<p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span arial="" style="font-family:">Par Beno&icirc;t Bohy-Bunel</span></i><span arial="" style="font-family:">, <i>professeur de philosophie et th&eacute;oricien critique.</i></span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Introduction</span></span></span></h2> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">L&rsquo;ouvrage <i>Vivre sans</i> tente de r&eacute;fl&eacute;chir aux conditions de possibilit&eacute; d&#39;une r&eacute;volte, voire d&#39;une r&eacute;volution, qui serait strictement anticapitaliste. Il reproche aux tenants de ce qu&#39;il appelle &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique&nbsp;&raquo; (repr&eacute;sent&eacute;s par G. Deleuze, J. Ranci&egrave;re, A. Badiou, G. Agamben) de d&eacute;nigrer la politique &laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo;, la politique institu&eacute;e du quotidien. Cette antipolitique pourrait d&eacute;boucher sur l&#39;imaginaire du &laquo;&nbsp;vivre sans&nbsp;&raquo; (vivre sans institution, sans &Eacute;tat, sans police, sans argent, etc.). D&#39;abord, &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique de l&#39;intermittence&nbsp;&raquo; (Deleuze, Ranci&egrave;re) aurait le d&eacute;faut de ne consid&eacute;rer comme &laquo;&nbsp;politiques&nbsp;&raquo; que les moments exceptionnels de remise en cause de l&#39;ordre &eacute;tabli. Le moment de la r&eacute;institution serait pens&eacute; comme d&eacute;gradation, et comme non-politique. Dans ce contexte, c&#39;est la pens&eacute;e de la continuit&eacute; du moment r&eacute;volutionnaire qui manquerait, selon Lordon. Ensuite, &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique de la virtuosit&eacute;&nbsp;&raquo; (Badiou, Agamben) aurait le d&eacute;faut de ne s&#39;adresser qu&#39;&agrave; des individus exceptionnels, et serait tendanciellement aristocratique. L&#39;antipolitique, de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rale, afficherait un souci d&#39;&eacute;thicisation de la lutte, qui serait particuli&egrave;rement pr&eacute;sent, &eacute;galement, dans les &eacute;crits du <i>Comit&eacute; invisible</i>. Contre ces deux modes de l&#39;antipolitique, Lordon voudrait r&eacute;affirmer deux principes&nbsp;:</span></span></span></p> <ul type="disc"> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Il ne peut y avoir de collectivit&eacute; sans institution&nbsp;; m&ecirc;me s&#39;il faut destituer les institutions capitalistes (salariat, entreprise, propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e), il faut r&eacute;fl&eacute;chir &eacute;galement aux institutions futures qui les remplaceront. Lordon d&eacute;ploie cette th&egrave;se &agrave; travers une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Spinoza, que nous examinerons plus loin. Cette th&egrave;se souligne les limites de &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique de l&#39;intermittence&nbsp;&raquo;.</span></li> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Parce que le capitalisme est une macrostructure, seules les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; constitu&eacute;es peuvent le renverser. Lordon fait sienne cette sentence de Trotsky&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&#39;histoire de la r&eacute;volution est pour nous, avant tout, le r&eacute;cit d&#39;une irruption violente des masses dans le domaine o&ugrave; se r&egrave;glent leurs propres destin&eacute;es&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[1]</span></a>. Dans ce contexte, &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique des virtuoses&nbsp;&raquo; montre ses limites, puisque les &laquo;&nbsp;gens ordinaires&nbsp;&raquo;, soumis &agrave; la servitude passionnelle, et constituant les masses, ne sauraient acc&eacute;der &agrave; une telle virtuosit&eacute;. C&#39;est aussi dans ce contexte th&eacute;orique que Lordon montrera les limites des exp&eacute;riences comme la ZAD, les cabanes, les squats, les communes libertaires.</span></li> </ul> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">On pourrait donc r&eacute;sumer en trois temps la th&egrave;se d&#39;ensemble de l&#39;ouvrage de Lordon, th&egrave;se qui s&#39;oppose aux tenants de l&#39;antipolitique et du &laquo;&nbsp;vivre sans&nbsp;&raquo;&nbsp;:</span></span></span></p> <ul type="disc"> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Les institutions contemporaines sont un d&eacute;sastre, et il faut les abolir.</span></li> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Mais on ne peut vivre collectivement sans institution, car l&#39;institution constitue par essence le social.</span></li> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">La question n&#39;est donc pas vivre &laquo;&nbsp;avec&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;sans&nbsp;&raquo; institution, la question est plut&ocirc;t&nbsp;: vivre avec <i>quelles</i> institutions&nbsp;?</span></li> </ul> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&Agrave; travers ce prisme, Lordon pose successivement plusieurs questions&nbsp;: quelles sont les limites de l&#39;antipolitique&nbsp;? Peut-on sortir de l&#39;&Eacute;tat&nbsp;? Peut-on sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Nous verrons quelles sont les &eacute;cueils et les enjeux de cette d&eacute;marche lordonienne. Elle a le m&eacute;rite de nous faire r&eacute;fl&eacute;chir, au moins en n&eacute;gatif, sur les modalit&eacute;s et finalit&eacute;s de la lutte sociale et de la r&eacute;volte, voire de la r&eacute;volution.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Mais en guise de pr&eacute;ambule, nous proposons de revenir sur l&#39;ambigu&iuml;t&eacute; apparente de l&#39;id&eacute;ologie lordonienne, qui semble osciller entre r&eacute;formisme et r&eacute;volution, nationalisme et critique globale, anticapitalisme et altercapitalisme<a href="#_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[2]</span></a>. Cette mise au point sera un moyen de cerner plus pr&eacute;cis&eacute;ment les enjeux politiques de son ouvrage <i>Vivre sans</i>.</span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">L&#39;ambigu&iuml;t&eacute; apparente de la position id&eacute;ologique de Lordon</span></span></span></h2> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Il est assez difficile de saisir l&#39;unit&eacute; id&eacute;ologique du geste de Lordon, si l&#39;on consid&egrave;re l&#39;ensemble de son &oelig;uvre et de ses interventions politiques. Son rapprochement avec Fran&ccedil;ois Ruffin, depuis les <i>Nuits debout</i>, le ram&egrave;ne vers des positions protectionnistes, citoyennistes, et tendanciellement nationalistes, et l&#39;&eacute;loigne d&#39;un anticapitalisme cons&eacute;quent, internationaliste, qui remettrait en cause le principe productiviste et marchand. Signataire du &laquo;&nbsp;manifeste des &eacute;conomistes atterr&eacute;s&nbsp;&raquo;, il est susceptible de d&eacute;velopper un anticapitalisme tronqu&eacute;<a href="#_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[3]</span></a>, et une forme de n&eacute;o-keyn&eacute;sianisme larv&eacute;, qui ciblera la sph&egrave;re financi&egrave;re de fa&ccedil;on obsessionnelle, sans remettre forc&eacute;ment en cause l&#39;&eacute;conomie marchande nationale et la forme &eacute;tatico-nationale. Dans son ouvrage <i>Jusqu&#39;&agrave; quand&nbsp;?</i>, Lordon affirme que la finance n&#39;est acceptable &laquo;&nbsp;qu&#39;&agrave; concurrence des services qu&#39;elle rend effectivement &agrave; l&#39;&eacute;conomie productive &raquo;<a href="#_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[4]</span></a>. L&#39;id&eacute;e d&#39;une &laquo;&nbsp;&eacute;conomie productive&nbsp;&raquo; (nationale) est donc une id&eacute;e &agrave; d&eacute;fendre selon lui, et non une dynamique &agrave; abolir, ce qui le rapproche &agrave; nouveau d&#39;un anticapitalisme tronqu&eacute;.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Dans l&#39;article de <i>Ballast</i> du 11 juillet 2016, intitul&eacute; &laquo;&nbsp;L&#39;internationalisme r&eacute;el, c&#39;est l&#39;organisation de la contagion&nbsp;&raquo;, il d&eacute;fend un principe inter-nationaliste (le tiret est important), dans lequel la forme-nation continue &agrave; jouer un r&ocirc;le important. La notion de souverainet&eacute; nationale n&#39;est pas un gros mot pour lui, et dans ce contexte il s&#39;engage dans la d&eacute;fense de la sortie de l&#39;euro, pour la France. Cela &eacute;tant, le principe d&#39;une &laquo;&nbsp;contagion internationaliste&nbsp;&raquo; n&#39;a pas vraiment de cons&eacute;quence tangible sous sa plume. Sur son blog &laquo;&nbsp;La pompe &agrave; phynance&nbsp;&raquo;, le 17 octobre 2018, il signe un article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Migrants et salari&eacute;s. Appel sans suite&nbsp;&raquo;, dans lequel il fustige le &laquo;&nbsp;Manifeste pour l&#39;accueil des migrants&nbsp;&raquo; publi&eacute; par <i>Mediapart</i>. Ici, il semblera presque mettre sur le m&ecirc;me plan le principe lib&eacute;ral de la circulation des capitaux et la libre circulation des individus. Rappelant la n&eacute;cessit&eacute; d&#39;une forme de &laquo;&nbsp;protectionnisme&nbsp;&raquo;. Dans l&#39;article de <i>Ballast</i> du 19 novembre 2018, &laquo;&nbsp;Dire ensemble la condition des classes populaires et des migrants&nbsp;&raquo;, il d&eacute;fendra le principe flou de &laquo;&nbsp;fronti&egrave;res intelligentes&nbsp;&raquo;, et tournera en d&eacute;rision les d&eacute;fenseurs du <i>No Border</i>. Encore une fois, la question de la souverainet&eacute; nationale est un enjeu important pour Lordon, et cela fonde son id&eacute;e &eacute;quivoque d&#39;un inter-nationalisme par contagion.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Par ailleurs, en f&eacute;vrier 2007, dans le <i>Monde diplomatique</i>, Lordon propose un plafonnement fiscal de la rentabilit&eacute; totale pour les actionnaires (SLAM). Il &eacute;voquera &eacute;galement fr&eacute;quemment la n&eacute;cessit&eacute; de la fermeture de la Bourse. Il s&#39;inscrit ainsi davantage dans une dynamique r&eacute;formiste que dans une dynamique r&eacute;volutionnaire.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">On peut donc retenir chez Lordon plusieurs &eacute;l&eacute;ments th&eacute;oriques qui l&#39;&eacute;loignent <i>a priori</i> d&#39;un anticapitalisme strict et cons&eacute;quent&nbsp;:</span></span></span></p> <ul type="disc"> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Une forme d&#39;anticapitalisme tronqu&eacute; qui cible obsessionnellement la finance, mais qui voudrait d&eacute;fendre le d&eacute;veloppement d&#39;une &eacute;conomie productive nationale (de fa&ccedil;on finalement assez keyn&eacute;sienne).</span></li> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Une opposition &agrave; l&#39;internationalisme pratique, et un attachement &agrave; des formes de souverainisme et de protectionnisme fran&ccedil;ais.</span></li> <li new="" roman="" style="line-height:115%; font-size:12pt; font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Une forme de &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme&nbsp;&raquo; r&eacute;formiste, fort &eacute;loign&eacute; de la dynamique r&eacute;volutionnaire.</span></li> </ul> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Cela &eacute;tant, Lordon est aussi capable, dans d&#39;autres contextes, de d&eacute;fendre des positions beaucoup plus radicales. Ainsi, dans le chapitre III de <i>Capitalisme, d&eacute;sir et servitude</i>, Lordon envisage s&eacute;rieusement l&#39;hypoth&egrave;se communiste. Dans ce contexte, &laquo;&nbsp;l&#39;entreprise&nbsp;&raquo; (au sens g&eacute;n&eacute;rique), se serait affranchie de &laquo;&nbsp;la monarchie du d&eacute;sir-ma&icirc;tre&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[5]</span></a>. Lordon va m&ecirc;me jusqu&#39;&agrave; citer positivement Antoine Artous et Moishe Postone qui pensent la critique radicale du travail, et promeuvent l&#39;abolition du travail. En outre, sur son blog &laquo;&nbsp;La pompe &agrave; phynance&nbsp;&raquo;, le 29 mars 2016, Lordon formulera cette fameuse sentence, comme pour lancer une certaine dynamique des <i>Nuits debout&nbsp;</i>: &laquo;&nbsp;Nous ne revendiquons rien&nbsp;&raquo;. Il assumait ainsi assez clairement une intention &laquo;&nbsp;destituante&nbsp;&raquo;, qui semblait ne pas s&#39;accorder avec sa d&eacute;fense des institutions, de l&#39;&eacute;conomie et de la politique.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Cela &eacute;tant, c&#39;est pr&eacute;cis&eacute;ment en prenant en compte cette tension apparente &agrave; l&#39;&oelig;uvre dans la pens&eacute;e lordonienne qu&#39;on peut saisir la complexit&eacute; de son id&eacute;ologie politique, qui reste au fond principalement altercapitaliste. Lordon appara&icirc;t alors comme un sympt&ocirc;me du temps pr&eacute;sent, qui tend &agrave; brouiller les fronti&egrave;res entre r&eacute;forme et r&eacute;volution, radicalit&eacute; et am&eacute;nagement, souverainet&eacute; et libert&eacute;.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Toute cette complexit&eacute; lordonienne s&#39;&eacute;lucide finalement au fil du mouvement dialectique, d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;, qu&#39;il d&eacute;fend dans cet ouvrage&nbsp;: 1. Les institutions actuelles, c&#39;est l&#39;enfer. 2. Mais le social ne saurait se passer d&#39;institution. 3. Donc quelles nouvelles institutions faut-il &eacute;pouser&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">On verra qu&#39;avec Spinoza, qui d&eacute;fend l&#39;id&eacute;e d&#39;une &laquo;&nbsp;nature humaine&nbsp;&raquo;, et qui d&eacute;fend l&#39;id&eacute;e d&#39;un &laquo;&nbsp;affect commun&nbsp;&raquo; fondant le fait institutionnel, Lordon sera susceptible de r&eacute;troprojeter des institutions typiquement modernes sur des moments pr&eacute;-modernes (ce qu&#39;il nomme projet &laquo;&nbsp;onto-anthropologique&nbsp;&raquo;). Sur cette base, il injectera des structures &eacute;tatico-capitalistes modernes dans sa conception d&#39;une soci&eacute;t&eacute; post-capitaliste (laquelle demeurera donc, intrins&egrave;quement, un altercapitalisme qui s&#39;ignore).