<h2>Introduction</h2>
<p>Si certains intellectuels de premier rang vont jusqu’à prédire l'effondrement de la poésie (Yves Bonnefoy), du roman (Milan Kundera), de la littérature (Tzvetan Todorov) voire de la culture (Hannah Arendt), ces éminents haruspices contemporains qui analysent la fin des Lettres de noblesse ont en commun d’évoquer le rétrécissement du monde et de l’individu. Le corps, omniprésent et fascinant, également soumis au risque d’annihilation de <q>l’utopie transhumaniste</q> (Le Breton, 2015) et de la conquète spatiale, symbolise le détachement paroxystique de l’Homme <a href="#nbp_1" name="lien_nbp_1">1</a> à sa propre matière. Ces nouveaux dédoublements et ces éternels débats, jamais usés, dont la subsistance et les morts annoncées participent d’une palingénésie inévitable, touchent aux fondements de notre anthropologie. Par ricochet, la grammaire semble également traversée par cette altération provoquée par les incitations, selon les cas, à la simplification ou à la dissolution. Victime probable d'anesthésie générale ou patiente en soin palliatif, la dichotomie opposant délitement ou réinvestissement de la grammaire ne semble pas tant se poser du côté de son utilité que, finalement, de sa conception. Après avoir subi un fort déclin dans l’enseignement en Angleterre depuis des décennies en langue maternelle malgré un regain d’intérêt inspiré par la didactique en langue étrangère (Kasazian, 2016), ce signe annonciateur de la rétrogradation de la grammaire outre-manche permet d’envisager, a priori, la véracité d'une dystopie huxleysienne-orwellienne ou au contraire, la régénération qu’offre l’enseignement-apprentissage des langues étrangères. Cependant, à l’heure où les promesses d’apprendre rapidement ou à son rythme en autonomie complète ou partielle grâce aux sciences cognitives, aux technologies et aux « nouvelles » pédagogies font florès dans un monde saturé d’informations, il peut être pertinent et souhaitable, avant toute chose, d’interroger notre rapport aux langues et à notre corps pour ensuite féconder ou accompagner les progrès techniques plutôt que l’inverse. Les avancées technologiques et les potentialités pédagogiques du métavers (littéralement « après l’univers »), illustrent le <q>brouillon du corps</q> contemporain (Le Breton, 2005) face à la <q>réalité virtuelle</q> (oxymore inventé en 1938 par Antonin Artaud pour désigner le théâtre…) des artefacts numériques. Le métavers n’incarne-t-il pas la continuité persistante d’une conception métaphysique ancienne du corps ? <em>Poussière d'étoiles</em> (Reeves, 1984), le corps biologique s’oppose-t-il à la personne sociale ou doit-on plutôt aborder la nature/culture par une approche <i>symétrique</i> (Latour, 1991) faisant place à <i>la pensée complexe</i> (Morin, 1990) voire aller <em>par-delà nature et culture</em> (Descola, 2005) ? Avant de songer à devenir une espèce multiplanétaire, dans ce nouveau laboratoire qu’offre les courses (commerciales) de notre galaxie et de la « réalité augmentée » du corps, divergente en cela de l’ogrerie de Gargantua ; et un contexte réducteur de la grammaire par son image uniformisée mais inépuisable en didactique des langues premières et vivantes, comment envisager de relier grammaire et corporalité quand l’une et l’autre se destinent à être diminuées ? </p>
<h2>1.L'acquisition du langage et de la grammaire (du vivant à l'humain) </h2>
<p>Un lieu commun admet que la grammaire s’apprend à l’école et la parole à l’extérieur, dans la « vraie vie ». D’où cette défiance vis-à-vis de la grammaire ressentie comme imposée par l’institution, et la classant ainsi comme une composante exclusivement scolaire et académique. Pourtant, si l’école va bien normer et structurer la grammaire à l’aide de prescriptions, elle fait néanmoins déjà partie des structures linguistiques que va intégrer l’enfant dès son plus jeune âge grâce à la systématisation des combinaisons de mots. Durant l'ontogenèse qui va voir évoluer le fœtus pour passer du vivant à l’humain, la parole va se complexifier à la différence des animaux dont nos semblables les plus familiers en degré et non en nature, les chimpanzés, sont capables de mémoriser des mots (parfois plus de cent) mais dans l’incapacité de juxtaposer plus de deux mots suite à un entraînement très exigeant tandis que les bébés humains y parviennent avant d'atteindre l’âge de 3 ans. Cette capacité de créer et généraliser des représentations diachroniques et abstraites détachées du pur besoin immédiat grâce à des signes (étymologiquement la lettre créatrice de tout et le miracle en hébreu <a href="#ndp_2" name="lien_nbp_2">2</a>) est à l’origine même de notre condition humaine. Sans aucune leçon particulière, le nouveau-né va acquérir le langage plus ou moins vite en fonction de son entourage dont le développement va imbriquer irrégulièrement dans cet ordre : la phonologie, le lexique et la syntaxe. Si la gestation est longue chez l’espèce humaine par rapport aux autres mammifères, son développement cognitif et langagier se développe rapidement malgré des variabilités contingentes qui n’affectent en rien son acquisition décorrélée de l’intelligence. Toutes les étapes de l’acquisition, relatives selon les individus, proviennent d’un instinct du langage qui nous relie à notre environnement et notre phylogenèse. La langue perçue dans le ventre de la mère grâce au liquide amniotique va participer au développement langagier et psychique du sujet. L’apparition des premiers mots et la reconnaissance des bases grammaticales débutent vers 8 mois pour augmenter rapidement grâce à une perception universelle propre aux bébés qui va se spécialiser et se dégrader avec le temps afin de permettre des combinaisons peu avant l’âge de 3 ans. Le babillage laisse place à la répétition de noms et objets familiers pour se complexifier avec l’ajout de mots grammaticaux, la diversification de temps et l’emploi de propositions subordonnées. L'émergence de la syntaxe va prendre forme et sens pour réussir à contrôler des morphèmes grammaticaux de plus en plus sophistiqués. Ces progrès se font toujours en concordance avec des actes moteurs précis : mouvements, rires, déplacements, marche, pointage du doigt… Malgré des variations selon les langues, les enfants maîtrisent normalement vers 4 ans les structures morpho-syntaxiques de base (Bassano, 2008). Parallèlement au langage, le développement global de l’enfant (Bouchard, 2019) met en jeu conjointement la motricité, la cognition, l’affect, la sociabilité pour se développer réciproquement. Cette interdépendance très nette durant l’enfance tend à être oubliée par la suite au profit d’une vision dualiste corps-esprit que l’école va valoriser et accentuer en faveur de l'intellect. La grammaire au départ pratique en lien avec l’évolution de sa physiologie (respiration, maturation et conduit vocal notamment), ses capacités motrices et ses interactions de toute nature (regards, gestes, postures, expressions faciales…), devient une matière reposant sur le métalangage mais déconnectée de son ancrage corpo-rythmique. Pourtant, selon une étude (Gordon, Shivers, et al, 2015 <a href="#ndp_3" name="lien_nbp_3">3</a>) auprès d’enfants de 6 ans, les compétences morpho-syntaxiques, la conscience phonologique, les capacités cognitives non-verbales et la perception du rythme sont liées. </p>
