp;</q></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">Ainsi, le corps &agrave; travers le rythme est per&ccedil;u comme &eacute;l&eacute;ment inh&eacute;rent &agrave; la linguistique de l&rsquo;&eacute;nonciation comme le propose Benveniste avant lui. C&rsquo;est pourquoi dans sa Critique du rythme, Meschonnic le place au centre de la production de sens :</p> <p><q>Parce que le rythme n&rsquo;est pas seulement un secteur du langage parmi d&rsquo;autres, un niveau linguistique, comme le lexique ou la syntaxe, mais que, plus puissamment, il peut &ecirc;tre pris comme la structuration d&rsquo;ensemble de tous les signifiants, il est l&rsquo;inscription du sujet dans l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&oelig;uvre comme syst&egrave;me de valeurs de langage, &agrave; travers le sens&nbsp;(Meschonnic, 1982 : 363).&nbsp;</q></p> <p>Seul ou en interaction, notre corps d&eacute;ploie et module des rythmes vari&eacute;s, fixes et en mouvement, qui se r&eacute;-accordent et s&rsquo;enchev&ecirc;trent en permanence.&nbsp;Contre la lin&eacute;arit&eacute; de la m&eacute;trique et pour l&rsquo;historicit&eacute; du langage (Meschonnic, 1982 : 21), le rythme consid&eacute;r&eacute; comme l&#39;organisation du mouvement de la parole&nbsp;(Meschonnic, 1999) repr&eacute;sente le corps du langage c&#39;est-&agrave;-dire&nbsp;ni de la chair (incarnation ou viande) ni juste de la cognition&nbsp;(neurones) car le po&egrave;me ne se r&eacute;sume &agrave; aucun de ces &eacute;l&eacute;ments. Le rythme du sens constitue&nbsp;in fine&nbsp;le rythme du sens dans la force de son mouvement qui emporte tous les rythmes (s&eacute;mantiques, syntaxiques, prosodiques, etc)<a href="#ndp_7" name="lien_nbp_7">7</a>. La conversion &agrave; un rythme nouveau passe donc par l&rsquo;int&eacute;gration du corps dans le rythme de l&rsquo;apprenant et &agrave; sa mesure.</p> <h2 style="margin-bottom: 11px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:11pt"><span style="background:white"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:18.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">5. Pour une grammaire p&eacute;dagogique dans&nbsp;une didactique&nbsp;s&eacute;mantique</span></span></span></span></span></span></span></h2> <p>&nbsp;</p> <p>Comme le r&eacute;p&egrave;te&nbsp;avec entrain Michel Billi&egrave;res,&nbsp;la parole est mouvement.&nbsp;La prendre ou la recevoir revient &agrave; se re-positionner&nbsp;sans forc&eacute;ment en avoir conscience, dans des environnements familiers et incertains, ainsi en va-t-il de la grammaire.&nbsp;Tel le proverbe h&eacute;raclit&eacute;en&nbsp;on ne se baigne jamais deux fois dans le m&ecirc;me fleuve, on ne dit jamais deux fois la m&ecirc;me chose, m&ecirc;me si ce qu&rsquo;on&nbsp;r&eacute;p&egrave;te&nbsp;a le m&ecirc;me sens &agrave; cause de&nbsp;perp&eacute;tuels changements, le rythme et la voix ne peuvent jamais &ecirc;tre identiques. La traduction d&rsquo;un individu &agrave; un autre ou d&rsquo;une langue &agrave; une autre, ne peut se revendiquer transparente et id&eacute;ale. Chaque m&eacute;moire s&rsquo;inscrit dans une m&eacute;moire plus large. Si notre langue maternelle &agrave; laquelle nous nous identifions nous fa&ccedil;onne et reste notre r&eacute;f&eacute;rence, notre rapport aux langues &eacute;trang&egrave;res ne va pas de soi. La parole, m&ecirc;me int&eacute;rieure et/ou &agrave; soi, rencontre et re&ccedil;oit les mots d&rsquo;autrui pour y adh&eacute;rer ou non. La diversit&eacute; et&nbsp;la nuance des discours va produire un &eacute;cho chez l&rsquo;apprenant o&ugrave; diff&eacute;rentes voix vont s&rsquo;entrelacer et provoquer un rapport singulier d&rsquo;identification et d&rsquo;affection.