<p style="text-align: center;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De l&rsquo;empathie et du soin dans la fiction m&eacute;di&eacute;vale fran&ccedil;aise.</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: center;"><span style="color:#000000;"><em><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Eacute;tude&nbsp;</span></span></strong></em><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">po&eacute;thique&nbsp;</span></span></strong><em><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">de quelques r&eacute;cits de femmes maltrait&eacute;es aux&nbsp;xiie&nbsp;et&nbsp;xiiie&nbsp;si&egrave;cles</span></span></strong></em></span></p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Rose Delestre</span><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span></p> <p style="text-align: right;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;Fit enima tanquam aegrotus, qui ministrat aegroto, non cum se febres habere mentitur&nbsp;; sed cum animo condolentis cogitat, quemadmodum sibi seruiri uellet, si ipse aegrotaret&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="text-align: right;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Augustin,&nbsp;<em>Lettre &agrave; saint J&eacute;r&ocirc;me</em>&nbsp;(Labourt (&eacute;d.), 1953, t.&nbsp;iii, 77, 4, p.&nbsp;183-184)</span><a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">.</span></span></span></p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dans notre soci&eacute;t&eacute;, qui tend &agrave; devenir une &laquo;&nbsp;soci&eacute;t&eacute; postmortelle&nbsp;&raquo;, selon C&eacute;line&nbsp;Lafontaine (2008, p.&nbsp;138-139), reposant sur une optimisation constante des corps et des rythmes, import&eacute;e d&rsquo;un &laquo;&nbsp;mod&egrave;le manag&eacute;rial&nbsp;&raquo; (Gefen, 2017, p.&nbsp;111) et visant la rentabilit&eacute;, la productivit&eacute; et l&rsquo;autonomie, de surcro&icirc;t fragilis&eacute;e par une p&eacute;riode pand&eacute;mique, la vuln&eacute;rabilit&eacute; des &ecirc;tres humains se rappelle plus que jamais &agrave; nous comme &eacute;tant une caract&eacute;ristique essentielle de l&rsquo;individu et commune &agrave; tous. Se repose alors, parce qu&rsquo;elle l&rsquo;a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute;</span><a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">, la question du pouvoir de l&rsquo;art face &agrave; la souffrance et au mal-&ecirc;tre d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; qui a besoin de trouver du r&eacute;confort ou du moins, une forme de compensation aux p&eacute;nibilit&eacute;s de l&rsquo;existence, la capacit&eacute; de l&rsquo;art &agrave; soigner ceux qui vont mal ou qui sont en situation de fragilit&eacute;.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La litt&eacute;rature, depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es, a &eacute;t&eacute; r&eacute;investie par plusieurs courants de recherche dont l&rsquo;objectif est justement d&rsquo;en &eacute;tudier le pouvoir th&eacute;rapeutique, que ce soit du c&ocirc;t&eacute; des sociologues, des philosophes, ou m&ecirc;me encore chez les neurologues et les psychiatres. Par ailleurs, l&rsquo;approche sociopo&eacute;tique, mise au point par Alain Montandon, &laquo;&nbsp;observe la fa&ccedil;on dont les textes se nourrissent de l&rsquo;ensemble des sous-discours soci&eacute;taux, implique la prise en compte par les textes litt&eacute;raires et par l&rsquo;art de (&hellip;) donn&eacute;es historiques, m&eacute;dicales, juridiques&nbsp;&raquo; (Auraix-Jonchi&egrave;re, 2021,&nbsp;p.&nbsp;3). Enfin, sous l&rsquo;impulsion des&nbsp;<em>Care Studies</em>,&nbsp;qui investiguent la litt&eacute;rature depuis les ann&eacute;es 2000 dans l&rsquo;aire francophone,&nbsp;elle est &agrave; nouveau entrevue dans ses potentialit&eacute;s politico-&eacute;thiques pour le monde d&rsquo;aujourd&rsquo;hui. Dans la perspective du <em>care</em>, qui est celle que nous adopterons, la litt&eacute;rature est consid&eacute;r&eacute;e comme &eacute;tant potentiellement un espace de soin, permettant d&rsquo;exprimer la douleur et en m&ecirc;me temps d&rsquo;y apporter des r&eacute;ponses. C&rsquo;est notamment le cas de la litt&eacute;rature fictionnelle, qui permettrait de s&rsquo;arr&ecirc;ter sur les individus et les groupes qu&rsquo;ils constituent, tout en suscitant pour eux une forme d&rsquo;empathie. Martha&nbsp;Nussbaum l&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; relev&eacute; &agrave; plusieurs reprises, et certains chercheurs contemporains le r&eacute;affirment. A.&nbsp;Gefen parle m&ecirc;me, pour la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise contemporaine, d&rsquo;une &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature attentionnelle&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;s&rsquo;accompagnant d&rsquo;un m&eacute;tadiscours sur la n&eacute;cessit&eacute; de t&eacute;moigner et de compatir&nbsp;&raquo; (Gefen, 2017, p.&nbsp;158 et p.