<p style="-webkit-text-stroke-width: 0px; text-indent: 35.4pt; text-align: center;"><span style="font-size:24px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><b><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">La rencontre&nbsp;: exp&eacute;rience de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et naissance po&iuml;&eacute;tique</span></span></b></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-indent:0px; -webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Matthieu Founeau</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span></p> <div style="text-align:start; text-indent:0px; -webkit-text-stroke-width:0px">&nbsp;</div> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Cette recherche se donne pour ambition de questionner l&rsquo;empathie via le prisme de la rencontre comme &eacute;l&eacute;ment &agrave; la fois r&eacute;v&eacute;lateur et cr&eacute;ateur. En effet, &agrave; travers toute condition de temps et d&rsquo;espace, la rencontre appara&icirc;t en litt&eacute;rature et dans les arts plastiques comme la monstration et la r&eacute;v&eacute;lation d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; pure et stup&eacute;fiante induisant une attitude qui est celle de l&rsquo;empathie. Dans ce maillage de disciplines (litt&eacute;rature, performance et philosophie), nous tenterons de questionner l&rsquo;esth&eacute;tique de la rencontre afin de comprendre ce qu&rsquo;elle peut justement nous apprendre et nous r&eacute;v&eacute;ler &agrave; propos de l&rsquo;empathie en tant que n&eacute;cessit&eacute; et acte po&iuml;&eacute;tique. Il s&rsquo;agira alors d&rsquo;entendre le concept d&rsquo;empathie comme un rapport &eacute;thique et r&eacute;ciproque d&rsquo;&eacute;changes, d&rsquo;apports et de dialogues. Dans un premier temps, nous prendrons comme sujet d&rsquo;&eacute;tude le personnage de Robinson Cruso&eacute; (Defoe, Tournier) plong&eacute; initialement dans une exp&eacute;rience extr&ecirc;me de la solitude. Reclus sur son &icirc;le d&eacute;serte, nous tenterons de voir comment cette solitude marque chez le personnage une rupture r&eacute;v&eacute;latrice d&rsquo;une n&eacute;cessit&eacute; absolue d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. N&eacute;cessit&eacute; combl&eacute;e dans un second moment de lecture par la rencontre fortuite et surprenante de Vendredi qui appara&icirc;t alors comme une figure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pure qui met Robinson dans une situation empathique de face &agrave; face o&ugrave; les visages se regardent et s&rsquo;interpellent dans un jeu de r&eacute;ciprocit&eacute;s au sein duquel &eacute;merge une dimension &eacute;thique. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&Agrave; partir de cette analyse litt&eacute;raire de la rencontre, nous observerons la performance <i>The artist is present</i> de Marina Abramovic, r&eacute;alis&eacute;e en 2010, afin de mieux cerner et mieux questionner l&rsquo;aptitude cr&eacute;atrice et po&iuml;&eacute;tique de la rencontre en tant qu&rsquo;espace presque utopique o&ugrave; deux visages se croisent et se d&eacute;couvrent. Riche de cette exp&eacute;rience artistique, nous &eacute;tudierons le regard et le visage dans une approche o&ugrave; se fonde un respect mutuel et &eacute;thique tel que le pr&eacute;sente Levinas. Entre individualit&eacute; et alt&eacute;rit&eacute;, le philosophe explicite en langage ce qui r&eacute;sulte de ce moment auratique qui induit l&rsquo;empathie, le respect et l&rsquo;&eacute;thique. Enfin il s&rsquo;agira, dans une forme plus personnelle, de relater une exp&eacute;rience intime de la rencontre qui est celle v&eacute;cue en 2016 lors de la performance au Palais de Tokyo intitul&eacute;e <i>This progress</i> et propos&eacute;e par l&rsquo;artiste Tino Sehgal. &Agrave; travers ce r&eacute;cit presque initiatique nous pourrons rejoindre &agrave; la fois une exp&eacute;rience personnelle et universelle qui d&eacute;taille l&rsquo;aspect surprenant de la rencontre en tant qu&rsquo;&eacute;l&eacute;ment caract&eacute;ristique et r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;empathie. Il s&rsquo;agira ainsi de comprendre et d&rsquo;entendre ce qui, dans le face &agrave; face impr&eacute;visible avec l&rsquo;autre, se trame et se montre philosophiquement et artistiquement. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><b><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Robinson &amp; Vendredi </span></span></b></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp; Avant de saisir la rencontre comme &eacute;l&eacute;ment privil&eacute;gi&eacute; de l&rsquo;empathie, il convient d&rsquo;observer le corps comme support premier et n&eacute;cessaire d&rsquo;un &eacute;change &eacute;thique et r&eacute;ciproque. Entre priv&eacute; et public, intime et extime, le corps fonde le rapport premier &agrave; l&rsquo;autre car il est &agrave; la fois un &eacute;l&eacute;ment de liaison et de d&eacute;liaison qui agit selon un fonctionnement articulatoire. Emmanuel Levinas, dont la pens&eacute;e immense sur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; nous accompagnera tout au long de cet &eacute;crit, nous dit ainsi que&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<i>Etre corps</i> c&rsquo;est d&rsquo;une part <i>se tenir</i>, &ecirc;tre ma&icirc;tre de soi, et, d&rsquo;autre part se tenir sur terre, &ecirc;tre dans l&rsquo;<i>autre</i> et par l&agrave;, &ecirc;tre encombr&eacute; de son corps&nbsp;&raquo; (Levinas, 1990, p. 177). Il s&rsquo;agit l&agrave; de se tenir dans une articulation insaisissable et utopique qui tend &agrave; harmoniser solitude et solidaire, le moi seul et le moi avec l&rsquo;autre. Avant de questionner la rencontre, il s&rsquo;agit en effet d&rsquo;en comprendre sa condition de naissance qui appara&icirc;t dans la notion de solitude. Pour ce faire, nous nous appuierons dans cette premi&egrave;re partie, &agrave; titre indicatif, sur le personnage de Robinson Cruso&eacute; qui est &agrave; la fois initiateur et r&eacute;v&eacute;lateur des qualit&eacute;s de l&rsquo;empathie. La solitude est par exemple un &eacute;l&eacute;ment essentiel et formateur dans le r&eacute;cit de Robinson&nbsp;Cruso&eacute;. Cette solitude, qui atteint son paroxysme avec l&rsquo;&eacute;pisode de la grotte, est suivie d&rsquo;une exp&eacute;rience in&eacute;dite de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, de la rencontre, qui relance tout autant le r&eacute;cit que le langage. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Si Robinson&nbsp;s&rsquo;accommode progressivement de sa solitude subie, c&rsquo;est dans un premier temps une rupture violente qui fonde son d&eacute;tachement du r&eacute;el et en accentue sa perte. Isol&eacute; par l&rsquo;&icirc;le qui marque son &eacute;cart du monde, le personnage d&eacute;couvre la surprenante et inattendue solitude qui l&rsquo;accable initialement et le perd dans cet &eacute;loignement premier que n&eacute;cessite le r&eacute;cit. A cette solitude stup&eacute;fiante s&rsquo;ajoute la perte de rep&egrave;res spatio-temporels et c&rsquo;est ainsi que Michel Tournier&nbsp;nous pr&eacute;sente un naufrag&eacute; esseul&eacute; et perdu&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il &eacute;tait plus grave &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire plus lourd, plus triste &ndash; d&rsquo;avoir pleinement reconnu et mesur&eacute; cette solitude qui allait &ecirc;tre son destin pour longtemps peut-&ecirc;tre&nbsp;&raquo; (Tournier, [1971]2012, p. 19). Dans une perte des rep&egrave;res spatio-temporels, Robinson&nbsp;est accabl&eacute; par cette rupture qui est accentu&eacute;e par l&rsquo;absence de l&rsquo;autre comme entit&eacute; significative et repr&eacute;sentative. C&rsquo;est dans cette perte initiale que Robinson&nbsp;ressent le besoin de construire sa cabane et par la suite d&rsquo;y installer un assemblage d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments afin d&rsquo;&eacute;crire son histoire, son journal et donc de partager avec l&rsquo;&eacute;crit son exp&eacute;rience de la rupture. Dans cette qu&ecirc;te de communication, de transmission et de signification, Robinson&nbsp;traduit son absence de dialogue, de langage oral qui d&eacute;coule de son insupportable solitude. Ainsi dit-il, &laquo;&nbsp;ici je suis devenu peu &agrave; peu une mani&egrave;re de sp&eacute;cialiste du silence, des silences&nbsp;&raquo; (<i>ibid.</i>, p. 84). Face au besoin rassurant de partager son exp&eacute;rience par le langage, le personnage ne rencontre en face de lui personne &agrave; qui communiquer son histoire, son aventure. L&rsquo;ensemble de son corps projet&eacute; vers l&rsquo;ext&eacute;rieur demeure sans r&eacute;ponse, confront&eacute; &agrave; l&rsquo;immensit&eacute; de l&rsquo;illimit&eacute; qui lui fait face, dont la mer m&eacute;taphorise l&rsquo;insaisissable et inatteignable profondeur. Personne donc ne lui fait face et aucun retour ne parvient de ses tentatives d&rsquo;&eacute;changes et de rencontres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Chacun de ses gestes, chacun de ses travaux &eacute;tait un appel lanc&eacute; vers quelqu&rsquo;un et demeurait sans r&eacute;ponse&nbsp;&raquo; (<i>ibid.