<p>Abstract</p>
<p>It is customary to assume that students are afraid of speaking in language class and that this can be analyzed in terms of linguistic insecurity.<br />
Blanchet, Clerc, Rispail (2014) have already explored this educational dimension. Before them, Caitucoli (2003) had focused attention on linguistic heterogeneity in schools and Francard (1993) had done so more generally on so-called peripheral French-speaking communities. The concept of linguistic insecurity has been considerably worked on since the 1960s (N. Gueunier, M.-L. Moreau, A. Bretegnier, G. Ledegen, to complete the panorama a little) up to the concept of language insecurity ( indexed) of H. Adami et al. (2023).<br />
A case study is presented in which the teacher was stuck to didactic practices, which prevented her from seeing that she was refusing even correct productions from her students; the hypothesis made during the interview which follows the session is that of a didactic insecurity of a teacher whose language is not academic training and who has received fairly basic training in didactics. His own professional insecurity contributes to rigidifying the teaching of the language, French in this case, the so-called privileged language in the Tunisian education system.<br />
The teacher's representations (of her own position, of her skills, of the expectations of the institution, of the language) contribute to negatively evaluating student production which is nevertheless correct.<br />
Our hypothesis is therefore that these negative evaluative attitudes can have a significant impact on the representations that learners form of a language with which the world of school is sometimes the only sociolinguistic environment in which it really has an existence. for them, even if they know it exists outside.<br />
This analysis of practices is linked to the educational framework for teaching French in Tunisia and to the training profile of the teacher.</p>
<p>Article</p>
<p>Comment les conditions d’enseignement d’une langue contribuent à insécuriser les acteurs de la relation didactique ? Une étude de cas au primaire tunisien</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p>La situation observée et analysée dans cette communication est celle d’une classe d’enseignement du français en Tunisie, en deuxième année de français, c’est-à-dire en troisième année de primaire. </p>
<p>Il est utile de commencer en proposant des éléments de contextualisation portant sur les situations respectives des langues, et donc du français qui est concerné par la situation observée, ainsi que sur le profil linguistique des enseignants de langue, tel qu’il peut être déduit des dispositifs de formation.</p>
<p>L’observation qui est l’objet de la communication a été faite dans le contexte d’une enquête commanditée par le Ministère tunisien de l’Education, avec un financement de l’Agence de française de Développement, en vue d’améliorer les compétences linguistiques des élèves en français et en arabe. L’étude a été réalisée par des chercheurs tunisiens et français mobilisés par l’Institut de la Francophonie pour l’Éducation et la Formation (IFEF), de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). C’est dans ce cadre que nous avons assisté à de nombreux enseignements de français, du primaire jusqu’aux instituts de formation des enseignants, mais aussi à des enseignements de disciplines dites non linguistiques en français, au lycée. </p>
<p>Les éléments de contexte présentés sont tirés du rapport d’étude qui a été livré au Ministère en juin 2023.</p>
<h2>1. Contexte sociolinguistique</h2>
<p>Pour le gouvernement tunisien, les seules langues parlées dans le pays sont l'arabe, le français et l'anglais. Les variantes dialectales de l'arabe et les variantes du berbère n'existent pas. D'ailleurs, il n’est fait aucune allusion aux langues berbères dans les textes relatifs à l’enseignement..</p>
<h3>1.1. L'arabe tunisien</h3>
<p>Tous les Tunisiens arabophones parlent l'arabe tunisien. La connaissance de l'arabe classique (officiel) n'est réelle que chez les individus instruits et assez longuement scolarisés. En effet, l'arabe officiel est une langue de prestige qui n'est pas utilisée dans la vie quotidienne et n'est pas transmise dans les familles mais apprise par l'école, les médias écrits et la télévision. C'est donc, sociolinguistiquement, une langue seconde pour tous les Tunisiens.</p>
<p>La position de l'arabe tunisien est très forte en Tunisie et cette langue demeure très vivante dans tout le pays. Cette variété d'arabe fait partie d'un groupe de dialectes arabes reliés à l'arabe maghrébin. Cet arabe tunisien est appelé darija («dialecte») ou tunsi («tunisien»). Par ailleurs, l'arabe tunisien n'est pas uniforme: il compte un grand nombre de variétés géographiques relativement distinctes. L’arabe tunisien n’est pas réellement pris en compte dans l’enseignement, en ce sens qu’il n’est pas enseigné et que l’apprentissage de l’arabe classique n’est pas envisagé par rapport à la L1, qui en est une variante dialectale qui pourrait être exploitée dans une optique possible de transferts.</p>
