<h2>Introduction</h2> <p>Si certains intellectuels de premier rang&nbsp;vont jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;dire l&#39;effondrement&nbsp;de la po&eacute;sie (Yves Bonnefoy), du roman (Milan Kundera),&nbsp;de la litt&eacute;rature (Tzvetan Todorov) voire de la culture (Hannah Arendt), ces &eacute;minents haruspices contemporains qui analysent la fin des Lettres de noblesse ont en commun d&rsquo;&eacute;voquer le r&eacute;tr&eacute;cissement du monde et de l&rsquo;individu. Le corps, omnipr&eacute;sent et fascinant, &eacute;galement soumis au risque d&rsquo;annihilation&nbsp;de&nbsp;<q>l&rsquo;utopie transhumaniste</q>&nbsp;(Le Breton, 2015) et de la conqu&egrave;te spatiale, symbolise le d&eacute;tachement paroxystique de l&rsquo;Homme <a href="#nbp_1" name="lien_nbp_1">1</a>&nbsp;&agrave; sa propre mati&egrave;re. Ces nouveaux d&eacute;doublements et ces &eacute;ternels d&eacute;bats, jamais us&eacute;s, dont la subsistance et les morts annonc&eacute;es participent d&rsquo;une paling&eacute;n&eacute;sie in&eacute;vitable, touchent aux fondements de notre anthropologie. Par ricochet, la grammaire semble &eacute;galement travers&eacute;e par cette alt&eacute;ration provoqu&eacute;e par les incitations, selon les cas, &agrave; la simplification ou &agrave; la dissolution. Victime probable d&#39;anesth&eacute;sie g&eacute;n&eacute;rale ou patiente en soin palliatif, la dichotomie opposant d&eacute;litement ou r&eacute;investissement de la grammaire ne semble pas tant se poser du c&ocirc;t&eacute; de son utilit&eacute; que, finalement, de sa conception. Apr&egrave;s avoir subi un fort d&eacute;clin dans l&rsquo;enseignement en Angleterre depuis des d&eacute;cennies en langue maternelle malgr&eacute; un regain d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t inspir&eacute; par la didactique en langue &eacute;trang&egrave;re (Kasazian, 2016), ce signe annonciateur de la r&eacute;trogradation de la grammaire outre-manche permet d&rsquo;envisager, a priori, la v&eacute;racit&eacute; d&#39;une&nbsp;dystopie huxleysienne-orwellienne ou au contraire, la r&eacute;g&eacute;n&eacute;ration qu&rsquo;offre l&rsquo;enseignement-apprentissage des langues &eacute;trang&egrave;res. Cependant, &agrave; l&rsquo;heure o&ugrave; les promesses d&rsquo;apprendre rapidement ou &agrave; son rythme en autonomie compl&egrave;te ou partielle gr&acirc;ce aux sciences cognitives, aux technologies et aux &laquo; nouvelles &raquo;&nbsp;p&eacute;dagogies font flor&egrave;s dans un monde satur&eacute; d&rsquo;informations, il peut &ecirc;tre pertinent et souhaitable, avant toute chose, d&rsquo;interroger notre rapport aux langues et &agrave; notre corps pour ensuite f&eacute;conder ou accompagner les progr&egrave;s techniques plut&ocirc;t que l&rsquo;inverse. Les avanc&eacute;es technologiques et les potentialit&eacute;s p&eacute;dagogiques du m&eacute;tavers (litt&eacute;ralement &laquo; apr&egrave;s l&rsquo;univers &raquo;), illustrent le <q>brouillon du corps</q> contemporain (Le Breton, 2005) face &agrave; la <q>r&eacute;alit&eacute; virtuelle</q>&nbsp;(oxymore invent&eacute; en 1938 par Antonin Artaud pour d&eacute;signer le th&eacute;&acirc;tre&hellip;) des artefacts num&eacute;riques. Le m&eacute;tavers n&rsquo;incarne-t-il pas la continuit&eacute; persistante d&rsquo;une conception m&eacute;taphysique ancienne du corps ? <em>Poussi&egrave;re d&#39;&eacute;toiles</em> (Reeves, 1984), le corps biologique s&rsquo;oppose-t-il &agrave; la personne sociale ou doit-on plut&ocirc;t aborder la nature/culture par une approche <i>sym&eacute;trique</i>&nbsp;(Latour, 1991) faisant place &agrave; <i>la pens&eacute;e complexe</i>&nbsp;(Morin, 1990) voire aller <em>par-del&agrave; nature et culture</em> (Descola, 2005)&nbsp;? Avant de songer &agrave; devenir une esp&egrave;ce multiplan&eacute;taire, dans ce nouveau laboratoire qu&rsquo;offre les&nbsp;courses (commerciales) de notre galaxie et&nbsp;de la&nbsp;&laquo; r&eacute;alit&eacute; augment&eacute;e &raquo;&nbsp;du corps, divergente en cela de l&rsquo;ogrerie de Gargantua ;&nbsp;et un contexte r&eacute;ducteur de la grammaire par son image uniformis&eacute;e&nbsp;mais in&eacute;puisable en didactique des langues premi&egrave;res et vivantes, comment envisager de relier grammaire et corporalit&eacute; quand l&rsquo;une et l&rsquo;autre se destinent &agrave; &ecirc;tre diminu&eacute;es ?&nbsp;</p> <h2>1.L&#39;acquisition du langage et de la grammaire (du vivant &agrave; l&#39;humain)&nbsp;</h2> <p>Un lieu commun admet que la grammaire s&rsquo;apprend &agrave; l&rsquo;&eacute;cole et la parole &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur, dans la &laquo; vraie vie &raquo;. D&rsquo;o&ugrave; cette d&eacute;fiance vis-&agrave;-vis de la grammaire ressentie comme impos&eacute;e par l&rsquo;institution, et la classant ainsi comme une composante exclusivement scolaire et acad&eacute;mique. Pourtant, si l&rsquo;&eacute;cole va bien normer et structurer la grammaire &agrave; l&rsquo;aide de prescriptions, elle fait n&eacute;anmoins d&eacute;j&agrave; partie des structures linguistiques que va int&eacute;grer l&rsquo;enfant d&egrave;s son plus jeune &acirc;ge gr&acirc;ce &agrave; la syst&eacute;matisation des combinaisons de mots. Durant l&#39;ontogen&egrave;se qui va voir &eacute;voluer le f&oelig;tus pour passer du vivant &agrave; l&rsquo;humain, la parole va se complexifier &agrave; la diff&eacute;rence des animaux dont nos semblables les plus familiers en degr&eacute; et non en nature, les chimpanz&eacute;s, sont capables de m&eacute;moriser des mots (parfois plus de cent) mais dans l&rsquo;incapacit&eacute; de juxtaposer plus de deux mots suite &agrave; un entra&icirc;nement tr&egrave;s exigeant tandis que les b&eacute;b&eacute;s humains y parviennent avant d&#39;atteindre l&rsquo;&acirc;ge de 3 ans. Cette capacit&eacute; de cr&eacute;er et g&eacute;n&eacute;raliser des repr&eacute;sentations diachroniques et abstraites d&eacute;tach&eacute;es du pur besoin imm&eacute;diat gr&acirc;ce &agrave; des signes (&eacute;tymologiquement la lettre cr&eacute;atrice de tout et le miracle en h&eacute;breu <a href="#ndp_2" name="lien_nbp_2">2</a>) est &agrave; l&rsquo;origine m&ecirc;me de notre condition humaine. Sans aucune le&ccedil;on particuli&egrave;re, le nouveau-n&eacute; va acqu&eacute;rir le langage plus ou moins vite en fonction de son entourage dont le d&eacute;veloppement va imbriquer irr&eacute;guli&egrave;rement dans cet ordre : la phonologie, le lexique et la syntaxe. Si la gestation est longue chez l&rsquo;esp&egrave;ce humaine par rapport aux autres mammif&egrave;res, son d&eacute;veloppement cognitif et langagier se d&eacute;veloppe rapidement malgr&eacute; des variabilit&eacute;s contingentes qui n&rsquo;affectent en rien son acquisition d&eacute;corr&eacute;l&eacute;e de l&rsquo;intelligence. Toutes les &eacute;tapes de l&rsquo;acquisition, relatives selon les individus, proviennent d&rsquo;un instinct du langage qui nous relie &agrave; notre environnement et notre phylogen&egrave;se. La langue per&ccedil;ue dans le ventre de la m&egrave;re gr&acirc;ce au liquide amniotique va participer au d&eacute;veloppement langagier et psychique du sujet. L&rsquo;apparition des premiers mots et la reconnaissance des bases grammaticales d&eacute;butent vers 8 mois pour augmenter rapidement gr&acirc;ce &agrave; une perception universelle propre aux b&eacute;b&eacute;s qui va se sp&eacute;cialiser et se d&eacute;grader avec le temps afin de&nbsp;permettre des combinaisons peu avant l&rsquo;&acirc;ge de 3 ans. Le babillage laisse place &agrave; la r&eacute;p&eacute;tition de noms et objets familiers pour se complexifier avec l&rsquo;ajout de mots grammaticaux, la diversification de temps et l&rsquo;emploi de propositions subordonn&eacute;es. L&#39;&eacute;mergence de la syntaxe va prendre forme et sens pour r&eacute;ussir &agrave;&nbsp;contr&ocirc;ler des morph&egrave;mes grammaticaux de plus en plus sophistiqu&eacute;s.