<div id="ftn5"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><i><b>Introduction</b></i></font></font></font> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">D&eacute;but du confinement un peu en avance pour moi. Je le d&eacute;marre, sans le savoir, le vendredi 13 mars. En effet, les infos concernant l&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie en Chine sont claires quant &agrave; la propagation du virus, il y a d&eacute;j&agrave; eu la d&eacute;tection de cas en France fin janvier et l&rsquo;Italie et l&rsquo;Espagne viennent de d&eacute;cider le confinement. Je me demande pourquoi nous ne sommes pas dans ce confinement. Je me retrouve &agrave; faire mes courses le vendredi avant de rentrer avec l&rsquo;intention de ne pas bouger les trois prochains jours : de l&rsquo;&eacute;criture m&rsquo;attend et j&rsquo;ai pris du retard. En rentrant j&rsquo;appelle mes enfants, &agrave; nouveau, et je leur dis de faire eux aussi leurs courses en pr&eacute;vision probablement d&rsquo;une obligation &agrave; rester chez soi. Ils sont encore sceptiques quant &agrave; cette &eacute;ventualit&eacute;, et ce d&rsquo;autant plus que je leur recommande cela depuis deux semaines et qu&rsquo;aucune information ne va dans ce sens. A la fin du week end, je comprends que c&rsquo;est vraiment ce qui va se passer et je retourne faire des courses. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Je me regarde faire de nouveaux achats, sans pouvoir m&rsquo;emp&ecirc;cher de les faire et je sens bien que je suis dans une sorte de &laquo; d&eacute;j&agrave;-vu &raquo;. C&rsquo;est seulement une semaine plus tard que les souvenirs de mai 68 reviennent. Nous avions &eacute;t&eacute; assign&eacute;s &agrave; r&eacute;sidence pendant trois semaines et je revois ma m&egrave;re revenir du march&eacute;, charg&eacute;e &laquo; comme un mulet &raquo; (disait-elle). Elle &eacute;tait dans une sorte de f&eacute;brilit&eacute;, disant qu&rsquo;il fallait absolument faire des r&eacute;serves : on ne savait pas combien de temps cela allait durer. Quant &agrave; mon p&egrave;re, &laquo; occup&eacute; &agrave; occuper &raquo; son usine, il faisait de rares apparitions, juste assez pour m&rsquo;enfermer apr&egrave;s m&rsquo;avoir r&eacute;cup&eacute;r&eacute;e au poste de police. Mai 68 pour moi s&rsquo;est donc r&eacute;sum&eacute; &agrave; deux jours de manifs : la premi&egrave;re journ&eacute;e avec une grande partie du trajet &agrave; pied pour rentrer, et un deuxi&egrave;me jour o&ugrave; d&egrave;s le d&eacute;marrage, nous nous sommes fait arr&ecirc;ter et obligation d&rsquo;attendre nos parents. Et retour &agrave; la maison dans la 2CV familiale, sans un mot de tout le trajet ; puis direction ma chambre et tour de cl&eacute; : mon p&egrave;re avait manifestement autre chose &agrave; penser que de se pr&eacute;occuper de sa fille adolescente &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; de toute fa&ccedil;on, les enfants n&rsquo;avaient aucun droit &agrave; la parole et encore moins s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;une fille. Son comportement &eacute;tait strictement align&eacute; sur les</font> <font color="#000000">m&oelig;urs de l&rsquo;&eacute;poque et correspondait &agrave; un ouvrier occupant son usine en gr&egrave;ve. Ce que ni ma m&egrave;re, ni mon p&egrave;re ne savaient, c&rsquo;est que ce petit mois allait transformer profond&eacute;ment la vie sociale et politique et qu&rsquo;ils vivaient leurs derni&egrave;res semaines de parents qui ordonnent, face &agrave; des enfants qui ob&eacute;issent sans contester. Quant &agrave; moi, je suivrai les &eacute;v&egrave;nements sur le poste de radio, branch&eacute;e sur Europe et RTL, &eacute;coutant la bataille du quartier latin et la r&eacute;volte s&rsquo;installera dans mon &acirc;me et mon coeur face aux injustices sociales, de fa&ccedil;on d&eacute;finitive.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">En repensant &agrave; mes courses du lundi soir, je me disais que je reprenais &agrave; mon compte finalement la f&eacute;brilit&eacute; de ma m&egrave;re, remplie par les souvenirs de la guerre de 40 o&ugrave; la faim avait &eacute;t&eacute; pr&eacute;sente pour elle et sa famille</font><font color="#000000"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc"><sup>1</sup></a></font><font color="#000000">. Au d&eacute;tour de ce d&eacute;but de confinement, je prends conscience que l&#39;inconscient collectif garde la m&eacute;moire de la faim: la France n&rsquo;a plus connu cette question depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 1950 et pourtant ces comportements d&rsquo;achats en vue de faire des r&eacute;serves sont l&agrave;&nbsp;: ils se concentrent sur la farine, le sucre, le caf&eacute;, les p&acirc;tes et le riz</font><font color="#000000"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc"><sup>2</sup></a></font><font color="#000000">. Une fois mes r&eacute;serves &eacute;puis&eacute;es, je ferais mes courses &agrave; l&rsquo;&eacute;picerie du village. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Je r&eacute;siste &agrave; cette s&eacute;mantique guerri&egrave;re, notamment &agrave; l&rsquo;appel port&eacute; par le minist&egrave;re de l&rsquo;agriculture et le syndicat majoritaire de la profession agricole, d&rsquo;un patriotisme alimentaire : il s&rsquo;agirait pour ceux qui sont confin&eacute;s d&rsquo;aller aux travaux des champs et de laisser dans l&rsquo;ombre les conditions de travail de ces centaines de milliers de travailleurs saisonniers essentiellement issus de l&rsquo;immigration. D&rsquo;autre part, faire l&rsquo;impasse sur la r&eacute;duction des moyens au secteur de la sant&eacute; depuis vingt-cinq ans , oblige &agrave; se questionner sur cet ennemi: le virus comme les gouvernements l&rsquo;affirment ou bien ce capitalisme d&eacute;brid&eacute; qui a engendr&eacute; ce n&eacute;o-lib&eacute;ralisme qui transforme tout en marchandise&nbsp;? </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">L&agrave; encore dans les premiers temps, je vais suspendre mes oreilles &agrave; la radio du service public et entrer dans l&rsquo;&eacute;bullition num&eacute;rique o&ugrave; tout semble urgent. Puis au bout de deux semaines, je vais commencer &agrave; prendre du recul : d&rsquo;une part parce que les migraines et les yeux compl&egrave;tement &eacute;clat&eacute;s par l&rsquo;usage des &eacute;crans vont le n&eacute;cessiter et d&rsquo;autre part parce j&#39;arrive &agrave; un stade o&ugrave; je ne supporte plus la romantisation de cette p&eacute;riode et son avatar d&#39;un &laquo;&nbsp;colibrisme rampant&nbsp;&raquo;. J&rsquo;ai ferm&eacute; mes &eacute;coutilles aux infos quotidiennes o&ugrave; on entend ces gens qui nous vantent leur jardin, leurs promenades dans la nature et leurs &eacute;tats d&#39;&acirc;me mystique.</font><br /> <font color="#000000">Cette fa&ccedil;on de d&eacute;politiser la r&eacute;alit&eacute; et passer sous silence le fait que ce sont majoritairement les femmes et les jeunes qui font tourner l&#39;&eacute;conomie r&eacute;elle, celle dont nous avons besoin pour manger, boire et se soigner, sans oublier de ramasser nos d&eacute;chets etc. </font><br /> <font color="#000000">Mais au-del&agrave; de la question de genre, ce sont les discours virils des politiques, des m&eacute;dias et des responsables &eacute;conomiques (entreprises, syndicats) utilis&eacute; tant par des femmes que des hommes qui sont gla&ccedil;ants. L&rsquo;assignation des populations au confinement est ordonn&eacute;, au motif de la guerre et l&rsquo;infrastructure caritative, habitu&eacute;e &agrave; des interventions norm&eacute;es par les politiques publiques est aux abonn&eacute;s absents durant la premi&egrave;re quinzaine. Puis apr&egrave;s le basculement de la troisi&egrave;me semaine de confinement, ces associations mainstream reviennent avec une organisation digne de l&rsquo;humanitaire sur une partie du territoire mais une majeure partie de la Seine Saint Denis, certains quartiers des grandes villes, et un nombre important de villages, de hameaux sont laiss&eacute;s de c&ocirc;t&eacute;. Certes, le nombre de b&eacute;n&eacute;voles ne permet pas non plus de mailler le territoire et ce, compte tenu de la moyenne d&rsquo;&acirc;ge de ceux-ci. Alors encore une fois, des initiatives port&eacute;es par des milliers d&rsquo;habitants se cr&eacute;ent et mettent au jour une gigantesque entraide civile</font><font color="#000000"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup></a></font><font color="#000000">. Il faudra d&rsquo;ailleurs y revenir le Jour d&rsquo;Apr&egrave;s pour en tirer les le&ccedil;ons et probablement trouver les ressorts politiques pour la sortir de la clandestinit&eacute;.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ces discours guerriers rappellent avec force la structure patriarcale de notre soci&eacute;t&eacute; avec une centralit&eacute; des d&eacute;cisions, essentiellement prise par la pr&eacute;sidence de la r&eacute;publique et un ex&eacute;cutif &agrave; l&rsquo;application. L&rsquo;Assembl&eacute;e Nationale o&ugrave; devrait se mettre en discussion d&eacute;mocratique, les orientations, semble, elle aussi vou&eacute;e au silence. Pass&eacute; le temps de sid&eacute;ration, ces discours, dans le d&eacute;ni d&rsquo;une ann&eacute;e de lutte des Gilets Jaunes et de mobilisation sociale contre la r&eacute;forme des retraites et de son cort&egrave;ge de destruction du mod&egrave;le de protection sociale, laissent entrevoir l&rsquo;&eacute;tat actuel du rapport de forces. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Dans ce contexte, se replonger dans la philosophie politique et utiliser l&rsquo;&eacute;thique du care comme grille de lecture r&eacute;flexive sont des alternatives int&eacute;ressantes.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>L&rsquo;&eacute;thique du care comme grille de lecture</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Souvent r&eacute;duit aux activit&eacute;s du soin, m&eacute;dical ou social, et assign&eacute; aux femmes, le care s&rsquo;entend au-del&agrave; d&rsquo;un travail invisible li&eacute; au genre, comme &laquo; </font><font color="#000000"><i>une activit&eacute; g&eacute;n&eacute;rique</i></font> <font color="#000000"><i>qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perp&eacute;tuer et r&eacute;parer notre monde &raquo;</i></font><font color="#000000"> (Tronto, 2009: 143). Au-del&agrave; d&rsquo;un champ d&rsquo;application, l&rsquo;approche par le care est une fa&ccedil;on de comprendre qui manifeste cette activit&eacute;, quand, o&ugrave;, comment et pourquoi. Elle consid&egrave;re des sujets qui se rendent compte de leur fragilit&eacute; et de celle des autres, donnent de l&rsquo;attention, du soin aux autres et en re&ccedil;oivent. Le care est d&rsquo;abord un travail, bas&eacute; sur la construction et l&rsquo;entretien de liens sociaux, mais aussi une