<p>À part dans les cours de langues étrangères, l’arabe est officiellement langue d’enseignement au primaire, au collège et dans certaines disciplines du secondaire. Or, dans la réalité, on constate que les cours se font, tout ou partie, en arabe dialectal – au même titre qu’au secondaire, les cours censés devoir être donnés en français se font largement dans une sorte de « franco-tunisien ». Le cours en arabe littéral est mené dans une langue comportant de nombreuses alternances codiques avec l’arabe dialectal.</p>
<p>Ainsi, la langue arabe officielle n'est pas la langue parlée. Les Tunisiens, comme c’est le cas dans les autres pays arabes, écrivent une langue qu'ils ne parlent pas (l'arabe classique) et parlent une langue qui ne s'écrit pas (l'arabe dialectal). </p>
<h3>1.2. Le français et l’anglais</h3>
<p>Pendant le protectorat français, la langue française fut la langue officielle du territoire. Après l'indépendance, le français conserva certaines prérogatives, notamment dans l'administration et l'éducation. En effet, le français est enseigné comme «langue étrangère» dans toutes les écoles tunisiennes. On estime qu'environ 30 % des Tunisiens seraient en mesure de parler le français, bien que tous l'aient en principe appris. Dans les faits, la plupart des Tunisiens le maîtrisent mal ou le parlent très peu, même pas pour soutenir une conversation. En réalité, selon les linguistes tunisiens, la plupart des Tunisiens ne parlent pas davantage l'arabe classique. Les nouvelles générations ne maîtriseraient donc ni le français ni l'arabe classique de manière satisfaisante. </p>
<p>Le français n’est pourtant pas une langue étrangère comme une autre. Son statut est celui d’une langue dite « privilégiée ». Concrètement, cela signifie qu’elle est la première langue enseignée au primaire (dès la deuxième année, à l’oral seulement, puis à l’oral et à l’écrit à partir de la troisième année). Ensuite, au niveau du lycée, ce statut de langue privilégiée est concrétisé par le fait que les enseignements des matières scientifiques est donné en français.</p>
<p>À l'ère de la mondialisation, le français est dans une position critique face à l'anglais. Les jeunes semblent davantage attirés par l'anglais que par le français. Il existe une concurrence entre les deux langues, à propos de laquelle leurs modes d’enseignement respectifs jouent un rôle, ce sur quoi on reviendra plus tard. Néanmoins, il est peu fréquent qu'un touriste anglophone puisse trouver aisément quelqu'un au hasard pour lui parler en anglais. </p>
<h2>2. Panorama de la formation initiale des enseignants du primaire tunisien</h2>
<p>Pour limiter la présentation du contexte à ce qui est relatif à notre observation, la formation des enseignants de secondaire est volontairement laissée de côté ici et nous ne documentons que la formation des enseignants du primaire.</p>
<h3>2.1. Historique de la formation des enseignants du primaire</h3>
<p>La formation initiale des enseignants du primaire est passée, historiquement, par plusieurs étapes :</p>
<p>- De l’indépendance à 1961, les recrutements se faisaient sans exiger une formation initiale spécifique qui n’existait pas. Les enseignants du primaire étaient recrutés sur la base de leur niveau d’études, en général à la fin du collège. Une cohorte de coopérants français titulaires ou contractuels participait à l’enseignement.</p>
<p>- De 1961 à 1990, la formation initiale était délivrée dans les Écoles normales d’instituteurs et les Écoles normales d’institutrices où étaient orientés les élèves qui avaient achevé avec succès la troisième année du collège soit à leur demande soit par le conseil de classe. Les études se déroulaient en 3 puis en 4 ans quand il y a eu création, pour le secondaire, de la septième année. Ainsi, le futur instituteur formé dans le cadre de ce système devait avoir le niveau du baccalauréat mais son diplôme de fin d’études ne lui permettait pas d’accéder à l’université. Cependant, les lauréats de ces écoles pouvaient rejoindre l’école normale des professeurs adjoints et les lauréats de celle-ci l’école normale supérieure. Le diplôme de fin des études normales ouvrait au recrutement automatique en tant qu’instituteur/trice. Les matières enseignées étaient celles que les instituteurs devaient enseigner mais l’aspect professionnel était très présent dans les programmes.</p>
<p>- De 1990 à 2007, il y a eu passage à une formation initiale post-baccalauréat dans les Instituts supérieurs de formation des maîtres (ISFM). Les bacheliers, selon leurs vœux et leurs scores, y étaient orientés. Les études duraient deux ans et étaient sanctionnées par le diplôme d’instituteur principal qui ouvrait à un recrutement automatique. La formation initiale dans ces instituts était toujours professionnalisante, mais était plus exigeante au niveau du contenu académique. Les matières enseignées étaient celles que l’instituteur était appelé à enseigner.</p>
