<p><font face="Arial, sans-serif">La figure de la sorcière, telle qu’elle est perçue présentement en Occident, est empreinte d’une certaine dualité que l’on observe dans la façon dont elle est accueillie par les individus qui lui sont extérieurs et en parallèle dans la façon dont elle est utilisée et revendiquée par des groupes de femmes s’en saisissant pleinement. </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Ce phénomène s’explique par les deux archétypes que l’on rencontre de la sorcière : d’une part la méchante et vielle femme à éliminer pour le bien de tous et de l’autre la femme libre, puissante, érudit, détenant de multiples talents, qui fait le choix, ou non, de la bienveillance. </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Mais alors comment ces deux modèles pourtant opposés, peuvent coexister ? </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Ce sont deux malentendus ou mécompréhensions historiques qui vont encrer cela dans l’imaginaire de tout un chacun et les faire perdurer au point où cela va devenir à son paroxysme, pour certaines femmes, un véritable idéal à atteindre pour s’émanciper à la fois des hommes et de la société. </font></p>
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<h2><font face="Arial, sans-serif">1. Les chasses aux sorcières, une histoire de misogynie ?</font></h2>
<p><font face="Arial, sans-serif">L’image diabolique de la sorcière est très largement héritée de l’épisode des chasses aux sorcières durant la renaissance. Mais elle vient plus précisément du <i>Malleus Maleficarum</i> ou Le marteau des sorcières en français, le célèbre traité de démonologie et de lutte contre les sorcières. </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Mais avant son édition et sa diffusion, la magie a eu un traitement particulier dans la loi et dans la société de l'époque, et cela, dans un objectif de démagification du monde (ou de désenchantement du monde, de l’allemand <i>Entzauberung der welt</i>), comme l’entendait Max Weber, à savoir un processus de rejet de tous les moyens magiques afin d'atteindre le salut<a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a> :</font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif">La loi salique, IV-VI<sup>e</sup> siècle : Aborde une méfiance envers les maléfices, les empoisonneurs, les enchantements.</font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif">Le canon <i>Episcopi</i>, X<sup>e</sup> ou X<sup>e</sup> siècle : Parle de quelques femmes qui ont des illusions envoyées par le Diable où elles chevauchent des animaux la nuit en compagnie de Diane, déesse des païens. </font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif">Constitution <i>Excommunicamus</i>, 1231 : Le pape Grégoire IX va créer l’Inquisition pour lutter contre les hérésies.</font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Vox in Rama</i>, 1233 : Une bulle pontificale par Grégoire IX où il affirme que les hérésies diaboliques existent. </font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Super illius Specula</i>, 1326 ou 1327 : Une bulle pontificale par Jean XXII où il assimile la sorcellerie à une hérésie.</font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif">Le manuel des Inquisiteurs, 1376 : Écrit par le théologien Nicolas Eymerich.</font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Fortalitium fidei</i>, vers 1465 : Est un exposé sur la foi chrétienne en cinq tomes de Alonso de Espina. Le cinquième aborde la lutte contre les démons, c’est le premier livre parlant de la sorcellerie. </font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Formicarius,</i> 1475 : Écrit par Johannes Nider, deuxième livre abordant la sorcellerie, la sorcière est décrite comme peu éduquée. </font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Summis desirantes affectibus, </i>1484 : Une bulle pontificale par Innocent VIII reconnaissant officiellement l’existence des sorciers et des sorcières. </font></p>
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<li>
<p><font face="Arial, sans-serif"><i>Malleus Maleficarum, </i>1486 ou 1487 : Écrit par Henri Institoris et Jacques Sprenger, traité de démonologie et de lutte contre les sorcières qui aura un certain succès malgré sa condamnation par l’Église catholique dès 1490. </font></p>
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</ul>
<p><font face="Arial, sans-serif">Ainsi, la mise en vigueur des lois et l'acceptation commune de ce qu'était la sorcellerie et les sorcières s’est renforcée au fur et à mesure des années, passant de la simple évocation de maléfices à la création même des termes. Au départ, on parlera de la magie comme étant un art, et de la sorcellerie comme d’une volonté de contrôler les mêmes forces sans maîtriser quoi que ce soit<a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a>. Donc, au Moyen Age, la sorcellerie n’est pas appréciée mais reste tolérée et glissera graduellement dans le domaine de l’hérésie.