&nbsp;Ces progr&egrave;s se font toujours en concordance avec des actes moteurs pr&eacute;cis : mouvements, rires, d&eacute;placements, marche, pointage du doigt&hellip; Malgr&eacute; des variations selon les langues, les enfants ma&icirc;trisent normalement vers 4 ans les structures morpho-syntaxiques de base (Bassano, 2008). Parall&egrave;lement au langage, le d&eacute;veloppement global de l&rsquo;enfant (Bouchard, 2019) met en jeu conjointement la motricit&eacute;, la cognition, l&rsquo;affect, la sociabilit&eacute; pour se d&eacute;velopper r&eacute;ciproquement. Cette interd&eacute;pendance tr&egrave;s nette durant l&rsquo;enfance tend &agrave; &ecirc;tre oubli&eacute;e par la suite au profit d&rsquo;une vision dualiste corps-esprit que l&rsquo;&eacute;cole va valoriser et accentuer en faveur de l&#39;intellect. La grammaire au d&eacute;part pratique en lien avec l&rsquo;&eacute;volution de sa physiologie (respiration, maturation et conduit vocal notamment), ses capacit&eacute;s motrices et ses interactions de toute nature (regards, gestes, postures, expressions faciales&hellip;), devient une mati&egrave;re reposant sur le m&eacute;talangage mais d&eacute;connect&eacute;e de son ancrage corpo-rythmique. Pourtant, selon une &eacute;tude (Gordon, Shivers, et al, 2015 <a href="#ndp_3" name="lien_nbp_3">3</a>) aupr&egrave;s d&rsquo;enfants de 6 ans,&nbsp;les comp&eacute;tences morpho-syntaxiques, la conscience phonologique, les capacit&eacute;s cognitives non-verbales et la perception du rythme sont li&eacute;es.&nbsp;</p> <h2>2.Rythme et langage, po&eacute;sie de l&rsquo;apprenant</h2> <p>Rel&eacute;gu&eacute; aux oubliettes, le corps grammairien de l&rsquo;apprenant en fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re (d&eacute;sormais FLE), unique et reli&eacute; &agrave; la structure m&ecirc;me de la langue, pourrait permettre d&rsquo;esquisser une refonte de l&rsquo;enseignement de la grammaire en FLE par le rythme. Cette puissance du rythme qui structure nos vies et &laquo; l&rsquo;architecture sonore &raquo; de notre langue, implique d&rsquo;en changer dans l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re et de <q>subir une sorte de &lsquo;recyclage&rsquo; rythmique et intonatif</q>&nbsp;(Meschonnic, 1982). En effet, sommes-nous condamn&eacute;s &agrave; &laquo; subir &raquo; ce nouveau rythme ou comme dirait Georges Bataille : &laquo; le rythme de l&rsquo;autre, c&rsquo;est l&rsquo;enfer &raquo; (Bataille, 1992 [1937] : 24) ? Seul ou en interaction, notre corps d&eacute;ploie et module des rythmes vari&eacute;s qui se r&eacute;-accordent en permanence. Il nous faudra donc aborder la question du rythme et du corps d&#39;apr&egrave;s&nbsp;Meschonnic car parler est en soi un rapport physique au centre de sa conception du langage :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&nbsp;&laquo; Je d&eacute;finis le rythme dans le langage comme l&rsquo;organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques et extra-linguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une s&eacute;mantique sp&eacute;cifique, distincte du sens lexical, et que j&rsquo;appelle la signifiance : c&rsquo;est-&agrave;-dire les valeurs propres &agrave; un discours et &agrave; un seul. Ces marques peuvent se situer &agrave; tous les &ldquo;niveaux&rdquo; du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques. &raquo; (Meschonnic, 1982 : 216-217)</p> </blockquote> <p>A l&rsquo;inverse de la psychanalyse qui tend &agrave; immerger le corps dans le&nbsp;langage, nous posons un rapport po&eacute;tique &agrave; la langue qui fait toujours entrer du corps dans le langage. A cet &eacute;gard, la corporalisation plus &eacute;vidente de l&rsquo;oral est &agrave; rapprocher de celle de la litt&eacute;rature gr&acirc;ce &agrave; la prosodie et particuli&egrave;rement le rythme, ce que Meschonnic appelle <i>le continu</i>&nbsp;afin de rompre avec la repr&eacute;sentation platonicienne du langage qui s&eacute;pare les mots&nbsp;et les choses en se basant sur les signes.&nbsp;Nous cherchons donc &agrave;&nbsp;inventer une didactique&nbsp;<i>sensorimotrique</i>&nbsp;(assemblage de sensorim&eacute;trie et sensorimoteur) &agrave; partir du corps apprenant (Lapaire, 2014) comme approche originale apte &agrave; cr&eacute;er de nouveaux sentiers dans l&rsquo;enseignement-apprentissage du FLE car c&#39;est lui qui agit sur la langue et non la langue qui agit sur lui bien qu&#39;elle provoque&nbsp;une nouvelle &eacute;bauche de soi.&nbsp;<em>Ad augusta per angusta</em>, apprendre une langue &eacute;trang&egrave;re pour le plaisir, le travail ou l&rsquo;&eacute;cole, rel&egrave;ve toujours d&rsquo;op&eacute;rations mentales complexes, non-lin&eacute;aires, chaotiques, dynamiques ; en fin de compte, alchimiques, o&ugrave; science et art s&#39;entrem&ecirc;lent. Penser le langage &agrave; partir du rythme, revient &agrave; lancer une nouvelle &eacute;nigme au linguiste et un nouveau d&eacute;fi &agrave; l&rsquo;enseignant qui d&eacute;sire participer &agrave; l&rsquo;&eacute;dification de cette &laquo; &eacute;piphanie&nbsp;&raquo; didactique, toute proportion gard&eacute;e,&nbsp;afin de passer d&rsquo;une image de la langue en deux dimensions &agrave; une parole corpor&eacute;is&eacute;e en trois dimensions.</p> <p>Notion polys&eacute;mique, les d&eacute;finitions du rythme varient, d&#39;autant plus si l&#39;on parle d&#39;une langue ou du langage, souvent confondus. Dans le chapitre XXVII des <em>Probl&egrave;mes de linguistique g&eacute;n&eacute;rale </em>(1966 : 327),&nbsp;Benveniste retrace l&#39;&eacute;tymologie du&nbsp;rythme qui regroupe des domaines transversaux pour mettre fin &agrave; une id&eacute;e re&ccedil;ue entretenue par <q>la pens&eacute;e occidentale moderne</q>&nbsp;o&ugrave; &rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; (&laquo; rithmos&nbsp;&raquo;&nbsp;en grec) s&#39;apparente &agrave; un <q>&eacute;coulement</q>&nbsp;dont l&#39;id&eacute;e aurait surgi&nbsp;par l&#39;observation de la mer. Comme il le souligne&nbsp;justement,&nbsp;<q>le mouvement r&eacute;guliers des flots</q> ne permet pas d&#39;expliquer l&#39;origine de la notion puisque la mer ne s&#39;&eacute;coule pas, encore moins r&eacute;guli&egrave;rement, sauf si l&#39;on parle d&#39;un cours d&#39;eau avec des flots...&nbsp;&Rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; remonte en fait &agrave; la po&eacute;sie lyrique (Theognis) et tragique (Eschyle), avant Hom&egrave;re, puis chez les philosophes atomistes.&nbsp;Leucippe et D&eacute;mocrite par l&#39;interm&eacute;diaire&nbsp;d&#39;Aristote&nbsp;consid&egrave;rent&nbsp;<q>la&nbsp;forme</q> comme&nbsp;la&nbsp;signification originelle de&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; en la distinguant de <q>l&#39;ordre</q> et de <q>la position</q>. C&#39;est aussi la racine des verbes <q>former</q> et <q>trans-former</q> avec par exemple <q>l&#39;enseignement transforme l&#39;homme</q>&nbsp;chez&nbsp;D&eacute;mocrite et repris par H&eacute;rodote pour&nbsp;la <q>transformation</q> des lettres ph&eacute;niciennes par les Grecs. Notion distinctive pour l&#39;ensemble de ce qui p&eacute;trie l&#39;humain et son environnement, cet&nbsp;<q>arrangement caract&eacute;ristique des parties dans un tout</q> s&#39;assimile &agrave; une <q>dis-position&nbsp;</q>, discordant avec le formatage, que l&#39;on retrouve en tant que <q>figurer, localiser</q>&nbsp;chez Sophocle. Benveniste va plus loin en expliquant le sens du rythme pour le diff&eacute;rencier des autres <q>formes</q>. Il pr&eacute;cise le sens du suffixe :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; La formation en -(&theta;)&mu;ό&sigmaf; m&eacute;rite attention pour le sens sp&eacute;cial qu&#39;elle conf&egrave;re aux mots &quot;abstraits&quot;. Elle indique, non l&#39;accomplissement de la notion, mais la modalit&eacute; particuli&egrave;re de son accomplissement, telle qu&#39;elle se pr&eacute;sente aux yeux.&nbsp;&raquo;&nbsp;</p> </blockquote> <p>Danse, r&eacute;ponse, ou disposition <q>particuli&egrave;re</q>, le suffixe compl&egrave;te le radical (&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf;) qui <q>d&eacute;signe la forme dans l&#39;instant [...] assum&eacute;e par ce qui est mouvant, mobile, fluide. [...] C&#39;est la forme improvis&eacute;e, momentan&eacute;e, modifiable</q>. D&#39;Epicure &agrave; Lucr&egrave;ce<em>&nbsp;</em>o&ugrave; la pro&eacute;minence de la forme des atomes (crochus) et leur circularit&eacute; les font entrer&nbsp;en contact lors de simulacres,&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; se d&eacute;finit comme <q>mani&egrave;re particuli&egrave;re de fluer</q>. C&#39;est donc la doctrine mat&eacute;rialiste antique qui donne au d&eacute;part le sens du rythme. Dans le&nbsp;<i>Phil&egrave;be,</i>&nbsp;Platon&nbsp;va d&eacute;finitivement orienter cette d&eacute;finition en y int&eacute;grant <q>une th&eacute;orie de la mesure appliqu&eacute;e</q>. Pour Socrate, le rythme s&#39;accompagne de la mesure dans une recherche d&#39;ordre du mouvement et d&#39;harmonie par la connaissance des intervalles r&eacute;guliers. Benveniste&nbsp;cite le <em>Banquet</em>&nbsp; :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; L&#39;harmonie est une consonance, la consonance un accord... C&#39;est de la m&ecirc;me mani&egrave;re que le <i>rythme</i> r&eacute;sulte du rapide et du lent, d&#39;abord oppos&eacute;s, puis accord&eacute;s.