<h1 style="text-indent: 35.4pt; text-align: center;"><strong>Hanane Majri&nbsp;</strong></h1> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-align: center; text-indent: 35.4pt;"><strong><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%">L&rsquo;&ecirc;tre humain, la nature et la machine dans</span></span></i><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"> I quaderni di Serafino Gubbio operatore</span></span><i><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"> de Luigi Pirandello</span></span></i></span></span></span></strong></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-indent: 35.4pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Le roman<i> I Quaderni di Serafino Gubbio operatore</i> a &eacute;t&eacute; publi&eacute; une premi&egrave;re fois en 1915, sous le titre de <i>Si gira</i> (On tourne) modifi&eacute; par la suite, en 1925, avec le titre actuel. La p&eacute;riode historique o&ugrave; se d&eacute;veloppe le roman correspond &agrave; la p&eacute;riode m&ecirc;me o&ugrave; il a &eacute;t&eacute; r&eacute;dig&eacute;. Ce sont, en r&eacute;alit&eacute;, les ann&eacute;es o&ugrave; le cin&eacute;ma muet se d&eacute;veloppait de plus en plus, les ann&eacute;es de la grande m&eacute;canisation de la soci&eacute;t&eacute; qui laissait de moins en moins de place au th&eacute;&acirc;tre. Une p&eacute;riode qui a &eacute;t&eacute; marqu&eacute;e par les grandes avanc&eacute;es de la technique et de la science et qui a suscit&eacute; la r&eacute;flexion de Pirandello. </span></span></span></p> <p style="text-indent: 35.4pt;"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Ce dernier met en exergue une des probl&eacute;matiques principales relative &agrave; l&rsquo;&egrave;re contemporaine et &agrave; la pr&eacute;dominance de la machine dans son roman<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio operatore.</i> Publi&eacute; en plein milieu de la premi&egrave;re guerre mondiale, dans un moment o&ugrave; les Futuristes, et en g&eacute;n&eacute;ral toute une tradition du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle positiviste, c&eacute;l&eacute;braient les machines et la technologie comme facteurs r&eacute;volutionnaires du progr&egrave;s et d&rsquo;am&eacute;lioration sociale. Pirandello dans ce roman a pu montrer que la machine &eacute;tait coupable de rendre &laquo;&nbsp;impassible&nbsp;&raquo; et m&ecirc;me, d&rsquo;une certaine mani&egrave;re de transformer en marchandises la vie et la nature.</span></span></span></p> <p style="text-indent: 35.4pt;"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">La machine en tant que nouveaut&eacute; - avec l&rsquo;influence qu&rsquo;elle peut exercer sur les individus et leurs comportements - ne laisse pas Pirandello indiff&eacute;rent. En effet, dans <i>I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio operatore </i>Pirandello exprime son refus des nouvelles technologies, m&ecirc;me s&rsquo;il faut reconna&icirc;tre que l&rsquo;attitude de l&rsquo;auteur est complexe car son refus de la technologie s&rsquo;accompagne d&rsquo;un vif int&eacute;r&ecirc;t pour les nouveaux langages artistiques tel que le cin&eacute;ma par exemple. </span></span></p> <p style="text-indent: 35.4pt;"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Le milieu du cin&eacute;ma o&ugrave; Serafino Gubbio travaille, a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s soigneusement d&eacute;crit par Pirandello&nbsp;qui a utilis&eacute; des mots pr&eacute;cis, avec un vocabulaire pourtant tr&egrave;s r&eacute;cent pour l&rsquo;&eacute;poque. Il fait m&ecirc;me des &eacute;num&eacute;rations&nbsp;de termes exacts relatifs au cin&eacute;ma : </span></span></p> <p style="text-indent: 35.4pt;">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="margin-left: 76px;"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;C&rsquo;&egrave; qui un intero esercito d&rsquo;uomini e di donne&nbsp;: operatori, tecnici, custodi, addetti alle dinamo e agli altri macchinarii, ai prosciugatoj, all&rsquo;imbibizione, ai viraggi, alla coloritura, alla perforatura della pellicola, alla legatura dei pezzi. [...] Scenografi, macchinisti, apparatori, falegnami, muratori e stuccatori, ellettricisti, sarti e sarte, modiste, fioraj, tant&rsquo;altri operaj addetti alla calzoleria, alla cappelleria, all&rsquo;armeria, ai magazzini della mobilia antica e moderna, al guardaroba, son tutti affaccendati, ma non sul serio e neppure per giuoco<sup>1</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Ce condens&eacute; lexicographique&nbsp;nous donne la sensation d&rsquo;&ecirc;tre submerg&eacute;s par la quantit&eacute; de personnes qui s&rsquo;affairent autour de Serafino. Nous constatons &agrave; travers le vocabulaire, mais aussi &agrave; travers les diff&eacute;rentes correspondances entre la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;&eacute;poque pirandellienne et les romans de Pirandello, qu&rsquo;un mouvement de fracture avec le pass&eacute; s&rsquo;op&egrave;re pour mettre en avant les nouveaut&eacute;s du pr&eacute;sent et leur modernit&eacute;. Le cin&eacute;ma serait-il un art m&eacute;canisable&nbsp;? La cam&eacute;ra, cette machine dont nous parle Pirandello dans tout le roman rendrait-elle service &agrave; l&rsquo;homme&nbsp;?</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Et bien pour Pirandello, cette machine, comme toute autre machine, ne rend pas service &agrave; l&rsquo;homme, bien au contraire, elle ne fait que lui compliquer la vie. La question &laquo; l&rsquo;art est-il m&eacute;canisable ? &raquo; en am&egrave;ne une autre : L&rsquo;homme est-il une machine ? Et si ce n&rsquo;est pas le cas, l&rsquo;homme sera-t-il remplac&eacute; par une machine&nbsp;? En effet, Pirandello va m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; dire que, t&ocirc;t ou tard, ces m&ecirc;mes machines remplaceront l&rsquo;homme, rendant sa vie inutile. Dans ce m&ecirc;me roman, on constate toute une s&eacute;rie de r&eacute;flexions sur l&rsquo;inutilit&eacute; de la vie &agrave; l&rsquo;&egrave;re de la machine. L&rsquo;existence est pr&eacute;sent&eacute;e comme une course, tout est dans la rapidit&eacute;, il n&rsquo;y a pas de temps pour r&eacute;fl&eacute;chir sur la signification de la mort, un th&egrave;me qui &eacute;tait en revanche central dans l&rsquo;imaginaire romantique. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Il y a d&rsquo;ailleurs dans ce roman une th&eacute;matique r&eacute;v&eacute;latrice de la vision du monde de l&rsquo;auteur, on pourra d&rsquo;ailleurs y lire que d&rsquo;une certaine mani&egrave;re&nbsp;la m&eacute;canisation de la vie am&egrave;nera tr&egrave;s probablement &agrave; la destruction totale. Observons que le th&egrave;me de l&rsquo;angoisse industrielle se dessine aussi &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me du futurisme. D&egrave;s 1922, des robots d&rsquo;apparence futuriste font leur entr&eacute;e dans le cin&eacute;ma avec <i>L&rsquo;Uomo meccanico </i>(<i>L&rsquo;Homme m&eacute;canique</i>), film r&eacute;alis&eacute; en Italie, en 1921, par le comique fran&ccedil;ais Andr&eacute; Deed, alias Cretinetti. Le synopsis du film est le suivant : une bande command&eacute;e par la sc&eacute;l&eacute;rate Mado vole le projet de construction de robots et fabrique ainsi le premier homme m&eacute;canique au caract&egrave;re plut&ocirc;t destructeur. Le personnage D&rsquo;Arca forge un deuxi&egrave;me robot identique qui est mis en circulation pour combattre le premier. La bataille entre les deux robots, t&eacute;l&eacute;command&eacute;s respectivement par Mado et D&rsquo;Arca, se termine dans<b> </b>une explosion spectaculaire due &agrave; un court-circuit qui a &eacute;t&eacute; occasionn&eacute; par Saltarello (Andr&eacute; Deed). </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Cependant, le d&eacute;sir d&rsquo;attribuer &agrave; la machine une forme humaine correspond &agrave; un autre besoin, soit de rendre ce nouveau protagoniste reconnaissable, de l&rsquo;incarner pour qu&rsquo;il ne reste pas une abstraction. La science-fiction int&egrave;gre la machine au monde des hommes en tant que nouvelle cr&eacute;ature (et non en tant que nouvelle cr&eacute;ation) dont la ressemblance avec l&rsquo;homme implique une rivalit&eacute; avec ce dernier, voire un sentiment d&rsquo;hostilit&eacute; &agrave; son &eacute;gard.