<p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Par Omer Moussaly,</em></span></span><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em><span style="background-color:white"><span style="color:#222222">Chercheur postdoctoral &agrave; la </span></span></em><em>Chaire UNESCO d&rsquo;&eacute;tudes des fondements philosophiques de la justice et de la soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique.</em></span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le contenu de ce dossier th&eacute;matique de la revue <em>Rusca. Revue &eacute;lectronique en sciences humaines et sociales </em>comprend cinq articles de fond sur Antonio Gramsci. Chacun de ces articles traite sp&eacute;cifiquement de quelques th&egrave;mes de la r&eacute;flexion politique du penseur sarde. De multiples recoupements avec les autres expos&eacute;s sont relev&eacute;s. Par souci de clart&eacute;, nous vous les pr&eacute;sentons par ordre d&rsquo;apparition dans la revue<em> </em>tout en soulignant la f&eacute;condit&eacute; de l&rsquo;apport gramscien en mati&egrave;re de science politique.</span></span></p> <h1>Andr&eacute; Tosel</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><span style="background-color:white"><span style="color:#222222">Grand sp&eacute;cialiste ayant &agrave; son actif plusieurs &eacute;tudes approfondies sur la r&eacute;flexion politique de Gramsci, dont son dernier livre intitul&eacute;<em> Gramsci, ce c&eacute;l&egrave;bre m&eacute;connu</em> (aux &Eacute;ditions Kim&eacute;, 2016), Andr&eacute; Tosel est l&rsquo;auteur de l&rsquo;article liminaire de cette livraison de la<em> </em>revue &eacute;lectronique en sciences humaines et sociales<em> RUSCA</em> consacr&eacute; au penseur sarde.</span></span> Il y est question, entre autres, de la philosophie de la praxis, de la conception du monde, de l&rsquo;id&eacute;ologie et du sens commun. Tout un projet ambitieux que seul un &eacute;rudit de la trempe de Tosel sait mener &agrave; terme. Qui plus est, son style coule de source et ses arguments sont des plus convaincants. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;entr&eacute;e de jeu, Tosel s&rsquo;inscrit en faux contre Althusser dont la perception de la notion d&rsquo;historicisme reste &agrave; fleur de peau, ne tient pas compte de la complexit&eacute; de ce concept, ni ne prend les propos de Gramsci avec un grain de sel (<em>cum grano sale</em>), de l&rsquo;aveu m&ecirc;me de l&rsquo;auteur. Cependant Tosel sait gr&eacute; &agrave; Althusser d&rsquo;avoir fait &eacute;tat, &agrave; l&rsquo;instar de Gramsci, des liens indissolubles entre histoire et politique. De la sorte, Althusser a pu d&eacute;gager la vision du monde inh&eacute;rente &agrave; la philosophie de la praxis qui fusionne th&eacute;orie et pratique. En plus Tosel rappelle que, de l&rsquo;avis de Gramsci, plus que tout autre forme de sagesse, la philosophie de la praxis s&rsquo;enrichit de l&rsquo;apport des savants et des profanes, car quiconque est apte &agrave; philosopher peu importe le m&eacute;tier qu&rsquo;il exerce. Il en conclut, &agrave; raison, que l&rsquo;historicisme de Marx et de Gramsci n&rsquo;est en fin de compte qu&rsquo;un humanisme dans le plein sens du terme.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De surcro&icirc;t la topologie que dresse Tosel n&rsquo;est pas hi&eacute;rarchique, mais se d&eacute;roule plut&ocirc;t &agrave; l&rsquo;horizontale o&ugrave; la philosophie de la praxis occupe une extr&eacute;mit&eacute; passant outre au dilemme de structure et de superstructure. L&rsquo;important est alors la lutte &agrave; finir que m&egrave;ne Gramsci contre les id&eacute;alistes d&rsquo;une part et les positivistes, de l&rsquo;autre. Ce combat vise &agrave; forger une contre-h&eacute;g&eacute;monie au