« Inverser la trajectoire, revenir à la vie depuis la mort, supprimer l’agonie. Supprimer l’agonie. » Vent d’ouest     Au printemps 2018, René Schérer, dans un film où il cherche le lieu où autrefois, dans le Bois de Paris, on avait créé le Centre expérimental de Vincennes, remarque qu'à la fin des années 1980, on n'a pas pensé à la mémoire du lieu<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a> : le Centre, né au lendemain des événements révolutionnaires de Mai 68 puis déporté une dizaine d’années plus tard par le pouvoir politique dans la banlieue de Saint-Denis, reste à présent sans trace : on le déterritorialisa brutalement. Pourtant, dans les années 1960, l’impératif « Déterritorialisez-vous! » avait été la source d’un principe progressiste et émancipateur, de libération des forces de domination d’alors. Peut-être ce principe tourna-t-il mal, dès lors qu’on le perçut abstraitement, le réduisant à une fuite de soi-même, et lorsque le néolibéralisme le réutilisa à son profit : jouissance hédoniste et consumériste, toxicomanie, essor d’une réalité virtuelle déconnectée du rapport au réel, développement des politiques d’enrichissement égoïste… autant de formes de déni de la réalité sociale et de destruction des liens collectifs. Le capitalisme s’accommode ainsi parfaitement d’une ligne de fuite individualiste. À l’époque du désengagement général des États, des terres et des espaces collectifs entiers sont menacés par les intérêts financiers, au mépris des êtres humains, animaux, végétaux qui y habitent depuis des millénaires. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, une résistance nouvelle semble voir le jour. Dans ce texte nous évoquons les « zadistes » qui luttent actuellement contre l’expansion mortifère du capitalisme. Comme le montre le court-métrage Vent d'Ouest<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a>, des personnes quittent les villes et reviennent occuper le terrain, pour créer des espaces et des temporalités où d’autres mondes, en-dehors de la logique du calcul et de l’exploitation, sont encore possibles. Les sociétés de contrôle telles qu’elles émergeaient dans les années 1980 semblent passer alors à une nouvelle étape depuis les années 2000, en se transformant aux sociétés d’urgence. Elles appelaient à une lutte diffuse, micro-politique, sur le rapport de soi à soi, l’ethos, l’éthique. Mais les sociétés d’urgence semblent appeler un mode de lutte en partie nouveau, dont la Zone à Défendre (ZAD) en serait le paradigme. L’éthique, personnelle et individuelle, se reconnecte avec le politique. Des communautés moléculaires regroupent les atomes disparates que le néolibéralisme de ces quarante dernières années avait créés. Petit à petit, les luttes s’agglomèrent et gagnent du terrain, la couleur vient redonner vie aux peuples. La structure fascisante du néolibéralisme craque ; ses fuites en annoncent l’effondrement<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a>. La joie est communicative, l’optimisme nerveux des nouvelles conquêtes est un virus contre lequel il n’existe pas d’antidote. De la TAZ<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a> des années 1990 à la ZAD des années 2010, la transformation du rapport à la lutte politique est indissociable d’une propagation populaire de la révolte, dont des communautés nouvelles sont en train d’éclore : paysan-ne-s, ouvrier-e-s, travailleur-se-s précaires de toutes catégories… chacun-e faisant ensemble l’expérience insupportable d’être exilé-e d’un monde envahi par la sauvagerie financière. Le capitalisme détruit la planète mais les lignes de la révolte sont des lignes de construction. En 2018, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes qui a enterré le projet d’aéroport représente une victoire qui se propagera sur les ronds-points, les places publiques, les cafés, les bois, les champs… D’autres phénomènes comme les Printemps du Moyen-Orient (2010-2012), Occupy Wall-Street (2011), les Indignados (2011), le Printemps d’Érable (2012), les mouvements écologiques mondiaux de ces dernières années symbolisent une défense quasi-organique contre la menace de liquéfaction par la logique du gain dont le capitalisme est une forme sophistiquée fondée sur des pulsions grégaires de toute-puissance.   Les concepts de déterritorialisation et de ligne de fuite peuvent alors revenir hors d’un contexte passé perverti par l’égocentrisme et le profit privé. Mais dans ces mouvements, l'opération de reterritorialisation n'est pas moins importante que celle de déterritorialisation, et exige sa propre éthique. C’est la piste que nous étudierons, en abordant le problème d’un point de vue psychologique, social et politique. En parallèle, certaines luttes récentes résonnant avec le paradigme zadiste sont des signes de sa « propagation » en France aussi bien qu’en Russie, et ailleurs dans le monde.   I. La ligne de fuite comme ligne de lutte sociale   On trouve une première esquisse de la ligne de fuite dans l’Anti-&OElig;dipe, qui consistait au départ, dans l’histoire des problématisations philosophiques, à critiquer l’&oelig;dipianisation forcenée à laquelle avait conduit la pensée occidentale, pour revenir à une philosophie du devenir et des multiplicités (la « schizoanalyse ») : « En renonçant au mythe, il s’agit de remettre un peu de joie, un peu de découverte dans la psychanalyse. […] Plutôt fuir, sur le corps sans organe, et s’enfermer en lui, le refermer sur soi. La petite joie, c’est la schizophrénisation comme processus, non pas le schizo comme entité clinique »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a>. Deleuze et Guattari avaient conscience que suivre une ligne de fuite ne veut pas dire s’enfuir d’une situation donnée (sociale, politique, psychologique…) fermée, mais trouver dans une telle situation l’issue pour continuer de donner vie à ses désirs, et ne pas les laisser mourir par asphyxie. Un problème se situerait donc dans la récupération politique du terme, autant par les réactionnaires à la philosophie deleuzienne que par les néolibéraux. C’est une des principales critiques de Slavoj Žižek relisant Deleuze en le mettant en perspective avec la psychanalyse