</i>, p. 124). Son corps fait l&rsquo;exp&eacute;rience clivante de l&rsquo;unilat&eacute;ralisme, c&rsquo;est-&agrave;-dire que l&rsquo;absence d&rsquo;autrui implique un fonctionnement unique et imperm&eacute;able. S&rsquo;il est capable d&rsquo;investir l&rsquo;espace avec son corps pour habiter l&rsquo;&icirc;le, il s&rsquo;agit d&rsquo;une exp&eacute;rience marqu&eacute;e par le sceau de la solitude, par l&rsquo;absence d&rsquo;un partage et d&rsquo;&eacute;changes cr&eacute;ateurs et transmissibles. Echou&eacute; sur cette &icirc;le inconnue, esseul&eacute; et inquiet, &laquo;&nbsp;Narcisse d&rsquo;un genre nouveau, ab&icirc;m&eacute; de tristesse, recru de d&eacute;go&ucirc;t de soi, il m&eacute;dita longuement en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te avec lui-m&ecirc;me. Il comprit que notre visage est cette partie de notre chair que mod&egrave;le et remod&egrave;le, r&eacute;chauffe et anime sans cesse la pr&eacute;sence de nos semblables&nbsp;&raquo; (<i>ibid.</i>, p. 90). Dans ce retrait du monde dont il s&rsquo;accommode peu &agrave; peu pour partager l&rsquo;espace et le temps d&rsquo;un ailleurs inconnu, Robinson&nbsp;ressent le manque d&rsquo;un visage essentiel vers lequel se tourner, auquel s&rsquo;adresser, ne serait-ce que pour effectivement exister en dehors de son propre corps. Sa voix s&rsquo;&eacute;lance dans le vide et ne trouve aucun &eacute;cho dans cette absence de visage&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">J&rsquo;ai beau sans cesse parler &agrave; haute voix, ne jamais laisser passer une r&eacute;flexion, une id&eacute;e sans aussit&ocirc;t la prof&eacute;rer &agrave; l&rsquo;adresse des arbres ou des nuages, je vois de jour en jour s&rsquo;effondrer des pans entiers de la citadelle verbale dans laquelle notre pens&eacute;e s&rsquo;abrite et se meurt famili&egrave;rement, comme la taupe dans son r&eacute;seau de galeries.&nbsp;(<i>ibid.</i>, p. 68) </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Dans cet enfoncement du langage, que ressent petit &agrave; petit Robinson,&nbsp;intervient l&rsquo;&eacute;pisode de la grotte qui correspond &agrave; une approche ultime de l&rsquo;aveuglement et du silence. Cette &eacute;preuve &eacute;rotique et corporelle de l&rsquo;isolement au fin fond de la grotte marque l&rsquo;aboutissement et l&rsquo;accomplissement de cette solitude exacerb&eacute;e qui devient critique. Dans cet isolement qui &eacute;volue crescendo vers une rupture totale et sans aucun lien avec l&rsquo;ext&eacute;rieur, Robinson&nbsp;accomplit une &eacute;tape essentielle et cr&eacute;atrice de son aventure utopique qui lui permet alors de disposer de nouveaux &eacute;l&eacute;ments pour progresser. Il d&eacute;couvre la v&eacute;ritable n&eacute;cessit&eacute; du langage, &agrave; savoir un langage qui relie les hommes dans une fraternit&eacute; cr&eacute;ative et &eacute;thique qui accueille et accompagne. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;isolement total et st&eacute;rile devient la r&eacute;v&eacute;lation d&rsquo;un besoin primordial et n&eacute;cessaire d&rsquo;&eacute;changer avec l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, d&rsquo;&eacute;prouver l&rsquo;empathie qui m&rsquo;appelle et se donne en r&eacute;ponse&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le langage rel&egrave;ve en effet d&rsquo;une fa&ccedil;on fondamentale de cet univers peupl&eacute; o&ugrave; les autres sont comme autant de phares cr&eacute;ant autour d&rsquo;eux un &icirc;lot lumineux &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur duquel tout est &ndash; sinon connu &ndash; du moins connaissable&nbsp;&raquo; (<i>ibid.</i>, p. 54). Dans la perte de rep&egrave;res et de l&rsquo;autre, il comprend et d&eacute;couvre ce qui est en cela r&eacute;ellement essentiel c&rsquo;est-&agrave;-dire un assemblage de connexions qui relient les &ecirc;tres et les choses ensemble. L&rsquo;autre n&rsquo;est plus &agrave; percevoir comme une possibilit&eacute; mais comme un besoin, une n&eacute;cessit&eacute; qui le relie &agrave; lui-m&ecirc;me en tant qu&rsquo;acte de langage et de sens.&nbsp; En lien avec l&rsquo;autre inconnu qui me ressemble se trame un lien de significations mais aussi de cr&eacute;ations. Ce lien me donne acc&egrave;s &agrave; la v&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;existence tout autant qu&rsquo;&agrave; celle du langage qui l&rsquo;affirme et de l&rsquo;art qui la montre. Il s&rsquo;agit dans l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; de s&rsquo;&eacute;carter des &eacute;cueils et des erreurs pour acc&eacute;der &agrave; l&rsquo;affirmation et l&rsquo;effectuation de la v&eacute;rit&eacute; en acte. C&rsquo;est cela que d&eacute;couvre Robinson&nbsp;dans son exp&eacute;rience prolong&eacute;e et ma&iuml;eutique de la solitude&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Contre l&rsquo;illusion d&rsquo;optique, le mirage, l&rsquo;hallucination, le r&ecirc;ve &eacute;veill&eacute;, le fantasme, le d&eacute;lire, le trouble de l&rsquo;audition &hellip; le rempart le plus s&ucirc;r, c&rsquo;est notre fr&egrave;re, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu&rsquo;un, grands dieux, quelqu&rsquo;un&nbsp;!&nbsp;(<i>ibid.</i>, p. 55)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp;Dans cette qu&ecirc;te de l&rsquo;autre appara&icirc;t donc le sentiment d&rsquo;une n&eacute;cessit&eacute; fondatrice de la v&eacute;rit&eacute; qui dirige ma pens&eacute;e et mes actes. Si cela est possible en son for int&eacute;rieur, son existence propre ne peut se faire qu&rsquo;&agrave; travers une ext&eacute;riorit&eacute; qui r&eacute;pond et accueille tout autant qu&rsquo;elle renvoie et projette. Ainsi se construit la pens&eacute;e en acte, une pens&eacute;e fond&eacute;e en un int&eacute;rieur qui se transmet et s&rsquo;effectue vers un ext&eacute;rieur inconnu, un autre qui me fait face. Le corps en tant qu&rsquo;espace envelopp&eacute; d&rsquo;une peau transitionnelle et poreuse articule cette double efficacit&eacute; entre un dedans introspectif et un dehors expressif et connectif. C&rsquo;est cette vision articulatoire que donne Tournier&nbsp;dans le r&eacute;cit de Robinson&nbsp;Cruso&eacute; lorsqu&rsquo;il pense&nbsp;:</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">que l&rsquo;&acirc;me ne commence &agrave; avoir un contenu notable, qu&rsquo;au-del&agrave; du rideau de peau qui s&eacute;pare l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;ext&eacute;rieur, et qu&rsquo;elle s&rsquo;enrichit ind&eacute;finiment &agrave; mesure qu&rsquo;elle s&rsquo;annexe des cercles plus vastes autour du point-moi.&nbsp;(<i>ibid.</i>, p. 70)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&Agrave; la suite de l&rsquo;&eacute;pisode fondateur de la grotte, m&eacute;taphore de la rupture et de l&rsquo;enfermement ultime, Robinson&nbsp;r&eacute;alise la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;un lien vers et avec l&rsquo;ext&eacute;rieur qui fonde la r&eacute;ponse de sa propre int&eacute;riorit&eacute;. Entre dedans et dehors, entre lui et l&rsquo;autre, s&rsquo;instaure un &eacute;change, un langage, et donc la possibilit&eacute; d&rsquo;habiter l&rsquo;espace et le temps. &Agrave; travers cette rencontre fondamentale, le narrateur fait l&rsquo;exp&eacute;rience de la &laquo;&nbsp;pens&eacute;e du dehors&nbsp;&raquo; telle que Foucault la pr&eacute;sente en proposant de convertir le langage r&eacute;flexif&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Il doit &ecirc;tre tourn&eacute; non pas vers une confirmation int&eacute;rieure &ndash; vers une sorte de certitude centrale d&rsquo;o&ugrave; il ne pourrait plus &ecirc;tre d&eacute;log&eacute; -, mais plut&ocirc;t vers une extr&eacute;mit&eacute; o&ugrave; il lui faut toujours se contester&nbsp;: parvenu au bord de lui-m&ecirc;me, il ne voit pas surgir la positivit&eacute; qui le contredit, mais le vide dans lequel il va s&rsquo;effacer&nbsp;; et vers ce vide il doit aller, en acceptant de se d&eacute;nouer dans la rumeur, dans l&rsquo;imm&eacute;diate n&eacute;gation de ce qu&rsquo;il dit, dans un silence qui n&rsquo;est pas l&rsquo;intimit&eacute; d&rsquo;un secret, mais le pur dehors o&ugrave; les mots se d&eacute;roulent ind&eacute;finiment.&nbsp;(Foucault, [1966]1994, p.523)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp;La vision du voyageur nomade alternant solitude et communaut&eacute;, intime et extime, &eacute;claire l&rsquo;architecture dans un questionnement sur l&rsquo;habitat qui se place &agrave; l&rsquo;intersection de ces deux principes. L&agrave; o&ugrave; le corps architecture le geste et la pens&eacute;e dans un rapport entre int&eacute;riorit&eacute; et ext&eacute;riorit&eacute;, il faut voir un parall&egrave;le avec l&rsquo;acte de construire et de cr&eacute;er. C&rsquo;est cette ligne directrice que suit par exemple Le Corbusier, architecte&nbsp;pour qui l&rsquo;harmonisation entre solitude et communaut&eacute; est primordiale, originelle et n&eacute;cessaire pour l&rsquo;architecture o&ugrave;, &laquo;&nbsp;la vie ne s&rsquo;&eacute;panouit que dans la mesure o&ugrave; s&rsquo;accordent les deux principes contradictoires qui r&eacute;gissent la personnalit&eacute; humaine&nbsp;: l&rsquo;individuel et le collectif&nbsp;&raquo; (Le Corbusier, 1957, p.20). D&egrave;s lors, &agrave; la jonction de ces deux valeurs, nous tenterons de percevoir le fonctionnement de la rencontre qui ambitionne tout autant la philosophie, l&rsquo;&eacute;thique que l&rsquo;art et l&rsquo;architecture.