d&eacute;triment de la classe dominante. &Agrave; cet effet, Gramsci pose le probl&egrave;me de la double conscience du subalterne enclin &agrave; adopter un sens commun qui refl&egrave;te &agrave; la fois sa soumission et sa vell&eacute;it&eacute; de d&eacute;fendre les int&eacute;r&ecirc;ts de sa classe d&rsquo;appartenance. C&rsquo;est l&agrave; que la philosophie de la praxis intervient en vue de le d&eacute;barrasser de sa contradiction existentielle en l&rsquo;invitant &agrave; se conna&icirc;tre soi-m&ecirc;me et &agrave; s&rsquo;auto-&eacute;duquer. Et de fil en aiguille, son sens commun initial se mue en bon sens. Gr&acirc;ce &agrave; la philosophie de la praxis cette mutation agit &agrave; son tour sur sa vision initiale pour la transformer. L&rsquo;intellectuel qui sait, mais ne sent pas n&eacute;cessairement et le &laquo;&nbsp;simple&nbsp;&raquo; qui sent mais dont la sph&egrave;re de connaissance est limit&eacute;e se compl&egrave;tent l&rsquo;un l&rsquo;autre. Ces quelques remarques pr&eacute;liminaires visent &agrave; donner un avant-go&ucirc;t &agrave; la lecture individuelle de cet article bien structur&eacute; qui met au jour la dynamique inh&eacute;rente de la pens&eacute;e politique de Gramsci.</span></span></p> <h1>Antigone Mouchtouris</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;analyse d&rsquo;Antigone Mouchtouris fait suite &agrave; celle de Tosel en r&eacute;servant une place de choix &agrave; l&rsquo;imaginaire de Gramsci dont la pens&eacute;e est d&rsquo;inspiration marxiste. Historicisme oblige, elle tire profit du recul dont elle dispose pour entreprendre une r&eacute;vision de certains commentaires d&eacute;suets &eacute;mis &agrave; l&rsquo;endroit du th&eacute;oricien politique sarde, notamment &agrave; la suite de l&rsquo;effondrement du mur de Berlin qui a mis au jour les d&eacute;rapages du r&eacute;gime communiste en URSS. Et par manque d&rsquo;espace, elle juge tout indiqu&eacute; de ne pas s&rsquo;&eacute;tendre sur tous les th&egrave;mes que Gramsci a d&eacute;velopp&eacute;s dans ses &eacute;crits, se contentant d&rsquo;envisager quelques-unes de ses notions qui sont toujours d&rsquo;actualit&eacute;.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;instar de Tosel, elle convient de consid&eacute;rer Gramsci comme un marxiste humaniste, c&rsquo;est-&agrave;-dire, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; d&rsquo;Althusser qui a d&eacute;velopp&eacute; dans les ann&eacute;es 1970 un marxisme technocratique. Elle note aussi, &agrave; juste titre que, ce qui compte le plus pour Gramsci, ce sont les &ecirc;tres humains et en particulier, les plus d&eacute;munis qui sentent et agissent spontan&eacute;ment contre la mis&egrave;re. Leur imaginaire nourri de folklore les rend avides du savoir. Encore faut-il leur donner un coup de pouce pour faire avancer leur &eacute;ducation et leur permettre de se forger une vision du monde &eacute;lagu&eacute;e des partis pris et des id&eacute;es re&ccedil;ues. L&rsquo;imaginaire de Gramsci, note-t-elle, se nourrit de m&eacute;taphores et de m&eacute;tonymies, telles qu&rsquo;illustr&eacute;es, &agrave; titre d&rsquo;exemple, par&nbsp;: la guerre de position, les remparts qui cuirassent la soci&eacute;t&eacute; civile et l&rsquo;&Eacute;tat, la r&eacute;partition de la classe ouvri&egrave;re en soldats, adjudants et capitaines. En outre, Moucthouris rappelle &agrave; juste titre que dans l&rsquo;optique gramscienne les termes peuple, masse laborieuse et classe ouvri&egrave;re sont interchangeables. Par synecdoque, Gramsci s&rsquo;autorise &agrave; prendre la partie pour le tout, d&rsquo;autant plus que les subalternes repr&eacute;sentent la plus importante majorit&eacute; du tissu social. De la sorte son alchimie du verbe contribue &agrave; f&eacute;conder son imaginaire.