<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif">Cette communication propose de développer une réflexion sur l’interdisciplinarité à partir des résultats d’analyse des fondations épistémologiques de l’Anthropocène et de sa migration conceptuelle dans différents champs (Scotto d’Apollonia, 2019). Quels sont les effets de l’interdisciplinarité à la fois sur la nature même du concept et sur l’outillage analytique permettant d’aborder de tels objets de nature hybride et polymorphe. Préalablement, nous détaillerons les linéaments épistémologiques du cadre d’analyse des controverses socioscientifiques mobilisé. Ce cadre interdisciplinaire (Scotto d’Apollonia, 2015) est à la fois, non réductionniste (Berthelot, 2002), réflexif (Bourdieu, 2001 ; Le Marec, 2010) et articule différents courants parfois controversés (Raynaud, 2003 ; Berthelot, 2008 ; Bloor, 1976 ; Barnes, 1977 ; Collins, 1985 ; Chateauraynaud, 2011). L’Anthropocène apparait comme un objet heuristique particulièrement fécond. Contrairement à certains discours, le concept d’Anthropocène remonte en amont des années 2000 (Raynaud, 2018) et de la publication du biologiste américain Eugène Stoermer et du prix Nobel de chimie Paul Crutzen (Crutzen, Stoermer, 2000). Cette publication prend racine dans un programme onusien éminemment interdisciplinaire sur la biosphère (International Geosphere-Biosphere Program, Igbp) couvrant la période 1986-2015. Popularisé dans une publication dans <em>Nature</em> par Crutzen (2002), l’Anthropocène vise initialement à définir l’échelle de temps géologique pertinente pour objectiver l’impact de l’Homme sur l’écosystème terrestre. Suite aux travaux d’une équipe menée par Jan Zalasiewicz (Zalasiewicz et <em>al</em>., 2008), il est depuis 2009, l’objet d’étude d’un groupe de travail : Anthropocène Working Group, AWG<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="text-decoration:underline" title=""><strong><strong><span style="font-size:11.0pt">[1]</span></strong></strong></a> au sein de l’Union Internationale des Sciences Géologiques (Iugs). Bien qu’il de nature interdisciplinaire, l’AWG s’inscrit dans une sorte de paradigme monolithique, les institutions des sciences géologiques. En effet, l’AWG appartient à la Sous-commission de Stratigraphie du Quaternaire (SQS), elle-même composante de la Commission Internationale de Stratigraphie (ICS) qui est la branche historique de l’Union Internationale des Sciences Géologiques (IUGS) et qui répond à des normes très strictes quant à la validation d’une temporalité sur l’échelle des temps géologiques.</span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif">Nous développerons ainsi une forme d’archéologie de l’Anthropocène, sorte d’apatride paradigmatique au regard des controverses qu’il suscite en interne mettant au jour les zones d’incompatibilité entre les sciences géologiques et le paradigme naissant des sciences du système terre (Dutreil, 2017). Ces éléments permettent d’éclairer les emprunts opérés par différents acteurs en décrivant sa trajectoire conceptuelle dans différents champs (Bonneuil, Fressoz, 2015). Il est ainsi possible d’identifier un glissement d’un concept scientifique présentant un déficit d’ancrage paradigmatique vers une catégorie de pensée devenue presque ordinaire. La caractérisation de se glissement conceptuel permet de développer un regard analytique sur la littérature scientifique, sur ce que <em>Penser l’Anthropocène</em> (Beau, Larrère, 2018) veut dire. Nous proposons ainsi d’ouvrir la réflexion sur la façon dont les sciences sociales appréhendent une approche interdisciplinaire de « l’urgence écologique » plus particulièrement sous l’angle pragmatique de l’agir environnemental et de l’entrelacement des enjeux sociaux et politiques de l’expertise scientifique. Ces analyses, nous permettent en retour de proposer une première structuration d’un cadre commun de réflexion sur l’interdisciplinarité portant sur des objets de recherche de nature hybride articulé autour de cinq axes interreliés : (1) commensurabilité/incommensurabilité des disciplines mobilisées ; (2) fondations épistémologiques ; (3) nature des pratiques « interdisciplinaires » développées ; (4) réflexivité inhérente à ce type de pratique sur les plans individuel et collectif ; (5) les dimensions politiques de la recherche. </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><strong><span style="font-size:11.0pt">Bibliographie</span></strong></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Barnes B., 1977. </span><em><span style="font-size:10.0pt">Interests and the Growth of Knowledge</span></em><span style="font-size:10.0pt">, London : Routledge & Kegan Paul.