<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Force est de constater, au cours d’expériences de terrain ou par une recherche dans la littérature, que l’écologie est très peu présente dans le champ social. Cette absence n’est pas spécifique à nos métiers, on la retrouve dans la majorité des espaces sociaux, comme l’illustre le faible score du parti écologiste lors des présidentielles de 2022. Étant donné l’état d’urgence connu de tous, comment sortir de ce que l’on peut appeler un « déni Climatique » (Catellani, 2021) ? Afin d’apporter des éléments de compréhension sur ce point, on approchera les notions d’écologisme et de travail social, puis on observera leurs croisements au cours d’une trajectoire de vie ; cette démarche d’enquête autobiographique permettra de restituer le paradoxe de ces champs : si proches, ils ne se rencontrent pas. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Certains auteurs privilégient la notion de justice environnementale à celle d’inégalité qu’ils considèrent comme un euphémisme. <span style="background:white">Le sociologue Razmig Keucheyan</span> souligne que la notion de justice environnementale corrélée à celle de racisme environnemental est née au sein d’un mouvement de défense des droits civiques porté par les quartiers noirs américains. Cette perspective d’un mouvement qu’il qualifie d’« éco populiste » (2018) nous paraît intéressante, en ce qu’elle est la démonstration d’un mouvement écologiste émergeant par le bas, démarche riche en perspective dans le cadre d’un travail social pensé comme porteur d’émancipation. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">L’écologisme est en majorité un mouvement issu des classes moyenne et supérieure. Les travailleurs sociaux sont plutôt originaires des classes moyenne et populaire ; leurs publics, « les usagers » du social, sont quant à eux majoritairement issus des fractions « basses » des classes populaires. C’est dans cette perspective de classe et de rapports de classes que nous allons tenter de décoder les relations entre écologie et travail social. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour comprendre comment ces champs se rencontrent, s’opposent ou s’ignorent, le contexte français nécessite de prendre en compte des spécificités nationales. Le modèle social dessiné par le Conseil national de la Résistance était porteur d’un projet de société égalitaire et solidaire, il inspire l’ordonnance de 1945 organisant la sécurité sociale et plus particulièrement le cadre législatif du métier d’éducateur. C’est ce que souligne Michel Chauvière dans un entretien pour les Cahiers dynamiques : Dans cette pratique éducative dédiée, née au moment de la guerre 39-45, il y a surtout quelque chose de fondamental à sauvegarder et à réaffirmer qui combine une éthique de la relation avec les enfants et les jeunes, une action technique affinée et une action politique, dans la cité (2020, p.33).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le travail social s’ancre aussi dans une démarche clinique influencée par la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle pour dessiner une pratique qui s’organise autour du sujet : Le sujet, ce n’est pas l’humain des droits de l’homme, trop lointain, trop général. Le sujet c’est chacun, chaque individu dans sa singularité (2020, p.34). Et s’appuie par ailleurs sur les approches d’éducation populaire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il est difficile de définir ces métiers du travail social, en tension entre « surveillance, correction » et défense des droits. (Puaud, 2017) On peut souligner, avec Pascale Guarrigue, que les métiers du social passent par « l’éprouver » (2017). Avec cette notion d’éprouver, on convoque le sujet, celui qui éprouve et qui connaît par l’expérience. On retrouve cette primauté accordée à l’éprouvé dans la recherche en travail social qui, à rebours d’une posture surplombante et objectivante, propose une recherche par l'intervenion et non sur l'intervention (Beillerot, 1989, p.115) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Du côté de l’écologie, le contexte français convoque mai 68 comme date symbolique de l’émergence de la contre-culture et de la nébuleuse écologiste (Vrignon, 2017). Ce mouvement est initiateur de l’écologie politique, mais aussi d’un mode de vie alternatif fondé sur des valeurs et des pratiques spécifiques. L’écologisme est ainsi étudié par les sciences humaines ; certains y voient un mouvement post-matérialiste (Ronald Inglehart, Alain Touraine) tandis que d’autres (Bourdieu, Boudon) y voient une nouvelle forme d’expression des rapports antagonistes de classe. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Les néoruraux auxquels nous allons plus particulièrement nous intéresser dans cet article participent à cette nébuleuse écologiste, ils en constituent une entité particulière et, dans une perspective de recherche en sciences humaines, un champ d’études spécifique. Il s’agit de jeunes urbains adhérant aux valeurs de la contre-culture post 68, ils choisissent de s’installer en zone rurale. Certains s’installent en communauté, d’autres de manière plus isolée. Ils ont des destinations privilégiées (Ardèche, Ariège), mais peuvent aussi se retrouver dans d’autres départements.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Dans une perspective « bourdieusienne », le sociologue Hubert Billemont rattache ce groupe aux fractions intellectuelles de la classe moyenne (2006, p.24), il précise que dans la vision écologiste, la révolte contre le ‘’système’’ ne conduit pas à chercher nécessairement des alliés politiques dans le prolétariat et la classe ouvrière (2006, p. 16) – rappelons que la thèse est écrite il y a 16 ans. Le positionnement politique de certains partis actuels tend vers un rapprochement entre vision écologiste et alliance avec les classes populaires et les organisations qui les représentent. Il définit le mouvement écologiste comme un mouvement des « classes moyennes intellectuelles » (2006, p.12) et déclassé, situé en position ambivalente dans la structure sociale (2006, p.15).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">L’historienne Catherine Rouvière identifie « cinq vagues » de migration néorurale (en Ardèche) de 1969 aux années 2000. Nous nous intéressons aux deux premiers groupes : le moment hippie de 69 à 73 et une deuxième étape de 75 à 85, incarnée par une volonté de stabilité économique et d’intégration plus forte. (2015, p.35).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">En nous appuyant sur l’étude d’Hubert Billemont, nous avons émis l’hypothèse que les travailleurs sociaux étaient peu concernés par les questions écologiques en raison d’une appartenance de classe différente. Or les travailleurs sociaux sont considérés comme appartenant aux classes moyennes. Hubert Billemont identifie l’écologie politique comme une idéologie de classe moyenne. Dans ce cas, pourquoi les travailleurs sociaux s’intéressent -ils peu aux questions écologiques ? </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour répondre à cette question, nous allons tenter de situer plus précisément les travailleurs sociaux au sein des classes sociales. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Appuyons-nous sur une étude de la Drees qui identifie 1,3 million de travailleurs sociaux en 2018 : 520 000 intervenants à domicile, 400 000 assistants maternels, gardes à domicile ou assistants familiaux, 250 000 professionnels socio-éducatifs, 60 000 aides médico-psychologiques ainsi que 90 000 autres professions de l’action sociale exercent en France Métropolitaine (Drees, 2022). Parmi ceux-ci : 42 % des travailleurs sociaux âgés de 50 ans ou plus », un milieu « très féminisé », avec « 9 femmes pour 10 professionnels » (Drees, 2022). « Les travailleurs sociaux sont moins souvent diplômés de l’enseignement supérieur que les autres salariés. 23 % des professionnels du social détiennent, en 2018, comme plus haut diplôme, un brevet des collèges ou sont non-diplômés, contre 15 % des autres salariés. Leur diplôme le plus élevé est dans 32 % des cas un CAP, BEP ou un autre diplôme de ce niveau, et dans 12 % des cas un diplôme paramédical et social de niveau bac +2. Ajoutons que : Ce sont des salariés plus souvent en temps partiel et en sous-emploi que les autres salariés (Drees, 2022).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">On voit, au travers de ce compte-rendu chiffré, des profils variés en termes de revenu et de diplôme. Cela se traduit aussi par des origines sociales diversifiées. Une partie des travailleurs sociaux sont issus des classes populaires – que l’on définit avec Olivier Schwartz à partir d’une double perspective de domination, sociale et culturelle, vis-à-vis des classes dominantes (2011). Une partie d’entre eux appartiennent toujours aux classes populaires, de par leur niveau de vie, de salaire, de diplôme, tandis que l’autre se situe au sein de la classe moyenne. À l’autre extrémité de ce groupe professionnel, on trouve les cadres du secteur social qui font partie des classes moyennes, moyenne supérieure. Ceci suivant leur niveau d’intervention (proximité, direction d’établissement, direction générale, etc.), leur revenu et leur trajectoire sociale, le spectre est donc large. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Ayant situé ce groupe des travailleurs sociaux, tentons de définir sa fonction et son rôle dans l’espace social. Un article de Iori et Charles retrace l’évolution des recherches sur le travail social. L’ouvrage de Verdès-Leroux, <i>Le travail social</i>, publié en 1978 y est cité comme pionnier dans ce domaine. Il présente « les assistantes sociales en tant qu’agent.es de contrôle social et d’encadrement des classes populaires » (Iori & Charles,2020, p. 2). Ainsi, on voit bien qu’à cette époque, la démarcation de classe entre les travailleurs sociaux et leurs publics est nette. Aujourd’hui, on ne trouve plus une démarcation si nette, comme le montrent les travaux de Charlène Charles sur la précarité des intérimaires (Charles, 2020).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Joëlle Libois observe, elle aussi, un mouvement de déclassement social du travail social : La charité donnée par les dames patronnesses représentait une norme sociale établie, la lente professionnalisation des formations sociales, dès la fin de la Première Guerre mondiale, a permis de former des femmes et des hommes des classes moyennes. […] Aujourd’hui, si nous prenons au sérieux l’accession d’une montée en puissance de la précarisation du statut de travailleur social, alors nous passerions d’un premier modèle vertical et asymétrique à un deuxième plus horizontal, mais toujours inégal, pour parvenir à une troisième référence en proximité des vécus (2018, p.7). Une travailleuse sociale belge exprime bien ce sentiment de déclassement social de la profession : lorsque l'on y pense, l’ironie est presque savoureuse : des précaires sont au service d’autres précaires. Demain ils pourraient tout à fait venir grossir leurs rangs. (MF,2021) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Joëlle Libois fait aussi l’hypothèse que cette problématique illustre un changement de paradigme historique, porté par une transformation radicale des appartenances sociales des professionnels de l’intervention sociale (2018, p.8.). Cette précarisation des métiers du social rapproche les professionnels et les usagers dans un sentiment de précarité partagée ; en ce sens, les travailleurs sociaux sont éloignés des classes moyennes intellectuelles dominantes au sein de la nébuleuse écologiste. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Comment rendre compte de ces relations ? La notion d’éprouvé offre une première piste pour une recherche en travail social, notamment à travers le rôle dévolu au sujet. D’autres approches utilisent aussi l’expérience, avec une visée de connaissance et de transformation du monde social. Quelques méthodes utilisent le « parler de soi » pour comprendre les phénomènes sociaux. Comme le dit Jean-Louis Legrand : Dans le fait de connaître une culture de ‘’l’Intérieur'’, il y a là une ressource tout à fait exceptionnelle pour une entreprise cognitive (Le Grand, 1988, p. 166).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">De nombreuses démarches prennent en compte la subjectivité et l’expérience du chercheur. On peut notamment citer : le regard situant de G. Séraphin, les travaux d’Edgar Morin sur la complexité, l’analyse institutionnelle, la sociologie phénoménologique de la connaissance (Schütz), l’ethnométhodologie (Garfinkel), la démarche de praticien-chercheur (Kohn), l’ego-histoire (Nora), l’histoire de vie (Le Grand) et, plus récemment, l’auto-ethnographie (Reed-Danahay, Dubé). Dans ces courants de recherche, on utilisent courament le « je » pour signifier la prise en compte de la subjectivité du chercheur ; c’est ce que je ferai dans la deuxième partie de cet article. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il y a toujours dans les milieux universitaires une réserve vis-à-vis du récit de soi. La démarche a encore ses détracteurs, dans la lignée de <i>L’Illusion biographique</i> de Bourdieu. Cela contribue sans doute au fait que les enquêtes autobiographiques sont plus souvent réalisées par des chercheurs confirmés, à l’instar de Didier Eribon, Rose Marie-Lagrave ou Bourdieu lui-même — mais n’avait-il pas introduit son <i>Auto-analyse</i> par la formule « ceci n’est pas une autobiographie » ?). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Aussi, bien que ma trajectoire sociale, ici envisagée comme outil de l’exploration, ne soit pas l’objet de cet article, il me semble néanmoins important de porter à la connaissance du lecteur quelques éléments d’auto-analyse. De plus, il y a eu à ma connaissance peu de recherches sur le mouvement écologiste néorural réalisées par des chercheurs de ce groupe social. Un point de vue « situé » apporte donc un éclairage particulier sur ce mouvement. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon analyse s’appuie sur un vécu « de l’intérieur » à plusieurs niveaux : en tant qu’enfant de néo-ruraux ayant grandi au sein de ce cosmos particulier, avec ses valeurs et ses idéologies ; en tant qu’éducateur spécialisé ; en tant que chercheur familiarisé avec des méthodes de recherche qui permettent une certaine réflexivité sur ce vécu. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">La démarche qui me semble la plus pertinente pour aborder ici un récit de vie est celle de l’auto-maïeutique implicationnelle. Ce concept a été forgé par Jean-Louis Legrand, dans le cadre de sa thèse : <i><span style="background:white">Etude d'une expérience communautaire à orientation thérapeutique : histoire de vie de groupe, </span></i>ouvrage pionnier dans le champ de l’histoire de vie en 1988. Il définit cette approche comme une : Démarche d'accouchement de soi et l'écriture correspondante, explorant diverses implications personnelles dans une visée d'élucidation heuristique. (Le Grand, p.132) La visée heuristique exprime l’intention de contribuer à la connaissance. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette démarche d’auto-maïeutique implicationnelle est indissociable du concept d’implexité. Ce néologisme, forgé pour qualifier la complexité des implications (Le Grand, 2006, p. 2), définit cette dimension complexe des implications, complexité largement opaque à une explication. L'implexité est relative à l'entrelacement de différents niveaux de réalités des implications qui sont pour la plupart implicites (pliées à l'intérieur) (Le Grand, 2006, p.2).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il ne s’agit pas d’être exhaustif quant à ce qui est impliqué : dans une telle démarche, c’est la personne entière qui est engagée, il s’agit de donner à voir ce qui semble pertinent pour le lecteur tout en respectant aussi l’intimité du chercheur. Il n’y a pas de règles quant à ce qui doit être montré ou non ; sans cela, nous nous dirigerions vers une injonction à l’expression des implications.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette démarche m’a permis de faire quelques « découvertes ». La trajectoire « héroïque » du saisonnier agricole devenu charpentier puis éducateur et enfin doctorant en sciences de l’éducation prend un autre sens lorsque l’on prend en compte les logiques de classe et la notion de capital culturel. Bien qu’ayant adopté un mode vie non conforme aux habitus bourgeois de leurs familles, mes parents m’ont transmis un certain nombre de capitaux qui ont permis une trajectoire de reclassement malgré un début de vie professionnelle en bas de la hiérarchie des diplômes et salaires. Si l’on ajoute à cela les critères de race et de genre, on comprendra que le « mérite » de ce parcours de reclassement accéléré est relatif. Ce qui n'enlève rien aux difficultés rencontrées au cours du chemin. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’identifie la réflexion sur le travail social et le changement climatique comme des éléments structurants de mon parcours. Je suis né dans une famille de néoruraux. Plus précisément, je peux situer mes parents au sein de la 4<sup>e</sup> vague néorurale identifiée par Catherine Rouvière : De 1975 à 1985 se dessine une deuxième étape caractérisée par la primauté accordée à l’installation pérenne, dans un cadre agréable, grâce à une activité choisie permettant de vivre décemment, y compris en s’intégrant dans la société locale. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon père né en 1954, ma mère en 1955, font partie de la génération des baby-boomers. Ils sont tous les deux originaires de milieux bourgeois et, du côté de mon grand-père maternel, d’une aristocratie déclassée. Ils avaient 14-15 ans en mai 68, mouvement qu’ils ont suivi avec admiration, mais de loin, car trop jeunes pour y participer. Mon père a grandi à Neuilly sur Seine puis dans le 17<sup>e</sup> arrondissement de Paris ; il a fait des études d’ingénieur à l'École nationale des Ponts et chaussées puis intégré une école d’architecte à Paris. Ma mère a grandi à Caen ; elle a suivi un cursus à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et une formation d’ébéniste à l’École Boulle puis à l’AFPA. Elle a ensuite exercé quelques années à son compte puis a cessé son activité, notamment pour travailler au sein de l’espace domestique (jardin, travaux de rénovation, éducation des enfants). Mon père a longtemps travaillé comme architecte-conseil dans un Caue (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) puis il s’est mis à son compte vers les années 2000 tout en gardant une activité partielle au Caue jusqu’à la retraite. Aujourd’hui, il continue d’exercer en tant qu’architecte libéral dans le domaine de l’écoconstruction dont il est un des précurseurs. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents se sont rencontrés à Paris, durant leurs études à la fin des années 70. On comprend qu’à cette époque, étudiant à Paris dans le champ des beaux-arts, ils aient été marqués par les suites des événements de mai 68 et par le mouvement de la contre-culture. Ils ont vécu à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, quelques années avant de s’installer dans l’Orne dans une petite commune rurale de 75 habitants, au début des années 80. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents sont donc originaires des classes sociales dominantes, milieu d’origine qu’ils ont rejeté en s’inscrivant dans le mouvement de la contre-culture des années 70, en s’installant dans une zone rurale, et en adoptant le mode de vie et les valeurs de la mouvance écologiste. J’ai tardivement pris conscience de cette trajectoire sociale et de cette culture spécifique de néo-ruraux, nettement séparée de la culture « autochtone ». </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Parmi mes oncles et tantes, certains – du côté de ma mère – avaient eux aussi rejoint le mouvement écologiste et s’inscrivaient dans un positionnement de déclassement social avec l’exercice d’une profession intermédiaire (en lycée technique, en travail social). Un de mes oncles s’était installé comme maraîcher biologique après avoir été berger en Ardèche. Les membres de la famille adhérant aux valeurs de la contre-culture l’admiraient. D’autres n’ont pas opéré cette rupture, un oncle maternel était catholique pratiquant et cadre chez Moulinex et, lors des réunions familiales, la rencontre avec cette partie de la famille était un véritable choc de cultures. Du côté de mon père, une de mes tantes a été médecin puis PDG d’importantes sociétés pharmaceutiques ; sa sœur aînée a été professeure d’anglais dans le privé, et a choisi de vivre en zone rurale sans adhérer à cette contre-culture. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bien qu’habitant dans des communes assez éloignées, les trois familles situées le plus radicalement dans la mouvance écologiste se voyaient très régulièrement. C’est surtout au sein de cet espace familial que je côtoyais d’autres enfants d’« écolos », car le territoire où mes parents s’étaient installés n’était pas du tout investi par les néo-ruraux (contrairement à la commune où vivait mon oncle maraîcher à quelques dizaines de kilomètres). Je me souviens avoir été particulièrement préoccupé par la question du nucléaire : un de mes oncles était militant fondateur d’une association de contrôle de la radioactivité. Je me souviens d’une exposition itinérante, sans doute au cours d’un rassemblement anti-nucléaire, l’exposition montrait des enfants nés déformés à cause des radiations à Tchernobyl.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai donc grandi dans cette commune de l’Orne où mes parents ont d’abord loué puis finalement acheté un ancien presbytère avec un demi-hectare de terrain. La maison de briques était en très mauvais état, sans toilettes ni confort, constamment en travaux puisqu’ils l’ont rénovée progressivement. Je suis né en 1986, et ma sœur en 1990. Nous mangions bio (ce qui était alors très marginal), mes parents m’habillaient avec des vêtements achetés dans les dépôts-ventes. Nous avions une toute petite télévision qui avait du mal à capter les chaînes. Lorsque j’ai eu une console de jeux, elle était déjà démodée. Il y avait aussi de quoi s’occuper à l’extérieur avec le terrain, les moutons, un grand potager et un atelier de menuiserie. Il me semble que j’étais assez peu sollicité pour ces travaux, comme d’ailleurs pour les tâches ménagères et domestiques, essentiellement réalisées par ma mère. Je me souviens pourtant que ma mère était fière des vêtements d’occasion qu’elle nous achetait à ma sœur et à moi. Certains étaient de « marques ». Elle me disait : ce sont de bonnes marques, mais tes copains ne les connaissent pas. On a là une situation où toute l’ambivalence de leur positionnement s’exprime, entre rejet de la société de consommation et snobisme : les vêtements que ma mère m’achetait étaient d’occasion et sans marque apparente, ce qui pouvait me faire apparaître aux yeux de mes camarades d’école comme un pauvre, alors qu’il y avait une fierté secrète chez ma mère de nous voire porter « de grandes marques ». Mes parents avaient aussi des voitures en mauvais état et pas entretenues. Je me souviens de la crise de « la vache folle » : j’avais interdiction de manger des bonbons à la gélatine. Le MacDo était un endroit maudit ; j’ai dû y aller deux ou trois fois dans mon enfance ; d’ailleurs je n’aimais pas le goût de cette nourriture qui me paraissait fade. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Nous avions un grand jardin où ma mère travaillait beaucoup. Nous allions aussi cueillir les mûres pour faire de la confiture. Nous ramassions les pommes, les noix, les cerises et nous avons eu à une époque deux moutons achetés à mon oncle maraîcher bio et éleveur. Si mes souvenirs sont bons, nous ne les avons pas mangés, car ils étaient quasiment des animaux domestiques – je crois que nous les avons échangés contre des bêtes déjà abattues, prêtes à être cuisinées. Il y avait aussi tout l’entretien des espaces verts, des haies. J’appréciais particulièrement la taille des haies. Mes parents me laissaient librement utiliser les outils : serpe, tronçonneuse, débroussailleuse, etc. J’allais chercher le lait à la ferme d’à côté, directement à la salle de traite. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents n’ont jamais milité au sein des partis écologiques, mais ils les soutenaient et suivaient les candidats avec attention : je me souviens de la candidature de Dominique Voynet en 1995, qu’ils suivaient avec enthousiasme. Il y a quelques années, ma mère m’avait raconté, très émue, avoir été assise à proximité de José Bové dans un rassemblement. En 2002, la candidature de Pierre Rabhi nous a passionnés ; j’ai dû le voir trois ou quatre fois en conférence au cours de mon adolescence, avec et sans mes parents. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le cadre du Pays d’Auge était réellement idyllique, avec ses collines, ses prés, ses pommiers et ses herbages pour chevaux et vaches. Le village accueillait environ 75 habitants, parmi lesquels nous n’étions que quatre enfants. Nous avions très peu de relations avec l’autre fratrie, bien que prenant le même car pour aller à l’école. Les seuls souvenirs que j’ai d’eux, c’est leur maison au sein d’une ferme avec un bazar pas possible et puis je crois que le garçon avait dû me voler mon vélo. Nous habitions le même village, mais avec des réalités sociales trop différentes pour pouvoir entrer en lien.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le village le plus proche pour faire les courses était à 5 kilomètres, mais nous allions plutôt à Gacé, 2000 habitants, à 7 km. La « grande ville », Argentan, 15000 habitants était à 15 km. J’ai entamé ma scolarité à Gacé ; en troisième, je suis parti à Argentan.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le contexte socio-économique de Gacé : En 2008 par exemple, le salaire moyen à Gacé est de 1532€ par mois pour une moyenne nationale de 2016€ par mois. Le nombre d’habitants sans diplôme est de 45,9% pour une moyenne nationale de 19,3%, le pourcentage d’ouvriers est de 40% pour une moyenne nationale de 27%. L’Insee identifie la ville comme ayant un degré de pauvreté monétaire très élevé avec une part de personnes ni en emploi ni en formation très importante chez les 18-25 ans (Insee, 2022).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">De manière générale, je n’étais pas très à l’aise avec les jeunes de mon âge, je suis allé au club de foot, au judo, mais le décalage culturel et social était trop important ; le mépris vis-à-vis du football n’étant pas assumé par mes parents. Mes rares amis venaient d’ailleurs ou étaient eux aussi marginaux pour une raison ou une autre : un jeune Anglais, deux jeunes d’origine immigrée placés en famille d’accueil, certains jeunes vivant dans des familles plus ou moins « dysfonctionnelles » ; le dénominateur commun entre nous tous était de se retrouver en situation d’anomie sociale, de manque de repère dans la structure sociale des relations humaines. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai donc eu une enfance assez isolée, en tout cas décalée, lorsque j’étais hors des cercles familiaux. La Normandie et particulièrement l’Orne, étant restées très rurales, n’ont pas connu d’importante vague de « migration » néorurale. Nous étions donc, avec ma sœur, les seuls de notre espèce dans les cercles de socialisation enfantine – que ce soit à l’école ou dans les loisirs. J’étais déconnecté de mon environnement comme en atteste cette anecdote : jeune adulte, j’avais invité un ami parisien à venir passer quelques jours chez mes parents ; lors d’une balade, celui-ci me demanda comment j’occupais tes journées et si, enfant, je chassais. Cela m’a beaucoup fait rire, pour lui, pur Parisien, j’étais un « rural », attaché au monde paysan et à celui de la chasse. Or j’en avais été pratiquement aussi éloigné que lui. Pour mes parents, les chasseurs étaient des rustres, des « fachos ». </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Nous avons déménagé lorsque je suis passé en 2<sup>de</sup>. Nous ne sommes pas allés loin, dans un autre village situé à une trentaine de kilomètres, mais dans le Calvados, à côté de la ville de Falaise (10 000 h). Plus proche de Caen, Falaise proposait une plus grande mixité sociale et une culture plus urbaine que Gacé ou même Argentan. L’ambiance du lycée était différente et il s’est agi pour moi d’un changement de vie important. J’ai rencontré un certain nombre d’enfants de néo-ruraux, de parents écolos ou partageant des valeurs contre-culturelles et je me suis « naturellement » rapproché de ces jeunes avec qui je partageais des codes et des valeurs. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">A posteriori, j’analyse ce refus comme une « obéissance » aux valeurs transmises par mes parents : valorisation des marges, rejets du système scolaire et du système en général. En entrant dans l’adolescence, j’étais à contre-courant des jeunes de ma génération, fidèle aux idées de mes parents, j’abhorrais la « musique industrielle » et les radios commerciales. En refusant de faire des études, j’étais fidèle aux valeurs liées à la contre-culture, valorisant tout ce qui est antisystème, j’allais vers les marges pour obéir à mon père. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Après le bac, à 17 ans, je n’ai pas souhaité faire d’études supérieures. Pendant deux ans, j’ai « fait les saisons », un choix qui peut s’expliquer au regard des valeurs parentales et surtout paternelles valorisant le voyage et l’aventure. Mon père m’avait transmis l’imaginaire des poètes-vagabonds et des écrivains aventuriers tels Jack London, Nicolas Bouvier ou Jack Kerouac. Mais la réalité de la vie de saisonnier était tout autre. J’ai rencontré beaucoup de personnes en situation de grande précarité, des travailleurs sans papier, des « punks à chien », des gens du voyage… Un univers violent, difficile, où les addictions sont très présentes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Sentant que je pouvais m’y perdre – et aussi parce que j’étais en couple – j’ai décidé en 2006 de faire une formation de charpentier avec la fédération compagnonnique des métiers du bâtiment. La conversion a été abrupte et je ne sais pas comment j’en suis venu à choisir ce métier. On peut cependant comprendre ce choix comme réponse à une double injonction : un métier a valeur symbolique qui me permettait de répondre aux valeurs bourgeoises transmises par mes parents, malgré leur rejet de cette classe ; il s’agissait d’aller vers ce qui était prestigieux, reconnu, noble. Mais bien que prestigieux, le métier de charpentier reste un travail d’artisan et d’ouvrier ; en ce sens, cela me permettait de correspondre aux valeurs antisystèmes et anti-bourgeoises portées par mes parents. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai exercé six ans le métier de charpentier. Je n’étais pas à l’aise dans les entreprises traditionnelles, avec les ouvriers porteurs d’un éthos et de valeurs virilistes auxquels j’avais du mal à m’adapter. Au fil des ans, j’ai décidé d’être plus actif dans ma trajectoire personnelle et j’ai rencontré une nouvelle compagne, issue elle aussi de milieux néo ruraaux (homogamie de classe). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Je me suis dirigé vers l’éco-construction. Je m’y suis senti plus à l’aise, car ce secteur était pour une bonne part connectée au mouvement de retour à la terre et à son habitus particulier. Malgré cela, je n’ai jamais réellement eu le goût du bâtiment ; je n’étais sans doute pas conscient d’être dans les pas de mon père, pionnier du secteur et de ma mère "néo-artisan". </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">En 2012, après un chantier en écoconstruction d’un an dans une communauté bouddhiste, j’ai rejoint ma compagne dans une communauté chrétienne. J’y ai d’abord travaillé sur un poste d’agent d’entretien – il s’agissait de faire des petites rénovations, tous corps de métiers confondus au sein du domaine situé à proximité de Poitiers. Le domaine assez étendu comprenait un château, une église, un couvent, un élevage de moutons, des terres maraîchères, une école Montessori, un Ehpad, une maison d’enfants à caractère social. Y vivaient environ 120 habitants et y travaillaient une centaine de salariés (travailleurs sociaux, agriculteurs, instituteurs…). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le lieu portait un projet ambitieux, à la fois social et écologique, c’est grâce à des échanges avec la directrice RH de ce réseau que j’ai pu opérer une reconversion professionnelle vers le travail social. J’ai alors passé un Dejeps (diplôme d’état de la jeunesse des sports, de l’éducation populaire et des sports) en alternance au sein de la Mecs (maison d’enfants à caractère social). Mon implication au sein du réseau était totale, nous vivions en communauté « au château » avec de nombreuses personnes précaires, réfugiées ou en situation de handicap, et je travaillais au sein de la maison d’enfants. Les semaines de formations au Cemea (centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) étaient de vraies « bouffées d’air », qui m’apportaient un regard, un positionnement idéologique et professionnel différent de celui proposé par le réseau associatif : j’y ai découvert les valeurs de l’éducation populaire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Après plusieurs années très intenses dans cette communauté, nous sommes partis, ma compagne et moi, en Seine-Saint-Denis. Passionné par le travail social et la recherche-action, j’ai passé le diplôme d’éducateur spécialisé, à la suite de quoi j’ai travaillé dans un dispositif de prévention innovant, et j’ai intégré un master en sciences de l’éducation et de la formation (éducation tout au long de la vie : éducation populaire, éducation informelle, formation des adultes) à Paris 8. Réaliser le master tout en travaillant était éprouvant, mais aussi très riche, cela amenant de la réflexivité dans la pratique. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Aujourd’hui j’entre en doctorat de sciences de l’éducation et de la formation au centre de recherche en éducation et formation (Cref) de Paris Nanterre, au sein de l’équipe Éducation familiale et interventions sociales auprès des familles (Efis), en étant salarié (cifre) de la fondation Olga Spitzer.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon parcours apparaît comme une trajectoire de reclassement social, facilité par des acquis de classes culturelles, économiques préservés en dépit du positionnement de retour à la terre et des valeurs de contre-culture portés par mes parents. Enfant et jeune adulte, j’étais imprégné des valeurs et de l’idéologie de mes parents écolos néoruraux ; travailleur social, je me suis détaché de ces questions qui paraissaient utopistes et décalées vis-à-vis de l’urgence des situations rencontrées sur le terrain. Parce que ma situation sociale a évolué, aujourd’hui doctorant, je ne peux pas nier l’urgence écologique, et son impact au niveau social. La dernière partie de cet article me permet d’articuler ce récit autobiographique avec une recherche sociologique sur le positionnement des écologistes au sein des rapports antagonistes de classe. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">La réflexion d’Hubert Billemont dans sa thèse de sociologie, <i>L’écologie politique : une idéologie de classes moyennes. </i>(2006)<i> </i>m’aide à penser mon histoire familiale au regard des logiques de classe. Elle paraît pertinente pour situer mon parcours – ma famille établie au sein de la mouvance écologique – et comprendre comment cette « nébuleuse » se plaçait dans l’espace social. Son travail donne du sens à mon cheminement professionnel et notamment à la rupture idéologique qui s’est opérée au moment de ma reconversion vers les métiers du social. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Billemont fait l’hypothèse que « l’apparition du phénomène écologiste (appréhendé comme une extension politico-morale du mouvement contre-culturel dans son ensemble) procède de la situation de déclassement-reclassement à laquelle sont confrontées les fractions dominées de la classe dominante » (2006, p.14-15). Il précise que dans la vision écologiste, « la révolte contre le ‘’système’’ ne conduit pas à chercher nécessairement des alliés politiques dans le prolétariat et la classe ouvrière » (2006, p. ) – rappelons que la thèse est écrite il y a 16 ans. Le positionnement politique de certains partis actuels tend vers un rapprochement entre vision écologiste et alliance avec les classes populaires et les organisations qui les représentent. Il définit le mouvement écologiste comme un mouvement des « classes moyennes intellectuelles » (2006, p.12) et déclassé, « situé en position ambivalente dans la structure sociale » (2006, p.15). Il décrit une « culture sociale construite dans la double opposition aux classes supérieures (économiquement dominantes) et aux classes populaires (économiquement dominés). Cette double ambivalence pourrait expliquer mes difficultés d’intégration au sein de l’école, auprès de camarades d’école issue des classes ouvrières ou bourgeoises, mais bien intégrées et identifiées sur le territoire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour lui, toutes les classes sociales ne sont pas conviées à participer à cette nouvelle utopie, « la définition écologiste de la nature, malgré la prétention d’universalité dont elle se pare, peut ainsi être considérée comme l’instrument symbolique d’une lutte sociale que les membres des fractions intellectuelles de la classe moyenne ont engagé contre les autres groupes » (2006, p.91). « Occupant une position sociale totalement ambiguë et incertaine [ils refusent] de s’inscrire dans l’alternative « dominant dominé », « bourgeois-ouvrier », ils tentent d’échapper (de manière illusoire) au jeu des classements sociaux et des hiérarchies établies en défendant une cause planétaire et universelle » (2006, p. 99).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette dimension idéologique et politique me paraît expliquer le désintérêt que j’ai pu manifester pour l’écologie durant mes années « de terrain » en tant que travailleur social. De façon plus générale, cela donne un éclairage sur un certain rejet des classes populaires pour les thématiques et le mode de vie des écologistes. Par loyauté envers son milieu d’origine – pour certains – et son public, le travailleur social peut être tenté de rejeter un habitus « écolo » ; sa loyauté s’expliquant par l’« éprouvé » des rapports de domination, dont il est amené à faire l’expérience, au cœur de sa pratique professionnelle. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour préciser et illustrer les propos de Billemont, je reprends « le cas de l’automobile ». Marqueur de classe, l’automobile est un bon analyseur des rapports sociaux. Lorsque j’étais enfant, mes parents avaient généralement des véhicules d’occasion, en mauvais état et mal entretenus. Je me souviens que mon père était assez fier de ses voitures. Je me souviens des 4L et de la « camionnette » Nissan avec laquelle nous partions en vacances, puis il y a eu une Espace Renault qui servait de véhicule quotidien, mais aussi d’utilitaire pour les travaux. Mon père était en cela caractéristique du profil néorural écolo, à cela près que sa voiture se reconnaissait toujours par son côté déglingué, dans une variation de l'habitus ce que décrit Billemont sur l’usage des véhicules par les écolos : en s’appropriant ce type de voiture, neutre, effacé, ordinaire (…) ils affichent ostensiblement, à travers ce rapport « utilitaire » et distancié à l’objet, leur différence sociale (qualifiée « d’éthique ») par rapport à ceux qui investissent financièrement et « affectivement » dans des véhicules plus chers, plus typés. Ils se démarquent ainsi de l’usage idéologique des représentations de l’automobile) […] aussi bien des fractions économiquement dominantes de la bourgeoisie traditionnelle ou libérale, que des membres des classes populaires, dont la conduite en matière d’usage automobile leur semble être une forme d’allégeance aux catégories dominante (2006, p. 197). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette position est difficilement tenable lorsque l’on est travailleur social – du moins lorsque l’on fait ce travail avec l’intention de contribuer à une plus grande justice sociale. De 2018 à 2021, j’ai travaillé en tant qu’éducateur spécialisé en Seine-Saint-Denis, au sein d’une équipe pluridisciplinaire et multiculturelle. Mes relations y ont été difficiles. Nous avions des pratiques éducatives et des représentations de l’éducation parfois opposées. J’ai plutôt tendance à défendre une éducation « démocratique », inspirée par les courants de l’éducation nouvelle (Freinet, Korczak, Montessori, etc.) et une partie de mes collègues étaient porteurs de valeurs autres ; pour eux, la relation entre l’adulte et l’enfant est organisée autour du respect de l’autorité de l’adulte, dans un modèle de relation verticale. Chaque membre de l’équipe avait son positionnement propre entre ces deux pôles : relation verticale ou horizontale. Je représentais un de ces deux extrêmes et, pour certains collègues, mon positionnement était vécu comme du laxisme, un manque de cadre insécurisant pour les enfants. De l’autre côté, je jugeais certaines de leurs pratiques trop autoritaires, voire maltraitantes, et ne respectant pas les droits de l’enfant.