&nbsp;&raquo;&nbsp;</p> </blockquote> <p>L&#39;arithm&eacute;tique du corps conserve l&#39;id&eacute;e de la forme tout en la d&eacute;passant, Benveniste explicite le r&ocirc;le de Platon dans cette &eacute;volution :</p> <blockquote> <p>&laquo; Il innove en l&#39;appliquant &agrave; la <i><em>forme du mouvement</em></i> que le corps humain accomplit dans la danse, et &agrave; la disposition des figures en lesquels ces mouvements se r&eacute;sout. La circonstance d&eacute;cisive est l&agrave;, dans la notion d&#39;un&nbsp;&rho;&upsilon;&theta;&mu;ό&sigmaf; corporel associ&eacute; au&nbsp;&mu;έ&tau;&rho;&omicron;&nu;<strong>&nbsp;</strong>et soumis &agrave; la loi des nombres : cette &quot;forme&quot; est d&eacute;sormais d&eacute;termin&eacute;e par une &quot;mesure&quot; et asujettie &agrave; un ordre.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <p>L&#39;arrangement spatial des &eacute;l&eacute;ments va se poursuivre avec une configuration&nbsp;spatio-temporelle cadenc&eacute;e&nbsp;et ordonn&eacute;e dont <q>tout rythme se mesure par un mouvement d&eacute;fini</q>. En s&rsquo;appuyant sur ce chapitre, Henri Meschonnic&nbsp;entend placer le rythme au c&oelig;ur du discours privil&eacute;giant le continu pour sortir d&#39;une repr&eacute;sentation du langage bas&eacute;e sur le contenu :</p> <blockquote> <p>&laquo; Il me semble que la relation ne peut pas s&#39;expliquer par les mots, en reliant sapor &agrave; sapientia, et qu&#39;elle suppose une th&eacute;orie du corps dans le langage, donc du rythme &raquo; (Meschonnic, 1982 : 84).&nbsp;&nbsp;</p> </blockquote> <p>Ainsi, le corps &agrave; travers le rythme est per&ccedil;u comme &eacute;l&eacute;ment inh&eacute;rent &agrave; la linguistique de l&rsquo;&eacute;nonciation comme le propose Benveniste avant lui. C&rsquo;est pourquoi dans sa Th&eacute;orie du rythme, Meschonnic le place au centre de la production de sens :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; Parce que le rythme n&rsquo;est pas seulement un secteur du langage parmi d&rsquo;autres, un niveau linguistique, comme le lexique ou la syntaxe, mais que, plus puissamment, il peut &ecirc;tre pris comme la structuration d&rsquo;ensemble de tous les signifiants, il est l&rsquo;inscription du sujet dans l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&oelig;uvre comme syst&egrave;me de valeurs de langage, &agrave; travers le sens &raquo;&nbsp;(Meschonnic, 1982 : 363).&nbsp;</p> </blockquote> <p>Contre la lin&eacute;arit&eacute; de la m&eacute;trique et pour l&rsquo;historicit&eacute; du langage (Meschonnic, 1982 : 21), le rythme consid&eacute;r&eacute; comme l&#39;<q>organisation du mouvement de la parole</q>&nbsp;(Meschonnic, 1999) repr&eacute;sente le corps du langage c&#39;est-&agrave;-dire&nbsp;ni de la chair (incarnation ou viande) ni cognition&nbsp;(neurones) car le po&egrave;me ne poss&egrave;de aucun de ces &eacute;l&eacute;ments <a href="#ndp_4" name="lien_nbp_4">4</a>. Le rythme du sens constitue&nbsp;<i>in fine</i> le rythme du sens dans la force de son mouvement qui emporte tous les rythmes (s&eacute;mantiques, syntaxiques, prosodiques, etc). La parole du po&egrave;me&nbsp;implique un sujet pluriel dont l&#39;historicit&eacute; et l&#39;&eacute;thique par le mouvement du langage le transforme en acte po&eacute;tique &eacute;loign&eacute; du cadavre ex-libris.&nbsp;Ainsi, le rythme constitue <q>la mati&egrave;re du sens</q>&nbsp;(Meschonnic, 1982 : 83) o&ugrave; le corps du sujet int&eacute;gr&eacute; dans des <q>rapports subjectifs-sociaux</q>&nbsp;d&eacute;joue les mots pour retrouver l&rsquo;&eacute;lan musculaire et spirituel avant la trahison de l&rsquo;&eacute;nonciation et de la traduction. La langue, &eacute;manation et construction particuli&egrave;re du langage va d&eacute;velopper gr&acirc;ce aux caisses de r&eacute;sonance du corps, des rythmes dont la &laquo; musicalit&eacute; &raquo;&nbsp;s&#39;appr&eacute;cie selon diverses modalit&eacute;s : affectives, sociales, culturelles, physiques. Reprenant les remarques du formaliste russe Ossip Brik, Robert Georgin consid&egrave;re&nbsp;<a href="#ndp_5" name="lien_nbp_5">5</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; Il existe une rythmique propre &agrave; chaque langue, qui fait partie de la structure de la langue et &agrave; laquelle aucun locuteur parlant cette langue, ne peut &eacute;chapper. La po&eacute;sie serait seulement un suremploi de cette rythmique, elle en rajouterait par rapport &agrave; ce qui est n&eacute;cessaire.&nbsp;&raquo;&nbsp;(Robert Georgin, 1977)</p> </blockquote> <p>Allant jusqu&rsquo;&agrave; pointer une correspondance &laquo; naturelle&nbsp;&raquo;&nbsp;inconsciente entre le rythme de la langue fran&ccedil;aise et celui de l&rsquo;alexandrin (expliquant son succ&egrave;s semble-t-il), Georgin affirme que l&rsquo;objectif de la po&eacute;sie classique vise &agrave; faire co&iuml;ncider la syntaxe &agrave; travers le temps fort avec la fin d&rsquo;un groupe rythmique qui forme un ensemble s&eacute;mantique coh&eacute;rent. Malgr&eacute; un abandon relatif &agrave; partir du romantisme, il semble que cette tendance se poursuive dans les vers libres. Cette conception de la po&eacute;sie peut &ecirc;tre mise en parall&egrave;le avec celle que nous avons de l&rsquo;apprenant cherchant &agrave; s&rsquo;approprier la langue en &laquo; suremployant&nbsp;&raquo;&nbsp;le rythme. La n&eacute;gativit&eacute; syst&eacute;mique du langage confronte ici deux syst&egrave;mes rythmiques distincts dont les diff&eacute;rences et les oppositions am&egrave;nent l&rsquo;apprenant &agrave; inventer et donc &agrave; composer (avec) un rythme impos&eacute; par une langue &eacute;trang&egrave;re en venant perturber la musicalit&eacute; coutumi&egrave;re. En fran&ccedil;ais, la versification de la langue, en quelque sorte, renseigne sur la structure grammaticale &agrave; acqu&eacute;rir. La prose d&eacute;finie dans le Bourgeois gentilhomme (Moli&egrave;re, 1671)&nbsp;ne serait pas exempte de sorte que <q>tout ce qui n&rsquo;est pas prose, est vers ; et tout ce qui n&rsquo;est point vers, est prose</q>&nbsp;repr&eacute;sente une fronti&egrave;re dialectique superficielle et biens&eacute;ante. Cette gab&eacute;gie qui s&eacute;pare la po&eacute;sie&nbsp;de la prose ne saurait s&#39;appliquer ni dans le langage ni dans l&#39;apprentissage d&#39;une langue &eacute;trang&egrave;re car&nbsp;la cr&eacute;ation po&eacute;tique du corps dans le&nbsp;langage et du rythme dans&nbsp;la langue, aussi bien en prose qu&rsquo;en vers, se retrouve au centre.</p> <h2>3.Relier prosodie, syntaxe et &eacute;nonciation</h2> <p>A la diff&eacute;rence du sens commun, le paysage po&eacute;tique emp&ecirc;che la traduction transparente puisque la valeur du sens est irr&eacute;m&eacute;diable. L&rsquo;effet po&eacute;tique surpasse l&rsquo;effet du sens d&rsquo;un message. Citons l&#39;exemple de Lucr&egrave;ce avec le po&egrave;me philosophique&nbsp;<i>De natura rerum</i> qui <em>traduit</em> Epicure,&nbsp;pourtant contre la po&eacute;sie, dans le sens latin (&laquo; traducere &raquo;) de <em>faire passer, traverser, conduire au-del&agrave;</em>, tel Charon. L&rsquo;organisation complexe de la po&eacute;sie &eacute;chappe aux lois de la communication au m&ecirc;me titre que son analyse minutieuse ne permet d&rsquo;aucune fa&ccedil;on la capacit&eacute; &agrave; produire un po&egrave;me, de m&ecirc;me pour la grammaire. Nous posons qu&rsquo;il existe une analogie avec l&rsquo;apprenant en langue et que l&rsquo;effet po&eacute;tique nous semble correspondre &agrave; l&rsquo;&eacute;motion que peut produire la simplicit&eacute; du langage dans sa pratique la plus &eacute;l&eacute;mentaire lorsqu&rsquo;on se charge de se l&rsquo;approprier en la r&eacute;-inventant en permanence. Nous l&#39;oublions trop souvent, les langues sont des organismes vivants dont la vitalit&eacute; d&eacute;pend des locuteurs. Les &laquo; langues mortes &raquo;&nbsp;ne sont plus parl&eacute;es ou seulement &eacute;crites. D&egrave;s lors, seules les repr&eacute;sentations visuelles sont possibles. Telle les notes de musique, les po&egrave;mes ou les pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre, l&rsquo;&eacute;crit s&#39;essouffle lorsqu&rsquo;il n&rsquo;entretient pas une relation &eacute;troite avec l&rsquo;oral. Le gueuloir de Flaubert rappelle ce lien oral-&eacute;crit qui traverse la litt&eacute;rature depuis l&rsquo;&eacute;pop&eacute;e de Gilgamesh et la naissance de l&rsquo;&eacute;criture. Les po&egrave;mes sont au d&eacute;part destin&eacute;s &agrave; raconter oralement des mythes aux nouvelles g&eacute;n&eacute;rations, Les Mille et Une Nuits des contes moraux pour les nobles, les textes religieux pour &ecirc;tre r&eacute;cit&eacute;s par les croyants, L&rsquo;Ing&eacute;nieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche des nouvelles qui s&#39;encha&icirc;nent pour des gens se r&eacute;unissant aux moissons et ne sachant pas lire. La forme &eacute;crite ne se s&eacute;pare jamais de la forme orale qui lui pr&eacute;existe et lui donne forme bien que la litt&eacute;rature soit pr&eacute;sent&eacute;e en r&eacute;gime autarcique comme chez les structuralistes par l&#39;absence du sujet et de son historicit&eacute;. <em>Les Essais</em> dict&eacute;s par Montaigne t&eacute;moignent de l&rsquo;importance de la voix haute qui n&rsquo;a jamais si bien port&eacute;e son nom, et Paul Val&eacute;ry de tempester dans une conf&eacute;rence (sur l&#39;orthographe...