</span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Critique des institutions actuelles</span></span></span></h2> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:">Les institutions, c&#39;est l&#39;enfer</span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Dans <i>Vivre sans</i>, Lordon commence par reconna&icirc;tre que les institutions actuelles, &eacute;tatico-capitalistes, &laquo;&nbsp;c&#39;est l&#39;enfer&nbsp;&raquo;. De l&#39;int&eacute;rieur, les individus au travail, sous le rapport salarial, sont d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s par l&#39;organisation de leur activit&eacute;. Ils sont soumis au d&eacute;sir-ma&icirc;tre&nbsp;: &laquo;&nbsp;atrophie des puissances d&#39;agir par la normalisation qui tombe du syst&egrave;me du pouvoir&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[6]</span></a>. De l&#39;ext&eacute;rieur, l&#39;institution, c&#39;est aussi la violence et le mensonge&nbsp;: Lordon &eacute;voque la violence symbolique (et r&eacute;elle) exerc&eacute;e par le porte-parole des institutions (par exemple &laquo;&nbsp;r&eacute;publicaines&nbsp;&raquo;), ou par le personnel politique au pouvoir. Lordon reprend au fond la th&egrave;se assez classique de l&#39;ali&eacute;nation, en ce qui concerne la d&eacute;possession v&eacute;cue par les individus &agrave; l&#39;int&eacute;rieur des institutions. En ce qui concerne la domination extrins&egrave;que, il &eacute;voquera davantage une domination personnelle, en personnifiant les m&eacute;canismes de pouvoir. Il manque la notion de domination impersonnelle, propre au capitalisme, que Marx th&eacute;matise dans le chapitre 1 du <i>Capital</i>, et qui diff&eacute;rencie le syst&egrave;me capitaliste des ordres de domination ant&eacute;rieurs. Ce d&eacute;faut se d&eacute;ploie fr&eacute;quemment dans l&#39;&oelig;uvre de Lordon, et &eacute;lucide en bonne partie la dimension tronqu&eacute;e de son &laquo;&nbsp;anticapitalisme&nbsp;&raquo;. Puisque Lordon affirme (par exemple dans <i>Imperium</i>), que la verticalit&eacute; du social est une n&eacute;cessit&eacute; ontologique (sous l&#39;autorit&eacute; du holisme d&rsquo;&Eacute; Durkheim et de &laquo;&nbsp;l&#39;affect commun&nbsp;&raquo; spinoziste), on peut aussi imaginer avec lui qu&#39;il peut exister des personnifications &laquo;&nbsp;vertueuses&nbsp;&raquo; des institutions, guidant les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; vers la bonne direction, par opposition aux personnifications &laquo;&nbsp;vicieuses&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:">L&#39;aporie lordonienne</span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">On peut noter d&#39;ailleurs que la dimension moralisante, dans le discours lordonien, est assez fr&eacute;quente. Par exemple, &agrave; propos de la &laquo;&nbsp;bourgeoisie urbaine et cultiv&eacute;e&nbsp;&raquo;, il dira&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ces gens-l&agrave; sont d&eacute;go&ucirc;tants&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[7]</span></a>. Cette passion triste lordonienne s&#39;accorde assez mal avec un principe spinoziste fondamental&nbsp;: &laquo;&nbsp;ni rire, ni pleurer, ni ha&iuml;r, mais comprendre&nbsp;&raquo;. Par ailleurs, Spinoza, en r&eacute;ponse &agrave; Schuller, d&eacute;fendra un d&eacute;terminisme strict, qui concerne m&ecirc;me le niveau moral (et qui remet en cause le libre arbitre, la responsabilit&eacute;, mais non forc&eacute;ment la n&eacute;cessit&eacute; du ch&acirc;timent)&nbsp;: &laquo;&nbsp;On demandera encore&nbsp;: Pourquoi les impies sont-ils punis, puisqu&#39;ils agissent par leur nature et selon le d&eacute;cret divin&nbsp;? Je r&eacute;ponds que c&#39;est aussi par d&eacute;cret divin qu&#39;ils sont punis et si ceux-l&agrave; seuls que nous imaginons p&eacute;cher en vertu de leur propre libert&eacute; doivent &ecirc;tre punis, pourquoi les hommes veulent-ils exterminer les serpents venimeux&nbsp;? Car ils p&ecirc;chent &agrave; cause de leur nature propre et ne peuvent faire autrement&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[8]</span></a>. Bien s&ucirc;r, cette id&eacute;e spinoziste que les &laquo;&nbsp;impies agissent par leur nature et selon le d&eacute;cret divin&nbsp;&raquo; (c&#39;est-&agrave;-dire en vertu du d&eacute;terminisme implacable de la nature) est plus que probl&eacute;matique. Elle tend &agrave; ramener l&#39;humain &agrave; une causalit&eacute; physique stricte, ce qui sera aussi op&eacute;r&eacute; par l&#39;ordre capitaliste, qui r&eacute;duit les individus &agrave; l&#39;&ecirc;tre-ressource, et &agrave; des m&eacute;canismes automatis&eacute;s et quantifi&eacute;s. Lordon insistera d&#39;ailleurs souvent sur le fait que le sujet et un automate passionnel. Il croit ainsi d&eacute;passer l&#39;illusion individualiste et lib&eacute;rale (&agrave; travers le programme d&#39;un structuralisme des passions), mais il reconduit au fond une id&eacute;ologie physicaliste qui est loin d&#39;&ecirc;tre incompatible avec l&#39;ordre capitaliste. Cela &eacute;tant, Lordon n&#39;admet pas jusqu&#39;au bout, en bon spinoziste, que la &laquo;&nbsp;bourgeoisie cultiv&eacute;e&nbsp;&raquo;, elle aussi, &laquo;&nbsp;ne peut pas faire autrement&nbsp;&raquo;. Il mobilise largement le d&eacute;terminisme de Spinoza, mais r&eacute;injecte insidieusement, et fr&eacute;quemment, le point de vue moral et culpabilisateur qu&#39;il devrait pourtant cong&eacute;dier (pr&eacute;cis&eacute;ment au nom de son &laquo;&nbsp;anti-lib&eacute;ralisme&nbsp;&raquo;). Cette tension en ce qui concerne la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Spinoza souligne plus largement la difficult&eacute; &agrave; tenir jusqu&#39;au bout une politique spinoziste. S&#39;il s&#39;agissait de penser avec Marx une forme de domination impersonnelle capitaliste, et une forme de &laquo;&nbsp;sujet-automate&nbsp;&raquo; (la valeur valoris&eacute;e), cela serait &agrave; penser au m&eacute;ta-niveau des cat&eacute;gories de l&#39;&eacute;conomie (marchandise, travail abstrait, argent, valeur), ce qui nous &eacute;viterait &eacute;galement de sombrer dans l&#39;aporie lordonienne. Dans ce contexte, on pourrait aussi saisir les affects des individus (souffrances, d&eacute;sirs), comme &eacute;tant non-identiques &agrave; ces cat&eacute;gories, et comme &eacute;tant irr&eacute;ductiblement qualitatifs.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Par ailleurs, et pour finir sur cette question, on peut s&#39;interroger sur la pertinence d&#39;un rapprochement entre le d&eacute;terminisme strict d&#39;un Spinoza (qui part du d&eacute;terminisme naturel), et le d&eacute;terminisme social, qui est loin d&#39;&ecirc;tre implacable, et qui n&#39;autorise pas un r&eacute;ductionnisme physicaliste.&nbsp;&nbsp; </span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Ces remarques assez philosophiques impliquent un certain positionnement relativement aux institutions, et &agrave; la fa&ccedil;on de penser la r&eacute;volte et la lutte sociale. Un d&eacute;terminisme strict (qui concernera surtout les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo;) pourrait &ecirc;tre &laquo;&nbsp;inform&eacute;&nbsp;&raquo; par des expertises th&eacute;oriques ou critiques d&eacute;tach&eacute;es du mouvement r&eacute;el, et qui constitueraient autant de personnifications &laquo;&nbsp;vertueuses&nbsp;&raquo; de la lutte &laquo;&nbsp;r&eacute;volutionnaire&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Critique de l&rsquo;antipolitique</span></span></span></h2> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:">L&#39;antipolitique de l&#39;intermittence</span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Deleuze serait un repr&eacute;sentant de &laquo;&nbsp;l&#39;antipolitique de l&#39;intermittence&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[9]</span></a>. Deux modalit&eacute;s du temps chez Deleuze : le <i>chronos</i>, l&#39;ordre causal institu&eacute; et ordinaire de la politique, les affaires courantes&nbsp;; et l&#39;<i>ai&ocirc;n</i>, qui vient briser la causalit&eacute; du <i>chronos</i>, qui est la ligne de fuite, la bifurcation, le devenir au sens strict. L&#39;<i>ai&ocirc;n</i> est un remaniement des affects, mais lui succ&egrave;de n&eacute;cessairement le <i>chronos</i>, la r&eacute;installation, le retour du striage. D&#39;o&ugrave; un certain d&eacute;sespoir chez Deleuze&nbsp;: &laquo;&nbsp;la ligne de fuite [&hellip;] est vou&eacute;e &agrave; mal tourner du fait m&ecirc;me de r&eacute;ussir&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[10]</span></a>. Deleuze est &laquo;&nbsp;chroniquement d&eacute;sabus&eacute;&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[11]</span></a>. La lutte n&#39;est qu&#39;une s&eacute;rie de fuites ind&eacute;finies, entre plusieurs re-striages normalisants.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Chez Ranci&egrave;re, la politique au sens faible est la simple &laquo;&nbsp;police&nbsp;&raquo;. La &laquo;&nbsp;vraie&nbsp;&raquo; politique, c&#39;est le partage constitutif de l&#39;ordre sous lequel s&#39;organise la vie collective. Un syst&egrave;me de redistribution, de remaniement, qui met en jeu des singularit&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Deleuze&nbsp;: le devenir sans avenir&nbsp;; Ranci&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;le cheminement pour le cheminement, sans trop d&#39;&eacute;gard pour l&#39;id&eacute;e de destination&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[12]</span></a>.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Ce que reproche Lordon aux &laquo;&nbsp;antipolitiques de l&#39;intermittence&nbsp;&raquo;, c&#39;est de cong&eacute;dier finalement la politique &laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo;, la politique du quotidien, et de ne qualifier de &laquo;&nbsp;politique&nbsp;&raquo; que ce qui est rare, exceptionnel, presque miraculeux.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Lordon au fond est soucieux de ce qui arrive apr&egrave;s le devenir, apr&egrave;s la bifurcation, apr&egrave;s la r&eacute;volte qui vient remanier les affects et les rapports sociaux. Contre Deleuze, il ne con&ccedil;oit pas la r&eacute;-institutionnalisation comme une &eacute;tape d&eacute;sesp&eacute;rante, mais comme une n&eacute;cessit&eacute;, qui appelle simplement un souci d&#39;agencer le social de fa&ccedil;on plus &eacute;mancipatrice. Cela &eacute;tant, le probl&egrave;me avec Lordon est qu&#39;il va r&eacute;injecter subtilement des cat&eacute;gories &eacute;tatico-capitalistes dans ce mouvement de r&eacute;-institutionnalisation suppos&eacute; &ecirc;tre &eacute;mancipateur. Cela est aussi d&ucirc; &agrave; la trop grande g&eacute;n&eacute;ralit&eacute; des concepts qu&#39;il mobilise.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">La critique qu&#39;adresse J&eacute;r&ocirc;me Baschet &agrave; l&#39;ouvrage <i>Imperium</i> pourrait &eacute;galement s&#39;adresser &agrave; <i>Vivre sans</i>, qui reconduit les m&ecirc;mes essentialismes et les m&ecirc;mes r&eacute;troprojections anachroniques, en insistant certes davantage sur le concept d&#39;institution. Baschet<i> &eacute;crit&nbsp;:</i></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><i><span arial="" style="font-family:">Imperium</span></i><span arial="" style="font-family:"> fait toutefois une place remarquable &agrave; la puissance transformatrice du moment insurrectionnel, associ&eacute; &agrave; l&#39;intensit&eacute; de la lutte commune, dans l&#39;urgence et le danger. Pourtant, comme &eacute;pouvant&eacute; par le potentiel de transformation ainsi convoqu&eacute;, F. Lordon s&#39;empresse de refermer la porte &agrave; peine entr&#39;ouverte&nbsp;: cela ne peut &ecirc;tre qu&#39;un moment fugace et, d&egrave;s l&#39;effervescence du moment insurrectionnel pass&eacute;e, pr&eacute;vaut &quot;la stabilisation de nouveaux rapports sociaux&quot;. Apr&egrave;s l&#39;incandescence de l&#39;incendie, les froides &quot;cendres de l&#39;ordinaire&quot;. Juste quelques jours d&#39;embrasement, puis tout rentre dans la convenance de l&#39;ordre institu&eacute;, comme si une nouvelle forme de vie &eacute;tait sortie toute arm&eacute;e de l&#39;intensit&eacute; &eacute;meuti&egrave;re. Quelle extravagante conception de la r&eacute;volution&nbsp;! &ndash; qui reproduit de la mani&egrave;re la plus grossi&egrave;re la mythologie du Grand Soir, pourtant gauss&eacute;e, et qui &eacute;vacue toute perspective d&#39;un processus continu&eacute;, construisant une r&eacute;alit&eacute; collective sans cesse renouvel&eacute;e<a href="#_ftn13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[13]</span></a>.&nbsp;</span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Ces remarques de Baschet sont particuli&egrave;rement &eacute;clair&eacute;es par les d&eacute;veloppements politiques de <i>Vivre sans</i>&nbsp;: &agrave; vrai dire, ce qui int&eacute;ressera Lordon, comme on le verra, c&#39;est bien la prise de pouvoir &eacute;tatique d&#39;une gauche nationaliste (M&eacute;lenchon), d&eacute;bouchant sur une strat&eacute;gie l&eacute;niniste assum&eacute;e. La &laquo;&nbsp;tactique Spinoza&nbsp;&raquo;, qui essentialise quelque &laquo;&nbsp;verticalit&eacute; du social&nbsp;&raquo;, se mettra finalement au service de la projection d&#39;un capitalisme d&#39;&Eacute;tat explicite, et ce malgr&eacute; le fait que Lordon lui-m&ecirc;me pense produire une pens&eacute;e &laquo;&nbsp;anticapitaliste&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:">L&#39;antipolitique des virtuoses</span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Badiou r&eacute;serverait la qualit&eacute; de &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo; au militant qui r&egrave;gle son existence sous la figure de la v&eacute;rit&eacute;. Selon Lordon, ce &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo; ressemble au sage de Spinoza, qui agit sous la conduite de la raison, et qui est la cause ad&eacute;quate de ses actions. Pour Badiou, le militant qui est soumis &agrave; l&#39;ob&eacute;issance ou &agrave; la culpabilit&eacute; n&#39;atteint pas encore le stade du &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo;. Le militant &laquo;&nbsp;sujet&nbsp;&raquo; de Badiou respecte des t&acirc;ches parce qu&#39;elles sont prescrites par la proc&eacute;dure de v&eacute;rit&eacute;. Lordon rappelle la derni&egrave;re phrase de l&#39;<i>&Eacute;thique</i> de Spinoza&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tout ce qui est remarquable est difficile autant que rare&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Lordon s&#39;oppose &agrave; ce principe virtuose pour une raison pr&eacute;cise&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les hommes ordinaires, ni animaux ni sages, les hommes de la servitude passionnelle n&#39;ont pas de place dans cette politique-l&agrave;&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[14]</span></a>. Cette distinction entre le &laquo;&nbsp;sage&nbsp;&raquo; spinoziste et la &laquo;&nbsp;multitude&nbsp;&raquo; (qu&#39;on peut aussi appeler &laquo;&nbsp;masse&nbsp;&raquo;, voire &laquo;&nbsp;pl&egrave;be&nbsp;&raquo;, avec Lordon), pourrait avoir une r&eacute;sonance aristocratique assez g&ecirc;nante. Surtout si l&#39;on songe que le sage ne serait sage que selon un &laquo;&nbsp;d&eacute;cret divin&nbsp;&raquo; (de m&ecirc;me que les impies seraient impies selon une &laquo;&nbsp;n&eacute;cessit&eacute; naturelle&nbsp;&raquo;, comme on l&#39;a vu plus haut). Cette notion de &laquo;&nbsp;gens ordinaires&nbsp;&raquo; ferait presque penser &agrave; l&#39;obsession de Jean-Claude Mich&eacute;a, qui dissimule mal un populisme condescendant. Mais plus g&eacute;n&eacute;ralement, cette opposition &laquo;&nbsp;de nature&nbsp;&raquo; entre le sage et les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; &eacute;claire la dimension encore paradoxale de la notion spinoziste de d&eacute;mocratie. Isabelle Garo dira, &agrave; propos du <i>Trait&eacute; politique</i> de Spinoza, que Lordon cite fr&eacute;quemment&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:">Si la pente de cette seconde &oelig;uvre est de d&eacute;finir un souverain plus &eacute;largi socialement, l&rsquo;interruption du livre quelques paragraphes apr&egrave;s le d&eacute;but du chapitre consacr&eacute; &agrave; la d&eacute;mocratie ne permet gu&egrave;re d&rsquo;extrapoler. Mais il est frappant que les premi&egrave;res lignes de ce chapitre soient consacr&eacute;es &agrave; l&rsquo;exclusion des &eacute;trangers, des serviteurs, des femmes, des enfants : Spinoza a choisi de commencer par ce qui restreint l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la citoyennet&eacute;, au lieu d&rsquo;en affirmer l&rsquo;extension, voire l&rsquo;expansion. Si la pente d&eacute;mocratique est incontestable, il semble &eacute;vident que la t&acirc;che de &quot;contenir la multitude&quot; reste prioritaire [&hellip;]. Ainsi, la d&eacute;mocratie spinoziste, telle que l&rsquo;esquisse le <i>Trait&eacute; politique</i>, vise-t-elle avant tout la stabilit&eacute; institutionnelle, la &quot;concorde&quot; sociale b&acirc;tie sur &quot;la paix et la s&eacute;curit&eacute;&quot;, tout en se d&eacute;fiant de la multitude, car &quot;il est certain en outre que les p&eacute;rils mena&ccedil;ant la cit&eacute; ont pour cause les citoyens plus que les ennemis du dehors&quot;. &Eacute;tienne Balibar a mis en &eacute;vidence l&rsquo;&eacute;quivocit&eacute; de l&rsquo;option d&eacute;mocratique de Spinoza, &quot;anim&eacute; contradictoirement par sa propre crainte des masses et par l&rsquo;espoir d&rsquo;une d&eacute;mocratie entendue comme lib&eacute;ration de masse&quot;. De son c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;historienne marxiste am&eacute;ricaine Ellen Meiksins Wood a montr&eacute; que la d&eacute;mocratie spinoziste correspond &agrave; une r&eacute;publique oligarchique, dirig&eacute;e par les &eacute;lites marchandes urbaines, soucieuses d&rsquo;obtenir le soutien des classes inf&eacute;rieures<a href="#_ftn15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[15]</span></a>.