<p>Article</p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Nos haines valent mieux lorsqu’elles ne quittent pas nos bouches.</span></span></span></span></p>
<p align="right" style="text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Frank Herber</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Le débat sur le discours de haine porte aujourd’hui essentiellement sur la question de son interdiction et des raisons qui peuvent la motiver. Comme l’écrit Alexander Brown (2017, 419), cette focalisation laisse dans l’ombre son analyse conceptionnelle : « The issue of hate speech has received significant attention from legal scholars and philosophers alike. </span></span><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">But the vast majority of this attention has been focused on presenting and critically evaluating arguments for and against hate speech bans as opposed to the prior task of conceptually analysing the term ‘hate speech’ itself. » </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">De fait, même si des travaux jettent un éclairage intéressant sur le discours de haine (entre autres parmi les plus récents Nolwenn Lorenzi Bailly et Claudine Moïse (2023 et 2021), Baptiste Nicaud (2023), Simo Määttä (2023), Mattia Retta (2023), </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Claudine Moïse, Claire Hugonnier, Mariem Guellouz et Nolwenn Lorenzi Bailly (2021), Angeliki Monnier, Annabelle Seoane, Nicolas Hubé et Pierre Leroux (2021)), <span style="color:black">il n’a pas une définition généralement reconnue, ce que reconnaissent d’ailleurs la plupart des auteurs de ces travaux. <a href="#_ftn1" name="_ftnref1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[1]</span></span></span></span></span></a> Que ce soit dans les instances juridiques sollicitées pour le sanctionner, dans l’analyse éthique qui en est proposée ou dans son emploi ordinaire, sa notion reste floue et polysémique.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Je ne m’intéresserai pas ici à la définition qu’il conviendrait d’attribuer au discours haineux, ni à la pluralité de sens qui lui sont donnés, ni non plus à son traitement juridique diversifié et à son évolution historique, mais, à un niveau sous-jacent, aux différents éléments mobilisés, explicitement ou implicitement, dans l’appréhension qui en est proposée. Ces principaux éléments définitionnels sont au nombre de trois :</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol"><span style="color:black">· </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">les effets préjudiciables que le discours de haine peut entraîner pour une personne ou un groupe de personnes, notamment des effets de stigmatisation et de discrimination de ces personnes, d’incitation à la violence à leur endroit, d’atteinte au respect qui leur est dû et de violation de leurs droits (est aussi parfois inclue une mise à mal du principe de citoyenneté génératrice de tensions et de conflits sociaux);</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol"><span style="color:black">· </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">l’intention de susciter ces effets; </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol"><span style="color:black">· </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">un contenu produisant l’atteinte de ces effets : la teneur injurieuse d’un propos eu égard à une caractéristique descriptive comme la race, la religion, le sexe ou l’orientation sexuelle.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">C’est le plus souvent regroupés dans diverses combinaisons que ces traits définitionnels sont pris en compte. Je présumerai qu’il est néanmoins possible d’en faire une analyse individualisée. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Pour chacun d’eux se pose la question de leur intégration dans le discours. De quelle façon un discours tend-il et éventuellement parvient-il à produire des effets préjudiciables à des personnes et à la société? Comment une intention de produire ces effets s’inscrit-elle dans un discours et peut-elle être un lieu d’expression de haine? En quoi un contenu raciste, antisémite ou islamophobe, sexiste, homophobe peut-il être porteur de haine?</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Je proposerai des réponses à ces questions</span></span> <span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">qui font voir que les trois traits définitionnels proposés du discours haineux sont impropres à le caractériser et à repérer des discours haineux. Je soumettrai également une analyse de ces réponses qui fournit une assise à la thèse selon laquelle le discours haineux a deux modes d’actualisation : un mode inhérent structurel extrêmement limité et un mode exogène contingent. Ce travail sera mené à partir de la théorie des actes de discours (John Searle 1969 et 1979).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">La haine et son expression</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Il importe d’abord de formuler quelques remarques générales introductives sur le fond desquelles il convient de mener l’analyse du discours de haine.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">1. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">La haine est un état mental : un sentiment négatif d’</span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">hostilité, d’aversion, d’antipathie, d’animosité ou d’inimitié à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes.<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[2]</span></span></span></span></a></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">2. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Comme (probablement) tous les états mentaux, la haine peut être affichée et extériorisée sous diverses formes dont une forme discursive<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[3]</span></span></span></span></a>. Il est possible de dire la haine; elle peut être exprimée.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">3. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">La haine se distingue d’un autre état mental souvent associé au discours de haine : l’offense. Leur différence cruciale est que la haine est un sentiment du locuteur alors que l’offense est un ressenti de l’allocutaire. Dans Gilles Gauthier (à paraître et 2021a), je propose une analyse suivant laquelle, parce que l’offense n’est pas un état psychologique du locuteur, il n’y a pas, au sens strict, de discours offensant mais seulement des discours qui présentent une occasion de produire une offense chez l’allocutaire. Par comparaison, puisque la haine est un sentiment qui peut être exprimé par un locuteur, il fait pleinement sens de parler de discours de haine.