lacanienne et la philosophie hégélienne. Žižek y regrette la « réception anglo-saxonne de Deleuze (et son impact politique) »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc">6</a>. Sa critique cible « les aspects du “deleuzianisme” qui, tout en se dissimulant sous une sorte de “chic” radical, font en réalité de Deleuze un idéologue du “capitalisme numérique” d’aujourd’hui »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a>. Il s’agit donc de préserver l’esprit de la philosophie deleuzienne contre les dérives réactionnaires et/ou néolibérales. La critique par la philosophie pratique à l’égard des philosophies théoriques accompagnant le capitalisme semble extensible à un mouvement plus vaste de “(post)modernisation” dont le néologisme de « post-vérité » fut l’un des récents symptômes. Selon l’idéologie néolibérale, chacun est sommé de devenir le concurrent de l'autre. Pas d'ami dans les affaires, c'est connu depuis au moins Smith. Chacun est l’ennemi de l’autre, et dans les grandes tours de verre, la solitude n'a d’égal que l'isolement des prisonniers que les lois de ce système incarcèrent ensemble. Derrière les apparences du changement, ces modes ne font que répéter la même chose. Car cette manière de quitter l’esprit critique n’est-elle pas, demande Žižek, « encore plus vrai[e] de ceux qui, aujourd’hui, essaient désespérément de rattraper le nouveau en suivant la dernière mode du “post”, et qui sont ainsi condamnés à rester pour toujours dix-huit ans en retard sur le nouveau véritable ? »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc">8</a>   Mais pour Deleuze, le virtuel, c’est la part de l’événement qui reste encore potentielle, excédant l’historicité : lorsque le Réel entre par effraction dans l’histoire, provoquant dans les consciences réveillées un effet de vérité. C’est lorsqu’un sentiment de l’Histoire surgit dans le cours de la réalité sociale : ce qui fait que toute répétition n’est pas une reproduction de l’identique, mais la possibilité que quelque chose de nouveau advienne dans la répétition de l’ancien. Ainsi la ligne de fuite n’est pas une fuite dans le renoncement, mais « une déterritorialisation. […] aussi bien faire fuir, pas forcément les autres, mais faire fuir quelque chose, faire fuir un système comme on crève un tuyau »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc">9</a> : elle est l’ouverture d’une possibilité nouvelle dans l’ordre vicié des choses. Elle est donc l’opposé de la fuite qui caractérise l’homo economicus, sa lâcheté structurelle : il ne s’agit pas de fuir par peur ou cupidité, comme dans la « fuite des capitaux » ; c’est le système capitaliste qu’il s’agit à la fois de fuir et de faire fuir. La fuite du capitalisme, c’est sa dissolution en cours.   Or, le capitalisme, pour des raisons financières, se déterritorialise, il « délocalise », et en conséquence, en changeant de lieu (locus<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a>) les personnes qui travaillaient sur ces lieux, celles-ci perdent leur emploi. Ou bien, dans une forme imaginaire de la « déterrestration » inspirée par la « fable postmoderne »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc">11</a>, le capitalisme revendique une forme d’intelligence issue de l’évolution humaine s’apprêtant à quitter la planète Terre. Pourtant, chacun admet maintenant que dans un laps de temps restreint la vie sur Terre est menacée, étant donné qu’en quarante ans, les humains, “au moyen” de l’industrialisation, y ont déjà détruit plus de la moitié des espèces vertébrées<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc">12</a>. Face à ce désastre, c’est donc au contraire à une reterrestration que l’on pourrait s’activer : la défense et la protection de notre planète. D’un point de vue cosmo-écologique, l’idée de reterritorialiser est aussi importante que celle de déterritorialiser. Le devenir des êtres vivants ne doit pas les priver d’un sol stable sur lequel un avenir meilleur puisse se bâtir. Autrement dit : d’un point de vue psychologique la ligne de fuite implique justement de rester sur terre et de ne pas se fuir soi-même, d’apprendre à affronter ses propres démons, et même à les transformer en force créatrice. Elle nécessite une déconstruction des stéréotypes, consistant parfois à faire « machine arrière » vers la part inconsciente, intuitive en soi. Elle est non seulement une défensive, mais une offensive des désirs : elle doit en permanence déranger la « normopathie »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc">13</a> du système pour rendre au monde la joie dionysiaque selon laquelle les rêves ne sont pas des utopies irréalisables, mais le Réel en irruption, en cours de création. La machine de guerre anticapitaliste se définit par « une certaine manière d’occuper, de remplir l’espace-temps, ou d’inventer de nouveaux espaces-temps »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc">14</a>. Au contraire, comme l’observait l’Anti-&OElig;dipe<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc">15</a>, le langage bureaucratique définit le territoire sur le mode de l’avoir (l’administration, le foncier, le lieu de résidence…), en détruisant son sens initial. La territorialité bureaucratique est la mise en &oelig;uvre d’une déterritorialisation sauvage des modes de vie communautaires naturels (« primitifs »), c’est-à-dire choisis par les individus eux-mêmes. En les nomadisant elle les prive de leur joie d’habiter ensemble, délibérément, un espace-temps terrestre et cosmique. Ce processus linéaire dévasta les Indiens d’Amérique de la même façon qu’aujourd’hui la vie d’une infirmière à l’hôpital, d’un ouvrier à l’usine, d’un cheminot de la SNCF, d’un enseignant de lycée ou d’université… Dans ce contexte, la ligne de fuite anticapitaliste devient une ligne de lutte anti-expansionniste, qui consiste à percer la bulle financière qui asphyxie tout ce qui vit sur Terre. Ce qui semble nouveau par rapport à la période où Deleuze écrivait dans l’après-coup de Mai 68 et après le tournant néolibéral des années 1980, c’est peut-être désormais une conscience nouvelle de vivre et de lutter ensemble. Celle-ci semble voir le jour, petit à petit, dans les révoltes qui se soulèvent ici et là : une vague vient de passer quelque part, réprimée par la force policière, mais la prochaine, imprévisible en temps et en lieu, sera encore plus forte.   