<a href="#ndp_6" name="lien_nbp_6">6</a>) contre l&rsquo;enseignement des Fables et des classiques :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; Croyez-vous que notre litt&eacute;rature, et singuli&egrave;rement notre po&eacute;sie, ne p&acirc;tisse pas de la n&eacute;gligence dans l&rsquo;&eacute;ducation de la parole ? Que voulez-vous que devienne un po&egrave;te, un v&eacute;ritable po&egrave;te, un homme pour qui les sons du langage ont une importance &eacute;gale&nbsp;<em>(&eacute;gale, vous m&rsquo;entendez bien !)</em>&nbsp;&agrave; celle du sens ? [&hellip;]&nbsp;La diction scolaire telle qu&rsquo;elle est pratiqu&eacute;e est tout bonnement criminelle. Allez donc entendre du&nbsp;La Fontaine, du Racine, r&eacute;cit&eacute; dans une &eacute;cole quelconque ! La consigne est litt&eacute;ralement d&rsquo;&acirc;nonner, et, d&rsquo;ailleurs, jamais la moindre id&eacute;e du rythme, des assonances et des allit&eacute;rations qui constituent la substance sonore de la po&eacute;sie n&rsquo;est donn&eacute;e et d&eacute;montr&eacute;e aux enfants. On consid&egrave;re sans doute comme futilit&eacute;s ce qui est la substance m&ecirc;me de la po&eacute;sie. Mais, en revanche, on exigera des candidats aux examens une certaine connaissance de la po&eacute;sie et des po&egrave;tes. Quelle &eacute;trange connaissance ! N&rsquo;est-il pas &eacute;tonnant que l&rsquo;on substitue cette connaissance purement abstraite (et qui n&rsquo;a d&rsquo;ailleurs qu&rsquo;un lointain rapport avec la po&eacute;sie), &agrave; la sensation m&ecirc;me du po&egrave;me ? Cependant qu&rsquo;on exige le respect de la partie absurde de notre langage, qui est sa partie orthographique, on tol&egrave;re la falsification la plus barbare de la partie phon&eacute;tique, c&rsquo;est-&agrave;-dire la langue vivante. L&rsquo;id&eacute;e fondamentale semble ici, comme en d&rsquo;autres mati&egrave;res, d&rsquo;instituer des moyens de contr&ocirc;le&nbsp;<em>faciles</em>, car rien n&rsquo;est plus facile que de constater la conformit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un texte, ou sa non-conformit&eacute;, avec l&rsquo;orthographe l&eacute;gale, aux d&eacute;pens de la v&eacute;ritable connaissance, c&rsquo;est-&agrave;-dire de la sensation po&eacute;tique. L&rsquo;orthographe est devenue le crit&eacute;rium de la belle &eacute;ducation, cependant que le sentiment musical, le nombre et le dessin des phrases ne jouent absolument aucun r&ocirc;le dans les &eacute;tudes ni dans les &eacute;preuves&hellip;&nbsp;&raquo; (Val&eacute;ry, 1935)</p> </blockquote> <p>Apprendre la grammaire orale ou &eacute;crite d&rsquo;une langue, revient &agrave; s&rsquo;approprier le rythme de la grammaire pour atteindre le rythme de la parole. La confusion entre &laquo; avoir un accent &raquo;&nbsp;(notion relative qui rend compte d&rsquo;un contraste dans un espace g&eacute;ographique) et &laquo; accentuer &raquo;&nbsp;(caract&eacute;ristique physique structurelle), emp&ecirc;che d&rsquo;aborder &agrave; l&rsquo;oral ce qui est commun &agrave; la langue fran&ccedil;aise dans toute sa diversit&eacute; et les aspects prosodiques pertinents pour favoriser l&rsquo;apprentissage de la syntaxe sans renier l&rsquo;originalit&eacute; de chacun. L&rsquo;&eacute;nonciation du fran&ccedil;ais, quelle que soit la situation g&eacute;ographique ou linguistique, con&ccedil;oit une structure orale pr&eacute;cise (diff&eacute;rente de l&rsquo;&eacute;crit oralis&eacute;) et unique parmi les autres langues europ&eacute;ennes, notamment par l&rsquo;absence d&rsquo;accent lexical. En fran&ccedil;ais, la caract&eacute;ristique fondamentale de la structure rythmique proc&egrave;de de l&rsquo;allongement, et non de l&rsquo;intensit&eacute;, de la derni&egrave;re syllabe du groupe rythmique au niveau articulatoire, et non acoustique (Wioland, 2012 : 91). Il ne s&#39;agit donc pas d&#39;un rythme sur la base temps fort/temps faible. Cette modification du rythme et donc de la forme, repr&eacute;sente ainsi une transformation de sa dis-position individuelle et distinctive dans l&rsquo;ordre contraignant de la langue. Le caract&egrave;re authentique de la grammaire de l&rsquo;oral, naturel pour ceux dont c&rsquo;est la langue maternelle, th&eacute;orique voire &eacute;sot&eacute;rique pour l&rsquo;apprenant en FLE, admet que les sons et les mots phon&eacute;tiques poss&egrave;dent bien un ordre et un rythme coh&eacute;rent, l&rsquo;accent fixe. M&ecirc;me la gestualit&eacute; s&rsquo;accorde avec le syst&egrave;me rythmique malgr&eacute; des variations car il existe un ph&eacute;nom&egrave;ne de synchronisation entre les &eacute;l&eacute;ments suprasegmentaux et les gestes (Llorca, 1989) au niveau de la correspondance rythmique avec l&rsquo;accentuation. Se pose alors &agrave; l&rsquo;enseignant un paradoxe didactique soulev&eacute; par Fran&ccedil;ois Wioland, comment relier un enseignement g&eacute;n&eacute;ral &agrave; des cas particuliers &eacute;tant donn&eacute; que l&rsquo;oral (le fran&ccedil;ais parl&eacute; pr&eacute;cis&eacute;ment) est toujours singulier (en plus d&#39;&ecirc;tre plurivoque) ?&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; L&rsquo;oral et l&rsquo;&eacute;crit sont deux syst&egrave;mes distincts de structuration de la langue&nbsp;&raquo;&nbsp;(Wioland, 2012 : 44).&nbsp;</p> </blockquote> <p>Distincts mais pas oppos&eacute;s, si l&rsquo;&eacute;crit souffre de plus en plus d&rsquo;un manque de valorisation de la grammaire, l&rsquo;oral n&rsquo;en est que plus d&eacute;ficitaire alors que l&rsquo;un et l&rsquo;autre pourraient se renforcer mutuellement au lieu de s&rsquo;exclure. En effet, le d&eacute;s&eacute;quilibre et le d&eacute;centrage n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;appropriation du fran&ccedil;ais n&rsquo;est pas seulement d&rsquo;ordre lexical ou grammatical mais intrins&egrave;quement prosodique. Dans le cas sp&eacute;cifique du fran&ccedil;ais, il existe une relation entre la structure rythmique et la structure syntaxico-s&eacute;mantique (Billi&egrave;res, 2014) alors m&ecirc;me que les correspondances asym&eacute;triques entre lettres (les consonnes finales amu&iuml;es par exemple) et phon&egrave;mes provoquent de nombreuses frustrations chez certains apprenants &agrave; cause de l&rsquo;orthographe &eacute;tymologique pr&eacute;f&eacute;r&eacute; &agrave; l&rsquo;orthographe phon&eacute;tique. L&agrave; encore, les repr&eacute;sentations visuelles pr&eacute;dominent au d&eacute;triment d&rsquo;autres sens. Cette concordance des composantes de la langue contraint et ouvre la porte &agrave; une accordance rythmique &agrave; effectuer de la part de l&rsquo;apprenant pour s&rsquo;en saisir malgr&eacute; toutes les exceptions fran&ccedil;aises, commun&eacute;ment admises pour entraver la route de l&rsquo;apprentissage. Au m&ecirc;me titre que la valeur des signes, s&#39;approprier le rythme est le premier pas pour s&rsquo;approprier la langue en fonction des idiosyncrasies et des t&acirc;tonnements au niveau spatio-temporel de chacun. Cette incorporation du langage impose une incorporation du rythme de la grammaire. Ce &laquo; rapport d&rsquo;ad&eacute;quation &raquo;&nbsp;du corps, du langage et de la langue avec un contexte &eacute;cologique pr&eacute;cis oblige l&rsquo;apprenant, et donc l&rsquo;enseignant, &agrave; se saisir corporellement du lien entre prosodie, syntaxe et &eacute;nonciation.