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;En r&eacute;ponse aux moments n&eacute;cessaires de solitude, l&rsquo;&ecirc;tre s&rsquo;accomplit pleinement dans sa capacit&eacute; &agrave; se tourner ou se retourner vers l&rsquo;autre dans un geste de communication, d&rsquo;empathie et de partage qui intensifie et accro&icirc;t l&rsquo;exp&eacute;rience solitaire. C&rsquo;est aussi cela que Foucault, dans son approche de Blanchot, nomme l&rsquo;attirance&nbsp;:</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">D&egrave;s les premiers signes de l&rsquo;attirance, au moment o&ugrave; &agrave; peine se dessine le retrait du visage d&eacute;sir&eacute;, o&ugrave; &agrave; peine se distingue dans le chevauchement du murmure la fermet&eacute; de la voix solitaire, il y a comme un mouvement doux et violent qui fait intrusion dans l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute;, la met hors de soi en la retournant et fait surgir &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;elle &ndash; ou plut&ocirc;t en de&ccedil;&agrave; &ndash; l&rsquo;arri&egrave;re-figure d&rsquo;un compagnon toujours d&eacute;rob&eacute;, mais qui s&rsquo;impose toujours avec une &eacute;vidence jamais inqui&eacute;t&eacute;e&nbsp;; un double &agrave; distance, une ressemblance qui fait front.&nbsp;(Foucault, [1966]1994, p. 534)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;utopie existentielle r&eacute;side justement dans le pli, &agrave; la jonction, qui articule ces notions qui s&rsquo;interp&eacute;n&egrave;trent et se r&eacute;pondent. Erasme&nbsp;d&eacute;j&agrave; nous dit &laquo; qu&rsquo;aucun bien n&rsquo;agr&eacute;e s&rsquo;il n&rsquo;est partag&eacute;&nbsp;&raquo; (Erasme, 1971, p. 55). Ainsi, il octroie &agrave; l&rsquo;autre la part de partage qui lui incombe dans une r&eacute;ponse &agrave; la solitude alors rompue et d&eacute;voil&eacute;e. Il s&rsquo;agit alors de faire acte d&rsquo;existence, c&rsquo;est-&agrave;-dire sortir de soi pour se projeter vers l&rsquo;autre et dans l&rsquo;autre. Sorte d&rsquo;&eacute;cart de soi-m&ecirc;me vers autrui, l&rsquo;existence ne s&rsquo;affirme que dans un lien qui s&rsquo;ext&eacute;riorise et quitte l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; pour mieux y revenir ensuite. Dans son questionnement sur l&rsquo;exp&eacute;rience int&eacute;rieure, Bataille&nbsp;nous dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;chaque &ecirc;tre est, je crois, incapable &agrave; lui seul, d&rsquo;aller au bout de l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;&raquo; (Bataille, [1943]1954, p. 55). L&rsquo;&ecirc;tre en tant qu&rsquo;existence ne peut s&rsquo;accomplir pleinement et s&rsquo;affirmer enti&egrave;rement que dans cette rencontre de l&rsquo;autre qui est &agrave; la fois le semblable et le diff&eacute;rent. Chez Robinson&nbsp;Cruso&eacute;, cet accomplissement s&rsquo;apparente &agrave; la rencontre de Vendredi qui vient tout autant rompre sa solitude humaine que relancer le r&eacute;cit, son existence, et mettre en place de nouvelles dimensions narratives. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">L&rsquo;acte fondateur de cette rencontre est le fait que Robinson&nbsp;nomme directement l&rsquo;&eacute;tranger qui devient Vendredi. Par cette nomination symbolique, Robinson&nbsp;se r&eacute;approprie le langage qui lui faisait d&eacute;faut dans sa solitude et remet en place une existence qui s&rsquo;ext&eacute;riorise dans l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. En prenant l&rsquo;appellation d&rsquo;un jour de la semaine, le narrateur s&rsquo;inscrit dans un rythme rassurant qui est celui de la r&eacute;p&eacute;tition o&ugrave; temps et espaces sont codifi&eacute;s&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est ni un nom de personne, ni un nom commun, c&rsquo;est, &agrave; mi-chemin entre les deux, celui d&rsquo;une entit&eacute; &agrave; demi vivante, &agrave; demi abstraite, fortement marqu&eacute;e par son caract&egrave;re temporel, fortuit et comme &eacute;pisodique &hellip; &raquo; (Tournier, [1971]2012, p. 148). En rencontrant premi&egrave;rement Vendredi et en le nommant, Robinson&nbsp;fait en quelque sorte un bref retour vers le r&eacute;el et ses rep&egrave;res notamment temporels et chronologiques. S&rsquo;il ressent initialement une sup&eacute;riorit&eacute; face &agrave; ce sauvage sorti de nulle part, Robinson&nbsp;prend ensuite peu &agrave; peu conscience de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; qui le lie &agrave; son confr&egrave;re et du lien qu&rsquo;ils tissent progressivement dans la compr&eacute;hension de leur rencontre en tant qu&rsquo;espace insaisissable de l&rsquo;&eacute;change. Robinson&nbsp;se replonge alors l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; lorsqu&rsquo;il saisit la puissance du visage de l&rsquo;autre qui lui r&eacute;pond en r&eacute;it&eacute;rant son propre corps. Le protagoniste retrouve alors une existence qui s&rsquo;effectue dans l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute; et lui donne ainsi acc&egrave;s &agrave; la possibilit&eacute; d&rsquo;un monde nouveau, encore inconnu. Ainsi nous dit Tournier&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Il avait ainsi rajeuni d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration, et un coup d&rsquo;&oelig;il au miroir lui r&eacute;v&eacute;la m&ecirc;me qu&rsquo;il existait d&eacute;sormais &ndash; par un ph&eacute;nom&egrave;ne de mim&eacute;tisme bien explicable &ndash; une ressemblance &eacute;vidente entre son visage et celui de son compagnon. Des ann&eacute;es durant, il avait &eacute;t&eacute; &agrave; la fois le ma&icirc;tre et le p&egrave;re de Vendredi. En quelques jours il &eacute;tait devenu son fr&egrave;re &ndash; et il n&rsquo;&eacute;tait pas s&ucirc;r que ce f&ucirc;t son fr&egrave;re a&icirc;n&eacute;.&nbsp;(<i>ibid</i>., p. 191)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Au d&eacute;but du lien avec Vendredi, le rapport est totalement in&eacute;gal car Robinson&nbsp;ne le regarde pas r&eacute;ellement. C&rsquo;est en s&rsquo;attardant vraiment sur son corps en tant qu&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &eacute;thique que le narrateur d&eacute;couvre en Vendredi son prochain comme une ext&eacute;riorit&eacute; qui lui ressemble et lui r&eacute;pond. Dans cette appr&eacute;hension du visage dont parle Levinas&nbsp;se trame l&rsquo;affirmation de l&rsquo;existence de Robinson&nbsp;mais aussi une connexion incommensurable et insaisissable. Une connexion d&rsquo;autant plus importante que Vendredi est son seul interlocuteur et qu&rsquo;ils s&rsquo;inscrivent tous deux dans un face &agrave; face potentiellement cr&eacute;ateur et existentiel. Telle est cette d&eacute;couverte et cette rencontre mutuelle et r&eacute;ciproque que pr&eacute;sente le narrateur &agrave; travers cet extrait r&eacute;v&eacute;lateur de la surprise d&rsquo;autrui entre &eacute;tranget&eacute; et ressemblance&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Ce qui est incroyable, c&rsquo;est que j&rsquo;aie pu vivre si longtemps avec lui, pour ainsi dire sans le voir. Comment concevoir cette indiff&eacute;rence, cette c&eacute;cit&eacute; alors qu&rsquo;il est pour moi toute l&rsquo;humanit&eacute; rassembl&eacute;e en un seul individu, mon fils et mon p&egrave;re, mon fr&egrave;re et mon voisin, mon prochain, mon lointain &hellip; Tous les sentiments qu&rsquo;un homme projette sur ceux et celles qui vivent autour de lui, je suis bien oblig&eacute; de les faire converger vers ce seul &laquo;&nbsp;autrui&nbsp;&raquo;, sinon que deviendraient-ils&nbsp;? Que ferais-je de ma piti&eacute; et de ma haine, de mon admiration et de ma peur, si Vendredi ne m&rsquo;inspirait pas en m&ecirc;me temps piti&eacute;, haine, admiration et peur&nbsp;? Cette fascination qu&rsquo;il exerce sur moi est d&rsquo;ailleurs en grande partie r&eacute;ciproque, j&rsquo;en ai eu plusieurs fois la preuve. Avant-hier notamment, je somnolais &eacute;tendu sur la gr&egrave;ve, quand il s&rsquo;est approch&eacute; de moi. Il est rest&eacute; debout un long moment &agrave; me regarder, flexible et noire silhouette sur le ciel lumineux. Puis il s&rsquo;est agenouill&eacute; et a entrepris de m&rsquo;examiner avec une intensit&eacute; extraordinaire. Ses doigts ont err&eacute; sur mon visage, palpant mes joues, apprenant la courbe de mon menton, &eacute;prouvant l&rsquo;&eacute;lasticit&eacute; du bout de mon nez. Il m&rsquo;a fait lever les bras au-dessus de ma t&ecirc;te, et, pench&eacute; sur mon corps, il l&rsquo;a reconnu pouce par pouce avec l&rsquo;attention d&rsquo;un anatomiste qui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; diss&eacute;quer un cadavre. Il paraissait avoir oubli&eacute; que j&rsquo;avais un regard, un souffle, que des questions pouvaient na&icirc;tre dans mon esprit, que l&rsquo;impatience pouvait me prendre. Mais j&rsquo;ai trop bien compris cette <i>soif de l&rsquo;humain</i> qui le poussait vers moi pour contrarier son man&egrave;ge. A la fin il a souri, comme s&rsquo;il sortait d&rsquo;un r&ecirc;ve et s&rsquo;avisait soudain de ma pr&eacute;sence, et prenant mon poignet, il a pos&eacute; son doigt sur une veine violette visible sous la peau nacr&eacute;e et m&rsquo;a dit d&rsquo;un ton de faux reproche&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oh&nbsp;! On voit ton sang&nbsp;!