<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Abstract</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Teaching French to Unaccompanied Foreign Minors (UFMs) requires an in-depth examination of the epistemological, praxeological and psychological dimensions of the didactic relationship. This paper examines this learning process through an analysis of an emancipatory and empowering approach in which UFMs explore their own life stories to help them learn French.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">For UFMs linguistic insecurity is a major obstacle to access of rights. The challenge they face is based on two interdependent factors. Firstly, due to linguistic, psychosocial and cultural obstacles UFMs are often discredited by assessors because of their inability to tell their story coherently. Secondly, traumas linked to their migratory journey, which is generally clandestine, complicate their relationship with memories and words, resulting in chronic relational insecurity.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Faced with these challenges, a purely pragmatic approach to teaching French is proving insufficient. In order for language learning to be of benefit to UFMs it has become imperative to develop an approach that combines the functional aspect (speaking) with the reflective aspect (recounting) of the learning process. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Integrating biographical support into French as a Foreign Language programmes appears to be a relevant approach. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">This paper outlines the particular challenges faced by French as a Foreign Language teachers working with UFMs. In doing so, it examines the importance of a pedagogical approach that goes beyond traditional language teaching to take into account the psychosocial and identity-related aspects of language appropriation.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Introduction</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cet article propose une réflexion qui souligne l'importance d'une pédagogie qui transcende l'enseignement linguistique traditionnel pour prendre en compte les dimensions psychosociales et identitaires de l'apprentissage et de l'appropriation de la langue du pays d’accueil chez les mineurs non accompagnés (désormais MNA).</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans un premier temps, l’exposition d’éléments de contexte concernant le parcours de reconnaissance du statut de MNA nous permettra de comprendre dans quelle mesure l’injonction administrative faite par l’Etat français aux MNA de produire un récit de soi en contrepartie d’une mise à l’abri met à mal l’identité narrative des jeunes entendus et à quel point l’enjeu de cet accès aux droits cristallise l’insécurité linguistique et l’incapacité à se raconter.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans un second temps, au travers du témoignage de Maka<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[1]</span></span></span></span></span></a>, un jeune MNA, nous prendrons la mesure de la complexité des défis auxquels sont confrontés les MNA dans l'élaboration narrative de leur trajectoire migratoire. Ces obstacles, qui se manifestent sur les plans linguistique, cognitif et affectif, soulignent l'impératif d'adopter une méthodologie d'accompagnement spécifiquement adaptée aux besoins de ce public vulnérable. </span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette constatation invite à repenser les paradigmes traditionnels de l'enseignement du Français Langue Etrangère (désormais FLE) pour y intégrer des approches prenant en compte la singularité des expériences vécues par ces jeunes migrants et les défis psychosociaux inhérents à leur situation.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Face à ces enjeux, un enseignement purement pragmatique du français s'avère insuffisant. Une approche alliant l'aspect fonctionnel ((se) dire) à l'aspect réflexif (se raconter) de l'apprentissage linguistique apparaît comme une nécessité. L'intégration d'un accompagnement biographique à la formation en FLE est proposée comme une démarche visant à engager les MNA dans une dynamique dialogique et émancipatrice. Nous aborderons en effet, dans un troisième temps, les perspectives libératrices et capacitantes d’une didactique du FLE centrée sur les apprenants. En effet, en tant que formateur de FLE auprès des MNA, comment accompagner la sortie de l’insécurité sociolinguistique et libérer la parole des contraintes des réalités psychosociales ?</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette étude s'appuie sur des entretiens semi-directifs effectués dans le cadre d’une recherche doctorale en cours pour examiner le potentiel d'intégration d'un accompagnement biographique dans la formation en FLE destinée aux MNA.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette démarche vise à restituer le pouvoir d'expression à une population dont la parole est généralement discréditée ou ignorée dans les contextes institutionnels. En offrant un espace d'expression libre et valorisante, cette approche pédagogique cherche à transcender les contraintes habituelles qui entravent la communication des MNA, tout en favorisant leur appropriation du français dans ses dimensions fonctionnelle et réflexive.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L'analyse du cas de Maka nous permet d'explorer concrètement les effets potentiels de cette méthodologie sur le développement linguistique, identitaire et social des MNA, ouvrant ainsi des perspectives alternatives dans l'enseignement du FLE à ce public spécifique.</span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre2" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">1. Le paradoxe minorité / migrance : une injonction narrative sous le joug du soupçon</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre2" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-weight:normal">Les MNA, confrontés à un paradoxe institutionnel les positionnant simultanément comme enfants à protéger et migrants à contrôler, font face à des défis considérables dans leur processus d'intégration. L'insécurité linguistique, exacerbée par les traumatismes liés à leur parcours migratoire, constitue un obstacle majeur à leur accès aux droits et à leur capacité à se raconter de manière cohérente.