</font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">En réalité sous le christianisme, il y a deux types de sorcellerie : la sorcellerie simple qui se passe du diable (qu’on peut traduire par <i>Sorcery</i> en anglais) et la sorcellerie diabolique (qu’on peut traduire en anglais par <i>Witchcraft</i>)<a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup></a>. Les chasses aux sorcières vont être un glissement de l’une vers l’autre, jusqu’à l’anéantissement de la première. </font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">Le </font><font size="3"><i>Malleus Maleficarum</i></font><font size="3"> et les chasses aux sorcières sont une sorte de prémices de la sécularisation : </font><font color="#000000"><font size="3">Les chasses aux sorcières sont rendues possibles car le système juridique civil change, il se décentralise et les juges locaux sont libres de faire régner la loi comme ils le souhaitent. Là où d'ordinaire nous avons tendance à penser que l’Église catholique est entièrement responsable des actes des chasses, il se trouve que celle-ci à condamné l’ouvrage dès 1490, ce sont les civils qui se sont chargés de condamner les sorcières.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">Ce que l’on retiendra de l’histoire c’est que la sorcière moderne est une invention de l’esprit, qui des siècles plus tard perdure, il n’y a jamais eu de quelconques sorcières, seulement des personnes accusées de sorcellerie pour une multitude de raisons, qu'il s'agisse d'homme ou de femme et peu importe l’âge. Même si ces dernières restent tout de même en surreprésentation, la majorité étaient des femmes sans éducation, n’ayant pas la possibilité de se défendre lors des procès, loin de l’idée de la femme savante et puissante représentant un danger pour les hommes et la société patriarcale.</font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">Par conséquence, la réalité historique n’est pas identique à celle fantasmée par les femmes s’identifiant à la figure de la sorcière et surtout s’estimant comme étant des héritières de toutes les femmes, de toutes les sorcières injustement brûlées pour leurs dons. Car si les femmes ont été prises pour cible c’était notamment dans un temps d’incertitude, de méconnaissance de nombreux sujets et où se trouver un ennemi commun à blâmer pour tous les désastres (météorologiques, les maladies, la faible espérance de vie des nouveaux nés, les dangers des grossesses et des accouchements…) était plus simple. </font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">Cependant, le </font><font size="3"><i>Malleus Maleficarum</i></font><font size="3">, ce manuel en deux parties, une pour expliquer ce qu’est une sorcière et la seconde pour détailler le déroulée d’un procès, reste un ouvrage profondément misogyne, et sera donc à l’origine de l’image de la sorcière diabolique, persistant encore au XXI</font><sup><font size="3">e</font></sup><font size="3"> siècle, que l'on peut fréquemment retrouver dans les contes pour enfant sous l'image d'une vieille femme dangereuse. Il expliquera </font>qu’« il n'y a rien d'étonnant à ce que parmi les sorciers il y ait plus de femmes que d'hommes. Et en conséquence on appelle cette hérésie non des « sorciers » mais des « sorcières », car le nom se prend du plus important. Béni soit le Très-Haut qui jusqu'à présent préserve le sexe mâle d'un pareil fléau »<a href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc"><sup>4</sup></a>. Avec cet extrait, la haine pour les femmes à cette période paraît indéniable, et c’est aussi cela qui va motiver les sorcières d’aujourd’hui à ne plus rester dans l’ombre. Mais également motiver certains groupes à se saisir de cette figure afin de lutter contre les injustices, de s'en saisir comme outil politique, comme un outil de revendication et de libération de la condition féminine. </font></p>
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<h3><font face="Arial, sans-serif">2. La sorcière, une figure subversive ?</font></h3>
<p><font face="Arial, sans-serif">Presque cent ans après la fin des chasses aux sorcières, en 1862, l'historien Jules Michelet va publier son ouvrage <i>La sorcière</i> dans lequel il la romantise. Il en parle comme d'une femme révoltée contre la société et contre l’Église qui l'opprime, pour lui, il s'agit d'une jeune femme libre, rebelle, elle est la mère de la science moderne. Il va la situer dans un Moyen Age obscur dominé par Satan. Or, comme abordé plus tôt, il s'agissait pour la majorité de vieilles femmes, mal éduqués voire pas du tout qui ne savaient et ne pouvaient se défendre correctement durant leurs procès et qui finissaient par avouer sous la torture. </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Ses erreurs, malgré leurs dénégations de la part de nombreux historiens, auront nourrit l'imaginaire positif de la sorcière et vont continuer à le faire, tout comme le <i>Malleus Maleficarum</i> continue à le faire quand il est question du côté négatif. </font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Cette évolution raisonne comme une dérivation du mythe. Ici, le mythe de la sorcière est réinvesti par un autre schéma narratif, nous passons de l'écrire masculine pendant les chasses à l'écriture de Michelet, plus féminine, et donc, elle va être très largement réutilisée et amplifiée dans le féminisme des années soixante, car plus séduisante que la réalité historique.</font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif">Cette transformation du mythe raisonne comme une réanimation herméneutique, il y a un nouveau contexte de réception, la réception féministe qui suit l'émancipation de la femme dans la société. Il y a un engagement actif autour de la représentation de la sorcière. C'est une herméneutique symbolique qui vise à amplifier le mythe, où l'on va « […] reconstituer, par l'acte de lecture, les sens dénivelés <font color="#000000"><font size="3">et cachés d'un texte, leur multiplicité et leur richesse, pour les actualiser en différents champs et moments de l'expérience humaine »<a href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc"><sup>5</sup></a>.</font></font></font></p>