&nbsp;(<i>ibid</i>., p. 224)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Robinson&nbsp;et Vendredi font r&eacute;ciproquement la d&eacute;couverte du corps de l&rsquo;autre en tant que r&eacute;ponse &agrave; leurs propres corps. Il s&rsquo;agit alors de saisir dans cette corpor&eacute;it&eacute; la possibilit&eacute; d&rsquo;une porosit&eacute; qui fonde les liens entre le dehors et le dedans, entre solitude et communaut&eacute;. Ces liens t&eacute;nus que Foucault, lisant Blanchot, qualifie d&rsquo;attirance&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Etre attir&eacute;, ce n&rsquo;est pas &ecirc;tre invit&eacute; par l&rsquo;attrait de l&rsquo;ext&eacute;rieur, c&rsquo;est plut&ocirc;t &eacute;prouver, dans le vide et le d&eacute;nuement, la pr&eacute;sence du dehors, et, li&eacute; &agrave; cette pr&eacute;sence, le fait qu&rsquo;on est irr&eacute;m&eacute;diablement hors du dehors. Loin d&rsquo;appeler l&rsquo;inf&eacute;riorit&eacute; &agrave; se rapprocher d&rsquo;une autre, sans intimit&eacute;, sans protection ni retenue (comment pourrait-il en avoir, lui qui n&rsquo;a pas d&rsquo;int&eacute;riorit&eacute;, mais se d&eacute;ploie &agrave; l&rsquo;infini hors de toute fermeture&nbsp;?)&nbsp;; mais qu&rsquo;&agrave; cette ouverture m&ecirc;me il n&rsquo;est pas possible d&rsquo;avoir acc&egrave;s, car le dehors ne livre jamais son essence&nbsp;; il ne peut pas s&rsquo;offrir comme une pr&eacute;sence positive &ndash; chose illumin&eacute;e de l&rsquo;int&eacute;rieur par la certitude de sa propre existence -, mais seulement comme l&rsquo;absence qui se retire au plus loin d&rsquo;elle-m&ecirc;me et se creuse dans le signe qu&rsquo;elle fait pour qu&rsquo;on avance vers elle, comme s&rsquo;il &eacute;tait possible de la rejoindre.&nbsp;(Foucault, [1966]1994, pp. 525-526)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Au-del&agrave; de leurs diff&eacute;rences apparentes, les deux personnages se familiarisent dans un lien &eacute;tabli par leurs corps dont le visage devient l&rsquo;ouverture de possibilit&eacute;s existentielles et cr&eacute;atives. Dans cette rencontre utopique et n&eacute;cessaire &agrave; l&rsquo;existence, Robinson&nbsp;d&eacute;voile sa capacit&eacute; &agrave; accueillir le visage de l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;&eacute;tranger sur lequel il d&eacute;tient intrins&egrave;quement un pouvoir qui n&rsquo;est pas une sup&eacute;riorit&eacute; mais une puissance de pouvoir. Dans ce rapport complexe o&ugrave; le visage de l&rsquo;autre l&rsquo;interpelle, Robinson&nbsp;prend conscience de son corps et de sa puissance qui intervient entre int&eacute;riorit&eacute; et ext&eacute;riorit&eacute;. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans ce face &agrave; face des deux personnages appara&icirc;t naturellement la possibilit&eacute; du meurtre qui est paradoxalement exclue par le lien que met en place le visage en tant que transcendance de l&rsquo;autre. C&rsquo;est cette puissance latente mais existante que souligne Levinas&nbsp;lorsqu&rsquo;il affirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;l&rsquo;expression que le visage introduit dans le monde ne d&eacute;fie pas la faiblesse de mes pouvoirs, mais mon pouvoir de pouvoir&raquo; (Levinas, 1990, p. 215). Le visage de l&rsquo;autre appara&icirc;t comme le r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;une puissance &agrave; &ecirc;tre et &agrave; exister en tant que sujet puissant et pensant. C&rsquo;est cette approche de la force qui est aussi pr&eacute;sente dans la pens&eacute;e de Foucault comme le r&eacute;sume Deleuze&nbsp;: &laquo; Le pouvoir d&rsquo;&ecirc;tre affect&eacute; est comme une mati&egrave;re de la force, et le pouvoir d&rsquo;affecter est comme une fonction de la force &raquo; (Deleuze, [1986]2004, p.78).</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">D&egrave;s lors, face au visage en apparence impuissant de Vendredi, cela semble normal que Robinson&nbsp;ressente des pulsions de mort&nbsp;: &laquo;&nbsp;Depuis peu, en effet, Robinson&nbsp;avait des pens&eacute;es qu&rsquo;il n&rsquo;osait s&rsquo;avouer &agrave; lui-m&ecirc;me et qui &eacute;taient autant de variations sur un m&ecirc;me th&egrave;me, la mort naturelle, accidentelle ou provoqu&eacute;e de Vendredi<sup> </sup>&raquo; (Tournier, [1971]2012, p. 174). Dans la rencontre de l&rsquo;autre s&rsquo;affirme la possibilit&eacute; de le tuer tout autant qu&rsquo;un sentiment sup&eacute;rieur de puissance li&eacute; au fait de ne pas le faire. Face &agrave; ce choix &eacute;thique qu&rsquo;impulse le visage de l&rsquo;autre, l&rsquo;&ecirc;tre s&rsquo;accomplit pleinement en tant que sujet pensant et choisissant, capable de refouler ses d&eacute;sirs au profit d&rsquo;un lien sup&eacute;rieur et po&iuml;&eacute;tique. Face &agrave; cette &eacute;thique du visage qui s&rsquo;&eacute;carte du temps et de l&rsquo;espace du r&eacute;el, l&rsquo;utopie tient une place de choix dans une connectivit&eacute; &eacute;thique, esth&eacute;tique et artistique. Le visage de l&rsquo;autre m&rsquo;incite &agrave; cr&eacute;er plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; d&eacute;truire. Dans la faiblesse du visage qui se donne s&rsquo;accomplit la puissance d&rsquo;une ext&eacute;riorit&eacute; qui fonde mon existence tout autant que sa transmission. Autrement dit, en rencontrant Vendredi, Robinson&nbsp;fait l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;exister vraiment&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Exister, qu&rsquo;est-ce que &ccedil;a veut dire&nbsp;? &Ccedil;a veut dire <i>&ecirc;tre dehors</i>, <i>sistere ex</i>. Ce qui est &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur existe. Ce qui est &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur n&rsquo;existe pas. Mes id&eacute;es, mes images, mes r&ecirc;ves n&rsquo;existent pas. Si Speranza n&rsquo;est qu&rsquo;une sensation ou un faisceau de sensations, elle n&rsquo;existe pas. Et moi-m&ecirc;me je n&rsquo;existe qu&rsquo;en m&rsquo;&eacute;vadant de moi-m&ecirc;me vers autrui.&nbsp;(<i>ibid</i>., p. 129). </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Cette existence profonde et vraie dont parle Tournier&nbsp;est celle d&rsquo;un Robinson&nbsp;ayant pris conscience de sa solitude en tant qu&rsquo;entit&eacute; formative mais aussi du besoin d&rsquo;autrui dans un acte de langage et de dialogue qui rel&egrave;ve de la cr&eacute;ativit&eacute; tout autant qu&rsquo;une mani&egrave;re d&rsquo;appr&eacute;hender le monde, de l&rsquo;architecturer et de l&rsquo;habiter. Avec l&rsquo;empathie n&eacute;cessaire qui se d&eacute;gage de la rencontre s&rsquo;&eacute;rige un b&acirc;ti solide, p&eacute;renne et &eacute;thique au sein duquel l&rsquo;&ecirc;tre peut pleinement se tenir et trouver sa propre place. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><b><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Marina &amp; Ulay</span></span></b></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Robinson, dans sa rencontre n&eacute;cessaire, empathique et &eacute;thique, nous permet de revendiquer la rencontre en tant qu&rsquo;espace et temporalit&eacute; o&ugrave; se met en branle une certaine puissance de cr&eacute;ation. En effet, dans cette surprenante et impr&eacute;visible rencontre se passe quelque chose l&agrave; o&ugrave; il ne se passait rien. C&rsquo;est &agrave; mon sens cela, que l&rsquo;artiste Marina Abramovic a voulu d&eacute;couvrir et montrer lors de l&rsquo;une de ses fameuses performances. Au Printemps 2010, au <i>Museum of Modern Art</i> de New York, l&rsquo;artiste d&rsquo;origine serbe&nbsp;propose pendant trois mois &agrave; des &eacute;trangers de venir s&rsquo;asseoir, le temps qu&rsquo;ils le d&eacute;sirent, en face d&rsquo;elle, dans un face &agrave; face intime et percutant. Assise sur une chaise en bois, l&rsquo;artiste re&ccedil;oit ainsi en miroir quelques 100&nbsp;000 personnes venues pour croiser quelques instants silencieux son regard ouvert et p&eacute;n&eacute;trant. V&ecirc;tue sobrement d&rsquo;une longue robe, presque une aube religieuse, tant&ocirc;t blanche, pourpre ou sombre, l&rsquo;artiste r&eacute;alise cette performance unique et in&eacute;dite six jours par semaine &agrave; raison de huit heures par jour. Dans le cadre d&rsquo;une r&eacute;trospective qui lui est consacr&eacute;e, elle propose cette performance intitul&eacute;e <i>The artist is present<sup> </sup></i>et donne dans l&rsquo;atrium du mus&eacute;e une &oelig;uvre po&eacute;tique et silencieuse qui questionne l&rsquo;empathie dans la rencontre d&rsquo;un face &agrave; face muet o&ugrave; deux visages se regardent et s&rsquo;investissent mutuellement. Assis sur deux chaises s&eacute;par&eacute;es par une petite table centrale</span></span></span></span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">, le couple de cette performance forme une entit&eacute; unique et symbiotique o&ugrave; les visages dialoguent laissant place &agrave; une incommensurable possibilit&eacute; de sentiments, de r&eacute;actions, d&rsquo;effets et d&rsquo;exp&eacute;riences. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&Agrave; travers cette &oelig;uvre, Abramovic&nbsp;confirme et illustre la philosophie de Levinas&nbsp;pour qui &laquo;&nbsp;le visage est pr&eacute;sent dans son refus d&rsquo;&ecirc;tre contenu&nbsp;&raquo; (Levinas, 1990, p. 211). De ce face &agrave; face po&eacute;tique et po&iuml;&eacute;tique &eacute;mane une infinit&eacute; d&rsquo;&eacute;changes, de connexions et de liens qui outrepasse le r&eacute;el dans un espace et un lieu qui n&rsquo;ont plus vraiment d&rsquo;emprise concr&egrave;te et mesurable. Durant plus de 736 heures, au cours de ces trois mois de performance, l&rsquo;artiste voit d&eacute;filer devant ses yeux, face &agrave; son regard, une multitude d&rsquo;inconnus, d&rsquo;&eacute;trangers qui marquent une exp&eacute;rimentation artistique de l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute; en tant que lien vers l&rsquo;autre. Sans se toucher, &agrave; la fois proches et lointains, ces deux visages se regardent dans un respect mutuel au sein duquel l&rsquo;artiste offre son regard en tant que cr&eacute;ateur et penseur. Dans cette performance mutuelle et interactive, au sein de cette temporalit&eacute; o&ugrave; il ne se passe rien apparemment, se trame n&eacute;anmoins l&rsquo;affirmation de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; en tant que d&eacute;couverte et investissement de l&rsquo;autre qui m&rsquo;interpelle et me r&eacute;pond en silence. Dans ce lien de r&eacute;ciprocit&eacute; mis en exergue &agrave; travers le dispositif de l&rsquo;exposition dans le mus&eacute;e, &laquo;&nbsp;le visage qui me regarde m&rsquo;affirme&nbsp;&raquo; (Levinas, 1991, p.45). Pour l&rsquo;artiste, il ne s&rsquo;agit pas de passer le temps patiemment mais d&rsquo;exp&eacute;rimenter &eacute;thiquement et corporellement l&rsquo;affirmation d&rsquo;une rencontre qui se tient dans une rupture critique du temps et de l&rsquo;espace du r&eacute;el. Avec cette &oelig;uvre, le temps et l&rsquo;espace s&rsquo;&eacute;cartent du r&eacute;el pour laisser place &agrave; l&rsquo;utopie et &agrave; la po&eacute;sie d&rsquo;un instant de <i>kairos</i> o&ugrave; la rencontre prend sens et fait &oelig;uvre. L&rsquo;art conjugue cet instant dans l&rsquo;infini de la contemporan&eacute;it&eacute; qui convoque tout autant l&rsquo;universel que l&rsquo;individuel. C&rsquo;est dans cette rupture au monde permise par l&rsquo;art que l&rsquo;utopie se montre et s&rsquo;affirme dans une rencontre emplie d&rsquo;un certain pouvoir, d&rsquo;une puissance de la pens&eacute;e. C&rsquo;est en cela que la r&eacute;flexion de Levinas&nbsp;nous permet de saisir cette rencontre comme le d&eacute;taille Abensour&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Emmanuel Levinas&nbsp;invite &agrave; penser l&rsquo;utopie sous le signe de la rencontre, de la relation &agrave; l&rsquo;autre comme tel, dans son unicit&eacute; d&rsquo;incomparable. Ainsi arrache-t-il l&rsquo;utopie &agrave; l&rsquo;ordre du savoir et &agrave; ses effets de pouvoir pour l&rsquo;assigner &agrave; l&rsquo;ordre de la socialit&eacute;, mieux, de la proximit&eacute;, afin qu&rsquo;elle assume pleinement ce qu&rsquo;elle est, une pens&eacute;e, une forme de pens&eacute;e&nbsp;&quot;autrement que savoir&quot;.&nbsp;(Abensour, [2000]2016,&nbsp;p. 14)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Loin d&rsquo;un savoir absolu ou d&rsquo;une science d&eacute;finissable, l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;Abramovic&nbsp;nous invite &agrave; penser la rencontre comme une fraternit&eacute;, comme un partage o&ugrave; chaque partie influence, communique et accueille l&rsquo;autre dans une &eacute;thique de l&rsquo;empathie et du respect. La rencontre demeure ainsi un cheminement de pens&eacute;e plut&ocirc;t qu&rsquo;un syst&egrave;me anticip&eacute; et contr&ocirc;l&eacute;. D&egrave;s lors, l&rsquo;artiste accepte l&rsquo;impr&eacute;vu et l&rsquo;accidentel comme une possibilit&eacute; de son projet qui - ce fut le cas lors de la performance</span></span></span></span><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times=""> - lui &eacute;chappe en partie voire totalement. Pareillement, l&rsquo;artiste redoutait lors de sa conception du projet que personne &agrave; New York, ville hyperactive o&ugrave; s&rsquo;entrecroisent les solitudes, ne viennent s&rsquo;asseoir au MoMa pour venir lui faire face. La r&eacute;alit&eacute; lui prouva le contraire avec des files d&rsquo;attentes immenses qui se pressent au mus&eacute;e afin de d&eacute;connecter justement de cette ville arachn&eacute;enne, afin de stopper la course du temps et de se plonger pleinement dans une exp&eacute;rience insaisissable et incontr&ocirc;lable de la rencontre. Il s&rsquo;agit ainsi d&rsquo;une pause, d&rsquo;une c&eacute;sure, qui intervient comme un commencement nouveau, comme un d&eacute;part in&eacute;dit vers l&rsquo;inattendu et l&rsquo;&eacute;tranger. Ainsi se fonde la naissance du projet cr&eacute;atif en tant qu&rsquo;ailleurs, que non-lieu vers lequel tendre alors&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Entendons que cet arr&ecirc;t de la dialectique, pour autant qu&rsquo;il soit rupture, arrachement, qu&rsquo;il soit sauvetage, est utopie au sens d&rsquo;un surgissement du Nouveau, davantage m&ecirc;me, de l&rsquo;advenue d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; radicale. Comme si cette immobilisation de la dialectique donnait soudain libre cours &agrave; l&rsquo;&eacute;vasion que la pens&eacute;e r&eacute;aliste reproche si pesamment &agrave; l&rsquo;utopie, &agrave; la sortie, &agrave; la cat&eacute;gorie de sortie, le non-lieu de l&rsquo;utopie creusant tout &agrave; coup la possibilit&eacute; d&rsquo;un autre lieu.&nbsp;(Abensour, [2000]2016, p. 88)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">C&rsquo;est dans cette rencontre radicale de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, sans attente et sans st&eacute;r&eacute;otype, que Marina Abramovic&nbsp;place son &oelig;uvre. Son rapport empathique, son partage &eacute;thique, demeure dans une ouverture inattendue et incontr&ocirc;l&eacute;e des possibles. Avec cette performance, elle nous dirige vers un ailleurs inconnu o&ugrave; la rencontre de l&rsquo;autre donne sens &agrave; mon existence en tant que corps articulant dedans et dehors. L&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; cr&eacute;e un nouveau rapport au monde qui permet alors de l&rsquo;habiter utopiquement et po&eacute;tiquement. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; qui me r&eacute;pond et me d&eacute;place dans un ailleurs n&eacute;cessairement cr&eacute;atif et po&iuml;&eacute;tique. &Eacute;loign&eacute;s du narcissisme qui nous guette parfois, l&rsquo;autre nous donne &agrave; la fois l&rsquo;exp&eacute;rimentation d&rsquo;une solitude dans son absence mais aussi d&rsquo;une alt&eacute;rit&eacute; qui relie dans sa pr&eacute;sence. Comme le rappelle Genevi&egrave;ve Fraisse, &laquo;&nbsp;sans pens&eacute;e sur l&rsquo;autre, sans r&eacute;flexion sur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, le corps reste pris dans son miroir&nbsp;&raquo; (Fraisse, 2012, p. 283). Loin de ce miroir imperm&eacute;able et st&eacute;rile, l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;autre implique un glissement qui se dit en dialogue, muet chez Abramovic, mais parfois plus bavard et sonore. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En effet, dans cette disposition particuli&egrave;re du face-&agrave;-face avec l&rsquo;autre, appara&icirc;t le pouvoir de tuer tout autant que l&rsquo;&eacute;thique possibilit&eacute; sup&eacute;rieure de ne pas le faire au profit d&rsquo;un &eacute;change cr&eacute;ateur et po&eacute;tique. C&rsquo;est cette &eacute;mergence de la pens&eacute;e et du dialogue que voit Levinas&nbsp;dans la connexion &agrave; l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;, pour lui, &laquo;&nbsp;&ecirc;tre en relation avec autrui face &agrave; face &ndash; c&rsquo;est ne pas pouvoir tuer. C&rsquo;est aussi la situation du discours<sup> </sup>&raquo; (Levinas, 1991, p. 21). Dans la situation apais&eacute;e qu&rsquo;implique l&rsquo;&eacute;thique du visage, Levinas&nbsp;voit tout autant la sup&eacute;riorit&eacute; du choix pensant et r&eacute;flexif que celle du langage qui accentue le syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;change mais aussi le respect de l&rsquo;autre qui intervient comme questionnement et comme r&eacute;ponse. Levinas&nbsp;va plus loin encore en stipulant que cette communication est directement et intrins&egrave;quement induite dans la rencontre d&rsquo;autrui. Entre humains qui se d&eacute;visagent et &eacute;changent se joue la possible existence d&rsquo;une utopie qui s&rsquo;espace et se temporise dans une dimension &eacute;chappant au r&eacute;el dans la surprise de la rencontre qui n&rsquo;a de