philosophie de sollicitude (Brug&egrave;re, 2014). Le travail de liaison ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas l&agrave;: des travaux montrent en quoi l&rsquo;exp&eacute;rience issue du care am&egrave;ne des acteurs vari&eacute;s &agrave; r&eacute;agir face aux institutions qui rendent vuln&eacute;rables ou invisibles&nbsp;; ils cherchent &agrave; mettre en &oelig;uvre des solutions, &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du proche et par la participation, pour r&eacute;pondre aux besoins, de reconnaissance en particulier. Le care sort alors de la sph&egrave;re de l&rsquo;intime en contribuant &agrave; construire des dispositifs porteurs de nouvelles aspirations, possibilit&eacute;s d&rsquo;agir et de penser pour les personnes fragilis&eacute;es (Molinier </font><font color="#000000"><i>et al</i></font><font color="#000000">., 2009). </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Dans le care, l&rsquo;attention aux autres dans leur int&eacute;grit&eacute; et leur sp&eacute;cificit&eacute; est d&rsquo;une importance primordiale. Ce type d&rsquo;engagement social et moral contraste avec celui impliquant une attention aux r&egrave;gles, aux valeurs, aux principes g&eacute;n&eacute;raux et abstraits. La perspective de la justice sur laquelle est fond&eacute; notre syst&egrave;me social, repose sur la pr&eacute;supposition que la meilleure fa&ccedil;on de prendre soin des personnes consiste &agrave; respecter leurs droits et &agrave; leur accorder leur d&ucirc; dans la distribution des charges et des b&eacute;n&eacute;fices sociaux. Par contraste, le care insiste sur une attention permanente, un engagement &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de personnes singuli&egrave;res c&#39;est-&agrave;-dire une concentration sur les besoins, les d&eacute;sirs, les attitudes et toute la fa&ccedil;on d&rsquo;&ecirc;tre de la personne singuli&egrave;re. C&rsquo;est la personne telle qu&rsquo;elle est et non ses traits id&eacute;alis&eacute;s dans des r&egrave;gles g&eacute;n&eacute;rales qui sont le guide du care. De ce point de vue, autrui et soi-m&ecirc;me sont con&ccedil;us dans leur singularit&eacute; plut&ocirc;t qu&rsquo;ils ne sont vus comme des exemplaires auxquels appliquer des notions morales g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;es. Ceux qui voient le sujet comme &eacute;tant s&eacute;par&eacute; des autres se r&eacute;f&egrave;rent &agrave; la morale de la justice telle qu&rsquo;elle existe dans nos soci&eacute;t&eacute;s occidentales, &agrave; savoir le passage par des principes universaux, ne reconnaissant pas les particularit&eacute;s ; l&rsquo;&eacute;thique du care s&rsquo;appuie sur une approche du sujet en lien et interd&eacute;pendant des autres.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Le care correspond au souci du particulier, ancr&eacute; dans ce qui compte, dans ce qui a de l&rsquo;importance pour soi et dans une attention &agrave; autrui. Ce qui importe, c&rsquo;est la perception des contrastes, des distances, des diff&eacute;rences et leurs expressions. Le fait de focaliser ainsi sur une cat&eacute;gorie rend visible les diff&eacute;rences entre cette cat&eacute;gorie et ce qui est pos&eacute; comme une norme. Tout l&rsquo;apport du care est de permettre une approche &eacute;thique qui ouvre sur des possibles autres que la comparaison entre ce qui est de l&rsquo;ordre de la norme ou de la r&egrave;gle et ce qui ne l&rsquo;est pas. C&rsquo;est plut&ocirc;t une appr&eacute;hension de la diff&eacute;renciation, contextualis&eacute;e &agrave; la situation et qui englobe la pr&eacute;occupation du juste et de l&rsquo; important.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>COVID19 &agrave; l&rsquo;aune de cette grille de lecture</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Le 11 mars 2020, le pr&eacute;sident de la R&eacute;publique, E.Macron, cr&eacute;e le conseil scientifique charg&eacute; &laquo;d</font><font color="#000000"><i>&rsquo;&eacute;clairer la d&eacute;cision publique dans la gestion de la situation sanitaire li&eacute;e au coronavirus&raquo;</i></font><font color="#000000"> . Il est compos&eacute; de onze m&eacute;decins et chercheurs, pr&eacute;sid&eacute; par Jean-Fran&ccedil;ois Delfraissy (immunologiste et pr&eacute;sident du Comit&eacute; consultatif national d&#39;&eacute;thique). Deux femmes en font partie et les sciences sociales y sont repr&eacute;sent&eacute;es par une des femmes (l&rsquo;anthropologue Laetitia Atlani-Duault ) et un sociologue. Quels que soient les avis et les r&eacute;flexions men&eacute;s par ce conseil scientifique, on en retient essentiellement les pol&eacute;miques et/ou controverses scientifiques engag&eacute;es par Didier Raoult, directeur de l&rsquo;Institut Hospitalo-Universitaire M&eacute;diterran&eacute;e. Celui-ci pr&eacute;conise un traitement &agrave; la chloroquine (HCQ) d&egrave;s les premiers sympt&ocirc;mes de la maladie. Cette pr&eacute;conisation est controvers&eacute;e par ses pairs, notamment en questionnant la m&eacute;thode mis en &oelig;uvre pour v&eacute;rifier ses hypoth&egrave;ses. A travers cette controverse scientifique qui verse dans la pol&eacute;mique, s&rsquo;affronte des sch&eacute;mas sur la fa&ccedil;on de penser et de faire de la science. Tout y passe : l&rsquo;autopromotion, p&eacute;titions, r&eacute;ponses des uns et des autres au nom de leur propre l&eacute;gitimit&eacute; scientifique, etc., l&rsquo;argument