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Par cons&eacute;quent, nous pouvons dire que la m&eacute;canisation a d&eacute;sormais rendu l&rsquo;homme esclave et qu&rsquo;elle est responsable de la perte d&rsquo;une grande partie des valeurs. L&rsquo;individu a perdu jusqu&rsquo;&agrave; sa propre identit&eacute;, sa capacit&eacute; d&rsquo;intervenir dans le pr&eacute;sent et de l&rsquo;interpr&eacute;ter. M&ecirc;me l&rsquo;intellectuel est m&ecirc;l&eacute; &agrave; ce processus, dont il est lui-m&ecirc;me victime. Il n&rsquo;a plus rien &agrave; dire parce qu&rsquo;il ne peut plus intervenir de mani&egrave;re critique. La m&eacute;canisation a enlev&eacute; la possibilit&eacute; de donner un sens au flux de la vie. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs ce que repr&eacute;sente le mutisme dont est victime Serafino Gubbio &agrave; cause du choc qu&rsquo;il a subi en assistant au spectacle horrible de l&rsquo;homme d&eacute;chiquet&eacute; par un tigre alors qu&rsquo;il continuait &agrave; filmer la sc&egrave;ne. Ce mutisme, qui n&rsquo;est autre qu&rsquo;une aphasie, est aussi la m&eacute;taphore de l&rsquo;ali&eacute;nation de l&rsquo;artiste et de la r&eacute;duction de l&rsquo;homme &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de machine. Non seulement la machine prive l&rsquo;homme de toutes ses facult&eacute;s, mais, par la m&ecirc;me occasion, elle rend l&rsquo;homme passif. Il n&rsquo;agit pas mais se laisse emporter par l&rsquo;action de la machine, ce qui pose le probl&egrave;me &eacute;thique de la responsabilit&eacute;. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Ajoutons que la question de l&rsquo;impassibilit&eacute; de la technologie est &eacute;troitement li&eacute;e &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;impassibilit&eacute; de l&rsquo;homme, &agrave; son inutilit&eacute;<i> </i>par rapport au nouveau r&ocirc;le de la machine. La machine d&eacute;poss&egrave;de l&rsquo;homme de toutes ses facult&eacute;s, &agrave; commencer par celle de d&eacute;cider car ce n&rsquo;est pas l&rsquo;homme qui dirige la machine mais la machine qui dirige l&rsquo;homme. Dans cette perspective, Pirandello&nbsp;pense que la machine deviendra une menace pour son propre cr&eacute;ateur, c&rsquo;est-&agrave; dire pour l&rsquo;homme. Il n&rsquo;y a qu&rsquo;&agrave; relater les diff&eacute;rents &eacute;crits sur le cin&eacute;ma et la &laquo;&nbsp;robotisation&nbsp;&raquo; pour se rendre compte que la machine prend le dessus sur l&rsquo;homme qui devient son instrument. Dans l&rsquo;&oelig;uvre, <i>Le cin&eacute;ma, l&#39;am&eacute;ricanisme et le robot</i>, Peter Wollen &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Taylor fut le pionnier de ce que nous appelons aujourd&#39;hui l&rsquo;&laquo; ergonomie &raquo;. Par l&#39;observation, l&#39;enregistrement photographique et l&#39;exp&eacute;rimentation, il d&eacute;composait les gestes des ouvriers pour savoir lesquels &eacute;taient les plus efficaces, du point de vue du temps et de l&#39;&eacute;nergie d&eacute;pens&eacute;s, pour chaque t&acirc;che. Ces gestes types devenaient ensuite le mod&egrave;le obligatoire pour tous les travailleurs, &agrave; instaurer par la coercition ou l&#39;habitude. Tous effectueraient les m&ecirc;mes mouvements d&#39;une efficacit&eacute; optimale, radicalement simplifi&eacute;s. Les Principes de gestion scientifique de Taylor, publi&eacute;s en 1911, marquaient de leur sceau une nouvelle &eacute;poque dans laquelle l&#39;ouvrier deviendrait aussi pr&eacute;visible, contr&ocirc;lable et efficace que la machine&nbsp;&raquo;<font color="#000025"><sup>2</sup></font></font><font face="" roman="">. L&rsquo;homme est donc compar&eacute; &agrave; la machine. Il est d&rsquo;ailleurs oblig&eacute; de reproduire des gestes r&eacute;p&eacute;titifs qui soient &laquo;&nbsp;contr&ocirc;lable et efficace&nbsp;&raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">De ce fait, il indique la subordination de l&rsquo;homme &agrave; la machine, sa totale impersonnalit&eacute; et son ali&eacute;nation, tout comme la fait Pirandello lorsqu&rsquo;il attaque le cin&eacute;ma dans son roman <i>I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio operatore</i>. En effet, son personnage, Serafino, est r&eacute;duit &agrave; n&rsquo;&ecirc;tre plus qu&rsquo;une fonction assimil&eacute;e &agrave; sa main&nbsp;: une main qui tourne la manivelle de la cam&eacute;ra (una mano che gira la manovella). L&rsquo;homme moderne s&rsquo;est mis &agrave; fabriquer de nouvelles divinit&eacute;s de fer et d&rsquo;acier (nuove divinit&agrave; di ferro e accaio), et en est devenu l&rsquo;esclave&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;uomo che prima, poeta, deificava i suoi sentimenti e li adorava, buttati via i sentimenti, ingombro non solo inutile ma anche dannoso, e divenuto saggio e industre, s&rsquo;&egrave; messo a fabbricar di ferro, d&rsquo;acciajo le sue nuove divinit&agrave; ed &egrave; diventato servo e schiavo di esse<font color="#000025"><sup>3</sup></font> &raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Le monde pass&eacute; de l&rsquo;enfance de Pirandello&nbsp;s&rsquo;est &eacute;croul&eacute; et devant lui un monde nouveau s&rsquo;est impos&eacute;. Ce monde plein de nouveaut&eacute;s et de machines lui fait prendre conscience de l&rsquo;inutilit&eacute; de l&rsquo;homme ou plut&ocirc;t des faiblesses de l&rsquo;homme avec toutes ses ambigu&iuml;t&eacute;s. Il s&rsquo;agit justement d&rsquo;immobilit&eacute; et m&ecirc;me d&rsquo;impassibilit&eacute; dont fait preuve Serafino. C&rsquo;est &agrave; travers lui que Pirandello&nbsp;montre comment la machine a rendu l&rsquo;homme impassible, inutile, au service de sa &laquo;&nbsp;petite machine&nbsp;&raquo; (servo la mia macchinetta), mais surtout comment le cin&eacute;ma a r&eacute;duit l&rsquo;homme &agrave; l&rsquo;artifice et &agrave; la tromperie, en lui enlevant tout naturel. Il y a donc, &agrave; travers le refus de Pirandello&nbsp;de la modernit&eacute;, un refus dirig&eacute; particuli&egrave;rement vers le cin&eacute;ma.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:21.0pt"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Rappelons que l&rsquo;&eacute;poque de r&eacute;daction des<i>&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore</i> se situe, comme nous l&rsquo;avons dit, au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, mais surtout dans une p&eacute;riode o&ugrave; le cin&eacute;ma muet se d&eacute;veloppe de plus en plus. Toute cette m&eacute;canisation et cette modernit&eacute; poussent Pirandello&nbsp;&agrave; s&rsquo;interroger sur le devenir de l&rsquo;homme face &agrave; la machine. Lorsqu&rsquo;il &eacute;crit ce roman, il pense &agrave; nouveau que le cin&eacute;ma est une forme d&rsquo;art vulgaire, stupide, qui est elle-m&ecirc;me produite par un monde tout aussi stupide et d&eacute;grad&eacute;, un monde totalement technologique. L&rsquo;homme est victime, &agrave; son insu, de ses propres cr&eacute;ations m&eacute;caniques, mais aussi de sa violente inhumanit&eacute;. N&rsquo;est-il pas le premier &agrave; subir les cons&eacute;quences du progr&egrave;s&nbsp;? </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:21.0pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Pirandello&nbsp;d&eacute;crit avec distance et esprit critique toutes les perversions induites par l&rsquo;environnement cin&eacute;matographique. La maison cin&eacute;matographique la Kosmograph devient, en miniature, la reproduction de la soci&eacute;t&eacute; industrielle, o&ugrave; la domination de la machine &eacute;touffe la vie humaine. Il y a d&rsquo;ailleurs un des <i>Cahiers</i> qui est consacr&eacute; en partie &agrave; la description de la maison cin&eacute;matographique, c&rsquo;est le troisi&egrave;me. Dans ce cahier, Serafino d&eacute;crit la diversit&eacute; des m&eacute;tiers du cin&eacute;ma et de quelles mani&egrave;res ces m&ecirc;mes m&eacute;tiers privent l&rsquo;homme de toute humanit&eacute;. Il rappelle le nombre impressionnant de machines et d&rsquo;ouvriers qui travaillent sur ces m&ecirc;mes machines. Tout comme Serafino qui fait tourner la manivelle (girare la manovella). Qu&rsquo;est-ce qui tourne&nbsp;? Une manivelle de prise de vues sans aucun doute. Et qui fait tourner cette manivelle&nbsp;? L&rsquo;homme bien s&ucirc;r, mais l&rsquo;homme-machine, l&rsquo;homme raval&eacute; &agrave; n&rsquo;&ecirc;tre que simple m&eacute;canique, une sorte de &laquo;&nbsp;Mafarka le futuriste&nbsp;&raquo;, l&rsquo;homme-machine exalt&eacute; dans le roman &eacute;ponyme de Marinetti.