<p style="text-align: center;"><strong><span style="font-size:24px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Corps, paysages, discours&nbsp;: les dimensions de l&rsquo;&eacute;cocritique</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Serenella Iovino</span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000000;">[1]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Traduit de l&rsquo;italien par Claire Di Malta</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_1 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 454px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Lumi&egrave;res sans titre</em>, photo de Christian Arpaia</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pr&eacute;ambule</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">N&eacute;e aux Etats-Unis au d&eacute;but des ann&eacute;es quatre-vingt-dix, l&rsquo;&eacute;cocritique est une discipline qui, &agrave; partir de textes litt&eacute;raires et culturels g&eacute;n&eacute;raux, &eacute;tudie les repr&eacute;sentations du rapport entre humain et non humain et instaure les bases pour une &eacute;ducation &eacute;thique &agrave; la durabilit&eacute;. Il s&rsquo;agit donc de r&eacute;flexions dans lesquelles la critique du texte rencontre d&rsquo;autres discours importants, comme l&rsquo;&eacute;cologie, l&rsquo;&eacute;thique sociale, la culture de l&rsquo;environnement et la culture de la citoyennet&eacute;. C&rsquo;est ce que je traiterai dans mon intervention en proposant une r&eacute;flexion ult&eacute;rieure, fond&eacute;e sur le paradigme th&eacute;orique de&nbsp;l&rsquo;<em>&eacute;cocritique de la mati&egrave;re</em>&nbsp;que j&rsquo;ai r&eacute;cemment contribu&eacute; &agrave; d&eacute;velopper aux c&ocirc;t&eacute;s de Serpil Opperman</span><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">. En partant des th&eacute;ories appel&eacute;es &laquo;&nbsp;nouveaux mat&eacute;rialismes&nbsp;&raquo;, cette approche propose d&rsquo;&eacute;tendre le concept de textualit&eacute; &agrave; toutes les manifestations mat&eacute;rielles (corps, paysages, cellules, contaminants, etc.) et d&rsquo;interpr&eacute;ter la corpor&eacute;it&eacute; en tant que &laquo;&nbsp;force narrative&nbsp;&raquo; (<em>narrative agency</em>) dans laquelle s&rsquo;expriment les rencontres entre dynamiques discursives et mat&eacute;rielles.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lire les corps de Naples&nbsp;</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au c&oelig;ur de la ville de Naples se trouve un lieu au nom &eacute;trange :&nbsp;<em>Largo Corpo di Napoli</em>&nbsp;(Grand corps de Naples). Cette petite place s&rsquo;ouvre comme une huitre &agrave; un endroit o&ugrave; les<em>&nbsp;decumani</em>, les rues principales grecques, deviennent un enchev&ecirc;trement de chemins m&eacute;di&eacute;vaux &eacute;troits et d&rsquo;imposants b&acirc;timents gris et blancs. Telle une huitre, la place renferme une perle&nbsp;: une ancienne statue du Nil, connue sous le nom de&nbsp;<em>Corpo di Napoli</em>, le corps de Naples. L&rsquo;histoire de cette statue est particuli&egrave;re. Elle remonte au IIe ou IIIe si&egrave;cle apr. J.-C., lorsqu&rsquo;elle fut &eacute;rig&eacute;e pour marquer la pr&eacute;sence d&rsquo;une colonie &eacute;gyptienne dans la ville. La statue disparut pendant longtemps avant d&rsquo;&ecirc;tre retrouv&eacute;e au XIIe si&egrave;cle. Elle &eacute;tait alors d&eacute;pourvue de t&ecirc;te, et la pr&eacute;sence d&rsquo;enfants couch&eacute;s en son sein poussa le peuple &agrave; croire qu&rsquo;elle repr&eacute;sentait Parth&eacute;nope, la nymphe vierge &agrave; qui la mythologie attribue la fondation de la ville. En 1657, la statue fut restaur&eacute;e et dot&eacute;e d&rsquo;une t&ecirc;te d&rsquo;homme plus adapt&eacute;e. La figure symbolisait alors clairement le fleuve &eacute;gyptien dont les affluents &eacute;taient repr&eacute;sent&eacute;s par les enfants. Malgr&eacute; l&rsquo;&eacute;vidence et la philologie, pour le peuple de Naples, la sculpture demeurait un symbole du corps de leur ville. Dans ce corps, comme c&rsquo;est parfois le cas dans les rituels et les l&eacute;gendes locales, les limites du r&ocirc;le des sexes, comme celles de la mati&egrave;re et de l&rsquo;esprit, du pr&eacute;sent et du pass&eacute;, sont troubles et changeantes.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><img id="Image_x0020_1" src="file:////Users/clementbarniaudy/Library/Group%20Containers/UBF8T346G9.Office/TemporaryItems/msohtmlclip/clip_image002.jpg" /></span></span></span><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_2 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 366px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Corps de Naples</em>, photo de Serenella Iovino</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Parler des corps de Naples implique de nombreux &eacute;l&eacute;ments, et pas seulement &agrave; cause de l&rsquo;accumulation litt&eacute;rale des corps humains dans la r&eacute;gion&nbsp;: avec trois millions de r&eacute;sidents dans son aire m&eacute;tropolitaine, Naples est en effet une des villes italiennes les plus peupl&eacute;es. Aujourd&rsquo;hui, parler des corps de Naples est justifi&eacute; au niveau &eacute;cologique et m&ecirc;me politique. En r&eacute;alit&eacute;, au cours des vingt derni&egrave;res ann&eacute;es, ces corps &ndash; dans leur mat&eacute;rialit&eacute; humaine et non humaine &ndash; ont subi une exposition constante &agrave; la pollution, notamment &agrave; cause des pratiques criminelles de ce qu&rsquo;on appelle &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;comafia&nbsp;&raquo;</span><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En interpr&eacute;tant les corps de Naples comme des textes transmettant l&rsquo;interaction de forces mat&eacute;rielles et de pratiques discursives, mon essai tente d&rsquo;&eacute;clairer la complexit&eacute; des niveaux &agrave; la fois &eacute;cologiques, politiques, telluriques, artistiques et culturels, qui donnent vie &agrave; ce lieu. Je reviendrai sur le pass&eacute; arch&eacute;ologique de certains des nombreux corps de cette ville et cette r&eacute;gion volcanique pour illustrer la fa&ccedil;on dont le paysage exprime les histoires et l&rsquo;imaginaire des relations &eacute;cologiques, en exposant les dynamiques dont d&eacute;coulent les rencontres entre forces humaines et non humaines. Je montrerai qu&rsquo;interpr&eacute;ter la textualit&eacute; de ces corps et ces paysages peut renforcer notre conscience environnementale, en orientant notre double appartenance aux paysages de l&rsquo;esprit et aux paysages de la vie.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La porosit&eacute;</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Comme beaucoup d&rsquo;intellectuels et artistes allemands de son &eacute;poque, Walter Benjamin a visit&eacute; Naples de nombreuses fois pendant les ann&eacute;es vingt. Dans de courts m&eacute;moires &eacute;crits avec Asja Lacis, l&rsquo;actrice brechtienne dont il est tomb&eacute; amoureux, la ville est d&eacute;crite avec un impressionnisme passionnant et d&eacute;finie &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un adjectif r&eacute;current&nbsp;: &laquo;&nbsp;poreuse&nbsp;&raquo;. De leur point de vue mitteleurop&eacute;en, la texture poreuse de Naples impliquait des formes et des styles, des gestes et des comportements, des relations et des lieux</span><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;Toutefois, selon eux, la ville semblait surtout poreuse &agrave; travers sa mati&egrave;re de construction pr&eacute;dominante&nbsp;: une pierre jaune p&acirc;le, spongieuse et sableuse appel&eacute;e le &laquo;&nbsp;tuf&nbsp;&raquo; (en italien,&nbsp;<em>tufo</em>). Le tuf de Naples, dont le nom scientifique est&nbsp;Ignimbrite campana&nbsp;&mdash; litt&eacute;ralement, le &laquo;&nbsp;nuage de poussi&egrave;re et de roche de feu&nbsp;&raquo; de Campanie (du latin <em>ignis</em>, &laquo;&nbsp;feu&nbsp;&raquo; et&nbsp;&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>imber</em>, &laquo;&nbsp;pluie&nbsp;&raquo;) &mdash; est une formation s&eacute;dimentaire de roche pyroclastique, provoqu&eacute;e par les d&eacute;p&ocirc;ts de cendre et les explosions de lapillis, et de coul&eacute;es de lave</span><a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;On trouve d&rsquo;immenses concentrations de tuf dans les&nbsp;<em>Campi Flegrei</em> (Les champs Phl&eacute;gr&eacute;ens, litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;les champs br&ucirc;l&eacute;s&nbsp;&raquo;, du grec&nbsp;<em>phl&eacute;go</em>, &laquo;&nbsp;br&ucirc;ler&nbsp;&raquo;), une large zone volcanique d&eacute;limit&eacute;e au sud-est par le mont V&eacute;suve. Au milieu de cette terre, suspendue entre la&nbsp;mer et le volcan et dress&eacute;e sur le tuf, se trouve Naples, une ville construite avec de la roche poreuse et volcanique.