III. Les camps de travail et le langage secret de la résistance   <a name="CITEREFAG1"></a> Le développement ultérieur de la pensée de Guattari, dans ses derniers écrits autour de l’écosophie, nous invite à penser avec les écrivains : « les meilleures cartographies de la psyché ou, si l’on veut, les meilleures psychanalyses n’ont-elles pas été le fait de Goethe, Proust, Joyce, Artaud et Becket, plutôt que de Freud, Jung et Lacan ? »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc">16</a> Évidemment, cette liste d’auteurs n’est pas fermée, et rien ne nous empêche d’y ajouter Varlam Chalamov (1907-1982)<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc">17</a>. Dans son &oelig;uvre poétique et prosaïque, l’auteur des fameux Récits de la Kolyma revient à son expérience vécue dans les camps de travail au nord-est de la Sibérie. Étant très loin des tentatives de Soljénitsyne qui s’est fait le porte-parole des victimes politiques du régime stalinien dans l’essai d'investigation littéraire<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc">18</a> grâce auquel il obtenait le Prix Nobel, Chalamov forge cette formule : « pas la prose des documents, mais la prose éprouvée comme document »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc">19</a>. Selon celle-ci, une véritable &oelig;uvre littéraire sur les camps ne peut et ne doit prendre sa source que dans le vécu. Cela ne veut pas dire qu’il soit impossible d’en tirer des informations empiriques ; au contraire, son authenticité fait de l’auteur un témoin important, même pour les historiens. Mais ce qui est au c&oelig;ur de la narration c’est la sensation, la mémoire, l’expérience vécue, y compris les descriptions tant de la réalité extérieure que de la vie intérieure et de leurs rapports mutuels. Chalamov ne prétendait pas à un travail d’historien et, lui-même, craignait qu’on le comprenne mal. Dans une lettre à Irina Sirotinskaïa, il souligne avec insistance : « je suis le chroniqueur de mon âme. Rien de plus »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc">20</a>. Est-ce seulement la modestie que Chalamov veut exprimer, ou bien s’agit-il d’orienter la lecture de son &oelig;uvre ? Il faut tout d’abord y voir l’expérience singulière d’une seule âme qui raconte son histoire personnelle : lire les Récits de la manière où on lit la chronique d’une vie qui échappe à toute généralisation. <a name="__DdeLink__1827_990107233"></a> Il s’agit d’un « voyage » de Moscou à Magadan, puis des dix-sept années environ, passées dans la région du fleuve Kolyma, au Nord-Est de la Russie, et enfin du retour à la capitale. Le personnage qui raconte son histoire est l’auteur même, alors jeune journaliste, écrivain et poète débutant, condamné à « cinq ans de travaux durs » après une accusation d’activité trotskiste dite contre-révolutionnaire. La ligne du sujet s’éteint sur la trajectoire dans l’enfer des camps, avec leurs conditions intolérables – un froid extrême, des maladies constantes, des coups physiques violents et inévitables, un labeur forcé et meurtrier, jusqu’à l’hôpital où Chalamov avait travaillé comme aide-médecin. Grâce à l’hôpital, un nouveau commencement a été possible : la résurrection d’un « crevard » aliéné, le retour à la créativité d’un poète exclu et le réveil d’un révolutionnaire initialement condamné. Les poèmes acceptés et publiés officiellement à l’époque ont proclamé Chalamov « paysagiste », « poète du Nord », sans reconnaître un poète engagé dans le drame de la vie où la nature ne sert pas de fond silencieux mais est un complexe de forces actives, parfois mortifères, parfois vitales. Dans la prose aussi, au-delà des descriptions extérieures – soit de la nature, soit des camps ; il y a une chronique de l’âme perdue dans une sorte de labyrinthe des neiges –, l’homme courbe la voie de sa vie dans des circonstances toujours limitées. Cette distance de presque dix-sept ans passés dans la Kolyma s’éteint sur une ligne polygonale avec ses passages monotones et ses tournants violents, ses impasses et ses ruptures brusques.   Notre hypothèse : au c&oelig;ur de l’&oelig;uvre littéraire de Chalamov il y a une question implicite : comment la résurrection du poète a-t-elle été possible ? Et encore, on pourrait lire cette chronique de l’âme non seulement comme un devenir du poète mais aussi comme une sorte de recherche de ce miraculeux passage : comment a-t-elle été possible, l’ascension depuis les tréfonds d’un mort-vivant jusqu’à l’altitude de l’inspiration poétique ? Et quels sont les liens entre l’environnement et les forces créatives et vitales intérieures ? Or, Chalamov n’est pas simplement un témoin, au sens juridique ou historique. Il se présente plutôt comme un poète qui mène non pas une investigation, mais une sorte de recherche, à la manière de Proust. Comme pour lui, les milieux et les déplacements qui investissent la vie spirituelle y sont de grande importance, et sentiment, souvenir et milieu s’unissent en se renvoyant l’un à l’autre. Ce qui se passe dans les camps n’a pas lieu dans un espace quelconque, vide ou abstrait. Lorsque le narrateur évoque des événements décisifs, la narration prend la forme d’une recherche topo-logique – une description des milieux clos, des territoires limités, mais aussi des lignes de fuite. La lecture nous conduit d’un endroit à l’autre, où le narrateur nous fait voir dans quelle mesure l’existence dépend du milieu : abattre les arbres ou faire un travail « léger », geler en plein air ou se réchauffer dans une baraque, guérir à l’hôpital ou crever sur un chantier. Mais avant la mort, qu’y a-t-il dans ce monde clos, coupé de la civilisation et des humains qui se trouvent « quelque part là, dans un monde autre et réel »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote21sym" name="sdfootnote21anc">21</a> ? On se heurte à un parallèle très étrange entre le milieu fermé des camps et la vie biologique et spirituelle appauvrie de leurs habitants : l’aggravation