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">4. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Il est tautologique d’affirmer que pour qu’un discours soit haineux doit y être exprimé l’état mental de haine.<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[4]</span></span></span></span></a> Reste cependant à déterminer comment un sentiment de haine peut être exprimé discursivement. Voici comment se présente la façon d’en rendre compte à la lumière de la théorie des actes de discours.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Il existe cinq différents types d’actes de discours : les actes assertifs, comme l’affirmation, le rappel, la prédiction, dont le but est de représenter, suivant une modalité ou une autre, un état de choses; les actes commissifs, comme la promesse, la menace et l’offre, dont le but est d’engager le locuteur à effectuer une action; les actes directifs, tels l’ordre, la demande et l’invitation, dont le but est d’amener l’allocutaire à effectuer une action; les actes déclaratifs, par exemple la démission, la condamnation et la nomination, dont le but est d’instaurer un nouvel état de choses du fait de l’énonciation et les actes expressifs, comme remercier, s’excuser, féliciter, dont le but est d’exprimer un état mental du locuteur : de la reconnaissance <span style="color:black">dans le cas de remercier</span>, du regret dans le cas de s’excuser et de la réjouissance pour l’allocutaire dans le cas de féliciter.<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[5]</span></span></span></span></a></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:1cm"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Comme ces autres états psychologiques, la haine peut faire l’objet d’un acte de discours expressif : quand c’est son expression qui est visée par le locuteur. Il s’agit là de la façon explicite, et aussi la plus évidente et la plus simple, par laquelle la haine peut être exprimée discursivement.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">5. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">L’acte expressif de haine peut faire l’objet d’un accomplissement soit direct, soit indirect. Son accomplissement direct se fait par le recours à des énoncés comme « Je te/vous hais! » ou « Je te/vous déteste! » dans lequel l’expression de haine est marquée explicitement. Mais l’acte expressif de haine peut aussi être accompli indirectement par l’intermédiaire de l’accomplissement de l’affirmation de possession du sentiment de haine, par exemple par l’énoncé « J’ai de la haine pour toi/vous ». L’acte primaire d’expression de haine est alors accompli par l’acte assertif secondaire. Le locuteur exprime sa haine en disant qu’il a cette haine.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:0cm; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">6. </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Se pose la question de savoir si l’état mental de haine peut être exprimé discursivement autrement que par l’accomplissement, direct ou indirect, d’un acte expressif de haine. Elle sera plus loin examinée.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Des effets perlocutoires </span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Il est manifestement possible que le discours entraîne des effets préjudiciables pour des personnes. La question qui se pose est celle de savoir si la production de ces effets par un discours permet de l’attester comme discours haineux. Jeremy Waldron (2012) le présume dans l’argument qu’il invoque en appui à sa position prohibitionniste arguant que le discours de haine ne devrait pas être couvert par la protection juridique de la liberté d’expression (comme c’est le cas aux États-Unis). À ses yeux, c’est parce qu’il porte atteinte à la dignité des personnes visées que le discours de haine devrait être sanctionné. À première vue, la position de Waldron semble être déontologique plutôt que conséquentialiste. C’est ainsi que l’interprète Stéphane Courtois (2020) selon lequel Waldron détermine le caractère dommageable du discours haineux par le fait qu’il bafoue une valeur fondamentale et évite ainsi d’être confronté à un problème de vérification empirique. S’il est exact que Waldron appelle à interdire le discours de haine parce qu’il s’attaque à la valeur de dignité humaine et au respect qui lui est dû, il précise également qu’il en est ainsi parce que le discours haineux incite à la discrimination des personnes qui en font l’objet, qu’il détériore leur réputation, qu’il mine leur confiance d’être traitées équitablement, qu’il endommage leur situation sociale et qu’ainsi il corrompt ce bien public qu’est un environnement social inclusif. Marc-Antoine Dilhac (2015) rend compte de cette articulation chez Waldron entre l’atteinte à la dignité du discours haineux et ces effets dans les termes suivants : « Selon une variante plus nuancée et plus intéressante de l’argument en faveur d’une restriction de la liberté de parole, les discours de haine créent des conditions qui affaiblissent la valeur de la liberté des personnes stigmatisées, leur capacité à vivre sans entrave et à défendre leurs intérêts civils dans l’espace public. C’est l’un des arguments défendus par le philosophe Jeremy Waldron pour qui les discours haineux ont un impact sur la valeur des libertés fondamentales et donc sur la qualité de la vie démocratique. » (2015, 27).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Au total, à suivre Waldron, le discours de haine serait à proscrire pas uniquement parce qu’il altérerait le principe abstrait de la dignité humaine, mais aussi parce que, ce faisant, il entraînerait des effets préjudiciables pour des personnes. Ou, plutôt, c’est en entraînant ces effets qu’un discours haineux porterait atteinte à la dignité humaine. La proscription waldronnienne du discours haineux est donc partiellement mais aussi fondamentalement relative à ses effets. À ce titre, elle tombe sous le coup de l’exigence de vérification empirique de toute position conséquentialiste. Il faudrait, pour étayer la position de Waldron, être en mesure de valider que le discours haineux produit des effets préjudiciables aux personnes et à l’inclusion sociale. Plus fondamentalement, quant à la question de la définition du discours haineux par les effets préjudiciables qu’il entraînent, il faudrait démontrer que c’est en causant ces effets préjudiciables qu’un discours est un discours haineux.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Une raison révèle pourquoi une telle entreprise n’est pas réalisable : c’est que les effets suscités par le discours haineux sont des effets perlocutoires. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Deux principales dimensions de l’activité discursive sont à distinguer : l’illocutoire et le perlocutoire. L’illocutoire a trait à ce qui est fondamentalement fait en parlant : une affirmation, une promesse, un ordre, une excuse. Ce sont là les actes de discours, au sens plein du terme. L’expression explicite de haine, celle qui fait l’objet d’un acte expressif, qu’il soit accompli directement par l’énoncé « </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Je te/vous hais!<span style="color:black"> » ou indirectement par l’énoncé assertif « </span>J’ai de la haine pour toi/vous<span style="color:black"> », relève de l’ordre illocutoire puisqu’elle est alors ce qui est fait par l’acte expressif. </span> </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Le perlocutoire, lui, a trait à ce qui est éventuellement produit par le discours : une peur, une intimidation, une indignation, une peine. S’il est possible de dire qu’effrayer, intimider, indigner et peiner sont des actions, c’est seulement en un sens dérivé. À proprement parler, la peur, l’intimidation, l’indignation et la peine sont des impacts possibles du discours sur un allocutaire. Il peut être effrayé, intimidé, indigné et peiné. Plus précisément, ces effets sont des ressentis de l’allocutaire. Les effets perlocutoires sont actualisés à l’extérieur du discours. Un indice en est qu’il n’existe pas de verbes performatifs des « actes » perlocutoires. Il n’est pas possible d’effrayer, d’intimider, d’indigner et de peiner en disant « Je t’/vous effraie », « Je t’/vous intimide », « Je t’/vous indigne » et « Je t’/vous peine ».<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[6]</span></span></span></span></span></a> </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Discursivement<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[7]</span></span></span></span></span></a>, les effets perlocutoires sont produits par l’accomplissement d’actes illocutoires. Par exemple, c’est par une menace qu’une peur peut être suscitée et une peine par une critique. Dans Gilles Gauthier (2021b), je montre que cette production est possible en raison d’une concordance entre l’acte illocutoire et l’effet perlocutoire. Ainsi, si une menace peut effrayer, c’est parce qu’elle spécifie une action néfaste pour l’allocutaire et si une critique peut peiner, c’est parce qu’elle a trait à un défaut ou à une déficience de l’allocutaire. Cependant, cette production perlocutoire n’est pas immanente à l’accomplissement illocutoire. Car une menace peut manquer à effrayer et une critique à peiner. Les actes illocutoires créent seulement une possibilité de production perlocutoire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Car, et c’est là la différence fondamentale entre les dimensions illocutoire et perlocutoire, alors que les actes illocutoires sont intrinsèquement accomplis par l’emploi (dans des circonstances appropriées) d’un énoncé, les effets perlocutoires sont atteints de façon seulement contingente. Par exemple, dire « Je ne ferai pas la chose que tu me demandes » est ipso facto un refus, mais ce refus peut contrarier ou non. S’il est possible qu’une menace effraie et qu’une critique peine, il n’est pas assuré que ce soit effectivement le cas. L’allocutaire peut ne pas être effrayé par la menace et peiné par la critique. Inversement, les effets perlocutoires peuvent être produits même si leur atteinte n’est pas visée par le locuteur dans l’accomplissement d’un acte illocutoire. Une menace peut effrayer et une critique peut peiner sans que le locuteur le veuille. L’effet perlocutoire est à ce point détaché de l’acte illocutoire qu’il peut également arriver qu’il soit produit de manière aberrante à la suite de l’accomplissement d’un acte illocutoire. Par exemple, un allocutaire peut être effrayé par une promesse s’il l’interprète comme une menace et être insulté par une offre s’il estime ne pas avoir besoin de la chose offerte. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Dire qu’un discours est effrayant ou affligeant pour signifier qu’il peut effrayer ou peiner, ce n’est pas en désigner une propriété. Cela reviendrait à fusionner indûment le perlocutoire à l’illocutoire. C’est indiquer que le discours peut possiblement être cause de peur ou de peine. Dire qu’un discours est offensant a le même sens (Gilles Gauthier, à paraître et 2021a). Comme la peur et la peine, l’offense est un effet perlocutoire. L’accomplissement d’un acte illocutoire peut offenser sans que ce soit là un objectif recherché par le locuteur et une offense peut ne pas être produite en dépit de l’intention du locuteur de la produire. C’est en cela, qu’à strictement parler, il n’y a pas de discours offensant mais, uniquement, un discours qui peut occasionner une offense.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Il en va de même pour les effets préjudiciables mis en avant comme trait définitionnel du discours de haine. La stigmatisation et la discrimination de personnes, l’incitation à la violence à leur endroit, l’atteinte au respect qui leur est dû et la violation de leurs droits sont des effets perlocutoires. Ils peuvent bien être éventuellement produits par un discours, mais pas illocutoirement. Ces effets sont actualisés à l’extérieur du discours chez les personnes qu’ils atteignent. Leur production n’est pas certaine mais indéterminée. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Un même discours peut entraîner ou ne pas entraîner ces effets. Il n’est conséquemment pas opportun de le qualifier de discours haineux en raison des effets préjudiciables qu’il peut entraîner. Un discours n’a pas pour caractère constitutif de susciter des effets préjudiciables. Comme pour un discours offensant, dire d’un discours qu’il est un discours haineux, c’est seulement dire qu’il peut entraîner un effet préjudiciable. De même un acte expressif de haine n’est pas tel parce qu’il peut avoir un effet préjudiciable pour une personne, mais indépendamment de l’atteinte de cet effet parce qu’il exprime de la haine. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’expression d’intention et l’expression de haine</span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Si la production d’effets préjudiciables est ainsi mise hors-jeu pour la détermination du discours haineux, peut-être est-il possible de récupérer le résidu de l’idée en se repliant sur l’intention de susciter ces effets. Bien qu’un discours ne produise pas de façon certaine des effets préjudiciables, ne pourrait-on pas considérer que l’intention de les produire portée par le discours permet de le définir comme un discours de haine? C’est en tout cas en postulant une telle intention que certains cherchent à établir le fonctionnement d’un discours de haine « dissimulé » (Fabienne Balder et Maria Constantinou, 2019) ou un discours de haine qui agirait de « manière insidieuse » (Michael Rinn, 2009).