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<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">En ce sens, plusieurs mouvements récupérant la figure de la sorcière, à travers des slogans, des actions et des accoutrements qui lui sont propre vont voir le jour. </font></font></font></p>
<p><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">En 1968, à New York, un collectif crée par environ treize activistes féministes va voir le jour, c</font></font></font><font face="Arial, sans-serif">'est le « </font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i>Women's International Conspiracy from Hell</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"> » (</font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i>W.I.T.C.H</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">, ou la Conspiration terroriste internationale des femmes venues de l'enfer), il s'agira du groupe ayant le plus marqué l'histoire. Leur lutte se dirige au départ plus vers la domination des riches sur les pauvres que celles qui hommes sur les femmes, estimant alors que le capitalisme et les grandes entreprises américaines sont la véritable source des problèmes, les véritables ennemies des femmes. Leur première action se déroule le jour d'Halloween, le 31 octobre 1968, où elles seront vêtues de noir avec des chapeaux pointus, des capes et des balais, contre</font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i> Wall Street</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">, la Bourse de New York. Les activistes sont venues avec une tête de cochon en papier mâché dans une assiette dorée et leurs balais et ont entouré la statue de George Washington se trouvant sur les escaliers du</font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i> Federal Hall National Memorial</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"> à New York. Elles ont ensuite lancé un sort dans l'optique de rendre l'argent à la population.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Quelques mois plus tard, en février 1969, le lendemain de la Saint-Valentin, le collectif s'est de nouveau réuni pour lutter contre l'institution du mariage, qu'elles trouvent déshumanisante, lors d'un salon du mariage au </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Madison Square Garden</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Par la suite, plusieurs actions, de groupes différents ont vu le jour, luttant contre la fête des mères, contre l'enfermement de femmes activistes au sein des </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Black Panthers</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, contre la hausse des tarifs du métro de Chicago, plus récemment contre l'investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis ou en faisant face à la haine raciale en participant aux mouvements </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Black Lives Matter</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">. Mais aussi en France, avec le </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Witch bloc paname</i></font></font><font color="#000000"><font size="3"> qui manifeste contre la loi travail vêtu de chapeau de sorcière et de longues robes noires ou se réunissant contre la marche pour la vie clamant le droit à l’interruption volontaire de grossesse. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Encore aujourd'hui, le célèbre slogan féministe « Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n'avez pas réussi à brûler », parle a énormément de femmes dans la lutte féministe et raisonne comme une réalité. </font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">De surcroît, la figure de la sorcière ne va pas seulement être utilisée à des fins politiques, elle est aussi une métaphore pour l'acceptation des caractéristiques féminines stigmatisantes, tels que les attributs propres à la vieillesse (les cheveux blancs, les rides, la ménopause...), du non-désir de maternité, du souhait de rester célibataire... Caractéristiques qui pour beaucoup s'approchent de celles qui auraient amené les femmes à être considérées comme des sorcières à la renaissance. On assiste à une sorte d'inversion du stigmate, ce qui auparavant devait être tu peut désormais être abordé avec fierté en permettant de se présenter comme une sorcière contemporaine. C'est notamment ce que la journaliste Mona Chollet a tenté de démonter dans son essai à succès </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Sorcières : La puissance invaincue des femmes</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, en faisant de la récupération de faits en partie erronés, elle permet à beaucoup de femmes de s'accepter et de s'identifier à une figure forte. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Par conséquent, des femmes sont susceptibles de s'identifier à la sorcière soit par féminisme, soit par forte conviction d'en être une et par ce processus, celles-ci vont éventuellement se mettre à pratiquer la sorcellerie. </font></font></font></p>
