<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">Cet article entend étudier l’importance de la notion empathique dans la naissance de l’abstraction chez Wassily Kandinsky à la lumière de la théorie spirituelle de Rudolf Steiner, d’une part, des compositions scéniques développées par l’artiste russe dans les années 1910, de l’autre. L’empathie comme résonnance immatérielle et instinctive entre les Hommes porte en elle l’utopie d’un langage universel, utopie centrale dans la pensée spiritualiste théosophique et anthroposophique développée par Rudolf Steiner. Celui-ci attribue à l’Art la valeur la plus profondément spirituelle et, à ce titre, la responsabilité de contrer le déclin matérialiste de l’Humanité et de réenchanter le Monde. Par sa nature vibratoire, l’Art aurait en effet le destin et le pouvoir de mener les êtres humains à l’illumination épiphanique et à la révélation des secrets du cosmos et de sa propre nature, clés de l’avènement de l’harmonie universelle. Ce substrat théorique entretient un dialogue particulièrement fécond avec la pensée développée par l’artiste russe – qui assistait aux conférences munichoises de Steiner au cours de l’année 1905 – dans son essai <i>Du Spirituel dans l’Art</i> où il écrit l’artiste clairvoyant comme prophète cherchant l’illumination de l’Esprit et conduisant à l’harmonie universelle en créant un art nouveau, exprimant la forme supérieure la création, l’union des mediums artistiques qui exprimerait alors l’absolu spirituel et vibratoire de l’Art dans sa pureté originelle. L’essence spirituelle de l’Art, que dévoilerait l’union de ses médiums, est ainsi, pour Steiner comme pour Kandinsky, est ainsi celle d’un langage universel, instinctif et introspectif, celui de la vibration, communiquant à chaque homme la réalité de leur appartenance à une réalité spirituelle commune et portant, dans sa propre existence, l’idée de l’harmonie.</span></span></span></p>
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<p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt"><span style="font-size:12pt"><span style="font-family:"Calibri", sans-serif"><span style="font-family:"Times New Roman",serif">De la nature spirituelle commune à tous les esprits humains à l’essence de l’Art comme activité de l’introspection spirituelle, ce <i>« langage de l’âme »</i> (Steiner), <i>« langage des arts destiné à l’oreille de l’âme »</i> (Kandinsky) transmis par la vibration place un absolu fantasmé d’empathie universelle comme horizon de la création et de la quête de l’union des arts qui se concrétisera chez Steiner comme Kandinsky, par la composition scénique. Mettant en relation directement les âmes des spectateurs et des artistes autour de leur langage spirituel commun, la scène devient ainsi le lieu d’expression de l’empathie comme illumination et l’art comme absolu après la réunion de ses formes médiales. Notre article décrira ainsi comment l’empathie fut le fondement et la finalité d’une théorie esthétique spirituelle autour du modernisme vibratoire transcendantal, et conduisit à une forme de composition scénique qui ouvrit des horizons nouveaux de transcendance pour les performances et demeure le <i>« laboratoire expérimental »</i> (Félix Thürlemann) du modèle compositionnel, de la théorie synesthétique et de la foi en la transcendance vibratoire comme empathie, qui tout-ensemble paveront la voie de Kandinsky vers l’abstraction picturale. Plaçant un langage d’empathie universelle comme finalité de la nature spirituelle de l’art, Steiner et Kandinsky developpent ainsi, au cours des années 1900, une théorie du tryptique entre arts, langages et empathie sensée répondre, par l’harmonie, aux grands enjeux matériels, spirituels, naturels et anthropocènes du siècle à venir.</span></span></span></p>