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> En son sens ordinaire, l’intention est, comme la haine, un état mental. Elle est la disposition d’esprit par laquelle on se propose d’effectuer une action.<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[8]</span></span></span></span></span></a> Comme toute autre intention, l’intention de produire un effet préjudiciable peut être exprimée discursivement. Elle peut l’être, par exemple, par un politicien qui défendrait l’idée d’une préférence nationale en disant : « Je m’engage à limiter l’accès des ressortissants étrangers aux aides sociales. »</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Afin d’établir qu’un discours dans lequel est exprimée de la sorte une intention de produire un effet préjudiciable est un discours haineux, il faudrait montrer en quoi l’expression de cette intention comporte une expression de haine ou, pour le dire à l’inverse, en quoi une expression de haine découle de l’expression de l’intention. Or, c’est la démonstration contraire qui peut être faite. L’expression d’une intention de produire un effet préjudiciable n’implique pas une expression de haine. Il est parfaitement possible que le politicien dise « J’ai l’intention de faire adopter des mesures qui limiteront l’accès des ressortissants étrangers aux aides sociales. » sans du tout exprimer de haine à l’égard des ressortissants étrangers. La preuve en est que le politicien pourrait sans contradiction aucune tout à la fois exprimer l’intention et affirmer ne pas entretenir quelque sentiment de haine envers les ressortissants étrangers. Pour le dire d’une autre façon, il y a compatibilité entre l’expression d’une intention de susciter un effet préjudiciable pour une personne et la dénégation d’une expression de haine à l’égard de cette personne. Une expression de haine n’est pas corrélative à l’expression d’une intention de produire un effet préjudiciable. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Il peut arriver que le locuteur exprime également de la haine quand il exprime l’intention de produire un effet préjudiciable. Mais exprimer cette intention ne revient pas à exprimer de la haine. Une expression de haine n’est pas formellement présente dans une expression de produire un effet préjudiciable. Elle peut seulement éventuellement s’y ajouter. Conséquemment, un discours ne peut pas être identifié comme haineux parce qu’une intention de produire un effet préjudiciable y est exprimée.</span></span></span></span></p>
<p> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Un contenu annexe</span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Le troisième élément définitionnel proposé du discours de haine est son contenu. Suivant cette proposition, un discours serait haineux en raison de sa teneur dépréciative à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes eu égard à une caractéristique descriptive comme la race, la religion, le sexe, l’orientation sexuelle et d’autres encore. Un énoncé comme « </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Les Noirs sont des sous-hommes. » serait haineux parce que raciste. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Une première interprétation possible de cette thèse est que c’est en vertu de sa teneur propositionnelle que l’énoncé serait raciste et exprimerait de la haine. <span style="color:black">Cette vue des choses pose une difficulté cruciale. Elle amène à considérer à tort que l’expression de racisme et de haine est une propriété inhérente d’une proposition et que, donc, cette proposition est toujours raciste et exprime toujours de la haine. On peut démontrer que ce n’est pas le cas. Une proposition n’est jamais exprimée indépendamment d’une force illocutoire. Par exemple, la proposition [Jean fume] peut faire l’objet de l’assertion « Jean fume. », de la question « Jean fume-t-il? » et de l’ordre « Fume, Jean! ». Il en va de même de la proposition [Les Noirs – sous-hommes]. Elle peut faire l’objet de l’assertion « Les Noirs sont des sous-hommes. », mais aussi des questions « Les Noirs sont-ils des sous-hommes? » « Pourquoi voir les Noirs comme des sous-hommes? » et de la dénégation « Les Noirs ne sont pas des sous-hommes. ». Il est tout à fait évident que les questions et la dénégation ne sont pas racistes et n’expriment pas de la haine à l’égard des personnes noires. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Si l’assertion « Les Noirs sont des sous-hommes. » est raciste, ce n’est pas en raison de son contenu propositionnel, mais du fait que celui-ci est appréhendé sous la force illocutoire assertive : que la sous-humanité des Noirs est affirmée. C’est l’acte d’assertion représentant comme étant actualisé l’état de choses que les Noirs sont des sous-hommes qui est raciste. Autrement dit, l’expression de racisme ne relève pas de la sémantique entendue au sens strict ou de la lexicologie, mais de la pragmatique.<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[9]</span></span></span></span></span></a></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Bel et bien raciste, l’énoncé « Les Noirs sont des sous-hommes. » n’est pas pour autant haineux. Il peut arriver qu’en l’énonçant le locuteur exprime de la haine à l’égard des Noirs. Mais cette expression n’est pas constitutive de l’assertion. L’état mental exprimé de façon nécessaire dans l’accomplissement de l’assertion est la croyance en l’état de choses de la sous-humanité des Noirs. Le locuteur ne peut pas, sans faire preuve de contradiction, dénier avoir cette croyance quand il accomplit l’assertion. Mais il peut, sans se contredire, accomplir l’assertion tout en affirmant qu’il n’entretient pas de haine à l’égard des Noirs.<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[10]</span></span></span></span></span></a> Il n’y a pas incompatibilité entre l’assertion « Les Noirs sont des sous-hommes. » et la dénégation de la possession d’une haine des Noirs. L’expression de haine n’est pas intrinsèque à l’assertion; elle peut seulement l’accompagner. Un discours n’est pas haineux parce qu’il est raciste.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">C’est parce qu’elle est casuellement exprimée en accompagnement d’un contenu dépréciatif eu égard à une caractéristique descriptive comme la race, la religion, le sexe ou l’orientation sexuelle que la présence de ce contenu au sein de ce discours ne permet pas de l’identifier comme un discours haineux.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’expression illocutoire et l’expression perlocutoire</span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Une expression de haine peut potentiellement s’adjoindre à l’expression d’une intention de produire des effets préjudiciables et au contenu produisant ces effets.