<h4><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">3. La sorcellerie, un nouveau mode de religiosité</font></font></font><br />
</h4>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Largement rendu possible par Jules Michelet, cette haine de la femme, fantasmée ou non, conduit les sorcières contemporaines à se retrancher dans une religiosité alternative, ayant pour modèle principal la sorcellerie. Cela va se déployer dans différentes pratiques ésotériques plus ou moins grand public et qu'il est possible de retrouver dans le commerce : le tarot, le pendule, les oracles, le ouija, les bougies, les dés de divination... </font></font></font></p>
<p><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">Mais ce n'est pas seulement cela, la sorcellerie peut se traduire par des pratiques moins explicites, car pour beaucoup, elle se reposerait sur les intentions que l'on met dans ce que nous faisons. Alors, pour certaines femmes n'ayant pas le temps de se consacrer pleinement à la sorcellerie, mettre des intentions magiques sur des actes du quotidien constitue une première approche. Si bien, que faire des tâches ménagères, ranger son lieu de vie, prendre une douche, boire un café ou un thé, arroser ses plantes... peut intégralement faire partie de sa pratique magique, puisque l'intention que l'on place dans son geste est essentielle. Jeanne Favret-Saada, estime dans son ouvrage </font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i>Corps pour corps<a href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc"><sup>6</sup></a> </i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3">que la parole est pouvoir dans la sorcellerie et non un savoir ou une information</font></font></font><font color="#000000"><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><i>.</i></font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Cependant, si ces pratiques peuvent être considérées comme de la sorcellerie, elles ne représentent pas l'intégralité de ce qui la compose, bien au contraire, si c'est une version simplifiée, pour de nombreuses femmes cela se rapproche d'un art difficilement perceptible. Être une sorcière, c'est avoir des dons, des dons de guérison, de médiumnité, de voyance ou de clairaudiance, puis se perfectionner avec de nouveaux outils, avec de nouvelles connaissances, grâce à des livres, des formations... </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">De plus, les sorcières vont venir développer tout un système de hiérophanies dont certaines ayant pour but de sacraliser le corps féminin et donc de mettre naturellement les hommes à distance, qui par le simple fait de parler de sorcière au féminin et non au masculin l'était déjà. Ceci va être intégralement récupéré par le mouvement, dit du </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>féminin sacré</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, où l'idée est de vénérer le corps de la femme pour se le réapproprier, mais aussi de vénérer certaines déesses telle que Diane/Artémis. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Le culte des déesses de mythologies anciennes tient une place parfois centrale dans la pratique de la sorcellerie, nous pouvons notamment retrouver Hécate, la déesse de la lune et de la magie ou encore Lilith considérée comme la première femme de l'histoire, avant Eve, et qui aurait tenu tête à Adam puis à Dieu avant d'être bannie du Jardin d’Éden. Le besoin de diriger sa croyance vers des déesses et non des dieux ou un dieu unique, traduit un vrai besoin de s'inscrire dans une religiosité entièrement féminine, à l'écoute des femmes souvent mise au second plan dans la religion dite classique ou dans les grandes religions historiques. </font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">En somme, les sorcières vont resacraliser leur vie, des moments de leur journée, des périodes de l'année, mais en particulier, il y a une vraie volonté de resacraliser la nature. C'est une sorte de « naturalisation du sacré »<a href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc"><sup>7</sup></a>, la lune, le soleil, les cycles végétatifs, les quatre éléments, la nuit... constituent les axes des hiérophanies des sorcières. Certaines d'entre elles suivent la roue de l'année où chaque période va être une célébration : </font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Imbolc : Le 1er février, célébration de Brigit, déesse des arts de la guérison et de la fertilité, de la magie, de la divination... </font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Ostara : Le 20 mars, célébration de l'équinoxe de printemps.</font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Beltane : Le 1er mai, célébration du printemps.</font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Litha : Le 21 juin, célébration du solstice d'été. </font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Lughnasadh : Le 1er août, célébration des récoltes</font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Mabon : 22 septembre, célébration de l'équinoxe d'automne. </font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Samain : 31 octobre, considéré comme le nouvel an des sorcières.</font></font></font></p>