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_3 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 313px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Feu</em>, photo de Mario Amura</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Facile &agrave; travailler, l&eacute;ger, r&eacute;sistant et abondant, le tuf se trouve pratiquement dans tout Naples. En effet, cette roche est tellement r&eacute;pandue qu&rsquo;elle a servi &agrave; construire la majorit&eacute; des palais, des &eacute;glises, des maisons, des caves de p&ecirc;cheurs ou encore des entrep&ocirc;ts fabriqu&eacute;s ici avant l&rsquo;av&egrave;nement du b&eacute;ton arm&eacute;. P&eacute;n&eacute;trant le sol m&ecirc;me de Naples, le tuf est aussi une mati&egrave;re disponible imm&eacute;diatement et cr&eacute;&eacute; un des paradoxes fascinants de la ville. En effet, la majorit&eacute; des b&acirc;timents sont situ&eacute;s directement sur les cavernes d&rsquo;o&ugrave; proviennent les mat&eacute;riaux de construction. La ville donne alors le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre n&eacute;e de ses propres entrailles. Ainsi, si Venise est &eacute;rig&eacute;e sur une for&ecirc;t sous-marine aux innombrables arbres, Naples est b&acirc;tie sur des creux. Ses corps demeurent litt&eacute;ralement au fond de champs br&ucirc;l&eacute;s et vivent dans les maisons et les rues fabriqu&eacute;es avec des roches volcaniques, tels que le tuf ou d&rsquo;autres types de formation de lave. D&eacute;velopp&eacute;s dans un large r&eacute;seau de tunnels souterrains, ces creux &mdash; utilis&eacute;s comme aires de stockage, d&eacute;charges publiques et, pendant la seconde guerre mondiale, comme abris antia&eacute;riens &mdash; ont contenu pendant des si&egrave;cles les probl&egrave;mes et les &eacute;motions de la ville qu&rsquo;ils portent, en participant &agrave; sa vie &agrave; travers leur pr&eacute;sence min&eacute;rale sous-terraine.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bien qu&rsquo;elle se veuille plus pittoresque que scientifique, la d&eacute;finition que donnent Benjamin et Lacis de Naples en tant que &laquo;&nbsp;ville poreuse&nbsp;&raquo; convient parfaitement. Naples est poreuse de nombreuses mani&egrave;res. D&rsquo;abord, au niveau spatial et temporel&nbsp;: une ville sur d&rsquo;autres villes, o&ugrave; les traces des fondations grecques et romaines, pr&eacute;serv&eacute;es dans les couches souterraines, d&eacute;bordent syst&eacute;matiquement sur les rues et leurs recoins, partageant les rues transversales de l&rsquo;espace avec les cours m&eacute;di&eacute;vales, les palais de la Renaissance ou les &eacute;glises baroques. Naples est aussi poreuse &agrave; travers son aura volcanique, une force perm&eacute;able omnipr&eacute;sente dans l&rsquo;histoire de la ville. En effet, les &eacute;ruptions ont submerg&eacute; la ville de Naples pendant des mill&eacute;naires. La derni&egrave;re, en 1944, a presque co&iuml;ncid&eacute; avec l&rsquo;entr&eacute;e des Alli&eacute;s dans la ville. De plus, la porosit&eacute; volcanique alimente aussi l&rsquo;imaginaire culturel de la ville&nbsp;: pour les nombreux intellectuels et artistes qui, comme Benjamin et Goethe bien avant lui, s&rsquo;y sont arr&ecirc;t&eacute;s lors de leur Grand Tour, le paysage luxuriant et sulfureux du mont V&eacute;suve a &eacute;t&eacute; une exp&eacute;rience saisissante du &laquo;&nbsp;sublime volcanique&nbsp;&raquo;, un exemple tellurique de l&rsquo;omnipr&eacute;sence de la mort selon l&rsquo;adage&nbsp;<em>Et in Arcadia ego</em>.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cependant, si on l&rsquo;analyse de plus pr&egrave;s, la porosit&eacute; de Naples reproduit la porosit&eacute; de tous les corps consid&eacute;r&eacute;s comme sites &laquo;&nbsp;d&rsquo;inter-&eacute;changes et de transits&nbsp;&raquo; (Alaimo,&nbsp;<em>Bodily Natures</em>&nbsp;2), croisements de forces, et entit&eacute;s &laquo;&nbsp;de congr&eacute;gation&nbsp;&raquo; (Bennett,&nbsp;<em>Vibrant Matter</em>&nbsp;34). Ce sont donc des syst&egrave;mes de perm&eacute;abilit&eacute; et de connexions dans lesquels l&rsquo;alternance entre&nbsp;<em>plenum&nbsp;</em>et vide est une condition m&ecirc;me de toute chose pouvant exister. Comme Karen Barad l&rsquo;explique, &laquo;&nbsp;Selon la th&eacute;orie quantique des champs, le<em> vacuum </em>est loin d&rsquo;&ecirc;tre vide ; en effet, il regorge de possibilit&eacute;s d&rsquo;existence&nbsp;&raquo; (<em>Meeting the Universe Halfway</em>&nbsp;354). Si, d&rsquo;un point de vue physique, le vide est litt&eacute;ralement le site o&ugrave; les particules de la mati&egrave;re peuvent se d&eacute;placer, s&rsquo;associer, et mener des activit&eacute;s, d&rsquo;un point de vue plus g&eacute;n&eacute;ral, tous les corps possibles proviennent de cette interaction entre le vide et la densit&eacute;. Cette interaction rend tous les corps, des atomes et des mol&eacute;cules jusqu&rsquo;aux groupes d&rsquo;humains et non humains, perm&eacute;ables au monde. Cette porosit&eacute; agit &agrave; de nombreux niveaux, &agrave; la fois mat&eacute;riels et s&eacute;miotiques, et permet les transformations, la m&eacute;tabolisation et les flux de mati&egrave;re, d&rsquo;&eacute;nergie et d&rsquo;informations. Remarquons que, avant que la perm&eacute;abilit&eacute; de la mati&egrave;re ne soit d&eacute;montr&eacute;e par les biologistes et les physiciens, elle a &eacute;t&eacute; une pierre angulaire de la philosophie naturelle, et notamment l&rsquo;atomisme, pendant des mill&eacute;naires. Le po&egrave;te &eacute;picurien Lucr&egrave;ce, par exemple, qui vivait au pied du mont V&eacute;suve, a &eacute;crit dans son trait&eacute; lyrique&nbsp;<em>De la nature des choses</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;D&#39;ailleurs, parmi les corps m&ecirc;mes qui passent pour &ecirc;tre solides, on trouve des substances poreuses.&nbsp;&raquo;&nbsp;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La ros&eacute;e limpide des eaux p&eacute;n&egrave;tre les rochers et les grottes,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qui laissent &eacute;chapper des larmes abondantes.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les aliments se distribuent dans tout le corps des animaux ;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les arbres croissent, et laissent &eacute;chapper des fruits &agrave; certaines &eacute;poques,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Parce que les sucs nourriciers y sont r&eacute;pandus</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Depuis le bout des racines, par le tronc et les branches</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le son perce les murs, et se coule dans les maisons ferm&eacute;es</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le froid atteint et glace les os. Ce qui ne pourrait se faire</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si tous ces corps ne trouvaient des vides qui leur donnent passage.