&nbsp;</span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">L&#39;antipolitique d&#39;Agamben, qui influence beaucoup le <i>Comit&eacute; invisible</i>, suppose trois &eacute;tapes&nbsp;: s&eacute;paration&nbsp;; suspension&nbsp;; destitution. La s&eacute;paration a une connotation fortement heidegg&eacute;rienne&nbsp;: s&eacute;paration de l&#39;&ecirc;tre et de l&#39;&eacute;tant&nbsp;; qu&ecirc;te de l&#39;authenticit&eacute;. C&#39;est &agrave; l&#39;int&eacute;rieur des &laquo;&nbsp;dispositifs&nbsp;&raquo; que le vivant serait s&eacute;par&eacute; de lui-m&ecirc;me. La suspension est le moment o&ugrave; une singularit&eacute; suspend sa puissance, s&#39;emp&ecirc;che, se limite (de m&ecirc;me que Dieu aurait une puissance absolue et une puissance ordonn&eacute;e, limitative). Dans la suspension, on tente de se soustraire au &laquo;&nbsp;dispositif&nbsp;&raquo;. Selon Lordon, cette suspension agambenienne ressemble &agrave; la causalit&eacute; interne qui fonde le r&eacute;gime spinoziste des affects actifs, c&#39;est-&agrave;-dire le mode d&#39;&ecirc;tre du sage&nbsp;: ici encore, on retomberait presque dans l&#39;aristocratisme philosophique d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; (aristocratisme que Lordon voudrait r&eacute;futer, mais qu&#39;il reconduit subtilement, en reconnaissant finalement avec Spinoza que de tels &laquo;&nbsp;sages&nbsp;&raquo;, certes tr&egrave;s rares, restent un possible pensable). La destitution succ&egrave;de finalement &agrave; cette suspension&nbsp;: mouvement intransitif, non t&eacute;lique, presque esth&eacute;tique (la danse comme paradigme &ndash; au sens nietzsch&eacute;en)&nbsp;; d&eacute;-s&eacute;paration, re-co&iuml;ncidence &agrave; soi.&nbsp; </span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Ce que manque ici compl&egrave;tement Lordon, c&#39;est la critique n&eacute;cessaire &agrave; adresser &agrave; l&#39;heideggerianisme d&#39;Agamben. Depuis la parution des <i>Cahiers noirs</i> de Heidegger (2014), et m&ecirc;me depuis la parution de l&#39;ouvrage critique d&#39;Emmanuel Faye (2005), il est devenu proprement intol&eacute;rable d&#39;utiliser Heidegger pour produire une pens&eacute;e &laquo;&nbsp;politique&nbsp;&raquo; qui se voudrait &laquo;&nbsp;&eacute;mancipatrice&nbsp;&raquo;. La s&eacute;paration entre l&#39;&ecirc;tre et l&#39;&eacute;tant n&#39;est pas anodine&nbsp;: comme le montrent les &eacute;crits politiques de Heidegger, les juifs sont assign&eacute;s &agrave; l&#39;&eacute;tant (et &agrave; la &laquo;&nbsp;d&eacute;ch&eacute;ance&nbsp;&raquo;, &agrave; la &laquo;&nbsp;dictature du on&nbsp;&raquo;), l&agrave; o&ugrave; l&#39;allemand g&eacute;n&eacute;rique en qu&ecirc;te de son &laquo;&nbsp;sol&nbsp;&raquo; propre tend vers l&#39;&ecirc;tre authentique. Un nationalisme allemand antis&eacute;mite traverse l&#39;ontologie de Heidegger, et le th&egrave;me de la &laquo;&nbsp;s&eacute;paration&nbsp;&raquo;, dans un contexte heidegg&eacute;rien, est plus que tendancieux (comme le dit souvent Faye, &laquo;&nbsp;&ecirc;tre est un mot couvert&nbsp;&raquo; chez Heidegger, qui traduit une id&eacute;ologie politique effrayante). C&#39;est le propre d&#39;une pens&eacute;e abstraite et id&eacute;aliste, antihistorique, que d&#39;isoler des concepts eux-m&ecirc;mes abstraits pour les appliquer &agrave; n&#39;importe quels contenus sociaux. Et par voie de cons&eacute;quence, une pens&eacute;e antis&eacute;mite finit par &ecirc;tre banalis&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Lordon prend trop au s&eacute;rieux ces th&egrave;ses d&#39;Agamben, sans saisir cet arri&egrave;re-fond heidegg&eacute;rien plus que probl&eacute;matique. C&#39;est qu&#39;il produit lui aussi une pens&eacute;e assez abstraite, dite &laquo;&nbsp;onto-anthropologique&nbsp;&raquo;, qui questionne les concepts purs, mais assez peu leur gen&egrave;se historique et sociale.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Lordon pratique d&#39;ailleurs cette m&ecirc;me abstraction lorsqu&#39;il traite de Spinoza, ce qui &eacute;claire non seulement son aveuglement face &agrave; l&#39;heideggerianisme d&#39;Agamben, mais aussi sa fa&ccedil;on transhistorique et essentialiste de concevoir les institutions, et m&ecirc;me l&#39;&Eacute;tat. Ainsi, Isabelle Garo dira, &agrave; propos d&#39;<i>Imperium</i>&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:">La question de l&rsquo;&Eacute;tat se trouve ici trait&eacute;e sur le terrain philosophique et plus pr&eacute;cis&eacute;ment, donc, sur le terrain du spinozisme, pens&eacute;e ardue s&rsquo;il en est, et dat&eacute;e. Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon revendique l&rsquo;autonomie radicale de ce pan philosophique de sa r&eacute;flexion. Pour autant, son propos n&rsquo;est pas de pr&eacute;senter la pens&eacute;e politique de Spinoza en tant que telle : il s&rsquo;agit pour lui de penser un objet pr&eacute;cis, l&rsquo;&Eacute;tat, ou plus exactement de penser son concept, l&rsquo; &quot;&Eacute;tat g&eacute;n&eacute;ral&quot;, essence suppos&eacute;e de tout &Eacute;tat r&eacute;el, distincte de ses formes historiques concr&egrave;tes. Car Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon con&ccedil;oit la philosophie comme savoir s&eacute;par&eacute; des essences : en somme, le concept d&rsquo;&Eacute;tat, de m&ecirc;me que le concept de chien, ne mord pas. Pourtant, les th&egrave;ses politiques spinoziennes, au moment de leur &eacute;laboration, &eacute;taient indissociables d&rsquo;un contexte th&eacute;orique et politique d&eacute;termin&eacute;, dont Spinoza ne chercha jamais, pour sa part, &agrave; s&rsquo;extraire<a href="#_ftn16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[16]</span></a>.&nbsp;</span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Le probl&egrave;me n&#39;est pas tant le plan des concepts (s&eacute;paration, authenticit&eacute;, destitution, etc.), que leur gen&egrave;se sociale et historique. Penser &laquo;&nbsp;avec&nbsp;&raquo; Heidegger &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;mancipation&nbsp;&raquo;, c&#39;est n&eacute;cessairement oblit&eacute;rer sa dimension politique, et c&#39;est donc n&eacute;cessairement se mouvoir dans les hypostases et le r&eacute;alisme logique qui scl&eacute;rosent la critique. Une telle d&eacute;marche s&#39;oppose principalement &agrave; une m&eacute;thode mat&eacute;rialiste et historique, et c&#39;est aussi pour cette raison qu&#39;il faut la rejeter. En &eacute;tant incapable de penser les enjeux politiques et historiques du recours &agrave; Heidegger au sein d&#39;une certaine &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo; po&eacute;tisante, Lordon montre qu&#39;il n&#39;est en contact qu&#39;avec de purs concepts d&eacute;contextualis&eacute;s. Son usage de Spinoza traduisait d&eacute;j&agrave; cette tendance, comme le remarque Isabelle Garo, et elle l&#39;autorisait, dans <i>Imperium</i>, &agrave; d&eacute;velopper le concept transhistorique et flou d&#39;&laquo;&nbsp;&Eacute;tat g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Vivre sans &Eacute;tat&nbsp;?</span></span></span></h2> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;D&eacute;griser&nbsp;&raquo; les zadistes</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon reprend ici son concept d&#39;<i>Imperium</i>, qui est &laquo;&nbsp;ce droit que d&eacute;finit la puissance de la multitude&nbsp;&raquo;. La force du collectif. Une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Spinoza&nbsp;: auto-affection du collectif, <i>via</i> les institutions. Une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Durkheim&nbsp;: l&#39;exc&eacute;dence du tout sur ses parties. Mais Lordon op&egrave;re des glissements conceptuels, passant de l&#39;Imperium au principe de verticalit&eacute;, jusqu&#39;&agrave; l&#39;&Eacute;tat g&eacute;n&eacute;ral. Cela l&#39;autorise &agrave; dire que la ZAD ob&eacute;it &agrave; une forme de gouvernementalit&eacute;, et qu&#39;elle peut &ecirc;tre saisie dans son rapport analogique avec l&#39;&Eacute;tat. Un sentiment d&#39;appartenance &agrave; la ZAD serait aussi fondateur du collectif. ZAD et &Eacute;tat, ZAD et nation&nbsp;: des analogies, sur le plan formel, restent pensables selon Lordon. On l&#39;a vu, cette id&eacute;ologie lordonienne op&egrave;re &eacute;galement &agrave; partir d&#39;une d&eacute;contextualisation et d&#39;une g&eacute;n&eacute;ralisation abusive de la pens&eacute;e de Spinoza.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon insiste bien s&ucirc;r, toujours, sur les diff&eacute;rences empiriques qui se d&eacute;ploient sur fond d&#39;analogies formelles (l&#39;&Eacute;tat fran&ccedil;ais n&#39;est pas la ZAD).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Baschet cible tr&egrave;s bien le probl&egrave;me qui est pos&eacute; par un tel degr&eacute; de g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Mais les concepts lordoniens sont d&#39;une &eacute;lasticit&eacute; telle qu&#39;ils pr&ecirc;tent &agrave; confusion et risquent d&#39;autoriser des glissements subreptices, au-del&agrave; de ce que l&#39;argumentation soutient v&eacute;ritablement. Surtout, ils manquent de cette capacit&eacute; de discernement qui importe tant, du point de vue d&#39;une politique de l&#39;&eacute;mancipation, et dont l&#39;objet prioritaire devrait &ecirc;tre de nous aider &agrave; faire le partage, aussi incertain soit-il en ses limites, entre des formes politiques &eacute;tatiques et non &eacute;tatiques, entre l&#39;invention de proc&eacute;dures qui favorisent l&#39;accroissement de la puissance du collectif et la d&eacute;possession de celle-ci au profit du pouvoir-sur des uns sur les autres. Redisons l&#39;essentiel:<i> Imperium</i> ne parvient pas &agrave; jeter aux oubliettes de l&#39;histoire la perspective d&#39;une &eacute;mancipation sans l&#39;&Eacute;tat. De l&#39;&Eacute;tat en g&eacute;n&eacute;ral, rien ne fonde le caract&egrave;re ind&eacute;passable&nbsp;; quant &agrave; l&#39;&Eacute;tat g&eacute;n&eacute;ral, rien ne justifie de lui donner ce nom, sinon le tour de passe-passe qu&#39;il pr&eacute;tend autoriser. Et quand bien m&ecirc;me devrait demeurer ce que F. Lordon nomme ainsi, cela ne contredirait en rien la possibilit&eacute; de destituer ce que nous continuerons &agrave; nommer &Eacute;tat<a href="#_ftn17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[17]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon tourne au fond en d&eacute;rision le projet zadiste d&#39;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;ingouvernable&nbsp;&raquo;, car il dispose d&#39;un concept de &laquo;&nbsp;gouvernementalit&eacute;&nbsp;&raquo; trop l&acirc;che et trop flou. Les concepts politiques fonctionnent comme des hypostases, qui cr&eacute;ent plus de confusions que de clarifications. Lorsqu&#39;on voit ensuite quels genres d&#39;institutions Lordon promeut finalement dans sa soci&eacute;t&eacute; &laquo;&nbsp;post-capitaliste&nbsp;&raquo;, on comprend finalement pourquoi il pratique de telles g&eacute;n&eacute;ralisations.</span></span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Se r&eacute;approprier l&#39;&Eacute;tat</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">On l&#39;a dit, Lordon pense que le capitalisme est une macrostructure&nbsp;; pour la d&eacute;manteler, l&#39;irruption violente des &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; seraient n&eacute;cessaires.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Bien s&ucirc;r, Lordon fustige l&#39;&Eacute;tat r&eacute;pressif, la justice de classe, les institutions &eacute;tatiques ali&eacute;nantes et normalisantes. Mais il affirme &eacute;galement&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Le capital est un titan. Pour l&#39;abattre, il faut donc des g&eacute;ants. Or le seul g&eacute;ant sur les rangs, c&#39;est le nombre assembl&eacute; &ndash; les masses comme on disait [&hellip;] l&agrave; o&ugrave; la <i>production</i> du nombre assembl&eacute; est une entreprise des plus al&eacute;atoires &ndash; &ccedil;a s&#39;appelle un processus r&eacute;volutionnaire et, comme on sait, &ccedil;a n&#39;arrive pas tous les quatre matins &ndash; l&#39;&Eacute;tat c&#39;est du nombre<i> d&eacute;j&agrave;</i> assembl&eacute;<i> sous une certaine forme</i><a href="#_ftn18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[18]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Puis, plus loin&nbsp;: &laquo;&nbsp;le capital est une entit&eacute; macroscopique, par cons&eacute;quent il ne sera d&eacute;fait que par une m&ecirc;me &eacute;chelle et de sens oppos&eacute;&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[19]</span></span></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon en arrive &agrave; cette conclusion, car il pense que la d&eacute;fection g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e ne fait pas une politique. Il voudrait certes sortir de &laquo;&nbsp;l&#39;&Eacute;tat capitaliste&nbsp;&raquo;, mais voudrait aussi penser que l&#39;&Eacute;tat pourrait devenir un instrument neutre aux mains de la r&eacute;volution.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">On voit ici clairement que Lordon s&#39;&eacute;loigne radicalement de la th&eacute;orie marxienne de la d&eacute;rivation de l&#39;&Eacute;tat, formul&eacute;e dans la section 2 du Livre I du <i>Capital</i>. La critique de l&#39;&eacute;conomie politique suppose la critique de l&#39;&Eacute;tat moderne, qui ne saurait &ecirc;tre un instrument &laquo;&nbsp;neutre&nbsp;&raquo;. Au fond, Lordon s&#39;attache &agrave; critiquer dans son ouvrage une &laquo;&nbsp;antipolitique&nbsp;&raquo; postmoderne, h&eacute;riti&egrave;re de Nietzsche, Heidegger, etc., mais il ne s&#39;interroge pas sur la possibilit&eacute; d&#39;une antipolitique marxienne. D&#39;o&ugrave; la dimension tronqu&eacute;e de sa d&eacute;marche. Le penseur Robert Kurz exprimera clairement la possibilit&eacute; de cette antipolitique marxienne&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">&Eacute;tant donn&eacute; que les marchandises ne peuvent pas &ecirc;tre elles-m&ecirc;mes des &quot;sujets&quot; et que par cons&eacute;quent, dans cette &quot;socialisation sans soci&eacute;t&eacute;&quot; (en soi absurde),&nbsp; les individus doivent cependant, de mani&egrave;re seconde, avoir des relations les uns avec les autres de mani&egrave;re directe, il a &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaire que se diff&eacute;rencie le subsyst&egrave;me de &quot;la politique&quot;, dans lequel s&rsquo;&eacute;tablissent de mani&egrave;re seconde ces relations directes. C&rsquo;est justement &agrave; cause du degr&eacute; sup&eacute;rieur de socialisation, d&eacute;termin&eacute; par cette s&eacute;paration et par cette absence de relations plus grandes des hommes qui, dans leurs rapports avec la nature, n&rsquo;entretiennent plus de relations qu&rsquo;indirectement, qu&rsquo;appara&icirc;t un&nbsp;<i>besoin de r&eacute;gulation</i>&nbsp;plus diversifi&eacute;, qui est d&eacute;volu &agrave; cette sph&egrave;re diff&eacute;renci&eacute;e nomm&eacute;e &quot;la politique&nbsp;&quot;<a href="#_ftn20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[20]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">&nbsp;Kurz ajoute&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">L&rsquo;espace institutionnel de la sph&egrave;re fonctionnelle (premi&egrave;re, indirecte) nomm&eacute;e &quot;&eacute;conomie&quot; est le march&eacute;&nbsp;; l&rsquo;espace institutionnel de la sph&egrave;re fonctionnelle (seconde, directe) nomm&eacute;e &quot;politique&quot; est l&rsquo;&Eacute;tat. Ainsi, dans la constitution f&eacute;tichiste moderne, l&rsquo;&Eacute;tat est quelque chose de compl&egrave;tement diff&eacute;rent de ce qu&rsquo;il &eacute;tait dans les soci&eacute;t&eacute;s pr&eacute;-modernes, au m&ecirc;me titre que les autres cat&eacute;gories, que l&rsquo;on ontologise &agrave; tort. L&rsquo;appareil de l&rsquo;&Eacute;tat ex&eacute;cute les fonctions de r&eacute;gulation de la production de marchandises en ce qu&rsquo;elle est totalis&eacute;e (droit, logistique et infrastructure, relations ext&eacute;rieures, etc.), et pour cela, ses d&eacute;cisions doivent suivre un &quot;processus politique&quot; et doivent, d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, passer par la sph&egrave;re concern&eacute;e. Dans l&rsquo;ensemble, on peut dire que la totalit&eacute; abstraite ne se pr&eacute;sente plus, en tant que totalit&eacute; abstraite, comme une bu&eacute;e pos&eacute;e sur la soci&eacute;t&eacute;, mais comme totalit&eacute; m&eacute;diatis&eacute;e, elle se distribue entre espace priv&eacute; et espace public, march&eacute; et &Eacute;tat, argent et pouvoir, c&rsquo;est-&agrave;-dire droit, &eacute;conomie et politique<a href="#_ftn21" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[21]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">C&#39;est peut-&ecirc;tre le souhait de quelque &laquo;&nbsp;retour&nbsp;&raquo; de l&#39;&Eacute;tat &laquo;&nbsp;au service&nbsp;&raquo; du &laquo;&nbsp;peuple&nbsp;&raquo; que formule implicitement Lordon, qui n&#39;h&eacute;site pas &agrave; formuler parfois des propositions keyn&eacute;siennes. Mais ici, il va d&eacute;velopper une forme d&#39;id&eacute;ologie hybride, entre keyn&eacute;sianisme, protectionnisme et l&eacute;ninisme, qui donne &agrave; penser, et qui traduit une certaine confusion politique actuelle de la &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">M&eacute;lenchon et L&eacute;nine &nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon, parce qu&#39;il critique l&#39;antipolitique postmoderne, souhaite finalement, d&#39;une certaine mani&egrave;re, se &laquo;&nbsp;salir les mains&nbsp;&raquo;, et indiquer des directions concr&egrave;tes en ce qui concerne la politique &laquo;&nbsp;ordinaire&nbsp;&raquo;, la politique institu&eacute;e et &eacute;tatique, la politique des politiciens.