&nbsp;Ce bouleversement ne peut s&rsquo;engendrer que par une m&eacute;ta-morphose&nbsp;de l&rsquo;apprenant. Plus que l&rsquo;acquisition d&rsquo;une posture co&ucirc;teuse en &eacute;nergie et inappropri&eacute;e, il s&rsquo;agit pour l&rsquo;apprenant de se positionner ad&eacute;quatement dans&nbsp;la partie individuelle du langage, c&rsquo;est-&agrave;-dire la parole y compris la phonation&nbsp;(Saussure, [1916] 2002) pour se construire une place dans la langue et dans son rythme. Cette &eacute;cologie du langage constitue alors une transformation int&eacute;rieure qui affecte la subjectivit&eacute; et le regard pos&eacute; sur le monde ou comme le souligne Humboldt :&nbsp;la conqu&ecirc;te d&rsquo;une perspective nouvelle et le renouvellement de la vision du monde qui dominait jusque-l&agrave;&nbsp;(Humboldt,&nbsp;[1830] 1974 : 199). Ce r&eacute;arrangement de soi relie le rythme intrins&egrave;que du corps &agrave; celui&nbsp;extrins&egrave;que du&nbsp;cosmos, mais le langage demeure in&eacute;dit.&nbsp;Le sens r&eacute;side ainsi dans la saisie des sens, et dont l&rsquo;essence se transmet, imparfaitement certes, par le mouvement de l&rsquo;agencement des sons. Cette appropriation po&eacute;tique d&eacute;vie&nbsp;de l&rsquo;id&eacute;e que ma&icirc;triser une langue consiste &agrave; s&rsquo;adapter &agrave; des situations de communications st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es et purement fonctionnelles. Le d&eacute;s&eacute;quilibre de la d&eacute;-marche qui re-d&eacute;finit notre rapport &agrave; l&rsquo;autre induit par ce pas de c&ocirc;t&eacute; va engendrer l&rsquo;humanit&eacute; du sujet po&egrave;te tel un a&egrave;de o&ugrave; marcher, parler et penser ne forment qu&rsquo;un seul mouvement&nbsp; (Pol-Droit, 2016 : 2). Ce processus est l&rsquo;expression d&rsquo;une danse<a href="#ndp_8" name="lien_nbp_8">8</a>, avec ses premiers pas, ses balbutiements, ses rythmes im-propres, im-probables et chaotiques, dont l&rsquo;arythmie se r&eacute;sout par l&rsquo;&eacute;veil, la&nbsp;sensibilisation et l&#39;&eacute;coute. Le corps et la parole ne forment plus qu&rsquo;un. L&rsquo;apprenant ne saurait copier &agrave; l&rsquo;identique ses pr&eacute;d&eacute;cesseurs car vouloir imiter permet d&rsquo;apprendre mais ne peut consister sur la dur&eacute;e qu&rsquo;&agrave; singer illusoirement tandis que chacun &eacute;volue dans un monde subjectif et sui generis dont l&rsquo;&eacute;nonciation est modifiable &agrave; l&#39;infini. Dans l&rsquo;exp&eacute;rience de la langue, le corps po&eacute;tique se frotte au r&eacute;el de la langue dans la mat&eacute;rialit&eacute; sonore et dans le d&eacute;voilement de sa propre sculpture. Une question &eacute;pineuse d&rsquo;&eacute;piderme, o&ugrave; l&rsquo;on passe du chaos &agrave; la forme pour d&eacute;-finir la mise en suspens du mouvement originel, et dont l&rsquo;exp&eacute;rience po&eacute;tique n&rsquo;est pas forc&eacute;ment compr&eacute;hensible ni traduisible d&egrave;s le d&eacute;but. Une d&eacute;marche rythmique peut en partie r&eacute;pondre &agrave; cette qu&ecirc;te sensuelle, existentielle et &eacute;mancipatrice.