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:21.0pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">C&rsquo;est ainsi que Serafino, m&ecirc;me s&rsquo;il tourne la manivelle, n&rsquo;agit pas, il reste impassible, comme il ne cesse de le r&eacute;p&eacute;ter tout au long du roman. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs cette impassibilit&eacute; qui sera sa perte puisqu&rsquo;il continuera &agrave; filmer la sc&egrave;ne finale comme une machine, une machine qui le remplacera peut-&ecirc;tre un jour ou l&rsquo;autre. Il devient, &agrave; travers son m&eacute;tier d&rsquo;op&eacute;rateur, un simple objet, un homme robotis&eacute;. Il est le seul &agrave; pouvoir faire tourner sa cam&eacute;ra sans aucun sentiment personnel. Il n&rsquo;est plus humain, il n&rsquo;a plus d&rsquo;&acirc;me, il est juste une main qui &laquo;&nbsp;tourne la manivelle&nbsp;&raquo;, tant et si bien qu&rsquo;un homme, venu un jour par curiosit&eacute;, lui demandera s&rsquo;il est n&eacute;cessaire et s&rsquo;il ne devrait pas &ecirc;tre remplac&eacute; par une machine&nbsp;: </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:21.0pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;Scusi, non si &egrave; trovato ancor modo di fare girare la macchinetta da s&egrave;&nbsp;? [...] &ldquo;Siete proprio necessario voi ? Che cosa siete voi&nbsp;? <i>Una mano che gira la manovella</i>. Non si potrebbe fare a meno di questa mano&nbsp;? Non potreste esser soppresso, sostituito da un qualche meccanismo&nbsp;?&rdquo; [&hellip;] Forse col tempo, signore. A dir vero, la qualit&agrave; precipua che si richiede in uno che faccia la mia professione &egrave; l&rsquo;<i>impassibilit&agrave;</i> di fronte all&rsquo;azione che si svolge davanti alla macchina. Un meccanismo, per questo riguardo, sarebbe senza dubbio pi&ugrave; adatto e da preferire a un uomo. [...] Non dubito per&ograve;, che col tempo - sissignore - si arriver&agrave; a sopprimermi. La machinetta - anche questa macchinetta, come tante altre macchinette - girer&agrave; da s&egrave;<sup>4</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify; text-indent:21.0pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">L&rsquo;homme de l&rsquo;&eacute;poque moderne d&eacute;couvre peu &agrave; peu toutes les possibilit&eacute;s qui s&rsquo;offrent &agrave; lui et prend conscience de ses propres limites. Il devient un engrenage. En effet, la technologie atteint de nouveaux objectifs et l&rsquo;homme cherche toujours &agrave; d&eacute;passer ces objectifs, parfois m&ecirc;me au d&eacute;triment de l&rsquo;esp&egrave;ce humaine, comme l&rsquo;Histoire l&rsquo;a d&eacute;montr&eacute; maintes fois. L&rsquo;homme imagine et veut toujours plus. Il vit en permanence dans l&rsquo;illusion d&rsquo;un meilleur avenir. La modernit&eacute; m&eacute;canise la vie qui, elle-m&ecirc;me n&rsquo;est qu&rsquo;une illusion, cela signifie que l&rsquo;&ecirc;tre humain est lui-m&ecirc;me m&eacute;canis&eacute;, il adopte des automatismes. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Et c&rsquo;est bien l&rsquo;essence du monde moderne qui est donn&eacute;e &agrave; voir dans le roman. Un monde moderne oublieux de la nature, soumis &agrave; la technologie, &agrave; l&rsquo;argent et &agrave; la loi du march&eacute;. Et c&rsquo;est pour cela que l&rsquo;homme est oblig&eacute; de vivre et de coexister avec sa propre invention, la machine qui est en train de modifier l&rsquo;esp&egrave;ce humaine. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">&Agrave; ce titre, les pages de Pirandello&nbsp;sont vraiment pr&eacute;monitoires face aux processus de d&eacute;r&eacute;alisation, donnant &agrave; voir avec quelques d&eacute;cennies d&rsquo;avance les d&eacute;rives et les ravages de ce que l&rsquo;on nomme aujourd&rsquo;hui l&rsquo;&laquo;&nbsp;hyper modernit&eacute;&nbsp;&raquo;. Madame Carminati dira &agrave; ce sujet&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans ce roman [&hellip;] se d&eacute;voile la modernit&eacute; de Pirandello, en ce sens qu&rsquo;il combat les formes les plus d&eacute;l&eacute;t&egrave;res et les plus dangereuses du moderne, qui s&rsquo;avancent bien souvent masqu&eacute;es et par&eacute;es du nom trompeur de &laquo;&nbsp;Progr&egrave;s&nbsp;&raquo; pour mieux porter atteinte, par le biais de la d&eacute;personnalisation et de la r&eacute;ification, de l&rsquo;incommunicabilit&eacute; et de l&rsquo;ali&eacute;nation, &agrave; l&rsquo;humanit&eacute; de l&rsquo;homme. Dans le m&ecirc;me temps, Pirandello a recours &agrave; une &eacute;criture de la modernit&eacute; pour dire la d&eacute;tresse du monde et le d&eacute;voiement de toutes choses par la technique. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;adaptation de l&rsquo;&eacute;criture pirandellienne &agrave; cette r&eacute;alit&eacute; nouvelle et la cr&eacute;ation d&rsquo;un personnage en ad&eacute;quation avec cette vision du monde&nbsp;&raquo;<font color="#000025"><sup>5</sup></font></font><font face="" roman="">.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Pirandello&nbsp;essaye de montrer la difficult&eacute; pour l&rsquo;homme de ma&icirc;triser la machine. Cette derni&egrave;re est sauvage tel un animal contrairement &agrave; l&rsquo;homme qui est cens&eacute; &ecirc;tre civilis&eacute;. Il montre les risques qu&rsquo;encourt l&rsquo;homme quand il se fait leur esclave. Il explique que la machine &laquo;&nbsp;d&eacute;vore&nbsp;&raquo; tout, jusqu&rsquo;&agrave; la &laquo;&nbsp;vie&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;l&rsquo;&acirc;me&nbsp;&raquo;. Les m&eacute;taphores utilis&eacute;es par Pirandello&nbsp;sont tr&egrave;s souvent extraites de quelques expressions du langage commun, qui offrent des ressemblances avec le monde animal. Il suffit d&rsquo;&eacute;voquer l&rsquo;image de la grosse araign&eacute;e noire (grosso ragno nero). Pirandello&nbsp;tente, &agrave; travers toutes ces m&eacute;taphores, de d&eacute;voiler une r&eacute;alit&eacute; oppressante que l&rsquo;homme pouvait ressentir face &agrave; la machine&nbsp;:&nbsp;</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo; Vi resta ancora, o signori, un po&rsquo; d&rsquo;anima, un po&rsquo; di cuore e di mente ?&nbsp;Date, date qua alle macchine voraci, che aspettano&nbsp;!&nbsp;[...] Per la loro fame, nella fretta incalzante di saziarle, che pasto potete estrarre da voi ogni giorno, ogni ora, ogni minuto ? [...] La macchina [...] ha bisogno di ingojarsi la nostra anima, di divorar la nostra vita<sup>6</sup> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">L&rsquo;homme ne sera plus un homme si la machine finit par le poss&eacute;der et le ma&icirc;triser en lui laissant croire que c&rsquo;est lui qui a tous les pouvoirs. Il met le lecteur en garde sur le devenir de l&rsquo;homme face &agrave; la machine, car la machine risque de prendre sa place. Serafino nous le montre dans un passage o&ugrave; il nous apprend que lui et la machine ne font plus qu&rsquo;une seule et m&ecirc;me &laquo;&nbsp;chose&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo; Colloco sul treppiedi a gambe rientranti la mia macchinetta. [...]&nbsp;Anzi, ecco: non sono pi&ugrave;. Cammina <i>lei</i>, adesso con le mie gambe. Da capo a piedi, son cosa sua : faccio parte del suo congegno. La mia testa &egrave; qua, nella macchinetta, e me la porto in mano<sup>7</sup> &raquo;.