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quant &agrave; l&rsquo;intellectuel organique de la classe ouvri&egrave;re, il incarne, selon elle, le guide vou&eacute; corps et &acirc;me &agrave; l&rsquo;affranchissement des exploit&eacute;s dont la pr&eacute;f&eacute;rence va aux t&ecirc;tes bien faites plut&ocirc;t qu&rsquo;aux t&ecirc;tes pleines. La conclusion de ce deuxi&egrave;me article rejoint en quelque sorte la distinction que Tosel a &eacute;tablie entre &laquo;&nbsp;ce qui est&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;ce qui devrait &ecirc;tre&nbsp;&raquo;. Le plus grand est l&rsquo;&eacute;cart entre le pr&eacute;sent ex&eacute;crable et la vision utopique, le plus fort est le mobile du changement qui s&rsquo;impose. En fait, si aucune diff&eacute;rence ne se d&eacute;gage des deux tableaux esquiss&eacute;s, c&rsquo;est qu&rsquo;on consacre le statu quo.</span></span></p> <h1>Ernst Jouthe</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La vision gramscienne du monde, selon Jouthe, se d&eacute;finit principalement &agrave; partir du mat&eacute;rialisme historique et de la philosophie de la praxis. Cette affirmation rejoint le mouvement int&eacute;rieur qu&rsquo;a trac&eacute; Andr&eacute; Tosel pour marquer la fin du flou s&eacute;mantique dans les premiers <em>Cahiers</em>. En fait, ce n&rsquo;est qu&rsquo;apr&egrave;s le Cahier 10 que la &laquo;&nbsp;<em>Weltanschauung</em>&nbsp;&raquo; se cristallise par le rassemblement des &eacute;l&eacute;ments, qui &eacute;taient auparavant &eacute;pars, en un tout coh&eacute;rent. Jouthe note, &agrave; juste titre, que la pierre angulaire de la vision gramscienne du monde repose sur l&rsquo;auto-connaissance de l&rsquo;&ecirc;tre humain qui d&eacute;coule d&rsquo;une r&eacute;flexion autocritique. Une telle connaissance de soi, qui rejette l&rsquo;historicisme id&eacute;aliste, souligne Jouthe, pr&eacute;lude &agrave; une vision propice au changement de la vie.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De surcro&icirc;t, la fusion de la th&eacute;orie et de la pratique qui est l&rsquo;essence m&ecirc;me de la praxis se substitue alors &agrave; l&rsquo;attitude de spectateur de la vie et se conjugue bien avec la 11<sup>e</sup> th&egrave;se sur Feuerbach. En effet, Jouthe a le m&eacute;rite d&rsquo;avoir relev&eacute; l&rsquo;effet de catharsis qu&rsquo;exercent les &eacute;crits de Gramsci sur les g&eacute;n&eacute;rations futures par une double d&eacute;marche de destruction et de reconstruction. Il n&rsquo;y a pas lieu de faire des accommodements raisonnables avec les tenants du mat&eacute;rialisme m&eacute;caniciste &agrave; vocation d&eacute;terministe du Parti. Sur une table rase, Gramsci d&eacute;veloppe ainsi une vision susceptible, de par sa coh&eacute;rence, de redresser les torts inflig&eacute;s depuis belle lurette aux classes laborieuses. La catharsis assure le passage de l&rsquo;&eacute;conomique au moment &eacute;thico-politique, de la n&eacute;cessit&eacute; &agrave; la libert&eacute;. L&rsquo;historique de la notion de catharsis que pr&eacute;sente Jouthe en y incluant la perception qu&rsquo;en fait Gramsci est non seulement bien document&eacute;, mais susceptible d&rsquo;articuler la vision du monde &agrave; la purification des solutions de rechange.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On sait gr&eacute; &agrave; Jouthe d&rsquo;avoir d&eacute;mont&eacute; le m&eacute;canisme de la r&eacute;flexion gramscienne afin de mieux saisir son argumentation et les distinctions qu&rsquo;il &eacute;tablit entre termes ayant des affinit&eacute;s s&eacute;mantiques. Le devenir de l&rsquo;humanit&eacute; cesse alors d&rsquo;&ecirc;tre synonyme du progr&egrave;s r&eacute;alis&eacute; dans tel ou tel domaine. En somme, cet article de fond l&egrave;ve le voile sur des aspects m&eacute;connus ou peu connus de la vision humaniste de Gramsci.