&nbsp;</p> <h2>4.Conversion et mesure de la position du corps&nbsp;</h2> <p>Pour acc&eacute;der &agrave; la sagesse, les premiers philosophes originaires d&rsquo;Inde (Pol-Droit, 2004), appel&eacute;s gymnosophistes (&laquo; sages nus &raquo;), d&eacute;ambulaient tels quels et ont inspir&eacute; par la suite les philosophes grecs dont les p&eacute;ripat&eacute;ticiens (&laquo; qui se prom&egrave;nent en discutant &raquo;) d&rsquo;Aristote. Diff&eacute;rentes &eacute;coles vont na&icirc;tre dont les sto&iuml;ciens, les &eacute;picuriens et les cyniques (certains appel&eacute;s &agrave; tort &laquo; pr&eacute;socratiques &raquo;). Le corps en mouvement est au centre de la pens&eacute;e et de la pratique philosophique car celle-ci vise &agrave; mieux vivre, ou mourir, &agrave; l&rsquo;inverse de la cr&eacute;ation de concepts abstraits qui ont envahi depuis les enseignements. Ainsi, certaines &eacute;coles pratiquent des exercices <a href="#ndp_7" name="lien_nbp_7">7</a> spirituels <a href="#ndp_8" name="lien_nbp_8">8</a> comme le remarquent Michel Foucault et surtout Pierre Hadot. Si on les retrouve dans la philosophie contemporaine chez Goethe, Husserl, le pragmatisme, Bergson, Merleau-Ponty ou Wittgenstein, la philosophie antique se caract&eacute;rise d&rsquo;abord par une volont&eacute; en acte de se trans-former dans tous les aspects de vie. Ce n&rsquo;est pas un m&eacute;tier mais un travail sur soi qui ne s&rsquo;arr&ecirc;te jamais. Pierre Hadot pr&eacute;cise :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; pour produire un effet de formation : le philosophe voulait faire travailler les esprits de ses lecteurs ou auditeurs, pour qu&rsquo;ils se mettent dans une certaine disposition &raquo; (Hadot, 2003).&nbsp;</p> </blockquote> <p>Former plut&ocirc;t qu&rsquo;informer, par des exercices <q>exp&eacute;riment&eacute;s</q>, <q>existentiels</q>, <q>une pratique destin&eacute;e &agrave; op&eacute;rer un changement radical de l&rsquo;&ecirc;tre</q>&nbsp;ou la d&eacute;couverte d&rsquo;un <q>nouvel univers mental</q>&nbsp;pour le sujet (Misrahi, 2011). La le&ccedil;on de philosophie se transmet &agrave; l&rsquo;oral car les philosophes n&rsquo;&eacute;crivent pas &agrave; ce moment-l&agrave;. A ce titre,&nbsp;Euclide de M&eacute;gare (&agrave; ne pas confondre avec&nbsp;le c&eacute;l&egrave;bre math&eacute;maticien) n&#39;est pas vraiment consid&eacute;r&eacute; comme un philosophe puisqu&#39;il a besoin de consigner le dialogue entre Th&eacute;&eacute;t&egrave;te et Socrate.&nbsp;Connot&eacute;e religieusement, la conversion vise &agrave; un retournement, changer de direction et donc de position. Philosophie et po&eacute;sie se retrouvent, les atomistes antiques employaient d&#39;ailleurs une m&eacute;thode po&eacute;tique pour tenter d&#39;expliquer le monde physique.&nbsp;Si notre langue source est une ressource et un r&eacute;pertoire d&eacute;terminant, il faut &ecirc;tre en mesure de subir un d&eacute;r&egrave;glement rythmique (de forme) important, articulant les ph&eacute;nom&egrave;nes linguistiques et extra-linguistiques. Les exercices quotidiens, concrets et pratiques, des philosophes rejoignent le &laquo; travail laborieux&nbsp;&raquo;&nbsp;de l&rsquo;apprenant en langue comme le souligne Akira Mizubayashi :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; Mais j&rsquo;eus une musique &agrave; moi seul, c&rsquo;&eacute;tait le fran&ccedil;ais. Personne dans ma famille ne s&rsquo;en aper&ccedil;ut. Car cette langue venue d&rsquo;ailleurs &eacute;tait pour moi l&rsquo;objet d&rsquo;un travail laborieux, d&rsquo;un exercice patient, d&rsquo;une discipline asc&eacute;tique de tous les jours comme l&rsquo;a &eacute;t&eacute; le violon pour mon fr&egrave;re qui se l&rsquo;est appropri&eacute;, incorpor&eacute; pour en lib&eacute;rer la musique&nbsp;&raquo;&nbsp; (Mizubayashi, 2013 : 39)&nbsp;</p> </blockquote> <p>L&rsquo;appropriation se fait jour par l&rsquo;incorporation. Mais du pourchas actuel de&nbsp;l&#39;incorporation de la langue &agrave;&nbsp;l&#39;acquisition du langage, les&nbsp;questionnements sur les modes d&#39;apparition et les modalit&eacute;s d&#39;int&eacute;riorisation sont anciens.&nbsp;De l&#39;antiquit&eacute; chinoise avec Lao Tseu, Confucius ou Xun Zi au mythe de la Tour de Babel dans la G&eacute;n&egrave;se, les conceptions du langage sont au centre des d&eacute;bats (philosophiques et&nbsp;religieux)&nbsp;pour d&eacute;terminer&nbsp;la mesure de l&#39;Homme dans l&rsquo;ordre cosmique et divin. Jusqu&#39;aux&nbsp;<em>Lumi&egrave;res</em>, la tradition jud&eacute;o-chr&eacute;tienne entretient le mythe d&#39;une langue cr&eacute;&eacute; par Dieu dont la premi&egrave;re serait l&#39;h&eacute;breu. Au XIXe si&egrave;cle, le conventionnalisme repris par Wilhelm Von Humboldt, pionnier de la philosophie du langage qui inspira Saussure pour dominer la linguistique contemporaine r&eacute;active&nbsp;les d&eacute;bats entam&eacute;s durant&nbsp;l&#39;antiquit&eacute; grecque. Dans le Cratyle, Platon met en sc&egrave;ne deux visions apparemment antagonistes de l&rsquo;origine du langage : la langue d&eacute;termin&eacute;e par la&nbsp; nature (position de Cratyle, disciple d&rsquo;H&eacute;raclite) et celle &eacute;tablie par la convention des hommes (position d&rsquo;Hermog&egrave;ne, disciple de Parm&eacute;nide) &agrave; partir de noms &eacute;tablis par des signes et form&eacute;s par un <q>l&eacute;gislateur</q>&nbsp;pour parvenir &agrave; la <q>justesse</q>.&nbsp;Entre les deux philosophes appara&icirc;t Socrate, sollicit&eacute; imm&eacute;diatement pour arbitrer et trancher le d&eacute;bat. Or, le fils (symbolique) d&rsquo;un sculpteur et d&rsquo;une sage-femme va choisir la mesure pour r&eacute;fl&eacute;chir avec ses camarades, s&rsquo;approcher (et accoucher) de la v&eacute;rit&eacute;. La ma&iuml;eutique et l&rsquo;heuristique de Socrate, son attitude ouverte &agrave; la discussion et &agrave; l&rsquo;&eacute;change, permet une interaction et une remise en cause des th&egrave;ses avanc&eacute;es. Pour Socrate, le langage n&rsquo;est qu&rsquo;une imitation approximative du r&eacute;el et ne peut donc incarner la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;objet mais une image qui tente d&rsquo;&ecirc;tre la plus repr&eacute;sentative possible sans pouvoir &eacute;tablir, ni une th&eacute;orie linguistique suffisante, ni une connaissance absolue de la r&eacute;alit&eacute; (les <q>choses m&ecirc;mes</q>). La distinction des termes s&rsquo;effectue par rapport aux autres &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un syst&egrave;me singulier dont le passage &agrave; un autre emp&ecirc;che l&rsquo;exactitude de la valeur. Le dualisme platonicien que l&rsquo;on retrouve dans la binarit&eacute; du signe (signifiant/signifi&eacute;) emp&ecirc;che finalement d&rsquo;envisager l&rsquo;origine du langage en &eacute;vacuant la question de la n&eacute;gativit&eacute; ainsi que les porosit&eacute;s et les asp&eacute;rit&eacute;s de la parole. L&rsquo;oral rel&egrave;ve de l&rsquo;instant, de subtilit&eacute;s et d&rsquo;implicites qui renvoient au monde sensible et au monde intelligible. Socrate, pour cl&ocirc;re sans conclure le dialogue entre Cratyle et Hermog&egrave;ne, admet que le langage est affaire d&rsquo;images mais imparfaites.&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; L&rsquo;homme est la mesure de toute chose&nbsp;&raquo;&nbsp;(Protagoras)&nbsp;</p> </blockquote> <p>Influenc&eacute; par la fameuse locution philosophique de Protagoras o&ugrave; le sens du monde est invent&eacute; par la m&eacute;diation de l&rsquo;homme pour convenir et former un langage, Hermog&egrave;ne admet la cr&eacute;ation humaine derri&egrave;re la langue. Le sophiste Protagoras dont&nbsp;la connotation n&eacute;gative aujourd&#39;hui et victime de la haine de Platon m&eacute;riteraient d&#39;&ecirc;tre approfondies, influence &eacute;galement Th&eacute;&eacute;t&egrave;te qui d&eacute;fend une vision relativiste de la connaissance. Socrate en d&eacute;saccord&nbsp;avec&nbsp;cette th&egrave;se, n&#39;en reconna&icirc;t pas moins les qualit&eacute;s de son adversaire id&eacute;ologique dans ce qui constitue les bases d&#39;une discussion&nbsp;o&ugrave; deux intelligences s&#39;affrontent. Dans le dialogue &eacute;ponyme,&nbsp;Protagoras consid&egrave;re&nbsp;la perception comme premi&egrave;re dans la formation du jugement et de la v&eacute;rit&eacute;. Celui pour qui&nbsp;<q>la partie la plus importante de l&#39;&eacute;ducation consiste &agrave; &ecirc;tre un connaisseur en po&eacute;sie</q>, &eacute;vacue (en partie) les divinit&eacute;s&nbsp;du ciel, en postulant le d&eacute;terminisme de l&rsquo;homme &agrave; devoir se d&eacute;terminer, malgr&eacute; les &laquo; biais d&rsquo;intentionnalit&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;et les risques de solipsisme, oeuvrant par cons&eacute;quent &agrave;&nbsp;un appel &agrave; la mesure que l&rsquo;on retrouve finalement chez Socrate (<q>Connais-toi toi-m&ecirc;me</q>). Ainsi, le positionnement de son corps dans l&rsquo;ordre physique devient l&rsquo;enjeu d&rsquo;une connaissance qui d&eacute;bute &agrave; partir de soi.