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon imagine ce qui se passerait si la <i>France insoumise</i> arrivait au pouvoir. On ne saurait dire d&#39;embl&eacute;e s&#39;il formule ici un d&eacute;sir, ou s&#39;il propose une simple exp&eacute;rience de pens&eacute;e. Mais ses rapprochements avec Ruffin, ses fr&eacute;quentes propositions r&eacute;gulationnistes ou keyn&eacute;siennes, son attachement &agrave; la souverainet&eacute; nationale, pourraient effectivement le rapprocher de l&#39;altercapitalisme d&#39;un M&eacute;lenchon. Lordon imagine que M&eacute;lenchon ne pourrait tout simplement pas exercer sa politique, et ce m&ecirc;me &agrave; court terme, &agrave; cause d&#39;une pression financi&egrave;re, polici&egrave;re, et m&ecirc;me m&eacute;diatique, continue.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon pose alors la question de l&#39;insurrection qui viendrait accompagner l&#39;arriv&eacute;e de la &laquo;&nbsp;gauche&nbsp;&raquo; au pouvoir&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans les conditions de raidissement normatif du capital jusqu&#39;&agrave; l&#39;intransigeance extr&ecirc;me apr&egrave;s trois d&eacute;cennies d&#39;avanc&eacute;es ininterrompues, une exp&eacute;rience gouvernementale de gauche n&#39;a que le choix de s&#39;affaler ou de passer dans un autre r&eacute;gime de l&#39;affrontement &ndash; in&eacute;vitablement command&eacute; par la mont&eacute;e en intensit&eacute; de ce dernier, mont&eacute;e dont le niveau est<i> fix&eacute; par les forces du capital</i><a href="#_ftn22" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[22]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">M&eacute;lenchon au pouvoir, cela supposerait un soul&egrave;vement des &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; qui viendrait soutenir son projet &laquo;&nbsp;radical&nbsp;&raquo;. On pourrait r&eacute;torquer que M&eacute;lenchon ne propose rien de plus qu&#39;un banal protectionnisme, dans le cadre d&#39;une &eacute;conomie marchande nationale &laquo;&nbsp;pr&eacute;serv&eacute;e&nbsp;&raquo;, et que son seul souhait est le retour &agrave; un interventionnisme d&#39;&Eacute;tat r&eacute;gulant de fa&ccedil;on plus &laquo;&nbsp;humaine&nbsp;&raquo; le capitalisme national. M&eacute;lenchon n&#39;est pas le repr&eacute;sentant &eacute;minent d&#39;une gauche r&eacute;volutionnaire, et ne promet pas sp&eacute;cialement le &laquo;&nbsp;Grand Soir&nbsp;&raquo;. Cet amalgame entre l&#39;arriv&eacute;e au pouvoir de M&eacute;lenchon et l&#39;id&eacute;e presque fantasm&eacute;e d&#39;un &laquo;&nbsp;Grand soir&nbsp;&raquo; soudain a donc de quoi surprendre, et semble relever d&#39;une forme de confusion id&eacute;ologique singuli&egrave;re. Cela &eacute;tant, une telle confusion &eacute;claire tr&egrave;s pr&eacute;cis&eacute;ment l&#39;id&eacute;ologie lordonienne&nbsp;: constamment, il m&eacute;nage un espace pour la voie r&eacute;formiste, protectionniste, et nationaliste, tout en pr&eacute;tendant d&eacute;fendre une issue &laquo;&nbsp;communiste&nbsp;&raquo; (cf. chapitre III de <i>Capitalisme, d&eacute;sir et servitude</i>), des pratiques insurrectionnalistes, des soul&egrave;vements populaires d&#39;ampleur, etc. Au fond, il voudrait mettre son &laquo;&nbsp;Grand soir&nbsp;&raquo;&nbsp; au service d&#39;un interventionnisme d&#39;&Eacute;tat r&eacute;gulant une &eacute;conomie productive nationale plus &laquo;&nbsp;saine&nbsp;&raquo;. Le mot &laquo;&nbsp;communisme&nbsp;&raquo; est un mot couvert chez lui (et d&eacute;voy&eacute;), qui ne traduit pas d&#39;autre r&eacute;alit&eacute;. D&#39;autant plus que son &laquo;&nbsp;inter-nationalisme&nbsp;&raquo; n&#39;est qu&#39;un principe flou sous sa plume, qui n&#39;a pas de r&eacute;elle teneur. En outre, si l&#39;enjeu premier est la d&eacute;fense de la force de travail nationale fran&ccedil;aise, comment imaginer une remise en cause effective de la division internationale du travail, dans la mesure o&ugrave; la France demeure une puissance &eacute;conomique majeure, qui entretient aujourd&#39;hui encore des tutelles n&eacute;ocoloniales, et un imp&eacute;rialisme d&#39;exclusion (&agrave; ce sujet, le point de vue de Lordon, d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;, &agrave; propos de la question des migrants, est &eacute;loquent).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Certes, la contradiction est plus importante qu&#39;il n&#39;y para&icirc;t&nbsp;: Lordon d&eacute;fend des politiques n&eacute;o-keyn&eacute;siennes, mais il d&eacute;fend aussi, ponctuellement, l&#39;abolition du march&eacute; et de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e. Comment comprendre cette contradiction apparente&nbsp;? On pourrait expliciter cette ambivalence effective en la resituant dans le cadre d&#39;une strat&eacute;gie transitionniste d&eacute;termin&eacute;e&nbsp;: la r&eacute;gulation keyn&eacute;sienne du capitalisme national serait susceptible de remettre en cause, progressivement, les institutions juridiques et politiques bourgeoises, jusqu&#39;&agrave; leur &eacute;ventuelle abolition. En jouant sur la fiscalit&eacute;, la r&eacute;gulation de la finance, la redistribution, on menacerait progressivement le patrimoine et la propri&eacute;t&eacute; bourgeois. R&eacute;formisme et &laquo;&nbsp;r&eacute;volution&nbsp;&raquo;, keyn&eacute;sianisme et &laquo;&nbsp;marxisme&nbsp;&raquo; tronqu&eacute;, pourraient ainsi coexister &agrave; l&#39;int&eacute;rieur d&#39;une m&ecirc;me id&eacute;ologie, globalement autoritaire.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans la foul&eacute;e, donc, Lordon va &eacute;voquer le &laquo;&nbsp;point L&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;L&nbsp;&raquo; pour L&eacute;nine. L&#39;arriv&eacute;e au pouvoir de M&eacute;lenchon engagerait des pratiques d&#39;ordre l&eacute;niniste. Dans un cadre m&eacute;lenchonien, cela signifie&nbsp;: &laquo;&nbsp;r&eacute;instauration flash d&#39;un contr&ocirc;le des capitaux, sortie de l&#39;euro, donc reprise en main imm&eacute;diate de la Banque de France, mais aussi nationalisation des banques par simple saisie, et surtout suspension, voire expropriation, des m&eacute;dias sous contr&ocirc;le du capital &raquo;<a href="#_ftn23" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[23]</span></span></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Puis Lordon encha&icirc;ne sur L&eacute;nine, et sur la d&eacute;fense d&#39;une forme de marxisme autoritaire&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Il suffit sans doute de dire ces choses pour apercevoir dans quel univers nous fait basculer le franchissement du point L. D&#39;aucuns diraient qu&#39;il s&#39;agit d&#39;un univers du type &quot;dictature du prol&eacute;tariat&quot;. Aux r&eacute;serves pr&egrave;s quant &agrave; la signification du mot &quot;prol&eacute;tariat&quot;, ce ne serait pas faux. Il suffira de se rappeler en quels termes L&eacute;nine la d&eacute;finissait&nbsp;: la d&eacute;mocratie, en principe, c&#39;est la loi de la majorit&eacute;, donc la dictature de la majorit&eacute; (puisqu&#39;elle impose ses vues &agrave; la minorit&eacute;), et il se trouve au surplus que, dans les institutions distordues qu&#39;elle se donne dans l&#39;ordre capitaliste, la dictature d&eacute;mocratique ne fonctionne qu&#39;au profit de la minorit&eacute; (du capital). La dictature du prol&eacute;tariat, ou la dictature de la majorit&eacute;, n&#39;est donc rien d&#39;autre que la &quot;d&eacute;mocratie&quot; ramen&eacute;e &agrave; son concept<a href="#_ftn24" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[24]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La confusion entre le m&eacute;lenchonisme et le l&eacute;ninisme a de quoi laisser songeur. Le cadre id&eacute;ologique d&#39;un M&eacute;lenchon reste le keyn&eacute;sianisme, le r&eacute;formisme nationaliste, l&agrave; o&ugrave; le cadre l&eacute;niniste se veut anticapitaliste, r&eacute;volutionnaire, et au moins en principe, internationaliste. On a d&eacute;j&agrave; tent&eacute; de montrer comment un r&eacute;formisme r&eacute;gulationniste et un &laquo;&nbsp;marxisme&nbsp;&raquo; tronqu&eacute; pouvaient s&#39;articuler, dans le contexte d&#39;une strat&eacute;gie transitionniste d&eacute;termin&eacute;e. Par ailleurs, l&#39;articulation lordonienne d&#39;un capitalisme d&#39;&Eacute;tat r&eacute;gul&eacute; et du l&eacute;ninisme peut &eacute;clairer en partie le l&eacute;ninisme, et surtout ses suites. Des oppositions communistes et anarchistes au Parti bolchevik ont assez t&ocirc;t parl&eacute; de &laquo;&nbsp;capitalisme d&#39;&Eacute;tat&nbsp;&raquo; pour d&eacute;crire la situation post-r&eacute;volutionnaire &agrave; l&#39;est. La dimension autoritaire, bureaucratique, et m&ecirc;me nationaliste et protectionniste du &laquo;&nbsp;socialisme r&eacute;el&nbsp;&raquo; est bien &eacute;loign&eacute;e du communisme authentique, qui a aboli toutes les formes de m&eacute;diations f&eacute;tichistes, &eacute;conomiques et politiques. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment, en ce qui concerne l&#39;URSS, le th&eacute;oricien Robert Kurz &eacute;voque une v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;modernisation de rattrapage&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn25" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[25]</span></span></a><span arial="" style="font-family:">. L&#39;URSS n&#39;aurait &eacute;t&eacute; qu&#39;une variante de la soci&eacute;t&eacute; mondiale de la marchandise. Selon Kurz, la &laquo;&nbsp;modernisation de rattrapage&nbsp;&raquo; serait l&#39;introduction par l&#39;&Eacute;tat des m&eacute;canismes de base de la production marchande, dans un pays arri&eacute;r&eacute; qui autrement n&#39;aurait jamais pu devenir une partie autonome du march&eacute; mondial. Il s&#39;agissait de mettre en place un nouveau syst&egrave;me de production de marchandises, et de remplacer des rapports sociaux pr&eacute;modernes par la mon&eacute;tarisation et l&#39;&eacute;conomicisation de toutes les relations sociales. En URSS, <span style="color:#111111">les cat&eacute;gories centrales du capitalisme (marchandise, valeur, travail, argent) n&rsquo;y &eacute;taient pas du tout abolies. On pr&eacute;tendait seulement les g&eacute;rer &laquo;&nbsp;mieux&nbsp;&raquo;, au &laquo;&nbsp;service des travailleurs&nbsp;&raquo;. Dans ce contexte, en 1989-91, ce ne serait pas une &laquo;&nbsp;alternative au capitalisme&nbsp;&raquo; qui se serait effondr&eacute;e, mais plut&ocirc;t le maillon le plus faible de ce syst&egrave;me. L&#39;effondrement de l&#39;URSS participerait de l&#39;effondrement plus global du syst&egrave;me capitaliste mondial.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#111111">On pourrait certes pr&eacute;tendre qu&#39;on a affaire &agrave; une &laquo;&nbsp;r&eacute;volution trahie&nbsp;&raquo;, et que le l&eacute;ninisme poss&eacute;derait une forme de &laquo;&nbsp;puret&eacute; r&eacute;volutionnaire&nbsp;&raquo; que le &laquo;&nbsp;capitalisme d&#39;&Eacute;tat&nbsp;&raquo; aurait subvertie. Pourtant, on retrouve dans les textes de L&eacute;nine cette tendance &agrave; projeter des cat&eacute;gories capitalistes, productivistes, et marchandes dans sa vision d&#39;une soci&eacute;t&eacute; future, et un fort attachement &agrave; la valeur-travail.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#111111">En mai 1918, dans son texte &laquo; Sur l&rsquo;infantilisme <span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">&quot;</span></span><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#111111">de gauche&quot; et les id&eacute;es petites bourgeoises&nbsp;&raquo;, L&eacute;nine dira&nbsp;:</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Le capitalisme d&#39;&Eacute;tat est, au point de vue &eacute;conomique, infiniment sup&eacute;rieur &agrave; notre &eacute;conomie actuelle. C&#39;est l&agrave; un premier point. Ensuite, il ne contient rien que le pouvoir des Soviets doive redouter, car l&#39;&Eacute;tat sovi&eacute;tique est un &Eacute;tat dans lequel le pouvoir des ouvriers et des pauvres est assur&eacute;. [&hellip;] Pour &eacute;claircir encore plus la question, donnons avant tout un exemple tr&egrave;s concret de capitalisme d&#39;&Eacute;tat. Tout le monde sait quel est cet exemple: l&#39;Allemagne. Nous trouvons dans ce pays le &quot;dernier mot&quot; de la technique moderne du grand capitalisme et de l&#39;organisation m&eacute;thodique au service de l&#39;imp&eacute;rialisme des bourgeois et des junkers. Supprimez les mots soulign&eacute;s, remplacez l&#39;&Eacute;tat militaire, l&#39;&Eacute;tat des junkers, l&#39;&Eacute;tat bourgeois et imp&eacute;rialiste, par un autre &Eacute;tat, mais un &Eacute;tat de type social diff&eacute;rent, ayant un autre contenu de classe, par l&#39;&Eacute;tat sovi&eacute;tique, c&#39;est &agrave; dire prol&eacute;tarien, et vous obtiendrez tout l&#39;ensemble de conditions qui donne le socialisme. Le socialisme est impossible sans la technique du grand capitalisme, con&ccedil;ue d&#39;apr&egrave;s le dernier mot de la science la plus moderne, sans une organisation d&#39;&Eacute;tat m&eacute;thodique qui ordonne des dizaines de millions d&#39;hommes &agrave; l&#39;observation la plus rigoureuse d&#39;une norme unique dans la production et la r&eacute;partition des produits.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">On peut ajouter &agrave; cela deux extraits du texte de L&eacute;nine <i>Les t&acirc;ches imm&eacute;diates du pouvoir des Soviets</i>, publi&eacute; le 28 avril 1918 dans le n&deg; 83 de la <i>Pravda</i> et dans le Suppl&eacute;ment au journal <i>Izvestia</i> <i>du Comit&eacute; ex&eacute;cutif central de Russie</i>, n&deg;85 :</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Tiens tes comptes avec soin et conscience, r&egrave;gle sagement tes d&eacute;penses, ne te laisse pas aller &agrave; la fain&eacute;antise, ne vole pas, observe la plus stricte discipline dans le travail, ces mots d&#39;ordre raill&eacute;s avec raison par les prol&eacute;taires r&eacute;volutionnaires alors que la bourgeoisie tentait par ces propos de camoufler sa domination de classe d&#39;exploiteurs, deviennent aujourd&#39;hui, apr&egrave;s le renversement de la bourgeoisie, les principaux mots d&#39;ordre de l&#39;heure &raquo; [&hellip;] &laquo; Quant &agrave; la seconde question, l&#39;importance d&#39;un pouvoir dictatorial personnel du point de vue des t&acirc;ches sp&eacute;cifiques de l&#39;heure, il faut dire que toute grande industrie m&eacute;canique, qui constitue justement la source et la base mat&eacute;rielle de production du socialisme, exige une unit&eacute; de volont&eacute; rigoureuse, absolue, r&eacute;glant le travail commun de centaines, de milliers et de dizaines de milliers d&#39;hommes. Sur le plan technique, &eacute;conomique et historique, cette n&eacute;cessit&eacute; est &eacute;vidente, et tous ceux qui ont m&eacute;dit&eacute; sur le socialisme l&#39;ont toujours reconnue comme une de ses conditions. Mais comment une rigoureuse unit&eacute; de volont&eacute; peut-elle &ecirc;tre assur&eacute;e ? Par la soumission de la volont&eacute; de milliers de gens &agrave; celle d&#39;une seule personne. Cette soumission rappellera plut&ocirc;t la direction d&eacute;licate d&#39;un chef d&#39;orchestre, si ceux qui participent au travail commun sont parfaitement conscients et disciplin&eacute;s. Elle peut rev&ecirc;tir des formes tranch&eacute;es, dictatoriales, si la parfaite discipline et la conscience font d&eacute;faut. Mais, de toute fa&ccedil;on, la soumission sans r&eacute;serve &agrave; une volont&eacute; unique est absolument indispensable pour le succ&egrave;s d&#39;un travail organis&eacute; sur le mod&egrave;le de la grande industrie m&eacute;canique.