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">La machine est sur le point de poss&eacute;der l&rsquo;homme, comme elle est sur le point de poss&eacute;der Serafino qui ne vivra plus comme un homme mais comme simple engrenage d&rsquo;un m&eacute;canisme. Pirandello&nbsp;compare l&rsquo;homme &agrave; la machine, mais &eacute;galement aux animaux dans un processus constant de d&eacute;shumanisation. En effet, m&ecirc;me si Pirandello&nbsp;compare la machine aux animaux, il ne manque pas de dire que la machine finira aussi par manger le tigre, puisqu&rsquo;elle d&eacute;vore tout&nbsp;: </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo; Guardi&nbsp;? Che guardi, bella belva innocente&nbsp;? [...] quando t&rsquo;uccideranno, girer&ograve; <i>impassibile</i> la manovella&nbsp;&nbsp;di questa graziosa macchinetta qua [...] Bisogna che agisca ; bisogna che mangi. Mangia tutto, qualunque stupidit&agrave; le mettano davanti. Manger&agrave; anche te ; mangia tutto ti dico ! E io la servo<sup>8</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Dans cette citation, Pirandello&nbsp;lance une sorte d&rsquo;avertissement au lecteur. Dans une sorte d&rsquo;apologue, la machine, tel un ogre, d&eacute;vore, en quelque sorte, l&rsquo;homme et le tigre : &laquo;&nbsp;[&hellip;] aveva in corpo quella macchina la vita d&rsquo;un uomo&nbsp;; gliel&rsquo;avevo data da mangiare fino all&rsquo;ultimo, fino al punto che quel braccio s&rsquo;era proteso a uccidere la tigre<font color="#000025"><sup>9</sup></font></font><font face="" roman="">&raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">De ce fait, nous pouvons dire que Pirandello&nbsp;attribue &agrave; la machine, au cin&eacute;ma et, par l&agrave; m&ecirc;me, &agrave; la modernit&eacute; et au progr&egrave;s, l&rsquo;aspect le plus n&eacute;gatif qu&rsquo;il soit. Il la d&eacute;crit comme inhumaine, incivile et m&ecirc;me comme un animal f&eacute;roce. Elle est destructrice puisqu&rsquo;elle mange tout ce qui passe devant elle. Cette vision quasi apocalyptique de la destruction, il la mettra en avant en opposant &eacute;galement la machine tout enti&egrave;re.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Ajoutons &eacute;galement que selon les nouvelles valeurs de la soci&eacute;t&eacute; et de l&rsquo;industrie culturelle, le spectacle de la mort semble &ecirc;tre plus important que la mort elle m&ecirc;me. Nous pouvons rapporter les r&eacute;flexions de Guy Debord &agrave; ce sujet qui ajoute un &eacute;l&eacute;ment th&eacute;orique suppl&eacute;mentaire, quant &agrave; la valeur annonciatrice de l&rsquo;&oelig;uvre de Pirandello&nbsp;: Toute la vie des soci&eacute;t&eacute;s dans lesquelles r&egrave;gnent les conditions modernes de production s&rsquo;annonce comme une immense accumulation de spectacles<sup>10</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;, premi&egrave;re phrase de<i> La soci&eacute;t&eacute; du spectacle</i>. Dans cet essai, Debord montre dans sa th&egrave;se l&#39;avance contemporaine du capitalisme sur la vie de tous les jours, c&#39;est-&agrave;-dire dans son emprise sur le monde <i>&agrave; travers</i> la marchandise. Notre soci&eacute;t&eacute; a &eacute;t&eacute; appel&eacute; la soci&eacute;t&eacute;-spectacle. Dans cette soci&eacute;t&eacute;-spectacle les marchands d&#39;images cherchent &agrave; attirer le client en tablant sur des ressorts affectifs. Les spectacles d&eacute;solants qui nous sont montr&eacute;s sont charg&eacute;s d&#39;&eacute;motion. Ce qui veut dire que l&#39;homme moderne est sensible &agrave; ces malheurs, qu&#39;il r&eacute;agit &agrave; leur vue. Le spectacle de la mort comme partenaire quotidienne peut donc &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme la limite entre le r&ecirc;ve et la r&eacute;alit&eacute;, l&rsquo;int&eacute;rieur et l&rsquo;ext&eacute;rieur, l&rsquo;esprit et la mati&egrave;re, le pr&eacute;sent et le pass&eacute;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Pr&eacute;cisons que, selon Pirandello, le cin&eacute;ma est une industrie en tant que telle et que son objectif est de produire le plus d&rsquo;argent possible. D&rsquo;ailleurs, la maison cin&eacute;matographique est une entreprise comme les autres, les affaires semblent bien fonctionner, les employ&eacute;s profitent de certains privil&egrave;ges offerts par cette derni&egrave;re. Le narrateur explique que la Kosmograph gagne et d&eacute;pense &eacute;norm&eacute;ment d&rsquo;argent pour une sc&egrave;ne qui dure peu de temps et qu&rsquo;elle n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; investir des sommes exorbitantes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si fan denari a palate, e migliaja e migliaja di lire si possono spendere allegramente per la costruzione d&rsquo;una scena, che su lo schermo non durer&agrave; pi&ugrave; di due minuti<font color="#000025"><sup>11</sup></font></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Serafino ajoute aussi que l&rsquo;argent d&eacute;pens&eacute; sans compter sera multipli&eacute; par cent et rapportera des gains &eacute;normes. Il nous explique que l&rsquo;industrie du septi&egrave;me art est beaucoup plus int&eacute;ress&eacute; par l&rsquo;argent et l&rsquo;aspect financier que par l&rsquo;aspect humain. Il nous pr&eacute;sente le monde du cin&eacute;ma comme celui du travail &agrave; la chaine dont le principe est de faire un maximum de productivit&eacute; pour un maximum de rentabilit&eacute;. La sc&egrave;ne tragique et monstrueuse qui sert de pr&eacute;misse au triste destin du narrateur sera utilis&eacute;e par l&rsquo;industrie cin&eacute;matographique. La double mort finale et la mise &agrave; mort du tigre, film&eacute;es par Serafino, constituent en r&eacute;alit&eacute; une affaire colossale pour le r&eacute;alisateur et indirectement aussi pour le protagoniste. La sc&egrave;ne du massacre est vendue, probablement destin&eacute;e &agrave; un grand succ&egrave;s, et elle r&eacute;coltera beaucoup d&rsquo;argent. Le succ&egrave;s remport&eacute; par le film est d&ucirc; &agrave; Serafino qui est r&eacute;tribu&eacute; pour son acte qu&rsquo;il qualifie lui-m&ecirc;me de passivit&eacute;, mais qui permet d&eacute;sormais &agrave; la Kosmograph de faire rentrer de grosses sommes d&rsquo;argent. Serafino consid&egrave;re cet argent comme une sorte de r&eacute;compense, m&ecirc;me s&rsquo;il en est compl&egrave;tement d&eacute;go&ucirc;t&eacute; parce que c&rsquo;est lui qui a donn&eacute; &agrave; cette machine la vie en p&acirc;ture&nbsp;:&nbsp;</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;Ecco. Ho reso alla Casa un servizio che frutter&agrave; tesori.&nbsp;[...] Io ho gi&agrave; conquistato l&rsquo;agiatezza con la retribuzione che la Casa m&rsquo;ha dato per il servizio che le ho reso, e sar&ograve; ricco domani con le percentuali che mi sono state assegnate sui noli del <i>film</i> mostruoso<sup>12</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">La cam&eacute;ra a ainsi d&eacute;vor&eacute; deux vies. L&rsquo;homme a invent&eacute; la machine pour ses commodit&eacute;s pour qu&rsquo;elle le serve, mais, dans ce cas pr&eacute;cis, c&rsquo;est la machine qui se retourne contre lui et d&eacute;vore non seulement l&rsquo;&acirc;me de l&rsquo;homme mais engloutit aussi toute sa vie. En effet, les paroles de Pirandello&nbsp;se confirment lorsqu&rsquo;il dit qu&rsquo;il d&eacute;finit cette vie comme &laquo;&nbsp;una vita da cinematografo<font color="#000025"><sup>13</sup></font></font><font face="" roman=""> &raquo;. Les passions, les joies, les trag&eacute;dies de l&rsquo;homme sont vendues comme de la marchandise. Serafino a rendu &laquo;&nbsp;service&nbsp;&raquo; &agrave; la maison cin&eacute;matographique, mais le plus terrible est que le film remporte un &eacute;norme succ&egrave;s gr&acirc;ce &agrave; la mort r&eacute;elle des deux acteurs. Ceux qui vivent du cin&eacute;ma n&rsquo;&eacute;prouvent ni piti&eacute; ni scrupules &agrave; utiliser le film. Pirandello&nbsp;nous montre bien cet aspect commercial aux d&eacute;pens de la vie humaine et donne, de ce fait, encore plus de froideur au monde cin&eacute;matographique qui para&icirc;t monstrueux. D&rsquo;autant plus que, m&ecirc;me si Serafino re&ccedil;oit une contribution financi&egrave;re, il n&rsquo;en perd pas moins la parole apr&egrave;s avoir film&eacute; cette horreur. Cette perte de la parole est