</p> <p>Les conceptions po&eacute;tiques ou philosophiques du langage, dont nous exposons ici une infimit&eacute; parmi une infinit&eacute; (puisqu&#39;il y a autant de conceptions que de corps), permettent d&rsquo;enrichir et de d&eacute;passer l&rsquo;&eacute;pist&eacute;m&egrave; &laquo; dominante&nbsp;&raquo;&nbsp;en didactique du FLE qui consiste &agrave; aseptiser, standardiser et r&eacute;duire la langue &agrave; de la communication utilitaire. La mesure de sa position (du rythme) s&rsquo;oppose ainsi au calcul des b&eacute;n&eacute;fices d&#39;un capital social ou d&#39;un(e) mode de&nbsp;gestion de la langue. Subs&eacute;quemment, peu importe que les mots trompent ou soient insuffisants, l&#39;&oelig;uvre de l&rsquo;apprenant (autant que du po&egrave;te ou du philosophe), tente de pr&eacute;ciser sans cesse sa pens&eacute;e, en tension, quelle que soit la forme des circonvolutions verbales.&nbsp;S&rsquo;approprier une langue constitue une conqu&ecirc;te &agrave; bien des &eacute;gards, une qu&ecirc;te avec autrui comme port d&rsquo;attache et nouvel horizon. Pour transformer cette errance en odyss&eacute;e, la perception et la conscience de cette aventure improbable se re-lient &eacute;troitement. Nous encourageons donc &agrave; prendre (la) mesure de la langue qu&rsquo;introduit l&rsquo;acte de parole et la mise en perspective singuli&egrave;re de soi et du monde dans la diversit&eacute; des langues. Pour ce faire, nous proposons une d&eacute;-marche o&ugrave; le rythme de la parole correspond &agrave; une&nbsp;mesure interne des sens et du sens.&nbsp;</p> <h2>5.Vers une d&eacute;marche rythmique et une approche concr&egrave;te&nbsp;</h2> <p>Comme l&rsquo;indique avec entrain Michel Billi&egrave;res, <q>la parole est mouvement</q>. La prendre ou la recevoir revient &agrave; se positionner et se repositionner en permanence, dans des environnements familiers et incertains. Tel le proverbe d&#39;H&eacute;raclite <q>on ne se baigne jamais deux fois dans le m&ecirc;me fleuve</q>, on ne dit jamais deux fois la m&ecirc;me chose, m&ecirc;me si ce qu&rsquo;on &laquo; r&eacute;p&egrave;te &raquo;&nbsp;a le m&ecirc;me sens &agrave; cause des perp&eacute;tuels changements. La traduction d&rsquo;une langue &agrave; une autre ou d&rsquo;un individu &agrave; un autre, ne peut se revendiquer transparente et id&eacute;ale. Chaque m&eacute;moire est singuli&egrave;re et s&rsquo;inscrit dans une m&eacute;moire plus large. Si notre langue maternelle &agrave; laquelle nous nous identifions nous fa&ccedil;onne et reste notre r&eacute;f&eacute;rence, notre rapport aux langues &eacute;trang&egrave;res ne va pas de soi. La parole, m&ecirc;me int&eacute;rieure et/ou &agrave; soi, rencontre et re&ccedil;oit les mots d&rsquo;autrui pour y adh&eacute;rer ou non. La diversit&eacute; et parfois l&rsquo;opposition des discours va produire un &eacute;cho chez l&rsquo;apprenant o&ugrave; diff&eacute;rentes voix vont s&rsquo;entrelacer et provoquer un rapport d&rsquo;identification et d&rsquo;affection.&nbsp;M&ecirc;me et surtout &agrave; l&rsquo;oral, les &eacute;l&eacute;ments linguistiques et extra-linguistiques forment un tout indissociable que l&rsquo;enseignant va devoir conditionner pour viser une appropriation correcte de la grammaire. Ce bouleversement ne peut s&rsquo;engendrer que par une m&eacute;ta-morphose qui va activer la singularit&eacute; de l&rsquo;apprenant. Plus que l&rsquo;acquisition d&rsquo;une posture co&ucirc;teuse en &eacute;nergie et inappropri&eacute;e, il s&rsquo;agit pour l&rsquo;apprenant de se positionner ad&eacute;quatement dans <q>la partie individuelle du langage, c&rsquo;est-&agrave;-dire la parole y compris la phonation</q>&nbsp;(Saussure, [1916] 2005) pour se construire une place dans la langue et dans sa personnalit&eacute;. Cette &eacute;cologie du langage constitue alors une transformation int&eacute;rieure qui affecte la subjectivit&eacute; et le regard pos&eacute; sur le monde ou comme le souligne Humboldt : <q>la conqu&ecirc;te d&rsquo;une perspective nouvelle et le renouvellement de la vision du monde qui dominait jusque-l&agrave;</q>&nbsp;(Humboldt,&nbsp;[1830] 1974 : 199). Ce r&eacute;arrangement de soi relie le rythme intrins&egrave;que du corps &agrave; celui&nbsp;extrins&egrave;que du&nbsp;cosmos. Le sens r&eacute;side ainsi dans la saisie des sens, et dont l&rsquo;essence se transmet, imparfaitement certes, par le mouvement de l&rsquo;agencement des sons. Cette appropriation po&eacute;tique d&eacute;vie&nbsp;de l&rsquo;id&eacute;e que ma&icirc;triser une langue consiste &agrave; s&rsquo;adapter &agrave; des situations de communications st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es et purement fonctionnelles. Le d&eacute;s&eacute;quilibre de la d&eacute;-marche qui re-d&eacute;finit notre rapport &agrave; l&rsquo;autre induit par ce pas de c&ocirc;t&eacute; va engendrer l&rsquo;humanit&eacute; du sujet po&egrave;te tel un a&egrave;de o&ugrave; &laquo; marcher, parler et penser ne forment qu&rsquo;un seul mouvement &raquo; (Pol-Droit, 2016 : 2). Ce processus est l&rsquo;expression d&rsquo;une danse <a href="#ndp_9" name="lien_nbp_9">9</a>, avec ses premiers pas, ses balbutiements, ses rythmes im-propres, im-probables et chaotiques, dont l&rsquo;arythmie r&eacute;side dans le manque d&rsquo;&eacute;veil, de sensibilisation et d&rsquo;&eacute;coute. Le corps et la parole ne forment plus qu&rsquo;un. L&rsquo;apprenant ne saurait copier &agrave; l&rsquo;identique ses pr&eacute;d&eacute;cesseurs car vouloir imiter permet d&rsquo;apprendre mais ne peut consister sur la dur&eacute;e qu&rsquo;&agrave; singer illusoirement tandis que chacun &eacute;volue dans un monde subjectif et sui generis dont l&rsquo;&eacute;nonciation est modifiable &agrave; l&#39;envi. Dans l&rsquo;exp&eacute;rience de la langue, le corps po&eacute;tique se frotte au r&eacute;el de la langue dans la mat&eacute;rialit&eacute; sonore et dans le d&eacute;voilement de sa propre sculpture. Une question &eacute;pineuse d&rsquo;&eacute;piderme, o&ugrave; l&rsquo;on passe du chaos &agrave; la forme pour d&eacute;-finir la mise en suspens du mouvement originel, et dont l&rsquo;exp&eacute;rience po&eacute;tique n&rsquo;est pas forc&eacute;ment compr&eacute;hensible ni traduisible d&egrave;s le d&eacute;but. Une d&eacute;marche rythmique peut en partie r&eacute;pondre &agrave; cette qu&ecirc;te sensuelle, existentielle et &eacute;mancipatrice.</p> <p>Si le langage structure notre pens&eacute;e, la langue sugg&egrave;re beaucoup plus qu&rsquo;elle ne peut l&#39;exprimer avec des mots. Selon Meschonnic, il n&rsquo;existe que la po&eacute;tique &agrave; m&ecirc;me de cr&eacute;er une th&eacute;orie du langage en tant que th&eacute;orie du sujet par sa capacit&eacute; r&eacute;flexive et critique des repr&eacute;sentations du langage. Par cons&eacute;quent, une approche concr&egrave;te peut donc permettre aux apprenants de prendre mesure de la non co&iuml;ncidence du rythme gr&acirc;ce aux formes des processus d&rsquo;appropriation, sans tomber dans le formalisme. Le terme concret s&rsquo;oppose &agrave; ce qui est abstrait, et tend &agrave; appliquer des savoirs th&eacute;oriques (ou pas) dans la vie r&eacute;elle (pl&eacute;onasme nous en convenons). Ce qui est concret renvoie &agrave; ce qui est &laquo; r&eacute;el, tangible, perceptible&nbsp;&raquo;&nbsp;et se rattache &agrave; la substance, la mati&egrave;re ou de &laquo; consistance &eacute;paisse &raquo;. C&rsquo;est donc &agrave; partir de ce pr&eacute;suppos&eacute; et en nous inspirant de la psychologie concr&egrave;te de Georges Politzer que nous souhaitons donner de l&rsquo;&eacute;paisseur &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience et &agrave; la perception de l&rsquo;apprenant dans notre d&eacute;marche rythmique :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; Si l&#39;on commence par d&eacute;tacher les faits psychologiques de l&#39;individu singulier, on se situe, d&#39;embl&eacute;e, sur un plan abstrait, sur le plan des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s avec lesquelles travaillent les psychologues. On se mouvra donc au milieu des consid&eacute;rations qui resteront au-dessous ou au-dessus de l&#39;individu particulier, et comme celui-ci seul peut introduire dans la th&eacute;orie la diversit&eacute; concr&egrave;te qui la rend applicable aux cas particuliers, l&#39;abstraction aboutit forc&eacute;ment &agrave; la tautologie, et c&#39;est le hasard qui devra remplir le vide cr&eacute;&eacute; par l&#39;&eacute;limination du concret individuel. L&#39;exp&eacute;rience ne nous pr&eacute;sente, en effet, que des faits individuels, mais comme on s&#39;est condamn&eacute; par l&#39;abstraction &agrave; ne pouvoir invoquer que des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s, on sera forc&eacute;, &agrave; propos de chaque cas individuel, de r&eacute;p&eacute;ter des g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s, et l&#39;explication sera incapable de se modeler sur le fait &agrave; expliquer&nbsp;&raquo;&nbsp;(Politzer, 1928 : 35).