d&rsquo;autorit&eacute; &eacute;tant &agrave; chaque fois la reconnaissance par les pairs &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle internationale. Pour nous qui assistons &agrave; ces &eacute;changes, la soi-disante neutralit&eacute; de la science explose et les postures d&rsquo;&eacute;go sont en premi&egrave;re ligne. Et je ne peux m&rsquo;emp&ecirc;cher de remarquer que nous sommes en pr&eacute;sence d&rsquo;hommes ayant d&eacute;pass&eacute; la cinquantaine, et d&rsquo;une absence des sciences sociales. En outre, la controverse qui &eacute;clate est-elle seulement scientifique ? Que veut dire cet &eacute;talage &agrave; travers la presse ordinaire et de faire, de nous, lecteurs et citoyens, des pro ou anti HCQ alors que nos bagages d&rsquo;&eacute;ducation scientifique sont bien maigres pour avoir un avis ? (Castel, 2020) Si les soubassements de ces questions peuvent reposer sur quelques hypoth&egrave;ses (rivalit&eacute;s commerciales entre deux multinationales pharmaceutiques, rivalit&eacute; professionnelle d&rsquo;experts, m&eacute;pris habituel et r&eacute;current de Paris envers la Province, etc.), nous ne pouvons que constater un d&eacute;ficit d&eacute;mocratique quant aux moyens d&rsquo;y participer tant d&rsquo;un point de vue &eacute;pist&eacute;mologique que celui des connaissances partag&eacute;es: cela laisse un arri&egrave;re-go&ucirc;t d&rsquo;&ecirc;tre pris en otage et de ne pouvoir avoir recours qu&rsquo;&agrave; la croyance intuitive &agrave; la place de l&rsquo;appropriation des termes de la situation. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;on peut comprendre la file d&rsquo;attente devant l&rsquo;IHU</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc"><sup>4</sup></a></sup></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Le 24 mars 2020, le ministre de la sant&eacute; en compagnie de la ministre de la recherche annonce la cr&eacute;ation d&rsquo;un comit&eacute; d&rsquo;experts (Comit&eacute; Analyse Recherche et Expertise , CARE) et la pr&eacute;sidence est assur&eacute;e par Fran&ccedil;oise Barr&eacute;-Sinoussi</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc"><sup>5</sup></a></sup></font><font color="#000000">. Il est compos&eacute; de douze chercheu.ses et m&eacute;decins (5 femmes et 7 hommes). Deux membres sont issus du Conseil scientifique dont Laetitia Atlani-Duault, seule chercheuse en sciences sociales de ce comit&eacute;.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ce comit&eacute; qui prend comme sigle CARE a pour mission de &laquo; </font><font color="#000000"><i>conseiller le gouvernement pour ce qui concerne les programmes et la doctrine relatifs aux traitements, aux tests et aux pratiques de &quot;backtracking&quot; qui permettent d&rsquo;identifier les personnes en contact avec celles infect&eacute;es par le virus du Covid-19 &raquo;</i></font><font color="#000000">, selon l&rsquo;Elys&eacute;e. CARE &laquo; </font><font color="#000000"><i>assurera notamment le suivi des &eacute;tudes th&eacute;rapeutiques autoris&eacute;es en France et les essais engag&eacute;s sur des traitements &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger </i></font><font color="#000000">&raquo; et &laquo; </font><font color="#000000"><i>accompagnera la r&eacute;flexion des autorit&eacute;s sur la doctrine et la capacit&eacute; &agrave; r&eacute;aliser des tests ainsi que sur l&rsquo;opportunit&eacute; de la mise en place d&rsquo;une strat&eacute;gie num&eacute;rique d&rsquo;identification des personnes ayant &eacute;t&eacute; au contact de personnes infect&eacute;es &raquo;</i></font><font color="#000000">, explique la pr&eacute;sidence. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Et voil&agrave; le care convoqu&eacute;, r&eacute;duit &agrave; sa traduction de soin rattach&eacute; &agrave; la maladie. Alors que les chercheuses Sandra Laugier, Pascale Molinier et Patricia Paperman ont tent&eacute; d&rsquo;amener cette fa&ccedil;on de concevoir les rapports sociaux &agrave; partir d&rsquo;un colloque en 2010, l&rsquo;&eacute;thique du care n&rsquo;a jamais r&eacute;ussi &agrave; s&rsquo;imposer comme concept en France. M&ecirc;me si pour certains d&rsquo;entre nous, cette disposition est la base de nos m&eacute;thodologies de recherche, le care reste une notion peu pris en compte dans une conception de la science en surplomb, souvent pris dans un rapport binaire &agrave; celui de risque. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ainsi la pr&eacute;sidence de la r&eacute;publique et le gouvernement font le choix de s&eacute;parer ce qui serait l&rsquo;&eacute;clairage scientifique et les choix op&eacute;rationnels avec deux instances distinctes. Or les th&eacute;ories du care nous enseignent que cette approche &laquo;&nbsp;s&eacute;paratiste&nbsp;&raquo; est propre &agrave; une conception du risque, r&eacute;fl&eacute;chie par des auteurs qui cherchent &agrave; moderniser la notion de contr&ocirc;le&nbsp;: bref, on reste ainsi au coeur des approches viriles en sciences sociales. En outre, la r&eacute;flexion d&eacute;mocratique face &agrave; l&rsquo;alliance de la science avec le gouvernement et la pr&eacute;sidence de la r&eacute;publique g&eacute;n&egrave;re quelques inqui&eacute;tudes quant &agrave; la qualit&eacute; de la d&eacute;mocratie.