de cette fermeture provoque l’accélération de la dégradation corporelle, psychique et morale. L’être humain est réduit aux instincts vitaux, son langage est restreint à quelques mots fonctionnels, sa mémoire est tellement effacée qu’une personne n’est plus capable d’évoquer le nom de sa femme et qu’un mot, « сентенция » (sententia), remonté des profondeurs du cerveau, reste incompréhensible. Dohodiaga – « mort-vivant », « moribond », « crevard », c’est l’habitant ordinaire des baraques et des hôpitaux où il peut se reposer du travail épuisant, s’échapper de la violence corporelle, fuir le froid extrême. La nature semble être la complice de ce système meurtrier, elle participe au processus de production des mort-vivants. Mais paradoxalement, au bout de la vie, le narrateur découvre une vérité profonde : « L’homme vit par la force des mêmes principes qui font que vivent un arbre, une pierre, un chien »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote22sym" name="sdfootnote22anc">22</a> . Cette intuition forte renverse tout le système et ouvre à cette source secrète de la vie qui coule dans tout l’univers, unit le monde matériel, organique et inorganique, poussant le vivant à la vie au-delà de sa volonté, même parfois contre lui. En effet, comme dans le récit Сентенция (« Maxime ») où, avec peur et joie confondues, le dohodiaga découvre que la vie lui revient sans qu’il le veuille, la « résurrection » n’est pas consciente ou volontaire. Chalamov décrit soigneusement ce mouvement étrange et miraculeux : un peu plus de pain, un peu plus de chaleur et le moribond qui ne sent que la colère et la rage<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote23sym" name="sdfootnote23anc">23</a> comme sentiments originels de l’existence, commence à ressentir l’indifférence, puis celle-ci est remplacée par la peur et l’envie – les « signes du retour à la vie »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote24sym" name="sdfootnote24anc">24</a>. À la fin de ce « progrès » sentimental, il commence à éprouver de la sympathie envers les animaux, ce qui lui fait dire : « j’ai compris : quelque chose important m’est revenu ». Dans cette étape, lui revient le mot « сентенция », qui lui confère une béatitude indicible et complète, tout en restant incompréhensible. Tout à coup, son psychisme souffrant semble renaître. Cependant, il a fallu une semaine pour que le sens du mot revienne. Le narrateur ne l’explique pas mais ce mot renvoie à son enfance. En langue française, ce mot désigne selon le sens courant du mot russe la « maxime » ou l’« aphorisme » (la traductrice suit cette traduction), mais on pourrait le traduire selon sa signification archaïque : « verdict », « jugement » ou « sentence ». N’est-ce pas la nature qui a « jugé » qu’il devait rester vivant ? Ce « jugement » qui vient de la vie même, ou plutôt, d’une vie au sens où Deleuze parlait de l’immanence : « le plan d’immanence donne aux événements virtuels une pleine réalité »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote25sym" name="sdfootnote25anc">25</a>. Le passé conservé, avec ses événements et singularités, n’est pas détruit mais reste transcendant à cet état des choses et aux camps. Non seulement le retour des sentiments témoigne avec vigueur de la vie organique, mais aussi du fait que le langage et la culture retrouvent leur nécessité en faisant « fuir la conscience », en la déterritorialisant de l’espace clos et la reterritorialisant dans l’Ouvert. La résurrection du poète s’accomplit dans un endroit miraculeux présenté dans « Le sentier », qui ouvre la cinquième (avant-dernière) partie des Récits. Il s’agit d’un petit chemin dans les bois où Chalamov marchait souvent vers la cabane où il avait habité pendant trois ans et commencé à écrire ses poèmes. Il avait tracé ce sentier lui-même afin de ramener du bois pour le poêle, et cet endroit s’était transformé en une sorte de « cabinet », d’où il observait attentivement la nature, les traces des animaux, les plantes. Il se souvint alors comment il regrettait de devoir fouler les fleurs. C’était un sentier secret. Personne n’y avait marché. Là, il avait découvert un effet étonnant : chaque fois, en marchant sur ce sentier, la nature lui évoquait des poèmes, les siens ou d’autres, où lui faisait composer de nouveaux vers. Beaucoup de ces poèmes furent regroupés dans les recueils des Cahiers de la Kolyma. Mais un jour, il trouva les traces d’un homme qui était aussi passé par là et depuis lors, le chemin ensorcelé se tut. Chalamov ne se plonge dans la profondeur de sa mémoire que pour retrouver la voie de sa libération et de son sauvetage. Et cette voie est difficilement séparable de l’environnement qui non seulement donnait lieu à un combat contre la mort mais qui avait fait apparaître toute la grandeur de la vie. Il n’a pas cessé de répéter que les poèmes l’ont sauvé. C’est donc une forme de langage secret de la résistance. Et il a eu besoin d’un lieu où et avec qui il a pu créer. C’est comme un no man’s land, mais pour Nina Berberova ce « lieu » est plutôt intérieur, plutôt le temps qu’on consacre à soi et au partage avec autrui<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote26sym" name="sdfootnote26anc">26</a>. Pour Chalamov, il s’agit non seulement du temps libre, mais aussi du territoire existentiel, comme dira Guattari, et du rapport intime qui fait communiquer le poète et le monde.   