<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Pour certains d&rsquo;entre nous prendre un livre dans ses mains est indiscutablement une op&eacute;ration d&eacute;licate. Apr&egrave;s l&rsquo;exploration visuelle, nous le collons &agrave; nos paumes comme s&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;un fruit de la terre ou de la mer, une sorte de &laquo;&nbsp;pes&eacute;e&nbsp;&raquo;, qui pourrait servir id&eacute;alement &agrave; en d&eacute;terminer la qualit&eacute;, gr&acirc;ce au poids des mots qu&rsquo;il contient. Nous savons toutefois &agrave; quel point cet examen est superficiel, alors nous nous attaquons &agrave; la quatri&egrave;me de couverture, car nous voulons savoir la provenance, l&rsquo;origine du &laquo;&nbsp;fruit&nbsp;&raquo;, ce qui pourrait, qui sait, nous en dire plus sur son go&ucirc;t&hellip; Des consid&eacute;rations tr&egrave;s personnelles qui sont le r&eacute;sultat d&rsquo;une fa&ccedil;on id&eacute;ale de voir l&rsquo;&eacute;criture, de la percevoir comme un acte concret, une naissance qui, avec un but plus ou moins d&eacute;fini, aura des cons&eacute;quences une fois arriv&eacute;e au monde. C&rsquo;est justement cette impression d&rsquo;un signe tangible qu&rsquo;a laiss&eacute; dans mon esprit la lecture de l&rsquo;Anthologie <i>Soyons le changement</i>, la volont&eacute; de creuser notre temps en nous donnant des sursauts de lumi&egrave;re, si divers et profonds, &agrave; travers des mots d&rsquo;auteurs contemporains qui font l&rsquo;Italie aujourd&rsquo;hui. Ainsi, le lecteur passe sa main sur une sculpture aux diverses facettes, mais ressent au bout de ses doigts un ensemble homog&egrave;ne qui appartient &agrave; un m&ecirc;me monde, notre soci&eacute;t&eacute; italienne, que l&rsquo;encre des mots contribue &agrave; tenir solidement ensemble.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Une des cl&eacute;s de lecture des textes se trouve dans le sous-titre, plus particuli&egrave;rement dans le mot &laquo;&nbsp;tendances&nbsp;&raquo;&nbsp;: en explorant l&rsquo;&eacute;criture de ces auteurs contemporains, le recueil tente de capturer les directions que prend la soci&eacute;t&eacute; dans laquelle nous vivons. En questionnant leur regard et l&rsquo;extraordinaire potentiel cathartique offert par l&rsquo;&eacute;criture face aux interrogations et aux pertes de rep&egrave;res continuelles que nous impose notre monde.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Les extraits choisis gravitent autour de trois n&oelig;uds fondamentaux ancr&eacute;s dans un questionnement&nbsp;crucial, tout d&rsquo;abord, au nom des &laquo;&nbsp;cultures r&eacute;gionales et la mondialisation&nbsp;&raquo;. Dans cette section le choix d&rsquo;auteurs comme Erri De Luca ou Carmine Abate n&rsquo;est pas anodin&nbsp;: pour ces auteurs migrants le lieu d&rsquo;origine est celui de la pr&eacute;servation d&rsquo;une culture archa&iuml;que mais toujours vive&nbsp;; migrer n&rsquo;est pas un acte d&rsquo;abandon mais permet de regarder le lieu d&rsquo;origine d&rsquo;un &oelig;il critique, passionn&eacute; et nostalgique. Des terres <i>arb&euml;rech</i> (d&rsquo;origine albanaise) d&rsquo;Abate &agrave; son Allemagne &laquo;&nbsp;formatrice&nbsp;&raquo;, l&rsquo;auteur est fier de ses multiples enracinements, gr&acirc;ce auxquels il s&rsquo;engage pour la sauvegarde de chaque lieu v&eacute;cu, travers&eacute;. Il en est de m&ecirc;me pour De Luca, partisan de ce Sud de la joie et lieu de l&rsquo;abandon des institutions, terre &eacute;lue m&egrave;re de tout, m&ecirc;me de la langue napolitaine, m&eacute;tisse et color&eacute;e qui br&ucirc;le en lui, forg&eacute;e par la chaleur de ce sol volcanique mill&eacute;naire. Le but &eacute;tant de combattre l&rsquo;oubli et l&rsquo;effacement, les dictats&nbsp;d&rsquo;une &eacute;conomie mondialis&eacute;e : ainsi Evelina Santangelo et Anselmo Botte nous mettent face &agrave; un Sud qui d&eacute;vore ses enfants venus d&rsquo;ailleurs, car il n&rsquo;ob&eacute;it d&eacute;sormais qu&rsquo;aux lois partiales du profit. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Au centre du recueil, comme pour fixer le point de balancement de ces textes charnus, se trouve soudain l&rsquo;Avenir, autre n&oelig;ud crucial sous forme du mariage entre &laquo; jeunesse et &eacute;criture,&nbsp;pour un dialogue possible&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est donc un livre qui met au centre le mot &laquo;&nbsp;demain&nbsp;&raquo;, et donne la parole &agrave; ces &eacute;crivains, assur&eacute;s que l&rsquo;&eacute;ducation doit &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une priorit&eacute;&nbsp;: Federico Mello raconte la rencontre g&eacute;n&eacute;rationnelle et explique &agrave; son grand-p&egrave;re &agrave; quel point &ecirc;tre trentenaire aujourd&rsquo;hui est un pari risqu&eacute;, dans un monde o&ugrave; la pr&eacute;carit&eacute; retire le mot &laquo;&nbsp;futur&nbsp;&raquo; du tiroir des r&ecirc;ves. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">C&rsquo;est &agrave; une autre rencontre, avec la g&eacute;n&eacute;ration suivante, que nous invite Andrea Bajani&nbsp;: l&rsquo;&eacute;cole doit aspirer &agrave; b&acirc;tir des individus capables &laquo; d&rsquo;imaginer un monde diff&eacute;rent de celui qu&rsquo;on leur a livr&eacute;, et non simplement capables de rentrer dans des cases d&eacute;j&agrave; trac&eacute;es&nbsp;&raquo; (p. 91)&nbsp;; men&eacute;s par des enseignants responsables,&nbsp; valoris&eacute;s et engag&eacute;s, pr&ecirc;ts &agrave; se remettre en question, et &agrave; croire en leurs &eacute;l&egrave;ves, quand leur pays n&rsquo;a pas cru en eux.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">La troisi&egrave;me partie du recueil &nbsp;est dans la continuation de cette veine li&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation, avec le m&ecirc;me regard vers l&rsquo;avenir, scrutant le comportement de l&rsquo;homme face &agrave; son environnement mais pas exclusivement. Car ici se tisse le lien entre &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature et &eacute;cologie&nbsp;&raquo;, qui requiert notre attention de lecteurs&nbsp;: les textes choisis nous conduisent &agrave; un questionnement sur notre place sur terre, au moment o&ugrave; la biodiversit&eacute;, l&rsquo;air m&ecirc;me que nous respirons, l&rsquo;eau que nous buvons, la mer source de vie sont en danger constant. Ces auteurs r&eacute;clament une prise de conscience qui englobe l&rsquo;homme et son environnement, ils se positionnent contre l&rsquo;exploitation des ressources prenant pour pr&eacute;texte le travail et la survie, et nous invitent &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir sur le rapport que l&rsquo;homme a instaur&eacute; avec le monde aux d&eacute;pens de la nature. C&rsquo;est ainsi que Cosimo Argentina, Carmen Covito, ou Anselmo Botte se penchent sur le travail et sur le sens qu&rsquo;il acquiert aujourd&rsquo;hui, dans une &egrave;re o&ugrave; l&rsquo;exploitation des individus et celle de l&rsquo;environnement ne rencontrent aucune barri&egrave;re et ne provoquent la moindre culpabilit&eacute; chez ceux qui la pratiquent&nbsp;: la crise &eacute;cologique est alors une crise sociale, au sein de laquelle le concept de &laquo;&nbsp;durable&nbsp;&raquo; nous conduit &agrave; une forme &eacute;lev&eacute;e de responsabilit&eacute;. Lorsque ce m&ecirc;me mot est exprim&eacute; en italien, <i>sostenibile</i>, il porte en lui cette po&eacute;tique du soutien, de la prise en charge, vraie, tangible de tout ce qui nous entoure, de la flore &agrave; la faune jusqu&rsquo;&agrave; <i>l&rsquo;autre</i>, dernier rempart contre notre propre ali&eacute;nation. La richesse de la fiction litt&eacute;raire, dans les textes opportun&eacute;ment choisis de Laura Pugno ou de Mauro Corona, nous permet de percevoir ce que serait un monde d&eacute;sormais perdu, dans lequel l&rsquo;homme a d&eacute;finitivement rompu l&rsquo;&eacute;quilibre avec la nature. L&rsquo;utilisation de l&rsquo;&eacute;criture fantastique permet d&rsquo;imaginer le &laquo;&nbsp;futur&nbsp;&raquo;, celui de nos actes manqu&eacute;s, de nos convictions erron&eacute;es et arrogantes, de notre d&eacute;fi lanc&eacute; &agrave; une nature bienveillante&nbsp;: c&rsquo;est alors que l&rsquo;imaginaire litt&eacute;raire peut r&eacute;veiller et renforcer nos valeurs aujourd&rsquo;hui, fermement et concr&egrave;tement, avant qu&rsquo;il ne soit trop tard.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Pour toutes ces raisons <i>Soyons le changement</i> est un livre important. Il s&rsquo;adresse &agrave; ceux qui d&eacute;couvriront la litt&eacute;rature italienne, surtout aux jeunes g&eacute;n&eacute;rations&nbsp;: cette approche se fera de mani&egrave;re constructive, en entrant de pied ferme dans un territoire o&ugrave; la lecture porte en elle un pouvoir germinatif infini&nbsp;; chaque mot sem&eacute; est l&rsquo;espoir de voir enfin le monde comme &laquo;&nbsp;n&ocirc;tre&nbsp;&raquo;, digne de notre persistante attention. Ceux qui se plongeront dans ces lectures accompliront deux voyages. L&rsquo;un vers un pays, l&rsquo;Italie, renversant de beaut&eacute;s et de contradictions, cristallis&eacute; dans son dilemme permanent entre cr&eacute;ation et autodestruction. L<i>&rsquo;autre</i> dans cette litt&eacute;rature italienne contemporaine, &nbsp;responsable et vive, qui veut inscrire sur sa propre peau de papier, en lettres d&rsquo;encre et de sang, le mot <i>changement</i>&hellip; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt">&nbsp;</p>