cesse de se dire, &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme est le seul &ecirc;tre que je ne peux rencontrer sans lui exprimer cette rencontre m&ecirc;me<sup> </sup>&raquo; (<i>ibid</i>., p. 18). La rencontre se dit tout autant qu&rsquo;elle s&rsquo;effectue en acte et en puissance. Puissance impliquant le r&eacute;el dans un d&eacute;passement du monde qui consiste &agrave; l&rsquo;habiter ensemble autrement, ailleurs, dans une temporalit&eacute; diff&eacute;rente o&ugrave; les temps se conjuguent pour ne faire qu&rsquo;unit&eacute; des multiples. Le lien qui m&rsquo;unit &agrave; l&rsquo;autre prend naissance au sein du monde r&eacute;el dont il s&rsquo;&eacute;carte ensuite au profit de l&rsquo;&eacute;change sup&eacute;rieur qui s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;La relation avec autrui ne se produit pas en dehors du monde, mais met le monde poss&eacute;d&eacute; en question. La relation avec autrui, la transcendance, consiste &agrave; dire le monde &agrave; Autrui<sup> </sup>&raquo; (Levinas, 1990, p. 189). Dans cette diction du monde s&rsquo;espace l&rsquo;utopie qui consiste &agrave; envisager l&rsquo;inenvisageable et &agrave; dire l&rsquo;indicible lieu de nulle part. En cela, la relation &agrave; autrui est inqui&eacute;tude, elle agite, interpelle et critique le r&eacute;el dispos&eacute; et ses attentes. Ainsi par exemple le dialogue est la forme entreprise par More&nbsp;tout autant que Platon&nbsp;qui, dans des styles certes diff&eacute;rents, usent de la relation &agrave; autrui pour faire &eacute;voluer le discours, le r&eacute;cit mais aussi afin d&rsquo;envisager un acc&egrave;s vers ce qui semblait inaccessible&nbsp;: l&rsquo;Utopie chez More, les Id&eacute;es chez Platon. Le langage qui dit le monde utopique est alors fait d&rsquo;&eacute;changes, de rencontres et d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;s qui se transcendent et se remettent sans cesse en question n&rsquo;admettant aucune v&eacute;rit&eacute; comme absolue. Dans ce questionnement permanent de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; se trame une approche de l&rsquo;existence en tant qu&rsquo;&ecirc;tre en-dehors, nulle part et ailleurs &agrave; la fois. En &eacute;tant ici et maintenant avec l&rsquo;autre, je suis mis &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;existence qui outrepasse le r&eacute;el dans un temps et un espace incommensurables et insaisissables. Le lieu et la montre sont ni&eacute;s dans ce voyage avec l&rsquo;autre qui me transporte.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><b><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Des inconnus &amp; moi </span></span></b></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Je voudrais finalement retranscrire, &agrave; la premi&egrave;re personne, une exp&eacute;rience artistique et une rencontre inopin&eacute;e v&eacute;cues fin novembre 2016 au Palais de Tokyo.&nbsp; En fin d&rsquo;apr&egrave;s-midi, je p&eacute;n&egrave;tre dans le mus&eacute;e, sans savoir r&eacute;ellement ce que je vais y d&eacute;couvrir. Une fois la porte d&rsquo;entr&eacute;e pass&eacute;e, un immense rideau de perles bleues traverse l&rsquo;immense hall du lieu et devant lui, une jeune femme me demande ce qu&rsquo;est l&rsquo;&eacute;nigme. Apr&egrave;s une certaine surprise vient une br&egrave;ve conversation o&ugrave; je lui expose l&rsquo;&eacute;nigme du Sphinx faite &agrave; &OElig;dipe. En guise de r&eacute;ponse, elle tire une partie du rideau et m&rsquo;indique ainsi le passage vers le fond du hall. L&agrave;, un gardien en costume m&rsquo;indique un peu d&rsquo;attente et me demande de patienter&nbsp;; de fait, je m&rsquo;assois sur les marches et regarde les gens autour de moi qui attendent aussi. Au bout d&rsquo;un long moment, un enfant d&rsquo;environ sept ans vient me saluer, me tend la main pour m&rsquo;aider &agrave; me lever des marches et m&rsquo;emm&egrave;ne avec lui vers le fond du mus&eacute;e. En chemin, le petit gar&ccedil;on me regarde droit dans les yeux, stoppe notre marche et, avec motivation, me demande avec insistance&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour toi, c&rsquo;est quoi le progr&egrave;s&nbsp;? &raquo;. Surpris, nous reprenons notre marche et je tente timidement de r&eacute;pondre &agrave; l&rsquo;enfant une d&eacute;finition qui me semble objective en &eacute;voquant l&rsquo;&eacute;volution et le changement permanent. L&rsquo;enfant poursuit mes propos par des questions et nous engageons un v&eacute;ritable dialogue tout en marchant &agrave; travers le Palais de Tokyo, vide. Je me retourne et l&rsquo;enfant s&rsquo;est &eacute;loign&eacute; me laissant seul, du moins je le crois. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">En effet, tout de suite, un &eacute;tudiant aux cheveux longs vient me faire face pour me demander lui aussi ce qu&rsquo;est le progr&egrave;s. &Agrave; l&rsquo;issue de sa question, il me montre le chemin et nous marchons dans une immense pi&egrave;ce blanche. Assez discret de temp&eacute;rament, mes r&eacute;ponses sont concises mais il commence &agrave; m&rsquo;expliquer qu&rsquo;il est &eacute;tudiant en art &agrave; Paris, je d&eacute;cide alors de me livrer davantage &ndash; l&rsquo;exp&eacute;rience est trop tentante - et lui explique que moi aussi j&rsquo;ai fait des &eacute;tudes d&rsquo;arts plastiques et que je suis aujourd&rsquo;hui professeur en coll&egrave;ge. Nous discutons de cela encore un moment puis il m&rsquo;emm&egrave;ne vers une femme d&rsquo;une cinquantaine d&rsquo;ann&eacute;es qui commence &agrave; me raconter son propre parcours scolaire et professionnel, un parcours tr&egrave;s vari&eacute; et marqu&eacute; par les changements. De plus en plus &agrave; l&rsquo;aise, nous comparons nos attentes d&rsquo;enfants, celles de nos parents, et au final, la r&eacute;alit&eacute; du pr&eacute;sent. Nous marchons toujours &agrave; travers l&rsquo;espace d&eacute;ploy&eacute; par les salles mais mon attention ne remarque quasiment pas le vide tellement je suis pris dans l&rsquo;exp&eacute;rience du dialogue qui se tisse peu &agrave; peu d&rsquo;une mani&egrave;re de plus en plus attrayante et distrayante. Elle pointe l&rsquo;appareil photo que je porte autour du cou et me propose de m&rsquo;arr&ecirc;ter un instant pour prendre une photo &agrave; travers la fen&ecirc;tre que je n&rsquo;avais m&ecirc;me pas remarqu&eacute;e car on y per&ccedil;oit la Tour Eiffel. Le temps de prendre la photo, mon interlocutrice a disparu et une dame plut&ocirc;t &acirc;g&eacute;e entreprend une nouvelle conversation. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Je comprends alors progressivement que cet enchainement de dialogues est effectivement l&rsquo;&oelig;uvre et ma surprise est immense face &agrave; cette sorte de performance march&eacute;e et dialogu&eacute;e inattendue. Avec cette dame, nous &eacute;changeons encore et je me d&eacute;cide &agrave; lui poser des questions quant &agrave; l&rsquo;organisation de cette &oelig;uvre gigantesque et insaisissable que je suis en train de d&eacute;couvrir, de vivre, tout en marchant. Nous parlons alors des enfants qui initient le parcours, de mon m&eacute;tier de professeur, de l&rsquo;artiste et de l&rsquo;organisation pragmatique de l&rsquo;&oelig;uvre. Pendant cette derni&egrave;re rencontre, la dame et moi descendons de grands escaliers et elle m&rsquo;ouvre une porte vitr&eacute;e en me saluant. Je me retrouve alors &agrave; l&rsquo;&eacute;tage inf&eacute;rieur du mus&eacute;e que je reconnais alors, des gens marchent et boivent des caf&eacute;s dans un coin de bar. Je remonte vers la sortie, observe le rideau bleu o&ugrave; un jeune homme interroge de nouveaux arrivants sur la notion d&rsquo;&eacute;nigme. Je sors du Palais de Tokyo, la nuit est tomb&eacute;e, il fait froid et en marchant jusqu&rsquo;&agrave; la station de m&eacute;tro, je souris. J&rsquo;observe scrupuleusement la rue et les gens tout autour de moi, mon corps est &eacute;veill&eacute;, ma t&ecirc;te en &eacute;bullition, un millier de questions s&rsquo;interposent, je repense l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; reculons, tente de comprendre. Je souris encore. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Si j&rsquo;ai d&eacute;cid&eacute; d&rsquo;expliciter cette &oelig;uvre &agrave; la premi&egrave;re personne c&rsquo;est parce qu&rsquo;il s&rsquo;agit avant toute chose, d&rsquo;un voyage, d&rsquo;une exp&eacute;rience personnelle, intime, individuelle o&ugrave; l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; inattendue m&rsquo;appara&icirc;t comme une surprenante rencontre, l&agrave; o&ugrave; l&rsquo;on ne l&rsquo;attendait pas. Cette &oelig;uvre imagin&eacute;e et foment&eacute;e par Tino Sehgal&nbsp;est ind&eacute;finissable mais nous serions tent&eacute;s de la qualifier d&rsquo;interaction sociale artistique, spatiale et temporelle. <i>This Progress</i><sup> </sup>&ndash; c&rsquo;est le titre donn&eacute; &agrave; cette &oelig;uvre - est en effet une d&eacute;couverte inclassable qui se raconte plut&ocirc;t qu&rsquo;elle se d&eacute;crit ou s&rsquo;explique. Il s&rsquo;agit tout d&rsquo;abord d&rsquo;une surprise qui nous entreprend l&agrave; o&ugrave; nous ne l&rsquo;attendions pas, sorte de chor&eacute;graphie parl&eacute;e et improvis&eacute;e. Dans ce d&eacute;tachement provisoire du temps et de l&rsquo;espace du r&eacute;el s&rsquo;effectue la rencontre de l&rsquo;autre qui s&rsquo;impose par son visage mais aussi dans un dialogue qui attend ma r&eacute;ponse tout autant que mes questionnements. C&rsquo;est &agrave; un voyage spatial, temporel et architectural que nous invite Sehgal&nbsp;pointant du doigt le dialogue comme motif de repr&eacute;sentation et de transmission. Cette &oelig;uvre rel&egrave;ve de l&rsquo;empathie justement dans ce moment privil&eacute;gi&eacute; et opportun o&ugrave; le r&eacute;el se met en retrait pour faire place &agrave; une dimension esth&eacute;tique qui l&rsquo;outrepasse. Entre moi et l&rsquo;autre s&rsquo;effectue ce voyage utopique, cette habitation nomade et provisoire d&rsquo;un monde nouveau que l&rsquo;autre m&rsquo;am&egrave;ne &agrave; d&eacute;couvrir, par son unique pr&eacute;sence, l&agrave;, en face de moi. Ainsi, comme le propose Levinas, &laquo;&nbsp;comme manifestation d&rsquo;une raison, le langage &eacute;veille en moi et en autrui ce qui nous est commun. Mais il suppose, dans son intention d&rsquo;exprimer, notre alt&eacute;rit&eacute; et notre dualit&eacute;&nbsp;&raquo; (Levinas, 1990, p. 36). Entre l&rsquo;un et le multiple, entre int&eacute;riorit&eacute; et alt&eacute;rit&eacute;, l&rsquo;&oelig;uvre de Sehgal&nbsp;instaure un langage pour dire le monde afin de l&rsquo;habiter &agrave; la fois seul et avec l&rsquo;autre. Dans ce cheminement &agrave; travers le Palais de Tokyo, je suis plac&eacute; dans la posture du voyageur qui alterne solitude et alt&eacute;rit&eacute; dans une harmonisation que le dialogue et le langage viennent questionner et inqui&eacute;ter. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Cette mise en sc&egrave;ne artistique imagin&eacute;e par l&rsquo;artiste, qui est aussi chor&eacute;graphe, devient une suspension du temps et de l&rsquo;espace o&ugrave; s&rsquo;architecture un dialogue en tant qu&rsquo;&eacute;change et compr&eacute;hension. Le visiteur est plac&eacute; dans cette position du dialogue que Nietzsche&nbsp;per&ccedil;oit comme un&nbsp;&nbsp; &eacute;change mutuel et r&eacute;ciproque&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;un cherche un accoucheur pour ses pens&eacute;es, l&rsquo;autre, quelqu&rsquo;un qu&rsquo;il puisse aider&nbsp;: voil&agrave; comment na&icirc;t un bon dialogue&nbsp;&raquo; (Nietzsche, 2000, p. 130). &Agrave; travers le visage de l&rsquo;autre qui m&rsquo;appelle et rejoue mon propre visage qui se donne, j&rsquo;exp&eacute;rimente par le dialogue la puissance de l&rsquo;autre comme un ailleurs inaccessible mais perceptible, nulle part et partout &agrave; la fois. L&rsquo;autre intervient dans ma propre prise de conscience d&rsquo;exister et induit ma possibilit&eacute; d&rsquo;appr&eacute;hender po&eacute;tiquement l&rsquo;espace et le temps, c&rsquo;est-&agrave;-dire vers un nulle part inconnu qui m&rsquo;attire et m&rsquo;accueille. Pour Levinas toujours, &laquo;&nbsp;c&rsquo;est seulement en abordant Autrui que j&rsquo;assiste &agrave; moi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; (Levinas, 1990, p. 194), c&rsquo;est justement cet acc&egrave;s &agrave; moi-m&ecirc;me qu&rsquo;offre Sehgal&nbsp;dans cette exp&eacute;rience contemporaine qui m&rsquo;emporte avec elle loin du quotidien dans un d&eacute;calage, un &eacute;cart po&eacute;tique et po&iuml;&eacute;tique. Au sein de cette cr&eacute;ation, parler devient la concr&eacute;tisation de possibilit&eacute;s utopiques o&ugrave; la parole et le r&eacute;cit deviennent projections et progression vers l&rsquo;ailleurs. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Entre l&rsquo;un et le multiple, entre le m&ecirc;me et le diff&eacute;rent, la rencontre nous apprend &agrave; conjuguer le partage comme la possibilit&eacute; d&rsquo;habiter ensemble un monde nouveau, diff&eacute;rent, meilleur. Du moi vers l&rsquo;autre, et inversement, se dresse peu &agrave; peu un monde qui d&eacute;coule du dialogue qui fonde mon monde utopique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le langage est universel parce qu&rsquo;il est passage m&ecirc;me de l&rsquo;individuel au g&eacute;n&eacute;ral [&hellip;]. Parler c&rsquo;est rendre le monde commun, cr&eacute;er des lieux communs&nbsp;&raquo; (<i>ibid</i>., p. 74). Et dans cette communaut&eacute; rassembl&eacute;e vers un ailleurs partag&eacute; se dresse l&rsquo;architecture comme accueil des possibles et agencement des espaces nouveaux. La rencontre con&ccedil;ue par l&rsquo;&oelig;il artistique de Sehgal&nbsp;inqui&egrave;te l&rsquo;architecture de l&rsquo;espace, du Palais de Tokyo, dans un reconditionnement des espaces et des temporalit&eacute;s. Il s&rsquo;agit, avec l&rsquo;autre, d&rsquo;&ecirc;tre capable de sortir de soi, au sein d&rsquo;un voyage loin des attentes et des st&eacute;r&eacute;otypes o&ugrave; l&rsquo;architecture se relance perp&eacute;tuellement comme nouvel accueil des possibilit&eacute;s. Dans l&rsquo;&eacute;tranget&eacute; de la surprise qui rel&egrave;ve de l&rsquo;inconnu et de l&rsquo;inattendu se trame la familiarit&eacute; rassurante d&rsquo;un autre qui me fait face, qui se tient debout devant moi, dans un dialogue qui architecture un monde nouveau. Cette &oelig;uvre propose un rythme in&eacute;dit qui est un ensemble de battements articul&eacute;s entre moi et l&rsquo;autre qui sommes en communication, en empathie. Et communiquer, comme le propose Anzieu, &laquo; c&rsquo;est d&rsquo;abord entrer en r&eacute;sonnance, vibrer en harmonie avec l&rsquo;autre&nbsp;&raquo; (Anzieu, 1995, p. 51). Dans cette harmonie avec l&rsquo;autre s&rsquo;&eacute;panouit la possibilit&eacute; d&rsquo;exister &agrave; savoir sortir de moi afin de mieux y retourner par la suite. Face &agrave; l&rsquo;autre, je me construis moi-m&ecirc;me tout autant que je b&acirc;tis ma possibilit&eacute; d&rsquo;habiter po&eacute;tiquement le monde. La parole de l&rsquo;autre m&rsquo;habille de sa puissance, &laquo;&nbsp;la parole de l&rsquo;autre, si elle est opportune, vivante et vraie, permet au destinataire de reconstituer son enveloppe psychique contenante, et elle le permet dans la mesure o&ugrave; les mots entendus tissent une peau symbolique&nbsp;&raquo; (<i>ibid</i>., p.233). Ainsi l&rsquo;&oelig;uvre de Sehgal, l&rsquo;exp&eacute;rience artistique et communicative, renforce ma corpor&eacute;it&eacute; au sein d&rsquo;un voyage initiatique et po&iuml;&eacute;tique o&ugrave; le temps et l&rsquo;espace du r&eacute;el s&rsquo;oublient et se retirent. Une fois sorti dans la rue, une fois l&rsquo;&oelig;uvre quitt&eacute;e physiquement mais conserv&eacute;e psychiquement, une phrase de Maldiney&nbsp;vient en &eacute;cho&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ni lieu ni temps. L&rsquo;espace occupe tous les lieux. L&rsquo;espace annule tous les lieux. Il n&rsquo;y a plus de place dans l&rsquo;espace que pour l&rsquo;espace&nbsp;&raquo; (Maldiney, 2013, p. 38). Cet espace d&eacute;crit par Maldiney&nbsp;est celui d&eacute;ploy&eacute; par l&rsquo;&oelig;uvre qui oublie l&rsquo;architecture du lieu pour se focaliser vers une nouvelle architecture de l&rsquo;espace mais aussi du temps. Cette &oelig;uvre comme relance du voyage utopique d&eacute;ploie un ensemble incommensurable de cheminements, de pistes, de jeux sur lesquels l&rsquo;acte de la rencontre nous dirige en toute ind&eacute;pendance. Il s&rsquo;agit bel et bien d&rsquo;un moment po&iuml;&eacute;tique, ma&iuml;eutique, o&ugrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;un langage in&eacute;dit se met en place et s&rsquo;interpose. L&rsquo;&oelig;uvre appara&icirc;t alors comme un support, un &eacute;lan de diction et de monstration de ce qu&rsquo;est l&rsquo;ind&eacute;finissable rencontre, sa puissance empathique et po&eacute;tique. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">En se donnant dans l&rsquo;ouverture empathique de la rencontre, mon corps, mon visage, fait face &agrave; l&rsquo;autre qui se tient debout dans un dialogue de langages et de formes qui prend vie et se tient en stature. Entre intime et extime, proche et lointain, se situe l&rsquo;empathie qui se place au creux de cette articulation que permet et impulse l&rsquo;&eacute;thique. Dans ce syst&egrave;me en rythme de va-et-vient r&eacute;ciproque, l&rsquo;autre s&rsquo;impose, dispose et propose. Le dialogue appara&icirc;t alors, qu&rsquo;il soit muet ou fracassant, et instille un respect mutuel o&ugrave; l&rsquo;autre s&rsquo;approche tout autant qu&rsquo;il s&rsquo;&eacute;loigne. L&rsquo;empathie s&rsquo;affirme alors paradoxalement dans un lien tant&ocirc;t tendu, tant&ocirc;t distendu, au sein duquel l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; na&icirc;t, se dit et persiste. C&rsquo;est aussi ce que nous rappelle Heidegger pour qui, &laquo; se d&eacute;tourner de quelqu&rsquo;un, c&rsquo;est s&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;abord tourn&eacute; vers lui&nbsp;&raquo; (Heidegger, 1976, p.156). En qu&ecirc;te d&rsquo;un espace et d&rsquo;un temps presque utopiques, face &agrave; cette alt&eacute;rit&eacute; inconnue et souvent inqui&eacute;tante, le sujet humain exerce la surprise d&rsquo;exister face &agrave; l&rsquo;autre qui est &agrave; la fois diff&eacute;rence pure et identit&eacute; intime&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les gens, en effet, trouvent leur supr&ecirc;me plaisir &agrave; ce qui leur est supr&ecirc;mement &eacute;tranger&nbsp;&raquo; (Erasme, 1971, p. 19). Dans le d&eacute;sir de l&rsquo;autre en tant qu&rsquo;autre se place un acc&egrave;s au bonheur comme valeur intrins&egrave;que de l&rsquo;&eacute;thique. Pour conclure cette approche de l&rsquo;empathie, entre rupture et transition, nous voulions citer Bataille&nbsp;qui voit dans l&rsquo;exp&eacute;rience int&eacute;rieure une ouverture tendue vers l&rsquo;autre et le monde&nbsp;: </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-bottom: 11px; margin-left: 40px;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Je suis ouvert, br&egrave;che b&eacute;ante, &agrave; l&rsquo;intelligible ciel et tout en moi se pr&eacute;cipite, s&rsquo;accorde dans un d&eacute;saccord dernier, rupture de tout possible, baiser violent, rapt, perte dans l&rsquo;enti&egrave;re absence du possible, dans la nuit opaque et morte, toutefois lumi&egrave;re, non moins inconnaissable, aveuglante, que le fond du c&oelig;ur.