<p>- De 2008 à 2012, les Instituts des métiers de l'éducation et de formation (IMEF) ouverts à des licenciés et fonctionnant sur une alternance entre formation professionnalisante et stages dans des établissements scolaires ont assuré la formation.</p>
<p>- Entre 2013 et 2019, il n’y a plus eu de formation initiale au métier d’instituteur et l’enseignement fut confié à des suppléants, généralement des licenciés provenant de spécialités diverses.</p>
<p>- De 2019 à 2023, le dispositif est une licence d’éducation et d’enseignement (LEE) ouverte à des bacheliers orientés dans dix établissements de l’enseignement situés loin des villes principales, c’est-à-dire dans des sites manquant de ressources humaines. Les enseignements sont à moitié académiques et à moitié pédagogiques et didactiques et les étudiants effectuent des stages dans des écoles primaires mais bien souvent loin de leur institut, dans le lieu de la résidence de leur famille.</p>
<p>Par ailleurs, le recrutement de suppléants sans formation initiale spécifique s’est poursuivi. Ces suppléants se divisent en deux catégories : les suppléants qui ont été intégrés au corps enseignant du primaire et ceux qui ne le sont pas et espèrent l’être au bout de quelques années.</p>
<h3>2.2. Focus sur la formation initiale des enseignants du primaire </h3>
<p>Depuis 2017-18, la formation initiale des enseignants du primaire est assurée dans le cadre de la licence appelée désormais Licence en Éducation et Enseignement (LEE), qui est dispensée dans dix Instituts universitaires répartis sur le territoire tunisien. </p>
<p>Cette formation comprend un renforcement linguistique et une formation professionnalisante en didactique.</p>
<h4>2.2.1. La formation linguistique des enseignants du primaire</h4>
<ul type="disc">
<li>Le profil d’entrée :</li>
</ul>
<p>Les postulants à la LEE ne sont pas spécialisés ; ils viennent de toutes les filières du lycée. L’admission repose sur les notes au baccalauréat (dont celles de langues) et sur celles obtenues à un test psychotechnique au cours duquel un jury de deux formateurs évalue les compétences de communication en arabe et en français. Les niveaux d’exigence sont propres à chaque institut et il n’y a pas de note plancher. La seule cause d’élimination, c’est un trouble de la parole (bégaiement, zézaiement).</p>
<ul type="disc">
<li>Le renforcement linguistique :</li>
</ul>
<p>Le cadre des enseignements est fixé au niveau national. Il prévoit, dans chaque langue, 126h de renforcement linguistique réparties sur deux ans :</p>
<p> </p>
<table>
<tbody>
<tr>
<td style="text-align: center;"> </td>
<td>
<p style="text-align: center;">Arabe</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">Français</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">Anglais</p>
</td>
</tr>
<tr>
<td>
<p style="text-align: center;">S1</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
</tr>
<tr>
<td>
<p style="text-align: center;">S2</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">42h</p>
</td>
</tr>
<tr>
<td>
<p style="text-align: center;">S3</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
</tr>
<tr>
<td>
<p style="text-align: center;">S4</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
<td>
<p style="text-align: center;">21h</p>
</td>
</tr>
</tbody>
</table>
<p>Les contenus de ces cours, malgré les syllabus nationaux, varient d’un site à l’autre mais ils ont en commun de travailler les faits métalinguistiques (beaucoup de grammaire, encore !), la culture et la civilisation françaises (ex : la littérature des XVIIème et XVIIIème siècles) et la communication. Toutefois ils le font de manière théorique – par exemple, les théories de la communication, plus que la communication elle-même, qui n’est traitée que par le biais d’exposés – et ne sont pas reliés aux compétences professionnelles des enseignants.</p>
<ul type="disc">
<li>Les méthodes pédagogiques :</li>
</ul>
<p>À l’exception de ceux qui ont exercé dans le secondaire, les enseignants en LEE disent assurer leurs cours sous la forme traditionnelle de cours dialogués Enseignant/ Étudiants, sans tenir compte des différences interpersonnelles, ce que déplorent les étudiants. Quand ils veulent innover, ils se retrouvent en difficulté puisqu’ils pâtissent de l’absence d’équipement technologique, mais aussi du manque de ressources audio-visuelles à l’institut, qu’ils compensent en passant beaucoup de temps pour en chercher.</p>
<p>Conscients de devoir évoluer, les enseignants sont très demandeurs de formation aux méthodes actives, aux technologies éducatives, à la différenciation et à la remédiation.</p>
<ul type="disc">
<li>Les compétences acquises :</li>
</ul>
<p>Les compétences des étudiants en langues sont jugées globalement insuffisantes dans les deux langues de scolarisation. </p>
<p>· Les étudiants eux-mêmes se sentent en insécurité linguistique pendant les stages, surtout en français ; l’absence de stage en français, qui se produit régulièrement, est pour eux un soulagement ;</p>
<p>· Les enseignants déplorent la faiblesse en production écrite – 10 à 15% obtiendraient la moyenne ; </p>