</span></span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt">1.1. MNA : un statut en contrepartie</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Le terme « Mineur Non Accompagné » est utilisé par l'administration française depuis 2016, en remplacement du terme « Mineur Isolé Etranger » (MIE), pour désigner à la fois les jeunes étrangers de moins de 18 ans qui arrivent en France sans parent ni représentant légal et leur statut. La reconnaissance du statut de MNA repose sur trois critères spécifiques : la minorité (être âgé de moins de 18 ans), l'isolement (absence de parent ou de représentant légal lors de l'arrivée sur le territoire français) et l'extranéité (être originaire d'un pays étranger). L'évaluation de la minorité et de l'isolement est réalisée par le biais d'un entretien d'évaluation, tandis que l'extranéité est déterminée par une vérification documentaire.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La reconnaissance du statut de MNA permet au jeune concerné de bénéficier de la protection de l'enfance. Suite aux procédures d'évaluation de la minorité et de l'isolement, si le jeune est reconnu comme MNA (donc à la fois mineur, isolé et étranger), il est pris en charge par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance (désormais ASE). Cette prise en charge est orientée par le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant et comprend des mesures de protection, de prévention, de soutien matériel, éducatif et psychologique, ainsi que des interventions visant à répondre aux besoins fondamentaux et à faciliter l'orientation et l'insertion sociale.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Lorsqu'un jeune étranger n'est pas reconnu comme étant mineur et isolé, cela signifie pour lui la perte de l'accès à un hébergement, à la scolarisation, à la sécurité, et à la possibilité de sortir de la précarité et de la vulnérabilité. Cela souligne l'importance cruciale des procédures d'évaluation de la minorité et de l’isolement. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette évaluation repose sur la collecte d’indices biographiques au cours d’un entretien social structuré selon des critères prédéfinis. Les jeunes sont ainsi contraints de relater leur parcours devant un intervenant inconnu, ce qui implique souvent de dévoiler des expériences personnelles, parfois marquées par la fragilité et les traumatismes.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Le statut de MNA exige de la personne évaluée la construction d'un récit de soi, ce qui peut fragiliser sa crédibilité narrative. Les jeunes doivent ainsi fournir un récit détaillé de leur enfance, de leur famille, de leur parcours scolaire, des circonstances de leur départ, de leur trajectoire migratoire, de leur arrivée en France, ainsi que de leurs projets personnels et professionnels. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ce récit doit apparaître cohérent et exhaustif aux yeux de l’évaluateur. En ce sens, le récit biographique est perçu comme une sorte de contrepartie à la protection socio-éducative, constituant les « termes de l’échange » entre l’individu et l’institution (Astier et Duvoux, 2006), voire une « monnaie d’échange » (Delory-Momberger, 2018 : 43). Ainsi, la réussite de l'entretien devient essentielle et doit être obtenue à tout prix, car un seul élément pouvant susciter le doute de l'évaluateur peut remettre en cause l'intégralité du récit (Paté, 2020).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt">1.2. L’évaluation de la minorité et de l’isolement : une épreuve narrative paradoxale</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L'évaluation du statut de MNA peut s'apparenter à une confrontation entre, d'une part, l’évaluateur, qui utilise des stratégies d’interrogatoire et divers critères pour rendre le récit cohérent, et, d'autre part, la personne évaluée, qui tente d'adapter son histoire aux attentes de l’évaluateur afin que celle-ci soit perçue comme « recevable pour son interlocuteur, [et] finalement plus vraisemblable que vraie » (Martinez et Goï, 2023). </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L’évaluateur recueille des informations sous forme de dates, de durées, et d’âges, et évalue la cohérence chronologique du récit. Il confronte également les souvenirs des expériences relatées aux autres récits déjà entendus, et évalue leur originalité pour « juger du caractère plus ou moins « stéréotypé » de la trajectoire » (Paté, 2020 : 30). Un récit jugé stéréotypé peut susciter des soupçons quant à son authenticité, soulevant la question de savoir s’il est personnel, original et spontané. Cela interroge également sur l'attention portée aux récits d'expériences douloureuses et traumatisantes, qui peuvent être perçus comme non crédibles. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ces dynamiques mettent en lumière deux paradoxes : d’une part, celui d’un statut qui place les individus en tension entre la rigueur des lois et des politiques répressives visant les migrants en situation irrégulière et un discours prônant le respect des droits fondamentaux des étrangers et l'hospitalité inconditionnelle, considérée comme une valeur universelle, et, d’autre part, celui des contradictions inhérentes à l’exercice-même de l’évaluation biographique dans ce contexte. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">En effet, l'entretien biographique constitue une épreuve déterminante pour les MNA, représentant le point de bascule entre leur statut de migrant et celui de mineur protégé. Cette transition, que l'on pourrait qualifier de « métonymie institutionnelle » (Demailly, 2008 : 134), exige des jeunes qu'ils adoptent une posture et un discours spécifiques, et ce malgré leurs lacunes linguistiques et leur méconnaissance des codes socioculturels du pays d'accueil. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans ce contexte, la narration de soi devient un exercice particulièrement délicat puisque le récit doit être suffisamment détaillé et chronologiquement précis pour établir la crédibilité du jeune. Toutefois, paradoxalement, un excès de détails peut éveiller la suspicion des évaluateurs. En effet, « trop incohérent, un récit est rejeté, mais trop cohérent, il peut être remis en cause en tant que relevant d’un récit stéréotypé et appris par cœur » (Delahaie et Canut, 2020 : 43). De plus, la barrière linguistique et le manque de repères culturels compliquent l'expression fluide et nuancée de leur parcours. Enfin, certains événements, en raison de leur nature traumatique ou indicible, restent hors du champ narratif.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ces contraintes, couplées à l'impératif vital d'être jugé crédible, conduisent inévitablement à une altération du récit biographique. L'histoire de vie présentée lors de cet entretien se trouve ainsi biaisée, oscillant entre la nécessité de convaincre et l'impossibilité de tout dire ou de tout exprimer adéquatement car, au manque de mots pour décrire certaines expériences, il convient d’ajouter les difficultés liées à la restitution d'un parcours migratoire souvent confus, et l’existence d'événements inénarrables. Ainsi, les jeunes peuvent être amenés à présenter un récit de vie biaisé, qui ne correspond pas exactement à leur histoire personnelle.