III. Le corps social en lutte : zones à défendre, protection et ouverture   Selon l’Anti-&OElig;dipe, « le décodage des flux, la déterritorialisation du socius forment […] la tendance la plus essentielle du capitalisme. Il ne cesse de s'approcher de sa limite, qui est une limite proprement schizophrénique »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote27sym" name="sdfootnote27anc">27</a>. Le socius définit l’organisation sociale des désirs. Le capitalisme déterritorialise l’organisation choisie par les machines désirantes. De même que le virtuel se distingue de la réalité virtuelle (informatique), les machines désirantes ne sont pas des machines au sens instrumental du terme (un assemblage continu de plusieurs organes). Elles sont un « système de coupures »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote28sym" name="sdfootnote28anc">28</a> constitué du corps sans organe, c’est-à-dire du devenir libre des désirs révolutionnaires qui forme le corps social des mouvements de lutte. Le corps sans organe désigne une intensité affective et vitale et est la « forme la plus primitive de la vie »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote29sym" name="sdfootnote29anc">29</a>. Mais le capitalisme est une autre machine, une machination techno-économique qui se développe à l’encontre de la machine désirante primitive, détruisant ou réorientant les flux des désirs naturels. Corollairement avec ce que le marxisme appelait la « tendance contrariée » (le « double mouvement de la baisse tendancielle du taux de profit et de l'accroissement de la masse absolue de plus-values »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote30sym" name="sdfootnote30anc">30</a>), le capitalisme, selon Deleuze et Guattari, est constitué du « double mouvement du décodage ou de la déterritorialisation des flux, et de leur re-territorialisation violente et factice. Plus la machine capitaliste déterritorialise, décodant et axiomatisant les flux pour en extraire la plus-value, plus ses appareils annexes, bureaucratiques et policiers, re-territorialisent à tour de bras tout en absorbant une part croissante de plus-values »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote31sym" name="sdfootnote31anc">31</a>. Le capitalisme est une organisation artificielle, violente et répressive, de domination par la logique du marché et de l’échange monétaire, et dont la bureaucratie est une machine à broyer les désirs. D’où son aspect formatif : déformer les désirs spontanés pour les reformer en direction de l’appareil productif (le « Travail ») et en extraire l’énergie pour accroître la puissance de la minorité aux commandes. De plus, sous sa forme contemporaine, le capitalisme néolibéral a récupéré certains « idéaux » de Mai 68. La version post-soixante-huitarde du néolibéralisme pourrait s’énoncer ainsi : « jouir sans entrave dans la griserie de la puissance. » Cet énoncé exprime la fuite hors de la réalité sociale et la façon de se disperser (être sans cesse connecté avec ceci, ou cela,…) qui caractérise le consumérisme : une atomisation de la subjectivité, une stultitia pour tuer le temps. C’est peut-être justement le virtuel, les potentiels imprévisibles qui peuvent émerger à chaque instant en soi et autour de soi, dans le présent vivant, qui fait peur aux êtres programmés. Un virtuel vient neutraliser l’autre, l’instrument asphyxie le vivant. Le corps est éclaté, éparpillé, désorganisé au profit de cette manière d’être désengagé du monde et mobilisé par les affaires du système. C’est pourquoi le capitalisme se nourrit de l’idée de l’absence de frontières et de l’ouverture permanente : les « formes ultra-rapides de contrôle à l’air libre […] remplacent les vieilles disciplines opérant dans la durée d’un système clos »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote32sym" name="sdfootnote32anc">32</a>. L’espace ouvert devient la possibilité de coloniser l’espace pour implanter les lois monétaires. L’analyse des injonctions paradoxales montre qu’il existe dans les relations humaines des contextes de cercles vicieux, de boucles closes dans lesquelles on réussit à enfermer quelqu’un, inconsciemment ou consciemment<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote33sym" name="sdfootnote33anc">33</a>. On peut ainsi observer la manière dont on traite les désirs dans les sociétés néolibérales : plutôt que d’aider les personnes à écouter et accomplir leurs propres désirs, on réoriente ceux-ci vers l’objet de consommation<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote34sym" name="sdfootnote34anc">34</a>. L’injonction « soyez heureux, consommez » relève de ce paradoxe destructeur. Le positivisme managérial ne vise pas à autre chose qu’à nier l’affirmation des désirs, et leur potentiel de contestation radicale. Si bien que la rationalité consumériste est une des pires formes actuelles de négativisme<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote35sym" name="sdfootnote35anc">35</a>. Sur le plan des luttes sociales, ce système d’étranglement par la force policière constitue les « nasses-médias ». Les nasses sont une façon de bloquer et fermer pour étouffer et détruire : créer un débordement, puis le neutraliser. Comme le montre Olivier Long, un tournant dans les stratégies de sortie d’encerclement fut initié par le « grand débordement du cortège de tête » des luttes de 2016, concordant avec la renaissance d’un esprit dionysiaque de la lutte, après la longue période dépressive des années précédentes (2007-2014), malgré les combats sans trêve des résistants. Cette éclaircie apparut en France avec Nuit Debout et la lutte contre la « Loi Travail »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote36sym" name="sdfootnote36anc">36</a>. Long rappelle comment un processus s’intensifie depuis ces dix dernières années (2008-2018), de casse sociale reposant sur l’idéologie du « capital humain »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote37sym" name="sdfootnote37anc">37</a>. Depuis la logique de l’« excellence » de la loi LRU<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote38sym" name="sdfootnote38anc">38</a> (2008-2009), une « machine à dévaloriser tout le monde » s’attaqua aux enseignants, et aux étudiants à travers la sélection de « Parcoursup » (2018). Les enjeux y sont manifestes : ils prétendent « rééduquer l'éducation elle-même »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote39sym" name="sdfootnote39anc">39</a>. Affichant un mépris sans borne, ils renforcent la ségrégation de l’élitisme et de la méritocratie au moyen d’une violence policière et langagière inouïes. Le mouvement des Gilets Jaunes peut être perçu comme une sorte d’élargissement populaire de cette prise de conscience de la lutte sociale, contre lequel le pouvoir politique se heurtera irrémédiablement. On peut retrouver dans ce mouvement une insurrection contre la « majorité », le « modèle auquel il faut être