<p>· Les inspecteurs relèvent la pauvreté du vocabulaire et de très nombreuses lacunes à l’oral et même à l’écrit, pourtant privilégié dans les formations en LEE, (prononciation, syntaxe, morphosyntaxe) et, de manière générale, ils jugent les étudiants incapables de tenir un échange.</p>
<p>Le faible niveau de compétences est confirmé par les tests Ev@lang en français pratiqués très récemment dans les instituts de Zaghouan et de Gabès sur un échantillon d’étudiants (compétences évaluées : compréhension orale, compréhension écrite et grammaire-lexique).</p>
<ul>
<li>Les méthodes pédagogiques :</li>
</ul>
<p>Les méthodes employées sont souvent normatives. Beaucoup d’enseignants proposent une démarche unique, présentée comme la démarche efficace. Cette pratique de formation peut dans un premier temps rassurer les étudiants en leur donnant un cadre, mais elle risque, à terme, de brider la créativité et l’innovation.</p>
<p>Les pratiques de classes effectives, qui pourraient introduire un peu de variété, sont relativement peu prises en compte, faute de vidéos en montrant et de matériel technologique disponible. Toutefois, au retour de stages, certains enseignants exploitent dans leurs cours le vécu des étudiants sur le terrain.</p>
<h4>2.2.2. La formation didactique des enseignants du primaire</h4>
<ul type="disc">
<li>Le cadre horaire :</li>
</ul>
<p>La maquette prévoit d’abord un module introductif aux didactiques des disciplines, puis des modules spécifiques, soit 84h en arabe et en français, 63h en anglais.</p>
<ul type="disc">
<li>Le contenu des modules :</li>
</ul>
<p>Le module introductif est traité de manière très générale (théorie de la transposition didactique par exemple). À ce jour, les enseignants ne profitent pas de l’opportunité offerte par ce module pour faire une place à la comparaison, à la convergence ou à l’intégration des langues.</p>
<p>Dans les instituts visités, les modules de didactique du français et de l’arabe : </p>
<ul type="disc">
<li>traitent séparément les différentes didactiques, celle de l’oral (réception et production) et celle de l’écrit (lecture et production d’écrits) ;</li>
<li>commencent à intégrer quelques méthodes actives.</li>
</ul>
<p>Par contraste, les modules de didactique de l’anglais apprennent à :</p>
<ul type="disc">
<li>relier toutes les compétences de communication au cours de la même séance ;</li>
<li>utiliser un large éventail de méthodes actives et de supports concrets : approche ludique, projet, etc.</li>
</ul>
<h3>2.3. La formation continue des enseignants “suppléants”</h3>
<p>L’enseignante qui a été observée relève de cette catégorie d’enseignants qui est numériquement très importante. Ainsi, la région de Zaghouan est marquée par une forte rotation des enseignants du primaire et par un taux de suppléants de 50%. Dans la région de Jendouba, c’est plus de 60% des enseignants du primaire. Nous ne disposons pas des chiffres nationaux.</p>
<p>En l’absence de recrutements annuels d’enseignants titulaires, certains diplômés, tant dans le premier degré qu’en écoles préparatoires ou en lycées, sont recrutés en tant que suppléants et exercent quelques années avant d’être intégrés dans la fonction publique. Au moment où l’État leur propose cette intégration, ils sont placés comme stagiaires pendant deux ans dans un établissement où ils remplissent leurs fonctions au même titre que les titulaires.</p>
<p>Ils bénéficient d’une formation spécifique destinée à consolider leurs compétences avant titularisation. Plusieurs modalités sont mises en œuvre :</p>
<p>- une formation en collectif, à raison d’une demi-journée (4h) par mois, dispensée par l’inspecteur (ou éventuellement l’assistant pédagogique dans le primaire). Cette formation porte sur des questions pédagogiques et didactiques de base ;</p>
<p>- un accompagnement individuel en situation de travail, dans l’établissement scolaire ; cet accompagnement prend la forme d’observations de classes suivies de moments d’analyse réflexive et d’appui au développement professionnel. Généralement l’inspecteur fait deux visites d’accompagnement, et, dans le primaire, l’assistant en fait plusieurs, en fonction des besoins et de sa disponibilité ;</p>
<p>- la rédaction d’un mémoire, dans lequel l’enseignant expose une problématique issue de situations professionnelles vécues et tente de construire une réponse étayée théoriquement.</p>
<p>La proposition de titularisation intervient au terme des deux années, après soutenance du mémoire et visite d’inspection de l’inspecteur.</p>
<p>Cette formation en situation est la seule formation professionnalisante dont bénéficieront avant la titularisation les enseignants du primaire qui n’ont pas suivi la LEE et la quasi-totalité des enseignants du secondaire.</p>
<h2>3. Pratiques enseignantes les plus fréquemment observées</h2>
<p>Le contexte de l’observation peut enfin être utilement éclairé par quelques remarques tirées d’observations menées dans une dizaines de classes du primaire, dans deux régions (Jendouba, au Nord Ouest et Ben Arous, dans la banlieue sud-est de Tunis).</p>