&nbsp;283). L&rsquo;objectif de cette litt&eacute;rature attentionnelle est de &laquo;&nbsp;prodiguer des formes particuli&egrave;res de soin discursif autorisant au moins un gain &eacute;thique, le d&eacute;passement de l&rsquo;&eacute;go&iuml;sme de celui qui &eacute;coute&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>.,&nbsp;p.&nbsp;160). Pourtant, les textes m&eacute;di&eacute;vaux, fondamentalement motiv&eacute;s par la perspective chr&eacute;tienne de la charit&eacute; et la volont&eacute; &eacute;thique d&rsquo;utilit&eacute; au lecteur, n&rsquo;ont pas retenu l&rsquo;attention des &eacute;tudes litt&eacute;raires de&nbsp;care,&nbsp;ni m&ecirc;me celle des&nbsp;<em>Empathy litterary Studies</em>,&nbsp;comme en t&eacute;moigne l&rsquo;ouvrage dirig&eacute; par M.&nbsp;Hammond et S.&nbsp;Kim, <em>Rethinking Empathy Through Literature</em>, en 2014. Nous voudrions, avec ce travail, proposer une lecture &laquo;&nbsp;capacitaire&nbsp;&raquo; des textes m&eacute;di&eacute;vaux, dans la mesure o&ugrave; ceux-ci, bien qu&rsquo;ils nous imposent la difficult&eacute; d&rsquo;une importante distance temporelle (Zumthor, 1972, p.&nbsp;20) et peuvent nous sembler totalement d&eacute;connect&eacute;s de nos pr&eacute;occupations contemporaines, sont d&eacute;positaires d&rsquo;un savoir ou de valeurs qui peuvent nous &ecirc;tre encore utiles aujourd&rsquo;hui, justement parce qu&rsquo;il nous invitent &agrave; un d&eacute;centrement de nous-m&ecirc;mes vers les autres, de notre pr&eacute;sent vers notre pass&eacute;. Par le biais de la notion d&rsquo;empathie, que nous entendons assez simplement, en suivant la d&eacute;finition d&rsquo;Alain Rabatel qui se veut &laquo;&nbsp;exploitable pour le linguiste&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire &laquo;&nbsp;se mettre &agrave; la place des autres de fa&ccedil;on bienveillante&nbsp;&raquo; (Rabatel, 2019, p.&nbsp;4), nous chercherons &agrave; montrer que la fiction m&eacute;di&eacute;vale s&rsquo;av&egrave;re &ecirc;tre un dispositif de soin litt&eacute;raire qui valorise, par anticipation sur les &eacute;thiques du&nbsp;care, la relationnalit&eacute; des &ecirc;tres humains et leur &laquo;&nbsp;irrempla&ccedil;abilit&eacute;&nbsp;&raquo;, aussi fragiles soient-ils (Fleury, 2019, p.&nbsp;11).&nbsp;&nbsp;En analysant quelques r&eacute;cits narratifs des&nbsp;xiie&nbsp;et&nbsp;xiiie&nbsp;si&egrave;cles, reposant tous sur le sc&eacute;nario de la femme pers&eacute;cut&eacute;e, nous verrons que la fiction m&eacute;di&eacute;vale n&rsquo;est pas seulement une litt&eacute;rature st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e mettant en sc&egrave;ne des h&eacute;ros typis&eacute;s, mais qu&rsquo;elle &eacute;rige au contraire l&rsquo;empathie comme un fondement esth&eacute;tique, narratologique et &eacute;thique, avec l&rsquo;objectif d&rsquo;encourager ses lecteurs &ndash; y compris dans la perspective charitable du souci du salut de l&rsquo;autre &ndash; &agrave; la sollicitude et au soin des autres que soi-m&ecirc;me, au-del&agrave; des seuls soins de sant&eacute;.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>L&rsquo;empathie</em>&nbsp;: une notion r&eacute;cente, un sentiment ancien</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Le substantif&nbsp;<em>empathie</em>&nbsp;est, nous le savons, un terme de facture tardive, h&eacute;rit&eacute; de la ph&eacute;nom&eacute;nologie occidentale, au d&eacute;but du&nbsp;xxe&nbsp;si&egrave;cle. Actuellement, un grand nombre de discussions ont encore lieu autour du mot, qui int&eacute;resse tant les historiens des &eacute;motions, les neuroscientifiques, que les chercheurs en litt&eacute;rature, en philosophie morale ou en &eacute;thique. Nous ne reviendrons pas longuement sur ces d&eacute;bats s&eacute;mantiques complexes qui tentent de particulariser les deux r&eacute;actions psychophysiques d&eacute;sign&eacute;es par les deux termes du fran&ccedil;ais moderne (empathie, sympathie), qui font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; une participation, de nature diff&eacute;rente dans son ex&eacute;cution, aux souffrances d&rsquo;un autre que soi-m&ecirc;me. Pour l&rsquo;heure, la r&eacute;flexion consiste &agrave; observer les diff&eacute;rences, sur le plan &eacute;motionnel, entre la sympathie, qui serait &agrave; la fois un ph&eacute;nom&egrave;ne psychologique mais aussi somesth&eacute;sique (Smith, 1774, p.&nbsp;4-5) et l&rsquo;empathie</span><a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">, dont les contours et les traits distinctifs restent pour le moins encore tr&egrave;s flous&nbsp;: &laquo;&nbsp;la recension des &eacute;tudes sur l&rsquo;empathie r&eacute;v&egrave;le [&hellip;] une absence totale de consensus sur ce que pourrait &ecirc;tre la d&eacute;finition de l&rsquo;empathie&nbsp;&raquo; (Brunel &amp; Martiny, 2004, p.