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>Le Risque ou le Care</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Joan Tronto publie en 2012 un essai de 50 pages o&ugrave; elle propose une analyse robuste pour trouver une alternative philosophique et politique &agrave; la conception d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; postmoderne bas&eacute;e sur la gestion du risque. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Le concept de la soci&eacute;t&eacute; du risque &eacute;merge au milieu des ann&eacute;es 1980 juste apr&egrave;s que les th&eacute;oriciennes f&eacute;ministes commencent &agrave; discuter et documenter le care. A la m&ecirc;me &eacute;poque appara&icirc;t la deuxi&egrave;me vague de r&eacute;flexions autour de l&rsquo;empowerment</font><font color="#000000"><sup><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc"><sup>6</sup></a></sup></font><font color="#000000">, issue des luttes f&eacute;ministes, du travail social et de la psychologie communautaire.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Trois auteurs sont embl&eacute;matiques de cette th&eacute;matique de la soci&eacute;t&eacute; du risque : Ulrick Beck en Allemagne avec &laquo;L</font><font color="#000000"><i>a soci&eacute;t&eacute; du risque</i></font><font color="#000000">&raquo; en 1986 (traduit la m&ecirc;me ann&eacute;e), Anthony Giddens au Royaume Uni avec &laquo;La constitution de la soci&eacute;t&eacute;&raquo; en 1987 (traduction de </font><font color="#000000"><i>The Constitution of Society. Outline of the Theory of Structuration, </i></font><font color="#000000">publi&eacute; en 1984</font><font color="#000000"><i>) </i></font><font color="#000000">et Fran&ccedil;ois Ewald avec &laquo; </font><font color="#000000"><i>l&rsquo;Etat Providence &raquo;</i></font><font color="#000000"> en 1986.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ces trois auteurs nous disent qu&rsquo;il y a une nouvelle forme de risque qui signe la naissance d&rsquo;une seconde phase de la modernit&eacute; : la postmodernit&eacute;. Celle-ci se focalise sur &laquo; </font><font color="#000000"><i>les cons&eacute;quences non intentionnelles &raquo;</i></font><font color="#000000"> de l&rsquo;action sociale en se pla&ccedil;ant de fa&ccedil;on classique au-dessus de la soci&eacute;t&eacute; avec un implicite sur cette vision comme normale et &eacute;vidente mais sans jamais les mettre en lumi&egrave;res. Dans le pr&eacute;ambule &agrave; son essai, Joan Tronto nous dit que la plupart du temps, les penseurs oublient d&rsquo;o&ugrave; ils parlent et elle insiste en se demandant : &laquo;&nbsp;l</font><font color="#000000"><i>es th&eacute;ories sociales peuvent-elles s&rsquo;&eacute;tendre depuis leurs observations de d&eacute;part jusqu&rsquo;&agrave; d&rsquo;autres cadres sans faire violence aux faits sociaux ? Peuvent-elles inclure les vues des autres dans leur syst&egrave;me ? Permettent-elles la prise en compte de facteurs tiers ou sugg&egrave;rent-elles qu&rsquo;une vue exclusive du monde est seule op&eacute;ratoire</i></font><font color="#000000"> ?&nbsp;&raquo; (op cit&eacute;, p11) Joan Tronto r&eacute;pond que les th&eacute;ories du Nord mondialis&eacute;es se posent rarement la question de leur propre nature.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Pour Ulrich Beck et Anthony Giddens, la soci&eacute;t&eacute; du risque postmoderne est diff&eacute;rente de celle du 19&egrave;me ou 20&egrave;me car les risques qui &eacute;taient calculables et pr&eacute;visibles, ne le sont plus : on ne peut plus &ecirc;tre s&ucirc;r des responsabilit&eacute;s et des causes (et donc les garantir). Pour Fran&ccedil;ois Ewald, la nature des risques postmodernes nous oblige &agrave; une philosophie de la pr&eacute;caution et des politiques de pr&eacute;vention.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ulrich Beck (1992:49) r&eacute;sume cela en disant : &laquo; </font><font color="#000000"><i>on peut r&eacute;sumer la force qui oriente la soci&eacute;t&eacute; de classe par la phrase; j&rsquo;ai faim; de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, on exprime ce qui est en mouvement dans la soci&eacute;t&eacute; du risque par la d&eacute;claration; j&rsquo;ai peur; la banalit&eacute; de l&rsquo;anxi&eacute;t&eacute; prend la banalit&eacute; du besoin. &raquo;</i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Evidemment il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une peur psychologique mais d&rsquo;une impossibilit&eacute; de contr&ocirc;ler quoi que ce soit de son p&eacute;rim&egrave;tre de vie. Son concept de modernit&eacute; r&eacute;flexive signifie non pas une augmentation de la ma&icirc;trise et de la conscience mais une conscience plus importante que la ma&icirc;trise est impossible. Cette conscience est anxiog&egrave;ne et &eacute;branle l&rsquo;Etat providence : on ne peut plus &ecirc;tre prot&eacute;g&eacute;, on est dans un monde incertain. Ulrich Beck va passer en revue les probl&egrave;mes li&eacute;s &agrave; l&rsquo;environnement, aux syst&egrave;mes &eacute;conomiques et sociaux &agrave; l&rsquo;aune de ce monde incertain.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Joan Tronto rappelle que l&rsquo;approche de celui-ci de la condition humaine est celle d&rsquo;un homme fini, pr&eacute;occup&eacute; de ma&icirc;trise et contr&ocirc;le et ne pouvant pas identifier les agents politiques qui ont rendu possible cette postmodernit&eacute;. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Elle montre ensuite que ce &ldquo;nous&rdquo; employ&eacute; par Ulrich Beck d&eacute;signe avant tout un homme blanc appartenant &agrave; une &eacute;lite intellectuelle vivant en europe et que le &ldquo;j&rsquo;ai peur&rdquo; rempla&ccedil;ant le &ldquo;j&rsquo;ai faim&rdquo; ne doit probablement pas s&rsquo;adresser aux pauvres. Or celui-ci &eacute;met son propos sur la soci&eacute;t&eacute; du risque comme universel et mondialis&eacute;. Ulrich Beck semble ignorer que la vie des personnes marginalis&eacute;es ou des pauvres est probablement plus risqu&eacute;e que la sienne ; son propos est pour ceux, qui comme lui, d&eacute;tiennent un certain contr&ocirc;le de leur condition mat&eacute;rielle. Il explique que les changements sont li&eacute;s au fait que ni la science, ni les technologies ne peuvent saisir le risque sans jamais faire r&eacute;f&eacute;rence &agrave; qui fait les choix et comment ils sont faits et ne nomment surtout pas le capitalisme et ses capacit&eacute;s &agrave; structurer le march&eacute;. Pourtant, la crise de la vache folle par exemple, est bien une cons&eacute;quence d&rsquo;une industrie qui s&rsquo;est mise &agrave; nourrir les vaches avec des farines animales contamin&eacute;es. Dans des &eacute;levages avec des paysans &eacute;leveurs, connaissant leurs b&ecirc;tes , qui aurait pu concevoir de nourrir les animaux de cette fa&ccedil;on ? Or dans ces &eacute;levages industriels, la responsabilit&eacute; et la causalit&eacute; peuvent tout &agrave; fait &ecirc;tre tracer : ce ne sont pas des entit&eacute;s abstraites. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">M&eacute;taphoriquement la soci&eacute;t&eacute; du risque appelle une image d&rsquo;un monde dangereux et induit la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une protection et d&rsquo;une gestion de la s&eacute;curit&eacute; naturellement attribu&eacute;es aux hommes. C&rsquo;est comme ci il y avait un besoin de r&eacute;affirmer la centralit&eacute; du pouvoir des hommes &agrave; travers le contr&ocirc;le face &agrave; une soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; des processus &agrave; l&rsquo;oeuvre ram&egrave;nent le souci des autres et le d&eacute;cloisonnement de la sph&egrave;re priv&eacute;e et de la sph&egrave;re publique. Ulrich Beck esp&egrave;re que les citoyens reprendront confiance dans la science et les technologies et pour cela il faut une soci&eacute;t&eacute; de communication, de transparence et de la d&eacute;lib&eacute;ration.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Les trente ann&eacute;es qui viennent de s&rsquo;&eacute;couler nous montrent que les choses ne se sont pas d&eacute;roul&eacute;es ainsi, que le d&eacute;ficit d&eacute;mocratique a plut&ocirc;t augment&eacute; et que la prise en compte de la situation &eacute;cologique et sociale se discute en terme de transition&nbsp;: nous sommes encore loin de la transformation. </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>Que propose le Care ?</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Les travaux du care se sont d&eacute;roul&eacute;s sur la m&ecirc;me p&eacute;riode. Les sp&eacute;cialistes de l&rsquo;esclavage, du travail domestique, des classes populaires et les f&eacute;ministes ont travaill&eacute; sur ce qu&rsquo;Anthony Giddens appelle la sph&egrave;re affective au 19&egrave;me et 20&egrave;me si&egrave;cle. Ils et elles ont ainsi identifi&eacute; les formes du care de l&rsquo;&eacute;ducation &agrave; la sant&eacute; en passant par la professionnalisation. Le travail social en est un exemple. Les surintendantes d&rsquo;usine, anc&ecirc;tre du travail social fran&ccedil;ais repr&eacute;sentent une professionnalisation du care en entreprise et elles sont &agrave; l&rsquo;intersection du risque et du care avec cette position singuli&egrave;re de femmes cadres et salari&eacute;es dans des entreprises du d&eacute;but du 20&egrave;me o&ugrave; le paternalisme participe aux choix manag&eacute;riaux (Paturel, 2010). Ils et elles mettent en &eacute;vidence le &laquo; sale care &raquo; toujours effectu&eacute; par les femmes et les hommes des classes populaires ou appartenant &agrave; des groupes discrimin&eacute;s ou marginalis&eacute;s.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">L&rsquo;ensemble de ces travaux permet de concevoir le care comme une disposition morale ou un ensemble d&rsquo;actions mais &eacute;galement comme une mani&egrave;re de d&eacute;crire et de penser le pouvoir politique. Le r&eacute;cit et la narration sont importants comme m&eacute;thode d&rsquo;investigation et Joan Tronto proposent trois &eacute;l&eacute;ments importants pour comprendre le care:</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">- Le care est relationnel ; ce premier point est d&rsquo;ailleurs un des &eacute;l&eacute;ments qui peut plomber le regard car il tend &agrave; se situer au niveau individuel et peut &ecirc;tre compris comme &eacute;tant dans cette unique relation duale. Il s&rsquo;agit de trouver l&rsquo;&eacute;quilibre entre l&rsquo;importance de l&rsquo;attention &agrave; l&rsquo;autre, et le fait que le care n&rsquo;est pas que cela. Les &ecirc;tres humains sont en permanence dans, avec et en dehors de relation avec les autres. De plus, tous les &ecirc;tres humains sont vuln&eacute;rables et fragiles et ont recours &agrave; d&rsquo;autres &agrave; certains moments et enfin nous sommes tous et toutes donneur.ses et receveur.ses de care. A tout moment dans la soci&eacute;t&eacute;, il y a ceux qui sont le plus dans le besoin et ceux qui sont le plus en capacit&eacute; de s&rsquo;aider eux-m&ecirc;mes et d&rsquo;aider les autres et cela &eacute;volue dans le temps. Vos besoins et capacit&eacute;s actuelles ne sont pas les m&ecirc;mes qu&rsquo;hier et demain.