pr&eacute;sente durant toute la lecture du roman, mais on en comprend le sens seulement &agrave; la fin, quand Serafino est associ&eacute; &agrave; un &laquo;&nbsp;silence de choses&nbsp;&raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Nous savons que Serafino perd sa voix &agrave; la fin du roman. Tout prend son sens lorsque le drame a lieu, &agrave; la fin du roman et que Serafino nous dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Non&nbsp;gemevo, non gridavo&nbsp;: la voce, dal terrore, mi s&rsquo;era spenta in gola, per sempre<font color="#000025"><sup>14</sup></font></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">En effet, Serafino perd sa voix et ne peut plus s&rsquo;exprimer par la parole. Pourtant il n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; nous raconter sa terrible histoire et, pour ce faire, il n&rsquo;utilise pas le cin&eacute;ma mais des <i>Cahiers</i>. Si nous nous r&eacute;f&eacute;rons &agrave; la technique de l&rsquo;&eacute;poque, ce silence aurait pu &ecirc;tre retranscrit &agrave; travers le cin&eacute;ma. Rappelons que le cin&eacute;ma de l&rsquo;&eacute;poque est un cin&eacute;ma muet o&ugrave; les acteurs jouent sans qu&rsquo;on entende une parole. C&rsquo;est justement parce que le narrateur est destin&eacute; au silence que ses rapports sociaux sont interrompus et qu&rsquo;une v&eacute;ritable communication est impossible. Il y a un passage dans le roman qui semble important parce qu&rsquo;il r&eacute;v&egrave;le que, lorsque l&rsquo;homme est r&eacute;duit au silence, il devient une &laquo;&nbsp;chose&nbsp;&raquo;&nbsp;: </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo; Nessuno mi aveva rivolto la parola ; ero stato appena presentato, come si farebbe d&rsquo;un cane&nbsp;: non avevo aperto bocca ; seguitavo a star muto... M&rsquo;accorsi che questa mia presenza muta, di cui ella non vedeva la necessit&agrave;, ma che pur lei s&rsquo;imponeva come misteriosamente necessaria, cominciava a turbarla. Nessuno si curava di dargliene la spiegazione&nbsp;; non potevo dargliela io. Le ero sembrato <i>uno come gli altri</i> ; anzi forse, a prima giunta, uno <i>pi&ugrave; vicino</i> a lei degli altri. Ora cominciava ad avvertire che per questi altri ed anche per lei (in confuso) non ero propriamente <i>uno</i>. Cominciava ad avvertire che la mia persona non era necessaria ; ma la mia presenza l&igrave; aveva la necessit&agrave; d&rsquo;una <i>cosa</i>, ch&rsquo;ella ancora non comprendeva ; e che stavo cos&igrave; muto per questo, potevano parlare - s&igrave;, essi, tutt&rsquo;e quattro - perch&eacute; erano persone, rappresentavano ciascuno una persona, la propria, io no : ero una cosa : ecco, forse quella che mi stava su le ginocchia, avviluppata in una tela nera. Eppure, avevo anch&rsquo;io una bocca per parlare, occhi per guardare ; e questi occhi, ecco, mi brillavano contemplandola<sup>15</sup></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">L&rsquo;absence de parole dans ce passage r&eacute;v&egrave;le chez Serafino la conscience de ne plus exister &agrave; cause de la perte de la parole, mais d&rsquo;&ecirc;tre devenu un objet, une machine. La parole &eacute;tant ce qui distingue l&rsquo;homme de l&rsquo;animal, ce qui le fonde en humanit&eacute;. Ceux qui parlent sont humains, mais ceux qui ne parlent pas sont r&eacute;duits &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de &laquo;&nbsp;choses&nbsp;&raquo;, d&rsquo;o&ugrave; un &laquo;&nbsp;silence de chose&nbsp;&raquo;. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Et ce silence est le silence du cin&eacute;ma de l&rsquo;&eacute;poque puisqu&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;un &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma muet&nbsp;&raquo;. On n&rsquo;entendait pas la voix des acteurs durant le film et ces derniers jouaient avec leur corps et l&rsquo;expression de leur corps, si l&rsquo;on peut dire. N&eacute;anmoins, si le corps donne de l&rsquo;expression, pour Pirandello&nbsp;et donc pour Serafino, les acteurs ne sont que des images sur un &eacute;cran, &agrave; partir du moment o&ugrave; ils n&rsquo;ont plus de voix. Ils ne sont plus des &ecirc;tres entiers, ils ne repr&eacute;sentent plus qu&rsquo;une image&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;&egrave; <i>la loro immagine</i> soltanto, colta in un momento, in un gesto, in una espressione, che guizza e scompare<font color="#000025"><sup>16</sup></font></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Pirandello&nbsp;donne des acteurs une vision fantomatique. Ils sont vides, vid&eacute;s de leur propre corps, de leur propre &acirc;me. La machine leur &ocirc;te la voix et absorbe toute leur &eacute;nergie, toute leur vitalit&eacute;, les rendant esclaves &agrave; leur tour. Nous pouvons &eacute;galement ajouter que la mise en sc&egrave;ne du roman <i>I Quaderni di Serafino Gubbio operatore </i>de Pirandello provoque le croisement de diff&eacute;rents m&eacute;dias et discours m&eacute;diatiques. Nous pouvons d&rsquo;ailleurs affirmer une relation entre le cin&eacute;ma et la litt&eacute;rature puisque les notes de Serafino sont, en quelque sorte, la reproduction &eacute;crite de ce qui a &eacute;t&eacute; film&eacute;, une sorte de &laquo;&nbsp;r&eacute;cit cin&eacute;matographique&nbsp;&raquo;. Il a film&eacute; et surtout entendu toute la sc&egrave;ne atroce de la mort. Il ne peut pas reproduire le son atroce des cris puisque le cin&eacute;ma de l&rsquo;&eacute;poque &eacute;tait muet en revanche il peut &eacute;crire et m&ecirc;me d&eacute;crire cette atrocit&eacute; qu&rsquo;il filmait mais surtout qu&rsquo;il entendait : </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;Pi&ugrave; forti delle grida altissime levate da tutti gli attori fuori della gabbia accorrenti istintivamente verso la Nestaroff caduta al colpo, pi&ugrave; forti degli urli di Carlo Ferro, io udivo qua nella gabbia il sordo ruglio della belva e l&rsquo;affanno orrendo dell&rsquo;uomo che s&rsquo;era abbandonato alle zanne, agli artigli di quella, che gli squarciavano la gola e il petto; udivo, udivo, seguitavo a udire su quel ruglio, su quell&rsquo;affanno l&agrave;, il ticchett&igrave;o continuo della machinetta, di cui la mia mano, sola, da s&eacute;, ancora, seguitava a girare la manovella&nbsp;[...]<sup>17</sup></font><font face="" roman="">&raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">&nbsp;Rappelons que c&rsquo;est pour s&rsquo;affirmer en tant que personne que Serafino d&eacute;cide de ne plus s&rsquo;exprimer par la parole et qu&rsquo;apr&egrave;s &ecirc;tre devenu muet, il s&rsquo;est d&eacute;cid&eacute; &agrave; &eacute;crire avec l&rsquo;argent que lui a rapport&eacute; son dernier film. Serafino trouve un sens &agrave; sa vie &agrave; travers son mutisme. C&rsquo;est seulement dans ces notes qu&rsquo;il pourra d&eacute;sormais s&rsquo;exprimer, car il ne veut ni ne peut plus communiquer avec les hommes : </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;Dopo circa un mese dal fatto atrocissimo, di cui ancora si parla da per tutto, conchiudo queste mie note. Una penna e un pezzo di carta : non mi resta pi&ugrave; altro mezzo per communicare con gli uomini. Ho perduto la voce ; sono rimasto muto per sempre. In una parte di queste mie note sta scritto : &ldquo;Soffro di questo mio silenzio, in cui tutti entrano come in un luogo di sicura ospitalit&agrave;. <i>Vorrei ora che il mio silenzio si chiudesse del tutto intorno a me</i>&rdquo;. Ecco, s&rsquo;&egrave; chiuso. Non potrei meglio di cos&igrave; impostarmi servitore d&rsquo;una macchina<sup>18</sup></font><font face="" roman="">&raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Serafino &eacute;crit, mais ne parle plus.&nbsp; Il s&rsquo;est referm&eacute; sur lui-m&ecirc;me, dans son &laquo;&nbsp;silence de chose&nbsp;&raquo; pour ne rester que le &laquo;&nbsp;serviteur&nbsp;&raquo; d&rsquo;une machine, qui d&eacute;sormais r&egrave;gne sur l&rsquo;homme, irr&eacute;m&eacute;diablement.