</p> <p style="margin-bottom:11px">Si le langage structure notre pens&eacute;e, la langue sugg&egrave;re beaucoup plus qu&rsquo;elle ne peut l&#39;exprimer avec des mots. Selon Meschonnic, il n&rsquo;existe que la po&eacute;tique &agrave; m&ecirc;me de cr&eacute;er une th&eacute;orie du langage en tant que th&eacute;orie du sujet par sa capacit&eacute; r&eacute;flexive et critique des repr&eacute;sentations du langage. Par cons&eacute;quent, une approche concr&egrave;te peut donc permettre aux apprenants de prendre mesure de la non co&iuml;ncidence du rythme gr&acirc;ce aux formes des processus d&rsquo;appropriation, sans tomber dans le formalisme. Le terme concret s&rsquo;oppose &agrave; ce qui est abstrait, et tend &agrave; appliquer des savoirs th&eacute;oriques (ou pas) dans la vie r&eacute;elle (pl&eacute;onasme nous en convenons). Ce qui est concret renvoie &agrave; ce qui est r&eacute;el, tangible, perceptible&nbsp;et se rattache &agrave; la substance. C&rsquo;est donc &agrave; partir de ce pr&eacute;suppos&eacute; et en nous inspirant de la psychologie concr&egrave;te de Georges Politzer que nous pouvons donner de l&rsquo;&eacute;paisseur &agrave; l&rsquo;&eacute;toffe de l&#39;exp&eacute;rience&nbsp;du corps apprenant et &agrave; l&#39;appropriation d&#39;un&nbsp;nouveau monde langagier &agrave; inscrire dans sa vie :</p> <p><q>Si l&#39;on commence par d&eacute;tacher les faits psychologiques de l&#39;individu singulier, on se situe, d&#39;embl&eacute;e, sur un plan abstrait, sur le plan des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s avec lesquelles travaillent les psychologues. On se mouvra donc au milieu des consid&eacute;rations qui resteront au-dessous ou au-dessus de l&#39;individu particulier, et comme celui-ci seul peut introduire dans la th&eacute;orie la diversit&eacute; concr&egrave;te qui la rend applicable aux cas particuliers, l&#39;abstraction aboutit forc&eacute;ment &agrave; la tautologie, et c&#39;est le hasard qui devra remplir le vide cr&eacute;&eacute; par l&#39;&eacute;limination du concret individuel. L&#39;exp&eacute;rience ne nous pr&eacute;sente, en effet, que des faits individuels, mais comme on s&#39;est condamn&eacute; par l&#39;abstraction &agrave; ne pouvoir invoquer que des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s, on sera forc&eacute;, &agrave; propos de chaque cas individuel, de r&eacute;p&eacute;ter des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s, et l&#39;explication sera incapable de se modeler sur le fait &agrave; expliquer&nbsp;(Politzer, 1928 : 35).&nbsp;</q></p> <p>Pour proc&eacute;der &agrave; une individuation de l&rsquo;apprentissage et participer &agrave; une &eacute;nonciation singuli&egrave;re, nous sugg&eacute;rons de passer par une perspective organismique. Se d&eacute;couvrir, se mettre &agrave; nu et devenir autre sans jamais renoncer &agrave; soi. Nonobstant, il ne s&rsquo;agit pas de devenir un acteur qui surjoue et th&eacute;&acirc;tralise une prestation&nbsp;lorsqu&rsquo;il parle une autre langue qui lui reste &eacute;trang&egrave;re. Au contraire, il s&rsquo;agit plut&ocirc;t de devenir une sorte de com&eacute;dien, au sens de Louis Jouvet (qui n&#39;est pas jouer la com&eacute;die) mais&nbsp;se r&eacute;invente et r&eacute;invente la langue, capable de se re-produire autant qu&rsquo;il le souhaite afin de transmettre sa singularit&eacute; au-del&agrave; des mots qu&rsquo;il emploie et d&rsquo;affronter&nbsp;bien des m&eacute;prises et des surprises&nbsp;(Jouvet, 2009 : 90). Nous l&rsquo;avons mentionn&eacute; plus