<h2>2.Rythme et langage, poésie de l’apprenant</h2>
<p>Relégué aux oubliettes, le corps grammairien de l’apprenant en français langue étrangère (désormais FLE), unique et relié à la structure même de la langue, pourrait permettre d’esquisser une refonte de l’enseignement de la grammaire en FLE par le rythme. Cette puissance du rythme qui structure nos vies et « l’architecture sonore » de notre langue, implique d’en changer dans l’apprentissage d’une langue étrangère et de <q>subir une sorte de ‘recyclage’ rythmique et intonatif</q> (Meschonnic, 1982). En effet, sommes-nous condamnés à « subir » ce nouveau rythme ou comme dirait Georges Bataille : « le rythme de l’autre, c’est l’enfer » (Bataille, 1992 [1937] : 24) ? Seul ou en interaction, notre corps déploie et module des rythmes variés qui se ré-accordent en permanence. Il nous faudra donc aborder la question du rythme et du corps d'après Meschonnic car parler est en soi un rapport physique au centre de sa conception du langage : </p>
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<p> « Je définis le rythme dans le langage comme l’organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques et extra-linguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une sémantique spécifique, distincte du sens lexical, et que j’appelle la signifiance : c’est-à-dire les valeurs propres à un discours et à un seul. Ces marques peuvent se situer à tous les “niveaux” du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques. » (Meschonnic, 1982 : 216-217)</p>
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<p>A l’inverse de la psychanalyse qui tend à immerger le corps dans le langage, nous posons un rapport poétique à la langue qui fait toujours entrer du corps dans le langage. A cet égard, la corporalisation plus évidente de l’oral est à rapprocher de celle de la littérature grâce à la prosodie et particulièrement le rythme, ce que Meschonnic appelle <i>le continu</i> afin de rompre avec la représentation platonicienne du langage qui sépare les mots et les choses en se basant sur les signes. Nous cherchons donc à inventer une didactique <i>sensorimotrique</i> (assemblage de sensorimétrie et sensorimoteur) à partir du corps apprenant (Lapaire, 2014) comme approche originale apte à créer de nouveaux sentiers dans l’enseignement-apprentissage du FLE car c'est lui qui agit sur la langue et non la langue qui agit sur lui bien qu'elle provoque une nouvelle ébauche de soi. <em>Ad augusta per angusta</em>, apprendre une langue étrangère pour le plaisir, le travail ou l’école, relève toujours d’opérations mentales complexes, non-linéaires, chaotiques, dynamiques ; en fin de compte, alchimiques, où science et art s'entremêlent. Penser le langage à partir du rythme, revient à lancer une nouvelle énigme au linguiste et un nouveau défi à l’enseignant qui désire participer à l’édification de cette « épiphanie » didactique, toute proportion gardée, afin de passer d’une image de la langue en deux dimensions à une parole corporéisée en trois dimensions.</p>
<p>Notion polysémique, les définitions du rythme varient, d'autant plus si l'on parle d'une langue ou du langage, souvent confondus. Dans le chapitre XXVII des <em>Problèmes de linguistique générale </em>(1966 : 327), Benveniste retrace l'étymologie du rythme qui regroupe des domaines transversaux pour mettre fin à une idée reçue entretenue par <q>la pensée occidentale moderne</q> où ρυθμός (« rithmos » en grec) s'apparente à un <q>écoulement</q> dont l'idée aurait surgi par l'observation de la mer. Comme il le souligne justement, <q>le mouvement réguliers des flots</q> ne permet pas d'expliquer l'origine de la notion puisque la mer ne s'écoule pas, encore moins régulièrement, sauf si l'on parle d'un cours d'eau avec des flots... Ρυθμός remonte en fait à la poésie lyrique (Theognis) et tragique (Eschyle), avant Homère, puis chez les philosophes atomistes. Leucippe et Démocrite par l'intermédiaire d'Aristote considèrent <q>la forme</q> comme la signification originelle de ρυθμός en la distinguant de <q>l'ordre</q> et de <q>la position</q>. C'est aussi la racine des verbes <q>former</q> et <q>trans-former</q> avec par exemple <q>l'enseignement transforme l'homme</q> chez Démocrite et repris par Hérodote pour la <q>transformation</q> des lettres phéniciennes par les Grecs. Notion distinctive pour l'ensemble de ce qui pétrie l'humain et son environnement, cet <q>arrangement caractéristique des parties dans un tout</q> s'assimile à une <q>dis-position </q>, discordant avec le formatage, que l'on retrouve en tant que <q>figurer, localiser</q> chez Sophocle. Benveniste va plus loin en expliquant le sens du rythme pour le différencier des autres <q>formes</q>. Il précise le sens du suffixe : </p>
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<p>« La formation en -(θ)μός mérite attention pour le sens spécial qu'elle confère aux mots "abstraits". Elle indique, non l'accomplissement de la notion, mais la modalité particulière de son accomplissement, telle qu'elle se présente aux yeux. » </p>
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<p>Danse, réponse, ou disposition <q>particulière</q>, le suffixe complète le radical (ρυθμός) qui <q>désigne la forme dans l'instant [...] assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide. [...] C'est la forme improvisée, momentanée, modifiable</q>. D'Epicure à Lucrèce<em> </em>où la proéminence de la forme des atomes (crochus) et leur circularité les font entrer en contact lors de simulacres, ρυθμός se définit comme <q>manière particulière de fluer</q>. C'est donc la doctrine matérialiste antique qui donne au départ le sens du rythme. Dans le <i>Philèbe,</i> Platon va définitivement orienter cette définition en y intégrant <q>une théorie de la mesure appliquée</q>. Pour Socrate, le rythme s'accompagne de la mesure dans une recherche d'ordre du mouvement et d'harmonie par la connaissance des intervalles réguliers. Benveniste cite le <em>Banquet</em> : </p>
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<p>« L'harmonie est une consonance, la consonance un accord... C'est de la même manière que le <i>rythme</i> résulte du rapide et du lent, d'abord opposés, puis accordés. » </p>
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<p>L'arithmétique du corps conserve l'idée de la forme tout en la dépassant, Benveniste explicite le rôle de Platon dans cette évolution :</p>