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Apr&egrave;s ces pr&eacute;cisions, on comprend un peu mieux l&agrave; o&ugrave; Lordon voudrait nous entra&icirc;ner. Il t&acirc;che au fond de m&eacute;nager un espace de rencontre entre un interventionnisme d&#39;&Eacute;tat keyn&eacute;sien altercapitaliste, et un pseudo-socialisme l&eacute;niniste, qui aurait le m&eacute;rite de soulever les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; (vers une direction, finalement, &eacute;minemment productiviste). On peut dire que sa confusion est aussi porteuse de sens, puisque dans les deux cas, la soci&eacute;t&eacute; dite &laquo;&nbsp;&eacute;mancip&eacute;e&nbsp;&raquo; aura inject&eacute; des structures &eacute;minemment capitalistes dans son projet. Et c&#39;est ici qu&#39;on cerne mieux la position lordonienne. Il remet en cause <i>certaines</i> institutions actuelles (salariat, propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e, institutions &laquo;&nbsp;n&eacute;olib&eacute;rales&nbsp;&raquo;), mais il maintient la &laquo;&nbsp;n&eacute;cessit&eacute;&nbsp;&raquo; de conserver des institutions qui sont encore issues de cette modernit&eacute; capitaliste. Son recours &agrave; Spinoza lui permet au fond de d&eacute;finir certaines bases politiques et socio-&eacute;conomiques tr&egrave;s modernes comme &eacute;tant transhistoriques, pour mieux les projeter dans un post-capitalisme fantasm&eacute;, qui ne sera jamais qu&#39;un capitalisme d&#39;Etat remani&eacute;.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">En identifiant le capitalisme simplement &agrave; la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e et au march&eacute;, Lordon au fond projette dans son &laquo;&nbsp;communisme&nbsp;&raquo; la cat&eacute;gorie du travail et le mode de production industriel caract&eacute;ristique du capitalisme.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">On peut aussi noter que Lordon est doublement anachronique&nbsp;: s&#39;il s&#39;agit de d&eacute;fendre une politique keyn&eacute;sienne, la crise des ann&eacute;es 1970 doit nous rappeler qu&#39;aucun &laquo;&nbsp;retour&nbsp;&raquo; en arri&egrave;re n&#39;est possible aujourd&#39;hui&nbsp;; s&#39;il s&#39;agit de d&eacute;fendre une strat&eacute;gie l&eacute;niniste, on oublie alors que le contexte russe de &laquo;&nbsp;modernisation de rattrapage&nbsp;&raquo; n&#39;a plus aucun rapport avec la r&eacute;alit&eacute; fran&ccedil;aise actuelle.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">On pourrait finalement critiquer la dimension tendanciellement avant-gardiste de la d&eacute;marche. L&#39;&eacute;lite r&eacute;volutionnaire &laquo;&nbsp;&eacute;clair&eacute;e&nbsp;&raquo; (qui avec Lordon viendrait proposerait ses &laquo;&nbsp;expertises&nbsp;&raquo; sur les modalit&eacute;s de la sortie de l&#39;euro, de la nationalisation des banques, etc.) a finalement un rapport avec les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; (ou avec ce que Spinoza appelle parfois la &laquo;&nbsp;pl&egrave;be&nbsp;&raquo;) assez probl&eacute;matique. Une d&eacute;rive autoritaire n&#39;est pas impossible. Et ici, c&#39;est la figure du &laquo;&nbsp;sage&nbsp;&raquo; de Spinoza qui pourrait m&ecirc;me resurgir. Lordon pourrait finalement assumer la fonction aristocratique du &laquo;&nbsp;sage&nbsp;&raquo; spinoziste, d&eacute;pourvu d&#39;affects passifs, et qui conceptualise les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; dans la mesure o&ugrave; il s&#39;en exclut aussi subtilement.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Lordon insiste sur le &laquo;&nbsp;nombre&nbsp;&raquo;, qui permet &eacute;galement d&#39;&eacute;viter une &laquo;&nbsp;guerre civile&nbsp;&raquo; selon lui. Il dira aussi, assumant clairement un l&eacute;ninisme strat&eacute;gique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour qu&#39;il [M&eacute;lenchon] ne puisse pas faire retraite sur des <span arial="" style="font-family:"><span style="color:#111111">&quot;</span></span><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">positions pr&eacute;par&eacute;es &agrave; l&#39;avance</span></span><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#111111">&quot;</span></span><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">, il faut que le nombre ne lui laisse pas d&#39;autre choix que d&#39;avancer vers le point L, et de le franchir&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn26" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:#1d2129">[26]</span></span></a>. Mais de telles &laquo;&nbsp;positions pr&eacute;par&eacute;es &agrave; l&#39;avance&nbsp;&raquo;, le th&eacute;oricien sp&eacute;cialis&eacute; Lordon n&#39;est-il pas en train de les d&eacute;terminer &laquo;&nbsp;conceptuellement&nbsp;&raquo;&nbsp;? Parce qu&#39;il manque d&#39;auto-r&eacute;flexivit&eacute; et d&#39;auto-critique pratique en tant que th&eacute;oricien &laquo;&nbsp;radical&nbsp;&raquo;, Lordon pourrait s&#39;imposer comme &laquo;&nbsp;expert de la r&eacute;volution&nbsp;&raquo;, sans jamais vraiment l&#39;assumer, soulignant ainsi, &eacute;galement, les apories du l&eacute;ninisme.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Certes, il faut reconna&icirc;tre que plus loin, Lordon reconna&icirc;tra &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;chec&nbsp;&raquo; de la r&eacute;volution de 1917 (que m&eacute;ditera finalement la R&eacute;volution culturelle chinoise, elle-m&ecirc;me mise en &eacute;chec, selon lui). Mais on doit reconna&icirc;tre aussi que le &laquo;&nbsp;post-capitalisme&nbsp;&raquo; qu&#39;il projette, au fond, se distingue assez peu d&#39;un &laquo;&nbsp;capitalisme d&#39;&Eacute;tat&nbsp;&raquo; qui r&eacute;ussirait &laquo;&nbsp;enfin&nbsp;&raquo;. Il ne reproche pas tant &agrave; L&eacute;nine son id&eacute;ologie productiviste, industrialiste, ou travailliste. C&#39;est surtout une d&eacute;route strat&eacute;gique du l&eacute;ninisme qu&#39;il semble d&eacute;plorer.</span></span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Sortir de l&rsquo;&eacute;conomie&nbsp;?</span></span></span></h2> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">De quelle mani&egrave;re Lordon manque le Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Lordon s&#39;oppose &agrave; l&#39;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo;, qu&#39;il juge absurde. Il dira&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Cependant, les probl&egrave;mes surgissent sit&ocirc;t que le mot &quot;&eacute;conomie&quot; semble recevoir une surface autrement plus grande que &quot;notre &eacute;conomie n&eacute;olib&eacute;rale&quot;. Que faut-il entendre alors par &quot;&eacute;conomie&quot;&nbsp;? J&#39;indique ma propre d&eacute;finition [&hellip;]&nbsp;: j&#39;appelle &quot;&eacute;conomie&quot; l&#39;ensemble des rapports sociaux sous lesquels s&#39;organise la reproduction mat&eacute;rielle collective. Il est assez &eacute;vident que, sous cette d&eacute;finition, l&#39;id&eacute;e de &quot;sortir de l&#39;&eacute;conomie&quot; n&#39;a rigoureusement aucun sens &ndash; comment serait-il possible aux individus de s&#39;abstraire des r&eacute;quisits de leur reproduction mat&eacute;rielle&nbsp;?&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Le probl&egrave;me avec Lordon, c&#39;est qu&#39;il identifie l&#39;id&eacute;ologie du &laquo;&nbsp;vivre sans&nbsp;&raquo; aux courants postmodernes. De ce fait, il peut identifier le projet de &laquo;&nbsp;sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; &agrave; l&#39;intention &laquo;&nbsp;destituante&nbsp;&raquo; d&#39;un Agamben. On l&#39;a vu, cette id&eacute;ologie postmoderne est plus proche d&#39;un Heidegger (et de ses hypostases &eacute;difiantes et asociales) que d&#39;un mat&eacute;rialisme historique cons&eacute;quent et coh&eacute;rent.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:#1d2129">Au d&eacute;but de son ouvrage, pour distinguer deux plans d&#39;analyse qu&#39;il d&eacute;veloppe lui-m&ecirc;me, Lordon reconna&icirc;t qu&#39;il existe un Marx &laquo;&nbsp;exot&eacute;rique&nbsp;&raquo; (le Marx des descriptions empiriques et historiques) et un Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo; (qu&#39;il qualifie de &laquo;&nbsp;philosophique&nbsp;&raquo;, et qui concernerait la rupture de la th&eacute;orie critique). Mais il fait abstraction des auteurs marxiens qui ont r&eacute;ellement d&eacute;velopp&eacute; cette distinction. Le marxiste Roman Rosdolsky d&#39;abord, qui dira&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Mais Karl Marx fut un enfant de son temps, malgr&eacute; toute sa g&eacute;nialit&eacute;, qui fut soumis &agrave; l&rsquo;influence des faits empiriques et des habitudes de pens&eacute;e de son temps. &Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de son syst&egrave;me, nous devons diff&eacute;rencier des raisonnements ayant chacun une port&eacute;e et un poids th&eacute;orique variables. En ce sens, on peut tout &agrave; fait parler d&rsquo;un Marx &eacute;sot&eacute;rique et d&rsquo;un Marx exot&eacute;rique &ndash; au sens o&ugrave; nous voulons comprendre la diff&eacute;rence entre la th&eacute;orie originale et les conclusions et projections d&eacute;riv&eacute;es. Il est clair que la premi&egrave;re peut conserver sa compl&egrave;te validit&eacute;, m&ecirc;me si les secondes devaient s&rsquo;av&eacute;rer &ecirc;tre pr&eacute;matur&eacute;es ou d&eacute;pass&eacute;es. Et il est clair qu&rsquo;une utilisation fructueuse de la th&eacute;orie marxienne n&rsquo;est possible que si l&rsquo;on distingue les &eacute;l&eacute;ments &eacute;sot&eacute;riques des &eacute;l&eacute;ments exot&eacute;riques, et que si l&rsquo;on sait bien s&eacute;parer ce qui est historiquement d&eacute;termin&eacute; et ce qui reste encore valable dans le syst&egrave;me marxien<a href="#_ftn27" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[27]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La <i>Wertkritik</i>, en Allemagne (en particulier Kurz), indiquera que le Marx &laquo;&nbsp;exot&eacute;rique&nbsp;&raquo; est celui qui d&eacute;crit empiriquement la phase ascendante du capitalisme de son &eacute;poque, les rapports circonstanci&eacute;s entre les classes, les rapports de distributions des cat&eacute;gories capitalistes&nbsp;; l&agrave; o&ugrave; le Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo; critiquerait les fondements m&ecirc;mes du capitalisme, les cat&eacute;gories de base du capitalisme elles-m&ecirc;mes (marchandise, travail abstrait, argent, valeur), vers leur abolition (en particulier dans le chapitre 1 du <i>Capital</i>, et dans certains chapitres de <i>Grundrisse</i>). &Agrave; ce sujet, on pourra aussi se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; l&#39;ouvrage d&#39;Anselm Jappe, <i>Les aventures de la marchandise</i>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Or, Lordon &eacute;voque en passant ce Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, mais pas un seconde il ne s&#39;attache &agrave; la th&eacute;orie critique qui mobilise cette dimension marxienne. Sa d&eacute;marche &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, qui est aussi une d&eacute;marche onto-anthropologique (attach&eacute;e &agrave; la notion de &laquo;&nbsp;nature humaine&nbsp;&raquo;), est davantage spinoziste que marxienne. On a d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute; les limites de la tactique spinoziste de Lordon (essentialisations, g&eacute;n&eacute;ralisations, d&eacute;contextualisation).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Pr&eacute;cis&eacute;ment, si l&#39;on s&#39;attachait &agrave; comprendre les enjeux de ce Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, on comprendrait que le projet de &laquo;&nbsp;sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; n&#39;est pas si absurde, m&ecirc;me dans un cadre mat&eacute;rialiste. Lordon choisit habilement ses ennemis (postmodernes) pour les discr&eacute;diter ais&eacute;ment, mais il ne se confronte pas &agrave; un autre discours, marxien et plus cons&eacute;quent, qui pr&eacute;cis&eacute;ment pourrait remettre en cause cette id&eacute;e que &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; en tant que telle est ind&eacute;passable.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans le sous-chapitre du chapitre 1 du <i>Capital </i>consacr&eacute; au &laquo;&nbsp;f&eacute;tichisme de la marchandise&nbsp;&raquo;, Marx dira&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">D&#39;o&ugrave; provient donc le caract&egrave;re &eacute;nigmatique du produit du travail d&egrave;s qu&#39;il prend la forme marchandise ? Manifestement de cette forme m&ecirc;me. L&#39;identit&eacute; des travaux humains prend la forme mat&eacute;rielle de l&#39;objectivit&eacute; de valeur identique des produits du travail. La mesure de la d&eacute;pense de force de travail humaine par sa dur&eacute;e prend la forme de grandeur de valeur des produits du travail. Enfin les rapports des producteurs dans lesquels sont pratiqu&eacute;es ces d&eacute;terminations sociales de leurs travaux prennent la forme d&#39;un rapport social entre les produits du travail<a href="#_ftn28" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[28]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La forme marchandise, qui est la forme &eacute;l&eacute;mentaire de la richesse capitaliste, n&#39;est donc pas un donn&eacute; &eacute;vident et naturel&nbsp;: elle est une &eacute;nigme, qu&#39;il faut savoir d&eacute;chiffrer, &agrave; la mani&egrave;re d&#39;un hi&eacute;roglyphe, et&nbsp; qui renvoie &agrave; une v&eacute;ritable aberration, &agrave; une v&eacute;ritable inversion entre moyen et fin, entre abstrait et concret. Le &laquo;&nbsp;travail abstrait&nbsp;&raquo;, c&#39;est-&agrave;-dire un travail en lequel on fait abstraction de tout contenu concret de l&#39;activit&eacute;, devient la substance de la valeur, quoique cela se fasse dans le dos des individus, sans qu&#39;ils en aient conscience. Le &laquo;&nbsp;temps de travail socialement n&eacute;cessaire&nbsp;&raquo; d&eacute;termine la grandeur de la valeur, de fa&ccedil;on tout aussi automatis&eacute;e et inconsciente. C&#39;est dans ce contexte inconscient et quasi-automatis&eacute; que les rapports des producteurs &laquo;&nbsp;prennent la forme d&#39;un rapport social entre les produits du travail&nbsp;&raquo; (inversion r&eacute;elle).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Marx ajoutera&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">C&#39;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce genre de formes qui constituent les cat&eacute;gories de l&#39;&eacute;conomie bourgeoise. Ce sont des formes de pens&eacute;e qui ont une validit&eacute; sociale, et donc une objectivit&eacute;, pour les rapports de production de ce mode de production social historiquement d&eacute;termin&eacute; qu&#39;est la production marchande. Si donc nous nous en &eacute;chappons vers d&#39;autres formes de production, nous verrons dispara&icirc;tre instantan&eacute;ment tout le mysticisme du monde de la marchandise, tous les sortil&egrave;ges qui voilent d&#39;une brume fantomatique les produits du travail accompli sur la base de la production marchande<a href="#_ftn29" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[29]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Puis il dira plus loin&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">L&#39;&eacute;conomie politique a certes analys&eacute;, bien qu&#39;imparfaitement, la valeur et la grandeur de la valeur, et d&eacute;couvert le contenu cach&eacute; sous ces formes. Mais elle n&#39;a jamais pos&eacute; ne serait-ce que la simple question de savoir pourquoi ce contenu-ci prend cette forme-l&agrave;, et donc pourquoi le travail se repr&eacute;sente dans la valeur et pourquoi la mesure du travail par sa dur&eacute;e se repr&eacute;sente dans la grandeur de valeur du produit du travail. Des formules qui portent inscrit au front qu&#39;elles appartiennent &agrave; une formation sociale o&ugrave; c&#39;est le proc&egrave;s de production qui ma&icirc;trise les hommes, et pas encore l&#39;inverse, sont consid&eacute;r&eacute;es par sa conscience bourgeoise comme des n&eacute;cessit&eacute;s naturelles tout aussi &eacute;videntes que le travail productif lui-m&ecirc;me<a href="#_ftn30" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[30]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Ici, Marx d&eacute;finit clairement un programme de d&eacute;naturalisation des cat&eacute;gories de base de l&#39;&eacute;conomie capitaliste&nbsp;: marchandise, travail abstrait, valeur, argent (argent qui sera la manifestation empirique de cette valeur).