haut, il existe une imbrication intrins&egrave;que des composantes linguistiques, mais aussi un lien entre appropriation prosodique et appropriation syntaxique. Nous ne parlons pas avec des phrases mais avec des &eacute;nonc&eacute;s divis&eacute;s en groupes rythmiques ou en mots phon&eacute;tiques. Ce qui veut dire que nous ne respectons pas la ponctuation d&rsquo;un texte souvent d&eacute;finie comme la possibilit&eacute; de respirer ou de reprendre son souffle qui pourtant ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas. D&rsquo;apr&egrave;s notre exp&eacute;rience d&rsquo;enseignant, nous remarquons une grande difficult&eacute; &agrave; s&rsquo;exprimer pour les apprenants ma&icirc;trisant mal, souvent inconsciemment, le lien entre le rythme, la grammaire et l&rsquo;&eacute;nonciation. Bien que les r&egrave;gles puissent &ecirc;tre&nbsp; ma&icirc;tris&eacute;es, les difficult&eacute;s pour s&rsquo;exprimer &agrave; l&rsquo;oral, structurer un discours ou maintenir une interaction, appara&icirc;ssent sous l&rsquo;effet du stress et d&rsquo;automatismes insuffisamment incorpor&eacute;s. M&ecirc;me avec un texte &eacute;crit, la ponctuation ne constitue pas les limites du rythme &agrave; respecter mais un balisage graphique pour faciliter la lecture et non le dire. Pour illustrer notre propos, nous reprenons &agrave; notre compte l&rsquo;exemple souvent cit&eacute; par Jean-Laurent Cochet d&#39;une c&eacute;l&egrave;bre fable de La Fontaine. Le premier vers :&nbsp;Ma&icirc;tre Corbeau, sur un arbre perch&eacute;,&nbsp;nous am&egrave;ne &agrave; la question suivante, qui est perch&eacute; ? Est-ce l&rsquo;arbre ou le corbeau ? Cette erreur souvent commise d&eacute;montre &agrave; quel point le rythme est li&eacute; au(x) sens, et donc le pr&eacute;alable &agrave; une parole juste&nbsp;dont l&rsquo;enseignant doit tenter de faire prendre mesure aux apprenants.&nbsp;Mutatis Mutandis, l&rsquo;apprenant cherche&nbsp;&agrave; intercaler la grammaire &eacute;trang&egrave;re avec le rythme de sa parole, sans cesse renouvel&eacute;.&nbsp;</p> <p>Tout au long de cet article, nous avons essay&eacute; de tracer une autre fa&ccedil;on de consid&eacute;rer la grammaire dans une conception po&eacute;tique du langage&nbsp;afin d&rsquo;engendrer une conversion philosophique de l&rsquo;apprenant qui n&rsquo;est pas nouvelle mais m&eacute;rite d&rsquo;exister et d&rsquo;&ecirc;tre pratiqu&eacute;e en didactique du FLE. Le corps, r&eacute;ceptacle et caisse de r&eacute;sonance de la vitalit&eacute; de l&rsquo;apprenant s&rsquo;accorde et se positionne par rapport &agrave; la langue &eacute;trang&egrave;re qu&#39;elle habite. Si bien qu&rsquo;avant la naissance et la parole, l&rsquo;&eacute;mergence de la proprioception (Whitehead, Meek &amp; Fabrizi, 2018) et de la prosodie (Dodane, 2020) sont d&eacute;j&agrave; d&eacute;terminantes dans la constitution d&rsquo;une sensibilit&eacute; n&eacute;cessaire au d&eacute;veloppement sensori-moteur et langagier. La corpor&eacute;it&eacute; de la parole encourage donc &agrave; une corporisation de la didactique et de la grammaire qui ne soit pas d&rsquo;ordre conceptuel, immense chapelle, mais existentiel, humble b&acirc;tisse &agrave; sa mesure. D&egrave;s l&rsquo;antiquit&eacute;, aussi bien chez les Socratiques, les Sophistes ou les Atomistes, et dans la continuit&eacute; des recommandations d&rsquo;Henri Portine, la grammaire s&rsquo;inscrivait dans un ensemble prop&eacute;deutique et p&eacute;dagogique initi&eacute; par l&rsquo;enkuklios paideia&nbsp;(encyclop&eacute;die) &agrave; Alexandrie au IIe si&egrave;cle environ avant J.