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<p>« Il innove en l'appliquant à la <i><em>forme du mouvement</em></i> que le corps humain accomplit dans la danse, et à la disposition des figures en lesquels ces mouvements se résout. La circonstance décisive est là, dans la notion d'un ρυθμός corporel associé au μέτρον<strong> </strong>et soumis à la loi des nombres : cette "forme" est désormais déterminée par une "mesure" et asujettie à un ordre. »</p>
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<p>L'arrangement spatial des éléments va se poursuivre avec une configuration spatio-temporelle cadencée et ordonnée dont <q>tout rythme se mesure par un mouvement défini</q>. En s’appuyant sur ce chapitre, Henri Meschonnic entend placer le rythme au cœur du discours privilégiant le continu pour sortir d'une représentation du langage basée sur le contenu :</p>
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<p>« Il me semble que la relation ne peut pas s'expliquer par les mots, en reliant sapor à sapientia, et qu'elle suppose une théorie du corps dans le langage, donc du rythme » (Meschonnic, 1982 : 84). </p>
</blockquote>
<p>Ainsi, le corps à travers le rythme est perçu comme élément inhérent à la linguistique de l’énonciation comme le propose Benveniste avant lui. C’est pourquoi dans sa Théorie du rythme, Meschonnic le place au centre de la production de sens : </p>
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<p>« Parce que le rythme n’est pas seulement un secteur du langage parmi d’autres, un niveau linguistique, comme le lexique ou la syntaxe, mais que, plus puissamment, il peut être pris comme la structuration d’ensemble de tous les signifiants, il est l’inscription du sujet dans l’ensemble de l’œuvre comme système de valeurs de langage, à travers le sens » (Meschonnic, 1982 : 363). </p>
</blockquote>
<p>Contre la linéarité de la métrique et pour l’historicité du langage (Meschonnic, 1982 : 21), le rythme considéré comme l'<q>organisation du mouvement de la parole</q> (Meschonnic, 1999) représente le corps du langage c'est-à-dire ni de la chair (incarnation ou viande) ni cognition (neurones) car le poème ne possède aucun de ces éléments <a href="#ndp_4" name="lien_nbp_4">4</a>. Le rythme du sens constitue <i>in fine</i> le rythme du sens dans la force de son mouvement qui emporte tous les rythmes (sémantiques, syntaxiques, prosodiques, etc). La parole du poème implique un sujet pluriel dont l'historicité et l'éthique par le mouvement du langage le transforme en acte poétique éloigné du cadavre ex-libris. Ainsi, le rythme constitue <q>la matière du sens</q> (Meschonnic, 1982 : 83) où le corps du sujet intégré dans des <q>rapports subjectifs-sociaux</q> déjoue les mots pour retrouver l’élan musculaire et spirituel avant la trahison de l’énonciation et de la traduction. La langue, émanation et construction particulière du langage va développer grâce aux caisses de résonance du corps, des rythmes dont la « musicalité » s'apprécie selon diverses modalités : affectives, sociales, culturelles, physiques. Reprenant les remarques du formaliste russe Ossip Brik, Robert Georgin considère <a href="#ndp_5" name="lien_nbp_5">5</a> :</p>
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<p>« Il existe une rythmique propre à chaque langue, qui fait partie de la structure de la langue et à laquelle aucun locuteur parlant cette langue, ne peut échapper. La poésie serait seulement un suremploi de cette rythmique, elle en rajouterait par rapport à ce qui est nécessaire. » (Robert Georgin, 1977)</p>
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<p>Allant jusqu’à pointer une correspondance « naturelle » inconsciente entre le rythme de la langue française et celui de l’alexandrin (expliquant son succès semble-t-il), Georgin affirme que l’objectif de la poésie classique vise à faire coïncider la syntaxe à travers le temps fort avec la fin d’un groupe rythmique qui forme un ensemble sémantique cohérent. Malgré un abandon relatif à partir du romantisme, il semble que cette tendance se poursuive dans les vers libres. Cette conception de la poésie peut être mise en parallèle avec celle que nous avons de l’apprenant cherchant à s’approprier la langue en « suremployant » le rythme. La négativité systémique du langage confronte ici deux systèmes rythmiques distincts dont les différences et les oppositions amènent l’apprenant à inventer et donc à composer (avec) un rythme imposé par une langue étrangère en venant perturber la musicalité coutumière. En français, la versification de la langue, en quelque sorte, renseigne sur la structure grammaticale à acquérir. La prose définie dans le Bourgeois gentilhomme (Molière, 1671) ne serait pas exempte de sorte que <q>tout ce qui n’est pas prose, est vers ; et tout ce qui n’est point vers, est prose</q> représente une frontière dialectique superficielle et bienséante. Cette gabégie qui sépare la poésie de la prose ne saurait s'appliquer ni dans le langage ni dans l'apprentissage d'une langue étrangère car la création poétique du corps dans le langage et du rythme dans la langue, aussi bien en prose qu’en vers, se retrouve au centre.</p>
<h2>3.Relier prosodie, syntaxe et énonciation</h2>
<p>A la différence du sens commun, le paysage poétique empêche la traduction transparente puisque la valeur du sens est irrémédiable. L’effet poétique surpasse l’effet du sens d’un message. Citons l'exemple de Lucrèce avec le poème philosophique <i>De natura rerum</i> qui <em>traduit</em> Epicure, pourtant contre la poésie, dans le sens latin (« traducere ») de <em>faire passer, traverser, conduire au-delà</em>, tel Charon. L’organisation complexe de la poésie échappe aux lois de la communication au même titre que son analyse minutieuse ne permet d’aucune façon la capacité à produire un poème, de même pour la grammaire. Nous posons qu’il existe une analogie avec l’apprenant en langue et que l’effet poétique nous semble correspondre à l’émotion que peut produire la simplicité du langage dans sa pratique la plus élémentaire lorsqu’on se charge de se l’approprier en la ré-inventant en permanence. Nous l'oublions trop souvent, les langues sont des organismes vivants dont la vitalité dépend des locuteurs. Les « langues mortes » ne sont plus parlées ou seulement écrites. Dès lors, seules les représentations visuelles sont possibles. Telle les notes de musique, les poèmes ou les pièces de théâtre, l’écrit s'essouffle lorsqu’il n’entretient pas une relation étroite avec l’oral. Le gueuloir de Flaubert rappelle ce lien oral-écrit qui traverse la littérature depuis l’épopée de Gilgamesh et la naissance de l’écriture. Les poèmes sont au départ destinés à raconter oralement des mythes aux nouvelles générations, Les Mille et Une Nuits des contes moraux pour les nobles, les textes religieux pour être récités par les croyants, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche des nouvelles qui s'enchaînent pour des gens se réunissant aux moissons et ne sachant pas lire. La forme écrite ne se sépare jamais de la forme orale qui lui préexiste et lui donne forme bien que la littérature soit présentée en régime autarcique comme chez les structuralistes par l'absence du sujet et de son historicité. <em>Les Essais</em> dictés par Montaigne témoignent de l’importance de la voix haute qui n’a jamais si bien portée son nom, et Paul Valéry de tempester dans une conférence (sur l'orthographe...<a href="#ndp_6" name="lien_nbp_6">6</a>) contre l’enseignement des Fables et des classiques : </p>