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>De rerum natura</em>&nbsp;I, 346-357) (N.d.t&nbsp;: traduction de M.Nisard)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A travers le temps et les diff&eacute;rents points de vue, ces id&eacute;es r&eacute;sonnent dans un passage d&rsquo;une &oelig;uvre de Gilles Deleuze,<em>&nbsp;Le Pli</em>, o&ugrave; il commente l&rsquo;ontologie de Leibniz. Il &eacute;crit que la mati&egrave;re &laquo;&nbsp;offre une texture infiniment poreuse, spongieuse ou caverneuse sans vide, toujours une caverne dans la caverne&nbsp;: chaque corps, si petit soit-il, contient un monde, en tant qu&rsquo;il soit trou&eacute; de passages irr&eacute;guliers&nbsp;&raquo;. Cette description semble convenir parfaitement &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de Naples.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Aujourd&rsquo;hui, des si&egrave;cles apr&egrave;s Lucr&egrave;ce et Leibniz, nous savons que tous les corps, toutes les entit&eacute;s corporelles, sont intrins&egrave;quement ouverts, ils sont intrins&egrave;quement &laquo;&nbsp;du monde et dans le monde&nbsp;&raquo; (Tuana, &laquo;Viscous Porosity&raquo;, p. 198). D&rsquo;apr&egrave;s Levy Bryant, il s&rsquo;agit d&rsquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;un r&eacute;seau h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne et complexe d&rsquo;entit&eacute;s qui est lui-m&ecirc;me une entit&eacute; ou une unit&eacute;&nbsp;&raquo;, une singularit&eacute; qui, pour &ecirc;tre ce qu&rsquo;elle est, doit &ecirc;tre microscopique tout en contenant une multitude de choses. Les corps, en d&rsquo;autres termes, &laquo;&nbsp;ressemblent plus &agrave; des &eacute;ponges qu&rsquo;&agrave; du marbre&nbsp;&raquo; - notamment parce que, consid&eacute;r&eacute; dans sa structure interne, &laquo;&nbsp;m&ecirc;me le marbre est une sorte d&rsquo;&eacute;ponge&nbsp;&raquo; (Bryant,&nbsp;Stacy Alaimo). Ainsi, comme tous les processus de transformation ou de m&eacute;tabolisation du monde, la corporalit&eacute; est toujours ouverte et transcorporelle</span><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;Cette transcorporalit&eacute; s&rsquo;exprime elle-m&ecirc;me dans la mani&egrave;re dont les substances mat&eacute;rielles interf&egrave;rent et s&rsquo;entrem&ecirc;lent, en d&eacute;terminant le monde comme un site d&rsquo;hybridations en cours, des processus de l&rsquo;&eacute;volution aux maladies li&eacute;es &agrave; l&rsquo;environnement. La consommation de nourriture, nous rappelle Lucr&egrave;ce, est aussi un moyen &agrave; travers lequel les corps se transforment r&eacute;ciproquement. Se nourrir est une hybridation mutuelle de mati&egrave;res corporelles, tout comme la sueur, la photosynth&egrave;se des plantes, la transformation physico-chimique des atomes en mol&eacute;cules aux propri&eacute;t&eacute;s particuli&egrave;res et la coul&eacute;e de lave depuis les cavit&eacute;s de la terre vers le monde &laquo;&nbsp;ouvert&nbsp;&raquo; au-dessus. Tous ces &eacute;l&eacute;ments sont des exemples de la porosit&eacute; m&eacute;tabolique du monde, exprim&eacute;e parfaitement par le mot allemand traduisant &laquo;&nbsp;m&eacute;tabolisme&nbsp;&raquo;,&nbsp;Stoffwechsel&nbsp;: litt&eacute;ralement, un &eacute;change de mati&egrave;res.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_4 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 449px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>La lave et la mer</em>, photo de Christian Arpaia</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Comme les corps sont ce qu&rsquo;ils sont &agrave; travers leurs limites perm&eacute;ables (les membranes qui provoquent les flux d&rsquo;&eacute;nergie et de mati&egrave;re), les entit&eacute;s et les formations plus importantes suivent la m&ecirc;me dynamique. Une ville, par exemple, est un corps poreux habit&eacute; par d&rsquo;autres corps poreux, un ensemble min&eacute;ral, v&eacute;g&eacute;tal et animal de corps poreux. En suivant le sch&eacute;ma de l&rsquo;intra-action, les villes sont des combinaisons de mati&egrave;res et d&rsquo;&eacute;nergie dans une transformation mutuelle avec les &ecirc;tres humains et non humains, les mati&egrave;res vivantes et non vivantes, participant ainsi aux &laquo;&nbsp;g&eacute;o-chor&eacute;graphies&nbsp;&raquo; du monde (Cohen, &laquo;&nbsp;Stories of Stone&nbsp;&raquo;). Manuel de Landa fournit un exemple convaincant de cette g&eacute;o-chor&eacute;graphie poreuse : &laquo;&nbsp;Du point de vue des flux &eacute;nergiques et catalytiques, les soci&eacute;t&eacute;s humaines ressemblent beaucoup aux coul&eacute;es de lave ; et les structures construites par les hommes (les villes min&eacute;ralis&eacute;es et les institutions) ressemblent beaucoup aux montagnes et aux roches&nbsp;: les accumulations de mati&egrave;res solides et form&eacute;es par les processus historiques&nbsp;&raquo; (<em>A Thousand Years of Nonlinear History</em>&nbsp;55). Il y a une continuit&eacute; essentielle ontologique et historique dans la formation des villes et des roches volcaniques. Les rythmes de &laquo;&nbsp;min&eacute;ralisation&nbsp;&raquo; et de &laquo;&nbsp;catalyse&nbsp;&raquo; des villes peuvent &ecirc;tre diff&eacute;rents de ceux des structures g&eacute;ologiques, mais ils font partie du processus de transformation en cours qui implique &agrave; la fois des organismes, des structures, des g&egrave;nes, des langues et des id&eacute;es&nbsp;: &laquo;&nbsp;les cr&eacute;atures vivantes et leurs &eacute;quivalents non organiques partagent une d&eacute;pendance cruciale envers les flux intenses d&rsquo;&eacute;nergie et de mati&egrave;res... Ainsi, nos corps organiques ne sont rien que des coagulations temporaires dans ces flux&nbsp;&raquo; (De Landa 104). Dans cette optique, la porosit&eacute; n&rsquo;est pas seulement la base du changement, de la croissance, et du d&eacute;clin d&rsquo;un point de vue g&eacute;ologique et humain, mais elle est aussi la v&eacute;ritable condition de l&rsquo;histoire&nbsp;: une histoire qui n&rsquo;est pas une succession lin&eacute;aire d&rsquo;&eacute;v&egrave;nements, mais plut&ocirc;t un chemin &eacute;mergeant des flux de mati&egrave;re et d&rsquo;&eacute;nergie dans lesquels nos corps organiques ne sont &laquo;&nbsp;rien que des coagulations temporaires&nbsp;&raquo; comme le dit De Landa.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans le vaste paysage de la porosit&eacute;, la cognition occupe &eacute;galement une part importante. Comme Varela, Thompson, et Rosch l&rsquo;expliquent, la cognition &laquo;&nbsp;d&eacute;pend du type d&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue &agrave; travers un corps aux capacit&eacute;s sensori-motrices vari&eacute;es&nbsp;&raquo; &mdash; des capacit&eacute;s &laquo; elles-m&ecirc;mes int&eacute;gr&eacute;es dans un contexte global plus biologique, physiologique et culturel&nbsp;&raquo; (<em>The Embodied Mind&nbsp;</em>173). En tant qu&rsquo;ensemble de pratiques incarn&eacute;es, la connaissance consiste &laquo;&nbsp;en la communication entre l&rsquo;esprit, la soci&eacute;t&eacute; et la culture, et&nbsp;non pas en un seul ou l&rsquo;ensemble de ces &eacute;l&eacute;ments&nbsp;&raquo;&nbsp;(179). La connaissance &mdash; un &eacute;change d&rsquo;informations humaines et non humaines avec le monde &ndash; est une forme de porosit&eacute; ; c&rsquo;est la fa&ccedil;on dont le monde int&egrave;gre et conditionne les habitudes de vie, d&eacute;terminant ainsi la fa&ccedil;on dont les &ecirc;tres peuplent le monde. Dire que la connaissance est &laquo;&nbsp;incarn&eacute;e&nbsp;&raquo; signifie que le monde inter-agit avec les