<p style="margin-bottom: 13px; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" lang="EN-US" style="font-family:">Par Matthijs Gardenier, Newton International Fellow,&nbsp;</span><span arial="" style="font-family:">University of Manchester.</span></span></span></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><i><span arial="" style="font-family:">The struggle over borders, cosmopolitanism and communitarianism</span></i><span arial="" style="font-family:"> est un ouvrage r&eacute;dig&eacute; par des chercheurs d&rsquo;universit&eacute;s allemandes et norv&eacute;giennes. Celui-ci entend apporter un &eacute;clairage th&eacute;orique aux&nbsp; d&eacute;bats contemporains autour de la mondialisation, mat&eacute;rialis&eacute;s par la d&eacute;fense des fronti&egrave;res.&nbsp; Ils entendent expliquer ces d&eacute;bats au prisme de la th&eacute;orie du clivage politique. Actualisant les cat&eacute;gories de &laquo;&nbsp;en soi&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;pour soi&nbsp;&raquo; de Marx, cette th&eacute;orie distingue conflits sociaux potentiels de ceux qui sont r&eacute;ellement activ&eacute;s. Tel que formalis&eacute; par Peter Mair (p. 202), &nbsp;un clivage politique serait une forme de conflit social associant trois &eacute;l&eacute;ments distincts&nbsp;: une conjonction entre des valeurs id&eacute;ologiques et des repr&eacute;sentations, des int&eacute;r&ecirc;ts structurels et enfin, des organisations (institutions, partis, mouvements sociaux) qui mobilisent le public selon les lignes de ce clivage.</span></span></span></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Les auteurs expliquent qu&rsquo;au cours du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, le principal clivage politique dans les soci&eacute;t&eacute;s occidentales se posait en termes de droite et de gauche, selon un clivage de classe. L&rsquo;ouvrage pose l&rsquo;hypoth&egrave;se que ces lignes de fracture se sont complexifi&eacute;es par l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un autre clivage autour de la question de la mondialisation. Le d&eacute;veloppement de la globalisation &eacute;conomique et d&rsquo;institutions transnationales &ndash; dont l&rsquo;Union Europ&eacute;enne est le meilleur exemple &ndash; aurait cr&eacute;&eacute; un autre clivage d&rsquo;ampleur. Celui-ci opposerait d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; ceux qui seraient favorables &agrave; une int&eacute;gration plus pouss&eacute;e des &Eacute;tats au sein des institutions transnationales, ainsi qu&rsquo;&agrave; un d&eacute;veloppement du libre &eacute;change international&nbsp;: le camp des &nbsp;&laquo;&nbsp;cosmopolites&nbsp;&raquo;. De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, il y aurait ceux qui s&rsquo;opposent &agrave; cette int&eacute;gration pour diverses raisons, favorisant au contraire une gestion politique de la plupart des probl&eacute;matiques &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle nationale, voire r&eacute;gionale dans certains cas&nbsp;: le camp &laquo;&nbsp;communautaire&nbsp;&raquo;. Les auteurs posent l&rsquo;hypoth&egrave;se que&nbsp; l&rsquo;&eacute;mergence de ce clivage expliquerait les r&eacute;cents succ&egrave;s de divers partis populistes dans le monde&nbsp;: &eacute;lection de Donald Trump aux &Eacute;tats-Unis, Brexit au Royaume-Uni, succ&egrave;s des partis populistes d&rsquo;extr&ecirc;me droite en France (RN) et en Allemagne (AFD), voire alliances <i>a priori</i> contre nature entre Syriza et la droite ind&eacute;pendante de l&rsquo;ANEL en Gr&egrave;ce entre 2015 et 2019.</span></span></span></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Les auteurs tentent de confirmer l&rsquo;hypoth&egrave;se du clivage entre &laquo;&nbsp;communautariens&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;cosmopolites&nbsp;&raquo; par l&rsquo;analyse d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;tudes quantitatives dans cinq pays, aussi bien des pays industrialis&eacute;s de longue date que des pays &eacute;mergents&nbsp;: les &Eacute;tats-Unis, l&rsquo;Allemagne, le Mexique, la Turquie et la Pologne. L&rsquo;&eacute;tude commence par dresser le profil des &laquo;&nbsp;cosmopolites&nbsp;&raquo;. Ceux-ci appartiendraient aux &eacute;lites, et se caract&eacute;riseraient par un capital culturel sup&eacute;rieur, mais aussi par le fait de b&eacute;n&eacute;ficier &eacute;conomiquement de la mondialisation. De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, les &laquo;&nbsp;communautaires&nbsp;&raquo; recruteraient parmi les classes populaires de ces pays dont les membres seraient moins outill&eacute;s pour faire face aux nouvelles conditions &eacute;conomiques et sociales amen&eacute;es par le processus de globalisation.