-C., lieu de naissance de la grammaire occidentale et de la philologie (Portine, 1999). Afin de favoriser la circularit&eacute; de la parole tant &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de soi qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de l&rsquo;interaction, l&rsquo;activit&eacute; discursive de l&rsquo;apprenant doit &ecirc;tre encourag&eacute;e et multipli&eacute;e pour produire un dialogisme au service de la production d&rsquo;actes &eacute;nonciatifs performants. La grammaire en tant que&nbsp;moteur des strat&eacute;gies discursives&nbsp;(Portine, 1999), doit aborder la syntaxe mais surtout &agrave; la s&eacute;mantique de l&rsquo;oral pour&nbsp;prendre corps&nbsp;comme dans le po&egrave;me du m&ecirc;me nom de Gh&eacute;rasim Luca.&nbsp;Jamais d&eacute;pourvue de sensible, cette disposition &agrave; la prise de parole induite par un repositionnement dans une nouvelle langue en chantier inqui&egrave;te tant pour sa complexit&eacute; que pour sa mise en pratique. L&rsquo;engagement du corps apprenant&nbsp;peut aider &agrave; p&eacute;n&eacute;trer la langue et &agrave; apaiser les troubles que suscitent les risques de non-conformit&eacute;&nbsp;d&rsquo;un monde nouveau. Une didactique&nbsp;s&eacute;mantique du rythme permettrait de renouer avec les philosophes et po&egrave;tes&nbsp;antiques ainsi que du&nbsp;sens premier (Roll, 2003), la proprioception, &agrave; l&#39;origine&nbsp;sensus communis&nbsp;(koin&ecirc; aisth&ecirc;sis) chez Aristote, pr&eacute;sent&eacute;e depuis&nbsp;comme le sixi&egrave;me sens (Sherrington, 1906), cach&eacute; selon Sacks (2014),ce qui explique sans doute son invisibilit&eacute;... Point de d&eacute;part de la perception et de la connaissance, articulant tous les sens internes et externes &agrave; soi et au monde, les sensations interagissent avec la conscience de soi en fonction de son exp&eacute;rience dans la&nbsp;notion d&#39;ensemble du corps&nbsp;(Epicure dans sa Lettre &agrave; H&eacute;rodote). La&nbsp;notion de conscience&nbsp;(James, 1905)&nbsp;fabriqu&eacute;e par le corps subit aussi les rythmes de la vie, in&eacute;gaux, irr&eacute;guliers et loin d&#39;&ecirc;tre id&eacute;aux, ce que Nietzsche critique avec virulence&nbsp;:</p> <p><q>Le conscient est l&#39;&eacute;volution derni&egrave;re et tardive du syst&egrave;me organique, et par cons&eacute;quent aussi ce qu&#39;il y a dans ce syst&egrave;me de moins achev&eacute; et de moins fort. D&#39;innombrables m&eacute;prises ont leur origine dans le conscient, des m&eacute;prises qui font p&eacute;rir un animal, un homme plus t&ocirc;t qu&#39;il ne serait n&eacute;cessaire, &quot;malgr&eacute; le destin&quot;, comme dit Hom&egrave;re. Si le lien conservateur des instincts n&#39;&eacute;tait pas infiniment plus puissant, s&#39;il ne servait pas, dans l&#39;ensemble, de r&eacute;gulateur : l&#39;humanit&eacute; p&eacute;rirait par ses jugements absurdes, par ses divagations avec les yeux ouverts, par ses jugements superficiels et sa cr&eacute;dulit&eacute;, en un mot par sa conscience : ou plut&ocirc;t sans celle-ci elle n&#39;existerait plus depuis longtemps! Toute fonction, avant d&#39;&ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;e et m&ucirc;re, est un danger pour l&#39;organisme : tant mieux si elle est bien tyrannis&eacute;e pendant son d&eacute;veloppement. C&#39;est