corps en s&rsquo;inscrivant dans les pratiques cognitives. Dans&nbsp;How We Became Posthuman, N. Katherine Hayles d&eacute;crit ce processus en tant qu&rsquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;incarnation&nbsp;&raquo; cognitive. Chaque exp&eacute;rience cognitive, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse d&rsquo;une &laquo;&nbsp;pratique incorpor&eacute;e&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;une action encod&eacute;e dans la m&eacute;moire corporelle par des performances r&eacute;p&eacute;t&eacute;es jusqu&rsquo;&agrave; devenir une habitude&nbsp;&raquo; 199) ou de processus &laquo;&nbsp;en-actifs&nbsp;&raquo; de la &laquo;&nbsp;connaissance incarn&eacute;e&nbsp;&raquo;, tient son origine de la porosit&eacute; mutuelle des corps et du monde. La connaissance incarn&eacute;e est notamment un processus et un flux, &laquo;&nbsp;un mode d&rsquo;apprentissage [...] diff&eacute;rent de celui qui d&eacute;coule de la r&eacute;flexion seule&nbsp;&raquo; (201). Elle est donc &laquo;&nbsp;contextuelle, pr&eacute;sente dans les d&eacute;tails pr&eacute;cis du lieu, du temps, de la physiologie et de la culture&nbsp;&raquo; (196). En d&rsquo;autres termes, la connaissance d&eacute;coule de la relation donner-recevoir entre les corps et le monde. Elle mat&eacute;rialise l&rsquo;&eacute;change poreux entre l&rsquo;int&eacute;rieur et l&rsquo;ext&eacute;rieur, la transformation progressive des corps et du monde en un ensemble.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cela r&eacute;v&egrave;le une autre dimension importante de cette perm&eacute;abilit&eacute;, elle aussi discursive et s&eacute;miotique&nbsp;: le flux d&rsquo;information et de pratiques discursives &agrave; travers les corps. Les ph&eacute;nom&egrave;nes comme le genre, la sexualit&eacute;, la classe, les pratiques sociales, et leurs r&eacute;cits, sont filtr&eacute;s &agrave; travers cette porosit&eacute; comme des formes d&rsquo;une &laquo;&nbsp;interaction &eacute;mergente&nbsp;&raquo; de facteurs naturels et culturels. C&rsquo;est la cl&eacute; de la transcorporalit&eacute; de Alaimo en tant qu&rsquo;&laquo;&nbsp;espace mobile&nbsp;&raquo; de multiples &eacute;changes et de ce que Nancy Tuana appelle une &laquo;&nbsp;ontologie interactionniste&nbsp;&raquo;&nbsp;: une ontologie dans laquelle la soci&eacute;t&eacute; est consid&eacute;r&eacute;e dans sa mat&eacute;rialit&eacute;, associ&eacute;e &agrave; la force des visions naturelles, et donc des visions essentialistes stimulantes, et leurs constructions normatives (voir &laquo;Viscous Porosity&raquo; 188). La &laquo;&nbsp;porosit&eacute;&nbsp;&raquo; signifie ici la perm&eacute;abilit&eacute; non seulement &laquo;&nbsp;entre notre chair et la chair du monde dont nous venons et dont nous faisons partie&nbsp;&raquo; (198), mais aussi entre les corps et les mondes discursifs dans lesquels ils se situent&nbsp;: les corps &laquo;&nbsp;produisent la culture en m&ecirc;me temps que la culture produit [...] les corps&nbsp;&raquo; (Hayles,&nbsp;<em>How We Became Posthuman&nbsp;</em>200). Cette &laquo;&nbsp;interaction &eacute;mergente&nbsp;&raquo; de mati&egrave;re, de discours et de cognitions montre qu&rsquo;il n&rsquo;y pas de limites bien d&eacute;finies entre &laquo;&nbsp;le naturel et les constructions humaines, la forme biologique et le culturel, les g&egrave;nes et leurs environnements, le mat&eacute;riel et le s&eacute;miotique&nbsp;&raquo; (Tuana, &laquo;Viscous Porosity&raquo; 198). En r&eacute;alit&eacute;, chaque corps est un croisement de chair et de sens, une coagulation unique dans les histoires de mati&egrave;re.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le paysage de Naples et sa r&eacute;gion n&rsquo;est pas seulement poreux mat&eacute;riellement et historiquement, alternant creux et densit&eacute; dans &laquo;&nbsp;une mosa&iuml;que de processus &eacute;cologiques et s&eacute;miotiques&nbsp;&raquo; (Farina,&nbsp;Principles and Methods in Landscape Ecology&nbsp;64), mais, avec ses corps co-&eacute;mergents, il illustre parfaitement une telle vision. Eux-m&ecirc;mes des acteurs de la r&eacute;alisation du monde, tous ces corps sont en fait &eacute;nactifs, des filtres cognitifs pour les forces telles que la nature et la soci&eacute;t&eacute;, l&rsquo;humain et le non humain, le visible et l&rsquo;invisible, le pr&eacute;vu et l&rsquo;impr&eacute;vu. Leur porosit&eacute; narrative devient alors &agrave; la fois le point o&ugrave; le monde entre dans les corps et &agrave; partir duquel les corps livrent leurs histoires au monde. L&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle concentre ses analyses sur ce croisement, fait de fusions mat&eacute;rielles, sociales et cognitives.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Corps, paysages, m&eacute;moire</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><img id="Image_x0020_4" src="file:////Users/clementbarniaudy/Library/Group%20Containers/UBF8T346G9.Office/TemporaryItems/msohtmlclip/clip_image005.jpg" />A quelques kilom&egrave;tres au sud de Naples, les vitrines poussi&eacute;reuses des&nbsp;antiquarium&nbsp;racontent un chapitre int&eacute;ressant de cette histoire de corps et de porosit&eacute;. Il concerne l&rsquo;&eacute;ruption de 79 av. J-C qui a affect&eacute; un vaste territoire au pied du mont V&eacute;suve, modifiant la vie et le paysage de la r&eacute;gion napolitaine.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_5 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 341px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>L&rsquo;esprit du lieu</em>, photo de Christian Arpaia</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Oubli&eacute; pendant plusieurs si&egrave;cles, le site antique de Pomp&eacute;i a &eacute;t&eacute; red&eacute;couvert (et gravement pill&eacute;) par les Bourbons, les souverains espagnols de Naples, au d&eacute;but du XVIIIe si&egrave;cle, pour &ecirc;tre finalement identifi&eacute; en 1763. Avec le temps, les fouilles ont r&eacute;v&eacute;l&eacute; de nombreux corps. Couverts de d&eacute;bris volcaniques, ils avaient laiss&eacute; leurs empreintes dans la lave solidifi&eacute;e, si bien qu&rsquo;on pouvait voir &laquo;&nbsp;la forme enti&egrave;re du mort, ses habits et ses cheveux&nbsp;&raquo; (Beard,&nbsp;<em>Pompeii&nbsp;</em>6). Mais d&rsquo;autres genres de corps &eacute;taient tout aussi parlants&nbsp;: les absents. Ici, de nouveau, on peut parler de porosit&eacute;. Comme les cybern&eacute;ticiens le savent, les informations ne sont pas seulement incarn&eacute;es par la pr&eacute;sence de l&rsquo;objet, dans sa densit&eacute; mat&eacute;rielle ; les objets absents peuvent aussi transmettre un message et un sens. En d&rsquo;autres termes, le vide poss&egrave;de aussi une dimension s&eacute;miotique. Similaires aux b&acirc;timents de Naples &eacute;mergeant des creux de la ville, les corps de Pomp&eacute;i ont &eacute;merg&eacute; de leur propre absence, du creux qu&rsquo;ils ont laiss&eacute; dans la cendre p&eacute;trifi&eacute;e apr&egrave;s la d&eacute;composition. Ces corps absents ont commenc&eacute; &agrave; se mat&eacute;rialiser autour des ann&eacute;es 1860, &agrave; travers une technique d&eacute;velopp&eacute;e pour obtenir des moulages de portes en bois, d&rsquo;abris, de meubles et d&rsquo;autres objets p&eacute;rissables. Comme une photo en n&eacute;gatif, le vide &eacute;tait charg&eacute; d&rsquo;informations ; associ&eacute; au pl&acirc;tre, il a permis de p&eacute;n&eacute;trer dans ce moment historique, en donnant litt&eacute;ralement un visage &agrave; ces victimes humaines et non humaines de l&rsquo;&eacute;ruption.