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">À travers cette bataille pour les pratiques éducatives, il y avait d’autres enjeux : des rapports de pouvoir, des rapports de classe, des rapports de domination. Nous étions une équipe d’une vingtaine de professionnels : maîtresse de maison, veilleur de nuit, auxiliaire de puériculture, accompagnante éducative petite enfance (Cap petite enfance), animateur socio-éducatif, éducatrice de jeunes enfants, éducateur spécialisé, technicienne de l’intervention sociale et familiale (Tisf). Parmi tous ces diplômes et formations, le rang d’éducateur spécialisé est le plus élevé (avec celui d’éducatrice de jeunes enfants), ce qui me situait en termes de diplôme et de salaire au sommet de la hiérarchie de l’équipe au niveau « terrain » – j’exclus volontairement de mon propos l’équipe-cadre (psychologue, directrice et cheffe de service). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">D’autres facteurs sont à prendre en compte pour comprendre les rapports de domination. La plupart de mes collègues étaient originaires de quartiers populaires et/ou étrangers, issus de l’immigration, avec une expérience éprouvée de l’injustice sociale et des rapports de classe et de « race ». De mon côté, j’étais un homme blanc, issu de la classe moyenne intellectuelle. On peut aussi intégrer la question du genre, la plupart de mes collègues étaient des femmes. Nous étions deux hommes dans l’équipe de jour, quatre en intégrant les veilleurs de nuit, sur une équipe de vingt personnes environ. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Lors des conflits parfois virulents, ma principale antagoniste était une femme, de parents immigrés et originaires de quartiers populaires. Les conflits liés aux pratiques éducatives étaient alimentés par un conflit de classe, de race et de genre qui nous situait respectivement dans une situation de dominé/dominant. Par ailleurs, je crois qu’il y avait dans ma posture, dans cet héritage écologiste, quelque chose d’ambivalent, un déni du rapport de classe, qui pouvait être perçu comme un mépris de classe, une violence symbolique. Ces conflits ont pu se résoudre et mon intégration dans l’équipe a pu se faire notamment parce, lors des séminaires à paris 8, j’ai travaillé sur ces questions, conscientisé et identifié ces rapports de pouvoir, de classe, de race et de genre. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">À cette époque, j’ai acheté une voiture neuve. Je me souviens que cette collègue, avec qui les relations étaient particulièrement conflictuelles, m’avait dit quelque chose comme : « ouah, là Martin, tu as assuré. Félicitations, tu nous as tous dépassés ! ». Elle était réellement contente pour moi. Acheter quelque chose de neuf, en particulier un véhicule, est un signe de réussite. C’est quelque chose de valorisé dans les milieux populaires, contrairement à mon milieu d’origine où c’est plutôt mal perçu. J’interprète aussi la validation de mon achat comme une résolution du conflit liée au fait que mon statut social, mon appartenance aux classes moyennes et la capacité de pouvoir d’achat qui y sont corrélés, sont assumés, identifiés et identifiables. Auparavant, mon positionnement était flou puisque j’empruntais les transports en commun comme ceux qui les utilisent non par idéologie, mais par contrainte économique – il est connu que se déplacer en transports en commun en Seine-Saint-Denis, de banlieue à banlieue, est particulièrement pénible ; le temps passé est deux à trois fois plus long qu’en voiture. Dans ce contexte, on comprendra que les personnes qui en ont la possibilité utilisent leur véhicule pour « gagner » parfois plusieurs heures, éviter des frais de garderie, s’occuper de leur famille, etc. La valeur symbolique de cet achat a été positive ; pour autant mon propos n’est nullement une apologie de la voiture… Cette vignette clinique illustre les différents rapports de domination qui peuvent exister autour des valeurs écologistes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bruno Latour et Nicolas Schultz brossent le portrait d’une classe écologique à venir, potentiellement majoritaire (2022, p.55) et qui comme le suggère le sous-titre, doit « prendre conscience d’elle-même » (2022). Je les rejoins dans le sens où se dessine une gestion écologique de plus en plus technocratique, fondée sur des projets de géo-ingénierie plus qu’inquiétants (Foucart, 2022). Les classes moyennes et populaires font face à une classe dirigeante de plus en plus décomplexée et en ce sens ont des intérêts communs à défendre en termes de justice climatique, et de protection de leurs espaces d’habitabilités. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cependant, j’apporte un point de vigilance à ce programme, les promoteurs d’une victoire politique de l’écologisme doivent prendre en compte leurs positionnements dans le monde social et la manière dont ils s’inscrivent dans les rapports de domination, ceci d’autant plus que l’histoire du mouvement écologiste correspond à l’organisation de la défense des intérêts des classes moyennes intellectuelles et d’une partie des classes dominantes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il n’est pas si simple de dire « je » en sciences humaines, il l’est encore moins de prendre son propre parcours comme donnée de recherche, c’est le rapport intime, « éprouvé » qui me relie aux thématiques de ce numéro et à leurs articulations qui m’y a décidé. Faisant le pari que l’ « exposition de soi » nous amène dans des endroits où nous ne serions pas allés autrement. (Dubé, 2015, p.194) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai cherché à démontrer l’existence d’une unité de classe au sein de la nébuleuse écologiste. À travers cette démarche, j’ai proposé un regard situé, micro-ethnographique sur la trajectoire d’un « néo-rural de deuxième génération » dans son rapport à l’écologie et au travail social. Avec une grande admiration pour les travaux de Rose Marie Lagrave, Reed-Danahay et Didier Eribon, j’ai tenté de désintriquer quelques implications complexes me situant vis-à-vis des classes moyennes, populaires et dominantes à l’aide d’une conception d’inspiration bourdieusienne. Dans cette démarche, j’assume, à l’instar de Gabrielle Dubé une visée transformatrice à destination de l’auteur comme du lecteur : la critique réflexive sur son propre positionnement comme chercheur inspire le lecteur et l’incite à réfléchir de façon critique sur sa propre expérience de vie… (Dubé, 2015, p.194) et en l’occurrence, plus particulièrement, son propre positionnement vis-à-vis de l’écologie et du travail social.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b>Bibliographie</b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Alix, J., Bertrand, D., Brun, J., Chauvière, M. & Garrigue, G. (2017). <i>Debout pour nos métiers du travail social !</i>. Érès.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bourdieu, P. (2004). <i>Esquisse pour une auto-analyse</i>. Raisons d’Agir Éd. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Catellani, A. (2021). Changement climatique : déni, négation et climato-scepticisme. <i>Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. </i></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Charles<span style="background:white">, C. (2020). <i>Des éducateurs et éducatrices intérimaires dans les foyers de l’enfance: Un contrôle social renouvelé ?</i> Journal des anthropologues, pp 160-161, pp 89-101. <u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Cheval, P., Guzniczak, B. & Chauvière, M. (2020). <i>L’énigme du travail social</i>. Les Cahiers Dynamiques, pp78, pp 6-16. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">DREES. (2022, février). <i>Les professions sociales</i>.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Dubé, G. C., & Paillé, P. (2015). <i>Parcours d’une formatrice d’enseignants au Québec : Autoethnographie d’une quête transpersonnelle</i>. L’Harmattan.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Duchamp M., Bouquet B., Drouard H., (1989), - <i>La recherche en travail social</i>, Paris, Le Centurion p.110.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Emelianoff, C. (2008). La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel. <i>Écologie & politique</i>, 35, 19-31.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Eribon, D., & Louis, É. (2018). <i>Retour à Reims</i>. Flammarion.</span></span></span></span></p>
<p style="text-indent:-0.55pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif">Foucart, S. (2022, 29 mai). Climat : « Certaines des technologies envisagées pour maintenir habitable la Terre relèvent du cauchemar ». <i>Le Monde.fr</i>.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Garrigue, G. (2017). 5<i>. Défendre la qualité des outils et des pratiques</i>. Dans : Jean-Sébastien Alix éd., <i>Debout pour nos métiers du travail social</i> (pp. 115-150). </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Giraudat, A. (2021, avril 22). <i>Le racisme environnemental</i>. <i>Notre Affaire à Tous</i>. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Guibet, C. Lafaye, <i>« La domination sociale dans le contexte contemporain »,</i> Recherches sociologiques et anthropologiques, 45-1 | 2014, 127-145.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Iori, R. & Charles, C. (2020). <i>Regards sur les usages de la catégorie « travail social » dans les recherches en sciences humaines et sociales</i>. Recherche & formation, 94, 83-99. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Keucheyan, R. (2018). 1. Racisme environnemental. Dans : , R. Keucheyan, <i>La nature est un champ de bataille: Essai d'écologie politique</i> (pp. 19-84). Paris: La Découverte.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Lagrave, R.-M. (2021). <i>Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe</i>. La Découverte.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Latour, B., & Schultz, N. (2022). <i>Mémo sur la nouvelle classe écologique : Objet : comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même date : janvier 2022 diffusion : membres des partis écologiques et leurs électeurs présents et à venir</i>. les Empêcheurs de penser en rond-Éditions la Découverte.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Léger, D. & Hervieu, B. (1979). 1. Exodes utopiques. Dans : , D. Léger & B. Hervieu (Dir), Le retour à la nature: « Au fond de la forêt... l'État » (pp. 13-37). Paris: Le Seuil. <a name="_Hlk104831014"> </a></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Le Grand, J-L. (1988)<i> Etude d'une expérience communautaire à orientation thérapeutique : histoire de vie de groupe.</i> [thèse]. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Le Grand, J-L. Pineau, G. (1993), <i>Les histoires de vie</i>, Que sais-je.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le Grand J-L. [2006], <i>Implexité : implications et complexité</i>, document électronique in http://www.barbier-rd.nom.fr </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Libois, J. (2018). Précarisation du travail social. <i>Digression sur la notion de précarité</i>. Le Sociographe, 64, 85-94. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Liénard, G. Mangez, E. (2015) Régimes d’action et rapports de pouvoir. Vers un approfondissement de la théorie bourdieusienne de la domination ?. <i>Recherches sociologiques et anthropologiques</i>, 46.<u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Puaud, D. (2017). Biopolitique du travail social. <i>Multitudes</i>, <i>67</i>(2), 179‑187.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Georges Liénard et Éric Mangez, « Régimes d’action et rapports de pouvoir. Vers un approfondissement de la théorie bourdieusienne de la domination ? », <i>Recherches sociologiques et anthropologiques</i> [En ligne], 46-1</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Reed-Danahay, D. (2017). Bourdieu and Critical Autoethnography : Implications for Research, Writing, and Teaching. <i>International Journal of Multicultural Education</i>, <i>19</i>(1), 144. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Rouvière, C. (2015). <i>Retourner à la terre : L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960</i>. Presses universitaires de Rennes.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Schwartz, O. (2009). Vivons-nous encore dans une société de classes ? <i>La Vie des idées</i>. <u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Schwartz, O. (2011). Peut-on parler des classes populaires ? <i>La Vie des idées</i>. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Schutz, A., & Bégout, B. (2010). <i>L’étranger suivi de L’homme qui rentre au pays : Un essai de psychologie sociale</i> (2e éd). Éd. Allia.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Séraphin, G. (2012)<i> Le regard situant. L’exemple de la politique familiale dans la France contemporaine.</i> Mémoire de HDR, Université Paris V Descartes.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">European Association Of Schools Of Social Work, E. A. S. S. W. (2017). <i>Définition globale du travail social</i>. EASSW. Consulté le 25 février 2022, à l’adresse https://www.eassw.org/language/english/</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><i><span style="color:black">Salaire moyen à Gacé (61230)</span></i><span style="color:black">. (2022). Journal du net. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Dossier complet<i> − Commune de Gacé (61181) | Insee</i>. (2022).