<p>Dans les classes observées, il n’est jamais fait de lien entre le français et la L1 de l’enfant. Les liens entre le français et le milieu socioculturel ne sont jamais faits.</p>
<p>La communication orale en classe est quasiment exclusivement une communication verticale maitre→ élèves, l’enseignant alternant des passages expositifs et des passages interrogatifs au cours desquels les élèves sont invités à répondre à des questions souvent fermées ; d’ailleurs il est fréquent que l’enseignant souffle la réponse, donne la ou les premières syllabes du mot attendu sans même laisser aux élèves le temps de réfléchir.</p>
<p>D’autre part, quand l’enseignant sollicite des élèves, il choisit le plus souvent ceux qui ont la bonne réponse et vont faire avancer le cours, l’objectif étant de suivre au plus près le déroulé prévu. La parole n’est donc pas répartie équitablement entre les élèves. Exception remarquable : une enseignante observée, en 3ème année primaire, a veillé à donner la parole au moins une fois à chacun.</p>
<p>Au primaire, des affichages nombreux, colorés et attractifs, présentant souvent un mot et un dessin, constituent, dans toutes les classes visitées, des ressources sur les mots-outils, les savoirs usuels – en 3ème année, on trouve les jours de la semaine, les couleurs, conjugaison des verbes être et avoir, etc. –, ou les consignes – je lis, je dessine, je découpe, etc.</p>
<p>Les élèves prennent l’habitude de s’y référer dans le cadre du travail collectif, beaucoup les regardent au moment du travail individuel.</p>
<h2>4. La situation observée</h2>
<p>La séance est observée en mars 2023, dans une classe de 3e année de primaire, dans la ville Ben Arous, dans la banlieue sud-est de Tunis. La matinée a commencé par la cérémonie rituelle du lever du drapeau dans la cour de l’école.</p>
<h3>4.1. Quel contexte d’observation ?</h3>
<p>Il s’agit d’un milieu semi-rural, avec des enfants dont une partie des parents est composée de travailleurs agricoles, les autres des classes des classes populaires et moyennes de la ville.</p>
<p>La visite de classe n’a pas pour objectif d’évaluer les pratiques de l’enseignante : il ne s’agit pas d’une visite à caractère de conseil ou d’inspection pédagogique. Pour les deux personnes qui viennent observer (un ancien inspecteur, cadre tunisien à la retraite, et moi-même), il s’agit de diagnostiquer l’état des pratiques et représentations liées à l’enseignement des langues. L’observation de classes se fait à tous les niveaux de l’enseignement, primaire, collège, lycée, enseignement technique, formation initiale des enseignants).</p>
<p>L’objectif de l’observation est précisé avant le cours aux personnels qui nous accueillent dans leur classe.</p>
<p>Dans ce contexte, chaque observation est suivie d’un entretien avec l’enseignant.e afin de recueillir ses représentations sur l’enseignement du français en Tunisie, en partant de son expérience personnelle : depuis combien de temps cette personne enseigne ? Quelle a été sa formation initiale ? A-t-elle choisi d’enseigner le français ? Pense-t-elle avoir besoin de formation et si ou dans quels domaines ? Que pense-t-elle des programmes de français, des instructions données pour l’enseigner ? Que pourrait-elle améliorer si elle était en mesure de changer des éléments ? Que pense-t-elle des manuels avec lesquels l’école lui demande d’enseigner ?</p>
<p>Compte tenu du contexte de formation initiale et continue jugé insuffisant par les enseignant.e.s, la quasi-totalité des personnels observés ont souhaité connaître notre avis sur leurs modes d’enseignement. La ligne de conduite a été d’insister sur les qualités et points positifs, de faire éventuellement une ou deux suggestions dans la mesure où elles ne seraient pas de nature à déstabiliser des collègues mais où ils pouvaient assez aisément les intégrer à leurs pratiques habituelles, en les modulant ou en les aménageant de manière acceptable.</p>
<p>Précisons enfin que les enseignants ne sont pas les seuls interrogés : systématiquement, dans chaque établissement, le directeur ou la directrice ont été interrogés avec la même finalité. Dans les instituts de formation des enseignants, au lycée et au collège, étudiant.es et élèves ont été questionnés dans des focus groups. Des parents d’élèves l’ont été également, sur le même mode.</p>
<h3>4.2. Compte-rendu et analyse de la séance</h3>
<p>Les élèves sont en troisième année de primaire, deuxième année d’enseignement du français, la première dans laquelle ils se servent du canal écrit, la première année étant uniquement orale.</p>
<p>L’enseignante fait un cours de français qu’elle conduit par le biais de la communication orale. S’agit-il pour autant d’un cours de communication orale ou d’un cours portant sur le développement de compétences grammaticales et passant par le canal oral de communication ? Quand j’assiste au cours, je ne le sais pas.</p>
<p>Elle travaille sur le thème des animaux. En regardant le manuel de 3e année, je constate qu’elle mène une activité qui se situe dans le thème du dossier 5 du manuel.</p>