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">D&rsquo;un point de vue arch&eacute;ologique, la combinaison des d&eacute;couvertes mises au jour et des d&eacute;couvertes en &laquo;&nbsp;n&eacute;gatif&nbsp;&raquo;, du&nbsp;<em>plenum</em>&nbsp;et du vide, constitue un site riche en r&eacute;cits&nbsp;: des r&eacute;cits sur les r&ocirc;les sociaux et les pratiques du genre, sur ce que Bruno Latour appelle les assemblages et les collectifs, sur les forces humaines et non humaines dans la vie quotidienne de l&rsquo;Antiquit&eacute;. En lisant dans les &eacute;cologies naturelles et culturelles stratifi&eacute;es de ce lieu, la recherche arch&eacute;ologique a en effet ouvert une fen&ecirc;tre sur des r&eacute;alit&eacute;s plus qu&rsquo;humaines, &agrave; la fois dans des visions plus larges et des segments petits mais significatifs. On peut citer de nombreux exemples, tels que la d&eacute;couverte de petits pains laiss&eacute;s dans un four o&ugrave; ils &eacute;taient en train de cuire lorsque la mont&eacute;e a commenc&eacute;. Cuits deux fois, par la chaleur humaine puis volcanique, ces pains sont rest&eacute;s suspendus dans la zone d&rsquo;ombre o&ugrave; l&rsquo;intentionnalit&eacute; est submerg&eacute;e par la force mat&eacute;rielle, se transformant ainsi en une mise en abyme involontaire de la ville aval&eacute;e par la lave. Un autre aper&ccedil;u de ce monde de forces convergentes nous est offert par le moulage d&rsquo;un chien de garde, asphyxi&eacute; par la cendre et ponc&eacute; dans la tentative d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;e de s&rsquo;&eacute;chapper de ses cha&icirc;nes. Avec son collier de bronze clout&eacute; et la peur insoutenable visible sur son visage (absent), le chien a partag&eacute; le m&ecirc;me destin qu&rsquo;un homme, certainement un esclave, mort en essayant de lib&eacute;rer ses chevilles de liens de fer. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on que les textes mat&eacute;riels &eacute;mergent du vide, ces moules de pl&acirc;tre reconstituent l&rsquo;agonie des corps humains et non humains dans une association impitoyable avec la force des &eacute;l&eacute;ments et des liens construits socialement.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_6 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 499px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Histoire de lave</em>, photo de Christian Arpaia</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais, en suivant les traces de la porosit&eacute;, j&rsquo;aimerais me concentrer maintenant sur un autre r&eacute;cit, compl&eacute;mentaire &agrave; celui recueilli par les arch&eacute;ologues. Dans ce r&eacute;cit intra-actif, l&rsquo;alternance du&nbsp;plenumet du vide &mdash; en termes de corps, de m&eacute;moire et de cognition &mdash; permet de mieux comprendre&nbsp;&nbsp;&laquo;&nbsp;l&rsquo;interaction &eacute;mergente&nbsp;&raquo; des forces en action dans l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement de 79 av. J-C.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La surprise inscrite sur ces corps est un &eacute;l&eacute;ment cl&eacute; de ce r&eacute;cit. Quand le philosophe allemand Karl L&ouml;with a vu les moules de pl&acirc;tre en 1924, il a comment&eacute; : &laquo;&nbsp;La mort les a pris au milieu de la vie, ne leur laissant pas le temps de mourir, si l&rsquo;on peut dire&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Pompei e il Vesuvio&nbsp;&raquo; 63). Alors que la surprise des victimes d&rsquo;un cataclysme naturel peut nous sembler normale, &agrave; Pomp&eacute;i elle r&eacute;v&egrave;le un autre &eacute;l&eacute;ment important de cette histoire de pr&eacute;sence et d&rsquo;absence, de densit&eacute; et de vide. Sur le plan cognitif, l&rsquo;&eacute;ruption volcanique est une br&egrave;che, une rupture &eacute;pist&eacute;mique dans l&rsquo;esprit de ce lieu. Pendant longtemps, le mont V&eacute;suve a &eacute;t&eacute; consid&eacute;r&eacute; comme une montagne. Certains &eacute;crivains romains avaient fait remarquer la similarit&eacute; de la montagne avec le mont Etna, un volcan actif de la Sicile, ou &eacute;voquait la possibilit&eacute; que le V&eacute;suve soit un volcan. Strabo, par exemple, a &eacute;crit que le sommet &laquo;&nbsp;montre des cavit&eacute;s plut&ocirc;t poreuses dans des masses de roche qui [...]&nbsp;[semblaient] avoir &eacute;t&eacute; d&eacute;vor&eacute;es par le feu ; on peut en d&eacute;duire que, dans des temps plus anciens, ce quartier a pris feu et d&eacute;montrait des crat&egrave;res de feu&nbsp;&raquo; (<em>Geography&nbsp;</em>453). Cependant, le V&eacute;suve est rest&eacute; au repos pendant huit cents ans&nbsp;: le souvenir de cette force avait simplement disparu des r&eacute;cits g&eacute;n&eacute;raux &agrave; propos du lieu. D&rsquo;o&ugrave; le choc &eacute;pist&eacute;mique (et physique). Comme Jeffrey Cohen le dit, les pouvoirs actifs de la nature &laquo;&nbsp;surprennent, puis d&eacute;concertent&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Ecology&rsquo;s Rainbow&nbsp;&raquo;).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans son essai &laquo;&nbsp;Landscape, Memory and Forgetting&nbsp;&raquo; Catriona Mortimer-Sandilands exprime des r&eacute;flexions tr&egrave;s f&eacute;condes &agrave; propos des liens entre la m&eacute;moire, le corps et le paysage. En s&rsquo;appuyant sur les recherches m&eacute;dicales sur la maladie d&rsquo;Alzheimer et l&rsquo;&eacute;coph&eacute;nom&eacute;nologie de David Abram, elle &eacute;crit&nbsp;:&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le souvenir &ndash; l&rsquo;incarnation d&rsquo;un acte, d&rsquo;un objet, d&rsquo;un lieu ou d&rsquo;un concept dans l&rsquo;une ou l&rsquo;autre partie du cerveau &mdash; n&rsquo;est pas qu&rsquo;une question d&rsquo;un sujet se souvenant. Les histoires &eacute;crites dans les livres comme dans le paysage sont toutes des entrep&ocirc;ts de la m&eacute;moire externes au corps individuel... L&rsquo;acte du souvenir implique une reconnaissance de la relation entre le corps/esprit et le monde externe d&eacute;termin&eacute; par bien plus que des forces internes. L&rsquo;exp&eacute;rience de la m&eacute;moire est ainsi toujours d&eacute;j&agrave; sociale, technologique et physique en cela que les conditions de la relation entre le cerveau et l&rsquo;objet ne peuvent se trouver que dans un &eacute;ventail complexe de conditions qui offrent le sujet &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience et l&rsquo;exp&eacute;rience au sujet. (274)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Il y a, en d&rsquo;autres termes, une porosit&eacute; mutuelle, une intra-action, entre les individus et leurs paysages, tous deux incarnant, comme Abram le sugg&egrave;re, l&rsquo;esprit du lieu</span><a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span style="color:#000099;">[7]</span></a><span style="color:#000000;">.&nbsp;Sans la reconnaissance de la fa&ccedil;on dont la &laquo;&nbsp;relation entre le corps/esprit et le monde ext&eacute;rieur&nbsp;&raquo; pourrait &ecirc;tre articul&eacute;e, ces corps expriment la surprise dans l&rsquo;esprit du lieu &ndash; un esprit dont le souvenir est &laquo;&nbsp;toujours d&eacute;j&agrave; social, technologique et physique&nbsp;&raquo; (Sandilands,&nbsp;&nbsp;&laquo;&nbsp;Landscape, Memory, and Forgetting&nbsp;&raquo;, p. 274).