</span></span></p> <h1>Gregorio Sorgona</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La clart&eacute; de l&rsquo;expos&eacute; de Gregorio Sorgon&agrave; d&eacute;coule de la pr&eacute;sentation, d&rsquo;entr&eacute;e de jeu, des deux interpr&eacute;tations que la critique a attribu&eacute;es aux &eacute;crits de Gramsci. Formul&eacute;e aux lendemains de l&rsquo;apr&egrave;s Deuxi&egrave;me Guerre mondiale, la premi&egrave;re met l&rsquo;accent sur la sp&eacute;cificit&eacute; du marxisme mat&eacute;rialiste du penseur sarde. La seconde qui voit le jour &agrave; partir des ann&eacute;es 1970, fait &eacute;tat de la tendance des ex&eacute;g&egrave;tes &agrave; inscrire l&rsquo;apport de Gramsci dans le cadre de la p&eacute;riode post-lib&eacute;rale.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le portrait politique de Gramsci, que Togliatti, son compagnon de route a fait, a &eacute;t&eacute; accueilli &agrave; l&rsquo;&eacute;poque sans r&eacute;serves et sa m&eacute;taphore qui faisait de Gramsci le L&eacute;nine d&rsquo;Italie passa ais&eacute;ment la rampe. Le pr&eacute;jug&eacute; de Togliatti imprimait au Parti communiste italien, une facture nationaliste par trop exag&eacute;r&eacute;e, ce qui faussera l&rsquo;image de son <em>leader</em>. Car comment concilier le d&eacute;veloppement que fait Gramsci dans ses <em>Cahiers de prison</em> de l&rsquo;am&eacute;ricanisme et du fordisme et l&rsquo;image de chef nationaliste que Togliatti lui attribue ?</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Deux d&eacute;cennies plus tard l&rsquo;invasion de la Hongrie pilot&eacute;e par l&rsquo;URSS en 1956 va susciter de nouvelles orientations &agrave; la direction du PCI, sans toutefois remettre en question l&rsquo;interpr&eacute;tation r&eacute;serv&eacute;e &agrave; Gramsci. On &eacute;voque l&rsquo;importance que Gramsci accorde au Risorgimento et son appel dans <em>la Question m&eacute;ridionale</em>&nbsp;&agrave; l&rsquo;unification italienne (Nord et Sud). L&rsquo;appr&eacute;ciation de l&rsquo;&oelig;uvre gramscienne prend alors une autre tangente tout aussi d&eacute;formatrice. Con&ccedil;u par Gramsci, le bloc historique d&eacute;termine dor&eacute;navant la strat&eacute;gie dominante des communistes en Italie.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;effritement graduel, dans les ann&eacute;es 1970, du contr&ocirc;le qu&rsquo;exer&ccedil;ait le Kremlin sur les partis communistes nationaux a eu pour effet, entre autres, l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une historiographie de Marx autre que celle du marxisme officiel. Sorgon&agrave; note aussi que cette diff&eacute;renciation avait trait &agrave; la place de choix accord&eacute;e &agrave; la philosophie de la praxis de Gramsci et &agrave; son concept d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie. Qui plus est, Sorgon&agrave; passe alors &agrave; une analyse approfondie des tendances disparates de la nouvelle critique qui inscrit les &eacute;crits de Gramsci dans le contexte de leur production. En somme, c&rsquo;est un article bien document&eacute; et intelligemment argument&eacute;, citations &agrave; l&rsquo;appui.