&nbsp;478). Dans les premi&egrave;res &eacute;tudes qui lui ont &eacute;t&eacute; consacr&eacute;es, l&rsquo;empathie d&eacute;signait d&eacute;j&agrave; plusieurs types de r&eacute;action, allant d&rsquo;une forme t&eacute;nue de partage &eacute;motionnel, limit&eacute;e &agrave; la perception, &agrave; une empathie kinesth&eacute;sique, donnant l&rsquo;illusion de ressentir les m&ecirc;mes &eacute;motions et de vivre les m&ecirc;mes &eacute;v&eacute;nements que l&rsquo;individu autre, le sujet percepteur devenant &laquo;&nbsp;un corps hybride&nbsp;&raquo; (Rabatel, 2019,&nbsp;p.&nbsp;3). La question qui se pose est donc celle de la distance cognitive demeurant entre les sujets dans un processus empathique, qui appara&icirc;t bien difficile &agrave; d&eacute;finir, mais cette r&eacute;flexion sur le ph&eacute;nom&egrave;ne affectif dont nous parlons n&rsquo;est pas l&rsquo;apanage de la modernit&eacute;. Contrairement &agrave; ce que certains historiens expriment, l&rsquo;&eacute;poque contemporaine n&rsquo;est pas, plus qu&rsquo;une autre, une &laquo;&nbsp;&egrave;re de la compassion&nbsp;&raquo; (Prochasson, 2008, p.&nbsp;104) dans laquelle l&rsquo;empathie serait une attitude caract&eacute;ristique du temps. Avant de tirer cette conclusion, il faut, en ce qui nous concerne, prendre le temps d&rsquo;observer l&rsquo;arri&egrave;re-plan philosophique du Moyen &Acirc;ge, dans lequel l&rsquo;empathie a d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; envisag&eacute;e et pr&eacute;cis&eacute;ment pens&eacute;e. En effet, le christianisme naissant h&eacute;rite d&rsquo;une tradition philosophique plurielle pour penser l&rsquo;affectivit&eacute; r&eacute;gissant les relations interpersonnelles. Avant m&ecirc;me l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un &eacute;ventuel lien entre les hommes, se pose la question du lien entre l&rsquo;homme et Dieu, son cr&eacute;ateur, et les sentiments de ce dernier. C&rsquo;est au terme d&rsquo;une longue r&eacute;flexion qui traverse tout le d&eacute;but du Moyen&nbsp;&Acirc;ge que l&rsquo;empathie s&rsquo;av&egrave;re bien &ecirc;tre &agrave; la fois une caract&eacute;ristique divine, mais aussi un comportement qui unit les hommes entre eux. Globalement, nous pouvons retenir, d&rsquo;apr&egrave;s le travail tr&egrave;s riche de D.&nbsp;Boquet et P.&nbsp;Nagy qu&rsquo;une tradition sto&iuml;cienne venue de l&rsquo;Antiquit&eacute; gr&eacute;co-latine encourageait &agrave; mesurer l&rsquo;influence des &eacute;motions, et partant la capacit&eacute; &agrave; se rendre disponible aux mouvements d&rsquo;&acirc;me des autres, dans le but de pr&eacute;server la pr&eacute;cieuse ataraxie. Cette tradition a beaucoup influenc&eacute; les th&eacute;ologiens de l&rsquo;Orient qui ont valoris&eacute; l&rsquo;image d&rsquo;un Dieu impassible ou insensible, bien que la col&egrave;re divine ait souvent servi de repoussoir &agrave; cette vision du dieu chr&eacute;tien, attestant au contraire de sa sollicitude envers les Hommes (Piroska &amp; Nagy, 2015, p.&nbsp;32). Peu &agrave; peu est admise l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un Dieu bien plus investi dans ses relations &agrave; l&rsquo;homme, d&eacute;veloppant son empathie envers sa cr&eacute;ature, &agrave; travers la figure de J&eacute;sus qui incarne ce qu&rsquo;Orig&egrave;ne, au IIe&nbsp;si&egrave;cle, appelle la<em>&nbsp;passio caritatis</em>,&nbsp;la passion de la charit&eacute;. Lactance d&eacute;finit cette capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;ouvrir aux douleurs des autres comme la preuve de l&rsquo;incarnation divine, apr&egrave;s Tertullien, et s&rsquo;oppose ainsi &agrave; la fois aux tendances n&eacute;o-sto&iuml;ciennes et aux doc&eacute;tistes qui, sans nier l&rsquo;empathie divine, refusent son humanisation totale. Pour lui, la perm&eacute;abilit&eacute; aux autres est constitutive de l&rsquo;humanit&eacute;, car retrancher les affects de l&rsquo;homme &eacute;quivaut &agrave;&nbsp;<em>castrare hominem</em>,&nbsp;nous dit-il dans ses&nbsp;<em>Institutions divines</em>&nbsp;(Lactance, 2007, 15, 3, p.&nbsp;260),&nbsp;m&ecirc;me s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de s&rsquo;y abandonner totalement&nbsp;: Lactance reprend en effet la m&eacute;taphore platonicienne des chevaux et du char pour mettre en garde contre les affects, mais il n&rsquo;en demeure pas moins que le&nbsp;<em>sentir autre&nbsp;</em>est le propre de l&rsquo;homme. Outre ces mouvements de pens&eacute;e importants qui modifient en profondeur la vie spirituelle du Moyen&nbsp;&Acirc;ge et la conception de l&rsquo;homme, les XIIe&nbsp;et XIIIe&nbsp;si&egrave;cles, qui voient &eacute;merger et s&rsquo;&eacute;tablir solidement la litt&eacute;rature vernaculaire, voient aussi se poursuivre la r&eacute;flexion sur les passions, les sentiments, les &eacute;motions et en particulier, sur la&nbsp;<em>compassio</em>,&nbsp;terme qui traduit cette r&eacute;alit&eacute; affective plurielle, que la recherche contemporaine tente d&rsquo;identifier. Il d&eacute;signe pour le Moyen&nbsp;Age, de mani&egrave;re tr&egrave;s large, la capacit&eacute; &agrave; partager le sort de l&rsquo;autre. B&eacute;atrice Delaurenti, dans son ouvrage&nbsp;<em>La Contagion des &eacute;motions. Compassio, une &eacute;nigme m&eacute;di&eacute;vale</em>,&nbsp;a mis en lumi&egrave;re la polys&eacute;mie de ce mot en expliquant qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;faisceau de questionnements philosophiques, scientifiques et anthropologiques [&hellip;] convergent dans le concept m&eacute;di&eacute;val de&nbsp;<em>compassio</em>&nbsp;&raquo; qui &laquo;&nbsp;justifie ainsi diverses situations d&rsquo;intersubjectivit&eacute;, depuis l&rsquo;interaction amoureuse jusqu&rsquo;&agrave; la compassion&nbsp;&raquo; (Delaurenti, 2016, p.