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">- Le care est contextuel et non essentialiste; si les besoins peuvent &ecirc;tre universel, les mani&egrave;res d&rsquo;y r&eacute;pondre sont contextualis&eacute;es et le care demande de l&rsquo;attention aux d&eacute;tails pr&eacute;cis de ces conditions.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">- Le care se doit d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;mocratique et non exclusif; la r&eacute;f&eacute;rence d&eacute;mocratique est essentielle parce qu&rsquo;il existe du care organis&eacute; qui ne fait pas r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la d&eacute;mocratie; par exemple, le colonialisme qui par son discours narratif se justifie par un discours de care: se pr&eacute;occuper des populations indig&egrave;nes en les civilisant, valoriser les ressources naturelles etc. ou l&rsquo;aide alimentaire dont l&rsquo;objectif est de donner &agrave; manger &agrave; ceux qui ont faim sans se pr&eacute;occuper du pourquoi de la situation. D&rsquo;autre part la distribution des responsabilit&eacute;s est &eacute;galement &agrave; prendre en compte dans un processus d&eacute;mocratique et cette distribution et/ou assignation &agrave; responsabilit&eacute; est avant tout collective.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>Le care comme analyseur du risque</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Tout d&rsquo;abord consid&eacute;rer la vie humaine comme vuln&eacute;rable inclut le risque, y compris celui des causes li&eacute;es &agrave; l&rsquo;activit&eacute; humaine sur l&rsquo;environnement ; pour le coup, l&rsquo;attente par rapport &agrave; la science change et pose d&rsquo;embl&eacute;e le fait que celle-ci aux c&ocirc;t&eacute;s des autres savoirs peut apporter des &eacute;l&eacute;ments de compr&eacute;hension. En effet, gouverner par le risque entra&icirc;ne plut&ocirc;t une occultation du care li&eacute; &agrave; cette vuln&eacute;rabilit&eacute; constitutive de la vie humaine et demande &agrave; travers l&rsquo;affirmation du besoin de contr&ocirc;le de le faire en infantilisant les citoyens, en faisant peur et les injonctions d&rsquo;agir en citoyen &eacute;clair&eacute; n&rsquo;aide pas beaucoup &agrave; avancer. Ulrich Beck montre que la m&eacute;fiance dans les gouvernements est un des effets collat&eacute;raux de cette soci&eacute;t&eacute; du risque. Du point de vue du care, c&rsquo;est bien &eacute;videmment l&rsquo;absence de confiance qui cause le sentiment de risque.&rdquo;</font><font color="#000000"><i>Faire partie d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; dans laquelle on sent que tous les individus prennent soin des uns des autres pour identifier et attribuer des probl&egrave;mes collectifs cr&eacute;&eacute; les conditions pour reconna&icirc;tre ces dangers et les traiter honn&ecirc;tement</i></font><font color="#000000">.&rdquo; (Tronto, 2012:42)</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">En outre, la soci&eacute;t&eacute; du risque pr&eacute;suppose que la soci&eacute;t&eacute; ne discute pas de ses besoins mais subit les cons&eacute;quences de ceux qui agissent au nom de leurs droits. Dans une soci&eacute;t&eacute; du care, chercher l&rsquo;&eacute;quilibre besoins / droits est au centre du d&eacute;bat politique. Si la soci&eacute;t&eacute; du risque se focalise sur le fait de contr&ocirc;ler les cons&eacute;quences imm&eacute;diates (temps court adapt&eacute; au march&eacute;), le care pense qu&rsquo;il ne faut pas seulement raisonner dans le court terme mais penser les besoins de care dans la dur&eacute;e</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>Conclusion</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Le care donne de la place au sensible, aux &eacute;motions mais sans perdre de vue les rapports de domination et les structures qui les permettent. Travailler la dimension politique du care demande de sortir des points de vue positiviste de la science, et plus sp&eacute;cifiquement des sciences sociales mainstream en produisant des connaissances sur des entit&eacute;s normalement absentes (les familles &agrave; petits budgets, les personnes pr&eacute;caires refusant l&rsquo;assistance, etc.) &eacute;largir les publics et revendiquer explicitement son caract&egrave;re politique. L&rsquo;approche de neutralit&eacute; axiologique souvent enseigner dans les m&eacute;thodologies qualitatives est l&rsquo;argument d&rsquo;autorit&eacute; pour invalider une posture &eacute;pist&eacute;mologique comme celle-ci en disant que les connaissances produites concernent des &eacute;tudes de cas et n&rsquo;ont pas d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments g&eacute;n&eacute;riques n&eacute;cessaires &agrave; la l&eacute;gitimation d&rsquo;une production dite scientifique. D&rsquo;autre part, se situer dans une science sociale qui accorde de la place aux acteurs et &agrave; leurs exp&eacute;riences, correspond au d&eacute;ploiement d&rsquo;une &eacute;thique du care &agrave; condition que ceux-ci soient reconnus comme sujet connaissant. La coupure entre sujet et objet de la connaissance est g&eacute;n&eacute;ralement pr&eacute;sente dans le traitement des donn&eacute;es et construit une ligne de fracture entre le point de vue des acteurs et le point de vue des observateurs. Cette coupure engendre une position de surplomb alors que c&rsquo;est la r&eacute;p&eacute;tition des r&eacute;cits et leur confrontation qui fait &eacute;merger de la connaissance, valid&eacute;e d&rsquo;un point de vue dialogique. On a ainsi acc&egrave;s &agrave; des r&eacute;alit&eacute;s sociales de vie ordinaire et du quotidien.