<p>Voici des extraits du manuel, relatifs à ce dossier :</p>
<p style="text-align: center;"><img height="532" src="https://www.numerev.com/img/ck_36_6_image-20240904170110-1.png" width="366" /></p>
<p> </p>
<p style="text-align: center;"><img height="670" src="https://www.numerev.com/img/ck_36_6_image-20240904170157-2.png" width="460" /></p>
<p style="text-align: center;"><img height="498" src="https://www.numerev.com/img/ck_36_6_image-20240904170239-3.png" width="350" /></p>
<p> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span calibri="" style="font-family:">Pour animer sa séance, la maîtresse a disposé au tableau plusieurs photocopies, représentant chacune un animal, d’une certaine couleur. </span></span></p>
<p style="text-align: center;"><img height="292" src="https://www.numerev.com/img/ck_36_6_image-20240904170339-4.png" width="424" /></p>
<p>Un animal, n’est pas visible sur cette photo, caché par le tableau sur lequel l’élève est en train d’écrire : il s’agit d’un flamant rose, animal qui figure dans leur manuel, appelé Nanan.</p>
<p> </p>
<p>Transcription de la séance - La M. montre les images et interroge (les E. ne peuvent pas être distingués, E désigne parfois des élèves différents)</p>
<blockquote>
<p>M : Qu’est-ce que c’est ?</p>
<p>E : Un chien</p>
<p>M : Faites une phrase.</p>
<p>E : C’est un chien </p>
<p>M : Oui, c’est un chien. Et de quelle couleur il est ?</p>
<p>E : Noir.</p>
<p>M : Fais une phrase</p>
<p>E : C’est / un chien noir</p>
<p>M (répète avec la liaison obligatoire) : C’est_un chien noir.</p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>Arrêtons-nous sur ce premier temps de la séance pour quelques commentaires :</p>
<p>- Le dialogue pédagogique est vertical. M ne prévoit pas d’interactions entre les E.;</p>
<p>- L’objectif de la séance n’est pas communicatif : les E. ne sont pas placés dans une situation de communication, pas amenés à communiquer ;</p>
<p>- Dans ce dispositif, les E parlent pour montrer qu’ils connaissent du français ;</p>
<p>- Le langage qu’ils sont amenés à produire est un langage de la description, un langage du commentaire. Il s’agit d’un langage in praesentia, les mots accompagnent les choses et ne sont pas utilisés comme substituts du réel. Ceci correspond à des utilisations très particulières du langage, qui ne permettent pas réellement de comprendre à quoi ça sert de parler. Dans ce contexte, apprendre à parler français ne prend pas réellement de sens ;</p>
<p>- D’un point de vue communicatif, les réponses de E. sont parfaitement valables. Valables donc mais pas « justes », pas « correctes » aux yeux de M. pour qui il n’est pas de réponse admissible si elle ne correspond pas à une « phrase ». Par « phrase », il faut entendre une phrase correspondant à une norme écrite de phrase dite « complète », comportant un verbe ou, à défaut ici, un présentatif. On voit l’importance du modèle écrit et le poids d’une norme dont l’enseignante est ici une représentante constante ;</p>
<p>- La normativité concerne également la phonétique, avec le rappel d’une liaison obligatoire ;</p>
<p>- Le jugement normatif est formulé sans justification. Les E. ne savent pas pourquoi la réponse « un chien » ou « noir » n’est pas admissible.</p>
<p>Poursuivons :</p>
<blockquote>
<p>M : Et ça, qu’est-ce que c’est ?</p>
<p>E : C’est un chien.</p>
<p>M : C’est un chien ?</p>
<p>E : Non</p>
<p>M : C’est quoi alors ?</p>
<p>E : Un chat.</p>
<p>M : Faites une phrase.</p>
<p>E : C’est un chat</p>
<p>M : De quelle couleur il est ?</p>
<p>E : Gris</p>
<p>M : Faites une phrase</p>
<p>E : Un chat gris</p>
<p>M : Faites une phrase</p>
<p>E : C’est un chat gris</p>
<p>M : Voilà une phrase. Répétez.</p>
<p>E : C’est un chat gris. C’est un chat gris, etc.</p>
</blockquote>
<p> </p>
<p>Le dialogue pédagogique se poursuit de la même manière (format et exigences normatives) avec cet animal bizarre qui n’existe que dans un manuel de classe : la vache jaune. Puis avec le cheval marron.</p>
<p><br />
On en arrive au dernier animal qui, dans le manuel, a servi, entre autres choses, à étudier une des deux graphies de la nasale :</p>
<p> </p>
<p style="text-align: center;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_36_6_image-20240904170436-5.png" /></p>
<blockquote>
<p>M : Et ça, qu’est-ce que c’est ?</p>
<p>E : C’est un flamant rose.</p>
<p>M : Attendez. C’est quoi ?</p>
<p>E : Un flamant rose.</p>
<p>M : Non, c’est quoi ?</p>
<p>E : Un flamant.</p>
<p>M : Faites une phrase</p>
<p>E : C’est un flamant.</p>
<p>M : Voilà. On répète.</p>
<p>(les élèves répètent : c’est un flamant…)</p>
<p>M : De quelle couleur il est ?</p>
<p>E : Il est rose.</p>
<p>M : C’est un flamant. Et de quelle couleur ?</p>
<p>E : C’est un flamant rose.</p>
<p> </p>
</blockquote>
<p>Ce passage est très intéressant sur le plan de la représentation que l’enseignante a de ce que doit être un « cours de français », ainsi que de son propre rapport à cette langue.</p>