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’établissement de cette possibilité conduit à distinguer deux modes sous lesquels la haine et l’ensemble des états mentaux peuvent être discursivement exprimés. Le premier de ces modes est relatif à une condition d’accomplissement d’un acte de discours : sa condition de sincérité. Dans l’accomplissement d’un acte de discours, le locuteur exprime un état mental. Par exemple, une croyance dans une affirmation et un désir (de voir l’allocutaire effectué une action) dans un ordre. L’acte de discours est sincère ou non selon que le locuteur possède ou non l’état mental qu’il y exprime. La condition de sincérité fait partie de la force illocutoire d’un acte de discours. Il serait contradictoire pour un locuteur de faire une affirmation et de nier avoir la croyance en son contenu et de donner un ordre et de nier avoir le désir de le voir suivi.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> On peut dire, conséquemment, que l’état mental constitutif de la condition de sincérité d’un acte de discours donne lieu à une expression illocutoire. C’est le cas de l’intention de produire un effet préjudiciable dans l’engagement à limiter l’accès des ressortissants étrangers aux aides sociales et de la croyance dans l’assertion que les Noirs sont des sous-hommes puisqu’ils sont des états mentaux constitutifs de la condition de sincérité des actes des deux actes de discours. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> La haine est aussi un état mental qui peut être exprimé illocutoirement. Elle est de ce mode d’expression quand elle constitue la condition de sincérité de l’acte de discours expressif qui a précisément pour but de l’exprimer, que l’acte soit accompli directement par des énoncés comme </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">« Je te/vous hais! » ou « Je te/vous déteste! » ou indirectement par l’acte assertif de possession du sentiment de haine accompli par un énoncé comme « J’ai de la haine pour toi/vous ». Dans ce dernier cas, la haine est exprimée par l’intermédiaire de l’expression de la croyance en sa possession.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Par ailleurs, un état mental peut être exprimé dans l’accomplissement d’un acte de discours sans en être une condition de sincérité. Il est possible, par exemple, d’exprimer de <span style="color:black">l’intransigeance dans l’accomplissement d’une affirmation, de l’arrogance dans l’accomplissement d’un ordre, de la générosité dans l’accomplissement d’une promesse, de la honte dans l’accomplissement d’un regret et du dépit dans l’accomplissement d’une démission. Cependant, l’expression de l’état mental ne relève alors pas de la dynamique interne de l’accomplissement de l’acte de discours. Celui-ci peut être accompli sans que l’état mental soit exprimé. Il n’est pas du tout contradictoire qu’un locuteur fasse une affirmation tout en niant faire preuve d’intransigeance, qu’il donne un ordre tout en niant être arrogant, qu’il fasse une promesse tout en niant être animé par un sentiment de générosité, qu’il s’excuse tout en niant avoir honte de l’action dont il s’excuse et qu’il démissionne tout en niant en avoir du dépit. L’expression de l’état mental est contingente comme l’est l’atteinte d’un effet perlocutoire. C’est seulement éventuellement, parce que le locuteur l’associe de manière optionnelle à son accomplissement de l’acte de discours, qu’il est exprimé. L’expression de l’état mental accompagne facultativement l’accomplissement de l’acte de discours.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> On peut pour cela qualifier de perlocutoire l’expression dont il fait alors l’objet. Elle est, cette expression, contingente comme est contingente la production d’un effet perlocutoire. De la même façon qu’un effet perlocutoire peut être atteint ou non, un état mental autre que celui constitutif de la condition de sincérité peut être ou non exprimé.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’expression de haine peut être de ce mode d’expression perlocutoire. Elle peut venir s’adjoindre subsidiairement à l’accomplissement d’un acte dont elle ne constitue pas une condition de sincérité. C’est tout à fait ce qui se passe, le cas échéant, dans l’engagement à limiter l’accès des ressortissants étrangers aux aides sociales et dans l’assertion que les Noirs sont des sous-hommes. L’accomplissement de ces actes de discours n’implique pas qu’y soit exprimée une haine des étrangers et des Noirs. Il peut toutefois arriver que le locuteur exprime accessoirement cette haine en sus de l’expression d’une intention et d’une croyance. Cette expression n’est pas assurée comme ne l’est pas l’expression d’intransigeance dans l’accomplissement d’une affirmation, l’expression d’arrogance dans l’accomplissement d’un ordre, l’expression de générosité dans l’accomplissement d’une promesse, l’expression de honte dans l’accomplissement d’un regret et l’expression d’un dépit dans l’accomplissement d’une démission. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Conclusion</span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Si, comme j’ai cherché à en faire la démonstration, l’expression discursive de la haine ne peut pas être définie par la production d’effets préjudiciables à des personnes, par l’intention de produire ces effets et par un contenu dépréciatif relatif à un trait descriptif comme la race, la religion, le sexe et l’orientation sexuelle, cela n’empêche pas que la haine puisse, de fait, être exprimée en liaison avec l’une et l’autre de ces instances discursives.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-18.15pt; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol">· </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’analyse montre que la production d’effets préjudiciables n’est pas un indice d’expression de haine, mais pas que ces effets ne peuvent pas être produits par une expression discursive de haine. Bien que ça ne soit pas programmé et automatique, les actes de discours dans lesquels de la haine est exprimée peuvent produire des effets préjudiciables à des personnes.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-18pt; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol"><span style="color:black">· </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’analyse montre que l’expression de l’intention de produire des effets préjudiciables ne comporte pas en elle-même une expression de haine (qu’exprimer cette intention, ce n’est pas exprimer de la haine), mais pas que l’expression de haine ne peut pas s’y adjoindre. De la haine peut être exprimée en juxtaposition à l’expression d’une intention de produire des effets préjudiciables.