ainsi que le conscient est tyrannis&eacute; et pas pour le moins par la fiert&eacute; que l&#39;on y met! On s&#39;imagine que c&#39;est l&agrave; le noyau de l&#39;&ecirc;tre humain, ce qu&#39;il a de durable, d&#39;&eacute;ternel, de primordial! On tient le conscient pour une quantit&eacute; stable donn&eacute;e! On nie sa croissance, son intermittence! On le consid&egrave;re comme l&#39;&quot;unit&eacute; de l&#39;organisme&quot;! - Cette ridicule surestimation, cette m&eacute;connaissance de la conscience a eu ce r&eacute;sultat heureux d&#39;emp&ecirc;cher le d&eacute;veloppement trop rapide de la conscience. Parce que les hommes croyaient d&eacute;j&agrave; poss&eacute;der le conscient, ils se sont donn&eacute; peu de peine pour l&#39;acqu&eacute;rir - et, maintenant encore, il n&#39;en est pas autrement. Une t&acirc;che demeure toute nouvelle et &agrave; peine perceptible &agrave; l&#39;oeil humain, &agrave; peine clairement reconnaissable, la t&acirc;che de s&#39;incorporer le savoir et de le rendre instinctif. - Cette t&acirc;che ne peut &ecirc;tre aper&ccedil;ue que par ceux qui ont compris que, jusqu&#39;&agrave; pr&eacute;sent, seules nos erreurs ont &eacute;t&eacute; incorpor&eacute;es et que toute notre conscience ne se rapporte qu&#39;&agrave; des erreurs!&nbsp;(Nietzsche, [1887] 2011 : 51)</q></p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="color:#000000;">Le pessimisme&nbsp;de Nietzsche&nbsp;souligne les id&eacute;es re&ccedil;ues de la conscience. D&#39;o&ugrave; viennent-elles ?&nbsp;L&#39;incapacit&eacute; de la m&eacute;thode exp&eacute;rimentale &agrave; r&eacute;soudre le <q>probl&egrave;me difficile</q> de l&#39;exp&eacute;rience subjective (Chalmers, 1996),&nbsp;met en &eacute;vidence la relative contradiction entre ce qui se passe dans notre corps et dans la conscience.&nbsp;Par ailleurs, les auteurs contemporains n&eacute;gligent la proprioception alors que les grands psychologues d&eacute;veloppementaux du XXe si&egrave;cle (Vygotski, Wallon, Zazzo) lui conf&egrave;rent un r&ocirc;le de premier plan pour la construction du langage et de la conscience gr&acirc;ce aux interactions sociales (Richelle, 2022b : 65-66). Pour d&eacute;bondieuser la s&eacute;miotique, &eacute;tudier l&#39;organisation du mouvement de la parole passe par l&#39;&eacute;tude de l&#39;organisation du mouvement du corps. La lin&eacute;arit&eacute; retenue consistant &agrave; donner conscience &agrave; nos sensations et nos perceptions, de la peau au cerveau, du bas vers le haut, m&eacute;rite d&#39;&ecirc;tre revue &agrave; travers ce qui nous permet de <em>prendre conscience </em>parmi<em>&nbsp;</em>tout ce qui nous entoure. En d&#39;autres termes, nous ne prenons pas conscience de tout ce qui se passe dans notre corps et notre proprioception d&eacute;borde largement notre conscience souvent d&eacute;limit&eacute;e par&nbsp;notre vue&nbsp;(Ibid. : 33). Notre objectif sera&nbsp;de chercher&nbsp;&agrave;&nbsp;<q style="font-size: 12pt;">subjectiviser</q><span style="font-size: 12pt;"> le rythme &agrave; travers le corps par les &eacute;l&eacute;ments qui ne se voient pas, ou pas seulement, mais agissent en nous comme une&nbsp;</span><i>m&eacute;tano&iuml;a. </i><span style="font-size: 11pt;"><span style="background:white"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Au m&ecirc;me titre que la prononciati</span></span></span></span></span></span><span style="font-size:11pt"><span