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<p>« Croyez-vous que notre littérature, et singulièrement notre poésie, ne pâtisse pas de la négligence dans l’éducation de la parole ? Que voulez-vous que devienne un poète, un véritable poète, un homme pour qui les sons du langage ont une importance égale <em>(égale, vous m’entendez bien !)</em> à celle du sens ? […] La diction scolaire telle qu’elle est pratiquée est tout bonnement criminelle. Allez donc entendre du La Fontaine, du Racine, récité dans une école quelconque ! La consigne est littéralement d’ânonner, et, d’ailleurs, jamais la moindre idée du rythme, des assonances et des allitérations qui constituent la substance sonore de la poésie n’est donnée et démontrée aux enfants. On considère sans doute comme futilités ce qui est la substance même de la poésie. Mais, en revanche, on exigera des candidats aux examens une certaine connaissance de la poésie et des poètes. Quelle étrange connaissance ! N’est-il pas étonnant que l’on substitue cette connaissance purement abstraite (et qui n’a d’ailleurs qu’un lointain rapport avec la poésie), à la sensation même du poème ? Cependant qu’on exige le respect de la partie absurde de notre langage, qui est sa partie orthographique, on tolère la falsification la plus barbare de la partie phonétique, c’est-à-dire la langue vivante. L’idée fondamentale semble ici, comme en d’autres matières, d’instituer des moyens de contrôle <em>faciles</em>, car rien n’est plus facile que de constater la conformité de l’écriture d’un texte, ou sa non-conformité, avec l’orthographe légale, aux dépens de la véritable connaissance, c’est-à-dire de la sensation poétique. L’orthographe est devenue le critérium de la belle éducation, cependant que le sentiment musical, le nombre et le dessin des phrases ne jouent absolument aucun rôle dans les études ni dans les épreuves… » (Valéry, 1935)</p>
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<p>Apprendre la grammaire orale ou écrite d’une langue, revient à s’approprier le rythme de la grammaire pour atteindre le rythme de la parole. La confusion entre « avoir un accent » (notion relative qui rend compte d’un contraste dans un espace géographique) et « accentuer » (caractéristique physique structurelle), empêche d’aborder à l’oral ce qui est commun à la langue française dans toute sa diversité et les aspects prosodiques pertinents pour favoriser l’apprentissage de la syntaxe sans renier l’originalité de chacun. L’énonciation du français, quelle que soit la situation géographique ou linguistique, conçoit une structure orale précise (différente de l’écrit oralisé) et unique parmi les autres langues européennes, notamment par l’absence d’accent lexical. En français, la caractéristique fondamentale de la structure rythmique procède de l’allongement, et non de l’intensité, de la dernière syllabe du groupe rythmique au niveau articulatoire, et non acoustique (Wioland, 2012 : 91). Il ne s'agit donc pas d'un rythme sur la base temps fort/temps faible. Cette modification du rythme et donc de la forme, représente ainsi une transformation de sa dis-position individuelle et distinctive dans l’ordre contraignant de la langue. Le caractère authentique de la grammaire de l’oral, naturel pour ceux dont c’est la langue maternelle, théorique voire ésotérique pour l’apprenant en FLE, admet que les sons et les mots phonétiques possèdent bien un ordre et un rythme cohérent, l’accent fixe. Même la gestualité s’accorde avec le système rythmique malgré des variations car il existe un phénomène de synchronisation entre les éléments suprasegmentaux et les gestes (Llorca, 1989) au niveau de la correspondance rythmique avec l’accentuation. Se pose alors à l’enseignant un paradoxe didactique soulevé par François Wioland, comment relier un enseignement général à des cas particuliers étant donné que l’oral (le français parlé précisément) est toujours singulier (en plus d'être plurivoque) ? </p>
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<p>« L’oral et l’écrit sont deux systèmes distincts de structuration de la langue » (Wioland, 2012 : 44). </p>
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<p>Distincts mais pas opposés, si l’écrit souffre de plus en plus d’un manque de valorisation de la grammaire, l’oral n’en est que plus déficitaire alors que l’un et l’autre pourraient se renforcer mutuellement au lieu de s’exclure. En effet, le déséquilibre et le décentrage nécessaire à l’appropriation du français n’est pas seulement d’ordre lexical ou grammatical mais intrinsèquement prosodique. Dans le cas spécifique du français, il existe une relation entre la structure rythmique et la structure syntaxico-sémantique (Billières, 2014) alors même que les correspondances asymétriques entre lettres (les consonnes finales amuïes par exemple) et phonèmes provoquent de nombreuses frustrations chez certains apprenants à cause de l’orthographe étymologique préféré à l’orthographe phonétique. Là encore, les représentations visuelles prédominent au détriment d’autres sens. Cette concordance des composantes de la langue contraint et ouvre la porte à une accordance rythmique à effectuer de la part de l’apprenant pour s’en saisir malgré toutes les exceptions françaises, communément admises pour entraver la route de l’apprentissage. Au même titre que la valeur des signes, s'approprier le rythme est le premier pas pour s’approprier la langue en fonction des idiosyncrasies et des tâtonnements au niveau spatio-temporel de chacun. Cette incorporation du langage impose une incorporation du rythme de la grammaire. Ce « rapport d’adéquation » du corps, du langage et de la langue avec un contexte écologique précis oblige l’apprenant, et donc l’enseignant, à se saisir corporellement du lien entre prosodie, syntaxe et énonciation. </p>
<h2>4.Conversion et mesure de la position du corps </h2>
<p>Pour accéder à la sagesse, les premiers philosophes originaires d’Inde (Pol-Droit, 2004), appelés gymnosophistes (« sages nus »), déambulaient tels quels et ont inspiré par la suite les philosophes grecs dont les péripatéticiens (« qui se promènent en discutant ») d’Aristote. Différentes écoles vont naître dont les stoïciens, les épicuriens et les cyniques (certains appelés à tort « présocratiques »). Le corps en mouvement est au centre de la pensée et de la pratique philosophique car celle-ci vise à mieux vivre, ou mourir, à l’inverse de la création de concepts abstraits qui ont envahi depuis les enseignements. Ainsi, certaines écoles pratiquent des exercices <a href="#ndp_7" name="lien_nbp_7">7</a> spirituels <a href="#ndp_8" name="lien_nbp_8">8</a> comme le remarquent Michel Foucault et surtout Pierre Hadot. Si on les retrouve dans la philosophie contemporaine chez Goethe, Husserl, le pragmatisme, Bergson, Merleau-Ponty ou Wittgenstein, la philosophie antique se caractérise d’abord par une volonté en acte de se trans-former dans tous les aspects de vie. Ce n’est pas un métier mais un travail sur soi qui ne s’arrête jamais. Pierre Hadot précise : </p>