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">Serafino n&rsquo;est pas seulement victime des machines, mais du syst&egrave;me tout entier, qu&rsquo;il soit politique ou &eacute;conomique. La modernit&eacute; semble affecter tous les domaines. Elle est pr&eacute;sente sous de nombreux aspects. La modernit&eacute; correspond &agrave; une &eacute;poque et contre cela l&rsquo;homme ne peut rien faire, il ne peut que subir. Pirandello&nbsp;va jusqu&rsquo;&agrave; supposer que l&rsquo;homme n&rsquo;a plus rien &agrave; faire sur la terre. De ce fait, il montre que l&rsquo;homme pourrait &ecirc;tre heureux en se contentant de ce que lui offre la nature, sans rechercher le superflu. Mais l&rsquo;homme ne se contente pas de ce que la nature lui donne, il veut toujours plus et c&rsquo;est cela qui l&rsquo;emp&ecirc;che de bien vivre&nbsp;: &laquo;&nbsp;[...] tutto quello che avviene, forse avienne perch&eacute; la terra non &egrave; fatta tanto per gli uomini, quanto per le bestie. Perch&eacute; le bestie hanno in s&egrave; da natura solo quel tanto che loro basta ed &egrave; necessario per vivere<font color="#000025"><sup>19</sup></font></font><font face="" roman=""> &raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Cette prise de conscience du narrateur n&rsquo;intervient en r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;un an avant l&rsquo;&eacute;criture du r&eacute;cit. La prise de conscience est donc tr&egrave;s r&eacute;cente et sous-entend que jusqu&rsquo;alors le narrateur &eacute;tait comme les autres, il souffrait sans conna&icirc;tre la source de ses maux. L&rsquo;homme a toujours tent&eacute; de puiser dans la nature toutes les ressources qu&rsquo;elle lui offrait, mais il ne s&rsquo;est pas content&eacute; de s&rsquo;en servir seulement pour se nourrir ou survivre, au contraire. Plus la nature lui offrait de ressources et plus l&rsquo;homme en demandait. C&rsquo;est pour cela que Serafino diff&eacute;rencie l&rsquo;homme de l&rsquo;animal. L&rsquo;animal se contente de ce qui suffit &agrave; son maintien en vie tandis que l&rsquo;homme en veut toujours plus et n&rsquo;est jamais satisfait<b>. </b>D&rsquo;apr&egrave;s Serafino, l&rsquo;homme, par ses actes irr&eacute;fl&eacute;chis, est oppos&eacute; n&eacute;gativement &agrave; l&rsquo;animal, et encore, lorsqu&rsquo;il n&rsquo;est pas accus&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre inf&eacute;rieur &agrave; celui-ci. Serafino porte un regard froid et distant sur cette soci&eacute;t&eacute; &agrave; laquelle il ne veut pas participer. Son point de vue rythme l&rsquo;&oelig;uvre sur cette soci&eacute;t&eacute; qui est entra&icirc;n&eacute;e dans une d&eacute;cadence qui montre le c&ocirc;t&eacute; le plus obscur de l&rsquo;homme, le c&ocirc;t&eacute; f&eacute;roce de l&rsquo;animal d&eacute;voy&eacute;. </span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">La nature finira par se venger de l&rsquo;homme et de ses inventions. Pirandello&nbsp;nous le montre dans la comparaison qu&rsquo;il op&egrave;re entre l&rsquo;aventurier qui part en Afrique, le chasseur de B&eacute;casse, et la B&eacute;casse. Il ressort de cette morale que l&rsquo;homme chasse par pur plaisir, juste pour chasser, alors que l&rsquo;animal, lui, tue pour se nourrir et se d&eacute;fendre. L&rsquo;homme est ainsi plus f&eacute;roce et cruel que l&rsquo;animal car il tue pour des raisons futiles et non en fonction des lois de la nature.</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman="">&nbsp;Si l&rsquo;animal et l&rsquo;homme ne font plus qu&rsquo;un par leurs agissements (&agrave; tout le moins si on se contente d&rsquo;un regard superficiel), la machine d&eacute;pouille l&rsquo;homme de son caract&egrave;re naturel. Il y a d&rsquo;ailleurs une phrase de Pirandello qui nous fait comprendre que le spectacle de la mort &agrave; la fin du roman, cette prise de la vie en directe, ne reproduit en r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;un pur spectacle qui pourrait faire comprendre son artificialit&eacute; &laquo;&nbsp;veder come si vive sarebbe uno spettacolo ben buffo<font color="#000025"><sup>20</sup></font></font><font face="" roman="">!&nbsp;&raquo;.</font></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">L&rsquo;homme a transgress&eacute; la nature en voulant s&rsquo;y int&eacute;grer, mais surtout en voulant la changer. Ce changement, il l&rsquo;a voulu pour son bien-&ecirc;tre, en premier lieu, mais par la suite pour son ego, et son superflu, &laquo;&nbsp;pour son plaisir&nbsp;&raquo;. Ce qui pousse l&rsquo;homme &agrave; courir apr&egrave;s le &laquo;&nbsp;progr&egrave;s&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est le d&eacute;sir de tirer profit de tout ce que la nature offre sans jamais se soucier de sa destin&eacute;e. C&rsquo;est pour cela que la nature est pollu&eacute;e et d&eacute;truite par la machine. C&rsquo;est pourquoi la machine, le progr&egrave;s, selon Pirandello, nuisent &agrave; la nature. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une nuisance &agrave; la fois visuelle et sonore. Tout cela d&eacute;grade la nature au point que Pirandello&nbsp;a propos&eacute; une sorte de d&eacute;clinaison renvers&eacute;e des th&eacute;matiques futuristes o&ugrave; il fait remarquer la nuisance sonore due aux machines&nbsp;:</span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p> <blockquote> <p class="cit" style="text-align:justify; margin-left:76px"><span style="color:#000000;"><font face="" roman="">&laquo;&nbsp;C&rsquo;&egrave; una molestia, per&ograve;, che non passa. La sentite&nbsp;? Un calabrone che ronza sempre, cupo, fosco, brusco, sotto sotto, sempre. Chi &egrave; ? Il ronzio dei pali telegrafici ? Lo striscio continuo della carrucola lungo il filo dei tram elettrici ? Il fremito incalzante&nbsp; di tante macchine, vicine, lontane ? quello del motore dell&rsquo;automobile ? quello dell&rsquo;apparecchio cinematografico ?<sup>21</sup> &raquo;.</font></span></p> </blockquote> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Ce passage laisse entendre qu&rsquo;en voulant am&eacute;liorer son mode de vie, l&rsquo;homme n&rsquo;a fait que le transformer, aux d&eacute;pens de la nature et des animaux mais aussi &agrave; son propre d&eacute;triment.<b> </b>L&rsquo;&acirc;ge des machines est vu comme le renversement de l&rsquo;&acirc;ge romantique qui l&rsquo;a pr&eacute;c&eacute;d&eacute;, un &acirc;ge o&ugrave; r&eacute;gnaient la subjectivit&eacute;, la spiritualit&eacute;, la primaut&eacute; de l&rsquo;art. En revanche, le nouvel &acirc;ge est le r&egrave;gne de la perte de la personnalit&eacute;, le r&egrave;gne de la mat&eacute;rialit&eacute;, de la production et du commerce.</span></span></p> <h3 style="text-indent: 35.4pt; text-align: center;"><strong><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Bibliographie</span></span></strong></h3> <h3 style="text-align:justify; margin-top:16px; margin-bottom:4px"><strong><font face="" roman="">Romans </font><span style="font-size:13pt"><span style="line-height:150%"><font face="" roman=""><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%">de Luigi</span></span><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%">&nbsp;Pirandello en italien</span></span></font><span arial="" style="font-family:"> </span></span></span></strong></h3> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>Si gira</i>, prima pubblicazione in Nuova Antologia, 1915.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>Si gira,</i> prima edizione in volume, Milano, edizioni Fratelli Treves, 1916.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><em>Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </em><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">edizione riveduta e corretta, Firenze, edizioni Bemporad, 1925.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>Tutti i romanzi</i>, <i>I vecchi e i giovani </i>(1913),<i> I Quaderni di Serafino Gubbio Operatore </i>(1915),<i> Uno, nessuno e centomila </i>(1925), a cura di Mario Costanzo, volume II, Milano, edizioni Arnoldo Mondadori, collezione &laquo;&nbsp;I Meridiani &raquo;, 2005.