&nbsp;15 et p.&nbsp;57).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Plus sp&eacute;cifiquement, la constitution du concept de&nbsp;compassio&nbsp;est due &agrave; la lecture des&nbsp;<em>Problemata physica&nbsp;</em>d&rsquo;Aristote, qui n&rsquo;ont cess&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre glos&eacute;s tout au long du Moyen&nbsp;&Acirc;ge, en particulier aux XIIIe&nbsp;et XIVe&nbsp;si&egrave;cles. Cependant, selon B.&nbsp;Delaurenti, la notion a &eacute;t&eacute; conceptualis&eacute;e d&egrave;s la fin du&nbsp;xiie&nbsp;si&egrave;cle, &agrave; la fois dans la m&eacute;decine salernitaine &ndash; dont Marie de France, au passage, conna&icirc;t la renomm&eacute;e</span><a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">, puis chez les grands penseurs chr&eacute;tiens, tels qu&rsquo;Augustin ou Thomas d&rsquo;Aquin. Chez les universitaires salernitains, la&nbsp;<em>compassio&nbsp;</em>est d&eacute;j&agrave; envisag&eacute;e comme une r&eacute;action &agrave; la fois physique et psychologique puisque l&rsquo;on se questionne sur son r&ocirc;le dans la contagion des maladies. Initialement, elle &eacute;tait comprise comme un ph&eacute;nom&egrave;ne physique de contagion, par exemple de la m&egrave;re &agrave; son f&oelig;tus, comme l&rsquo;indique Urso&nbsp;de&nbsp;Salerne dans son trait&eacute;,&nbsp;<em>De commixtionibus elementorum</em>.&nbsp;Outre ces consid&eacute;rations physiques, ce qui nous int&eacute;resse est davantage la vision d&rsquo;une<em>&nbsp;compassio&nbsp;</em>qui pousse les hommes &agrave; l&rsquo;action, les uns envers les autres. Le ph&eacute;nom&egrave;ne empathique r&eacute;side en fait dans la<em>&nbsp;similitudo</em>,&nbsp;la ressemblance des &ecirc;tres.&nbsp;Unis par une similarit&eacute; de constitution, un lien est naturellement &eacute;tabli entre eux, ce qu&rsquo;Urso nomme la&nbsp;<em>convenentia</em>,&nbsp;dans l&rsquo;aphorisme 27 de son recueil,&nbsp;<em>Aphorismi cum Glossulis</em>&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Convenentia effectuum aequalium in rebus similitudinem parit et inaequalium repugnantia contrarium perficit; et quanto plures vel pauciores existent, tanto maior vel minor similitudo vel dissonantia nascitur in eisdem (Delaurenti, 2016, p.&nbsp;179).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">C&rsquo;est cette ressemblance entre les &ecirc;tres qui permet &agrave; l&rsquo;un d&rsquo;&ecirc;tre physiquement victime des m&ecirc;mes maux, mais aussi, d&rsquo;apr&egrave;s les penseurs chr&eacute;tiens, de ressentir de l&rsquo;empathie, de la compassion, et d&rsquo;agir sous l&rsquo;impulsion de ce sentiment. Dans ce contexte, la litt&eacute;rature peut-elle ainsi &ecirc;tre un instrument d&rsquo;incitation &agrave; l&rsquo;empathie&nbsp;? C&rsquo;est ce que nous voulons tenter de montrer.&nbsp;&nbsp;Il nous faut, pour commencer, observer dans quelle mesure les textes m&eacute;di&eacute;vaux &ndash; nous avons retenus les&nbsp;<em>Lais</em>&nbsp;de Marie de France, une chanson de toile, un miracle de Gautier de Coinci et le roman de Philippe de R&eacute;mi,&nbsp;<em>La Manekine</em>,&nbsp;mettant en sc&egrave;ne des femmes pers&eacute;cut&eacute;es ou au corps fragilis&eacute; par la maladie, la blessure et l&rsquo;exclusion sociale &ndash; exposent leurs personnages &agrave; une forme de vuln&eacute;rabilit&eacute;, qui a pour but d&rsquo;engendrer des effets sur le lecteur.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Montrer la fragilit&eacute; : la vuln&eacute;rabilit&eacute; en partage gr&acirc;ce &agrave; la fiction</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les&nbsp;<em>Care studies</em>,&nbsp;et en particulier Martha&nbsp;Nussbaum,&nbsp;ont relev&eacute; les pouvoirs testimonial et critique de la fiction et sa force d&rsquo;incitation &agrave; la sollicitude envers les individus vuln&eacute;rabilis&eacute;s. Elle offre en effet un miroir d&eacute;stabilisant &agrave; l&rsquo;individu t&eacute;moin d&rsquo;une exp&eacute;rience de la vuln&eacute;rabilit&eacute; de l&rsquo;autre, &laquo;&nbsp;par son d&eacute;calage d&rsquo;avec les contingences et les n&eacute;cessit&eacute;s de la vie quotidienne, [elle] favorise des aptitudes au d&eacute;centrement qui interrogent les visions st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es et essentialisantes&nbsp;&raquo; (Rabatel, 2019, p.