</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Si le Jour d&rsquo;Apr&egrave;s, nous pouvions opposer un contre-inventaire &agrave; l&rsquo;aune de la philosophie politique du care appris durant ce confinement o&ugrave; &laquo;</font><font color="#000000"><i>&nbsp;des milliards d&rsquo;humains sont capables, sur un coup de sifflet, d&rsquo;apprendre la nouvelle distance sociale, de s&rsquo;&eacute;loigner pour &ecirc;tre plus solidaires, de rester chez soi pour ne pas encombrer les h&ocirc;pitaux, on imagine assez bien la puissance de la transformation de ces nouveaux gestes barri&egrave;res dress&eacute;s contre la reprise &agrave; l&rsquo;identique.</i></font><font color="#000000">&nbsp;&raquo; (Latour, 2020).</font></font></font></font></span></p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000"><i><b>Bibliographie&nbsp;:</b></i></font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Beck U.(2001) </font><font color="#000000"><i>La soci&eacute;t&eacute; du risque. Sur la voie de la modernit&eacute;</i></font><font color="#000000">, Paris, Aubier</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Brug&egrave;re, F. (2014) </font><font color="#000000"><i>Le sexe de la sollicitude</i></font><font color="#000000">, Lormont, Le Bord de l&#39;eau </font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Castel, PH (2020) L&rsquo;hydroxychloroquine: quelle(s) controverse(s)?, </font><font color="#000000"><i>A.O.C,</i></font><font color="#000000"> 13/04/2020</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Ewald F. (1986), </font><font color="#000000"><i>L&rsquo;Etat Providence</i></font><font color="#000000">, Paris, Grasset</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Giddens A. (1987) </font><font color="#000000"><i>La Constitution de la soci&eacute;t&eacute;. El&eacute;ments de la th&eacute;orie de la structuration</i></font><font color="#000000">, Paris, PUF</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Latour, B (2020) Imaginer les gestes barri&egrave;res contre le retour &agrave; la production d&rsquo;avant-crise, </font><font color="#000000"><i>A.O.C</i></font><font color="#000000"> 30/03/2020</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Paturel D. (2010) </font><font color="#000000"><i>Le service social du travail &agrave; l&#39;&eacute;preuve de la GRH : la fonction de Tiers Social</i></font><font color="#000000">, Paris, L&#39;Harmattan</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Tronto, J. (2009) </font><font color="#000000"><i>Un monde vuln&eacute;rable. Pour une politique du care</i></font><font color="#000000">, Paris, La D&eacute;couverte</font></font></font></font></span></p> <p align="justify"><span style="line-height:150%"><font face="Tahoma, sans-serif"><font style="font-size:11pt"><font size="2"><font color="#000000">Tronto J (2012) </font><font color="#000000"><i>Le care ou le risque</i></font><font color="#000000">, Paris, PUF</font></font></font></font></span></p> <p>&nbsp;</p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify">&nbsp;</p> <p align="justify">&nbsp;</p> <div id="sdfootnote1"> <p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:9pt"><font size="2">Au d&eacute;c&egrave;s de ma grand-m&egrave;re, je retrouverai dans son cagibi 23 paquets de sucres et 28 bo&icirc;tes de persavon&nbsp;: j&rsquo;en ai encore aujourd&rsquo;hui.</font></font></font></font></p> </div> <div id="sdfootnote2"> <p align="left"><span style="line-height:100%"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:9pt"><font size="2">Et le papier toilette&nbsp;!</font></font></font></font></span></span></span></p> </div> <div id="sdfootnote3"> <p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:9pt"><font size="2">Entraide civile reposant sur des centaines et des centaines d&rsquo;heures de travail gratuit</font></font></font></p> </div> <div id="sdfootnote4"> <p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:9pt"><font size="2">https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200323.OBS26479/a-marseille-une-longue-file-d-attente-pour-se-faire-depister-du-coronavirus-chez-le-professeur-raoult.html</font></font></font></font></p> </div> <div id="sdfootnote5"> <p align="left"><span style="line-height:100%"><span style="orphans:2"><span style="widows:2"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:9pt"><font size="2">Fran&ccedil;oise Barr&eacute;-Sinoussi, prix nobel de m&eacute;decine en 2008 pour ses travaux sur le VIH</font></font></font></font></span></span></span></p> </div> <div id="sdfootnote6"> <p class="sdfootnote"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:7pt"><font size="1"> </font></font></font></font><font color="#000000"><font face="Tahoma, serif"><font style="font-size:10pt"><font size="2">En particulier, conceptualiser par le travail social, peu repris dans les autres disciplines avant les ann&eacute;es 1990, par les sciences de l&rsquo;organisation ou de gestion dans les institutions internationales. La filiation avec la recherche disciplinaire Travail social n&rsquo;est jamais rendue visible.</font></font></font></font></p> </div> </div>