style="background:white"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">on, les difficult&eacute;s et donc les rem&eacute;diations, sont toujours &agrave; remettre en perspective avec les langues sources et les sp&eacute;cificit&eacute;s de l&rsquo;apprenant dont la singularit&eacute; des corps : </span></span></span></span></span></span></span></p> <p><q>La plupart des &ecirc;tres ont des corps tout &agrave; fait singuliers qui les mettent en contact avec des portions du monde seulement. Et donc la vie d&#39;un oiseau n&#39;est pas la vie d&#39;un poisson, qui n&#39;est pas la vie d&#39;un insecte, etc., parce que chaque classe d&#39;&ecirc;tres a des dispositions physiques qui lui donnent acc&egrave;s &agrave; une partie du monde. C&#39;est ce que j&#39;appelle la &quot;physicalit&eacute;&quot;&nbsp;(Descola, 2017 : 29).</q></p> <p>La multiplicit&eacute; des contextes plurilingues et interculturels, mais aussi corporels, dont on ne peut s&rsquo;extraire &agrave; moins d&rsquo;hypostasier l&rsquo;apprenant, et d&rsquo;en hypoth&eacute;quer les chances, constitue une toile de fond impossible &agrave; fixer&nbsp;mais n&eacute;cessaire pour ne jamais prendre pour acquis ce qui rel&egrave;ve de l&rsquo;ind&eacute;passable, aussi bien le langage, le corps que la po&eacute;sie comme le mentionne Paul Val&eacute;ry :</p> <p><q>La plupart des hommes ont de la po&eacute;sie une id&eacute;e si vague que ce vague m&ecirc;me de leur id&eacute;e est pour eux la d&eacute;finition de la po&eacute;sie&nbsp;(Val&eacute;ry, 1941).&nbsp;</q></p> <p>Jouant de malentendus et d&rsquo;id&eacute;es, le vague ne peut-il pas &ecirc;tre contourn&eacute; par une meilleure appropriation de sa perception singuli&egrave;re dans le continu corps-langage ? Dans la lign&eacute;e d&rsquo;une po&eacute;tique du corps-langage&nbsp;(Martin, 2005) et puisqu&#39;il n&#39;y a plus de place pour les po&egrave;tes dans ce monde<a href="#ndp_9" name="lien_nbp_9">9</a>, laissons au moins la place &agrave; une po&eacute;tique du corps apprenant.&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2><span style="color:#000000;">Bibliographie</span></h2> <p>&nbsp;</p> <p>Artaud, A. (1938).&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre et son double</em>. Gallimard.&nbsp;</p> <p>Bassano, D. (2008).&nbsp;Acquisition du langage et grammaticalisation : le d&eacute;veloppement pour les noms et les verbes en fran&ccedil;ais. Dans :&nbsp;F. Labrell &amp; G. Chasseigne,&nbsp;<em>Aspects du d&eacute;veloppement conceptuel et langagier</em> (p. 17-50).&nbsp;Edition Publibook Universit&eacute;.&nbsp;</p> <p>Bataille, G. (1992 [1937]). <em>L&rsquo;apprenti sorcier</em>. Gallimard.&nbsp;</p> <p>Benveniste, E. 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Klincksieck.&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><small><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a> L&#39;emploi du masculin poss&egrave;de ici une valeur&nbsp;universelle valable sans aucune distinction aussi bien au f&eacute;minin.<span style="color:#000000;">&nbsp;</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_2" name="ndp_2"><span style="color:#000000;">2</span></a> Nous reprenons ici l&#39;&eacute;tymologie d&#39;Andr&eacute; Chouraqui dans l&#39;&eacute;mission&nbsp;Apostrophes&nbsp;en 1990 &agrave; 3&rsquo;55&rsquo;&rsquo; :&nbsp;<a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i11363135/umberto-eco-a-propos-de-son-livre-le-pendule-de-foucault">Umberto Eco &agrave; propos de son livre &quot;Le pendule de Foucault&quot; | INA</a>. Ce qui n&#39;est pas sans cons&eacute;quence dans notre psych&eacute; jud&eacute;o-chr&eacute;tienne puisque de la performativit&eacute; du signe na&icirc;t l&#39;univers :&nbsp;Au commencement &eacute;tait le Verbe..., Prologue de l&#39;&Eacute;vangile selon Jean.