&nbsp;8). Les fictions, et en particulier le roman, ont donc un pouvoir de mise en crise des certitudes&nbsp;:&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si l&rsquo;une des contributions significatives du roman &agrave; la rationalit&eacute; publique tient &agrave; sa description de l&rsquo;interaction entre des aspirations humaines partag&eacute;es et des circonstances sociales concr&egrave;tes, il semble raisonnable de rechercher des romans qui d&eacute;crivent les circonstances particuli&egrave;res de groupes avec lesquels nous vivons et que nous voulons comprendre, en prenant l&rsquo;habitude de consid&eacute;rer l&rsquo;&eacute;panouissement ou la frustration de leurs aspirations et de leurs d&eacute;sirs au sein d&rsquo;un monde social qui peut &ecirc;tre caract&eacute;ris&eacute; par des in&eacute;galit&eacute;s institutionnelles. (Nussbaum, 2015, p.&nbsp;191-192)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les&nbsp;<em>Care studies&nbsp;</em>s&rsquo;int&eacute;ressent peu &agrave; litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale, et pourtant, la fiction des&nbsp;xiie&nbsp;et&nbsp;xiiie&nbsp;si&egrave;cles pr&eacute;sente aussi &laquo;&nbsp;un mat&eacute;riau th&eacute;matique privil&eacute;giant les subalternes et les &ecirc;tres priv&eacute;s de parole&nbsp;&raquo; (Gefen, 2005, p.&nbsp;284). Dans les r&eacute;cits que nous analysons, les situations des personnages f&eacute;minins permettent, pour ne pas dire qu&rsquo;elles incitent, &agrave; exercer nos facult&eacute;s d&rsquo;empathie, mais &eacute;galement, elles anticipent les th&eacute;ories modernes identifiant des po&eacute;tiques du&nbsp;<em>care</em>, dans lesquelles l&rsquo;empathie joue un r&ocirc;le pr&eacute;pond&eacute;rant. &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rarisation de l&rsquo;exp&eacute;rience est ainsi plus qu&rsquo;une simple op&eacute;ration de signalement expressif&nbsp;: elle investit des valeurs dans des trajectoires existentielles a priori sans importance historique, ou en renverse dans des formes de vie marginales et d&eacute;pr&eacute;ci&eacute;es&nbsp;&raquo; (Gefen, 2005, p.&nbsp;58). Les parcours de vie des personnages de la fiction m&eacute;di&eacute;vale ne peuvent-ils pas, eux aussi, &ecirc;tre investis par ces valeurs et s&rsquo;en faire les porte-voix&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans le roman de Philippe de R&eacute;mi,&nbsp;<em>La&nbsp;Manekine</em>, Jo&iuml;e, l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne, s&rsquo;est amput&eacute;e volontairement de sa main droite pour &eacute;chapper &agrave; l&rsquo;union incestueuse voulue par son p&egrave;re, par suite de la promesse qu&rsquo;il avait faite &agrave; sa d&eacute;funte &eacute;pouse de ne pas se remarier avant de retrouver une femme qui lui ressembl&acirc;t le plus possible.&nbsp;&nbsp;Parce qu&rsquo;elle s&rsquo;est enlaidie volontairement en portant atteinte &agrave; son corps, &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;avoir acc&egrave;s &agrave; la parole, Jo&iuml;e impose au paysage social une reconsid&eacute;ration de la norme endogamique &agrave; laquelle elle se soustrait et par ricochet, elle demande un effort &agrave; ceux qui la per&ccedil;oivent&nbsp;: celui de se mettre &agrave; sa place et d&rsquo;interpr&eacute;ter cette situation de fragilit&eacute; comme potentiellement sienne. Daniel Punday, dans&nbsp;<em>Narrative&nbsp;bodies&nbsp;:&nbsp;Toward&nbsp;a&nbsp;Corporeal&nbsp;Narratology&nbsp;</em>(2003), a bien &eacute;tudi&eacute; cette question du corps d&eacute;sob&eacute;issant, consid&eacute;r&eacute; par le regard social comme anormalit&eacute; potentiellement sienne&nbsp;; Jo&iuml;e constitue un&nbsp;<em>unruly body</em>,&nbsp;un corps d&eacute;sob&eacute;issant,&nbsp;qui s&rsquo;oppose au&nbsp;<em>general body</em>,&nbsp;le corps norm&eacute;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant li rois et cil qui la furent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Virent le bras et aperchurent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que la mains en estoit ostee,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En petit d&rsquo;eure fu troublee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La joie en ire et en tristour.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;801-805, p.