&nbsp;</p> </blockquote> <p>Pour proc&eacute;der &agrave; une individuation de l&rsquo;apprentissage et participer &agrave; une &eacute;nonciation singuli&egrave;re, nous sugg&eacute;rons de consid&eacute;rer le rapport &agrave; la langue et &agrave; la musicalit&eacute; de l&rsquo;apprenant afin de soutenir l&rsquo;appropriation de la grammaire par une perspective organismique. Se d&eacute;couvrir, se mettre &agrave; nu et devenir autre sans jamais renoncer &agrave; soi. Nonobstant, il ne s&rsquo;agit pas de devenir un acteur qui surjoue et th&eacute;&acirc;tralise une prestation unique lorsqu&rsquo;il parle une autre langue qui lui reste &eacute;trang&egrave;re. Au contraire, il s&rsquo;agit plut&ocirc;t de devenir une sorte de com&eacute;dien, au sens de Louis Jouvet (et non jouer la com&eacute;die) qui se r&eacute;invente et r&eacute;invente la langue, capable de se re-produire autant qu&rsquo;il le souhaite afin de transmettre sa singularit&eacute; au-del&agrave; des mots qu&rsquo;il emploie et d&rsquo;affronter <q>bien des m&eacute;prises et des surprises</q>&nbsp;(Jouvet, 2009 : 90). Nous l&rsquo;avons mentionn&eacute; plus haut, il existe une imbrication intrins&egrave;que des composantes linguistiques, mais aussi un lien entre appropriation prosodique et appropriation syntaxique. Nous ne parlons pas avec des phrases mais avec des &eacute;nonc&eacute;s divis&eacute;s en groupes rythmiques ou en mots phon&eacute;tiques. Ce qui veut dire que nous ne respectons pas la ponctuation d&rsquo;un texte souvent d&eacute;finie comme la possibilit&eacute; de respirer ou de reprendre son souffle qui pourtant ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas. D&rsquo;apr&egrave;s notre exp&eacute;rience d&rsquo;enseignant, nous remarquons une grande difficult&eacute; &agrave; s&rsquo;exprimer pour les apprenants ma&icirc;trisant mal, souvent inconsciemment, le lien entre le rythme, la grammaire et l&rsquo;&eacute;nonciation. Bien que les r&egrave;gles puissent &ecirc;tre&nbsp; ma&icirc;tris&eacute;es, les difficult&eacute;s pour s&rsquo;exprimer &agrave; l&rsquo;oral, structurer un discours ou maintenir une interaction appara&icirc;ssent sous l&rsquo;effet du stress et d&rsquo;automatismes insuffisamment incorpor&eacute;s. M&ecirc;me avec un texte &eacute;crit, la ponctuation ne constitue pas les limites du rythme &agrave; respecter mais un balisage graphique pour faciliter la lecture et non le dire. Pour illustrer notre propos, nous reprenons &agrave; notre compte l&rsquo;exemple souvent cit&eacute; par Jean-Laurent Cochet d&#39;une c&eacute;l&egrave;bre fable de La Fontaine. Le premier vers : <q>Ma&icirc;tre Corbeau, sur un arbre perch&eacute;,</q>&nbsp;nous am&egrave;ne &agrave; la question suivante, qui est perch&eacute; ? Est-ce l&rsquo;arbre ou le corbeau ? Cette erreur souvent commise d&eacute;montre &agrave; quel point le rythme est li&eacute; au(x) sens, et donc le pr&eacute;alable &agrave; une parole &laquo; juste&nbsp;&raquo;&nbsp;(pas au sens conventionnel de ce que la soci&eacute;t&eacute; d&eacute;finit comme &laquo; juste &raquo;) dont l&rsquo;enseignant doit tenter de faire prendre mesure aux apprenants. <em>Mutatis Mutandis</em>, l&rsquo;apprenant entreprend et aboutit &agrave; intercaler la grammaire &eacute;trang&egrave;re avec le rythme de sa parole, sans cesse renouvel&eacute;.&nbsp;</p> <h2>6.Pour une grammaire p&eacute;dagogique dans&nbsp;une didactique sensorimotrique</h2> <p>Tout au long de cet article, nous avons essay&eacute; de tracer une autre fa&ccedil;on de consid&eacute;rer la grammaire dans une conception po&eacute;tique du langage afin d&rsquo;engendrer une conversion philosophique de l&rsquo;apprenant qui n&rsquo;est pas nouvelle mais m&eacute;rite d&rsquo;exister et d&rsquo;&ecirc;tre pratiqu&eacute;e en didactique du FLE. Le corps, r&eacute;ceptacle et caisse de r&eacute;sonance de la vitalit&eacute; de l&rsquo;apprenant s&rsquo;accorde et se positionne par rapport &agrave; la langue &eacute;trang&egrave;re qu&#39;elle habite. Si bien qu&rsquo;avant la naissance et la parole, l&rsquo;&eacute;mergence de la proprioception (Whitehead, Meek &amp; Fabrizi, 2018 <a href="#ndp_10" name="lien_nbp_10">10</a>) et de la prosodie (Dodane, 2021) sont d&eacute;j&agrave; d&eacute;terminantes dans la constitution d&rsquo;une sensibilit&eacute; n&eacute;cessaire au d&eacute;veloppement langagier et sensori-moteur. La corpor&eacute;it&eacute; de la parole encourage donc &agrave; une corporisation de la didactique et de la grammaire qui ne soit pas d&rsquo;ordre conceptuel, immense chapelle, mais existentiel, humble b&acirc;tisse. D&egrave;s l&rsquo;antiquit&eacute;, aussi bien chez les Socratiques, les Sophistes ou les Atomistes, et dans la continuit&eacute; des recommandations d&rsquo;Henri Portine, la grammaire s&rsquo;inscrivait dans un ensemble prop&eacute;deutique et p&eacute;dagogique initi&eacute; par l&rsquo;<i>enkuklios paideia</i> (encyclop&eacute;die) &agrave; Alexandrie au IIe si&egrave;cle environ avant J.-C., lieu de naissance de la grammaire occidentale et de la philologie (Portine, 1999 <a href="#ndp_11" name="lien_nbp_11">11</a>). Afin de favoriser la circularit&eacute; de la parole tant &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de soi qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur de l&rsquo;interaction, l&rsquo;activit&eacute; discursive de l&rsquo;apprenant doit &ecirc;tre encourag&eacute;e et multipli&eacute;e pour produire un dialogisme au service de la production d&rsquo;actes &eacute;nonciatifs performants. La grammaire en tant que <q>moteur des strat&eacute;gies discursives</q>&nbsp;(Portine, 1999), doit aborder la syntaxe de l&rsquo;oral pour <q>prendre corps</q>&nbsp;comme dans le po&egrave;me du m&ecirc;me nom de Gh&eacute;rasim Luca et retrouver une physique du langage. Jamais d&eacute;pourvue de sensible, cette disposition &agrave; la prise de parole induite par un repositionnement dans une nouvelle langue en chantier inqui&egrave;te tant pour sa complexit&eacute; que pour sa mise en pratique. L&rsquo;engagement du corps apprenant&nbsp;peut aider &agrave; p&eacute;n&eacute;trer la langue et &agrave; apaiser les troubles que suscitent les &laquo; risques de non-conformit&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;d&rsquo;un monde nouveau. Une didactique <i>sensorimotrique</i> permettrait de renouer avec le rythme premier des philosophes et po&egrave;tes&nbsp;antiques ainsi que du&nbsp;sens premier (Roll, 2003), la proprioception, &agrave; l&#39;origine <i>sensus communis</i>&nbsp;(koin&ecirc; aisth&ecirc;sis) chez Aristote, pr&eacute;sent&eacute;e depuis&nbsp;comme le sixi&egrave;me sens (Sherrington, 1906), raison qui explique sans doute son invisibilit&eacute;... Point de d&eacute;part de la perception et de la connaissance, articulant tous les sens internes et externes &agrave; soi et au monde, les sensations interagissent avec la conscience de soi en fonction de son exp&eacute;rience dans la <q><i>notion d&#39;ensemble du corps</i></q> (Epicure dans sa Lettre &agrave; H&eacute;rodote). La <q>notion de conscience</q> (James, 1905)&nbsp;fabriqu&eacute;e par le corps subit aussi les rythmes de la vie, in&eacute;gaux, irr&eacute;guliers et loin d&#39;&ecirc;tre id&eacute;aux, ce que Nietzsche critique avec virulence&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; Le conscient est l&#39;&eacute;volution derni&egrave;re et tardive du syst&egrave;me organique, et par cons&eacute;quent aussi ce qu&#39;il y a dans ce