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<p>« pour produire un effet de formation : le philosophe voulait faire travailler les esprits de ses lecteurs ou auditeurs, pour qu’ils se mettent dans une certaine disposition » (Hadot, 2003). </p>
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<p>Former plutôt qu’informer, par des exercices <q>expérimentés</q>, <q>existentiels</q>, <q>une pratique destinée à opérer un changement radical de l’être</q> ou la découverte d’un <q>nouvel univers mental</q> pour le sujet (Misrahi, 2011). La leçon de philosophie se transmet à l’oral car les philosophes n’écrivent pas à ce moment-là. A ce titre, Euclide de Mégare (à ne pas confondre avec le célèbre mathématicien) n'est pas vraiment considéré comme un philosophe puisqu'il a besoin de consigner le dialogue entre Théétète et Socrate. Connotée religieusement, la conversion vise à un retournement, changer de direction et donc de position. Philosophie et poésie se retrouvent, les atomistes antiques employaient d'ailleurs une méthode poétique pour tenter d'expliquer le monde physique. Si notre langue source est une ressource et un répertoire déterminant, il faut être en mesure de subir un dérèglement rythmique (de forme) important, articulant les phénomènes linguistiques et extra-linguistiques. Les exercices quotidiens, concrets et pratiques, des philosophes rejoignent le « travail laborieux » de l’apprenant en langue comme le souligne Akira Mizubayashi : </p>
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<p>« Mais j’eus une musique à moi seul, c’était le français. Personne dans ma famille ne s’en aperçut. Car cette langue venue d’ailleurs était pour moi l’objet d’un travail laborieux, d’un exercice patient, d’une discipline ascétique de tous les jours comme l’a été le violon pour mon frère qui se l’est approprié, incorporé pour en libérer la musique » (Mizubayashi, 2013 : 39) </p>
</blockquote>
<p>L’appropriation se fait jour par l’incorporation. Mais du pourchas actuel de l'incorporation de la langue à l'acquisition du langage, les questionnements sur les modes d'apparition et les modalités d'intériorisation sont anciens. De l'antiquité chinoise avec Lao Tseu, Confucius ou Xun Zi au mythe de la Tour de Babel dans la Génèse, les conceptions du langage sont au centre des débats (philosophiques et religieux) pour déterminer la mesure de l'Homme dans l’ordre cosmique et divin. Jusqu'aux <em>Lumières</em>, la tradition judéo-chrétienne entretient le mythe d'une langue créé par Dieu dont la première serait l'hébreu. Au XIXe siècle, le conventionnalisme repris par Wilhelm Von Humboldt, pionnier de la philosophie du langage qui inspira Saussure pour dominer la linguistique contemporaine réactive les débats entamés durant l'antiquité grecque. Dans le Cratyle, Platon met en scène deux visions apparemment antagonistes de l’origine du langage : la langue déterminée par la nature (position de Cratyle, disciple d’Héraclite) et celle établie par la convention des hommes (position d’Hermogène, disciple de Parménide) à partir de noms établis par des signes et formés par un <q>législateur</q> pour parvenir à la <q>justesse</q>. Entre les deux philosophes apparaît Socrate, sollicité immédiatement pour arbitrer et trancher le débat. Or, le fils (symbolique) d’un sculpteur et d’une sage-femme va choisir la mesure pour réfléchir avec ses camarades, s’approcher (et accoucher) de la vérité. La maïeutique et l’heuristique de Socrate, son attitude ouverte à la discussion et à l’échange, permet une interaction et une remise en cause des thèses avancées. Pour Socrate, le langage n’est qu’une imitation approximative du réel et ne peut donc incarner la vérité de l’objet mais une image qui tente d’être la plus représentative possible sans pouvoir établir, ni une théorie linguistique suffisante, ni une connaissance absolue de la réalité (les <q>choses mêmes</q>). La distinction des termes s’effectue par rapport aux autres à l’intérieur d’un système singulier dont le passage à un autre empêche l’exactitude de la valeur. Le dualisme platonicien que l’on retrouve dans la binarité du signe (signifiant/signifié) empêche finalement d’envisager l’origine du langage en évacuant la question de la négativité ainsi que les porosités et les aspérités de la parole. L’oral relève de l’instant, de subtilités et d’implicites qui renvoient au monde sensible et au monde intelligible. Socrate, pour clôre sans conclure le dialogue entre Cratyle et Hermogène, admet que le langage est affaire d’images mais imparfaites. </p>
<blockquote>
<p>« L’homme est la mesure de toute chose » (Protagoras) </p>
</blockquote>
<p>Influencé par la fameuse locution philosophique de Protagoras où le sens du monde est inventé par la médiation de l’homme pour convenir et former un langage, Hermogène admet la création humaine derrière la langue. Le sophiste Protagoras dont la connotation négative aujourd'hui et victime de la haine de Platon mériteraient d'être approfondies, influence également Théétète qui défend une vision relativiste de la connaissance. Socrate en désaccord avec cette thèse, n'en reconnaît pas moins les qualités de son adversaire idéologique dans ce qui constitue les bases d'une discussion où deux intelligences s'affrontent. Dans le dialogue éponyme, Protagoras considère la perception comme première dans la formation du jugement et de la vérité. Celui pour qui <q>la partie la plus importante de l'éducation consiste à être un connaisseur en poésie</q>, évacue (en partie) les divinités du ciel, en postulant le déterminisme de l’homme à devoir se déterminer, malgré les « biais d’intentionnalité » et les risques de solipsisme, oeuvrant par conséquent à un appel à la mesure que l’on retrouve finalement chez Socrate (<q>Connais-toi toi-même</q>). Ainsi, le positionnement de son corps dans l’ordre physique devient l’enjeu d’une connaissance qui débute à partir de soi.</p>