&nbsp;210)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Elle tend ainsi un miroir &agrave; tout le peuple hongrois, &agrave; la fois par sa condamnation politique, mais aussi et surtout par la blessure qu&rsquo;elle impose au regard social. Sophie Castera explique ainsi comment sont per&ccedil;ues les blessures physiques, qui mettent en jeu la peau, et nous permet de comprendre combien la mutilation de Jo&iuml;e est signifiante&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Toute atteinte cutan&eacute;e &ndash; qu&rsquo;elle soit plaie, ulc&eacute;ration, gangr&egrave;ne ou bien tumeur, &oelig;d&egrave;me ou boursouflure&nbsp;; efflorescence ou destruction d&rsquo;un fragment de peau &ndash; constitue une l&eacute;sion par exc&egrave;s ou par d&eacute;faut, &laquo;&nbsp;quelque chose en plus&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;en moins&nbsp;&raquo; qui rompt la continuit&eacute; des contours corporels normalement assur&eacute;s par la peau. Celle-ci &eacute;tant &agrave; la fois limite et contact avec le milieu environnant, toute effraction de cette barri&egrave;re infranchissable a des cons&eacute;quences pour l&rsquo;une et l&rsquo;autre des parties qui la bordent (Castera, 1983, p.&nbsp;12).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">L&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne fait en sorte d&rsquo;imposer sa blessure comme nouveau signe de son identit&eacute; et va m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; la spectaculariser pour conditionner le renoncement de son p&egrave;re au mariage, mais dans le m&ecirc;me temps elle pousse aussi tous ceux qui vivent avec elle &agrave; interpr&eacute;ter cette blessure et &agrave; se questionner sur leur propre vuln&eacute;rabilit&eacute;&nbsp;: cela se v&eacute;rifie &agrave; chaque &eacute;pisode du roman faisant intervenir la main amput&eacute;e, comme aux v.&nbsp;799-800&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Donques a trait hors son moignon/&nbsp;Loi&eacute; d&rsquo;un coevrechief en son&nbsp;&raquo;, mais aussi dans le manuscrit BnF Fr.&nbsp;1588, contenant une enluminure qui expose pr&eacute;cis&eacute;ment ce corps mutil&eacute; de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne. Jo&iuml;e perturbe la&nbsp;<em>similitudo</em>&nbsp;entre elle et son p&egrave;re, entre elle et ses semblables, justement parce que comme l&rsquo;explique Urso de Salerne, &laquo;&nbsp;nous sommes troubl&eacute;s en&nbsp;<em>nous</em>&nbsp;imaginant dans leur&nbsp;<em>dissolution&nbsp;</em>&raquo;</span><a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;(Creutz (&eacute;d.), 1936, p.&nbsp;51), c&rsquo;est-&agrave;-dire la d&eacute;composition de la chair humaine des cadavres, ou ceux qui s&rsquo;approchent de la mort en affichant un corps atteint dans son int&eacute;grit&eacute;. Un si&egrave;cle plus t&ocirc;t, Robert de Boron, dans son&nbsp;<em>Perceval</em>, fait figurer une certaine Rosette, avec laquelle Perceval n&rsquo;est pas tendre puisqu&rsquo;il se moque sans ambages de son physique&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">saci&eacute;s qu&rsquo;ele avoit le col et le viaire et les mains plus noires que fers, et si avoit toutes les jambes tortes et si ouel estoient plus rouge que feus, et avoit par veret&eacute; entre deus yels plainne paume. Et por voir vos puis je bien dire que il n&rsquo;en paroit sor l&rsquo;ar&ccedil;on plus de plain pi&eacute;, et avoit les pi&eacute;s et les jambes si cro&ccedil;ues qu&rsquo;ele ne les pooit tenir es estriers. Et estoit trecie a une trece, et saci&eacute;s que li trece estoit corte et noire, et miels resambloit a este li keue d&rsquo;un rat que autre cose ne fist.&nbsp;(Perceval, 1977, p.&nbsp;187)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La description, par la voix de Perceval, ne poursuit pas d&rsquo;autre objectif que la stigmatisation de l&rsquo;individu au corps malade. D&rsquo;autres exemples du corps malade et moqu&eacute; ou rejet&eacute; se lisent dans les&nbsp;<em>Lais</em>&nbsp;de Marie de France, ou m&ecirc;me dans les&nbsp;<em>Miracles</em>&nbsp;de Gautier de Coinci,&nbsp;chez qui les situations dans lesquelles les femmes se retrouvent en proie &agrave; la maltraitance sont pl&eacute;thoriques. Dans le miracle II, 24, nous observons la situation du personnage de Gondr&eacute;e, une femme atteinte du mal des ardents &ndash; l&rsquo;ergotisme &ndash; et qui est chass&eacute;e de sa communaut&eacute; &agrave; cause de sa laideur&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Or fors&nbsp;! Acent mausfez d&rsquo;enfer,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vielle dyable, denz de fer,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">As vis dyables, a cent mile !</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que faites vos en ceste vile,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Esnasee vielle dentarde&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ralez vos en&nbsp;! Mauz feuz vos arde&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ralez en a Audignicort,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Enserrez vos en une cort&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne devez ja entrer en voie,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En liu n&rsquo;en place ou ja vos doye</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vooir preudons ne preudefame (&hellip;).&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(Coinci, 1970,&nbsp;iv, v.&nbsp;115-125, p.