</span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Force est de constater, au cours d’expériences de terrain ou par une recherche dans la littérature, que l’écologie est très peu présente dans le champ social. Cette absence n’est pas spécifique à nos métiers, on la retrouve dans la majorité des espaces sociaux, comme l’illustre le faible score du parti écologiste lors des présidentielles de 2022. Étant donné l’état d’urgence connu de tous, comment sortir de ce que l’on peut appeler un « déni Climatique » (Catellani, 2021) ? Afin d’apporter des éléments de compréhension sur ce point, on approchera les notions d’écologisme et de travail social, puis on observera leurs croisements au cours d’une trajectoire de vie ; cette démarche d’enquête autobiographique permettra de restituer le paradoxe de ces champs : si proches, ils ne se rencontrent pas. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Certains auteurs privilégient la notion de justice environnementale à celle d’inégalité qu’ils considèrent comme un euphémisme. <span style="background:white">Le sociologue Razmig Keucheyan</span> souligne que la notion de justice environnementale corrélée à celle de racisme environnemental est née au sein d’un mouvement de défense des droits civiques porté par les quartiers noirs américains. Cette perspective d’un mouvement qu’il qualifie d’« éco populiste » (2018) nous paraît intéressante, en ce qu’elle est la démonstration d’un mouvement écologiste émergeant par le bas, démarche riche en perspective dans le cadre d’un travail social pensé comme porteur d’émancipation. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">L’écologisme est en majorité un mouvement issu des classes moyenne et supérieure. Les travailleurs sociaux sont plutôt originaires des classes moyenne et populaire ; leurs publics, « les usagers » du social, sont quant à eux majoritairement issus des fractions « basses » des classes populaires. C’est dans cette perspective de classe et de rapports de classes que nous allons tenter de décoder les relations entre écologie et travail social. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour comprendre comment ces champs se rencontrent, s’opposent ou s’ignorent, le contexte français nécessite de prendre en compte des spécificités nationales. Le modèle social dessiné par le Conseil national de la Résistance était porteur d’un projet de société égalitaire et solidaire, il inspire l’ordonnance de 1945 organisant la sécurité sociale et plus particulièrement le cadre législatif du métier d’éducateur. C’est ce que souligne Michel Chauvière dans un entretien pour les Cahiers dynamiques : Dans cette pratique éducative dédiée, née au moment de la guerre 39-45, il y a surtout quelque chose de fondamental à sauvegarder et à réaffirmer qui combine une éthique de la relation avec les enfants et les jeunes, une action technique affinée et une action politique, dans la cité (2020, p.33).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le travail social s’ancre aussi dans une démarche clinique influencée par la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle pour dessiner une pratique qui s’organise autour du sujet : Le sujet, ce n’est pas l’humain des droits de l’homme, trop lointain, trop général. Le sujet c’est chacun, chaque individu dans sa singularité (2020, p.34). Et s’appuie par ailleurs sur les approches d’éducation populaire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il est difficile de définir ces métiers du travail social, en tension entre « surveillance, correction » et défense des droits. (Puaud, 2017) On peut souligner, avec Pascale Guarrigue, que les métiers du social passent par « l’éprouver » (2017). Avec cette notion d’éprouver, on convoque le sujet, celui qui éprouve et qui connaît par l’expérience. On retrouve cette primauté accordée à l’éprouvé dans la recherche en travail social qui, à rebours d’une posture surplombante et objectivante, propose une recherche par l'intervenion et non sur l'intervention (Beillerot, 1989, p.115) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Du côté de l’écologie, le contexte français convoque mai 68 comme date symbolique de l’émergence de la contre-culture et de la nébuleuse écologiste (Vrignon, 2017). Ce mouvement est initiateur de l’écologie politique, mais aussi d’un mode de vie alternatif fondé sur des valeurs et des pratiques spécifiques. L’écologisme est ainsi étudié par les sciences humaines ; certains y voient un mouvement post-matérialiste (Ronald Inglehart, Alain Touraine) tandis que d’autres (Bourdieu, Boudon) y voient une nouvelle forme d’expression des rapports antagonistes de classe. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Les néoruraux auxquels nous allons plus particulièrement nous intéresser dans cet article participent à cette nébuleuse écologiste, ils en constituent une entité particulière et, dans une perspective de recherche en sciences humaines, un champ d’études spécifique. Il s’agit de jeunes urbains adhérant aux valeurs de la contre-culture post 68, ils choisissent de s’installer en zone rurale. Certains s’installent en communauté, d’autres de manière plus isolée. Ils ont des destinations privilégiées (Ardèche, Ariège), mais peuvent aussi se retrouver dans d’autres départements.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Dans une perspective « bourdieusienne », le sociologue Hubert Billemont rattache ce groupe aux fractions intellectuelles de la classe moyenne (2006, p.24), il précise que dans la vision écologiste, la révolte contre le ‘’système’’ ne conduit pas à chercher nécessairement des alliés politiques dans le prolétariat et la classe ouvrière (2006, p. 16) – rappelons que la thèse est écrite il y a 16 ans. Le positionnement politique de certains partis actuels tend vers un rapprochement entre vision écologiste et alliance avec les classes populaires et les organisations qui les représentent. Il définit le mouvement écologiste comme un mouvement des « classes moyennes intellectuelles » (2006, p.12) et déclassé, situé en position ambivalente dans la structure sociale (2006, p.15).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">L’historienne Catherine Rouvière identifie « cinq vagues » de migration néorurale (en Ardèche) de 1969 aux années 2000. Nous nous intéressons aux deux premiers groupes : le moment hippie de 69 à 73 et une deuxième étape de 75 à 85, incarnée par une volonté de stabilité économique et d’intégration plus forte. (2015, p.35).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">En nous appuyant sur l’étude d’Hubert Billemont, nous avons émis l’hypothèse que les travailleurs sociaux étaient peu concernés par les questions écologiques en raison d’une appartenance de classe différente. Or les travailleurs sociaux sont considérés comme appartenant aux classes moyennes. Hubert Billemont identifie l’écologie politique comme une idéologie de classe moyenne. Dans ce cas, pourquoi les travailleurs sociaux s’intéressent -ils peu aux questions écologiques ? </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour répondre à cette question, nous allons tenter de situer plus précisément les travailleurs sociaux au sein des classes sociales. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Appuyons-nous sur une étude de la Drees qui identifie 1,3 million de travailleurs sociaux en 2018 : 520 000 intervenants à domicile, 400 000 assistants maternels, gardes à domicile ou assistants familiaux, 250 000 professionnels socio-éducatifs, 60 000 aides médico-psychologiques ainsi que 90 000 autres professions de l’action sociale exercent en France Métropolitaine (Drees, 2022). Parmi ceux-ci : 42 % des travailleurs sociaux âgés de 50 ans ou plus », un milieu « très féminisé », avec « 9 femmes pour 10 professionnels » (Drees, 2022). « Les travailleurs sociaux sont moins souvent diplômés de l’enseignement supérieur que les autres salariés. 23 % des professionnels du social détiennent, en 2018, comme plus haut diplôme, un brevet des collèges ou sont non-diplômés, contre 15 % des autres salariés. Leur diplôme le plus élevé est dans 32 % des cas un CAP, BEP ou un autre diplôme de ce niveau, et dans 12 % des cas un diplôme paramédical et social de niveau bac +2. Ajoutons que : Ce sont des salariés plus souvent en temps partiel et en sous-emploi que les autres salariés (Drees, 2022).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">On voit, au travers de ce compte-rendu chiffré, des profils variés en termes de revenu et de diplôme. Cela se traduit aussi par des origines sociales diversifiées. Une partie des travailleurs sociaux sont issus des classes populaires – que l’on définit avec Olivier Schwartz à partir d’une double perspective de domination, sociale et culturelle, vis-à-vis des classes dominantes (2011). Une partie d’entre eux appartiennent toujours aux classes populaires, de par leur niveau de vie, de salaire, de diplôme, tandis que l’autre se situe au sein de la classe moyenne. À l’autre extrémité de ce groupe professionnel, on trouve les cadres du secteur social qui font partie des classes moyennes, moyenne supérieure. Ceci suivant leur niveau d’intervention (proximité, direction d’établissement, direction générale, etc.), leur revenu et leur trajectoire sociale, le spectre est donc large. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Ayant situé ce groupe des travailleurs sociaux, tentons de définir sa fonction et son rôle dans l’espace social. Un article de Iori et Charles retrace l’évolution des recherches sur le travail social. L’ouvrage de Verdès-Leroux, <i>Le travail social</i>, publié en 1978 y est cité comme pionnier dans ce domaine. Il présente « les assistantes sociales en tant qu’agent.es de contrôle social et d’encadrement des classes populaires » (Iori & Charles,2020, p. 2). Ainsi, on voit bien qu’à cette époque, la démarcation de classe entre les travailleurs sociaux et leurs publics est nette. Aujourd’hui, on ne trouve plus une démarcation si nette, comme le montrent les travaux de Charlène Charles sur la précarité des intérimaires (Charles, 2020).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Joëlle Libois observe, elle aussi, un mouvement de déclassement social du travail social : La charité donnée par les dames patronnesses représentait une norme sociale établie, la lente professionnalisation des formations sociales, dès la fin de la Première Guerre mondiale, a permis de former des femmes et des hommes des classes moyennes. […] Aujourd’hui, si nous prenons au sérieux l’accession d’une montée en puissance de la précarisation du statut de travailleur social, alors nous passerions d’un premier modèle vertical et asymétrique à un deuxième plus horizontal, mais toujours inégal, pour parvenir à une troisième référence en proximité des vécus (2018, p.7). Une travailleuse sociale belge exprime bien ce sentiment de déclassement social de la profession : lorsque l'on y pense, l’ironie est presque savoureuse : des précaires sont au service d’autres précaires. Demain ils pourraient tout à fait venir grossir leurs rangs. (MF,2021) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Joëlle Libois fait aussi l’hypothèse que cette problématique illustre un changement de paradigme historique, porté par une transformation radicale des appartenances sociales des professionnels de l’intervention sociale (2018, p.8.). Cette précarisation des métiers du social rapproche les professionnels et les usagers dans un sentiment de précarité partagée ; en ce sens, les travailleurs sociaux sont éloignés des classes moyennes intellectuelles dominantes au sein de la nébuleuse écologiste. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Comment rendre compte de ces relations ? La notion d’éprouvé offre une première piste pour une recherche en travail social, notamment à travers le rôle dévolu au sujet. D’autres approches utilisent aussi l’expérience, avec une visée de connaissance et de transformation du monde social. Quelques méthodes utilisent le « parler de soi » pour comprendre les phénomènes sociaux. Comme le dit Jean-Louis Legrand : Dans le fait de connaître une culture de ‘’l’Intérieur'’, il y a là une ressource tout à fait exceptionnelle pour une entreprise cognitive (Le Grand, 1988, p. 166).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">De nombreuses démarches prennent en compte la subjectivité et l’expérience du chercheur. On peut notamment citer : le regard situant de G. Séraphin, les travaux d’Edgar Morin sur la complexité, l’analyse institutionnelle, la sociologie phénoménologique de la connaissance (Schütz), l’ethnométhodologie (Garfinkel), la démarche de praticien-chercheur (Kohn), l’ego-histoire (Nora), l’histoire de vie (Le Grand) et, plus récemment, l’auto-ethnographie (Reed-Danahay, Dubé). Dans ces courants de recherche, on utilisent courament le « je » pour signifier la prise en compte de la subjectivité du chercheur ; c’est ce que je ferai dans la deuxième partie de cet article. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il y a toujours dans les milieux universitaires une réserve vis-à-vis du récit de soi. La démarche a encore ses détracteurs, dans la lignée de <i>L’Illusion biographique</i> de Bourdieu. Cela contribue sans doute au fait que les enquêtes autobiographiques sont plus souvent réalisées par des chercheurs confirmés, à l’instar de Didier Eribon, Rose Marie-Lagrave ou Bourdieu lui-même — mais n’avait-il pas introduit son <i>Auto-analyse</i> par la formule « ceci n’est pas une autobiographie » ?). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Aussi, bien que ma trajectoire sociale, ici envisagée comme outil de l’exploration, ne soit pas l’objet de cet article, il me semble néanmoins important de porter à la connaissance du lecteur quelques éléments d’auto-analyse. De plus, il y a eu à ma connaissance peu de recherches sur le mouvement écologiste néorural réalisées par des chercheurs de ce groupe social. Un point de vue « situé » apporte donc un éclairage particulier sur ce mouvement. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon analyse s’appuie sur un vécu « de l’intérieur » à plusieurs niveaux : en tant qu’enfant de néo-ruraux ayant grandi au sein de ce cosmos particulier, avec ses valeurs et ses idéologies ; en tant qu’éducateur spécialisé ; en tant que chercheur familiarisé avec des méthodes de recherche qui permettent une certaine réflexivité sur ce vécu. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">La démarche qui me semble la plus pertinente pour aborder ici un récit de vie est celle de l’auto-maïeutique implicationnelle. Ce concept a été forgé par Jean-Louis Legrand, dans le cadre de sa thèse : <i><span style="background:white">Etude d'une expérience communautaire à orientation thérapeutique : histoire de vie de groupe, </span></i>ouvrage pionnier dans le champ de l’histoire de vie en 1988. Il définit cette approche comme une : Démarche d'accouchement de soi et l'écriture correspondante, explorant diverses implications personnelles dans une visée d'élucidation heuristique. (Le Grand, p.132) La visée heuristique exprime l’intention de contribuer à la connaissance. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette démarche d’auto-maïeutique implicationnelle est indissociable du concept d’implexité. Ce néologisme, forgé pour qualifier la complexité des implications (Le Grand, 2006, p. 2), définit cette dimension complexe des implications, complexité largement opaque à une explication. L'implexité est relative à l'entrelacement de différents niveaux de réalités des implications qui sont pour la plupart implicites (pliées à l'intérieur) (Le Grand, 2006, p.2).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il ne s’agit pas d’être exhaustif quant à ce qui est impliqué : dans une telle démarche, c’est la personne entière qui est engagée, il s’agit de donner à voir ce qui semble pertinent pour le lecteur tout en respectant aussi l’intimité du chercheur. Il n’y a pas de règles quant à ce qui doit être montré ou non ; sans cela, nous nous dirigerions vers une injonction à l’expression des implications.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette démarche m’a permis de faire quelques « découvertes ». La trajectoire « héroïque » du saisonnier agricole devenu charpentier puis éducateur et enfin doctorant en sciences de l’éducation prend un autre sens lorsque l’on prend en compte les logiques de classe et la notion de capital culturel. Bien qu’ayant adopté un mode vie non conforme aux habitus bourgeois de leurs familles, mes parents m’ont transmis un certain nombre de capitaux qui ont permis une trajectoire de reclassement malgré un début de vie professionnelle en bas de la hiérarchie des diplômes et salaires. Si l’on ajoute à cela les critères de race et de genre, on comprendra que le « mérite » de ce parcours de reclassement accéléré est relatif. Ce qui n'enlève rien aux difficultés rencontrées au cours du chemin. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’identifie la réflexion sur le travail social et le changement climatique comme des éléments structurants de mon parcours. Je suis né dans une famille de néoruraux. Plus précisément, je peux situer mes parents au sein de la 4<sup>e</sup> vague néorurale identifiée par Catherine Rouvière : De 1975 à 1985 se dessine une deuxième étape caractérisée par la primauté accordée à l’installation pérenne, dans un cadre agréable, grâce à une activité choisie permettant de vivre décemment, y compris en s’intégrant dans la société locale. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon père né en 1954, ma mère en 1955, font partie de la génération des baby-boomers. Ils sont tous les deux originaires de milieux bourgeois et, du côté de mon grand-père maternel, d’une aristocratie déclassée. Ils avaient 14-15 ans en mai 68, mouvement qu’ils ont suivi avec admiration, mais de loin, car trop jeunes pour y participer. Mon père a grandi à Neuilly sur Seine puis dans le 17<sup>e</sup> arrondissement de Paris ; il a fait des études d’ingénieur à l'École nationale des Ponts et chaussées puis intégré une école d’architecte à Paris. Ma mère a grandi à Caen ; elle a suivi un cursus à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et une formation d’ébéniste à l’École Boulle puis à l’AFPA. Elle a ensuite exercé quelques années à son compte puis a cessé son activité, notamment pour travailler au sein de l’espace domestique (jardin, travaux de rénovation, éducation des enfants). Mon père a longtemps travaillé comme architecte-conseil dans un Caue (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement) puis il s’est mis à son compte vers les années 2000 tout en gardant une activité partielle au Caue jusqu’à la retraite. Aujourd’hui, il continue d’exercer en tant qu’architecte libéral dans le domaine de l’écoconstruction dont il est un des précurseurs. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents se sont rencontrés à Paris, durant leurs études à la fin des années 70. On comprend qu’à cette époque, étudiant à Paris dans le champ des beaux-arts, ils aient été marqués par les suites des événements de mai 68 et par le mouvement de la contre-culture. Ils ont vécu à Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, quelques années avant de s’installer dans l’Orne dans une petite commune rurale de 75 habitants, au début des années 80. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents sont donc originaires des classes sociales dominantes, milieu d’origine qu’ils ont rejeté en s’inscrivant dans le mouvement de la contre-culture des années 70, en s’installant dans une zone rurale, et en adoptant le mode de vie et les valeurs de la mouvance écologiste. J’ai tardivement pris conscience de cette trajectoire sociale et de cette culture spécifique de néo-ruraux, nettement séparée de la culture « autochtone ». </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Parmi mes oncles et tantes, certains – du côté de ma mère – avaient eux aussi rejoint le mouvement écologiste et s’inscrivaient dans un positionnement de déclassement social avec l’exercice d’une profession intermédiaire (en lycée technique, en travail social). Un de mes oncles s’était installé comme maraîcher biologique après avoir été berger en Ardèche. Les membres de la famille adhérant aux valeurs de la contre-culture l’admiraient. D’autres n’ont pas opéré cette rupture, un oncle maternel était catholique pratiquant et cadre chez Moulinex et, lors des réunions familiales, la rencontre avec cette partie de la famille était un véritable choc de cultures. Du côté de mon père, une de mes tantes a été médecin puis PDG d’importantes sociétés pharmaceutiques ; sa sœur aînée a été professeure d’anglais dans le privé, et a choisi de vivre en zone rurale sans adhérer à cette contre-culture. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bien qu’habitant dans des communes assez éloignées, les trois familles situées le plus radicalement dans la mouvance écologiste se voyaient très régulièrement. C’est surtout au sein de cet espace familial que je côtoyais d’autres enfants d’« écolos », car le territoire où mes parents s’étaient installés n’était pas du tout investi par les néo-ruraux (contrairement à la commune où vivait mon oncle maraîcher à quelques dizaines de kilomètres). Je me souviens avoir été particulièrement préoccupé par la question du nucléaire : un de mes oncles était militant fondateur d’une association de contrôle de la radioactivité. Je me souviens d’une exposition itinérante, sans doute au cours d’un rassemblement anti-nucléaire, l’exposition montrait des enfants nés déformés à cause des radiations à Tchernobyl.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai donc grandi dans cette commune de l’Orne où mes parents ont d’abord loué puis finalement acheté un ancien presbytère avec un demi-hectare de terrain. La maison de briques était en très mauvais état, sans toilettes ni confort, constamment en travaux puisqu’ils l’ont rénovée progressivement. Je suis né en 1986, et ma sœur en 1990. Nous mangions bio (ce qui était alors très marginal), mes parents m’habillaient avec des vêtements achetés dans les dépôts-ventes. Nous avions une toute petite télévision qui avait du mal à capter les chaînes. Lorsque j’ai eu une console de jeux, elle était déjà démodée. Il y avait aussi de quoi s’occuper à l’extérieur avec le terrain, les moutons, un grand potager et un atelier de menuiserie. Il me semble que j’étais assez peu sollicité pour ces travaux, comme d’ailleurs pour les tâches ménagères et domestiques, essentiellement réalisées par ma mère. Je me souviens pourtant que ma mère était fière des vêtements d’occasion qu’elle nous achetait à ma sœur et à moi. Certains étaient de « marques ». Elle me disait : ce sont de bonnes marques, mais tes copains ne les connaissent pas. On a là une situation où toute l’ambivalence de leur positionnement s’exprime, entre rejet de la société de consommation et snobisme : les vêtements que ma mère m’achetait étaient d’occasion et sans marque apparente, ce qui pouvait me faire apparaître aux yeux de mes camarades d’école comme un pauvre, alors qu’il y avait une fierté secrète chez ma mère de nous voire porter « de grandes marques ». Mes parents avaient aussi des voitures en mauvais état et pas entretenues. Je me souviens de la crise de « la vache folle » : j’avais interdiction de manger des bonbons à la gélatine. Le MacDo était un endroit maudit ; j’ai dû y aller deux ou trois fois dans mon enfance ; d’ailleurs je n’aimais pas le goût de cette nourriture qui me paraissait fade. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Nous avions un grand jardin où ma mère travaillait beaucoup. Nous allions aussi cueillir les mûres pour faire de la confiture. Nous ramassions les pommes, les noix, les cerises et nous avons eu à une époque deux moutons achetés à mon oncle maraîcher bio et éleveur. Si mes souvenirs sont bons, nous ne les avons pas mangés, car ils étaient quasiment des animaux domestiques – je crois que nous les avons échangés contre des bêtes déjà abattues, prêtes à être cuisinées. Il y avait aussi tout l’entretien des espaces verts, des haies. J’appréciais particulièrement la taille des haies. Mes parents me laissaient librement utiliser les outils : serpe, tronçonneuse, débroussailleuse, etc. J’allais chercher le lait à la ferme d’à côté, directement à la salle de traite. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mes parents n’ont jamais milité au sein des partis écologiques, mais ils les soutenaient et suivaient les candidats avec attention : je me souviens de la candidature de Dominique Voynet en 1995, qu’ils suivaient avec enthousiasme. Il y a quelques années, ma mère m’avait raconté, très émue, avoir été assise à proximité de José Bové dans un rassemblement. En 2002, la candidature de Pierre Rabhi nous a passionnés ; j’ai dû le voir trois ou quatre fois en conférence au cours de mon adolescence, avec et sans mes parents. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le cadre du Pays d’Auge était réellement idyllique, avec ses collines, ses prés, ses pommiers et ses herbages pour chevaux et vaches. Le village accueillait environ 75 habitants, parmi lesquels nous n’étions que quatre enfants. Nous avions très peu de relations avec l’autre fratrie, bien que prenant le même car pour aller à l’école. Les seuls souvenirs que j’ai d’eux, c’est leur maison au sein d’une ferme avec un bazar pas possible et puis je crois que le garçon avait dû me voler mon vélo. Nous habitions le même village, mais avec des réalités sociales trop différentes pour pouvoir entrer en lien.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le village le plus proche pour faire les courses était à 5 kilomètres, mais nous allions plutôt à Gacé, 2000 habitants, à 7 km. La « grande ville », Argentan, 15000 habitants était à 15 km. J’ai entamé ma scolarité à Gacé ; en troisième, je suis parti à Argentan.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le contexte socio-économique de Gacé : En 2008 par exemple, le salaire moyen à Gacé est de 1532€ par mois pour une moyenne nationale de 2016€ par mois. Le nombre d’habitants sans diplôme est de 45,9% pour une moyenne nationale de 19,3%, le pourcentage d’ouvriers est de 40% pour une moyenne nationale de 27%. L’Insee identifie la ville comme ayant un degré de pauvreté monétaire très élevé avec une part de personnes ni en emploi ni en formation très importante chez les 18-25 ans (Insee, 2022).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">De manière générale, je n’étais pas très à l’aise avec les jeunes de mon âge, je suis allé au club de foot, au judo, mais le décalage culturel et social était trop important ; le mépris vis-à-vis du football n’étant pas assumé par mes parents. Mes rares amis venaient d’ailleurs ou étaient eux aussi marginaux pour une raison ou une autre : un jeune Anglais, deux jeunes d’origine immigrée placés en famille d’accueil, certains jeunes vivant dans des familles plus ou moins « dysfonctionnelles » ; le dénominateur commun entre nous tous était de se retrouver en situation d’anomie sociale, de manque de repère dans la structure sociale des relations humaines. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai donc eu une enfance assez isolée, en tout cas décalée, lorsque j’étais hors des cercles familiaux. La Normandie et particulièrement l’Orne, étant restées très rurales, n’ont pas connu d’importante vague de « migration » néorurale. Nous étions donc, avec ma sœur, les seuls de notre espèce dans les cercles de socialisation enfantine – que ce soit à l’école ou dans les loisirs. J’étais déconnecté de mon environnement comme en atteste cette anecdote : jeune adulte, j’avais invité un ami parisien à venir passer quelques jours chez mes parents ; lors d’une balade, celui-ci me demanda comment j’occupais tes journées et si, enfant, je chassais. Cela m’a beaucoup fait rire, pour lui, pur Parisien, j’étais un « rural », attaché au monde paysan et à celui de la chasse. Or j’en avais été pratiquement aussi éloigné que lui. Pour mes parents, les chasseurs étaient des rustres, des « fachos ». </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Nous avons déménagé lorsque je suis passé en 2<sup>de</sup>. Nous ne sommes pas allés loin, dans un autre village situé à une trentaine de kilomètres, mais dans le Calvados, à côté de la ville de Falaise (10 000 h). Plus proche de Caen, Falaise proposait une plus grande mixité sociale et une culture plus urbaine que Gacé ou même Argentan. L’ambiance du lycée était différente et il s’est agi pour moi d’un changement de vie important. J’ai rencontré un certain nombre d’enfants de néo-ruraux, de parents écolos ou partageant des valeurs contre-culturelles et je me suis « naturellement » rapproché de ces jeunes avec qui je partageais des codes et des valeurs. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">A posteriori, j’analyse ce refus comme une « obéissance » aux valeurs transmises par mes parents : valorisation des marges, rejets du système scolaire et du système en général. En entrant dans l’adolescence, j’étais à contre-courant des jeunes de ma génération, fidèle aux idées de mes parents, j’abhorrais la « musique industrielle » et les radios commerciales. En refusant de faire des études, j’étais fidèle aux valeurs liées à la contre-culture, valorisant tout ce qui est antisystème, j’allais vers les marges pour obéir à mon père. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Après le bac, à 17 ans, je n’ai pas souhaité faire d’études supérieures. Pendant deux ans, j’ai « fait les saisons », un choix qui peut s’expliquer au regard des valeurs parentales et surtout paternelles valorisant le voyage et l’aventure. Mon père m’avait transmis l’imaginaire des poètes-vagabonds et des écrivains aventuriers tels Jack London, Nicolas Bouvier ou Jack Kerouac. Mais la réalité de la vie de saisonnier était tout autre. J’ai rencontré beaucoup de personnes en situation de grande précarité, des travailleurs sans papier, des « punks à chien », des gens du voyage… Un univers violent, difficile, où les addictions sont très présentes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Sentant que je pouvais m’y perdre – et aussi parce que j’étais en couple – j’ai décidé en 2006 de faire une formation de charpentier avec la fédération compagnonnique des métiers du bâtiment. La conversion a été abrupte et je ne sais pas comment j’en suis venu à choisir ce métier. On peut cependant comprendre ce choix comme réponse à une double injonction : un métier a valeur symbolique qui me permettait de répondre aux valeurs bourgeoises transmises par mes parents, malgré leur rejet de cette classe ; il s’agissait d’aller vers ce qui était prestigieux, reconnu, noble. Mais bien que prestigieux, le métier de charpentier reste un travail d’artisan et d’ouvrier ; en ce sens, cela me permettait de correspondre aux valeurs antisystèmes et anti-bourgeoises portées par mes parents. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai exercé six ans le métier de charpentier. Je n’étais pas à l’aise dans les entreprises traditionnelles, avec les ouvriers porteurs d’un éthos et de valeurs virilistes auxquels j’avais du mal à m’adapter. Au fil des ans, j’ai décidé d’être plus actif dans ma trajectoire personnelle et j’ai rencontré une nouvelle compagne, issue elle aussi de milieux néo ruraaux (homogamie de classe). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Je me suis dirigé vers l’éco-construction. Je m’y suis senti plus à l’aise, car ce secteur était pour une bonne part connectée au mouvement de retour à la terre et à son habitus particulier. Malgré cela, je n’ai jamais réellement eu le goût du bâtiment ; je n’étais sans doute pas conscient d’être dans les pas de mon père, pionnier du secteur et de ma mère "néo-artisan". </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">En 2012, après un chantier en écoconstruction d’un an dans une communauté bouddhiste, j’ai rejoint ma compagne dans une communauté chrétienne. J’y ai d’abord travaillé sur un poste d’agent d’entretien – il s’agissait de faire des petites rénovations, tous corps de métiers confondus au sein du domaine situé à proximité de Poitiers. Le domaine assez étendu comprenait un château, une église, un couvent, un élevage de moutons, des terres maraîchères, une école Montessori, un Ehpad, une maison d’enfants à caractère social. Y vivaient environ 120 habitants et y travaillaient une centaine de salariés (travailleurs sociaux, agriculteurs, instituteurs…). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le lieu portait un projet ambitieux, à la fois social et écologique, c’est grâce à des échanges avec la directrice RH de ce réseau que j’ai pu opérer une reconversion professionnelle vers le travail social. J’ai alors passé un Dejeps (diplôme d’état de la jeunesse des sports, de l’éducation populaire et des sports) en alternance au sein de la Mecs (maison d’enfants à caractère social). Mon implication au sein du réseau était totale, nous vivions en communauté « au château » avec de nombreuses personnes précaires, réfugiées ou en situation de handicap, et je travaillais au sein de la maison d’enfants. Les semaines de formations au Cemea (centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) étaient de vraies « bouffées d’air », qui m’apportaient un regard, un positionnement idéologique et professionnel différent de celui proposé par le réseau associatif : j’y ai découvert les valeurs de l’éducation populaire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Après plusieurs années très intenses dans cette communauté, nous sommes partis, ma compagne et moi, en Seine-Saint-Denis. Passionné par le travail social et la recherche-action, j’ai passé le diplôme d’éducateur spécialisé, à la suite de quoi j’ai travaillé dans un dispositif de prévention innovant, et j’ai intégré un master en sciences de l’éducation et de la formation (éducation tout au long de la vie : éducation populaire, éducation informelle, formation des adultes) à Paris 8. Réaliser le master tout en travaillant était éprouvant, mais aussi très riche, cela amenant de la réflexivité dans la pratique. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Aujourd’hui j’entre en doctorat de sciences de l’éducation et de la formation au centre de recherche en éducation et formation (Cref) de Paris Nanterre, au sein de l’équipe Éducation familiale et interventions sociales auprès des familles (Efis), en étant salarié (cifre) de la fondation Olga Spitzer.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Mon parcours apparaît comme une trajectoire de reclassement social, facilité par des acquis de classes culturelles, économiques préservés en dépit du positionnement de retour à la terre et des valeurs de contre-culture portés par mes parents. Enfant et jeune adulte, j’étais imprégné des valeurs et de l’idéologie de mes parents écolos néoruraux ; travailleur social, je me suis détaché de ces questions qui paraissaient utopistes et décalées vis-à-vis de l’urgence des situations rencontrées sur le terrain. Parce que ma situation sociale a évolué, aujourd’hui doctorant, je ne peux pas nier l’urgence écologique, et son impact au niveau social. La dernière partie de cet article me permet d’articuler ce récit autobiographique avec une recherche sociologique sur le positionnement des écologistes au sein des rapports antagonistes de classe. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">La réflexion d’Hubert Billemont dans sa thèse de sociologie, <i>L’écologie politique : une idéologie de classes moyennes. </i>(2006)<i> </i>m’aide à penser mon histoire familiale au regard des logiques de classe. Elle paraît pertinente pour situer mon parcours – ma famille établie au sein de la mouvance écologique – et comprendre comment cette « nébuleuse » se plaçait dans l’espace social. Son travail donne du sens à mon cheminement professionnel et notamment à la rupture idéologique qui s’est opérée au moment de ma reconversion vers les métiers du social. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Billemont fait l’hypothèse que « l’apparition du phénomène écologiste (appréhendé comme une extension politico-morale du mouvement contre-culturel dans son ensemble) procède de la situation de déclassement-reclassement à laquelle sont confrontées les fractions dominées de la classe dominante » (2006, p.14-15). Il précise que dans la vision écologiste, « la révolte contre le ‘’système’’ ne conduit pas à chercher nécessairement des alliés politiques dans le prolétariat et la classe ouvrière » (2006, p. ) – rappelons que la thèse est écrite il y a 16 ans. Le positionnement politique de certains partis actuels tend vers un rapprochement entre vision écologiste et alliance avec les classes populaires et les organisations qui les représentent. Il définit le mouvement écologiste comme un mouvement des « classes moyennes intellectuelles » (2006, p.12) et déclassé, « situé en position ambivalente dans la structure sociale » (2006, p.15). Il décrit une « culture sociale construite dans la double opposition aux classes supérieures (économiquement dominantes) et aux classes populaires (économiquement dominés). Cette double ambivalence pourrait expliquer mes difficultés d’intégration au sein de l’école, auprès de camarades d’école issue des classes ouvrières ou bourgeoises, mais bien intégrées et identifiées sur le territoire. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour lui, toutes les classes sociales ne sont pas conviées à participer à cette nouvelle utopie, « la définition écologiste de la nature, malgré la prétention d’universalité dont elle se pare, peut ainsi être considérée comme l’instrument symbolique d’une lutte sociale que les membres des fractions intellectuelles de la classe moyenne ont engagé contre les autres groupes » (2006, p.91). « Occupant une position sociale totalement ambiguë et incertaine [ils refusent] de s’inscrire dans l’alternative « dominant dominé », « bourgeois-ouvrier », ils tentent d’échapper (de manière illusoire) au jeu des classements sociaux et des hiérarchies établies en défendant une cause planétaire et universelle » (2006, p. 99).</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette dimension idéologique et politique me paraît expliquer le désintérêt que j’ai pu manifester pour l’écologie durant mes années « de terrain » en tant que travailleur social. De façon plus générale, cela donne un éclairage sur un certain rejet des classes populaires pour les thématiques et le mode de vie des écologistes. Par loyauté envers son milieu d’origine – pour certains – et son public, le travailleur social peut être tenté de rejeter un habitus « écolo » ; sa loyauté s’expliquant par l’« éprouvé » des rapports de domination, dont il est amené à faire l’expérience, au cœur de sa pratique professionnelle. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Pour préciser et illustrer les propos de Billemont, je reprends « le cas de l’automobile ». Marqueur de classe, l’automobile est un bon analyseur des rapports sociaux. Lorsque j’étais enfant, mes parents avaient généralement des véhicules d’occasion, en mauvais état et mal entretenus. Je me souviens que mon père était assez fier de ses voitures. Je me souviens des 4L et de la « camionnette » Nissan avec laquelle nous partions en vacances, puis il y a eu une Espace Renault qui servait de véhicule quotidien, mais aussi d’utilitaire pour les travaux. Mon père était en cela caractéristique du profil néorural écolo, à cela près que sa voiture se reconnaissait toujours par son côté déglingué, dans une variation de l'habitus ce que décrit Billemont sur l’usage des véhicules par les écolos : en s’appropriant ce type de voiture, neutre, effacé, ordinaire (…) ils affichent ostensiblement, à travers ce rapport « utilitaire » et distancié à l’objet, leur différence sociale (qualifiée « d’éthique ») par rapport à ceux qui investissent financièrement et « affectivement » dans des véhicules plus chers, plus typés. Ils se démarquent ainsi de l’usage idéologique des représentations de l’automobile) […] aussi bien des fractions économiquement dominantes de la bourgeoisie traditionnelle ou libérale, que des membres des classes populaires, dont la conduite en matière d’usage automobile leur semble être une forme d’allégeance aux catégories dominante (2006, p. 197). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cette position est difficilement tenable lorsque l’on est travailleur social – du moins lorsque l’on fait ce travail avec l’intention de contribuer à une plus grande justice sociale. De 2018 à 2021, j’ai travaillé en tant qu’éducateur spécialisé en Seine-Saint-Denis, au sein d’une équipe pluridisciplinaire et multiculturelle. Mes relations y ont été difficiles. Nous avions des pratiques éducatives et des représentations de l’éducation parfois opposées. J’ai plutôt tendance à défendre une éducation « démocratique », inspirée par les courants de l’éducation nouvelle (Freinet, Korczak, Montessori, etc.) et une partie de mes collègues étaient porteurs de valeurs autres ; pour eux, la relation entre l’adulte et l’enfant est organisée autour du respect de l’autorité de l’adulte, dans un modèle de relation verticale. Chaque membre de l’équipe avait son positionnement propre entre ces deux pôles : relation verticale ou horizontale. Je représentais un de ces deux extrêmes et, pour certains collègues, mon positionnement était vécu comme du laxisme, un manque de cadre insécurisant pour les enfants. De l’autre côté, je jugeais certaines de leurs pratiques trop autoritaires, voire maltraitantes, et ne respectant pas les droits de l’enfant.