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Finalement, d’un côté les mots pour se dire manquent en raison d'une maîtrise insuffisante ou partielle de la langue et des codes culturels du pays d'accueil, sont sous le coup du soupçon et/ou sont trop douloureux à prononcer et cela grève l’accès aux droits des MNA. Et de l’autre côté, l’injonction narrative pour l’accès aux droits et l’enjeu considérable que cela représente cristallisent l’insécurité linguistique et l’incapacité à se raconter. En effet, comment se raconter dans ces circonstances quand on n’a pas les mots pour se dire ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">2. Les difficultés à retracer et relater son parcours migratoire : le témoignage de Maka</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="text-align:justify;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">Dans le cadre de notre étude sur l'accueil des MNA en France, nous avons eu l'opportunité de recueillir le témoignage de Maka, un jeune MNA originaire de Guinée, au travers d’une série d'entretiens individuels semi-directifs. </span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">Originaire de Guinée Conakry, Maka a fui son pays natal pour échapper aux persécutions ethniques. Son enfance a été marquée par une déscolarisation précoce, le contraignant à s'investir dans des travaux agricoles et domestiques. Face à l'exploitation et à la stigmatisation dont il était victime, Maka a pris la décision de quitter son village et son pays, animé par l'espoir d'un avenir meilleur. Son périple migratoire l'a conduit le long de la route de la Méditerranée occidentale, un itinéraire particulièrement périlleux. Ce voyage l'a amené à traverser successivement les frontières du Mali, de l'Algérie, du Maroc et de l'Espagne, ainsi que les barrières naturelles redoutables du Sahara et de la Méditerranée. Chacune de ces étapes comportait des risques considérables pour sa sécurité et son bien-être.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">Maka est finalement arrivé en France à l'âge de 15 ans. Après une période d'évaluation, il a obtenu le statut officiel de MNA à ses 16 ans, lui ouvrant ainsi l'accès aux dispositifs de protection et d'intégration prévus pour les mineurs dans sa situation. Le parcours de Maka illustre les défis auxquels sont confrontés de nombreux MNA.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:14.0pt">2.1. Un récit de vie biaisé et tronqué : l’adaptation narrative </span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Maka nous explique en quoi consiste l’entretien d’évaluation de la minorité et de l’isolement : « Tu racontes et ils essayent de repérer la date depuis combien de temps tu es parti, depuis combien de temps tu es là, la scolarité que tu as fait »<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[2]</span></span></span></span></span></a>.</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">On constate que l’exercice, ainsi décrit, est périlleux. En effet, il y a d’un côté Maka qui « raconte » et de l’autre l’évaluateur qui « essaie » de repérer des éléments déterminants pour l’évaluation, des éléments du parcours (le départ, l’arrivée et la scolarité). Dans ce contexte, l'intercompréhension se révèle complexe et limitée. En effet, la situation d'interaction ne permet pas une compréhension mutuelle optimale. Au contraire, elle se caractérise par une communication approximative et instable, où l'acte de « raconter » est confronté à une tentative parfois laborieuse de saisir le message, de « repérer » l’information souhaitée dans l’ensemble des données discursives. Cette dynamique engendre une compréhension partielle et fluctuante.</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Maka continue son explication en ces termes : « Ça c'est l’histoire je dirais (.) c'est l'anneau, la base de l'histoire et puis après tu ajoutes. C'est la réalité parce que tu peux peut-être parfois te tromper ou faire des erreurs mais là-bas tu peux pas te tromper, tu peux pas mentir. »</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Cet extrait offre un aperçu révélateur de la perception que Maka a de l'entretien d'évaluation. La comparaison de l'histoire à un « anneau » ou une « base » suggère une structure narrative circulaire et fondamentale. Cette métaphore implique que le récit doit être cohérent, sans faille, comme un cercle parfait. La précision « et puis après tu ajoutes » indique un processus de construction narrative. Maka reconnaît la nécessité d'élaborer son récit autour d'éléments centraux, suggérant une stratégie narrative consciente. </span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Maka précise que « [c]'est la réalité » et que sur cette réalité « tu peux peut-être parfois te tromper ou faire des erreurs ». Cela révèle une tension entre la volonté de dire la vérité et la conscience que le récit peut comporter des inexactitudes involontaires. En affirmant que « là-bas tu peux pas te tromper, tu peux pas mentir », il souligne la pression intense ressentie lors de l'entretien, une pression de perfection narrative. En outre, Maka fait une distinction subtile entre « se tromper » et « mentir », reconnaissant la possibilité d'erreurs involontaires tout en soulignant l'impossibilité morale ou pratique de mentir délibérément.</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">L'extrait dans son ensemble peut ainsi être interprété comme révélateur d'une stratégie de survie narrative, où Maka tente de naviguer entre les exigences de vérité, de cohérence et de précision imposées par le processus d'évaluation. Cela met en lumière la complexité psychologique et narrative à laquelle sont confrontés les MNA lors de l'entretien d'évaluation. Il révèle une conscience aiguë des enjeux, une stratégie narrative élaborée, et une pression intense pour présenter un récit à la fois véridique et irréprochable, alors même que les mots manquent à bien des égards pour que le discours de soi se rapproche d’un récit autobiographique authentique. </span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Le récit de vie des MNA subit une transformation significative au fil des répétitions et des exigences institutionnelles. Ce processus d'élaboration narrative implique un travail de (re)structuration, d'enrichissement et de mémorisation du discours. Les jeunes finissent par s'approprier cette version retravaillée de leur histoire, qui devient une partie intégrante de leur narration identitaire. Ces contraintes conduisent les MNA à intérioriser une version modifiée de leur histoire personnelle. Cette nouvelle narration, bien qu'elle puisse diverger de leur expérience vécue, devient paradoxalement leur récit de référence. Il en résulte une forme de dissociation narrative où l'histoire racontée, sans être totalement fictive, ne correspond plus exactement à la réalité vécue par ces jeunes.