&nbsp;221)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Comme Jo&iuml;e, mais peut-&ecirc;tre de mani&egrave;re encore plus violente, Gondr&eacute;e est chass&eacute;e de son foyer par son mari, puis de son village par les habitants d&rsquo;Audignicourt qui en font une paria en insistant violemment sur les stigmates de sa maladie. L&rsquo;assimilant &agrave; une l&eacute;preuse, tous, y compris les religieuses de la ville, &laquo;&nbsp;vorroyent qu&rsquo;ele fust no&yuml;e&nbsp;&raquo; (<em>ibid</em>., p.&nbsp;218).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Exclues et rejet&eacute;es pour certaines, d&rsquo;autres sont condamn&eacute;es &agrave; l&rsquo;enfermement. La dame du lai de&nbsp;<em>Guigemar&nbsp;</em>est&nbsp;emmur&eacute;e dans sa tour&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nuls hum el mund ne purreit dire&nbsp;/Sa grant peine ni le martire&nbsp;/Ne l&rsquo;anguisse ne la douleur&nbsp;/Que la dame suffre en la tur&nbsp;&raquo; (<em>Guigemar</em>,&nbsp;v. 661-664, p.&nbsp;220). C&rsquo;est le ch&acirc;timent que lui a impos&eacute; son mari, qui, fou de rage quelques vers auparavant de voir sa dame enferm&eacute;e dans sa chambre avec son amant, a manqu&eacute; de commettre l&rsquo;irr&eacute;parable :&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De ses priveiz demanda treis,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A la chanbre vait demaneis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il en ad fet l&rsquo;us depescier&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dedenz trovat le chevalier.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pur la grant ire qu&euml; il a,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A ocire le cumanda.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>(Guigemar,</em>&nbsp;v.&nbsp;587-592, p.&nbsp;214)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ce qui est en jeu est la violence physique qui opprime les jeunes femmes, ressentie par le lecteur &agrave; travers l&rsquo;allit&eacute;ration en dentales [d], [r], avec les murailles et les portes qui ferment &agrave; cl&eacute; du monde f&eacute;odal. Le mari exprime toute sa frustration et sa violence contre la porte et contre l&rsquo;amant de sa femme, et cette situation se duplique dans plusieurs lais, comme dans celui du&nbsp;<em>La&uuml;stic</em>,&nbsp;o&ugrave; vuln&eacute;rabilit&eacute; et empathie sont inextricablement li&eacute;es. Deux barons voisins y ont une grande r&eacute;putation. L&#39;un est mari&eacute;, l&#39;autre c&eacute;libataire. Le c&eacute;libataire tombe amoureux de la femme de son voisin, et leur amour devient r&eacute;ciproque mais reste platonique, puisque la femme est tr&egrave;s surveill&eacute;e. Chaque nuit, lorsque le mari dort, les deux amants se retrouvent &agrave; la fen&ecirc;tre, se regardent et se parlent. Le mari commence &agrave; la soup&ccedil;onner et lui demande pourquoi elle se l&egrave;ve toutes les nuits. Celle-ci pr&eacute;texte que c&#39;est pour entendre le rossignol (<em>la&uuml;stic</em>) chanter. Il fait dresser une v&eacute;ritable barricade d&rsquo;acier sur laquelle l&rsquo;oiseau viendra se pi&eacute;ger lui-m&ecirc;me et qu&rsquo;il prendra un malin plaisir &agrave; torturer avant de le rendre tout ensanglant&eacute; &agrave; sa femme&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">D&rsquo;une chose se purpensa&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le la&uuml;stic enginnera.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il n&rsquo;ot vallet en sa meisun</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne face engin, reis u la&ccedil;un,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Puis les mettent par le vergit.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">N&rsquo;i ot codre ne chastainier</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">U il ne mettent laz u glu,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Al seignur fu renduz tuz vis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mut en fu liez, quant il le tint.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>La&uuml;stic,</em>&nbsp;v.&nbsp;95-102, p.&nbsp;462)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De prime abord, l&rsquo;&eacute;poux semble faire preuve d&rsquo;empathie, mais celle-ci n&rsquo;est pas du tout orient&eacute;e vers une forme de partage bienveillant. Il exploite la sensibilit&eacute; qu&rsquo;il ressent chez sa femme, et surtout le plaisir qu&rsquo;elle prend &agrave; se relever chaque nuit pour &eacute;couter l&rsquo;oiseau. Les deux premiers vers cit&eacute;s attestent bien d&rsquo;une forme d&rsquo;empathie, mais cette fois, la disponibilit&eacute; empathique est au service d&rsquo;un d&eacute;sir de vengeance, de nuisance. Le verbe&nbsp;<em>se purpenser&nbsp;</em>traduit l&rsquo;acte psychique de se mettre &agrave; la place de l&rsquo;autre, tandis que le verbe&nbsp;<em>enginier</em>&nbsp;montre un passage &agrave; l&rsquo;acte physique, n&rsquo;ayant rien d&rsquo;altruiste : &laquo;&nbsp;Chez les personnes malfaisantes, l&rsquo;empathie est mise au service du mal&nbsp;: le tortionnaire s&rsquo;en sert pour comprendre la vision du monde de sa victime, afin d&rsquo;exercer sur elle son sadisme&nbsp;&raquo; (Nussbaum, 2013, p.