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">À travers cette bataille pour les pratiques éducatives, il y avait d’autres enjeux : des rapports de pouvoir, des rapports de classe, des rapports de domination. Nous étions une équipe d’une vingtaine de professionnels : maîtresse de maison, veilleur de nuit, auxiliaire de puériculture, accompagnante éducative petite enfance (Cap petite enfance), animateur socio-éducatif, éducatrice de jeunes enfants, éducateur spécialisé, technicienne de l’intervention sociale et familiale (Tisf). Parmi tous ces diplômes et formations, le rang d’éducateur spécialisé est le plus élevé (avec celui d’éducatrice de jeunes enfants), ce qui me situait en termes de diplôme et de salaire au sommet de la hiérarchie de l’équipe au niveau « terrain » – j’exclus volontairement de mon propos l’équipe-cadre (psychologue, directrice et cheffe de service). </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">D’autres facteurs sont à prendre en compte pour comprendre les rapports de domination. La plupart de mes collègues étaient originaires de quartiers populaires et/ou étrangers, issus de l’immigration, avec une expérience éprouvée de l’injustice sociale et des rapports de classe et de « race ». De mon côté, j’étais un homme blanc, issu de la classe moyenne intellectuelle. On peut aussi intégrer la question du genre, la plupart de mes collègues étaient des femmes. Nous étions deux hommes dans l’équipe de jour, quatre en intégrant les veilleurs de nuit, sur une équipe de vingt personnes environ. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Lors des conflits parfois virulents, ma principale antagoniste était une femme, de parents immigrés et originaires de quartiers populaires. Les conflits liés aux pratiques éducatives étaient alimentés par un conflit de classe, de race et de genre qui nous situait respectivement dans une situation de dominé/dominant. Par ailleurs, je crois qu’il y avait dans ma posture, dans cet héritage écologiste, quelque chose d’ambivalent, un déni du rapport de classe, qui pouvait être perçu comme un mépris de classe, une violence symbolique. Ces conflits ont pu se résoudre et mon intégration dans l’équipe a pu se faire notamment parce, lors des séminaires à paris 8, j’ai travaillé sur ces questions, conscientisé et identifié ces rapports de pouvoir, de classe, de race et de genre. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">À cette époque, j’ai acheté une voiture neuve. Je me souviens que cette collègue, avec qui les relations étaient particulièrement conflictuelles, m’avait dit quelque chose comme : « ouah, là Martin, tu as assuré. Félicitations, tu nous as tous dépassés ! ». Elle était réellement contente pour moi. Acheter quelque chose de neuf, en particulier un véhicule, est un signe de réussite. C’est quelque chose de valorisé dans les milieux populaires, contrairement à mon milieu d’origine où c’est plutôt mal perçu. J’interprète aussi la validation de mon achat comme une résolution du conflit liée au fait que mon statut social, mon appartenance aux classes moyennes et la capacité de pouvoir d’achat qui y sont corrélés, sont assumés, identifiés et identifiables. Auparavant, mon positionnement était flou puisque j’empruntais les transports en commun comme ceux qui les utilisent non par idéologie, mais par contrainte économique – il est connu que se déplacer en transports en commun en Seine-Saint-Denis, de banlieue à banlieue, est particulièrement pénible ; le temps passé est deux à trois fois plus long qu’en voiture. Dans ce contexte, on comprendra que les personnes qui en ont la possibilité utilisent leur véhicule pour « gagner » parfois plusieurs heures, éviter des frais de garderie, s’occuper de leur famille, etc. La valeur symbolique de cet achat a été positive ; pour autant mon propos n’est nullement une apologie de la voiture… Cette vignette clinique illustre les différents rapports de domination qui peuvent exister autour des valeurs écologistes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bruno Latour et Nicolas Schultz brossent le portrait d’une classe écologique à venir, potentiellement majoritaire (2022, p.55) et qui comme le suggère le sous-titre, doit « prendre conscience d’elle-même » (2022). Je les rejoins dans le sens où se dessine une gestion écologique de plus en plus technocratique, fondée sur des projets de géo-ingénierie plus qu’inquiétants (Foucart, 2022). Les classes moyennes et populaires font face à une classe dirigeante de plus en plus décomplexée et en ce sens ont des intérêts communs à défendre en termes de justice climatique, et de protection de leurs espaces d’habitabilités. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Cependant, j’apporte un point de vigilance à ce programme, les promoteurs d’une victoire politique de l’écologisme doivent prendre en compte leurs positionnements dans le monde social et la manière dont ils s’inscrivent dans les rapports de domination, ceci d’autant plus que l’histoire du mouvement écologiste correspond à l’organisation de la défense des intérêts des classes moyennes intellectuelles et d’une partie des classes dominantes. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"> </p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Il n’est pas si simple de dire « je » en sciences humaines, il l’est encore moins de prendre son propre parcours comme donnée de recherche, c’est le rapport intime, « éprouvé » qui me relie aux thématiques de ce numéro et à leurs articulations qui m’y a décidé. Faisant le pari que l’ « exposition de soi » nous amène dans des endroits où nous ne serions pas allés autrement. (Dubé, 2015, p.194) </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">J’ai cherché à démontrer l’existence d’une unité de classe au sein de la nébuleuse écologiste. À travers cette démarche, j’ai proposé un regard situé, micro-ethnographique sur la trajectoire d’un « néo-rural de deuxième génération » dans son rapport à l’écologie et au travail social. Avec une grande admiration pour les travaux de Rose Marie Lagrave, Reed-Danahay et Didier Eribon, j’ai tenté de désintriquer quelques implications complexes me situant vis-à-vis des classes moyennes, populaires et dominantes à l’aide d’une conception d’inspiration bourdieusienne. Dans cette démarche, j’assume, à l’instar de Gabrielle Dubé une visée transformatrice à destination de l’auteur comme du lecteur : la critique réflexive sur son propre positionnement comme chercheur inspire le lecteur et l’incite à réfléchir de façon critique sur sa propre expérience de vie… (Dubé, 2015, p.194) et en l’occurrence, plus particulièrement, son propre positionnement vis-à-vis de l’écologie et du travail social.</span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b>Bibliographie</b></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Alix, J., Bertrand, D., Brun, J., Chauvière, M. & Garrigue, G. (2017). <i>Debout pour nos métiers du travail social !</i>. Érès.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Bourdieu, P. (2004). <i>Esquisse pour une auto-analyse</i>. Raisons d’Agir Éd. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Catellani, A. (2021). Changement climatique : déni, négation et climato-scepticisme. <i>Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics. </i></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Charles<span style="background:white">, C. (2020). <i>Des éducateurs et éducatrices intérimaires dans les foyers de l’enfance: Un contrôle social renouvelé ?</i> Journal des anthropologues, pp 160-161, pp 89-101. <u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Cheval, P., Guzniczak, B. & Chauvière, M. (2020). <i>L’énigme du travail social</i>. Les Cahiers Dynamiques, pp78, pp 6-16. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">DREES. (2022, février). <i>Les professions sociales</i>.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Dubé, G. C., & Paillé, P. (2015). <i>Parcours d’une formatrice d’enseignants au Québec : Autoethnographie d’une quête transpersonnelle</i>. L’Harmattan.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Duchamp M., Bouquet B., Drouard H., (1989), - <i>La recherche en travail social</i>, Paris, Le Centurion p.110.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Emelianoff, C. (2008). La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel. <i>Écologie & politique</i>, 35, 19-31.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Eribon, D., & Louis, É. (2018). <i>Retour à Reims</i>. Flammarion.</span></span></span></span></p>
<p style="text-indent:-0.55pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif">Foucart, S. (2022, 29 mai). Climat : « Certaines des technologies envisagées pour maintenir habitable la Terre relèvent du cauchemar ». <i>Le Monde.fr</i>.</span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Garrigue, G. (2017). 5<i>. Défendre la qualité des outils et des pratiques</i>. Dans : Jean-Sébastien Alix éd., <i>Debout pour nos métiers du travail social</i> (pp. 115-150). </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Giraudat, A. (2021, avril 22). <i>Le racisme environnemental</i>. <i>Notre Affaire à Tous</i>. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Guibet, C. Lafaye, <i>« La domination sociale dans le contexte contemporain »,</i> Recherches sociologiques et anthropologiques, 45-1 | 2014, 127-145.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Iori, R. & Charles, C. (2020). <i>Regards sur les usages de la catégorie « travail social » dans les recherches en sciences humaines et sociales</i>. Recherche & formation, 94, 83-99. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Keucheyan, R. (2018). 1. Racisme environnemental. Dans : , R. Keucheyan, <i>La nature est un champ de bataille: Essai d'écologie politique</i> (pp. 19-84). Paris: La Découverte.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Lagrave, R.-M. (2021). <i>Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe</i>. La Découverte.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Latour, B., & Schultz, N. (2022). <i>Mémo sur la nouvelle classe écologique : Objet : comment faire émerger une classe écologique consciente et fière d’elle-même date : janvier 2022 diffusion : membres des partis écologiques et leurs électeurs présents et à venir</i>. les Empêcheurs de penser en rond-Éditions la Découverte.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Léger, D. & Hervieu, B. (1979). 1. Exodes utopiques. Dans : , D. Léger & B. Hervieu (Dir), Le retour à la nature: « Au fond de la forêt... l'État » (pp. 13-37). Paris: Le Seuil. <a name="_Hlk104831014"> </a></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Le Grand, J-L. (1988)<i> Etude d'une expérience communautaire à orientation thérapeutique : histoire de vie de groupe.</i> [thèse]. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Le Grand, J-L. Pineau, G. (1993), <i>Les histoires de vie</i>, Que sais-je.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Le Grand J-L. [2006], <i>Implexité : implications et complexité</i>, document électronique in http://www.barbier-rd.nom.fr </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Libois, J. (2018). Précarisation du travail social. <i>Digression sur la notion de précarité</i>. Le Sociographe, 64, 85-94. </span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Liénard, G. Mangez, E. (2015) Régimes d’action et rapports de pouvoir. Vers un approfondissement de la théorie bourdieusienne de la domination ?. <i>Recherches sociologiques et anthropologiques</i>, 46.<u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Puaud, D. (2017). Biopolitique du travail social. <i>Multitudes</i>, <i>67</i>(2), 179‑187.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Georges Liénard et Éric Mangez, « Régimes d’action et rapports de pouvoir. Vers un approfondissement de la théorie bourdieusienne de la domination ? », <i>Recherches sociologiques et anthropologiques</i> [En ligne], 46-1</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Reed-Danahay, D. (2017). Bourdieu and Critical Autoethnography : Implications for Research, Writing, and Teaching. <i>International Journal of Multicultural Education</i>, <i>19</i>(1), 144. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Rouvière, C. (2015). <i>Retourner à la terre : L’utopie néo-rurale en Ardèche depuis les années 1960</i>. Presses universitaires de Rennes.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Schwartz, O. (2009). Vivons-nous encore dans une société de classes ? <i>La Vie des idées</i>. <u> </u></span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Schwartz, O. (2011). Peut-on parler des classes populaires ? <i>La Vie des idées</i>. </span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">Schutz, A., & Bégout, B. (2010). <i>L’étranger suivi de L’homme qui rentre au pays : Un essai de psychologie sociale</i> (2e éd). Éd. Allia.</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Séraphin, G. (2012)<i> Le regard situant. L’exemple de la politique familiale dans la France contemporaine.</i> Mémoire de HDR, Université Paris V Descartes.</span></span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="color:black">European Association Of Schools Of Social Work, E. A. S. S. W. (2017). <i>Définition globale du travail social</i>. EASSW. Consulté le 25 février 2022, à l’adresse https://www.eassw.org/language/english/</span></span></span></span></p>
<p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><i><span style="color:black">Salaire moyen à Gacé (61230)</span></i><span style="color:black">. (2022). Journal du net. </span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="background:white"><span style="color:black">Dossier complet<i> − Commune de Gacé (61181) | Insee</i>. (2022).</span></span></span></span></span></p>