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans le chapitre 3, Marx montrera plus pr&eacute;cis&eacute;ment que la circulation capitaliste est une circulation invers&eacute;e&nbsp;: A-M-A (argent-marchandise-davantage d&#39;argent)&nbsp;; c&#39;est l&#39;extraction d&#39;une survaleur qui permet cette augmentation de la valeur, dans la circulation capitaliste. Mais ce qui est le plus marquant dans cette formule, c&#39;est que l&#39;argent devient ici une fin en soi tautologique qui n&#39;appelle rien d&#39;autre qu&#39;elle-m&ecirc;me. L&#39;inversion entre moyen et fin, entre abstrait et concret, entre choses et individus, se cristallise &eacute;galement dans cette formule. L&#39;argent n&#39;est donc pas une cat&eacute;gorie neutre de toute &laquo;&nbsp;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; en g&eacute;n&eacute;ral, mais devient tr&egrave;s sp&eacute;cifique dans la modernit&eacute; capitaliste&nbsp;: l&#39;argent capitaliste, c&#39;est l&#39;argent comme fin en soi, l&#39;argent en tant qu&#39;argent, et s&#39;il s&#39;agit d&#39;abolir le capitalisme, il s&#39;agit bien d&#39;abolir cette forme de l&#39;argent.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">L&#39;&eacute;conomie, comme secteur s&eacute;par&eacute; et totalisant la vie sociale, qui synth&eacute;tise tous les autres sous-secteurs sp&eacute;cialis&eacute;s, est bien une sp&eacute;cificit&eacute; capitaliste, et elle se d&eacute;finit par le d&eacute;veloppement quasi-automatis&eacute; de ces cat&eacute;gories de base que Marx analyse d&egrave;s la premi&egrave;re section du <i>Capital</i>&nbsp;: marchandise, travail abstrait, valeur, argent. L&#39;&eacute;conomie, c&#39;est l&#39;inversion r&eacute;elle, la r&eacute;ification des individus au travail, et la personnalisation des objets produits. L&#39;&eacute;conomie, c&#39;est aussi le r&egrave;gne des &laquo;&nbsp;abstractions r&eacute;elles&nbsp;&raquo;, puisque ces cat&eacute;gories abstraites du capitalisme ont aussi des effets r&eacute;els, concrets, dans le monde de la production et de la circulation des marchandises.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">On constate donc que Lordon r&eacute;tro-projette la cat&eacute;gorie de &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; sur des moments pr&eacute;-modernes, pour mieux d&eacute;nigrer le mot d&#39;ordre &laquo;&nbsp;sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo;. C&#39;est qu&#39;il occulte compl&egrave;tement le Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, cat&eacute;goriel, qu&#39;il a pourtant &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment (p. 42). Son essentialisation pourra s&#39;appuyer sur une onto-anthropologie des affects, et sur l&#39;id&eacute;e spinoziste, &eacute;quivoque, de &laquo;&nbsp;nature humaine&nbsp;&raquo;. Il s&#39;est aussi choisi des ennemis taill&eacute;s &agrave; sa mesure (<i>Comit&eacute; invisible</i>, Agamben, etc.), qui sont plus heideggeriens qu&#39;autre chose, et qui laissent globalement tomber l&#39;h&eacute;ritage critique marxien. Et on pourra rappeler que la critique heideggerienne de &laquo;&nbsp;l&#39;&egrave;re de la technique&nbsp;&raquo;, du &laquo;&nbsp;dispositif&nbsp;&raquo;, ou de &laquo;&nbsp;l&#39;inauthenticit&eacute;&nbsp;&raquo;, ne d&eacute;veloppe que des hypostases &eacute;difiantes, des amalgames, qui ne s&#39;encombrent pas de descriptions empiriques pr&eacute;cises.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Concernant la critique marxienne de la naturalisation de &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo; en tant que telle, on peut aussi citer Cl&eacute;ment Homs. Il dira&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans la pens&eacute;e moderne ahistorique, bourgeoise et bas de plafond, l&rsquo;&eacute;tymologie des mots est une cl&eacute; pour mieux les d&eacute;finir. Plus on remonte aux racines &eacute;tymologiques du mot, plus on peut naturaliser la chose dont le mot est le signifiant. Les probl&egrave;mes de traduction sont g&eacute;n&eacute;ralement pass&eacute;s par-dessus bord et l&rsquo;on projette alors des significations modernes sur les racines &eacute;tymologiques d&rsquo;un mot, sans comprendre l&rsquo;&eacute;paisseur de leurs significations sociales pourtant intrins&egrave;quement li&eacute;es &agrave; un contexte de rapports sociaux historiquement situ&eacute;s dont &agrave; mon sens, on ne peut les arracher qu&rsquo;au prix d&#39;un anachronisme. Cette trag&eacute;die est celle du terme &quot;&eacute;conomie&quot;<a href="#_ftn31" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[31]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Puis, plus loin&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">&quot;L&rsquo;&eacute;conomie, qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;est ? Voyez l&rsquo;&eacute;tymologie grecque du mot <i>oikonomia</i> nous r&eacute;p&egrave;te-t-on !&quot;. Ainsi, pour d&eacute;finir ce mot, dans n&rsquo;importe quel dictionnaire contemporain on retrouve l&rsquo;id&eacute;e que ce terme est emprunt&eacute; au latin <i>oeconomia</i>, lui-m&ecirc;me emprunt&eacute; au grec ancien <em><span arial="" style="font-family:">&omicron;ἰ&kappa;&omicron;&nu;&omicron;&mu;ί&alpha;</span></em>, oikonom&iacute;a (&quot;gestion de la maison&quot;) form&eacute; des mots <em><span arial="" style="font-family:">&omicron;ἶ&kappa;&omicron;&sigmaf;</span></em>, <i>o&icirc;kos</i> (&quot;maison&quot;) et <em><span arial="" style="font-family:">&nu;ό&mu;&omicron;&sigmaf;</span></em>, <i>n&oacute;mos</i> (&quot;loi&quot;). Cette d&eacute;finition pr&eacute;suppose que l&rsquo;&eacute;conomique en tant que pratique, autrement dit la &quot;vie &eacute;conomique&quot;, est quelque chose de naturel, transhistorique et que dans toutes les cultures et soci&eacute;t&eacute;s humaines, il y aurait toujours eu des pratiques de ce type de &quot;gestion de sa maisonn&eacute;e familiale&quot;, o&ugrave; l&rsquo;on m&eacute;nage son bien, l&rsquo;on produit, l&rsquo;on &eacute;conomise, l&rsquo;on investit, l&rsquo;on &eacute;change, l&rsquo;on &eacute;pargne, l&rsquo;on r&eacute;pond &agrave; ses &quot;besoins&quot;, etc. Des pratiques o&ugrave; la logique de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t et la raison utilitaire auraient toujours structur&eacute; la vie quotidienne jusque dans la famille et plus largement l&rsquo;ensemble des rapports de parent&eacute;<a href="#_ftn32" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[32]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Contre cette r&eacute;troprojection anachronique, Cl&eacute;ment Homs pr&eacute;cisera&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Cependant, cette organisation de la vie sociale o&ugrave; les individus rentrent en rapport les uns les autres au travers de la production, de l&rsquo;&eacute;change et de la consommation de marchandises, et o&ugrave; l&rsquo;argent devient donc pr&eacute;pond&eacute;rant, n&rsquo;existe que comme la manifestation en tant que son support mat&eacute;rialis&eacute;, du mouvement tautologique de la valeur qui ne cherche qu&rsquo;&agrave; s&rsquo;accro&icirc;tre. L&rsquo;&eacute;conomie au sens h&eacute;rit&eacute; et transform&eacute; de la famille d&eacute;finitionnelle aristot&eacute;licienne, n&rsquo;est que la forme de vie sociale qu&rsquo;engendre, en tant que sa communaut&eacute; mat&eacute;rielle, le capital. Pour pouvoir triompher, c&rsquo;est-&agrave;-dire pour se valoriser au travers des individus qui ne sont que son support, le capital doit se soumettre la forme de vie sociale, et de l&#39;int&eacute;rieur, plier la force des individus &agrave; ses exigences, en faisant en sorte que les rapports sociaux s&rsquo;organisent structurellement autour de la production, de l&rsquo;&eacute;change et de la consommation de marchandises. Pour exister, le capital doit placer les individus dans une situation de survie-besoin, o&ugrave; il n&rsquo;y ait plus que le mouvement autonomis&eacute; des choses qui puisse constituer le pr&eacute;suppos&eacute; de l&rsquo;agir social. La nouvelle forme de vie sociale que le mouvement du capital constitue autour de lui, sa communaut&eacute; mat&eacute;rielle, c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;conomie, c&rsquo;est-&agrave;-dire un monde social-historique in&eacute;dit et non naturel et transhistorique. L&#39;&eacute;conomie, c&#39;est la communaut&eacute; mat&eacute;rielle du capital. La formation de cette communaut&eacute; mat&eacute;rielle s&rsquo;effectue en m&ecirc;me temps que le rapport social capitaliste constitu&eacute; par le r&ocirc;le socialement m&eacute;diatisant du travail (le travail abstrait) se r&eacute;ifie. Le capitalisme est donc bien plus qu&rsquo;un mode de production, c&rsquo;est une forme de vie sociale totalisante qui soumet &agrave; la vie &eacute;conomique l&rsquo;ensemble des autres formes anciennes de vie sociale<a href="#_ftn33" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[33]</span></span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon, au fond, en naturalisant la cat&eacute;gorie de &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo;, reproduit les illusions et les naturalisations des &eacute;conomistes bourgeois, que Marx critique dans son sous-chapitre consacr&eacute; au f&eacute;tichisme de la marchandise. L&#39;ennemi heidegg&eacute;rien qu&#39;il s&#39;est trouv&eacute; est fort ais&eacute; &agrave; d&eacute;monter, mais il est bien incapable de se confronter &agrave; la critique marxienne, laquelle soulignera toutes les incons&eacute;quences de sa pens&eacute;e hypostasi&eacute;e.&nbsp; </span></span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La focalisation lordonienne sur la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e et sur le mode distribution de la valeur</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon va aussi r&eacute;duire la question de l&#39;&eacute;conomie capitaliste &agrave; la question de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e. Il dira&nbsp;: &laquo;&nbsp;s&#39;il y a un &laquo;&nbsp;vivre sans&nbsp;&raquo;&nbsp; auquel je souscrirais sans r&eacute;serve, il est l&agrave;&nbsp;: vivre sans propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e (des moyens de production, &eacute;videmment)&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn34" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[34]</span></span></a>.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Au fond, ce que manque Lordon, c&#39;est une critique de la production capitaliste en tant que telle (en manquant &eacute;galement la critique du travail abstrait). Il a une d&eacute;finition circulationniste du capitalisme, &agrave; la mani&egrave;re de ceux que Kurz appellent les &laquo;&nbsp;marxistes traditionnels&nbsp;&raquo; (les marxistes qui ontologisent la cat&eacute;gorie du travail). Dans le chapitre 2 de <i>La substance du capital</i>,<span arial="" style="font-family:"> Kurz critique une forme de circulationnisme du marxisme traditionnel. Le marxisme traditionnel consid&egrave;re le plus souvent une abstraction r&eacute;elle <i>a posteriori</i>, qui se r&eacute;aliserait sur le march&eacute;, et non une abstraction r&eacute;elle <i>a priori</i>, qui aurait son lieu d&eacute;j&agrave; dans la production. En ce sens, le marxisme traditionnel se contenterait de critiquer un mode de distribution de la valeur, la disposition juridique de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e, le march&eacute;, mais non les sp&eacute;cificit&eacute;s de la production capitaliste. Avec les marxistes traditionnels, c&#39;est le mode de circulation qui d&eacute;finirait le capitalisme, l&agrave; o&ugrave; la production serait pens&eacute;e comme base transhistorique et ontologique, non critiquable en tant que telle. L&#39;id&eacute;e que le prol&eacute;tariat pourrait &laquo;&nbsp;s&#39;approprier&nbsp;&raquo; telles quelles les &laquo;&nbsp;forces productives&nbsp;&raquo; participe de cette mystique marxiste traditionnel, qui ontologise le travail.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Le travail concret (pens&eacute; comme travail transhistorique) d&eacute;finirait, selon cette id&eacute;ologie, la production, l&agrave; o&ugrave; le travail abstrait serait le travail repr&eacute;sent&eacute; lorsque la marchandise est vendue sur un march&eacute;, dans la circulation. Pour Kurz, on a ici un contresens, puisque la dualit&eacute; travail abstrait/travail concret agit <i>a priori</i>, d&eacute;j&agrave; dans la production.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans le chapitre 6 du m&ecirc;me ouvrage, Kurz d&eacute;veloppe &agrave; nouveau ce th&egrave;me. Selon Kurz, la valeur et le travail abstrait sont des concepts relatifs &agrave; la production. Le marxisme traditionnel qui assigne la valeur &agrave; la circulation, ontologise la sph&egrave;re de la production, et ne critique finalement que les rapports politico-juridiques de la distribution. Dans ce contexte marxiste traditionnel, il est par exemple impossible d&#39;apercevoir le caract&egrave;re &eacute;cologiquement destructeur du syst&egrave;me de production capitaliste. Selon un marxisme traditionnel pr&ocirc;nant une forme de &laquo;&nbsp;r&eacute;appropriation&nbsp;&raquo;, il s&#39;agirait de se &laquo;&nbsp;r&eacute;approprier&nbsp;&raquo; les forces productives qui ont &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;es dans le capitalisme, en abolissant simplement la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e. Un tel syst&egrave;me &laquo;&nbsp;socialiste&nbsp;&raquo; ne serait pas moins &eacute;cologiquement destructeur.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Dans le chapitre 7, Kurz fait d&eacute;river la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e de la cat&eacute;gorie de la valeur et du travail abstrait. Au niveau spatial, la forme-valeur implique une &eacute;conomie &laquo;&nbsp;d&eacute;sencastr&eacute;e&nbsp;&raquo;, s&eacute;par&eacute;e des autres moments de la vie. Au niveau temporel, la forme-valeur d&eacute;termine une temporalit&eacute; homog&egrave;ne et abstraite, quantifiable, qui n&#39;a plus aucune relation avec les &eacute;v&eacute;nements qualitatifs de la vie. La critique du mode de production capitaliste suppose la critique de cette forme spatiotemporelle. D&egrave;s lors, selon Kurz, la forme spatiotemporelle de la valeur serait un <i>a priori </i>social, et la forme juridique de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e ne serait que d&eacute;riv&eacute;e par rapport &agrave; elle. La simple remise en cause de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e (sans remise en cause des caract&egrave;res essentiels de la production capitaliste) ne modifierait en rien ce caract&egrave;re spatiotemporel destructeur.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e des moyens de production est &laquo;&nbsp;la forme juridique propre au syst&egrave;me du travail abstrait et &agrave; son espace-temps abstrait sp&eacute;cifique&nbsp;&raquo;. On ne peut la remettre en cause radicalement sans remettre en cause radicalement la cat&eacute;gorie du travail abstrait.</span></span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La conception lordonienne de la &laquo;&nbsp;division du travail&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Pour Lordon, il faut certes abolir la propri&eacute;t&eacute; lucrative des moyens de production, mais puisqu&#39;on ne saurait &laquo;&nbsp;sortir de l&#39;&eacute;conomie&nbsp;&raquo;, on ne saurait non plus se passer de division du travail. Lordon essentialise, ici encore, la notion de division du travail, sans voir qu&#39;elle a des caract&eacute;ristiques tr&egrave;s sp&eacute;cifiques dans la soci&eacute;t&eacute; capitaliste.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Pour montrer le caract&egrave;re tr&egrave;s sp&eacute;cifique de la division du travail dans le capitalisme, on peut se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; l&#39;ouvrage de Georg Lukacs, <i>Histoire et conscience de classe</i> (1923), qui pense pr&eacute;cis&eacute;ment la mani&egrave;re dont l&#39;&eacute;conomie f&eacute;tichiste capitaliste affecte le contenu m&ecirc;me du travail. Dans le chapitre sur la r&eacute;ification, il &eacute;nonce ceci :</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Si l&#39;on suit le chemin que l&#39;&eacute;volution du processus du travail parcourt depuis l&#39;artisanat, en passant par la corporation et la manufacture, jusqu&#39;au machinisme industriel, on y voit une rationalisation sans cesse croissante, une &eacute;limination toujours plus grande des propri&eacute;t&eacute;s qualitatives, humaines et individuelles du travailleur. D&#39;une part, en effet, le processus du travail est morcel&eacute;, dans une proportion sans cesse croissante, en op&eacute;rations partielles abstraitement rationnelles, ce qui disloque la relation du travailleur au produit comme totalit&eacute;, et r&eacute;duit son travail &agrave; une fonction sp&eacute;ciale se r&eacute;p&eacute;tant m&eacute;caniquement. D&#39;autre part, par la rationalisation, et en cons&eacute;quence de celle-ci, le temps de travail socialement n&eacute;cessaire, fondement du calcul rationnel, est produit d&#39;abord comme temps de travail moyen, saisissable de fa&ccedil;on simplement empirique, puis, gr&acirc;ce &agrave; une m&eacute;canisation et &agrave; une rationalisation toujours plus pouss&eacute;es du processus du travail, s&#39;oppose au travailleur en une objectivit&eacute; achev&eacute;e et close<a href="#_ftn35" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[35]</span></span></a>.