<p>Les conceptions poétiques ou philosophiques du langage, dont nous exposons ici une infimité parmi une infinité (puisqu'il y a autant de conceptions que de corps), permettent d’enrichir et de dépasser l’épistémè « dominante » en didactique du FLE qui consiste à aseptiser, standardiser et réduire la langue à de la communication utilitaire. La mesure de sa position (du rythme) s’oppose ainsi au calcul des bénéfices d'un capital social ou d'un(e) mode de gestion de la langue. Subséquemment, peu importe que les mots trompent ou soient insuffisants, l'œuvre de l’apprenant (autant que du poète ou du philosophe), tente de préciser sans cesse sa pensée, en tension, quelle que soit la forme des circonvolutions verbales. S’approprier une langue constitue une conquête à bien des égards, une quête avec autrui comme port d’attache et nouvel horizon. Pour transformer cette errance en odyssée, la perception et la conscience de cette aventure improbable se re-lient étroitement. Nous encourageons donc à prendre (la) mesure de la langue qu’introduit l’acte de parole et la mise en perspective singulière de soi et du monde dans la diversité des langues. Pour ce faire, nous proposons une dé-marche où le rythme de la parole correspond à une mesure interne des sens et du sens. </p>
<h2>5.Vers une démarche rythmique et une approche concrète </h2>
<p>Comme l’indique avec entrain Michel Billières, <q>la parole est mouvement</q>. La prendre ou la recevoir revient à se positionner et se repositionner en permanence, dans des environnements familiers et incertains. Tel le proverbe d'Héraclite <q>on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve</q>, on ne dit jamais deux fois la même chose, même si ce qu’on « répète » a le même sens à cause des perpétuels changements. La traduction d’une langue à une autre ou d’un individu à un autre, ne peut se revendiquer transparente et idéale. Chaque mémoire est singulière et s’inscrit dans une mémoire plus large. Si notre langue maternelle à laquelle nous nous identifions nous façonne et reste notre référence, notre rapport aux langues étrangères ne va pas de soi. La parole, même intérieure et/ou à soi, rencontre et reçoit les mots d’autrui pour y adhérer ou non. La diversité et parfois l’opposition des discours va produire un écho chez l’apprenant où différentes voix vont s’entrelacer et provoquer un rapport d’identification et d’affection. Même et surtout à l’oral, les éléments linguistiques et extra-linguistiques forment un tout indissociable que l’enseignant va devoir conditionner pour viser une appropriation correcte de la grammaire. Ce bouleversement ne peut s’engendrer que par une méta-morphose qui va activer la singularité de l’apprenant. Plus que l’acquisition d’une posture coûteuse en énergie et inappropriée, il s’agit pour l’apprenant de se positionner adéquatement dans <q>la partie individuelle du langage, c’est-à-dire la parole y compris la phonation</q> (Saussure, [1916] 2005) pour se construire une place dans la langue et dans sa personnalité. Cette écologie du langage constitue alors une transformation intérieure qui affecte la subjectivité et le regard posé sur le monde ou comme le souligne Humboldt : <q>la conquête d’une perspective nouvelle et le renouvellement de la vision du monde qui dominait jusque-là</q> (Humboldt, [1830] 1974 : 199). Ce réarrangement de soi relie le rythme intrinsèque du corps à celui extrinsèque du cosmos. Le sens réside ainsi dans la saisie des sens, et dont l’essence se transmet, imparfaitement certes, par le mouvement de l’agencement des sons. Cette appropriation poétique dévie de l’idée que maîtriser une langue consiste à s’adapter à des situations de communications stéréotypées et purement fonctionnelles. Le déséquilibre de la dé-marche qui re-définit notre rapport à l’autre induit par ce pas de côté va engendrer l’humanité du sujet poète tel un aède où « marcher, parler et penser ne forment qu’un seul mouvement » (Pol-Droit, 2016 : 2). Ce processus est l’expression d’une danse <a href="#ndp_9" name="lien_nbp_9">9</a>, avec ses premiers pas, ses balbutiements, ses rythmes im-propres, im-probables et chaotiques, dont l’arythmie réside dans le manque d’éveil, de sensibilisation et d’écoute. Le corps et la parole ne forment plus qu’un. L’apprenant ne saurait copier à l’identique ses prédécesseurs car vouloir imiter permet d’apprendre mais ne peut consister sur la durée qu’à singer illusoirement tandis que chacun évolue dans un monde subjectif et sui generis dont l’énonciation est modifiable à l'envi. Dans l’expérience de la langue, le corps poétique se frotte au réel de la langue dans la matérialité sonore et dans le dévoilement de sa propre sculpture. Une question épineuse d’épiderme, où l’on passe du chaos à la forme pour dé-finir la mise en suspens du mouvement originel, et dont l’expérience poétique n’est pas forcément compréhensible ni traduisible dès le début. Une démarche rythmique peut en partie répondre à cette quête sensuelle, existentielle et émancipatrice.</p>
<p>Si le langage structure notre pensée, la langue suggère beaucoup plus qu’elle ne peut l'exprimer avec des mots. Selon Meschonnic, il n’existe que la poétique à même de créer une théorie du langage en tant que théorie du sujet par sa capacité réflexive et critique des représentations du langage. Par conséquent, une approche concrète peut donc permettre aux apprenants de prendre mesure de la non coïncidence du rythme grâce aux formes des processus d’appropriation, sans tomber dans le formalisme. Le terme concret s’oppose à ce qui est abstrait, et tend à appliquer des savoirs théoriques (ou pas) dans la vie réelle (pléonasme nous en convenons). Ce qui est concret renvoie à ce qui est « réel, tangible, perceptible » et se rattache à la substance, la matière ou de « consistance épaisse ». C’est donc à partir de ce présupposé et en nous inspirant de la psychologie concrète de Georges Politzer que nous souhaitons donner de l’épaisseur à l’expérience et à la perception de l’apprenant dans notre démarche rythmique : </p>
<blockquote>
<p>« Si l'on commence par détacher les faits psychologiques de l'individu singulier, on se situe, d'emblée, sur un plan abstrait, sur le plan des généralités avec lesquelles travaillent les psychologues. On se mouvra donc au milieu des considérations qui resteront au-dessous ou au-dessus de l'individu particulier, et comme celui-ci seul peut introduire dans la théorie la diversité concrète qui la rend applicable aux cas particuliers, l'abstraction aboutit forcément à la tautologie, et c'est le hasard qui devra remplir le vide créé par l'élimination du concret individuel. L'expérience ne nous présente, en effet, que des faits individuels, mais comme on s'est condamné par l'abstraction à ne pouvoir invoquer que des généralités, on sera forcé, à propos de chaque cas individuel, de répéter des généralités, et l'explication sera incapable de se modeler sur le fait à expliquer » (Politzer, 1928 : 35). </p>
</blockquote>
