<p>Sc&egrave;ne dramatique puis&eacute;e au r&eacute;cit de la tradition &eacute;vang&eacute;lique, la Crucifixion de J&eacute;sus de Nazareth donne lieu &agrave; une myriade de repr&eacute;sentations artistiques, culturelles et religieuses. Elles sont rep&eacute;rables dans l&rsquo;histoire des arts visuels depuis l&rsquo;Antiquit&eacute; et le Moyen &Acirc;ge jusqu&rsquo;aux crucifiements de la Renaissance et du Baroque, qui inscrivent le motif path&eacute;tique dans le contexte des Guerres de Religion &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de la R&eacute;forme et de la Contre-R&eacute;forme. Du XVIIe au XIXe si&egrave;cle, les syst&egrave;mes acad&eacute;miques des Beaux-Arts int&egrave;grent cette tradition iconographique dans les programmes de l&rsquo;&Eacute;tat et de l&rsquo;&Eacute;glise, avant m&ecirc;me que la papaut&eacute; aux temps modernes, notamment sous Pie XII et Paul VI, soutienne l&rsquo;essor d&rsquo;un art sacr&eacute; invitant les artistes visuels &agrave; rem&eacute;diter le myst&egrave;re de la Passion du Christ &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements qu&rsquo;engendrent pauvret&eacute;s, souffrances et deuils, tels que les guerres mondiales, les &eacute;pid&eacute;mies ou les g&eacute;nocides. D&egrave;s lors, si les collections d&rsquo;Art religieux moderne des Mus&eacute;es du Vatican et des mus&eacute;es dioc&eacute;sains constituent de valides exemples de patrimonialisation, les figurations artistiques de la Crucifixion se retrouvent &eacute;galement &agrave; travers de nombreuses collections nationales, d&eacute;partementales ou priv&eacute;es. Nous nous int&eacute;ressons &agrave; la cr&eacute;ation artistique de la Premi&egrave;re Guerre mondiale, &eacute;largissant l&rsquo;enqu&ecirc;te iconographique aux m&eacute;moriaux de guerre, monuments aux morts et cimeti&egrave;res militaires. Mobilisant un corpus internationalis&eacute;, il s&rsquo;agit d&rsquo;interroger les figurations artistiques de la sc&egrave;ne de la Crucifixion de J&eacute;sus de Nazareth en tant que formes de l&rsquo;empathie et t&eacute;moignages de la cr&eacute;ation artistique, pendant la Grande Guerre et apr&egrave;s. Les productions iconographiques d&rsquo;artistes combattants sont privil&eacute;gi&eacute;es, mais il s&rsquo;agit &eacute;galement de confronter, par exemples choisis, certaines strat&eacute;gies figuratives d&rsquo;artistes non-combattants, qui tendent &agrave; concevoir de mani&egrave;re particularis&eacute;e le th&egrave;me iconographique de la Crucifixion, souvent dans le cadre d&rsquo;une imagerie m&eacute;diatique ou de propagande. Dans quelle mesure les artistes visuels (peintres notamment, mais aussi sculpteurs et graphistes) qui ont fait l&rsquo;exp&eacute;rience de la guerre s&rsquo;approprient-ils de crucifix et corps crucifi&eacute;, en restituant une vision aussi dramatique qu&rsquo;&eacute;motionnelle de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement guerrier ? Comment la probl&eacute;matique de la transmission de la connaissance est-elle impliqu&eacute;e dans ces cr&eacute;ations artistiques qui se situent &agrave; la fronti&egrave;re entre contemporan&eacute;it&eacute; et m&eacute;moire, perception de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et imaginaire social, ou encore entre fiction et histoire ? Enfin, les images de la Crucifixion de J&eacute;sus de Nazareth produites au tournant de la Grande Guerre r&eacute;v&egrave;lent-elles du retour d&rsquo;une imagerie chr&eacute;tienne qui puiserait aux sources gothiques du Moyen &Acirc;ge ? Pour r&eacute;pondre &agrave; ces questions, il s&rsquo;agit de v&eacute;rifier la tenue heuristique de la notion d&rsquo;empathie, se focalisant sur des contributions de th&eacute;orie critique. De surcro&icirc;t, il importe d&rsquo;interroger les trajectoires individuelles et collectives des acteurs et t&eacute;moins du premier conflit mondial, &agrave; l&rsquo;aune des processus diff&eacute;renci&eacute;s de cr&eacute;ation artistique. Il s&rsquo;agit de d&eacute;montrer non seulement que les images d&rsquo;art r&eacute;sistent en partie &agrave; la s&eacute;cularisation, mais aussi comment le motif path&eacute;tique de la Crucifixion peut transformer son iconographie par les biais de l&rsquo;empathie, en agen&ccedil;ant ainsi des m&eacute;moires et des contre-m&eacute;moires de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement historique.</p>