</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Le temps de travail socialement n&eacute;cessaire, qui tend &agrave; diminuer toujours plus, se manifesterait empiriquement, dans la production concr&egrave;te, sous la forme d&#39;une division du travail toujours plus rationnelle. On articule ainsi un &eacute;l&eacute;ment cat&eacute;goriel (travail abstrait) &agrave; une dimension empirique (division du travail).</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Au fond, on pourrait ici articuler la dimension temporelle de la valeur et du travail abstrait &agrave; la question d&#39;une extraction de la survaleur relative, dans le contexte d&#39;une rationalisation toujours plus pouss&eacute;e des forces productives et de l&#39;organisation du travail.</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">On remarquera d&#39;ailleurs que Postone lui-m&ecirc;me, dans le chapitre IX de <i>Temps, travail et domination sociale</i>, tente &eacute;galement d&#39;articuler le cat&eacute;goriel et le mode empirique de la production. Postone dira&nbsp;: &laquo;&nbsp;la grande industrie, telle qu&#39;elle s&#39;est constitu&eacute;e historiquement, est [&hellip;] l&#39;expression mat&eacute;rialis&eacute;e d&#39;une forme abstraite de domination sociale &raquo;<a href="#_ftn36" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[36]</span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Marx lui-m&ecirc;me aura bri&egrave;vement envisag&eacute;, dans le chapitre XIV du <i>Capital</i>, l&#39;articulation entre l&#39;&eacute;volution du temps de travail socialement n&eacute;cessaire et la rationalisation de la division du travail, d&eacute;j&agrave; dans la manufacture. Il dira que, dans la p&eacute;riode manufacturi&egrave;re on ne tarda gu&egrave;re &agrave; reconna&icirc;tre que son principe est la diminution&nbsp; du temps de travail n&eacute;cessaire &agrave; la production des marchandises. Lorsqu&#39;il s&#39;agira de produire une survaleur relative, il s&#39;agira d&#39;augmenter la productivit&eacute; du travail, et pr&eacute;cis&eacute;ment, la rationalisation de la division du travail deviendra l&#39;un des moyens de cette augmentation. Mais alors, on fera baisser le temps de travail socialement n&eacute;cessaire pour produire les marchandises, si bien que cette &eacute;volution s&#39;articulera, de fait, parfaitement, avec le processus de rationalisation de la division du travail. Au fil de l&#39;industrialisation capitaliste, cette tendance se confirme. C&#39;est ainsi que l&#39;&eacute;volution historique de la d&eacute;termination temporelle du travail abstrait s&#39;articule parfaitement avec l&#39;&eacute;volution de la parcellisation et de la rationalisation du contenu du travail lui-m&ecirc;me.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Avec Lukacs, cette rationalisation de la production, li&eacute;e &agrave; la logique de valorisation, aura une cons&eacute;quence subjective imm&eacute;diate. Il dira&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Cette dislocation de l&#39;objet de la production est n&eacute;cessairement aussi la dislocation de son sujet. En cons&eacute;quence de la rationalisation du processus du travail, les propri&eacute;t&eacute;s et particularit&eacute;s humaines du travailleur apparaissent de plus en plus comme de&nbsp;<i>simples sources</i>&nbsp;<i>d&#39;erreurs</i>, face au fonctionnement calcul&eacute; rationnellement d&#39;avance de ces lois partielles abstraites. L&#39;homme n&#39;appara&icirc;t, ni objectivement, ni dans son comportement &agrave; l&#39;&eacute;gard du processus du travail, comme le v&eacute;ritable porteur de ce processus, il est incorpor&eacute; comme partie m&eacute;canis&eacute;e dans un syst&egrave;me m&eacute;canique qu&#39;il trouve devant lui, achev&eacute; et fonctionnant dans une totale ind&eacute;pendance par rapport &agrave; lui, aux lois duquel il doit se soumettre. Cette soumission s&#39;accro&icirc;t encore du fait que plus la rationalisation et la m&eacute;canisation du processus du travail augmentent, plus l&#39;activit&eacute; du travailleur perd son caract&egrave;re d&#39;activit&eacute; pour devenir une attitude&nbsp;<i>contemplative</i><a href="#_ftn37" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[37]</span></span></a><i>.&nbsp;</i></span></span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Parce qu&#39;il manque le Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, Lordon se focalise sur l&#39;enjeu de l&#39;abolition de la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e, mais ne critique pas fondamentalement le mode de production capitaliste. Il r&eacute;duit le travail capitaliste au &laquo;&nbsp;salariat&nbsp;&raquo;, mais n&#39;aper&ccedil;oit pas le travail abstrait, ni ne d&eacute;naturalise la valeur &eacute;conomique.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">&Agrave; propos de la division du travail, Lordon est assez clair&nbsp;: il reconna&icirc;t certes que le capitalisme a capt&eacute; la quasi-totalit&eacute; de la division du travail. Et que m&ecirc;me les &laquo;&nbsp;enclaves&nbsp;&raquo;, ou les &laquo;&nbsp;br&egrave;ches&nbsp;&raquo;, &agrave; la mani&egrave;re des ZAD, restent d&eacute;pendantes de cette division capitaliste du travail (d&#39;o&ugrave; leur insuffisance, selon lui). Cela &eacute;tant, il voudrait aussi penser une forme de d&eacute;passement dialectique de la division du travail capitaliste, une forme d&#39;<i>Aufhebung</i> h&eacute;g&eacute;lienne (d&eacute;passer tout en conservant). Retenant la proposition de Friot, il dira&nbsp;: &laquo;&nbsp;Car la r&eacute;volution &laquo;&nbsp;Friot&nbsp;&raquo;, en tant qu&#39;elle est macroscopique, peut en principe refaire instantan&eacute;ment les rapports sociaux sous lesquels s&#39;effectue la division du travail dans son entier&nbsp;: on h&eacute;rite de l&#39;&eacute;tat de la sp&eacute;cialisation technique capitaliste, mais on le recouvre d&#39;un coup de nouveaux rapports de production, ceux de la propri&eacute;t&eacute; d&#39;usage et du salaire &agrave; vie&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn38" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="color:black">[38]</span></span></a>.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Ici, Lordon ne voit pas que &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;tat de sp&eacute;cialisation technique du capitalisme&nbsp;&raquo; n&#39;a rien de neutre, et qu&#39;il d&eacute;coule d&#39;un proc&egrave;s de valorisation abstraite, d&#39;extraction de survaleur relative, absolument destructeurs. On ne peut d&eacute;tacher cette sp&eacute;cialisation technique de l&#39;inversion r&eacute;elle f&eacute;tichiste d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;e, et de la r&eacute;ification corr&eacute;lative des individus. Lukacs montre tr&egrave;s bien ce fait, en insistant sur la relation entre la d&eacute;termination temporelle du travail abstrait et la rationalisation capitaliste de la division du travail. Mais ici, certes, on comprend pourquoi Lordon peut aussi se r&eacute;f&eacute;rer positivement &agrave; L&eacute;nine&nbsp;: L&eacute;nine injectera lui aussi des valeurs productivistes et industrialistes dans son &laquo;&nbsp;socialisme&nbsp;&raquo;, comme on l&#39;a vu, et se voudra aussi l&#39;h&eacute;ritier de la division capitaliste du travail. Il est inutile de mentionner qu&#39;une telle id&eacute;ologie, sur le plan &eacute;cologique, n&#39;est pas tenable aujourd&#39;hui.</span></span></span></span></span></p> <h3 style="margin-top:13px"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-weight:normal"><span style="background:white"><span style="line-height:115%"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">La r&eacute;f&eacute;rence positive &agrave; Bernard Friot</span></span></span></span></span></span></span></span></span></h3> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon retient la proposition de Friot, qui aurait selon lui le m&eacute;rite de remettre en cause la propri&eacute;t&eacute; priv&eacute;e et le travail-salariat. Le &laquo;&nbsp;salaire &agrave; vie&nbsp;&raquo; comme r&eacute;mun&eacute;ration inconditionnelle de tous, pr&eacute;cis&eacute;ment, abolirait le salariat au sens capitaliste, ainsi que la soumission au &laquo;&nbsp;d&eacute;sir-ma&icirc;tre&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Lordon encore une fois utilise un argument spinoziste&nbsp;: le conatus est fondamentalement &eacute;lan de faire quelque chose, &eacute;lan d&#39;activit&eacute;. Partant, toute vie sociale est contribution &agrave; la vie sociale, r&eacute;alisation, qui m&eacute;rite une r&eacute;mun&eacute;ration inconditionnelle.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Avec Friot, c&#39;est la qualification, et non la quantification, qui fonderait le &laquo;&nbsp;salaire &agrave; vie&nbsp;&raquo;. Mais persistent des niveaux de qualifications diff&eacute;renci&eacute;s, qui maintiennent des in&eacute;galit&eacute;s de fait. En l&#39;absence d&#39;une th&eacute;orisation cons&eacute;quente de la transformation sociale, la &laquo;&nbsp;nouvelle soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; pourrait h&eacute;riter des in&eacute;galit&eacute;s pass&eacute;es, et reproduire des formes de m&eacute;ritocraties, voire d&#39;&eacute;litismes, pernicieuses. Parce qu&#39;on voudrait maintenir une forme de division du travail et de sp&eacute;cialisation, la division entre travail mat&eacute;riel et travail intellectuel demeure &eacute;galement non questionn&eacute;e. Quand on constate que ce sont des sp&eacute;cialistes (universitaires) de la th&eacute;orie qui font en outre de telles &laquo;&nbsp;propositions&nbsp;&raquo;, on peut rester songeur.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Mais le plus probl&eacute;matique dans la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Friot est bien l&#39;exaltation de l&#39;&eacute;conomie, et m&ecirc;me de la valeur &eacute;conomique. Toute vie est d&eacute;sir, dit Lordon (avec Spinoza), et &agrave; ce titre elle produit des effets. Ces effets peuvent &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme des contributions sociales, qui m&eacute;ritent d&#39;&ecirc;tre &laquo;&nbsp;r&eacute;mun&eacute;r&eacute;es&nbsp;&raquo;. Mais alors c&#39;est bien la valeur &eacute;conomique, et le calcul &eacute;conomique, qui pourraient tendre &agrave; investir tous les aspects de la vie, jusqu&#39;&agrave; la vie la plus intime, jusqu&#39;au d&eacute;sir lui-m&ecirc;me. L&#39;interpr&eacute;tation spinoziste de Friot n&#39;abolit pas le totalitarisme &eacute;conomique, mais le renforce au contraire. L&#39;amiti&eacute;, par exemple, comme contribution &agrave; la &laquo;&nbsp;sociabilit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;&raquo;, peut &ecirc;tre ramen&eacute;e &agrave; la valeur &eacute;conomique, puisque c&#39;est aussi gr&acirc;ce &agrave; ce genre de &laquo;&nbsp;contribution&nbsp;&raquo; qu&#39;on m&eacute;rite une r&eacute;mun&eacute;ration (quantifi&eacute;e) inconditionnelle.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Finalement, la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Friot souligne, encore une fois, l&#39;incapacit&eacute; de Lordon &agrave; d&eacute;velopper un internationalisme cons&eacute;quent. On peut citer Alain Bihr &agrave; cet &eacute;gard&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left; margin-left: 40px;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><q><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:">La premi&egrave;re chose qui m&rsquo;a frapp&eacute; lorsque j&rsquo;ai lu <i>L&rsquo;enjeu du salaire</i>, c&rsquo;est que toute l&rsquo;analyse se d&eacute;roule dans un cadre franco-fran&ccedil;ais. &Agrave; part quelques tr&egrave;s rares allusions au d&eacute;tour d&rsquo;une ligne, il n&rsquo;est jamais fait mention de l&rsquo;&eacute;tranger comme si le cadre fran&ccedil;ais &eacute;tait suffisant pour traiter toutes les questions. D&rsquo;o&ugrave;, &agrave; partir de l&agrave;, une attitude assez f&eacute;tichiste &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de certaines formes institutionnelles qu&rsquo;a prises le rapport salarial en France, comme si ces formes-l&agrave; &eacute;taient destin&eacute;es &agrave; marquer l&rsquo;horizon ind&eacute;passable du salariat. Je pense en particulier &agrave; ce qu&rsquo;il raconte sur la cotisation sociale, la qualification professionnelle, etc.<a href="#_ftn39" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super">[39]</span></a>.&nbsp;</span></span></q></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:">Ce n&#39;est pas l&#39;inter-nationalisme &laquo;&nbsp;par contagion&nbsp;&raquo; de Lordon, &eacute;quivoque et flou, qui nous permettra de sortir de <span style="color:black">ce cadre franco-fran&ccedil;ais, et de d&eacute;velopper une critiquer r&eacute;ellement globale du capitalisme.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Pour finir, on peut dire que les dispositifs bureaucratiques et centralis&eacute;s que supposerait la &laquo;&nbsp;r&eacute;volution Friot&nbsp;&raquo; &eacute;lucident les rapports de Lordon au &laquo;&nbsp;capitalisme d&#39;&Eacute;tat&nbsp;&raquo; qu&#39;il voudrait promouvoir implicitement.</span></span></span></span></span></p> <h2 style="margin-top: 13px; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Conclusion</span></span></span><span style="font-size:16pt"><span style="line-height:115%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="text-transform:uppercase"><span style="font-weight:normal">&nbsp;</span></span></span></span></span></span></h2> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">L&#39;ouvrage hybride de Lordon questionne donc les id&eacute;ologies antipolitiques, et l&#39;id&eacute;ologie du &laquo;&nbsp;vivre sans&nbsp;&raquo;. Sous l&#39;autorit&eacute; de Spinoza, il va poser la n&eacute;cessit&eacute; du fait institutionnel. Mais en d&eacute;contextualisant Spinoza, il va aussi r&eacute;tro-projeter des structures &eacute;conomiques et politiques modernes sur des soci&eacute;t&eacute;s pr&eacute;-modernes, et les projeter insidieusement sur sa vision du &laquo;&nbsp;post-capitalisme&nbsp;&raquo;. Les adversaires postmodernes qu&#39;il se choisit (en particulier l&#39;heideggerien Agamben) permettent de discr&eacute;diter l&#39;antipolitique &agrave; peu de frais. Mais s&#39;il &eacute;voque en passant le Marx &laquo;&nbsp;&eacute;sot&eacute;rique&nbsp;&raquo;, il ne cerne pas la possibilit&eacute; de d&eacute;velopper un anti-&eacute;tatisme et un anti-&eacute;conomisme de type marxien. C&#39;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette limite qui l&#39;engage dans une direction altercapitaliste, qui naturalise les cat&eacute;gories de base du capitalisme.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Mais sur un plan strat&eacute;gique, Lordon pose une question d&#39;importance&nbsp;: la question du nombre. Si le capitalisme est une &laquo;&nbsp;gigantomachie&nbsp;&raquo;, seules les &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo; assembl&eacute;es peuvent le d&eacute;truire. Or, si l&#39;&Eacute;tat est d&eacute;j&agrave; ce rassemblement de fait, on pourrait le &laquo;&nbsp;retourner&nbsp;&raquo; contre cette gigantomachie. Lordon a de la sympathie pour les ZAD, les cabanes, les squats, les communes libertaires, etc., mais il les consid&egrave;re aussi avec une certaine condescendance. Leurs membres seraient des virtuoses, des exceptions, mais ne seraient pas assez nombreux pour renverser le capitalisme.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Face &agrave; cela, on peut r&eacute;pondre une chose&nbsp;: si Lordon est si soucieux du &laquo;&nbsp;nombre&nbsp;&raquo;, pourquoi pense-t-il syst&eacute;matiquement sa &laquo;&nbsp;r&eacute;volution&nbsp;&raquo; dans un cadre national (sortie de l&#39;euro, protectionnisme, Friot, etc.)