</span></span></span></p> <p style="margin-top:16px; margin-bottom:4px; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-top:16px; margin-bottom:4px; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><b><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%">Romans de Luigi</span></span></b><b><span lang="FR" style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%">&nbsp;Pirandello traduits en Fran&ccedil;ais</span></span></b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>On tourne,</i> traduction de C. de Laveri&egrave;re (pseudonyme de Andr&eacute;e Viollis), Paris, &Eacute;ditions du Sagittaire / Simon Kra, 1925. </span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>On tourne</i>, nouvelle traduction par Jacqueline Bloncourt-Herselin, Paris, &Eacute;ditions de la Paix, 1951.</span></span></span></p> <p><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:"><i>La Derni&egrave;re S&eacute;quence</i>, Paris, &eacute;ditions Balland, 1985.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify; margin-top: 16px; margin-bottom: 4px;"><span style="margin-bottom:4px;margin-top:16px;text-align:justify;"><span style="font-size:12pt;"><span style="line-height:150%;"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><b><span lang="FR">Ouvrages de r&eacute;f&eacute;rence</span></b></span></span></span></span></h3> <p><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Carminati Myriam, Rapport de Soutenance de th&egrave;se : <i>Ordre et d&eacute;sordre dans l&rsquo;oeuvre romanesque de Luigi Pirandello,</i> Novembre 2010</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Debord Guy, <i>La soci&eacute;t&eacute; du spectacle</i>, (1967) Chapitre I, th&egrave;se I, &Eacute;ditions Gallimard, Paris, 2006.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="line-height:150%"><span roman="" style="font-family:">Wollen Peter,<i> Le cin&eacute;ma, l&#39;am&eacute;ricanisme et le robot,</i> <span style="color:black">in la revue Communications, Paris, Seuil, n&deg; 48, 1988.</span></span></span></span></p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">1.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> L. Pirandello<i>, I Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2,<i> </i>Cahier III, Chapitre III, p. 571-572-573. &laquo;&nbsp;Il y a ici une arm&eacute;e enti&egrave;re d&rsquo;hommes et de femmes&nbsp;: op&eacute;rateurs, techniciens, gardiens, attach&eacute;s aux dynamos et autres machineries, au s&eacute;chage, au mouillage, aux virages, &agrave; la coloration, &agrave; la perforation de la pellicule, &agrave; l&rsquo;assemblage des morceaux. [&hellip;] Sc&eacute;nographes, machinistes, pr&eacute;parateurs, menuisiers, ma&ccedil;ons et peintres, &eacute;lectriciens, tailleurs et couturi&egrave;res, modistes, fleuristes, bien d&rsquo;autres ouvriers attach&eacute;s &agrave; la cordonnerie, &agrave; la chapellerie, &agrave; l&rsquo;armurerie, aux magasins de meubles anciens et modernes, &agrave; la garde-robe, tous sont affair&eacute;s, mais pas s&eacute;rieusement, ni m&ecirc;me par jeu&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText">2.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> Peter Wollen,<i> Le cin&eacute;ma, l&#39;am&eacute;ricanisme et le robot,</i> <span style="color:black">in la revue Communications, Paris, Seuil, n&deg; 48, 1988,</span> p.&nbsp;8.</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">3.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> L. Pirandello<i>, I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier I, Chapitre II, p. 522. &laquo;&nbsp;L&rsquo;homme qui auparavant, po&egrave;te, d&eacute;ifiait ses sentiments et les adorait, apr&egrave;s avoir rejet&eacute; ses sentiments, fardeau non seulement inutile mais n&eacute;faste, et &ecirc;tre devenu sage et industrieux, s&rsquo;est mis &agrave; fabriquer, de fer et d&rsquo;acier, ses nouvelles divinit&eacute;s, et il en est devenu l&rsquo;esclave et le serviteur&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align:justify">4.<span style="font-size:12pt"><span style="tab-stops:center 8.0cm right 16.0cm"><span roman="" style="font-family:"> <i><span style="font-size:10.0pt">Id., I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </span></i><span style="font-size:10.0pt">cit.,</span> <span style="font-size:10.0pt">Volume 2,</span> <span style="font-size:10.0pt">Cahier I, Chapitre I, p. 522. </span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt">&laquo;&nbsp;Excusez-moi, on n&rsquo;a pas encore trouv&eacute; le moyen de faire tourner l&rsquo;appareil tout seul&nbsp;? [&hellip;] &laquo;&nbsp;&Ecirc;tes-vous vraiment n&eacute;cessaire&nbsp;? Qu&rsquo;&ecirc;tes-vous&nbsp;? <i>Une main qui tourne la manivelle</i>. Ne pourrait-on pas se passer de cette main ? Ne pourrait-on pas vous supprimer et vous remplacer par quelque m&eacute;canisme ?&nbsp;&raquo; [&hellip;] Peut-&ecirc;tre avec le temps, monsieur. &Agrave; vrai dire, la qualit&eacute; principale que l&rsquo;on exige de celui qui fait mon m&eacute;tier est l&rsquo;<i>impassibilit&eacute;</i> face &agrave; l&rsquo;action de la sc&egrave;ne qui se d&eacute;roule devant la cam&eacute;ra. Un m&eacute;canisme, &agrave; cet &eacute;gard, serait sans doute plus adapt&eacute;, et pr&eacute;f&eacute;rable &agrave; un homme. [&hellip;] Je ne doute pas, cependant, qu&rsquo;avec le temps - oui monsieur - on arrivera &agrave; me supprimer. La petite machine - m&ecirc;me cette petite machine, comme tant d&rsquo;autres petites machines - tournera toute seule&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">5.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> Madame Carminati Myriam, professeur &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul Valery, Rapport de Soutenance de th&egrave;se : <i>Ordre et d&eacute;sordre dans l&rsquo;oeuvre romanesque de Luigi Pirandello,</i> Novembre 2010, p. 4.</span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">6.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> L. Pirandello,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier I, Chapitre II, p. 523. &laquo;&nbsp;Vous reste-t-il encore, oh messieurs, un peu d&rsquo;&acirc;me, de c&oelig;ur et d&rsquo;esprit&nbsp;? Donnez, donnez-les &agrave; ces machines voraces qui attendent ! [&hellip;] Pour leur faim, dans la h&acirc;te pressante de les rassasier, quelle nourriture serez-vous capables de leur donner chaque jour, &agrave; chaque heure, &agrave; chaque minute&nbsp;? [&hellip;] La machine [&hellip;] a besoin d&rsquo;engloutir notre &acirc;me, de d&eacute;vorer notre vie&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">7.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id.</i>,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier I, Chapitre I, p. 521 et Cahier III, Chapitre III, p. 572. &laquo;&nbsp;Je place sur le tabouret &agrave; pieds rentrants ma petite machine. [&hellip;] Et m&ecirc;me, voil&agrave;&nbsp;: je ne suis plus. C&rsquo;est <i>elle </i>qui marche, maintenant, avec mes jambes. De la t&ecirc;te aux pieds, je suis sa chose&nbsp;: je fais partie de son m&eacute;canisme. Ma t&ecirc;te est l&agrave;, dans la petite machine, et je la porte &agrave; la main&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="text-align:justify">8.<span style="font-size:12pt"><span style="tab-stops:center 8.0cm right 16.0cm"><span style="text-autospace:none"><span roman="" style="font-family:"> <i><span style="font-size:10.0pt">Id.</span></i><span style="font-size:10.0pt">,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit.,</span><span style="font-size:10.0pt">Volume 2,</span> <span style="font-size:10.0pt">Cahier III, </span><span style="font-size:10.0pt">C</span><span style="font-size:10.0pt">hapitre IV, p. 578. </span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt">&laquo;&nbsp;Tu regardes&nbsp;? Que regardes-tu, beau fauve innocent&nbsp;? [&hellip;] quand ils te tueront, je tournerai, <i>impassible, </i>la manivelle de cette gracieuse machine l&agrave; [&hellip;] Il faut qu&rsquo;elle agisse&nbsp;; il faut qu&rsquo;elle mange. Elle mange tout, quelles que soient les inepties qu&rsquo;on lui pr&eacute;sente. Elle te mangera toi aussi&nbsp;; elle mange tout, te dis-je&nbsp;! </span><span style="font-size:10.0pt">Et c&rsquo;est moi qui la sers </span>&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">9.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id.