<p>Concernant ce que doit être un cours de français, elle ne dévie pas du fait que celui-ci est destiné à l’apprentissage de structures. Et que cet apprentissage doit se faire par étapes. La première réponse fournie est correcte « C’est un flamant rose ». Elle correspond à toutes les attentes de M, sur le fond comme sur la forme de la réponse, pour une fois « complète ». Mais si elle n’est pas validée, c’est parce qu’elle ne répond pas, cette fois, à la démarche didactique que M a fixée pour le travail structural et qui doit se faire obligatoirement en trois étapes : identifier (« Qu’est-ce que c’est ? »), indiquer la couleur (« De quelle couleur il est ? »), avant de réunir les deux informations. Ainsi, c’est parce que E ne se confirme pas au schéma pédagogique de M que sa réponse est invalidée. Elle ne dit pas que la réponse est fausse, elle dit « Attendez ». Il s’agit de ne pas brûler d’étape dans la démarche de construction.</p>
<p>D’autre part, il est intéressant de noter que cette démarche va voir pour effet de jouer contre la « norme » du français. Tout locuteur natif, devant une image de l’oiseau en question, l’identifiera comme un « flamant rose » et non comme un « flamant ». Flamant rose est un syntagme utilisé pour la nomination de l’animal, un syntagme dans lequel la fonction qualificative de l’adjectif s’efface derrière l’acte de dénomination. Un ornithologue pourrait dire qu’il existe une variété de flamant appelée des Caraïbes : mais, de toute manière le fait qu’il puisse en exister des « non roses » - mais un peu plus orangés - ne fait alors qu’accentuer la valeur dénominative de l’adjectif.</p>
<p>On peut peut-être faire un pas de plus dans l’interprétation en faisant une hypothèse sur le rapport de M à la langue française. Si M ne prend pas sur elle de valider la réponse de l’élève, c’est aussi peut-être parce qu’elle se conforme à l’outil qui pour elle représente la norme, le manuel de classe, élaboré et validé par des gens qui en sont des garants symboliques. Or, comme le montre l'image qui a servi à mettre en évidence la graphie an, la légende n’inscrit sous l’image que « un flamant » et non « un flamant rose ». M. suit peut-être aussi alors la pratique dénominative du manuel, faute d’être elle-même assez assurée pour valider d’emblée la réponse de E. Pour elle, il s’agit peut-être de faire dire que cet animal est un flamant, comme quand elle a fait nommer la vache, le chien et le chat, puis d’en faire préciser la couleur, comme si celle-ci était contingente. On peut aisément comprendre que la couleur jaune le soit pour la vache, également pour le noir du chien, mais cela ne fonctionne pas à l’identique pour le rose du flamant.</p>
<h2>5. Situation d’enseignement et insécurité(s)/insécurisation</h2>
<p>Il est maintenant possible d’essayer de tirer quelques enseignements de la situation observée. Pour le faire, nous allons également prendre en compte les éléments apparus pendant l’entretien qui a suivi.</p>
<h3>5.1. Insécurité didactique de l’enseignante</h3>
<p>Tant sa prestation en classe que son dialogue avec nous montre qu’elle a une bonne maîtrise orale du français, largement suffisante pour enseigner cette langue : dans les termes du CECR, elle serait sans doute au moins B2, probablement C1 à l’oral du moins.</p>
<p>L’enseignante nous a retracé les éléments de son parcours avant de devenir enseignante. Elle a un diplôme de biologie, spécialisée dans les analyses. Sans emploi, elle s’est résolue à devenir enseignante du primaire : elle est contractuelle en attente d’une titularisation. Elle est en demande de formation pour mieux exercer son métier et juge insuffisantes les trois ou quatre journées dispensées par l’inspecteur de la circonscription. Elle s’estime également démunie pour l’enseignement du français et de l’arabe, avec un insuffisant niveau didactique dans les deux cas. Cette insécurité l’amène à suivre assez scrupuleusement le manuel, qui est pour elle le reflet fidèle du programme et un guide dans ses pratiques.</p>
<p>Il ne nous a pas été donné de savoir si la séance proposée figurait telle qu’elle dans le guide de l’enseignant (si tant est qu’elle en ait disposé) ou si elle a conduit cette séance de son propre chef. Toujours est-il que l’insécurité didactique qu’elle ressent et dont elle parle assez facilement devant des personnes qu’elles ne connaît pas et qui sont mandatées par son institution la conduit à avoir des pratiques de classe très figées, ritualisées. Ces pratiques l’amènent à produire des jugements évaluatifs sur les productions de ses élèves : ce sont ces jugements et leurs effets possibles que nous allons caractériser à présent.</p>
<p>Cette insécurité didactique finit par altérer le jugement linguistique et par donner une fausse représentation de la valeur de rose dans flamant rose, qui devient égale à celle de jaune dans vache jaune. C’est un peu comme si, en cours de biologie, on attendait d’un élève devant nommer la partie qui contient les poumons qu’il réponde seulement : « C’est une cage », avant de lui faire dire « Comment est cette cage ? – Cette cage est thoracique. »</p>