</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Maka nous partage le moment où il a fait lire son récit de vie pour la première fois à son éducatrice avant l’épreuve de l’évaluation : « Quand j'ai apporté le texte (rires) mon éducatrice qui me suivait à l'époque, Margaux elle m'a dit « Mais tu es malade ! Il a écrit un roman ! » Ils ont même pas pris le temps de lire en fait. Ils ont dit avec les autres qui étaient dans le bureau « mais c'est trop long ». » Maka se souvient de cet événement comme d’une humiliation. Son histoire de vie est dévalorisée car « trop long[ue] » et méprisée puisqu’« ils n’ont même pas pris le temps de lire ». Il interprète cet épisode comme un manque de considération : son parcours ne mérite pas d’être lu ou en tout cas ne mérite pas autant de lignes pour l’administration.</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-weight:normal">Il exprime son sentiment de frustration et de non-reconnaissance de l'effort narratif fourni : « je me suis senti un peu démissionné parce que ils ont pas trouvé ça (.) comment dirais-je? (.) pas très intéressant. […] et ils m'ont demandé d'enlever (.) de bien synthétiser en fait. » Il s’est senti « démissionné ». Cela traduit un sentiment de découragement et de dévalorisation. Il s’est résigné à ne pas être « intéressant ». On lui demande de réduire, de résumer, « de synthétiser », « d’enlever » des morceaux de soi, de réécrire une vie tronquée. </span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt">2.2. L’instabilité et les traumatismes du parcours migratoire : vecteurs d’une altération des processus mnésiques et narratifs</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les récits de vie des MNA, bien que singuliers, présentent des constantes dans leurs trajectoires pré-, péri- et post-migratoires. Ces parcours, marqués par des expériences traumatiques et précaires, rendent la narration cohérente de leur histoire particulièrement ardue. La « norme du soupçon » (Paté, 2020) qui prévaut dans l'évaluation de ces récits occulte souvent la complexité des expériences individuelles et collectives.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les difficultés de remémoration et de chronologie sont exacerbées par les conditions du parcours migratoire. Comme l'illustre le témoignage de Maka : « Sur la route on est pas stable [...] se souvenir et écrire tout ça c'est pas facile ». Cet extrait offre un aperçu révélateur de l'expérience des MNA et souligne la nature précaire du voyage migratoire. Cette instabilité reflète non seulement les déplacements physiques constants, mais aussi l'incertitude émotionnelle et psychologique qui accompagne ces jeunes.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">De plus, l’affirmation « se souvenir [...] c'est pas facile » met en évidence les défis liés à la mémoire traumatique. Les expériences vécues pendant le parcours migratoire peuvent être si intenses ou traumatisantes qu'elles perturbent les processus habituels de mémorisation.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Enfin, la difficulté à « écrire tout ça » souligne les obstacles rencontrés dans la mise en récit de l'expérience migratoire. Cela peut être dû à plusieurs facteurs : la barrière linguistique premièrement, la pression de produire un récit cohérent pour les autorités comme évoqué précédemment et surtout la complexité émotionnelle des événements vécus. Maka révèle ainsi indirectement le stress post-traumatique et les troubles réactionnels à la précarité souvent observés chez les MNA. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">En effet, les MNA sont fréquemment exposés à des expériences traumatisantes tout au long de leur parcours migratoire, incluant la séparation familiale, la perte de proches, et diverses formes de privations et de dangers. Ces expériences engendrent souvent un état de stress post-traumatique complexe (Herman, 1997), caractérisé par des troubles durables. Ces traumatismes affectent significativement la capacité des MNA à se remémorer et à narrer leur histoire. Les difficultés se manifestent par des troubles de la mémoire liés aux événements traumatiques, des sentiments de honte ou de culpabilité, la crainte de réactions émotionnelles intenses lors de l'évocation des traumatismes, une tendance à minimiser l'ampleur des expériences vécues comme mécanisme de protection et/ou une réticence à se confier en réaction au manque de soutien social et à la peur de ne pas être cru.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Frédérique Stevenin et Anaïs Touati (2018 : 7) soulignent que ces blessures psychologiques altèrent profondément la capacité narrative des MNA et que « [l]’état de sidération dans lequel se présentent la plupart des jeunes, leurs difficultés à s’exprimer rendent le récit souvent confus, incohérent, parfois dénué d’affects ». </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ainsi, lorsque Maka tente de reconstruire une chronologie de son parcours, il utilise son âge comme repère. Il nous dit : « Je suis parti de chez moi j'avais 14 ans [...] arrivé au Maroc j'avais 15 ans », démontrant, premièrement, que l’estimation temporelle est fréquemment confuse, en conséquence de l'absence de repères stables et de la perte des preuves matérielles du voyage, et, deuxièmement, que l'utilisation de l'âge comme seul marqueur temporel suggère une perte des repères temporels habituels (dates, mois) durant le voyage, reflétant la nature déstabilisante de l'expérience migratoire et les difficultés liées à la mémoire traumatique et à l'instabilité du parcours.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Maka témoigne de la difficulté à organiser et à exprimer ses souvenirs liés à son parcours migratoire : « Au moment où je suis arrivé je pouvais le raconter [son parcours] mais disons comme ça oralement mais ça allait être très très très difficile parce que j'arrivais pas à bien m'exprimer. C'était la galère. Et pour l'écrire même dans ma tête c'était le bazar ».</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Il décrit ses réminiscences comme étant désordonnées, ce qui entravait significativement sa capacité à les verbaliser, que ce soit oralement ou par écrit. Cette difficulté de mise en récit reflète la complexité des processus mnésiques et narratifs chez les MNA dans le contexte post-migratoire.