&nbsp;</small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_3" name="ndp_3"><span style="color:#000000;">3</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&Eacute;mission radiophonique diffus&eacute;e le 10 d&eacute;cembre 1977 sur France Culture &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;un hommage &agrave; Roman Jakobson.</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_4" name="ndp_4"><span style="color:#000000;">4</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Conf&eacute;rence d&eacute;nomm&eacute;e&nbsp;<em>Le Bilan de l&rsquo;intelligence</em> prononc&eacute;e le 16 janvier 1935 &agrave; l&rsquo;universit&eacute; des Annales.</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_5" name="ndp_5"><span style="color:#000000;">5</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Le terme <em>exercice</em>&nbsp;renvoie &agrave; <em>askesis</em>&nbsp;ou &agrave; <em>melet&egrave;</em>&nbsp;en grec, <em>asc&egrave;se</em>&nbsp;donc mais dans le sens antique et non chr&eacute;tien ni philosophique : <q>activit&eacute; int&eacute;rieure de la pens&eacute;e et de la volont&eacute;</q>&nbsp;pour se chercher soi-m&ecirc;me.</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_6" name="ndp_6"><span style="color:#000000;">6</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Le terme n&rsquo;est pas le plus ad&eacute;quat et n&rsquo;existait pas &agrave; l&rsquo;&eacute;poque mais Pierre Hadot explique pourquoi <em>spirituels</em>&nbsp;vaut mieux que <em>intellectuels</em>, <em>religieux</em>, <em>th&eacute;ologiques</em>, <em>moraux,</em>&nbsp;pour rendre compte de l&rsquo;&eacute;paisseur du sens, <q>non seulement de la pens&eacute;e, mais de tout le psychisme de l&rsquo;individu</q>.&nbsp;</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_7" name="ndp_7"><span style="color:#000000;">7</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;</span>Entretien sur France Culture o&ugrave; le rire et la voix de l&#39;invit&eacute; en disent long sur son rapport au langage&nbsp;<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/affinites-electives-henri-meschonnic-poete-traducteur-et-essayiste-1ere-diffusion-16-09-2004-1931696" target="_blank">Affinit&eacute;s &eacute;lectives - Henri Meschonnic, po&egrave;te traducteur et essayiste (1&egrave;re diffusion : 16/09/2004) (radiofrance.fr)</a></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_8" name="ndp_8"><span style="color:#000000;">8</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Citation en exergue de Nietzsche : <q>On voit &agrave; la d&eacute;marche de chacun s&rsquo;il a trouv&eacute; sa route. L&rsquo;homme qui s&rsquo;approche du but ne marche plus, il danse.</q>&nbsp;de l&rsquo;ouvrage de Roger-Pol Droit, (2016). Comment marchent les philosophes. Paris: Paulsen.&nbsp;</span></small></p> <p><small><a href="#lien_nbp_9" name="ndp_9"><span style="color:#000000;">9</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;C&rsquo;est ce qu&rsquo;&eacute;crit Gh&eacute;rasim Luca dans une lettre d&#39;adieu qu&#39;il laisse &agrave; sa compagne, source wikip&eacute;dia.</span></small><span style="display: none;">&nbsp;</span></p>