</span></span></p> <h1>Omer Moussaly</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le dernier article de ce num&eacute;ro sp&eacute;cial de <em>RUSCA </em>porte sur l&rsquo;influence qu&rsquo;a exerc&eacute;e Antonio Gramsci sur l&rsquo;un des plus c&eacute;l&egrave;bres orientalistes contemporains, en l&rsquo;occurrence, Edward Sa&iuml;d. D&rsquo;ailleurs, dans ses &eacute;crits, cet intellectuel hors pair sait gr&eacute; au penseur sarde qui a &eacute;clair&eacute; sa lanterne sur les m&eacute;faits de l&rsquo;exclusivit&eacute; en mati&egrave;re de recherche, l&rsquo;a port&eacute; &agrave; faire le bilan des strates de son exp&eacute;rience vitale et l&rsquo;a initi&eacute; &agrave; un concept on ne peut plus f&eacute;cond, &agrave; savoir l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie. De formation litt&eacute;raire, Edward Sa&iuml;d s&rsquo;est montr&eacute; tr&egrave;s r&eacute;ceptifs aux pr&eacute;ceptes philologiques de Gramsci qui attribuent au langage un double emploi utilitaire et esth&eacute;tique et deux niveaux, superficiel et latent.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De surcro&icirc;t, Sa&iuml;d d&eacute;couvre chez Gramsci des talents de communicateur chevronn&eacute; qui se sert d&rsquo;indices, de signaux et de symboles &agrave; d&eacute;chiffrer dans le contexte de leur production par le recours &agrave; la connotation, sans pour autant les d&eacute;poser par la suite au mus&eacute;e des antiquit&eacute;s. Arm&eacute; de ses outils d&rsquo;analyse, Sa&iuml;d s&rsquo;en prend &agrave; l&rsquo;air de sup&eacute;riorit&eacute; qui caract&eacute;rise la majorit&eacute; des orientalistes occidentaux comme s&rsquo;ils &eacute;taient les continuateurs de celui qui a d&eacute;clar&eacute; que son peuple &eacute;tait &laquo;&nbsp;<em>uber ales</em>&nbsp;&raquo;. &Agrave; l&rsquo;instar de Gramsci, Sa&iuml;d favorise la cr&eacute;ation d&rsquo;une contre-h&eacute;g&eacute;monie pour contrecarrer l&rsquo;arrogance ex&eacute;crable de certains Occidentaux et leur d&eacute;dain des Orientaux.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Qui plus est, Sa&iuml;d se pr&eacute;vaut de la notion de conception gramscienne du monde pour mettre a nu le projet imp&eacute;rialiste qui sous-tend la diabolisation par l&rsquo;Occident des pays jug&eacute;s sous-d&eacute;velopp&eacute;s. Non pas en tant qu&rsquo;individu, mais plut&ocirc;t comme produit de sa collectivit&eacute;, l&rsquo;intellectuel, selon Sa&iuml;d, est apte &agrave; contribuer au redressement des torts en d&eacute;non&ccedil;ant les id&eacute;es re&ccedil;ues, les partis pris et les pr&eacute;jug&eacute;s. Les id&eacute;es que d&eacute;fend Sa&iuml;d dans son <em>Orientalisme</em>, n&rsquo;ont pas eu l&rsquo;heur de plaire aux id&eacute;ologues orientalistes, dont certains ont soulev&eacute; un toll&eacute; de protestations contre ses arguments soigneusement document&eacute;s. Pourtant ses d&eacute;tracteurs se gargarisent d&rsquo;&ecirc;tre les h&eacute;rauts de la libert&eacute; d&rsquo;expression qui leur donne fi&egrave;re allure ! Haro donc sur les intellectuels traditionnels qui perp&eacute;tuent l&rsquo;injustice en &eacute;tant au solde des malfaiteurs. Par contre, hommage aux intellectuels organiques qui s&rsquo;identifient aux laiss&eacute;s-pour-compte et servent leurs int&eacute;r&ecirc;ts. Ainsi l&rsquo;Occident cessera de tenir le droit exclusif de parler au nom de l&rsquo;Orient qu&rsquo;il condamne au mutisme.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De ce tour d&rsquo;horizon, il se d&eacute;gage que la r&eacute;flexion politique d&rsquo;Edward Sa&iuml;d est grandement redevable aux concepts que Gramsci a d&eacute;velopp&eacute; dans son &oelig;uvre magistrale. Il n&rsquo;en reste pas moins que Sa&iuml;d a su transposer la plupart des notions gramsciennes en vue de remettre les pendules &agrave; l&rsquo;heure dans la dichotomie Orient/Occident.</span></span></p> <h2>Remerciements</h2> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous voudrions remercier Andr&eacute; Tosel, Antigone Mouchtouris, Ernst Jouthe, Gregorio Sorgon&agrave; ainsi que toute l&rsquo;&eacute;quipe &eacute;ditoriale de la revue <em>RUSCA</em>. Finalement un grand merci &agrave; Maggy pour son encouragement.</span></span></p>