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cet extrait révèle plusieurs aspects importants de l'expérience narrative des MNA : l'expression « j'arrivais pas à bien m'exprimer » met en évidence les défis linguistiques auxquels sont confrontés les MNA dans le pays d'accueil et l'utilisation de l'expression familière « C'était la galère » suggère une forte charge émotionnelle associée à cette difficulté d'expression. Enfin, la métaphore du « bazar » pour décrire l'état de ses pensées illustre la confusion et le désordre mental qui caractérisent souvent l'expérience post-traumatique des MNA.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les propos de Maka mettent en lumière les multiples obstacles - linguistiques, cognitifs et émotionnels - que rencontrent les MNA dans la narration de leur parcours migratoire, soulignant la nécessité d'une approche sensible et adaptée dans l'accompagnement de ces jeunes. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les (MNA) arrivant en France sont généralement âgés de 16 à 17 ans, ce qui crée une urgence double dans leur prise en charge. Premièrement, il est impératif d'obtenir rapidement la reconnaissance de leur statut de mineur isolé pour bénéficier du dispositif de protection de l'enfance. Deuxièmement, il est crucial de préparer leur transition vers la majorité, impliquant l'acquisition d'un titre de séjour et le développement de compétences essentielles telles que la maîtrise linguistique, l'autonomie, la qualification professionnelle et l'insertion sur le marché du travail.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans ce contexte, l'enseignement-appropriation de la langue de communication pour les MNA vise une transformation selon deux axes fondamentaux :</span></span></span></p>
<p style="text-indent:-18pt; text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-family:Symbol">· </span>Le développement d'une littératie critique : permettre aux MNA de comprendre le contexte politico-socio-culturel dans lequel ils évoluent, favorisant ainsi le développement d'une conscience sociale.</span></span></span></p>
<p style="text-indent:-18pt; text-align:justify; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-family:Symbol">· </span>L'acquisition de compétences narratives et descriptives : habiliter les MNA à articuler leurs expériences, revendiquer leurs droits et repenser leur place dans la société, ouvrant ainsi la voie à une potentielle transformation sociale.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Par conséquent, la formation linguistique des MNA poursuit un double objectif : l'apprentissage fonctionnel du français pour la communication quotidienne et l'expression de soi ((se) dire) et le développement d'une compétence réflexive et émancipatrice, permettant une narration approfondie de leur parcours et de leur identité (se raconter).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">3. Des ateliers d’écriture autobiographique en classe de FLE : outils d’expression, de construction identitaire et de résilience</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span style="text-align:justify;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">Au moment de notre entretien, Maka a obtenu la reconnaissance de son statut de MNA et bénéficie d'une prise en charge de l’ASE. Il suit alors une formation en apprentissage par alternance dans un centre de formation professionnelle où nous enseignons le FLE dans un dispositif adapté dont fait partie Maka. Les extraits cités proviennent d'un entretien semi-directif réalisé à la suite d'un travail d'écriture mené dans le contexte de nos cours de FLE et qui a évolué dans ses modalités vers un atelier d'écriture autobiographique.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">L'initiative est née de la demande de Maka d'explorer les contes populaires européens, en particulier les contes français du XVIIe siècle et allemands du XIXe siècle, suite à des difficultés de compréhension rencontrées dans un cours d'histoire à la lecture d’un article de presse qui faisait de nombreuses références à ces œuvres et dont l’universalisme présumé lui avait échappé. </span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">En réponse à cette demande, nous avons étudié le schéma narratif de plusieurs contes classiques, notamment « Le Petit Poucet » et « Le Petit Chaperon rouge » de Charles Perrault (1697), ainsi que « Blanche Neige » des frères Grimm (1812). Pour compléter les exercices de compréhension écrite, a été proposé un travail d'expression écrite avec la consigne suivante : « Écrire une histoire sur le modèle narratif des contes merveilleux. », sans plus de contraintes.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">La réponse de Maka à cet exercice a été remarquable : il a produit un texte manuscrit de 21 pages au format A4. Cette production spontanée a révélé un besoin profond d'expression narrative chez Maka. De plus, dans son récit, Maka a créé un personnage, FlyMAKA, qui apparaît comme une transposition fictionnelle de lui-même, et a utilisé le schéma narratif du conte pour relater son propre parcours migratoire.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">En effet, le récit de FlyMAKA présente l'histoire d'un jeune Guinéen confronté à des discriminations et des persécutions ethniques dans son pays d'origine. Le protagoniste, doté d'une intelligence vive et d'aptitudes athlétiques remarquables, nourrit deux aspirations majeures : accéder à l'éducation et participer aux Jeux Olympiques en tant qu'athlète. Le parcours migratoire de FlyMAKA s'amorce lorsqu'il décide, en compagnie de son ami Moufty, d'embarquer clandestinement dans un camion. Cet acte marque le début d'une odyssée périlleuse vers l'Europe, motivée par la quête de réalisation de leurs ambitions.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"><span class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify;text-indent:0cm;"><span style="font-size:12pt;"><span style="font-family:Arial,sans-serif;"><span style="color:black;">Cette narration, structurée selon les codes du conte merveilleux, offre une transposition allégorique du vécu migratoire de Maka.