&nbsp;? Le &laquo;&nbsp;nombre&nbsp;&raquo; effectif, c&#39;est l&#39;internationalisme r&eacute;el (et non l&#39;inter-nationalisme &laquo;&nbsp;par contagion&nbsp;&raquo;, qui reposerait sur des pratiques protectionnistes juxtapos&eacute;es). Et ce &laquo;&nbsp;nombre&nbsp;&raquo; r&eacute;el internationaliste, il ne peut se d&eacute;velopper, par d&eacute;finition, dans un contexte &eacute;tatico-national. Au nom m&ecirc;me du souci du &laquo;&nbsp;nombre&nbsp;&raquo;, on ne peut que rejeter les pr&eacute;conisations &eacute;tatico-nationales de Lordon.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">L&#39;internationalisme r&eacute;el peut se pratiquer <i>via</i> la f&eacute;d&eacute;ration de ces enclaves qui r&eacute;sistent aux m&eacute;diations &eacute;tatico-capitalistes. Par ce retournement, des exp&eacute;riences comme la ZAD, le Chiapas, le Rojava, les Piqueteros, etc., &agrave; travers le potentiel f&eacute;d&eacute;ratif internationaliste qu&#39;elles d&eacute;ploient, retrouvent l&#39;effectivit&eacute; qu&#39;on avait voulu leur &ocirc;ter. Et pr&eacute;cis&eacute;ment, c&#39;est aussi par de telles exp&eacute;riences qu&#39;on peut envisager des sorties du cadre &eacute;tatico-capitalistes plus radicales que celles qui sont envisag&eacute;es par Lordon. Il resterait &agrave; penser ces luttes dans un cadre r&eacute;ellement mat&eacute;rialiste, et non plus dans le cadre postmoderne que Lordon d&eacute;nonce.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="background:white"><span arial="" style="font-family:"><span style="color:black">Selon cette perspective qui articule le local et l&#39;internationalisme, il faudrait savoir cong&eacute;dier les notions de &laquo;&nbsp;masses&nbsp;&raquo;, de &laquo;&nbsp;peuple&nbsp;&raquo;, et m&ecirc;me de &laquo;&nbsp;multitude&nbsp;&raquo;, qui resteront toujours attach&eacute;es &agrave; un &Eacute;tat ou &agrave; une nation. En outre, ces d&eacute;finitions abstraites, ces hypostases, supposent toujours l&#39;exclusion d&#39;un grand &laquo;&nbsp;autre &laquo;&nbsp;(l&#39;improductif par exemple, ou le &laquo;&nbsp;parasite&nbsp;&raquo;, le &laquo;&nbsp;sans-papier&nbsp;&raquo;, etc.). On a pu voir d&#39;ailleurs que Spinoza, qui pense la &laquo;&nbsp;multitude&nbsp;&raquo;, exclut les femmes de la citoyennet&eacute; dans le dernier chapitre de son<i> Trait&eacute; politique</i>. Et on peut aussi noter que les questions du f&eacute;minisme, ou du racisme, sont totalement absentes dans les ouvrages de Lordon (ce qui traduit aussi une d&eacute;marche &eacute;conomiciste coup&eacute;e de la question des oppressions sociales v&eacute;cues et singuli&egrave;res).</span></span></span></span></span></p> <h2 style="margin-top:13px"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">Bibliographie</span></span></span></h2> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">BASCHET J., &laquo;&nbsp;Une critique de <i>Imperium</i> de Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon&nbsp;&raquo;, <i>Question Marx&nbsp;?</i>, [<a href="https://questionmarx.typepad.fr/question-marx/2016/06/une-critique-de-imperium-de-frederic-lordon.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">BIRH A., &laquo;&nbsp;Friot ou l&#39;&eacute;mancipation a minima&nbsp;&raquo;,<i> unioncommunistelibertaire.org</i>, [<a href="https://www.unioncommunistelibertaire.org/Alain-Bihr-sociologue-Friot-ou-l-emancipation-a-minima" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">FAYE E., <i>Heidegger, L&#39;introduction du nazisme dans la philosophie</i>, Paris, Albin Michel, 2005.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">GARO I., &laquo;&nbsp;La tactique Spinoza. Notes sur Imperium&nbsp;&raquo;, <i>Contretemps</i>, [<a href="https://www.contretemps.eu/lordon-spinoza-imperium-garo/" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">HOMS C.,&nbsp;&laquo; Sur l&#39;invention grecque du mot &quot;&eacute;conomie&quot; chez X&eacute;nophon. Critique d&#39;une supercherie &eacute;tymologique moderne&nbsp;&raquo;, <i>palim-psao.fr</i>, [<a href="http://www.palim-psao.fr/2016/09/sur-l-invention-grecque-du-mot-economie-chez-xenophon-critique-d-une-supercherie-etymologique-moderne-par-clement-homs.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">JAPPE A., <i>Les aventures de la marchandise</i>, Paris, La D&eacute;couverte, 2017.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">KURZ R., &laquo; &nbsp;La fin de la politique&nbsp;&raquo;, <i>palim-psao.fr</i>, [<a href="http://www.palim-psao.fr/2016/04/la-fin-de-la-politique-par-robert-kurz.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, <i>Vies et mort du capitalisme</i>, Paris, Lignes, 2011.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;,<i> La substance du capital</i>, Paris, L&#39;&eacute;chapp&eacute;e, 2019.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">LORDON F., <i>Jusqu&#39;&agrave; quand&nbsp;? Pour en finir avec les crises financi&egrave;res</i>, Paris, Raisons d&#39;agir, 2008.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, <i>Capitalisme, d&eacute;sir et servitude</i>, Paris, La Fabrique, 2010.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, Fr&eacute;d&eacute;ric, <i>Imperium</i>, Paris, La Fabrique, 2015.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, Fr&eacute;d&eacute;ric, <i>Vivre sans</i>, Paris, La Fabrique, 2019.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, &laquo;&nbsp;L&#39;internationalisme r&eacute;el, c&#39;est l&#39;organisation de la contagion&nbsp;&raquo;, <i>Ballast</i>, le 11/07/2016.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, &laquo;&nbsp;Migrants et salari&eacute;s. Appel sans suite&nbsp;&raquo;, <i>La pompe &agrave; phynance</i>, le 17/10/2018.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, &laquo;&nbsp;Dire ensemble la condition des&nbsp; classes populaires et des migrants&nbsp;&raquo;, <i>Ballast</i>, le 19/11/2018.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&ndash;, &laquo;&nbsp;Nous ne revendiquons rien&nbsp;&raquo;, <i>La pompe &agrave; phynance</i>, le 29/03/2016.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">LUKACS G., <i>Histoire et conscience de classe</i>, Paris, &Eacute;ditions de minuit, 1975.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">MARX K., <i>Le Capital</i>, Livre I, Paris, Quadrige, 1993.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">POSTONE M., T<i>emps, travail et domination sociale</i>, Paris, Fayard, 2009.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">SPINOZA B.,<i> Appendices contenant les pens&eacute;es m&eacute;taphysiques</i>, &Eacute;ditions La Pl&eacute;iade 1955.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">VIGNET J. et HOMS C., &laquo;&nbsp;Critique de <i>L&#39;insurrection qui vient</i>&nbsp;&raquo;, <i>palim-psao.fr</i>, [<a href="http://www.palim-psao.fr/article-34659700.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></p> <div> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[1]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">Voir la pr&eacute;face &agrave; son <i>Histoire de la r&eacute;volution russe</i>.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[2]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">&laquo;&nbsp;L&#39;altercapitalisme&nbsp;&raquo; est une variante du capitalisme (un capitalisme keyn&eacute;sien, par exemple), mais qui croit aussi pouvoir revendiquer le d&eacute;passement du capitalisme. Il repose souvent sur une d&eacute;finition tronqu&eacute;e ou r&eacute;ductrice du capitalisme.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[3]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">&laquo;&nbsp;L&#39;anticapitalisme tronqu&eacute;&nbsp;&raquo; est une pseudo-critique du capitalisme, qui identifie le capitalisme &agrave; certains de ses aspects secondaires, mais qui ne cerne pas sa complexit&eacute; ou sa globalit&eacute;. Par exemple, on peut avoir un anticapitalisme tronqu&eacute; qui identifie le capitalisme &agrave; la seule sph&egrave;re financi&egrave;re, mais qui d&eacute;fendra implicitement le d&eacute;veloppement d&#39;une &eacute;conomie productive nationale (certes &laquo;&nbsp;r&eacute;gul&eacute;e&nbsp;&raquo;), ainsi que les cat&eacute;gories capitalistes de marchandise, valeur, argent.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[4]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;? Institutions, police, travail, argent</i>&hellip;, Paris, &Eacute;ditions La Fabrique, 2019, p. 166.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[5]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 171.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[6]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 18.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[7]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 255.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[8]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">SPINOZA B., <i>Appendices contenant les pens&eacute;es m&eacute;taphysiques</i>, [<a href="http://spinozaetnous.org/wiki/Pens%C3%A9es_m%C3%A9taphysiques" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[9]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, pp. 44-50.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[10]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 48.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[11]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem</span></i><span style="color:black">.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref12" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[12]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 52.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref13" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[13]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem</span></i><span style="color:black">.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref14" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[14]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans</i>, <i>op. cit.</i>, p. 62.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref15" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[15]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">GARO I., &laquo;&nbsp;La tactique Spinoza. Notes sur Imperium&nbsp;&raquo;, <i>in</i> <i>Contretemps</i>, [<a href="https://www.contretemps.eu/lordon-spinoza-imperium-garo/" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>]</span><span style="color:blue">.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref16" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[16]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem.</span></i></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref17" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[17]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">BASCHET J., &laquo;&nbsp;Fr&eacute;d&eacute;ric Lordon au chiapas&nbsp;&raquo;, <i>op. cit.</i></span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref18" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[18]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, p. 169.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref19" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[19]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 170.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref20" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[20]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">Kurz R., &laquo;&nbsp;La fin de la politique&nbsp;&raquo;, [<a href="http://www.palim-psao.fr/2016/04/la-fin-de-la-politique-par-robert-kurz.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref21" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[21]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem.</span></i></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref22" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[22]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, p. 180.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref23" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[23]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 180.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref24" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[24]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 181.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref25" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[25]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">Voir KURZ R., <i>Vies et mort du capitalisme</i>, Paris, &Eacute;ditions Lignes, 2011.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref26" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[26]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, </span><span style="color:#1d2129">p. 188.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref27" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[27]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">Extrait de <i>Arbeit und Wirtschaft</i>, 11., Jg., Nr. 11, 1, November 1957, S. 348, [traduction libre de l&rsquo;auteur].</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref28" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[28]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">MARX K., <i>Le Capital</i>, Livre premier, Paris, Messidor/&Eacute;ditions sociales, 1983, p. 82.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref29" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[29]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, p. 87.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref30" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[30]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Idem</span></i><span style="color:black">, pp. 91-93.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref31" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[31]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">HOMS C.,&nbsp;</span>&laquo; Sur l&#39;invention grecque du mot &quot;&eacute;conomie&quot; chez X&eacute;nophon. Critique d&#39;une supercherie &eacute;tymologique moderne&nbsp;&raquo;<span style="color:black">, [<a href="http://www.palim-psao.fr/2016/09/sur-l-invention-grecque-du-mot-economie-chez-xenophon-critique-d-une-supercherie-etymologique-moderne-par-clement-homs.html" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref32" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[32]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem.</span></i></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref33" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[33]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <i><span style="color:black">Ibidem.</span></i></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref34" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[34]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, p. 227.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref35" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[35]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LUKACS G., <i>Histoire de la conscience de classe. Essai de dialectique marxiste</i>, Paris, &Eacute;ditions de Minuit, 1975, p. 115.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref36" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[36]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">POSTONE M., <i>Temps, travail et domination sociale</i>, Paris, Fayard, 2009, p. 510.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref37" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[37]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LUKACS G., <i>Histoire de la conscience de classe</i>, <i>op. cit.</i>, pp. 116-117.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref38" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[38]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">LORDON F., <i>Vivre</i> <i>sans&nbsp;?</i>, <i>op. cit.</i>, p. 236.</span></span></span></span></p> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="#_ftnref39" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span arial="" style="font-family:">[39]</span></span></a><span arial="" style="font-family:"> <span style="color:black">BIRH A., &laquo;&nbsp;Friot ou l&#39;&eacute;mancipation a minima&nbsp;&raquo;, [<a href="https://www.unioncommunistelibertaire.org/Alain-Bihr-sociologue-Friot-ou-l-emancipation-a-minima" style="color:blue; text-decoration:underline">en ligne</a>].</span></span></span></span></p> <p style="text-align: left;">&nbsp;</p>