conforme » de « l’Européen moyen adulte mâle habitant des villes »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote40sym" name="sdfootnote40anc">40</a>, le cadre bureaucrate et dévitalisé, le « mort-vivant » (Mamardachvili). C’est la raison pour laquelle les Zones à Défendre veulent protéger, bloquer voire refermer plutôt qu’ouvrir au capitalisme et laisser entrer ses flux d’exploitation sauvage. Il y a dans les ZAD un désir de revenir à la terre, non pas d’une manière nationaliste (comme ce fut par exemple le cas en philosophie avec l’ontologisme heideggerien des années 1930, dans le fantasme d’un retour à « la source d’une pureté de l’être »). Les zones à défendre sont plutôt des mouvements d’autonomie contre les tentatives de résurgence de formes néo-fascistes de la politique. Plus encore, comme le souligne Serge Quadruppani, les ZAD rendent envisageable la libération de l’activité humaine du Travail, pour organiser la production alternative des biens en maintenant une relative autosuffisance<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote41sym" name="sdfootnote41anc">41</a> : le corps social de la lutte, le corps désirant, s’auto-construit en prenant en charge son avenir, plutôt qu’en le laissant aux mains irresponsables de capitalistes obnubilés par les gains. On pourrait ainsi parler de nouvelles politiques de luttes progressistes, au sens fort du terme. Nous sommes sans doute déjà entrés dans une époque nouvelle, qui fait que le leitmotiv de l’extrême-droite (travail, famille, patrie…) ne marche plus parce que le mouvement social mondial est déjà passé au-delà. Un signe de cette nouvelle configuration serait l’extension de la Zone à Défendre à des formes de combats qui ne se revendiquent ni de l’extrême-droite ni du gauchisme habituel, et qui sont plus radicales. C’est donc en tant que lutte active que la ligne de fuite opère : comme une déterritorialisation hors d’atteinte des puissances dominatrices, mais « pour retrouver la terre »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote42sym" name="sdfootnote42anc">42</a>, pour la préserver. Plus la répression, par peur des soulèvements, frappe, plus elle accroît la capacité de résistance de cet organisme vivant dont la propagation est insaisissable, multiforme, imprévisible et hétéromorphe<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote43sym" name="sdfootnote43anc">43</a>. Les organismes, les sociétés, les familles, les couples ou groupes que l’on crée, ont toujours besoin de protection, c’est indispensable à la vie. On peut, on doit protéger la vie, mais tout en restant ouvert aux formes de vie sociale étrangères aux groupes déjà formés : d’un côté protéger l’organisme des flux de dévastation capitaliste, de l’autre le laisser perméable aux rencontres extérieures, aux mélanges et aux métissages imprévus. C’est sans doute une des positions fondamentales des zones de révoltes actuelles : bloquer la finance, accroître l’humanité.   IV. Les devenirs planétaires de la révolte   Lors du Festival de Cannes 2018, les cinéastes soutinrent la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, car « elle n’est rien d’autre que le récit nouveau d’une expérience commune. […] Défendre la ZAD lorsque l'on fait du cinéma, c'est défendre une idée de l'expérimentation, c'est défendre un lieu réel qui lutte pour construire des imaginaires, d'autres imaginaires, pour dessiller le regard et supprimer l'agonie »<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote44sym" name="sdfootnote44anc">44</a> . En effet, les possibles à inventer sont infinis contre l’état morbide des puissances économiques. Mais plutôt que de la diffusion d’un concept théorique de ZAD, ne s’agit-il pas d’une prise de conscience générale (mondiale) ? Il semble s’être mis en route un mélange complexe formé par le désir d’émancipation de l’humanité, de protection de la planète, la volonté d’une démocratie réelle et naturellement constituée, la construction de nouvelles formes de municipalités ayant dépassé les clivages politiciens, et dont la convergence, à l’ère numérique, se dirige vers de nouvelles formes de communautés sociales et populaires, intellectuelles autant que manuelles, nées des philosophies vécues et échangées dans l’intensité des rencontres. Dans telle petite ville du Jura<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote45sym" name="sdfootnote45anc">45</a>, un groupe lutte pour empêcher l’implantation forcée d’un Center park,… pendant ce temps à Iekaterinbourg dans l’Oural les habitants occupent l’espace vert du centre ville pour entraver l’érection d’une cathédrale<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote46sym" name="sdfootnote46anc">46</a>, etc. Ici et là les zones à défendre fleurissent et progressent au point de devenir-invisible : fondant avec le tout de la planète. Car c’est la Terre qui est en train de se défendre et de se reterritorialiser, une sorte de conscience planétaire active sécrète ses propres forces immunitaires, contre les puissances de destruction financière.   Varlam Chalamov avait trouvé un sentier pour s’échapper virtuellement du camp de travail. Les ZAD créent des espaces pour sortir d’un monde où l’on ne fabrique que des murs, et créer un monde plus habitable. Chalamov a créé dans ce monde un autre monde, distingué du monde fermé. On commence par ouvrir une faille, ce que l’on crée est une manière de fendre les mailles du système, pour venir à bout de l’ordre aliénant des choses – jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que des meilleurs mondes possibles. Comme dans le film Les inconnus de la Terre<a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote47sym" name="sdfootnote47anc">47</a>, ce n’est ni le collectif pour le collectif (la disparition de la liberté individuelle), ni l’individu pour l’individu (la disparition de l’entraide et de la solidarité), mais « le collectif pour l’individu », car jamais un groupe ne doit pouvoir laisser un être isolé dans la souffrance et démuni. Telle est notre manière de vivre, pour rejoindre une vraie urgence : celle à aimer et à lutter ensemble, maintenant. BIBLIOGRAPHIE   ANZIEU D., Créer Détruire, Paris, Dunod, 1996. BERBEROVA N., Le Roseau révolté, trad. L. Jurgenson, Arles, Actes Sud, 1994. 