</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-align:justify; text-indent:0cm"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt">3.1. Se raconter : dynamique du retour de l’agentivité et du pouvoir décisionnel</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Maka nous exprime ce que cet écrit a de nécessaire pour lui en ces termes : « Oui. J'écris là parce que j'ai envie de le faire. Parce que moi je me suis dit là il faut. Je me suis dit il faut, il faut que j'écrive. » La répétition (à trois reprises) de « il faut » souligne un sentiment d'urgence et de nécessité intérieure. Cette insistance suggère que l'acte d'écrire répond à un besoin profond et pressant chez Maka. De plus, il insiste sur le moment et le cadre : « là », c’est-à-dire dans le contexte de l’exercice, qu’il identifie comme particulièrement propice à l’écriture. En outre, l'utilisation répétée de la première personne (« je », « moi ») indique une forte implication personnelle et une appropriation du processus d'écriture. Enfin, l’affirmation « j'ai envie de le faire » met en évidence une prise d'initiative personnelle, reflétant une forme d'autonomie et d'agentivité dans le processus créatif. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L'impulsion d'écriture peut être interprétée comme une tentative de symbolisation et d'élaboration des expériences vécues liées au parcours migratoire. Cette écriture spontanée contraste avec les récits souvent exigés dans un cadre administratif ou juridique, offrant un espace d'expression libre et authentique.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Maka continue en précisant : « Moi je sais que c'est très très important parce que ça me permet de ne pas oublier. Je sais que y'a plusieurs jeunes qui essaient de ne pas trop en parler et d'éviter le sujet et ils veulent oublier mais moi je sais que c'est quelque chose que je veux garder pour toujours. […] C'est mon parcours, c'est ma vie. » Il souligne ainsi l'importance de l'écriture biographique qui « permet de ne pas oublier », comme outil à la fois d’expression et de préservation de la mémoire personnelle.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Il établit également une distinction entre sa propre approche et celle de ses camarades « qui essaient de ne pas trop en parler et d'éviter le sujet et […] veulent oublier ». Il a conscience que certains jeunes MNA préfèrent ne pas aborder leur passé, cherchant à se protéger émotionnellement. Maka, lui, choisit de faire face à son histoire qu’il veut « garder pour toujours ». Cette détermination à préserver son récit indique une volonté d’acceptation de son passé comme partie intégrante de son identité.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Enfin, la phrase finale, « C'est mon parcours, c'est ma vie », est particulièrement révélatrice. Elle met en effet en évidence l’appropriation de son histoire et la conscience que son parcours migratoire est un élément constitutif de son identité.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Il conscientise l'importance de l'expression de son vécu et révèle une compréhension sophistiquée des mécanismes psychologiques liés au traumatisme et à la narration personnelle : « je sais que ne pas parler ne pas sortir les mots ça va encore revenir autrement. Pour ça je veux pas l'oublier, je veux le garder, je veux le raconter. C'est moi qui choisis quand ça revient. »</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">En effet, les expériences vécues par les jeunes migrants qui entreprennent seuls leur parcours migratoire, sont souvent marquées par des événements profondément traumatisants. Ces expériences, qui peuvent inclure la séparation précoce des parents, la perte de proches, des sévices physiques ou psychologiques, des humiliations, ainsi que l'exposition à des situations dangereuses et effrayantes, laissent des séquelles importantes tant sur le plan physique que psychologique.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ces traumatismes ont un impact significatif sur la relation que ces jeunes entretiennent avec leurs souvenirs et leur capacité à s'exprimer. Les conséquences peuvent se manifester de diverses manières : altération de la mémoire, difficultés d'expression, stratégies d'évitement, occultation des expériences traumatisantes, etc. (Stevenin et Touati, 2018).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ces traumatismes Maka est prêt à les écrire, à « sortir les mots ». Ecrire pour lui c’est refuser oublier et c’est aussi choisir, retrouver son pouvoir décisionnel : « je veux pas l’oublier », « je veux le garder », « je veux le raconter », « C’est moi qui choisis » sont éloquents. Dorénavant, par l’écriture, Maka démontre son pouvoir sur ses propres souvenirs et expériences. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L'engagement de Maka dans le processus d'écriture autobiographique marque un tournant significatif dans sa relation avec son passé. Cette démarche témoigne d'une évolution notable dans sa capacité à exercer un contrôle sur sa narration personnelle et la gestion de ses souvenirs : « Comme je vous l’ai dit au moment d’écrire l’histoire pour moi peut-être ça allait juste être une demi-page ou max deux pages […]. Mais c’est quand je me suis assis pour écrire bah là (..) ça pouvait pas être résumé (..) »</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">En choisissant quand, comment et pourquoi se raconter, Maka adopte une posture d’auteur de sa propre histoire. Et dans ce contexte, cette fois-ci, on raconte ce que l’on veut, sans synthèse ni résumé.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold"><span style="font-size:14.0pt">3.2. L’écriture autobiographique : faire sens des ruptures biographiques</span></span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre3" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La remémoration des expériences vécues constitue en soi une épreuve. Maka prend conscience que son inconscient a occulté des éléments de son parcours migratoire. Il témoigne : « Parfois j'écrivais et j'oubliais tout au moment de l'écrit comme si j'ai quitté la Guinée et puis je suis direct en France. Dès que ce moment arrive dans ma tête j'arrête tout de suite et je me dis que y'a des choses que j'ai oubliées, que j'ai pas dit sur le Sahara, sur le Maroc, sur la Méditerranée. » Ce processus de remémoration nécessite un effort conscient pour faire ressurgir les souvenirs les plus éprouvants de son parcours, précisément ceux qu'il n'avait pas encore verbalisés. Maka reconnaît : « y’a des choses que j’ai oubliées, que j’ai pas dit ». Ces étapes, comprenant la traversée du Sahara, les expériences vécues au Maroc et la traversée de la Méditerranée, représentent les étapes les plus éprouvantes de son parcours, celles qu’il n’avait pas encore mises en mots.