&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais l&rsquo;esprit du lieu est ici un esprit amn&eacute;sique. Paradoxalement, seulement deux si&egrave;cles apr&egrave;s que Pomp&eacute;i ait &eacute;t&eacute; ensevelie par la lave, il ne restait presque aucun souvenir du site. Les fouilles et l&rsquo;&eacute;mergence de ces corps depuis les creux de l&rsquo;espace-temps-mati&egrave;re repr&eacute;sentent donc une autre rupture &eacute;pist&eacute;mique. C&rsquo;est un exemple clair de la fa&ccedil;on dont la force mat&eacute;rielle et les pratiques discursives se m&ecirc;lent en formant le monde humain et non humain &ndash; les corps, le paysage et la m&eacute;moire. Le monde n&rsquo;est pas simplement &laquo;&nbsp;fabriqu&eacute;&nbsp;&raquo; par les discours et la m&eacute;moire culturelle. Il y a une corr&eacute;lation forte, profonde et complexe entre l&rsquo;&eacute;nergie des forces naturelles et celle des forces des pratiques culturelles. Le paysage des discours, des mots et des descripteurs conceptuels se m&ecirc;le au paysage des &eacute;l&eacute;ments, de la g&eacute;ologie, des forces telluriques et atmosph&eacute;riques, des &eacute;quilibres biotiques et &eacute;co-syst&eacute;miques. Le cas de ces corps &ndash; ces maisons, ces choses, ces lieux oubli&eacute;s &ndash; &eacute;mergeant des niveaux souterrains d&rsquo;une ville ensevelie est compl&eacute;mentaire au niveau dialectique avec la mont&eacute;e de la lave du corps de la montagne. Riche en signes et en sens, et donc en informations, ce corps et la lave cr&eacute;ent une association mat&eacute;rielle-s&eacute;miotique. Dans cette association, alors que les corps informent (et racontent) une complexit&eacute; presque oubli&eacute;e (le site antique de Pomp&eacute;i), la lave informe (et raconte) la structure orographique oubli&eacute;e du site, peupl&eacute; par les forces volcaniques et sismiques, bien que consid&eacute;r&eacute; comme une &laquo;&nbsp;simple&nbsp;&raquo; montagne.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_662_13_7 iovino.jpg" style="width: 660px; height: 422px;" /></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Les natures invisibiles</em>, photo de Christian Arpaia</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;oubli que chaque montagne a son propre rythme de mouvement, sa propre chor&eacute;graphie tellurique, signale l&rsquo;oubli humain de la force d&rsquo;action de la nature. Cependant, la corr&eacute;lation mat&eacute;rielle de la m&eacute;moire et de l&rsquo;oubli est une preuve significative de la fa&ccedil;on dont la soci&eacute;t&eacute; et la nature coop&egrave;rent en formant &laquo;&nbsp;un monde de ph&eacute;nom&egrave;nes complexes dans une relation dynamique&nbsp;&raquo; (Tuana, &laquo;&nbsp;Material Locations&nbsp;&raquo; 239).&nbsp;&nbsp;Si ces corps ont laiss&eacute; leurs empreintes et ont transmis leurs histoires &agrave; travers le temps, c&rsquo;est parce que cet interstice s&rsquo;est ouvert par une combinaison d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments biochimiques, de conditions environnementales et d&rsquo;&eacute;nergies g&eacute;ophysiques &agrave; travers le temps. Cet interstice contient une force impersonnelle et des forces inhumaines par d&eacute;finition, d&rsquo;apr&egrave;s Jeffrey Cohen&nbsp;:&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Inhumain&nbsp;signifie non humain [...] et inclut donc un monde de forces, d&rsquo;objets et de choses non humaines. Mais&nbsp;in-humain&nbsp;indique aussi l&rsquo;&eacute;tranger &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur (un corps humain est un &eacute;cosyst&egrave;me rempli d&rsquo;organismes &eacute;trangers ; un ensemble humain est un &eacute;cosyst&egrave;me rempli d&rsquo;objets &eacute;trangers) et requiert &eacute;galement une consid&eacute;ration du violemment&nbsp;inhumain. (&laquo;&nbsp;Zombie Ecology&nbsp;&raquo;)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le &laquo;&nbsp;violemment inhumain&nbsp;&raquo; peut prendre de nombreuses formes&nbsp;: une &eacute;ruption volcanique, un virus, une chute d&rsquo;ast&eacute;ro&iuml;des, une guerre et m&ecirc;me la politique. Associ&eacute;es &agrave; la vie humaine, toutes ces choses forment les &laquo;&nbsp;collectifs&nbsp;&raquo; dans lesquels les objets &eacute;trangers expriment leur force en plein c&oelig;ur de la porosit&eacute;. L&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle sugg&egrave;re que ces &laquo;&nbsp;collectifs&nbsp;&raquo; sont activement contextuels et que leur force est toujours, de fa&ccedil;on poreuse, &laquo;&nbsp;en cours&nbsp;de r&eacute;alisation &laquo; avec un ext&eacute;rieur. Pris dans leur processus d&rsquo;association avec le monde &ndash; d&rsquo;incarnation intra-active &ndash; les corps affichent &laquo;&nbsp;l&rsquo;importance du contexte pour la cognition humaine&nbsp;&raquo;, en relation avec la m&eacute;moire &eacute;galement&nbsp;: &laquo;&nbsp;tout comme la d&eacute;sincarnation requiert que le contexte soit effac&eacute;, l&rsquo;incarnation du souvenir signifie que le contexte est remis dans l&rsquo;image&nbsp;&raquo; (Hayles,&nbsp;<em>How We Became Posthuman&nbsp;</em>203). Au c&oelig;ur de cette dimension poreuse dans laquelle les corps sont absorb&eacute;s par le monde, et le monde &ndash; sous la forme de lave ou de discours &ndash; est absorb&eacute; par les corps, le paysage est le contexte mat&eacute;riel et cognitif de la m&eacute;moire. C&rsquo;est donc un site de transformation des cat&eacute;gories cognitives. Si le souvenir est une &laquo;&nbsp;reconnaissance de la relation entre le corps-esprit et le monde ext&eacute;rieur d&eacute;termin&eacute; par bien plus que des forces internes&nbsp;&raquo; (Mortimer-Sandilands, &laquo;Landscape, Memory, and Forgetting&raquo; 274), alors le paysage est le site qui d&eacute;cide du moment o&ugrave; la relation entre l&rsquo;int&eacute;rieur et l&rsquo;ext&eacute;rieur, le corps-esprit et le monde, est renforc&eacute;e ou progressivement effac&eacute;e. Dans l&rsquo;obscurit&eacute; du V&eacute;suve, une intra-action d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments tr&egrave;s vari&eacute;s a produit un ph&eacute;nom&egrave;ne ironique : de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que le corps &laquo;&nbsp;naturel&nbsp;&raquo; d&rsquo;un volcan a &eacute;t&eacute; oubli&eacute; dans les r&eacute;cits humains de l&rsquo;&eacute;volution, le corps &laquo;&nbsp;culturel&nbsp;&raquo; et plus qu&rsquo;humain de Pomp&eacute;i a &eacute;t&eacute; oubli&eacute; seulement deux si&egrave;cles apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; enseveli par l&rsquo;&eacute;ruption.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans la chor&eacute;graphie des forces se d&eacute;pla&ccedil;ant dans les creux et les pleins de l&rsquo;espace-temps-mati&egrave;re, les &eacute;mergences irr&eacute;guli&egrave;res de nature-cultures surprennent toujours, puis d&eacute;concertent.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Que sont devenues les histoires des corps de Naples aujourd&rsquo;hui ? Les exemples discut&eacute;s ont &eacute;t&eacute; choisis pour r&eacute;pondre &agrave; cette question m&ecirc;me, parce que les histoires qu&rsquo;ils racontent sont toujours &eacute;crites dans les corps d&rsquo;aujourd&rsquo;hui. La premi&egrave;re est une histoire d&rsquo;oubli&nbsp;: une amn&eacute;sie encore visible dans la rupture entre le people du V&eacute;suve et leur terre volcanique, malgr&eacute; la pl&eacute;thore de chansons populaires ou d&rsquo;affirmations rh&eacute;toriques. En r&eacute;alit&eacute;, en d&eacute;pit de la preuve physique, des cognitions incarn&eacute;es, et de tout principe de pr&eacute;vention, le mont V&eacute;suve est redevenu dans l&rsquo;imaginaire local une &laquo;&nbsp;simple&nbsp;&raquo; montagne, couverte d&rsquo;un ensemble (principalement ill&eacute;gal) de constructions qui atteignent presque le crat&egrave;re. La seconde est une histoire de violence&nbsp;: une violence &laquo;&nbsp;lente&nbsp;&raquo; (voir Nixon,&nbsp;<em>Slow Violence</em>)&nbsp;mais inexorablement envahissante sous de nombreuses formes dans la chair et la peau de ces corps terrestres. Ces corps sont souvent toxiques, absorbant dans leur porosit&eacute; des millions de tonnes de polluants ill&eacute;galement jet&eacute;s dans cette r&eacute;gion par l&rsquo;&eacute;comafia et son vaste r&eacute;seau de complices politiques</span><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span style="color:#000099;">[8]</span></a><span style="color:#000000;">.