&nbsp;(Bataille, [1943]1954, p. 74)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span style="line-height:107%"><span calibri=""><span style="line-height:115%"><span new="" roman="" times="">Ouvert est ainsi le visiteur engag&eacute; dans l&rsquo;&oelig;uvre de Sehgal&nbsp;qui s&rsquo;accomplit dans une exp&eacute;rience o&ugrave; l&rsquo;&eacute;thique rencontre l&rsquo;esth&eacute;tique dans un jeu que l&rsquo;art d&eacute;ploie et d&eacute;plie. <a name="_Toc16147674"></a><a name="_Toc10643780"></a><a name="_Toc10643165"></a></span></span></span></span></span></span></p> <div style="page-break-after: always"><span style="display: none;">&nbsp;</span></div> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><strong>Bibliographie</strong></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Abensour Miguel, [2000] 2016,&nbsp;<i>L&rsquo;utopie de Thomas More &agrave; Walter Benjamin</i>, Paris, Sens &amp; Tonka.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Anzieu Didier, [1994] 2013,&nbsp;<i>Le penser : du moi-peau au moi-pensant</i>&nbsp;[1994], Paris, Dunod.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;&nbsp;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">1985,&nbsp;<i>Le moi-peau</i>, Paris, Dunod.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Bataille Georges, [1943] 1954,&nbsp;<i>L&rsquo;exp&eacute;rience int&eacute;rieure</i>, Paris, Gallimard.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Defoe Daniel, [1959] 2001,&nbsp;<i>Robinson Cruso&eacute;</i>, Paris, Gallimard.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Deleuze Gilles, [1986] 2004,&nbsp;<i>Foucault</i>, Paris, Minuit.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Erasme, 1971,&nbsp;<i>&Eacute;loge de la folie</i>, Paris, Garnier-Flammarion.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Foucault Michel, [1966] 1994,&nbsp;<i>Dits et &eacute;crits 1954-1958</i>, Paris, Gallimard.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Fraisse Genevi&egrave;ve, 2012,&nbsp;<i>La fabrique du f&eacute;minisme</i>, Cong&eacute;-sur-Orne, Le Passager clandestin.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Heidegger, Martin, 1976,&nbsp;<i>Essais et conf&eacute;rences</i>, Paris, Gallimard.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Le Corbusier, 1957,&nbsp;<i>La Charte d&rsquo;Ath&egrave;nes ; suivi de, Entretien avec les &eacute;tudiants des &eacute;coles d&#39;Architecture</i>, Paris, &eacute;ditions de Minuit.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Levinas Emmanuel, 1987,&nbsp;<i>Hors sujet</i>, Cognac, Fata Morgana.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;&nbsp;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">1987,&nbsp;<i>Humanisme de l&rsquo;autre homme</i>, Paris, Libraire g&eacute;n&eacute;rale fran&ccedil;aise.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;&nbsp;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">1991,&nbsp;<i>Entre nous : Essais sur le penser-&agrave;-l&rsquo;autre</i>, Paris, Grasset.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;&nbsp;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">1990,<i>&nbsp;Totalit&eacute; et infini : Essai sur l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;</i>, Paris, Librairie g&eacute;n&eacute;rale fran&ccedil;aise.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;&nbsp;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">1995,&nbsp;<i>Alt&eacute;rit&eacute; et transcendance</i>, Saint-Cl&eacute;ment-de-rivi&egrave;re, Fata Morgana.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Maldiney Henri, [1985] 2003,&nbsp;<i>Art et existence</i>, Paris, Klincksieck.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&nbsp;2013,<i>&nbsp;In media vita ; suivi de La derni&egrave;re porte</i>, Paris, &eacute;ditions du Cerf.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Nietzsche Friedrich, 1995,&nbsp;<i>Humain, trop humain</i>, Paris, Librairie g&eacute;n&eacute;rale fran&ccedil;aise.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;</span></span></i>&nbsp;<span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">2000,<i>&nbsp;Par-del&agrave; bien et mal</i>, Paris, Flammarion.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">Tournier Michel, [1971] 2012,&nbsp;<i>Vendredi ou La vie sauvage : D&rsquo;apr&egrave;s &laquo;&nbsp;Vendredi ou Les limbes du Pacifique&nbsp;&raquo;</i>, Paris, Gallimard jeunesse.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="-webkit-text-stroke-width:0px; text-align:justify; text-indent:-1cm; margin-left:38px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="line-height:16.866666793823242px"><span style="caret-color:#000000"><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&mdash;</span></span></i><span style="line-height:18.399999618530273px"><span new="" roman="" times="">&nbsp;1972,<i>&nbsp;Vendredi ou les limbes du Pacifique</i>, Paris, Gallimard.</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <div> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="caret-color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:normal"><a href="applewebdata://1E8AA04F-ADFD-4928-8548-D5995300F8E9#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span new="" roman="" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="line-height:14.266666412353516px"><span new="" roman="" times="">[1]</span></span></span></span></span></span></a></span></span></span></span></span></span></span></span></span><span style="color:#000000"><span style="font-style:normal"><span style="font-variant-caps:normal"><span style="font-weight:normal"><span style="letter-spacing:normal"><span style="text-transform:none"><span style="white-space:normal"><span style="word-spacing:0px"><span style="text-decoration:none"><span style="line-height:normal">&nbsp;<span new="" roman="" times=""><span style="color:black">Matthieu FOUNEAU, Docteur en Architecture, LIFAM - &Eacute;cole Nationale Sup&eacute;rieure d&#39;Architecture de Montpellier ENSAM, email&nbsp;de contact:&nbsp;</span><span style="color:#006990">m.founeau@yahoo.fr</span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></span></p> <div id="ftn1"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span arial=""><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#0000cc;"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span new="" roman="" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" times="">[2]</span></span></span></span></span></span></a><span new="" roman="" times=""> Au bout d&rsquo;un mois, Abramovic</span><span new="" roman="" times="">&nbsp;d&eacute;cide d&rsquo;&ocirc;ter la table du dispositif car elle rev&ecirc;t selon elle un rempart entre les deux participants. Ce geste est r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;une d&eacute;marche plastique et philosophique dans sa capacit&eacute; permanente &agrave; remettre en cause et questionner l&rsquo;efficacit&eacute; artistique de l&rsquo;agencement spatial.&nbsp; </span></span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p class="MsoFootnoteText" style="text-align:justify"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="font-size:18px;"><span arial=""><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span style="color:#000099;"><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span new="" roman="" times=""><span class="MsoFootnoteReference" style="vertical-align:super"><span style="line-height:107%"><span new="" roman="" times="">[3]</span></span></span></span></span></span></a><span new="" roman="" times=""> Parmi les visiteurs se glisse inopin&eacute;ment Ulay (son compagnon amoureux et artistique pendant une grande partie de sa carri&egrave;re jusqu&rsquo;&agrave; leur s&eacute;paration en 1988) qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas vu depuis plus de vingt ans. L&rsquo;artiste d&rsquo;ordinaire sto&iuml;que et impassible fond alors litt&eacute;ralement en larmes. </span></span></span></span></p> </div> </div>