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les MNA sont confrontés à des ruptures dans leur parcours qui imposent des choix : la guerre (ou la misère ou un événement tragique) impose le départ pour échapper à un destin funeste, les circonstances dramatiques de la migration imposent de faire des choix décisifs, généralement par dépit, pour continuer la route (prendre des embarcations souvent précaires, faire confiance à des passeurs dont la fiabilité est incertaine, trouver refuge dans des lieux parfois hostiles, etc.).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La rupture biographique, conceptualisée par Claire Bidart (2006) comme un moment de bifurcation, représente une phase critique et douloureuse dans le parcours individuel. Cette étape nécessite d'être surmontée pour permettre une progression continue et agentive dans la trajectoire biographique. Il s’agit d’un processus actif et généralement long. Dans ce contexte, un travail introspectif s'avère nécessaire, visant l'acceptation de ces discontinuités et la reconfiguration subséquente de l'existence. Pour catalyser la réflexivité, élément moteur de cette résilience, il semble pertinent de mettre en mots les souvenirs, de raconter l’expérience et d’exprimer la souffrance engendrée par la rupture.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ces démarches visent à conférer un sens à l'expérience traumatique, facilitant ainsi son intégration dans le récit biographique (Gaultier, 2023 : 71 ; Tisseron, 2007). Cette approche narrative et réflexive apparaît comme un vecteur essentiel dans le processus de résilience et de reconstruction identitaire.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">C’est ce que Maka a eu le courage de faire. Il nous le raconte : « Oui bien sûr j'ai essayé de fuir ces moments mais j'ai vu que il me faut coûte que coûte me rappeler et écrire parce qu'on sait jamais (.) Il me faut coûte que coûte que je me donne à fond pour pas laisser ces moments reprendre le dessus quand je veux pas en fait. » Avec l’écriture, c’est Maka qui choisit, pour ne plus « fuir », pour « coûte que coûte » se rappeler et ne « pas laisser ces moments reprendre le dessus ». Ecrire finalement c’est reprendre le pouvoir.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La rupture biographique offre une opportunité singulière d'introspection et d'analyse réflexive sur son parcours individuel. Maka explique que, cependant, l'efficacité de ce processus est conditionnée par l'établissement d'un environnement sécurisant : « En tout cas entre l’écrit de la préfecture et ce qu’on fait y’a une grosse différence. Celui de la préfecture j’étais obligé de le faire et nous t'es pas obligé. Ça change beaucoup de choses. »</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Ce cadre de confiance, établi lors des ateliers d’écriture, transcende les contraintes narratives imposées par les institutions, permettant ainsi une exploration authentique et non contrainte de l'expérience personnelle. Finalement, écrire pour soi, sans avoir à faire preuve, « ça change beaucoup de choses ». Cette approche favorise une réflexivité profonde, libérée des attentes normatives externes.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Enfin, la rupture biographique constitue un terrain propice à l'acquisition de connaissances inédites et au développement de compétences nouvelles. Un cadre protecteur et stable apparaît comme une condition sine qua non pour optimiser le potentiel transformatif inhérent à ces périodes de transition biographique : « Y'a beaucoup de choses qui ont changé parce que […] j'ai plus de confiance en moi grâce à vous et grâce à notre travail ça m'a donné plus de confiance parce que moi quand je suis arrivé j'étais parmi les autres je me voyais un peu différent (.) » Maka identifie le changement qui s’est opéré en lui comme résultant du travail d’écriture : « grâce à notre travail », il se sent reconnu, il a le sentiment d’avoir plus confiance en lui. Finalement, écrire sur soi et pour soi c’est apprendre à se connaitre, à voir son potentiel et à découvrir ses capacités.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans le contexte de l'enseignement-apprentissage du FLE pour les MNA, cette démarche d’autobiographisation vise à extraire ces jeunes de leur isolement social et linguistique, à leur permettre de surmonter leur insécurité langagière et à déconstruire les catégorisations sociales restrictives qui leur sont imposées. L'approche pédagogique proposée cherche à développer leurs compétences, en passant du simple savoir-agir à un véritable pouvoir-agir, s'inspirant du concept freirien de capacitation (Freire, 1974).</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette méthodologie ambitionne une transformation profonde des conditions de vie des MNA, en les habilitant à décrire leur réalité et à devenir les auteurs de leur propre vie. Le processus d' « auteurisation » implique une mobilisation du patrimoine mémoriel, l'établissement de liens causaux entre actions et conséquences, et l'utilisation des repères autobiographiques pour comprendre sa singularité.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cependant, ce processus se heurte à des obstacles significatifs dans des contextes de vulnérabilité, de perte d'identité narrative et de stress post-traumatique, qui affectent la capacité de mémorisation et d'expression. Ainsi, la question fondamentale persiste : comment faciliter l'auto-narration lorsque les outils linguistiques et émotionnels nécessaires font défaut ?</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"><span style="font-size:16pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-weight:bold">Conclusion. L’accompagnement biographique sous forme d’ateliers d’écriture fictionnée : l’émergence de Soi comme un personnage</span></span></span></span></p>
<p class="TDFLE-titre1" style="text-indent:0cm"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La mise en œuvre d'ateliers d'écriture autobiographique dans l'enseignement du FLE auprès des MNA offre une approche didactique dialogique, libératrice et émancipatrice. Ces ateliers réflexifs, intégrés à la progression linguistique, favorisent un rapport désinhibé à la langue dans un cadre sécurisant, à travers des exercices adaptés et graduels.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette méthodologie permet aux apprenants de développer une relation à la langue basée sur le plaisir et l'introspection, transcendant la simple conformité aux règles grammaticales. Elle transforme la langue en un espace d'exploration de soi et du monde.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Le rôle du formateur est crucial dans la sélection de supports variés et pertinents servant de déclencheurs narratifs (poésies, extraits de romans, pièces de théâtre, journaux intimes, autobiographies, contes). L'objectif est de stimuler le désir de lire, d'écrire, de s'exprimer et de partager.