<p>Pour procéder à une individuation de l’apprentissage et participer à une énonciation singulière, nous suggérons de considérer le rapport à la langue et à la musicalité de l’apprenant afin de soutenir l’appropriation de la grammaire par une perspective organismique. Se découvrir, se mettre à nu et devenir autre sans jamais renoncer à soi. Nonobstant, il ne s’agit pas de devenir un acteur qui surjoue et théâtralise une prestation unique lorsqu’il parle une autre langue qui lui reste étrangère. Au contraire, il s’agit plutôt de devenir une sorte de comédien, au sens de Louis Jouvet (et non jouer la comédie) qui se réinvente et réinvente la langue, capable de se re-produire autant qu’il le souhaite afin de transmettre sa singularité au-delà des mots qu’il emploie et d’affronter <q>bien des méprises et des surprises</q> (Jouvet, 2009 : 90). Nous l’avons mentionné plus haut, il existe une imbrication intrinsèque des composantes linguistiques, mais aussi un lien entre appropriation prosodique et appropriation syntaxique. Nous ne parlons pas avec des phrases mais avec des énoncés divisés en groupes rythmiques ou en mots phonétiques. Ce qui veut dire que nous ne respectons pas la ponctuation d’un texte souvent définie comme la possibilité de respirer ou de reprendre son souffle qui pourtant ne s’arrête pas. D’après notre expérience d’enseignant, nous remarquons une grande difficulté à s’exprimer pour les apprenants maîtrisant mal, souvent inconsciemment, le lien entre le rythme, la grammaire et l’énonciation. Bien que les règles puissent être maîtrisées, les difficultés pour s’exprimer à l’oral, structurer un discours ou maintenir une interaction apparaîssent sous l’effet du stress et d’automatismes insuffisamment incorporés. Même avec un texte écrit, la ponctuation ne constitue pas les limites du rythme à respecter mais un balisage graphique pour faciliter la lecture et non le dire. Pour illustrer notre propos, nous reprenons à notre compte l’exemple souvent cité par Jean-Laurent Cochet d'une célèbre fable de La Fontaine. Le premier vers : <q>Maître Corbeau, sur un arbre perché,</q> nous amène à la question suivante, qui est perché ? Est-ce l’arbre ou le corbeau ? Cette erreur souvent commise démontre à quel point le rythme est lié au(x) sens, et donc le préalable à une parole « juste » (pas au sens conventionnel de ce que la société définit comme « juste ») dont l’enseignant doit tenter de faire prendre mesure aux apprenants. <em>Mutatis Mutandis</em>, l’apprenant entreprend et aboutit à intercaler la grammaire étrangère avec le rythme de sa parole, sans cesse renouvelé. </p>
<h2>6.Pour une grammaire pédagogique dans une didactique sensorimotrique</h2>
<p>Tout au long de cet article, nous avons essayé de tracer une autre façon de considérer la grammaire dans une conception poétique du langage afin d’engendrer une conversion philosophique de l’apprenant qui n’est pas nouvelle mais mérite d’exister et d’être pratiquée en didactique du FLE. Le corps, réceptacle et caisse de résonance de la vitalité de l’apprenant s’accorde et se positionne par rapport à la langue étrangère qu'elle habite. Si bien qu’avant la naissance et la parole, l’émergence de la proprioception (Whitehead, Meek & Fabrizi, 2018 <a href="#ndp_10" name="lien_nbp_10">10</a>) et de la prosodie (Dodane, 2021) sont déjà déterminantes dans la constitution d’une sensibilité nécessaire au développement langagier et sensori-moteur. La corporéité de la parole encourage donc à une corporisation de la didactique et de la grammaire qui ne soit pas d’ordre conceptuel, immense chapelle, mais existentiel, humble bâtisse. Dès l’antiquité, aussi bien chez les Socratiques, les Sophistes ou les Atomistes, et dans la continuité des recommandations d’Henri Portine, la grammaire s’inscrivait dans un ensemble propédeutique et pédagogique initié par l’<i>enkuklios paideia</i> (encyclopédie) à Alexandrie au IIe siècle environ avant J.-C., lieu de naissance de la grammaire occidentale et de la philologie (Portine, 1999 <a href="#ndp_11" name="lien_nbp_11">11</a>). Afin de favoriser la circularité de la parole tant à l’intérieur de soi qu’à l’extérieur de l’interaction, l’activité discursive de l’apprenant doit être encouragée et multipliée pour produire un dialogisme au service de la production d’actes énonciatifs performants. La grammaire en tant que <q>moteur des stratégies discursives</q> (Portine, 1999), doit aborder la syntaxe de l’oral pour <q>prendre corps</q> comme dans le poème du même nom de Ghérasim Luca et retrouver une physique du langage. Jamais dépourvue de sensible, cette disposition à la prise de parole induite par un repositionnement dans une nouvelle langue en chantier inquiète tant pour sa complexité que pour sa mise en pratique. L’engagement du corps apprenant peut aider à pénétrer la langue et à apaiser les troubles que suscitent les « risques de non-conformité » d’un monde nouveau. Une didactique <i>sensorimotrique</i> permettrait de renouer avec le rythme premier des philosophes et poètes antiques ainsi que du sens premier (Roll, 2003), la proprioception, à l'origine <i>sensus communis</i> (koinê aisthêsis) chez Aristote, présentée depuis comme le sixième sens (Sherrington, 1906), raison qui explique sans doute son invisibilité... Point de départ de la perception et de la connaissance, articulant tous les sens internes et externes à soi et au monde, les sensations interagissent avec la conscience de soi en fonction de son expérience dans la <q><i>notion d'ensemble du corps</i></q> (Epicure dans sa Lettre à Hérodote). La <q>notion de conscience</q> (James, 1905) fabriquée par le corps subit aussi les rythmes de la vie, inégaux, irréguliers et loin d'être idéaux, ce que Nietzsche critique avec virulence : </p>
<blockquote>
<p>« Le conscient est l'évolution dernière et tardive du système organique, et par conséquent aussi ce qu'il y a dans ce système de moins achevé et de moins fort. D'innombrables méprises ont leur origine dans le conscient, des méprises qui font périr un animal, un homme plus tôt qu'il ne serait nécessaire, « malgré le destin », comme dit Homère. Si le lien conservateur des instincts n'était pas infiniment plus puissant, s'il ne servait pas, dans l'ensemble, de régulateur : l'humanité périrait par ses jugements absurdes, par ses divagations avec les yeux ouverts, par ses jugements superficiels et sa crédulité, en un mot par sa conscience : ou plutôt sans celle-ci elle n'existerait plus depuis longtemps! Toute fonction, avant d'être développée et mûre, est un danger pour l'organisme : tant mieux si elle est bien tyrannisée pendant son développement. C'est ainsi que le conscient est tyrannisé et pas pour le moins par la fierté que l'on y met! On s'imagine que c'est là le noyau de l'être humain, ce qu'il a de durable, d'éternel, de primordial! On tient le conscient pour une quantité stable donnée! On nie sa croissance, son intermittence! On le considère comme l'« unité de l'organisme »! - Cette ridicule surestimation, cette méconnaissance de la conscience a eu ce résultat heureux d'empêcher le développement trop rapide de la conscience. Parce que les hommes croyaient déjà posséder le conscient, ils se sont donné peu de peine pour l'acquérir - et, maintenant encore, il n'en est pas autrement. Une tâche demeure toute nouvelle et à peine perceptible à l'oeil humain, à peine clairement reconnaissable, la tâche de s'incorporer le savoir et de le rendre instinctif. - Cette tâche ne peut être aperçue que par ceux qui ont compris que, jusqu'à présent, seules nos erreurs ont été incorporées et que toute notre conscience ne se rapporte qu'à des erreurs! » (Nietzsche, 1887)</p>