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Beau R., Larrère, C., 2018. Penser l’Anthropocène, Presse Sciences Po. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Berthelot J.-M., 2008. <em>L’emprise du vrai. Connaissance scientifique et modernité</em>, Paris, PUF, 2008. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Berthelot J.-M., 2002. </span><span style="font-size:10.0pt">Pour un programme sociologique non réductionniste en études des sciences, <em>Revue Européenne des Sciences Sociales</em>, vol. XL, n°124, p. 233-252. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Bloor D., 1976. <em>Knowledge and social imagery</em>, Chicago : University of Chicago Press.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Bonneuil C., Fressoz J.-B., 2013. <em>L'Evénement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous</em>, Paris,</span><span style="font-size:10.0pt"> Seuil.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Bourdieu<em> </em>P., 2001. <em>Science de la science et réflexivité. Cours du Collège de France 2000-2001</em>, Paris, Raisons d'agir Editions.</span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Chateauraynaud F., 2011. <em>Argumenter dans un champ de forces. Essai de balistique sociologique</em>, Paris, Petra.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Collins H., 1985. <em>Changing order: Replication and induction in scientific practice</em>, London : Sage.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Crutzen P., 2002. Geology of mankind, <em>Nature</em>, 3, janvier 2002.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Dutreuil, S., 2017. </span><span style="font-size:10.0pt">James Lovelock, Ga</span><span style="font-size:10.0pt">ïa et la pollution : un scientifique entrepreneur à l'origine d'une nouvelle science et d'une philosophie politique de la nature, Revues Zilsel, Editions du Croquant, N°2, septembre 2017, p. 21-61. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Le Marec J., 2010. Enquête et savoir du contact dans les études de sciences: pour une réflexivité institutionnelle, <em>in </em>J. Le Marec (dir.) <em>Les études de sciences : Pour une réflexivité institutionnelle</em>, Paris, Les archives contemporaines.</span> </span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Raynaud D., 2018a [2003]. <em>Sociologie des controverses scientifiques</em>, Editions Matériologiques.</span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Raynaud D., 2018b. Anthropocène. Technique. Deux points de contact entre science et pensée partisane, <em>Revue Zilsel</em>, Editions du Croquant, N°3. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Scotto d’Apollonia L., 2015. Ce que parler des controverses veut dire, Revue Hermès, n°73, <em>in Controverses et communications</em>, (dir. D. Wolton, R; Badouard, C. Mabi), CNRS Editions, pp. 129-136. </span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Scotto d’Apollonia L., 2019. De la migration conceptuelle de l’Anthropocène, Nature Sciences et Société (en cours d’évaluation).</span></span></span></p>
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><span style="font-size:10.0pt">Zalasiewicz J., et <em>al</em>., 2019. The Anthropocene as a Geological Time Unit A Guide to the Scientific Evidence and Current Debate, Cambridge University Press.</span></span></span></p>
<div>
<hr />
<div id="ftn1">
<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:10pt"><span style="font-family:Calibri,sans-serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="text-decoration:underline" title=""><span style="font-size:10.0pt">[1]</span></a> L’AWG est en fait l’un des quatre groupes de travail au sein de la Sous-commission de Stratigraphie du Quaternaire (<a href="http://quaternary.stratigraphy.org/" style="text-decoration:underline">Subcommission on Quaternary Stratigraphy</a>). Voir le lien suivant consulté le 14 février 2019 : <a href="http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/" style="text-decoration:underline">http://quaternary.stratigraphy.org/working-groups/anthropocene/</a></span></span></p>
</div>
</div>