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<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Yule : 21 décembre, célébration du solstice d'hiver. </font></font></font></p>
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<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Si initialement ces célébrations se trouvent dans la culture celte et/ou païenne, elles ont grandement été récupéré par la </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Wicca</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, qui se veut comme une religion. Le terme vient du vieil anglais </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>wiccian</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, qui signifie « ensorceler, pratiquer la magie ». </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Son histoire va débuter en 1954 avec Gerald Gardner, qui fait apparaître ce mouvement religieux néopaïen, les membres seront, et sont encore, adeptes de sorcellerie. Globalement, nous y retrouvons des éléments de la mouvance </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>New Age</i></font></font><font color="#000000"><font size="3"> : des médecines alternatives, un intérêt plus ou moins grand pour l'écologie et pour les religions antiques, pour la psychologie et des croyances magiques en tout genre. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">La </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Wicca</i></font></font><font color="#000000"><font size="3"> va largement s'inspirer des travaux de l'égyptologue Margaret Murray, notamment l’ouvrage </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>the Witch-Cult in Western Europe</i></font></font><font color="#000000"><font size="3"> qui prétend annoncer d'où la sorcellerie européenne prend ses origines. Il s'agirait d'un culte de la fertilité, une sorte de religion pré-chrétienne qui consiste à honorer un Dieu cornu en groupe de treize, quatre fois par an. Néanmoins, ses travaux vont très vite être discrédités par d’autres historiens, ils vont estimer qu’elle manipule les informations, qu’elle s’attarde sur des détails pour créer ses théories. Aujourd’hui encore rien n’est sûr, certains tentent de réhabiliter ses travaux, mais ils ne font absolument pas consensus dans le milieu scientifique. Malgré cela, des adeptes sont encore nombreux aujourd'hui, même si le mouvement a connu plusieurs changements notamment la création de différentes branches, souvent par des femmes et répondant à des besoins plus spécifiques. Si la </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>Wicca</i></font></font><font color="#000000"><font size="3"> est à l'origine un mouvement crée par un homme, elle se compose en immense majorité de femmes et si quelques-unes n'ont pas toujours été d'accord avec ce dernier, elles ont alors orienté leurs pratiques et leurs croyances vers des éléments leur parlant plus. C'est le cas avec Zsuzsanna Budapest, qui fondera la </font></font><font color="#000000"><font size="3"><i>wicca dianique</i></font></font><font color="#000000"><font size="3">, centrée sur la déesse et sur le féminin. </font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Ainsi, la sorcellerie, peu importe la forme qu'elle prend, se présente comme un mode de religiosité alternative, qui vient compenser ce que les religions traditionnelles ne parviennent pas à fournir à ces femmes. On peut la voir comme un nouveau mouvement religieux, composé « à la carte » comme Jean-Louis Schlegel<a href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc"><sup>8</sup></a> l'entend, car celle-ci prend des éléments du christianisme, du bouddhisme, mais aussi d'autres cultures ou société, notamment avec le chamanisme. Cela fait intégralement partie de ce que la sociologie des religions considère comme une recomposition du religieux.</font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">En effet, la sorcellerie reste un moyen de mettre la femme au centre, de la sacraliser de la même manière que l'adoption de l'identité de sorcière reste un moyen de s'approprier une figure malmenée par les décennies et les hommes et concernant seulement le genre féminin. </font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font color="#000000"><font size="3">Conclusion </font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">En définitive, même si l’identification à la figure de la sorcière, aujourd’hui, est née de malentendus et d’une certitude d’être les héritières de femmes puissantes qui ont péries dans les flammes et que le principal mouvement religieux de sorcellerie lui est née de travaux académiques à la véracité discutable, le besoin de s’identifier à cette figure prétendument forte et le besoin de pratiquer une religiosité alternative répond à un besoin, celui de compenser une société qui ne fonctionnerait plus.</font></font></font></p>