<h3>5.2. Insécurisation linguistique possible des élèves</h3>
<p>Les élèves recueillent des évaluations négatives alors même que sur le fond comme sur la forme leurs réponses sont parfaitement acceptables. Les jugements négatifs sont faits au nom d’attentes formelles, tant dans le dialogue pédagogique que dans le type de production orale attendu, dont les fondements ne sont pas explicités pour les élèves. Au nom de quoi « C’est un chat gris » est valorisé quand « Un chat gris » et « Gris » ne le sont pas ? Il est patent que l’enseignante reproduit ici des pratiques de dialogue pédagogique qu’elle a elle-même connu en tant qu’élève et qui constitue le modèle à atteindre. On sait que les enseignants les mois formés ont tendance à reproduire les seules pratiques auxquelles ils sont accès : celles qu’ils ont connues en tant qu’élèves. En l’occurrence, les demandes constantes de reformulation sont sans doute fondées sur une conception structurale de la langue – celles des méthodes SGAV - alors que communicativement, les réponses produites sont parfaitement admissibles.</p>
<p>On peut imaginer l’effet que ce genre de dialogue pédagogique peut avoir sur les représentations que les élèves commencent à construire de la langue française. Dans tous les entretiens que nous avons pu avoir avec des élèves, ceux-ci nous signalent que l’anglais est plus facile que le français. Il y a sans doute à rechercher, dans cette représentation, du côté des pratiques d’enseignement, qui sont complètement opposées. Alors que le français est, dès les premiers temps, une discipline à forte dimension métalinguistique et orientée vers un langage du commentaire, avec une assez forte influence structurale, qui ne fait pas de place aux modèles oraux de la communication, l’enseignement de l’anglais procède par une approche communicative qui permet de dire je dès les premiers instants et de privilégier la fonctionnalité des échanges par rapport à la conformité à la norme. Le français enseigné dans ces conditions agit presque comme un repoussoir, l’anglais devenant un territoire dans lequel le sujet peut investir sa subjectivité, commencer à exister en langue étrangère, à être en confiance dans la langue au lieu d’être précarisé et de se sentir à la fois extérieur, illégitime et sans autonomie possible. L’élève est dans une double dépendance : à l’enseignante et à ses jugements d’une part, à la langue conçue d’un point de vue hypernormatif. Ce point de vue est également documenté dans un article de Maurer intitulé « Précarité des enseignants de FLS vis-à-vis de la norme exogène du français et précarisation des élèves » (à paraître, 2025) et qui illustre une autre situation d’enseignement au primaire tunisien.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>La langue orale est vue comme une projection d’une certaine norme écrite, « littéraire » avons-nous dit pour qualifier ces phrases attendues rédigées en relation avec un modèle de description qui existe effectivement seulement dans des écrits à prétention littéraire. Inutile de s’attarder sur le fait que l’économie linguistique de l’oralité est assez éloignée de ce modèle implicite bien ancré chez elle.</p>
<p>Didactiquement, elle conçoit la séance d’oral comme un moment où les élèves sont invités à produire un langage du commentaire, de la description. Parler, c’est dire le monde à la troisième personne. À aucun moment, les élèves ne sont amenés à utiliser des formes de la première personne, à même de leur donner la possibilité d’exister dans la langue française.</p>
<p>Le cours oral de français n’est pas un cours de communication orale en français. C’est un cours de grammaire et lexique de nature à insécuriser les élèves dans leur rapport à la langue-cible.</p>
<h2>Bibliographie</h2>
<p>Adami, H., André, V. & Langbach, V.(dir.) (2023). <em>Les adultes en insécurité langagière : Enjeux sociaux et didactiques</em>. Nouvelle édition [en ligne]. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion. DOI : https://doi.org/10.4000/books.septentrion.145593. </p>
<p>Blanchet, P., Clerc, S. & Rispail, M. (2014). "Réduire l'insécurité linguistique des élèves par une transposition didactique de la pluralité sociolinguistique: Pour de nouvelles perspectives sociodidactiques avec l'exemple du Maghreb". <em>Études de linguistique appliquée</em>, 175, 283-302. <a href="https://doi.org/10.3917/ela.175.0283">https://doi.org/10.3917/ela.175.0283</a></p>
<p>Caitucoli, C. (Dir.), 2003. <em>Situations d’hétérogénéité linguistique en milieu scolaire</em>. Rouen, Presses de l’université de Rouen.</p>
<p>Francard, M., (Dir.), 1993. <em>L’insécurité linguistique dans les communautés francophones périphériques</em>. Cahiers de l’Institut de Linguistique de Louvain 19/3-4.</p>
<p>Maurer B. (à paraître, 2025), « Précarité des enseignants de FLS vis-à-vis de la norme exogène du français et précarisation des élèves », dans Pivot B., Zeiter A.-C. (2025), <em>Langues et précarité</em>. Paris : Éditions des archives contemporaines.</p>
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