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[En ligne], <a class="western" href="https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/alain-deneault-euthanasier-le-capitalisme">https://la-bas.org/la-bas-magazine/entretiens/alain-deneault-euthanasier-le-capitalisme</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote4"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> BEY A., Temporary Autonomous Zone (1991), Paris, Éditions de l’Éclat, 1997. [En ligne], <a class="western" href="http://www.lyber-eclat.net/lyber/taz.html">http://www.lyber-eclat.net/lyber/taz.html</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote5"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a> DELEUZE G. et GUATTARI F., Capitalisme et schizophrénie. L’Anti-&OElig;dipe, Paris, Les Éditions de Minuit, « Critique », 1972, p. 134. </div> <div id="sdfootnote6"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a> ŽIŽEK S., Organes sans corps : Deleuze et conséquences, tr. fr. C. Jaquet, Paris, Éditions Amsterdam, 2008, p. 35. </div> <div id="sdfootnote7"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a> Ibid., p. 12. </div> <div id="sdfootnote8"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a> Ibid., p. 27. </div> <div id="sdfootnote9"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a> Cf. DELEUZE G., Dialogues avec Claire Parnet, Paris, Flammarion,1977, p. 47. </div> <div id="sdfootnote10"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a> D’où, en latin, le stultus : celui qui ne peut pas se fixer à un lieu (stel, en indo-européen), le « délocalisé ». </div> <div id="sdfootnote11"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a> LYOTARD J.-F., Moralités postmodernes, Paris, Galilée, « Débats », 1993. </div> <div id="sdfootnote12"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a> On ne compte plus le nombre d’études qui tirent à ce sujet la sonnette d’alarme. Cf. par exemple GARRIC A., « Plus de la moitié des vertébrés ont disparu en quarante ans », in Le Monde, 27 octobre 2016. [En ligne], <a class="western" href="https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/10/27/la-moitie-des-vertebres-a-disparu-en-quarante-ans_5020936_1652692.html">https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2016/10/27/la-moitie-des-vertebres-a-disparu-en-quarante-ans_5020936_1652692.html</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote13"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a> « La normopathie est une maladie liée à la bureaucratisation de l'époque contemporaine, elle devient un vrai problème quand elle s'impose comme principe des échanges entre travailleurs intellectuels. [...] La normopathie stérilise le libre esprit de même que la création de nouvelles connaissances, elle est la pathologie endémique des sociétés de contrôle » (LONG O., Pavés graphiques. Dix ans de luttes en France, Paris, Exils Éditeur, « Essai », 2018, p. 30). </div> <div id="sdfootnote14"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a> DELEUZE G., Pourparlers. 1972-1990 , Paris, Les Éditions de Minuit, 1990, p. 233. </div> <div id="sdfootnote15"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a> DELEUZE G. et GUATTARI F., Capitalisme et schizophrénie. L’Anti-&OElig;dipe, Op. Cit., p. 170-171. </div> <div id="sdfootnote16"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a> GUATTARI F., Les Trois Écologies, Paris, Galilée, 1989, p. 25. </div> <div id="sdfootnote17"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a> BERUTTI M., Varlam Chalamov : chroniqueur du Goulag et poète de la Kolyma, Paris, BoD, 2013. [En ligne], <a class="western" href="https://issuu.com/chalamov/docs">https://issuu.com/chalamov/docs</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote18"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a> SOLJÉNITSYNE A., L'Archipel du Goulag 1918-1956 : essai d'investigation littéraire, en 2 vol., Paris, Fayard,&lrm; 1973. </div> <div id="sdfootnote19"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a> En russe : « Не проза документов, а проза выстраданная как документ ». Cette maxime est tirée d’un texte posthume sans titre qu’on a appelé Sur la « nouvelle prose », de 1965. Dans ce manifeste Chalamov explique son programme éthique et esthétique en faisant référence à ses prédécesseurs, Melville et Saint-Exupéry. On trouve des réflexions semblables déjà dans le récit La cravate de 1960, puis, dans Le gant de 1972. </div> <div id="sdfootnote20"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a> CHALAMOV V., &OElig;uvres en 6 volumes, Tome VI, Moscou, Knigovek, 2013, p. 495, [en russe]. </div> <div id="sdfootnote21"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote21anc" name="sdfootnote21sym">21</a> CHALAMOV V., « Débarcadère de l’enfer », in Récits de la Kolyma, nouvelle édition, tr. du russe S. Benech, L. Jurgenson et C. Fournier, préf. de L. Jurgenson, postf. de M. Heller, Paris, Éditions Verdier, 2003, p. 1003 [notre traduction]. </div> <div id="sdfootnote22"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote22anc" name="sdfootnote22sym">22</a> CHALAMOV V., « La quarantaine », in Récits de la Kolyma, 13 récits, tr. fr. S. Benech, L. Jurgenson et C. Fournier, préf. L. Jurgenson, Paris, Éditions Verdier, « Verdier/poche », 2013 (2008), p. 51. </div> <div id="sdfootnote23"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote23anc" name="sdfootnote23sym">23</a> Cf. Ibid., p. 88. </div> <div id="sdfootnote24"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote24anc" name="sdfootnote24sym">24</a> Ibid., p. 89 [notre traduction]. </div> <div id="sdfootnote25"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote25anc" name="sdfootnote25sym">25</a> DELEUZE G., « L’immanence : une vie... », in Deux régimes de fous. Textes et entretiens 1975-1995, Paris, Les Éditions de Minuit, « Paradoxe », 2003, p. 363. </div> <div id="sdfootnote26"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote26anc" name="sdfootnote26sym">26</a> BERBEROVA N., Le Roseau révolté, trad. L. Jurgenson, Arles, Actes Sud, 