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les moments d'échange et de partage sont essentiels pour encourager la réflexivité, valoriser les expériences et confronter les apprenants à l'altérité. Les productions peuvent être partagées au sein du groupe ou valorisées à travers des représentations théâtrales, des lectures publiques ou des publications.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Cette approche permet aux MNA de s'approprier l'écriture comme outil de transformation personnelle, les autorisant à construire leur propre narratif, les « auteurisant » en somme. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">En outre, Maka soulève un aspect complémentaire intéressant à questionner au regard de cette expérience d’écriture. C’est l’aspect fictionnel de l’exercice. L’autobiographie fictionnée permettrait en prime de faire un pas de côté créatif pour prendre du recul, supplémentaire à l’approche introspective.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">La transition du récit autobiographique factuel vers l'autobiographie fictionnée offre une perspective pertinente dans le contexte des ateliers d'écriture pour les MNA. Comme l'exprime Maka, « Oui bien sûr il y a des moments très très difficiles à raconter. […]. C'est plus facile en disant "il". », cette approche permet d'explorer le concept su Soi comme un personnage, du « Soi-même comme un autre » cher à Paul Ricoeur (1990), facilitant ainsi une distanciation narrative à la fois émancipatrice et capacitante.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L'adoption d'un personnage fictionnel, comme FlyMAKA, illustre cette stratégie. Maka explique : « Oui c'est moi que j'ai vu, moi-même en personne. Je me suis vu en tant que personnage et puis sur lequel je peux écrire et que ça soit en plus hyper bien même. » Cette transposition de soi en personnage offre un espace de liberté narrative et émotionnelle.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Le récit de vie, en tant qu'exercice de remémoration et d'organisation narrative, permet d'aborder des questions identitaires et existentielles. La fiction, quant à elle, offre une flexibilité dans la représentation des expériences vécues (Schaeffer, 2020). </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Dans cette transition vers l'autobiographie fictionnée, la véracité du récit devient secondaire. L'auteur détermine sa propre réalité narrative, tandis que le lecteur choisit ce qu'il accepte comme réel. Cette démarche d'autofiction implique des choix rétrospectifs dans la biographie, renforçant ainsi, au-delà de la simple crédibilité narrative, le pouvoir décisionnel et l'agentivité de l'auteur.</span></span></span></p>
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<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><b><span style="font-size:16.0pt">Bibliographie</span></b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">ASTIER Isabelle ; DUVOUX Nicolas, <i>La société biographique : une injonction à vivre dignement</i>, Paris, L’Harmattan, 2006.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">BIDART Claire, « Crises, décisions et temporalités : autour des bifurcations biographiques », <i>Cahiers internationaux de sociologie</i> n° 120, 2006, p. 29-57.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">DELAHAIE Juliette ; CANUT Emmanuelle, « Les entretiens d’évaluation de minorité pour les jeunes migrants : le rôle de l’évaluateur dans la construction du récit de vie », <i>Migrations Société</i> n°181, 2020, p. 39-52.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">DELORY-MOMBERGER Christine, « Transformations et centralité du récit de soi dans la société biographique », Le sujet dans la cité n° 9, 2018, p. 37-48.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">DEMAILLY Lise, Politiques de la relation : approche sociologique des métiers et activités professionnelles relationnelles, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">FREIRE Paolo, Pédagogie des opprimés, suivi de Conscientisation et Révolution, Paris, Maspero, 1974.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">GAULTIER Sydney, « Paradoxe de l’accueil et adaptation paradoxale : les Mineurs non accompagnés entre protection et insécurité », dans Sydney Gaultier, Abdessalem Yahyaoui, Pierre Benghozi (dir.), Mineurs non accompagnés, repères pour une clinique psychosociale transculturelle, Paris, Editions In Press, 2023, p. 55-80.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">HERMAN Judith, Trauma and recovery, New York, Basic Books, 1997.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">MARTINEZ Marion ; GOÏ Cécile, « L’accueil des mineurs non accompagnés en formation au français langue étrangère, entre contraintes institutionnelles et accompagnement expérientiel », Chemins de formation n°25, 2023, p. 35-51.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">PATE Noémie « La mise à l’épreuve de la légitimité narrative comme contrepartie de l’accès à la protection des mineurs non accompagnés », Migrations Société n°181, 2020, p. 23-38.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">RICOEUR Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">SCHAEFFER Jean-Marie, Les troubles du récit. Pour une nouvelle approche des processus narratifs, Vincennes, Editions Thierry Marchaisse, 2020.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">STEVENIN Frédérique ; TOUATI Anaïs, « La prise en compte du trauma dans la pratique professionnelle auprès des jeunes étrangers isolés », VST - Vie sociale et traitements n° 138, 2018, p. 5-12.</span></span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><span style="font-size:12.0pt">TISSERON Serge, La Résilience, Paris, PUF, 2017.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[1]</span></span></span></span></span></a> Le prénom a été modifié pour garantir l’anonymat et il a été choisi par la personne interviewée.</span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[2]</span></span></span></span></span></a> Il s’agit d’une transcription littérale de nos entretiens (reproduction des mots et énoncés, des</span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">hésitations, des répétitions, des erreurs grammaticales et des tics de langage). Au moment de nos</span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">entretiens, Maka est évalué comme « utilisateur indépendant » en français sur l’échelle européenne, ce qui correspond au niveau B1 du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL).</span></span></span></p>
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify; text-indent:-16.95pt; margin-left:23px"> </p>
</div>
</div>