syst&egrave;me de moins achev&eacute; et de moins fort. D&#39;innombrables m&eacute;prises ont leur origine dans le conscient, des m&eacute;prises qui font p&eacute;rir un animal, un homme plus t&ocirc;t qu&#39;il ne serait n&eacute;cessaire, &laquo; malgr&eacute; le destin &raquo;, comme dit Hom&egrave;re. Si le lien conservateur des instincts n&#39;&eacute;tait pas infiniment plus puissant, s&#39;il ne servait pas, dans l&#39;ensemble, de r&eacute;gulateur : l&#39;humanit&eacute; p&eacute;rirait par ses jugements absurdes, par ses divagations avec les yeux ouverts, par ses jugements superficiels et sa cr&eacute;dulit&eacute;, en un mot par sa conscience : ou plut&ocirc;t sans celle-ci elle n&#39;existerait plus depuis longtemps! Toute fonction, avant d&#39;&ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;e et m&ucirc;re, est un danger pour l&#39;organisme : tant mieux si elle est bien tyrannis&eacute;e pendant son d&eacute;veloppement. C&#39;est ainsi que le conscient est tyrannis&eacute; et pas pour le moins par la fiert&eacute; que l&#39;on y met! On s&#39;imagine que c&#39;est l&agrave; le noyau de l&#39;&ecirc;tre humain, ce qu&#39;il a de durable, d&#39;&eacute;ternel, de primordial! On tient le conscient pour une quantit&eacute; stable donn&eacute;e! On nie sa croissance, son intermittence! On le consid&egrave;re comme l&#39;&laquo; unit&eacute; de l&#39;organisme &raquo;! - Cette ridicule surestimation, cette m&eacute;connaissance de la conscience a eu ce r&eacute;sultat heureux d&#39;emp&ecirc;cher le d&eacute;veloppement trop rapide de la conscience. Parce que les hommes croyaient d&eacute;j&agrave; poss&eacute;der le conscient, ils se sont donn&eacute; peu de peine pour l&#39;acqu&eacute;rir - et, maintenant encore, il n&#39;en est pas autrement. Une t&acirc;che demeure toute nouvelle et &agrave; peine perceptible &agrave; l&#39;oeil humain, &agrave; peine clairement reconnaissable, la t&acirc;che de s&#39;incorporer le savoir et de le rendre instinctif. - Cette t&acirc;che ne peut &ecirc;tre aper&ccedil;ue que par ceux qui ont compris que, jusqu&#39;&agrave; pr&eacute;sent, seules nos erreurs ont &eacute;t&eacute; incorpor&eacute;es et que toute notre conscience ne se rapporte qu&#39;&agrave; des erreurs!&nbsp;&raquo; (Nietzsche, 1887)</p> </blockquote> <p>L&#39;int&eacute;riorit&eacute; s&#39;installant de plus en plus au cours de l&#39;Histoire (Vigarello, 2014), <i>l&#39;&eacute;veil de la conscience, </i>principalement<i>&nbsp;</i>moral (en cela rien de nouveau), selon les tendances et les d&eacute;clinaisons du moment, oublie les errements du corps, les impr&eacute;cisions du langage, les divagations de l&#39;imagination, les hasards de la vie... Loin de nous poser en objecteur &agrave; notre tour, nous inviterons d<span style="font-size: 12pt;">ans cet &eacute;lan&nbsp;&agrave; une <q>po&eacute;tique de l&#39;espace</q> (Bachelard, 1957) en classe pour &eacute;largir les consciences et&nbsp;r&eacute;-concilier corps, philosophie, po&eacute;sie, langage, langues et </span><i>schol&egrave;</i><span style="font-size: 12pt;">.&nbsp;</span>Au m&ecirc;me titre que la prononciation, les difficult&eacute;s et donc les rem&eacute;diations, sont toujours &agrave; remettre en perspective avec les langues sources et les sp&eacute;cificit&eacute;s de l&rsquo;apprenant dont la singularit&eacute; des corps :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; La plupart des &ecirc;tres ont des corps tout &agrave; fait singuliers qui les mettent en contact avec des portions du monde seulement. Et donc la vie d&#39;un oiseau n&#39;est pas la vie d&#39;un poisson, qui n&#39;est pas la vie d&#39;un insecte, etc., parce que chaque classe d&#39;&ecirc;tres a des dispositions physiques qui lui donnent acc&egrave;s &agrave; une partie du monde. C&#39;est ce que j&#39;appelle la &quot;physicalit&eacute;&quot;.&nbsp;&raquo; (Descola, 2017 : 29)</p> </blockquote> <p>La multiplicit&eacute; des contextes plurilingues et interculturels, mais aussi corporels, dont on ne peut s&rsquo;extraire &agrave; moins d&rsquo;hypostasier l&rsquo;apprenant, et d&rsquo;en hypoth&eacute;quer les chances, constitue une toile de fond impossible &agrave; circonscrire totalement mais n&eacute;cessaire pour ne jamais prendre pour acquis ce qui rel&egrave;ve de l&rsquo;ind&eacute;passable et de l&rsquo;inconnu, aussi bien le langage, le corps que la po&eacute;sie comme le mentionne Paul Val&eacute;ry :&nbsp;</p> <blockquote> <p>&laquo; La plupart des hommes ont de la po&eacute;sie une id&eacute;e si vague que ce vague m&ecirc;me de leur id&eacute;e est pour eux la d&eacute;finition de la po&eacute;sie. &raquo;&nbsp;(Val&eacute;ry, 1941).&nbsp;</p> </blockquote> <p>Jouant de malentendus et d&rsquo;id&eacute;es, le vague n&rsquo;est-il pas justement immanent &agrave; l&rsquo;irr&eacute;ductibilit&eacute; du langage ? Dans la lign&eacute;e d&rsquo;une &laquo; po&eacute;tique du corps langage &raquo;&nbsp;(Martin, 2006) et &laquo; puisqu&#39;il n&#39;y a plus de place pour les po&egrave;tes dans ce monde <a href="#ndp_12" name="lien_nbp_12">12</a> &raquo;, laissons au moins la place &agrave; une po&eacute;tique du corps apprenant.&nbsp;</p> <h2>Bibliographie</h2> <p>Artaud, A. (1938).&nbsp;<em>Le th&eacute;&acirc;tre et son double</em>.&nbsp;Paris:&nbsp;Gallimard.&nbsp;</p> <p>Bassano, D. (2008).&nbsp;<em>Acquisition du langage et grammaticalisation : le d&eacute;veloppement pour les noms et les verbes en fran&ccedil;ais</em>. Dans :&nbsp;F. Labrell &amp; G. Chasseigne,&nbsp;Aspects du d&eacute;veloppement conceptuel et langagier (p. 17-50).&nbsp;Edition Publibook Universit&eacute;.&nbsp;</p> <p>Bataille, G. (1992 [1937]). <em>L&rsquo;apprenti sorcier</em>.&nbsp;Paris:&nbsp;Gallimard.&nbsp;</p> <p>Benveniste, E. 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Bien que nous puissions remonter &agrave; Antiphon pour la th&eacute;rapie par les mots (anc&ecirc;tre de la psychanalyse) et le yoga &agrave; l&#39;Indus (encore une fois), loin de d&eacute;nigrer ces pratiques diverses et vari&eacute;es, il semble important de souligner les&nbsp;d&eacute;rives contemporaines, lucratives et non encadr&eacute;es, d&#39;une multitude&nbsp;d&#39;activit&eacute;s&nbsp;<q>conspiritualistes</q>&nbsp;(conspirationniste et spiritualiste) qui surfent sur la qu&ecirc;te du bonheur, du&nbsp;bien-&ecirc;tre et du d&eacute;veloppement personnel&nbsp;(cf. Eva Illouz&nbsp;et Edzard Ernst) que l&#39;on retrouve parfois sous des formes acidul&eacute;es dans certaines p&eacute;dagogies,&nbsp;et repr&eacute;sentent un ph&eacute;nom&egrave;ne o&ugrave; le charlatanisme prosp&egrave;re sur une croyance visant &agrave; exacerber la <em>volont&eacute; </em>et&nbsp;la<em> gu&eacute;rison</em> individuelle dans un contexte id&eacute;ologique manag&eacute;rial et New Age. L&#39;hygi&egrave;nisme et le&nbsp;corps y occupent une place pr&eacute;pond&eacute;rante avec des&nbsp;risques d&#39;emprise, d&#39;arnaque et de sectarisme. L&#39;enseignant ne saurait &ecirc;tre un gourou mais quelqu&#39;un qui signale, en l&#39;occurence ici les dangers.&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="ndp_9">9</a>&nbsp;Citation en exergue de Nietzsche : <q>On voit &agrave; la d&eacute;marche de chacun s&rsquo;il a trouv&eacute; sa route. L&rsquo;homme qui s&rsquo;approche du but ne marche plus, il danse</q>. de l&rsquo;ouvrage de Roger-Pol Droit, (2016). Comment marchent les philosophes. Paris: Paulsen.&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="ndp_10">10</a>&nbsp;Whitehead, K., Meek, J., &amp; Fabrizi, L. (2018). Developmental trajectory of movement-related cortical oscillations during active sleep in a cross-sectional cohort of pre-term and full-term human infants.&nbsp;<i>Scientific reports</i>,&nbsp;<i>8</i>(1), 17516. https://doi.org/10.1038/s41598-018-35850-1</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="ndp_11">11</a>&nbsp;Portine Henri. Didactique de la grammaire : vers une nouvelle&nbsp;<em>enkuklios paideia</em>&nbsp;?. In:&nbsp;<em>Spirale. Revue de recherches en &eacute;ducation</em>, n&deg;23, 1999. Apprendre l&rsquo;&eacute;crit - Les valeurs en formation et en &eacute;ducation (3) sous la direction de Dominique-Guy Brassart et Yves Reuter. pp. 173-185.&nbsp;DOI :&nbsp;<a href="https://doi.org/10.3406/spira.1999.1548">https://doi.org/10.3406/spira.1999.1548</a></p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="ndp_12">12</a>&nbsp;C&rsquo;est ce qu&rsquo;&eacute;crit Gh&eacute;rasim Luca dans une lettre d&#39;adieu qu&#39;il laisse &agrave; sa compagne, source wikip&eacute;dia.</p>