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Toutes ces histoires sont &eacute;crites sur les corps vivants de Naples. Ces corps contiennent souvent une absence, comme dans les pl&acirc;tres de Pomp&eacute;i : c&rsquo;est l&rsquo;absence de la citoyennet&eacute; et de la protection collective, l&rsquo;absence d&rsquo;une &eacute;cologie politique &agrave; la fois des choses et des humains. Ici, l&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle devient une justice environnementale. Ici, comme Marco Armiero et Giacomo D&rsquo;Alisa l&rsquo;&eacute;crivent &agrave; propos de la crise des d&eacute;chets de Naples, &laquo;&nbsp;la v&eacute;ritable fronti&egrave;re entre l&rsquo;environnant et l&rsquo;environn&eacute; est trouble, pla&ccedil;ant le corps humain au carrefour de cette rencontre&nbsp;&raquo; (&laquo;Rights of Resistance&raquo; 56). Dans une perspective mat&eacute;rielle &eacute;cocritique, ce n&rsquo;est pas seulement la fronti&egrave;re entre l&rsquo;environnant et l&rsquo;environn&eacute; qui est troubl&eacute;e, mais aussi la fronti&egrave;re du texte. Le corps est un agent s&eacute;miotique dans sa mat&eacute;rialit&eacute; m&ecirc;me. C&rsquo;est dans le corps que les forces formatrices en action dans la vie d&rsquo;un lieu se mat&eacute;rialisent et s&rsquo;expriment eux-m&ecirc;mes. Les corps de Naples sont des textes, la ville elle-m&ecirc;me est un texte, et sa texture est son propre r&eacute;cit. C&rsquo;est un r&eacute;cit peupl&eacute; de substances, de choix, de voix, de pr&eacute;sences humaines, de maladies, de cicatrices, de m&eacute;moire, d&rsquo;oubli, de catastrophes naturelles, de guerre, de contamination, de peur, de mort et de vie. La force narrative de ces corps poreux transmet la mati&egrave;re et les discours de ces histoires formatrices. Ce faisant, elle cr&eacute;&eacute;e des liens de conscience qui restaurent leur imaginaire politique r&eacute;v&eacute;lant le processus en cours dans la transformation de ces corps. Ici le r&ocirc;le de la litt&eacute;rature et de la cr&eacute;ativit&eacute; est essentiel : quand la cr&eacute;ativit&eacute; humaine &laquo;&nbsp;joue&nbsp;&raquo; avec la force narrative de la mati&egrave;re, intra-agissant avec elle, elle peut g&eacute;n&eacute;rer des histoires et des discours qui &laquo;&nbsp;diffractent&nbsp;&raquo; la complexit&eacute; de notre &laquo;&nbsp;collectif&nbsp;&raquo; poreux. Ainsi, elle produit des &eacute;mergences narratives pour amplifier la r&eacute;alit&eacute;, en affectant &eacute;galement notre r&eacute;ponse cognitive &agrave; cette r&eacute;alit&eacute;. En mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;thique et de politique, ce ph&eacute;nom&egrave;ne a un fort potentiel dans la mise en place d&rsquo;une lib&eacute;ration&nbsp;: apprendre &agrave; voir et &agrave; lire dans les &eacute;cologies textuelles et mat&eacute;rielles &agrave; l&rsquo;origine du tissu de notre existence est la seule r&eacute;ponse contre les&nbsp;&nbsp;id&eacute;ologies fatalistes qui immobilisent nos vies.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bibliographie&nbsp;</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;Abram David, 2010,<em> Becoming Animal&nbsp;: An Earthly Cosmology</em>, New York&nbsp;, Pantheon.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 1996, <em>The Spell of the Sensuous: Perception and Language in a More-Than-Human World</em>,&nbsp;New York, Pantheon.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Alaimo Stacy, 2010,&nbsp;<em>Bodily Natures: Science, Environment, and the Material Self</em>,&nbsp;Bloomington, Indiana University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Armiero Marco, 2008, &laquo;Seeing Like a Protester: Nature, Power, and Environmental Struggles&raquo;,&nbsp;<em>Left History</em>, 13/1, p. 59-76.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Armiero Marco&nbsp;and Giacomo D&rsquo;Alisa, 2012, &laquo;Rights of Resistance: Struggling for Ecological Democracy in the 21st Century&raquo;,&nbsp;<em>Capitalism Nature Socialism</em>, 23.4,&nbsp;p. 52-68.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Barad Karen, 2007, <em>Meeting the Universe Halfway: Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning</em>,&nbsp;Durham, Duke University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Beard Mary, 2008, <em>Pompeii: The Life of a Roman Town,</em> London, Profile Books.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Benjamin Walter et Asia Lacis, 2000, &laquo;Napoli&raquo; in T. W. Adorno, W. Benjamin, S. Kracauer, K. L&ouml;with, A. Sohn-Rethel (eds.),&nbsp;<em>Napoli</em>, Naples,&nbsp;ed. Enrico Donaggio, L&rsquo;Ancora del Mediterraneo, p. 31-41.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bennett Jane, 2010, <em>Vibrant Matter: A Political Ecology of Things</em>, Durham, Duke University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bryant Levy, 2012,&nbsp;&laquo;Stacy Alaimo: Porous Bodies and Transcorporeality&raquo;, Article du blog : http&nbsp;://larvalsubjects.wordpress.com/2012/05/24/stacy-alaimo-porous-bodies-and-trans-corporeality/ (Consult&eacute; le&nbsp;: 25 novembre 2013).&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cohen Jeffrey Jerome, 2014, &laquo;Ecology&rsquo;s Rainbow&raquo;,&nbsp;in&nbsp;Cohen J. J. (ed.),&nbsp;<em>Prismatic Ecologie: Ecotheory Beyond Green</em>,&nbsp;Minneapolis, Minnesota University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2010, &laquo;Stories of Stone&raquo;, <em>Postmedieval: A Journal of Medieval Cultural Studies</em>,&nbsp;1, p.&nbsp;56-63.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2014, &laquo;Zombie Aesthetics: An Ecology of Grey&raquo;,&nbsp;in&nbsp;Cohen J. J. (ed.),&nbsp;<em>Prismatic Ecologie: Ecotheory Beyond Green</em>,&nbsp;Minneapolis, Minnesota University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De Landa Manuel, &nbsp;1997, <em>A Thousand Years of Nonlinear History</em>, New York, Zone.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Farina Almo, 2006, <em>Principles and Methods in Landscape Ecology: Toward a Science of Landscape</em>, Dodrecht, Springer.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hayles N. Katherine, 1999,&nbsp;<em>How We Became Posthuman: Virtual Bodies in Cybernetics, Literature, and Informatics</em>, Chicago and London, The University of Chicago Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Iovino Serenella, 2014, &laquo;Keyword: Pollution&raquo; in&nbsp;Joni Adamson, Bill Gleason et David Pellow (eds),&nbsp;<em>Keywords in the Study of Environment and Culture</em>, New York, New York University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2012, &laquo; Material Ecocriticism: Matter, Text, and Posthuman Ethics &raquo;,&nbsp;Timo M&uuml;ller and Michael Sauter (eds),&nbsp;<em>Literature, Ecology, Ethics: Recent Trends in European Ecocriticism</em>, Heidelberg, Winter Verlag, p. 51-68.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2009,&nbsp;&laquo;Naples 2008, Or, The Waste Land: Trash, Citizenship, and an Ethic of Narration&raquo;,&nbsp;<em>Neohelicon</em>, 36/2,&nbsp;p. 335-46.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2012,&nbsp;&laquo; Restoring the Imagination of Place: Narrative Reinhabitation and the Po Valley &raquo;, in&nbsp;Tom Lynch, Cheryll Glotfelty, et Karla Armbruster (eds),&nbsp;<em>The Bioregional Imagination: Literature, Ecology, and Place</em>,&nbsp;Athens and London, The University of Georgia Press,&nbsp;p. 100-117.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., &laquo;Stories from the Thick of Things: Introducing Material Ecocriticism&raquo;, Premi&egrave;re partie de Serenella Iovino et Serpil Oppermann, &laquo;Theorizing Material Ecocriticism: A Diptych&raquo;,&nbsp;ISLE, Num&eacute;ro sp&eacute;cial sur l&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle, 19.3 (2012)&nbsp;, p. 448-460.