</span></span></span></p> <p style="margin-bottom: 13px; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">&nbsp;Ensuite, le livre discute avec finesse les r&eacute;sultats des diff&eacute;rentes &eacute;tudes. Sont analys&eacute;s de mani&egrave;re plus d&eacute;taill&eacute; les questions &eacute;conomiques li&eacute;es au libre-&eacute;change, aux probl&eacute;matiques climatiques ainsi qu&rsquo;aux ph&eacute;nom&egrave;nes migratoires. Cette subdivision en plusieurs probl&eacute;matiques est int&eacute;ressante car elle permet de nuancer et complexifier l&rsquo;hypoth&egrave;se de base. Le camp &laquo;&nbsp;cosmopolite&nbsp;&raquo; est relativement coh&eacute;rent, pr&eacute;sentant un alignement en faveur de l&rsquo;ouverture sur l&rsquo;ensemble de ces questions. Selon les auteurs, cette coh&eacute;rence est particuli&egrave;rement marqu&eacute;e en Turquie et au Mexique, ce qui correspondrait au fort int&eacute;r&ecirc;t objectif pour les &eacute;lites de ces pays &agrave; s&rsquo;ins&eacute;rer dans un processus de mondialisation &eacute;conomique, mais aussi culturel. Les questions politiques y cr&eacute;ant de forts conflits sont plut&ocirc;t internes tels que les conflits autour de la s&eacute;cularisation et de la la&iuml;cit&eacute; en Turquie (p 106). &Aacute; l&rsquo;inverse, rares vont &ecirc;tre les r&eacute;ponses &agrave; ces &eacute;tudes qui se positionnent de mani&egrave;re univoque dans le camp &laquo;&nbsp;communautaire&nbsp;&raquo;. Ainsi, peu de r&eacute;pondants seront &agrave; la fois oppos&eacute;s &agrave; l&rsquo;immigration, aux r&eacute;formes n&eacute;olib&eacute;rales, aux institutions transnationales ainsi qu&rsquo;&agrave; des r&eacute;ponses concert&eacute;es face au r&eacute;chauffement climatique. Les auteurs r&eacute;sument ces questions en deux variables&nbsp;: les dimensions &eacute;conomiques et&nbsp; culturelles de la mondialisation, constatant que l&rsquo;opposition frontale &agrave; ces deux dimensions est tr&egrave;s rare.</span></span></span></p> <p style="text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span arial="" style="font-family:">Au final, les auteurs interpr&egrave;tent ces r&eacute;sultats comme une confirmation de leur hypoth&egrave;se. Ils consid&egrave;rent qu&rsquo;un r&eacute;el clivage politique autour des questions d&rsquo;int&eacute;gration &agrave; la mondialisation a &eacute;merg&eacute; au sein des pays &eacute;tudi&eacute;s. N&eacute;anmoins, les donn&eacute;es soulignant la variation des attitudes vis-&agrave;-vis des diff&eacute;rentes th&eacute;matiques telles que les migrations, le libre &eacute;change ou encore le changement climatique montrent que le clivage entre la gauche et la droite persiste. Ainsi, les partis populistes fortement oppos&eacute;s &agrave; l&rsquo;immigration ou &agrave; l&rsquo;Union Europ&eacute;enne n&rsquo;auront pas n&eacute;cessairement d&rsquo;opposition aux r&eacute;formes n&eacute;olib&eacute;rales et au commerce international. Au contraire, certaines formations de gauche seront oppos&eacute;es &agrave; certains aspects de la mondialisation&nbsp;: r&eacute;formes n&eacute;olib&eacute;rales impuls&eacute;es par l&rsquo;Union Europ&eacute;enne ou le Fond Mon&eacute;taire International, mais r&eacute;solument pour l&rsquo;ouverture des fronti&egrave;res en ce qui concerne les questions d&rsquo;immigration. D&egrave;s lors, les positionnements politiques des pays cibl&eacute;s par l&rsquo;&eacute;tude ne seraient plus &agrave; comprendre &agrave; l&rsquo;aune du positionnement sur une &eacute;chelle gauche droite, mais dans un espace bidimensionnel o&ugrave; les positionnements&nbsp; des diff&eacute;rents acteurs seraient &agrave; envisager &agrave; la fois par rapport &agrave; l&rsquo;opposition entre &laquo;&nbsp;communautariens&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;cosmopolites&nbsp;&raquo;, mais aussi en termes d&rsquo;opposition entre la gauche et la droite, qui perdure. Ce serait donc la superposition de ces deux clivages qui permettrait d&rsquo;expliquer les &eacute;volutions politiques r&eacute;centes.</span></span></span></p>