</blockquote>
<p>L'intériorité s'installant de plus en plus au cours de l'Histoire (Vigarello, 2014), <i>l'éveil de la conscience, </i>principalement<i> </i>moral (en cela rien de nouveau), selon les tendances et les déclinaisons du moment, oublie les errements du corps, les imprécisions du langage, les divagations de l'imagination, les hasards de la vie... Loin de nous poser en objecteur à notre tour, nous inviterons d<span style="font-size: 12pt;">ans cet élan à une <q>poétique de l'espace</q> (Bachelard, 1957) en classe pour élargir les consciences et ré-concilier corps, philosophie, poésie, langage, langues et </span><i>scholè</i><span style="font-size: 12pt;">. </span>Au même titre que la prononciation, les difficultés et donc les remédiations, sont toujours à remettre en perspective avec les langues sources et les spécificités de l’apprenant dont la singularité des corps : </p>
<blockquote>
<p>« La plupart des êtres ont des corps tout à fait singuliers qui les mettent en contact avec des portions du monde seulement. Et donc la vie d'un oiseau n'est pas la vie d'un poisson, qui n'est pas la vie d'un insecte, etc., parce que chaque classe d'êtres a des dispositions physiques qui lui donnent accès à une partie du monde. C'est ce que j'appelle la "physicalité". » (Descola, 2017 : 29)</p>
</blockquote>
<p>La multiplicité des contextes plurilingues et interculturels, mais aussi corporels, dont on ne peut s’extraire à moins d’hypostasier l’apprenant, et d’en hypothéquer les chances, constitue une toile de fond impossible à circonscrire totalement mais nécessaire pour ne jamais prendre pour acquis ce qui relève de l’indépassable et de l’inconnu, aussi bien le langage, le corps que la poésie comme le mentionne Paul Valéry : </p>
<blockquote>
<p>« La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie. » (Valéry, 1941). </p>
</blockquote>
<p>Jouant de malentendus et d’idées, le vague n’est-il pas justement immanent à l’irréductibilité du langage ? Dans la lignée d’une « poétique du corps langage » (Martin, 2006) et « puisqu'il n'y a plus de place pour les poètes dans ce monde <a href="#ndp_12" name="lien_nbp_12">12</a> », laissons au moins la place à une poétique du corps apprenant. </p>
<h2>Bibliographie</h2>
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<p> </p>
<p> </p>
<hr />
<p> </p>
<p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a> L'emploi du masculin possède ici une valeur universelle valable sans aucune distinction aussi bien au féminin qu'au masculin tout au long de cet article. </p>
<p><a href="#lien_nbp_2" name="ndp_2">2</a> Ce qui n'est pas sans conséquence dans notre psyché judéo-chrétienne puisque de la performativité naît l'univers : <q>Au commencement était le Verbe...</q> Prologue de l'Évangile selon Jean. </p>
<p><a href="#lien_nbp_3" name="ndp_3">3</a> Etude que l'on peut retrouver ici : <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/desc.12230">Musical rhythm discrimination explains individual differences in grammar skills in children - Gordon - 2015 - Developmental Science - Wiley Online Library</a></p>
<p><a href="#lien_nbp_4" name="ndp_4">4</a> Entretien sur France Culture où le rire et la voix de l'invité en disent long sur son rapport au langage <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-nuits-de-france-culture/affinites-electives-henri-meschonnic-poete-traducteur-et-essayiste-1ere-diffusion-16-09-2004-1931696">Affinités électives - Henri Meschonnic, poète traducteur et essayiste (1ère diffusion : 16/09/2004) (radiofrance.fr)</a></p>
<p><a href="#lien_nbp_5" name="ndp_5">5</a> Émission radiophonique diffusée le 10 décembre 1977 sur France Culture à l’occasion d’un hommage à Roman Jakobson.</p>
<p><a href="#lien_nbp_6" name="ndp_6">6</a> Conférence dénommée <em>Le Bilan de l’intelligence</em> prononcée le 16 janvier 1935 à l’université des Annales.</p>
<p><a href="#lien_nbp_7" name="ndp_7">7</a> Le terme <em>exercice</em> renvoie à <em>askesis</em> ou à <em>meletè</em> en grec, <em>ascèse</em> donc mais dans le sens antique et non chrétien ni philosophique : <q>activité intérieure de la pensée et de la volonté</q> pour se chercher soi-même.</p>
<p><a href="#lien_nbp_8" name="ndp_8">8</a> Le terme n’est pas le plus adéquat et n’existait pas à l’époque mais Pierre Hadot explique pourquoi <em>spirituels</em> vaut mieux que <em>intellectuels</em>, <em>religieux</em>, <em>théologiques</em>, <em>moraux,</em> pour rendre compte de l’épaisseur du sens, <q>non seulement de la pensée, mais de tout le psychisme de l’individu</q>. Bien que nous puissions remonter à Antiphon pour la thérapie par les mots (ancêtre de la psychanalyse) et le yoga à l'Indus (encore une fois), loin de dénigrer ces pratiques diverses et variées, il semble important de souligner les dérives contemporaines, lucratives et non encadrées, d'une multitude d'activités <q>conspiritualistes</q> (conspirationniste et spiritualiste) qui surfent sur la quête du bonheur, du bien-être et du développement personnel (cf. Eva Illouz et Edzard Ernst) que l'on retrouve parfois sous des formes acidulées dans certaines pédagogies, et représentent un phénomène où le charlatanisme prospère sur une croyance visant à exacerber la <em>volonté </em>et la<em> guérison</em> individuelle dans un contexte idéologique managérial et New Age. L'hygiènisme et le corps y occupent une place prépondérante avec des risques d'emprise, d'arnaque et de sectarisme. L'enseignant ne saurait être un gourou mais quelqu'un qui signale, en l'occurence ici les dangers. </p>
<p><a href="#lien_nbp_9" name="ndp_9">9</a> Citation en exergue de Nietzsche : <q>On voit à la démarche de chacun s’il a trouvé sa route. L’homme qui s’approche du but ne marche plus, il danse</q>. de l’ouvrage de Roger-Pol Droit, (2016). Comment marchent les philosophes. Paris: Paulsen. </p>
<p><a href="#lien_nbp_10" name="ndp_10">10</a> Whitehead, K., Meek, J., & Fabrizi, L. (2018). Developmental trajectory of movement-related cortical oscillations during active sleep in a cross-sectional cohort of pre-term and full-term human infants. <i>Scientific reports</i>, <i>8</i>(1), 17516. https://doi.org/10.1038/s41598-018-35850-1</p>
<p><a href="#lien_nbp_11" name="ndp_11">11</a> Portine Henri. Didactique de la grammaire : vers une nouvelle <em>enkuklios paideia</em> ?. In: <em>Spirale. Revue de recherches en éducation</em>, n°23, 1999. Apprendre l’écrit - Les valeurs en formation et en éducation (3) sous la direction de Dominique-Guy Brassart et Yves Reuter. pp. 173-185. DOI : <a href="https://doi.org/10.3406/spira.1999.1548">https://doi.org/10.3406/spira.1999.1548</a></p>
<p><a href="#lien_nbp_12" name="ndp_12">12</a> C’est ce qu’écrit Ghérasim Luca dans une lettre d'adieu qu'il laisse à sa compagne, source wikipédia.</p>