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Iovino&nbsp;Serenella and&nbsp;Serpil Oppermann (&eacute;ds), 2014,&nbsp;<em>Material Ecocriticism</em>, Bloomington, Indiana UP.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2012, &laquo;Theorizing Material Ecocriticism: A Diptych&raquo;,&nbsp;<em>ISLE,</em> num&eacute;ro sp&eacute;cial sur l&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle, Heather Sullivan et Dana Phillips (&eacute;ds), 19.3, p. 448-475.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&ouml;with Karl, 2000,&nbsp;&laquo;Pompei e il Vesuvio&raquo; in T. W. Adorno, W. Benjamin, S. Kracauer, K. L&ouml;with, A. Sohn-Rethel,&nbsp;<em>Napoli</em>, &eacute;d.&nbsp;Enrico Donaggio, Naples, L&rsquo;Ancora del Mediterraneo, p. 63-66.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lucretius, 1969, <em>The Way Things Are: The&nbsp;De Rerum Natura&nbsp;of Titus Lucretius Carus</em>, traduction de Rolfe Humphreys. Bloomington, Indiana University Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Marshall&nbsp;Patrick, 1935,&nbsp;&laquo;Acid Rocks of Taupo-Rotura Volcanic District. &raquo;,&nbsp;<em>Royal Society of New Zealand Transactions</em>, vol. 64,&nbsp;pt. 3, p. 323-366.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mortimer-Sandilands, Catriona, 2008, &laquo;Landscape, Memory, and Forgetting: Thinking Through (My Mother&rsquo;s) Body and Place&raquo; in&nbsp;Stacy Alaimo et Susan Hekman (eds),&nbsp;<em>Material Feminisms</em>,&nbsp;Bloomington, Indiana University Press,&nbsp;p. 265-287.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nixon Rob, 2011, <em>Slow Violence and the Environmentalism of the Poor</em>, Cambridge, MT, Harvard University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Past Elena Margarita, 2013, &laquo; &lsquo;Trash is Gold&rsquo;: Documenting the Ecomafia and Campania&rsquo;s&nbsp;Waste Crisis &raquo;,&nbsp;<em>ISLE</em>, 20.3, p. 597-621.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pergolizzi Antonio, 2012, <em>Toxic Italy: Ecomafie e capitalismo. Gli affari sporchi all&rsquo;ombra del progresso</em>,&nbsp;Roma, Castelvecchi.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Strabo,&nbsp;Geography, 1917-1932,<em> textes grecs en regard de la traduction anglaise de H.&nbsp;L.&nbsp;Jones,</em> Loeb Classical Library, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 8 vols. Print.&nbsp;(&eacute;galement disponible en ligne &agrave; l&rsquo;adresse&nbsp;: http&nbsp;://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/Texts/Strabo/home.html)&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tuana Nancy, 2001, &laquo;Material Locations: An Interactionist Alternative to Realism/Social Constructivism&raquo;, in&nbsp;Nancy Tuana et Sandi Morgen (eds),&nbsp;<em>Engendering Rationalities</em>,&nbsp;Bloomington, Indiana University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Id., 2008, &laquo;Viscous Porosity: Witnessing Katrina&raquo; in&nbsp;Stacy Alaimo et Susan Hekman (eds),&nbsp;<em>Material Feminisms</em>, Bloomington, Indiana University Press, p. 188-213.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Varela Francisco J., Evan Thompson, et Eleanor Rosch, 1993,&nbsp;<em>The Embodied Mind: Cognitive Science and Human Experience</em>.&nbsp;Cambridge and London, The MIT Press.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Velardi Claudio,1992, <em>La citt&agrave; porosa: Conversazioni su Napoli</em>,&nbsp;&nbsp;Naples, Cronopio.&nbsp;</span></span></span></p> <div> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a>&nbsp;Serenella Iovino,&nbsp;professor of Italian Studies and Environmental Humanities at the University of North Carolina at Chapel Hill</span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span style="color:#000000;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Cf. S. Iovino, S. Oppermann (eds.),&nbsp;<em>Material Ecocriticism</em>&nbsp;(Bloomington: Indiana UP, forthcoming 2014).&nbsp;Sur les th&eacute;ories de l&rsquo;&eacute;cocritique de la mati&egrave;re, voir, entre autres, Iovino, &laquo;&nbsp;Material Ecocriticism: Matter, Text, and Posthuman Ethics&nbsp;&raquo; et S. Iovino, S. Oppermann, &laquo;&nbsp;Theorizing Material Ecocriticism: A Diptych.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span style="color:#000000;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Invent&eacute; en 1994 par Legambiente, la principale ONG environnementale italienne, le terme italien &laquo;&nbsp;ecomafia&nbsp;&raquo; d&eacute;crit toute une s&eacute;rie d&rsquo;activit&eacute;s criminelles fatales pour l&rsquo;environnement, organis&eacute;es en r&eacute;seaux qui s&rsquo;&eacute;tendent bien au-del&agrave; des fronti&egrave;res italiennes. Parmi ces crimes, jeter ill&eacute;galement les d&eacute;chets repr&eacute;sente le plus profitable et le plus cons&eacute;quent (Pergolizzi,&nbsp;<em>Toxic Italy</em>). Pour un tableau &eacute;cocritique de la crise des d&eacute;chets de Naples, l&rsquo;&eacute;comafia et l&rsquo;&eacute;thique narrative, voir Iovino, &laquo;&nbsp;Naples 2008, or, The Waste Land.&nbsp;&raquo;&nbsp;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span style="color:#000000;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Cf. Benjamin et Lacis, &laquo;&nbsp;Napoli&nbsp;&raquo; 33-39. Voir aussi,&nbsp;<em>La citt&agrave; porosa</em>.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span style="color:#000000;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Le terme &laquo;&nbsp;ignimbrite&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; invent&eacute; par le g&eacute;ologue n&eacute;o-z&eacute;landais Patrick Marshall (1869-1950). Voir son essai &laquo;&nbsp;Acid Rocks&nbsp;&raquo; 1.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span style="color:#000000;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Mot r&eacute;current et concept fondamental de l&rsquo;&eacute;cocritique mat&eacute;rielle, la transcorporalit&eacute; a d&rsquo;abord &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;e par Stacy Alaimo dans son essai &laquo;&nbsp;Trans-corporeal Feminism&nbsp;&raquo; et dans son livre&nbsp;Bodily Natures.&nbsp;Le terme d&eacute;note une dimension &laquo;&nbsp;dans laquelle l&rsquo;humain est toujours entrem&ecirc;l&eacute; avec le monde plus qu&rsquo;humain&nbsp;&raquo; (<em>Bodily Natures</em>&nbsp;2). En ce faisant, il souligne &laquo;&nbsp;la mesure dans laquelle la substance corporelle de l&rsquo;humain est finalement ins&eacute;parable de l&rsquo;environnement&nbsp;&raquo;, attirant notre attention sur &laquo;&nbsp;les actions souvent impr&eacute;visibles et non d&eacute;sir&eacute;es des corps humains, des cr&eacute;atures non-humaines, des syst&egrave;mes &eacute;cologiques, des agents chimiques et d&rsquo;autres acteurs&nbsp;&raquo; (<em>Bodily Natures</em>&nbsp;2).&nbsp;Voir Iovino, &laquo;&nbsp;Steps Toward a Material Ecocriticism&nbsp;&raquo;.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span style="color:#000000;">[7]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Cf. Abram,&nbsp;<em>Becoming Animal&nbsp;et&nbsp;The Spell of the Sensuous</em>. Voir aussi mon essai &laquo;&nbsp;Restoring the Imagination of Place.&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://5F33AD4F-983B-4597-840B-AB3B48BA41C3#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span style="color:#000000;">[8]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Cf. Armiero, &laquo;&nbsp;Seeing Like a Protester;&nbsp;&raquo; Iovino, &laquo;&nbsp;Naples 2008, or The Waste Land,&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;Stories from the Thick of Things,&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Keyword: Pollution&nbsp;&raquo;.&nbsp;&nbsp;Voir aussi Past,&nbsp;&laquo;&nbsp;Trash is Gold&nbsp;&raquo;.</span></span></span></p> </div> </div>