<p><span style="font-size:11.0pt"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Michel Zink, dans son ouvrage&nbsp;<em>Litt&eacute;rature fran&ccedil;aise du Moyen &Acirc;ge,&nbsp;</em>insiste sur le fait que celle-ci&nbsp;elle n&rsquo;est &quot;<em>pas&nbsp;aussi rebutante ni aussi glac&eacute;e qu&rsquo;on a voulu ou qu&rsquo;on pourrait le croire. L&rsquo;&eacute;panchement et la peinture de soi, comme la profondeur du myst&egrave;re et la s&eacute;duction du r&eacute;cit, ne lui sont nullement &eacute;trangers</em>&quot;, et d&#39;ailleurs cette litt&eacute;rature met un point d&#39;honneur &agrave; susciter les &eacute;motions de ses lecteurs. Profond&eacute;ment marqu&eacute;s par le principe chr&eacute;tien de la charit&eacute;, les hommes m&eacute;di&eacute;vaux r&eacute;agissent de fa&ccedil;on empathique, voire sympathique, et de nombreux auteurs litt&eacute;raires ont &eacute;rig&eacute; l&#39;empathie comme principe esth&eacute;tique d&#39;&eacute;criture. Cet article, &agrave; la confluence d&rsquo;une lecture anthropologique sous-tendue par les perspectives des <i>Care studies </i>(qui ne s&rsquo;int&eacute;ressent pas &agrave; la litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale), propose ainsi de relire quelques textes dans lesquels l&rsquo;&eacute;criture se veut &agrave; la fois incitation &agrave; et acte de sollicitude, mais aussi, dans le m&ecirc;me temps, un acte de soin. Dans les&nbsp;<em>Lais&nbsp;</em>de Marie de France, on observe par exemple de la part de la narratrice une forme d&#39;&eacute;criture compassionnelle qui passe par une grande importance accord&eacute;e &agrave; la voix des personnages f&eacute;minins enferm&eacute;s ou contraints, et une attention soutenue &agrave; leurs points de vue. Ce dispositif &eacute;nonciatif recr&eacute;e ainsi une forme de sororit&eacute; entre auteure, personnages et lect&middot;eur&middot;rices, le tout &eacute;tant renforc&eacute; par la forme musicale et lyrique du lai de Marie. Cette forme rappelle aussi les chansons de toile ou de malmari&eacute;e, dans lesquelles la voix, les cris, le bruit de ces femmes s&eacute;questr&eacute;es au logis sont enregistr&eacute;s &agrave; travers une narration profond&eacute;ment musicale qui se rapproche de la complainte. D&egrave;s lors, cette empathie narratoriale ne peut-elle pas susciter une r&eacute;action semblable chez le lecteur et ne peut-elle pas non plus &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme un travail de soin litt&eacute;raire ? C&#39;est ce que cet article propose d&#39;&eacute;tudier.&nbsp;Nous observerons aussi, selon le m&ecirc;me objectif, les narrations b&acirc;ties sur le th&egrave;me de la femme pers&eacute;cut&eacute;e. Que ce soit dans <i>La Manekine </i>de Philippe de R&eacute;mi ou dans <i>Le Roman de la Violette </i>de Gerbert de Montreuil, la r&eacute;solution de la crise n&rsquo;est jamais totale sans une r&eacute;paration des liens entre les individus. Si la r&eacute;paration de situations mat&eacute;rielles est bien entendu importante, ces types de romans mettent l&rsquo;accent sur une restauration de la relationnalit&eacute; des &ecirc;tres. En effet, tout au long des romans, la d&eacute;sunion entre les individus perturbe la construction et la progression di&eacute;g&eacute;tique ainsi que les certitudes des personnages qui deviennent obs&eacute;d&eacute;s par le manque de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne rejet&eacute;e initialement. Tous ces romans constituent ainsi des parcours philosophiques qui questionnent les attitudes des lecteurs et les incitent &agrave; <i>faire attention, &agrave; prendre soin des autres. </i>La litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale se r&eacute;v&egrave;le ainsi &ecirc;tre un travail de <i>care </i>en ce qu&rsquo;elle rappelle des existences invisibilis&eacute;es et marginalis&eacute;es, les fait entendre et les re-marque, par l&rsquo;inscription dans un projet litt&eacute;raire, comme des individus dignes de consid&eacute;ration et auxquels/qu&#39;il faut&nbsp;<em>panser.&nbsp;</em></span></span></span></p>