<p><br />
<font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">S’identifier à la sorcière, c’est aussi une forme de solidarité féminine, les femmes appartenant à ce même groupe se nomment entre elles des <i>soeurcières</i></font><font color="#000000">, témoignant ainsi, d’un fort besoin de sororité, d’union et de partage qui va accentuer cette mise à distance du genre opposé. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">En réponse à une haine perçue des hommes de la renaissance qui haïssaient les sorcières, celles d'aujourd'hui trouvent dans le fait d'assumer pleinement et d'aller jusqu'à revendiquer parfois leur identité un moyen d'honorer les femmes autrefois accusées et brûlées. Il est donc logique de voir apparaître la sorcière dans les mouvements féministes, en effet, quelle autre figure mythique aurait autant sa place dans la lutte pour les droits des femmes ou dans la lutte pour les droits civiques. </font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">Cependant, lorsque que la revendication du genre féminin, sa sacralisation et sa vénération sont poussées trop loin, il est nécessaire de veiller à ce que les mouvements, les pratiques et les croyances ne tombent pas dans le domaine de la dérive sectaire. </font></font></font></p>
<p><br />
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<font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">Bibliographie </font></font></font></p>
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<font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">BECHTEL G., <i>La sorcière et l'occident</i></font><font color="#000000">, Plon, coll. « L'abeille », 2019 (1997).</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">CHOLLET M., </font><font color="#000000"><i>Sorcières : La puissance invaincue des femmes</i></font><font color="#000000">, Zones, 2018.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">DU CHÉNÉ C., </font><font color="#000000"><i>Les sorcières : Une histoire de femmes</i></font><font color="#000000">, Michel Lafon, coll. « France culture », 2019.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">FAVRET-SAADA J., </font><font color="#000000"><i>Corps pour corps, Enquête sur la sorcellerie dans le bocage</i></font><font color="#000000">, Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1981.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">PALOU J.,</font><font color="#000000"><i> La sorcellerie</i></font><font color="#000000">, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1995 (1957).</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">PICQUART Y., </font><font color="#000000"><i>Le retour des sorcières : Qu'en disent les chrétiens ?</i></font><font color="#000000">, Saint-Léger éditions, 2020.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">SALLMANN J., </font><font color="#000000"><i>Les sorcières, fiancées de Satan</i></font><font color="#000000">, Gallimard, coll. « Découvertes », 1989.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">SCHLEGEL J., </font><font color="#000000"><i>Religions à la carte</i></font><font color="#000000">, Hachette, coll. « Questions de société », 1995.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">WEBER M., </font><font color="#000000"><i>L’Éthique protestante et l'esprit du capitalisme</i></font><font color="#000000">, Pocket/Plon, coll. « Agora », 1998 (1964).</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">WUNENBURGER J., </font><font color="#000000"><i>L'imaginaire</i></font><font color="#000000">, PUF, coll. « Que sais-je », 2003.</font></font></font></p>
<p><font face="Arial, sans-serif"><font size="3"><font color="#000000">WUNENBURGER J., </font><font color="#000000"><i>Le sacré</i></font><font color="#000000">, PUF, coll. « Que sais-je », 2019 (1981).</font></font></font></p>
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<p><a href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a>WEBER M.,<i> L’Éthique protestante et l'esprit du capitalisme</i>, Pocket/Plon, coll. « Agora », 1998 (1964), p.117.</p>
<p><a href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a>PALOU J., <i>La sorcellerie</i>, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1995 (1957), p.8.</p>
<p><a href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a>BECHTEL G.,<i> La sorcière et l'occident</i>, Plon, coll. « L'abeille », 2019 (1997), pp.83-84.</p>
<p><a href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a>INSTITORIS H., SPRENGER J., <i>Le marteau des sorcières</i>, Plon, 1973 (1486-1487), p.209.</p>
<p><a href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a>WUNENBURGER J., <i>L'imaginaire</i>, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2003, p.38</p>
<p><a href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a>FAVRET-SAADA J., <i>Corps pour corps, Enquête sur la sorcellerie dans la bocage</i>, Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1981.</p>
<p><a href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a>WUNENBURGER J., <i>Le sacré</i>, PUF, coll. « Que sais-je? », 2019 (1981), p.18.</p>
<p><a href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a>SCHLEGEL J., <i>Religions à la carte</i>, Hachette, coll. « Questions de société », 1995.</p>