</i>,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit.,Volume 2, Cahier VII, Chapitre IV, p. 733. &laquo;&nbsp;[...] cette machine avait dans son corps la vie d&rsquo;un homme ; je la lui avais donn&eacute;e &agrave; manger jusqu&rsquo;au bout, jusqu&rsquo;au moment o&ugrave; ce bras s&rsquo;&eacute;tait tendu pour tuer le tigre&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">10.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> Guy Debord, <i>La soci&eacute;t&eacute; du spectacle</i>, (1967) Chapitre I, th&egrave;se I, &Eacute;ditions Gallimard, Paris, 2006.</span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">11.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> L. Pirandello,<i> I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier III, Chapitre III, p. 573-574. &laquo;&nbsp;Ils gagnent de l&rsquo;argent &agrave; la pelle, et ils peuvent d&eacute;penser all&egrave;grement des milliers et des milliers de lires pour la construction d&rsquo;une sc&egrave;ne qui, sur l&rsquo;&eacute;cran, ne durera pas plus de deux minutes&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">12.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier VII, Chapitre IV, p. 733-734. &laquo;&nbsp;Voil&agrave;. J&rsquo;ai rendu &agrave; la Maison un service qui lui rapportera une fortune. [&hellip;] J&rsquo;ai d&eacute;j&agrave; acquis l&rsquo;aisance avec la r&eacute;tribution que la Maison m&rsquo;a donn&eacute;e pour le service que je lui ai rendu, et demain je serai riche avec les pourcentages qui m&rsquo;ont &eacute;t&eacute; consentis sur les recettes du <i>film</i> monstrueux&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">13.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier VI, Chapitre II, p. 690. &laquo;&nbsp;Une vie de cin&eacute;matographe&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">14.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Livre VII, Chapitre IV, p. 733. &laquo;&nbsp;Je ne g&eacute;missais pas, je ne criais pas. De terreur, ma voix s&rsquo;&eacute;tait &eacute;teinte dans ma gorge pour toujours&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">15.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier IV, Chapitre II, p. 605-606. &laquo;&nbsp;Personne ne m&rsquo;avait adress&eacute; la parole&nbsp;; c&rsquo;est &agrave; peine si l&rsquo;on m&rsquo;avait pr&eacute;sent&eacute;, comme on l&rsquo;aurait pour un chien&nbsp;: je n&rsquo;avais pas ouvert la bouche&nbsp;; je continuais &agrave; me taire&hellip; Je m&rsquo;aper&ccedil;us que ma pr&eacute;sence muette, dont elle ne comprenait pas la n&eacute;cessit&eacute;, mais qui pourtant s&rsquo;imposait &agrave; elle comme myst&eacute;rieusement n&eacute;cessaire, commen&ccedil;ait &agrave; la troubler. Personne ne se souciait de lui donner une explication&nbsp;; et ce n&rsquo;&eacute;tait pas moi qui pouvais la lui donner. Je lui &eacute;tais apparu&nbsp;<i>une personne comme les autres</i>&nbsp;; peut-&ecirc;tre m&ecirc;me, de prime abord, une personne plus<i> proche</i> d&rsquo;elle que les autres. Maintenant, elle commen&ccedil;ait &agrave; sentir que pour les autres et pour elle aussi (confus&eacute;ment), je n&rsquo;&eacute;tais pas &agrave; vrai dire <i>une personne</i>. Elle commen&ccedil;ait &agrave; sentir que ma personne n&rsquo;&eacute;tait pas n&eacute;cessaire&nbsp;; mais que ma pr&eacute;sence avait la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une&nbsp;<i>chose</i>, qu&rsquo;elle ne comprenait pas encore&nbsp;; et que c&rsquo;est pour cela que je restais muet, les autres pouvaient parler - oui, tous les quatre - parce qu&rsquo;ils &eacute;taient des personnes&nbsp;; ils repr&eacute;sentaient chacun une personne, leur propre personne&nbsp;; mais pas moi&nbsp;: j&rsquo;&eacute;tais une chose&nbsp;: voil&agrave;, peut-&ecirc;tre cette chose que je tenais sur mes genoux, envelopp&eacute;e dans une toile noire. Et pourtant, j&rsquo;avais moi aussi une bouche pour parler, des yeux pour regarder&nbsp;; et mes yeux brillaient en la contemplant&nbsp;&raquo;.&nbsp;</span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">16.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier III, Chapitre VI, p. 585. &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;y a plus que <i>leur image</i>, fix&eacute;e dans un moment, un geste, une expression, qui jaillit et dispara&icirc;t&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">17.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier VII, Chapitre IV, p. 733. &laquo; Plus fort que tous les cris qui s&rsquo;&eacute;levaient tr&egrave;s haut, pouss&eacute;s par les acteurs hors de la cage qui accourraient instinctivement vers la Nestoroff tomb&eacute;e sur le coup, plus fort que les cris de Carlo Ferro, j&#39;entendais ici dans la cage le rugissement sourd de la b&ecirc;te et l&rsquo;essoufflement horrible d&#39;un homme qui s&rsquo;&eacute;tait abandonn&eacute; aux crocs, aux griffes de cette derni&egrave;re, qui lui d&eacute;chiraient la gorge et la poitrine ; j&#39;entendais, j&#39;entendais, je continuais d&#39;entendre sur ce rugissement, sur cet essoufflement, le cliquetis continue de cette machine, dont ma main, seule, encore, continuait &agrave; tourner la manivelle [&hellip;]&nbsp;&raquo;.</span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="text-align:justify">18.<span style="font-size:12pt"><span style="tab-stops:center 8.0cm right 16.0cm"><span roman="" style="font-family:"> <i><span style="font-size:10.0pt">Id., I Quaderni di Serafino Gubbio operatore, </span></i><span style="font-size:10.0pt">cit.,</span> <span style="font-size:10.0pt">Volume 2,</span> <span style="font-size:10.0pt">Cahier</span><span style="font-size:10.0pt"> VII, </span><span style="font-size:10.0pt">Chapitre</span><span style="font-size:10.0pt"> IV, p. 729. </span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt">&laquo;&nbsp;Un mois environ apr&egrave;s l&rsquo;horrible drame dont on parle encore partout, je conclus par ces notes. Une plume et un morceau de papier&nbsp;: il ne me reste plus d&rsquo;autre moyen pour communiquer avec les hommes. J&rsquo;ai perdu la voix&nbsp;; je suis rest&eacute; muet pour toujours. Quelque part, dans un de ces cahiers, j&rsquo;ai &eacute;crit&nbsp;: &ldquo;Je souffre de mon silence o&ugrave; tous entrent comme dans un lieu s&ucirc;r et hospitalier. <i>Je voudrais maintenant que mon silence se referme compl&egrave;tement autour de moi</i>&rdquo;. Voil&agrave;&nbsp;! il s&rsquo;est referm&eacute;. Je ne pourrais donc mieux que cela &ecirc;tre le serviteur d&rsquo;une machine&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">19.<font face="" roman=""><font size="2"> <i>Id.</i>,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier I, Chapitre III, p. 526. &laquo;&nbsp;[&hellip;] tout ce qui arrive, se produit peut-&ecirc;tre parce que la terre est faite moins pour les hommes que pour les b&ecirc;tes. Car les b&ecirc;tes ont en elle, naturellement, juste ce qui leur suffit et leur est n&eacute;cessaire pour vivre &raquo;.</font></font></p> </div> <div id="ftn20"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">20.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id.</i>,<i> I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier IV, Chapitre 3, p. 614. &laquo;&nbsp;Voir comme on vit serait un spectacle bien comique&nbsp;!&nbsp;&raquo;</span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify">21.<span style="font-size:10pt"><span roman="" style="font-family:"> <i>Id., I&nbsp;Quaderni di Serafino Gubbio Operatore, </i>cit., Volume 2, Cahier I, Chapitre II, p. 524. &laquo;&nbsp;Il y a tout de m&ecirc;me une nuisance qui ne s&rsquo;en va pas. Vous entendez&nbsp;? Un frelon qui bourdonne sans arr&ecirc;t, un bruit sombre, &eacute;touff&eacute;, agressif, toujours l&agrave;, en sourdine. Qu&rsquo;est-ce donc&nbsp;? Le bourdonnement des poteaux t&eacute;l&eacute;graphiques&nbsp;? Le passage continuel du pantographe le long des fils du Tramway&nbsp;? La vibration mena&ccedil;ante de toutes ces machines, proches et lointaines&nbsp;? Le bruit du moteur de l&rsquo;automobile&nbsp;? Celui des appareils cin&eacute;matographiques&nbsp;?<span lang="FR" style="font-size:12.0pt"> &raquo;.</span></span></span></p> </div> </div>