1994. </div> <div id="sdfootnote27"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote27anc" name="sdfootnote27sym">27</a> DELEUZE G. et GUATTARI F., Capitalisme et schizophrénie. L’Anti-&OElig;dipe, Op. Cit., p. 41. </div> <div id="sdfootnote28"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote28anc" name="sdfootnote28sym">28</a> Ibid., p. 43. </div> <div id="sdfootnote29"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote29anc" name="sdfootnote29sym">29</a> Ibid., p. 100. </div> <div id="sdfootnote30"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote30anc" name="sdfootnote30sym">30</a> MARX K., Le capital III, « § 3 : Loi tendancielle de la baisse du taux de profit », publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec, 1865. [En ligne], <a class="western" href="https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_14.htm">https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-III/kmcap3_14.htm</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote31"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote31anc" name="sdfootnote31sym">31</a> DELEUZE G. et GUATTARI F., Capitalisme et schizophrénie. L’Anti-&OElig;dipe, op. cit., p. 42. </div> <div id="sdfootnote32"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote32anc" name="sdfootnote32sym">32</a> Cf. DELEUZE G., Pourparlers. 1972-1990, Op. Cit., p. 241. </div> <div id="sdfootnote33"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote33anc" name="sdfootnote33sym">33</a> Cf. chap. « Le transfert paradoxal. De la communication paradoxale à la réaction thérapeutique négative » in ANZIEU D., Créer Détruire, Paris, Dunod, 1996. </div> <div id="sdfootnote34"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote34anc" name="sdfootnote34sym">34</a> Cf. CORVI, C. C., La dépression, affect central de la modernité, préf. M.-H. Brousse, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010. </div> <div id="sdfootnote35"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote35anc" name="sdfootnote35sym">35</a> Cf. Cash investigation, la « stratégie de l’enchantement » décrite par un patron de Lidl : « Soyez heureux ! Si les salariés sont heureux, les clients seront heureux ! » (1 : 22) ; « Transmettre des ondes positives ! Il n’y a pas que le conflit, le contrat ça peut marcher !. » (1 : 24), etc. Facile à dire lorsque l’on gagne sa vie en exploitant celle des autres. </div> <div id="sdfootnote36"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote36anc" name="sdfootnote36sym">36</a> LONG O., Pavés graphiques. Dix ans de luttes en France, Op. Cit., p. 23. </div> <div id="sdfootnote37"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote37anc" name="sdfootnote37sym">37</a> Ibid., p. 20. </div> <div id="sdfootnote38"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote38anc" name="sdfootnote38sym">38</a> La Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (2007), à l’origine de la destruction universitaire en France. </div> <div id="sdfootnote39"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote39anc" name="sdfootnote39sym">39</a> Ibid., p. 24. Cf. MAILLARD P., « Sélection à l’université : la catastrophe qui vient », in Mediapart, 13 décembre 2017. [En ligne], <a class="western" href="https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/131217/selection-l-universite-la-catastrophe-qui-vient">https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/131217/selection-l-universite-la-catastrophe-qui-vient</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote40"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote40anc" name="sdfootnote40sym">40</a> DELEUZE G., Pourparlers. 1972-1990, Op. Cit., p. 235. </div> <div id="sdfootnote41"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote41anc" name="sdfootnote41sym">41</a> QUADRUPPANI S., « Pour les ZAD, contre l’état de droit, contre le travail », in lundimatin, n° 130, 26 janvier 2018. [En ligne], <a class="western" href="https://lundi.am/Pour-les-Zad-contre-l-Etat-de-droit-contre-le-travail">https://lundi.am/Pour-les-Zad-contre-l-Etat-de-droit-contre-le-travail</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote42"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote42anc" name="sdfootnote42sym">42</a> DELEUZE G. et GUATTARI F., Capitalisme et schizophrénie. . L’Anti-&OElig;dipe, op. cit., p. 43. </div> <div id="sdfootnote43"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote43anc" name="sdfootnote43sym">43</a> Ibid., p. 42. </div> <div id="sdfootnote44"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote44anc" name="sdfootnote44sym">44</a> Culturebox, « Une tribune de grands cinéastes pour soutenir la ZAD de Notre-Dame-des-Landes », in FranceTVInfo, 18 mai 2018. [En ligne], <a class="western" href="https://culturebox.francetvinfo.fr/cinema/une-tribune-de-grands-cineastes-pour-soutenir-la-zad-de-notre-dame-des-landes-273429">https://culturebox.francetvinfo.fr/cinema/une-tribune-de-grands-cineastes-pour-soutenir-la-zad-de-notre-dame-des-landes-273429</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote45"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote45anc" name="sdfootnote45sym">45</a> Cf. L’Assemblée d’opposant-e-s à Center Parcs, « Journée de résistance festive et conviviale contre Center Parcs, dans la forêt de Poligny », in Zad.nadir.org, 8 août 2016. [En ligne], <a class="western" href="https://zad.nadir.org/spip.php?article3957">https://zad.nadir.org/spip.php?article3957</a>, (consultée le 30 octobre 2019). </div> <div id="sdfootnote46"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote46anc" name="sdfootnote46sym">46</a> Cf. par exemple, MOROZOVA A., « La ville des effrayants. Iekaterinbourg a soulevé une vague de protestation contre les églises et les constructions partout en Russie », in 66.ru, 26 juillet 2019. [En ligne], <a class="western" href="https://66.ru/news/society/223518">https://66.ru/news/society/223518</a>, (consultée le 30 octobre 2019), [en russe]. </div> <div id="sdfootnote47"> <a class="sdfootnotesym-western" href="#sdfootnote47anc" name="sdfootnote47sym">47</a> Les inconnus de la Terre, réalis. Mario Ruspoli, prod. Argos Films, 1962. </div>