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-18pt; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Symbol"><span style="color:black">· </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’analyse montre qu’une expression de haine n’est pas concomitante à un contenu dépréciatif relatif à une caractéristique descriptive, mais pas qu’elle lui est inconciliable. De la haine peut être exprimée en se greffant à un contenu dépréciatif relatif à une caractéristique descriptive.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:22pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Le portait d’ensemble qui se dégage de l’analyse est que l’expression discursive de la haine est de deux modes possibles.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-18pt; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><s><span style="font-family:Wingdings"><span style="color:black">Ø </span></span></s><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’expression discursive de haine est d’ordre illocutoire quand l’expression de haine est l’objectif d’un acte de discours et que la haine en est la condition de sincérité. Interne à l’accomplissement de l’acte de discours, l’expression de haine est alors structurelle : accomplir l’acte de discours, c’est ipso facto exprimer de la haine. Ce mode d’expression est éminemment restreint. Il se localise uniquement dans l’acte expressif de haine accompli directement ou indirectement par l’accomplissement de l’acte assertif affirmant la possession par le locuteur de l’état mental de haine.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:-18pt; margin-left:48px"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:Wingdings"><span style="color:black">Ø </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">L’expression discursive de haine est d’ordre perlocutoire quand elle vient s’ajouter à un acte de discours dont elle n’est pas l’objectif de l’accomplissement et dont la haine n’est pas la condition de sincérité. Peut-être y a-t-il d’autres possibilités, mais c’est notamment des actes de discours dans lesquels est exprimée une intention illocutoire de produire des effets préjudiciables pour des personnes et des actes de discours dont le contenu propositionnel est dépréciatif de personnes relativement à un trait descriptif comme la race, la religion, le sexe et l’orientation sexuelle. Sous ce mode perlocutoire, l’expression de haine est extrinsèque et incertaine.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:26pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Dans la mesure où l’expression de haine n’y participe pas forcément, il est abusif de qualifier d’haineux un discours produisant des effets préjudiciables, exprimant une intention de produire de tels effets ou comportant un contenu dépréciatif portant sur une caractéristique descriptive de personnes. En toute rigueur, la notion de discours haineux devrait être réservée aux seuls discours dans lesquels la haine fait l’objet d’une expression illocutoire, qu’elle soit directe (comme dans l’énoncé « Je vous hais ») ou indirecte (comme dans l’énoncé « J’ai de la haine pour vous »). À strictement parler, il est impropre d’utiliser la notion de discours haineux à l’égard de discours dans lesquels la haine est exprimée perlocutoirement en étant seulement adjointe à l’expression d’une intention de produire des effets préjudiciables ou à un contenu propositionnel portant sur une caractéristique descriptive.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> D’aucuns pourraient prétendre que c’est là pinaillage et qu’il n’est pas si fâcheux de maintenir une définition du discours de haine en l’entendant communément comme une désignation générique molle de différentes sortes de discours disparates qui peuvent potentiellement servir à l’expression de haine. Ça semble être l’attitude adoptée par Charles Girard (2015) quand il met entre guillemets l’étiquette « discours de haine » sous laquelle il collige différents éléments discursifs à propos desquels il soulève la question d’une intervention de l’État : « Que doit faire un État démocratique lorsqu’un comédien regrette dans ses spectacles que tous les juifs n’aient pas été exterminés lors de la Seconde Guerre mondiale? Quand un ministre affirme lors d’une réunion publique que ‘ lorsqu’il y a un Arabe, ça va, c’est lorsqu’il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ’ ou qu’une ministre noire est représentée sur les réseaux sociaux sous les traits d’un singe? Lorsque les murs d’une mosquée sont recouverts de l’inscription ‘ À mort les musulmans ’ ou qu’un hebdomadaire titre en une ‘ Roms : l’overdose ’? Ces actes expressifs relèvent tous, malgré des contenus, des formes et des circonstances différents, de la catégorie des ‘ discours de haine ’ » (11).<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:12.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">[11]</span></span></span></span></span></a> Discours de haine apparaît alors être une notion qui, bien qu’élastique et surdéterminée, permet néanmoins de regrouper sous une considération générale des discours hétérogènes qui peuvent poser socialement un problème similaire.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> Un principe de tolérance terminologique et conceptuelle peut certainement justifier une telle admission. Sans prétendre exagérément que l’imprécision dans laquelle baigne la notion de discours haineux prise en ce sens étendu ajoute au malheur du monde, selon le mot de Camus, on peut quand même faire valoir que son usage désinvolte présente l’inconvénient d’entretenir la confusion quant à son champ référentiel. Le </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">présent travail, si besoin est de le préciser, ne constitue pas un plaidoyer pour régenter l’usage de la notion de discours de haine, mais une analyse cherchant à mettre au jour les tenants et aboutissants de cet usage. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Deux <span style="color:black">observations peut-être plus secondaires </span>peuvent, à cet égard, être notées en terminant. La détermination d’effets préjudiciables n’est pas prédictive. Puisque l’allocutaire peut en être perlocutoirement atteint ou non, il n’est pas possible de s’assurer de leur production. De même, l’intention de produire ces effets ne peut pas être détectée avec certitude. Elle aussi de nature perlocutoire, cette intention <span style="color:black">n’est pas décelable à la seule vue d’un acte de discours accompli par le locuteur comme l’est une intention illocutoire, par exemple la croyance d’une assertion et le désir d’un ordre. La production d’effets préjudiciables et l’intention de les produire ne peuvent pas faire l’objet d’une vérification empirique. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black"> La situation ne se présente pas tout à fait de la même manière pour un contenu dépréciatif. Bien sûr, il ne comporte pas de lui-même une expression de haine; elle ne peut que l’accompagner. Et, en cela, un contenu raciste, sexiste ou homophobe n’est pas forcément haineux. Cependant, la teneur raciste, sexiste ou homophobe d’un propos, du moins dans ses manifestations les plus claires, s’ancre dans un cadrage idéologique ou même théorique : l’idée d’une existence des races et de leur hiérarchie, celle d’une domination patriarcale et celle d’une polarisation naturelle exclusive des sexes. Contrairement à la production d’effets préjudiciables et à l’intention de les produire, les propos raciste, antisémite ou islamophobe, sexiste et homophobe sont empiriquement repérables en fonction du cadre idéologique ou théorique d’où ils émanent. S’il n’est pas opportun de les caractériser comme haineux, ils peuvent néanmoins faire l’objet de la critique qui en est aujourd’hui faite en leur assignant erronément un caractère haineux. Autrement dit, il n’est pas besoin de penser les discours raciste, antisémite ou islamophobe, sexiste ou homophobe comme des discours de haine pour les évaluer éthiquement ou les sanctionner juridiquement. Ils sont en eux-mêmes ou ont en eux-mêmes tout ce qu’il faut pour être blâmés et possiblement réprimés. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><b><span style="font-size:14.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Références bibliographiques</span></span></span></b></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Arendt, Hannah (1963) : Eichmann in Jerusalem. </span></span><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">A Report on the Banality of Evil, New York : Vicking Press.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Balder, Fabienne; Maria Constantinou (2019), « Discours de haine dissimulée, discours alternatifs et contre-discours », Semen, 47,</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><a href="https://journals.openedition.org/semen/12275" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">https://journals.openedition.org/semen/12275</span></a><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Balirano, Giuseppe; Hugues Bronwen, (2020) : Homing in on Hate : Critical Discourse Studies of Hate Speech, Discrimination and Inequality in the Digital Age, Naples : Paolo Loffredo. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Brown, Alexander (2017) : « What is Hate Speech? Part 1 : The Myth of Hate</span></span><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="letter-spacing:1.0pt"> », Law and Philosophy, 36, 419-468. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="letter-spacing:1.0pt">Courtois, Stéphane (2020) : </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">« Les religions possèdent-elles le droit d’être protégées contre les expressions offensantes?</span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="letter-spacing:1.0pt"> », Les Ateliers de l’éthique, 15(1-2), 87-112.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Dilhac, Marc-Antoine (2015) : « Tolérer les extrêmes », Esprit, 10, octobre, 23-32.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Gauthier, Gilles (à paraître) : « </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="letter-spacing:1.0pt">Le mécanisme de production de l’offense discursive ».</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Gauthier, Gilles (2021a) : « </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Qu’est-ce qu’offenser par le discours? », <span style="letter-spacing:1.0pt">Ethica, 24(2),97-125.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Gauthier, Gilles (2021b) : « </span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">La production perlocutoire de l’illocutoire », Lorenzini, Daniele et Sandra Laugier (sous la dir. de), Perlocutoire. Normativités et performativités du langage ordinaire, Paris : Mare et Martin, 63-74.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Girard, Charles (2015) : « Pourquoi punir les discours de haine », <span style="color:black">Esprit, 10, octobre, 11-22.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Lorenzi Bailly, Nolween; Moïse Claudine (2023) (dir) : Discours de haine et radicalisation. Les notions clés, Lyon : ENS Éditions</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Lorenzi Bailly, Nolween; Moïse Claudine (2021) (dir) : La haine en discours, Bordeaux : Le Bord de l’Eau.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Määttä, Simo (2023) :</span></span><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> « Linguistic and Discursive Properties of Hate Speech and Speech Facilitating the Expression of Hatred : Evidence from Finnish and French Online Discussion Boards », Internet Pragmatics, 6(2), 156–172.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Moïse, Claudine; Hugonnier, Claire; Guellouz, Mariem; Lorenzi Bailly, Nolwenn (dir.) (2021) : « Circonscrire le discours de haine numérique. Processus argumentatifs, idéologies et mémoires discursives », Travaux Neuchâtelois de linguistique, 75, 41-60. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">Monnier, Angeliki; Annabelle Seoane, Nicolas Hubé; Pierre Leroux (eds.) </span><span style="font-family:"Arial",sans-serif">(2021) : « Discours de haine dans les réseaux socionumériques », Mots. Les langages du politique, 125.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Nicaud, Baptiste (2023) : Les discours de haine, Le Kremlin-Bicêtre : mare & martin.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">Parekh, Bhikhu (2012) : « Is there a Case Banning Hate Speech ? », in Ertz, Michael E. and Peter Molnar (eds.), The Content and Context of Hate speech. Rethinking Regulation and responses, Cambridge : Cambridge University Press, 37-56. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Retta, Mattia (2023) : </span></span><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">« A Pragmatic and Discourse Analysis of Hate Words on Social Media</span> <span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"> », </span><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif"><span style="color:black">Internet Pragmatics, 6(2),197-218.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Rinn, Michael (2009) : « Le pathos négationniste des sites islamistes », in Deleplace, Marc (ed.), Discours de haine : Récits et figures de la passion dans la Cité, Lille : Presses universitaires du Spetentrion, 331-342.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">Searle, John R. (1979), Expression and Meaning. Studies in the Theory of Speech Acts, Cambridge, Cambridge University Press.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">Searle, John R. (1969), Speech Acts. An Essay in the Philosophy of Language, Cambridge, Cambridge University Press.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Turpin, Béatrice (2023) : « Haine (discours de) », in Bailly, Nolween et Claudine Moïse (dir. de), Discours de haine et de radicalisation : Les notions clés, Nouvelle édition [en ligne], Lyon : ENS Éditions,</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">http://books.openedition.org/enseditions/43765. </span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span lang="EN-US" style="font-family:"Arial",sans-serif">Waldron, Jeremy (2012) : The Harm in Hate Speech, Cambridge : Harvard University Press.</span></span></span></p>
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">Weber, Anne (2009) : Manuel sur le discours de haine, Strasbourg : Éditions du Conseil de l’Europe,</span></span></span></p>
<p><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><a href="https://rm.coe.int/manuel-sur-le-discours-de-haine-anne-weberfr/16808e4e21" style="color:blue; text-decoration:underline"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">https://rm.coe.int/manuel-sur-le-discours-de-haine-anne-weberfr/16808e4e21</span></a></span></span></p>
<p> </p>
<p style="text-align:justify"> </p>
<div>
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<div id="ftn1">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[1]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Ce constat est aussi fait, parmi beaucoup d’autres, par Anne Weber (2009, 3) : « En dépit de son utilisation fréquente, il n’existe aucune définition universellement admise de l’expression ‘discours de haine’. ». Bhikhu Parekh (2012) attribue ce manque à la trop grande hétérogénéité des comportements discursifs dénotés par l’expression.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn2">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Le dictionnaire donne aussi à « haine » le sens d’une répulsion ou d’une répugnance pour quelque chose (par exemple le mensonge ou l’hypocrisie) ou pour une situation (par exemple faire la cuisine ou le ménage). Ce sens ne s’applique pas au discours haineux.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn3">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[3]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> La haine peut aussi être exprimée par une image ou une caricature, une mimique ou un geste (par exemple cracher vers quelqu’un).</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn4">
<p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Times New Roman", serif"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[4]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Alexander Brown (2017) s’inscrit en faux contre cette évidence. Il considère comme un mythe qu’un sentiment de haine soit un constituant indispensable d’un discours de haine : « that the emotions, feelings, or attitudes of hate or hatred are part of the essential nature of the hate speech. » (3) Pour soutenir cette thèse, Brown doit cependant entendre dans un sens extrêmement restreint la notion d’expression psychologique. Pour lui, par exemple, « To an American, death is preferable to life on a par with the Chinaman.” est un énoncé haineux bien que de la haine n’y soit pas exprimée. Au point 4, je soutiendrai que la haine peut possiblement être exprimée implicitement. Ça pourrait être le cas dans l’exemple de Brown.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn5">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[5]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Remercier est un acte accompli sincèrement ou insincèrement selon que le locuteur est ou non reconnaissant, s’excuser selon que le locuteur regrette ou non et féliciter selon que le locuteur ressent ou non de la joie pour l’allocutaire.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn6">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[6]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> C’est le cas pour les actes illocutoires. Ils peuvent être accomplis au moyen d’un verbe performatif. Il est possible d’affirmer en disant « J’affirme », de promettre en disant « Je promets », d’ordonner en disant « J’ordonne » et de s’excuser en disant « Je m’excuse ».</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn7">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[7]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Le discours n’est pas le seul mode de réalisation des effets perlocutoires. La peur, l’intimidation, l’indignation et la peine peuvent résulter d’images, de gestes et de comportements.</span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn8">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[8]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Ce sens ordinaire de l’intention est distinct, bien qu’il y soit lié, de son sens philosophique : la propriété d’une entité d’être dirigée vers, de représenter autre chose qu’elle-même. </span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn9">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[9]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Ce qui ne veut pas dire que n’existe pas un lexique de la haine. Comme le décrit Béatrice Turpin (2023), il y a des mots et des expressions particulièrement seyants à l’expression de haine. Mais c’est par leur emploi à cette fin qu’ils servent à exprimer de la haine. </span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn10">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[10]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Cette possibilité s’apparente ou va dans le même sens que le concept de banalité du mal formulé par Hannah Arendt (1963). De la même manière que suivant l’analyse de la philosophe Adolph Eichmann avait perdu sa capacité de distinguer le bien et le mal et tout sentiment moral à l’égard des Juifs dans l’exécution de ses crimes de guerre, un locuteur peut dit « Les Noirs sont des sous-hommes. » sans être motivé par la haine. </span></span></span></span></p>
</div>
<div id="ftn11">
<p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" style="color:blue; text-decoration:underline" title=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif">[11]</span></span></span></span></span></span></a><span style="font-size:10.0pt"><span style="font-family:"Arial",sans-serif"> Au vu de l’analyse ici menée, ces différents énoncés peuvent comporter une expression perlocutoire plutôt qu’illocutoire de haine. </span></span></span></span></p>
</div>
</div>