&nbsp;202-203). La description presque chirurgicale du pi&egrave;ge fait ressentir au lecteur toute la violence qui entoure la jeune &eacute;pouse et contribue &agrave; incarner fortement sa fragilit&eacute;. Dans le lai de<em>&nbsp;Guigemar</em>,&nbsp;on observe le m&ecirc;me processus psychologique entre l&rsquo;&eacute;poux et sa femme, mais il importe de comprendre que, dans ces situations, l&rsquo;&eacute;poux nuit autant &agrave; lui-m&ecirc;me qu&rsquo;&agrave; sa dame. En la mena&ccedil;ant de sa violence et en l&rsquo;enfermant derri&egrave;re un mur de pi&egrave;ges, il emp&ecirc;che l&rsquo;amour, dont il voudrait jouir avec elle, d&rsquo;advenir (Mikha&iuml;lova, 1996, p.&nbsp;79-80)&nbsp;: il faut peut-&ecirc;tre y lire ici une forme de ch&acirc;timent qu&rsquo;impose Marie aux tortionnaires de ses personnages, comme l&rsquo;avait sugg&eacute;r&eacute; Tovi Bibring, en expliquant que les maris des&nbsp;Lais&nbsp;&laquo;&nbsp;sectionne[ent] symboliquement [leur propre] virilit&eacute;&nbsp;&raquo; (2010, p.&nbsp;191).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans<em>&nbsp;La Manekine</em>,&nbsp;lorsque la jeune femme, apr&egrave;s &ecirc;tre arriv&eacute;e en &Eacute;cosse, et avoir r&eacute;ussi &agrave; s&eacute;duire le jeune roi par sa bont&eacute;, se marie, l&rsquo;assistance du bal se questionne sur cette blessure&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais de ce durement anoie / Tous ciaus qui de s&rsquo;oneur ont joie&nbsp;&raquo; (<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;2330-2331, p.&nbsp;298). L&rsquo;empathie vient donc directement de cette disponibilit&eacute; &agrave; la diff&eacute;rence que Jo&iuml;e impose aux autres de manifester, m&ecirc;me s&rsquo;il s&rsquo;agit de la rejeter&nbsp;: &laquo;&nbsp;When people with stareable bodies [&hellip;] enter into the public eye, when they no longer hide themselves to be hidden, the visual landscape enlarges&nbsp;&raquo; (Garland-Thompson, 2009, p.&nbsp;9). Auparavant&nbsp;condamn&eacute;e au b&ucirc;cher par son p&egrave;re, et plac&eacute;e dans une posture de fragilit&eacute; extr&ecirc;me, les r&eacute;actions de la communaut&eacute; ne se font pas attendre&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nouvele, qui en petit d&rsquo;eure</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Va par le pa&iuml;s sans demeure</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Est tant et &ccedil;a et la alee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que ja sevent par la contree</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qu&euml; on voloit ardoir Jo&iuml;e</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">S&rsquo;en fu la gens toute esbahie</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Me&iuml;smement les povres gens [&hellip;]</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par le pa&iuml;s o&iuml;ssi&eacute;s dire</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Se vous a ce jor i fuisci&eacute;s&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;<em>Diex&nbsp;! quel dolor et quels pesci&eacute;s</em></span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Avient chiaus de ceste contree</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De la millour qui ainc fust nee</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><em><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qui sera arse sans merci</span></span></span></em></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Pour la bont&eacute;&nbsp;qui est en li.</em>&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ensi par le pa&iuml;s disoient</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et de duel tout se debrisoient</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et si maudisoient celui&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par qui elle avoit cest anui.&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;859-877, p.&nbsp;214)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par le biais du discours direct, l&rsquo;auteur permet &agrave; la communaut&eacute; d&rsquo;exprimer sa douleur et sa compassion avec le sort de la jeune femme, qui appara&icirc;t bien injuste&nbsp;puisqu&rsquo;elle est, aux yeux de son peuple, &laquo;&nbsp;la millour qui ainc fust nee&nbsp;&raquo;. Les verbes de discours traduisent ce processus empathique &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, qui traverse les niveaux di&eacute;g&eacute;tiques des personnages jusqu&rsquo;au lecteur. On peut y voir une fa&ccedil;on de mettre en lumi&egrave;re ce destin bris&eacute; qu&rsquo;est celui de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne et d&rsquo;y exposer les t&eacute;moins. On observe ainsi une communaut&eacute; &eacute;motionnelle qui atteste de l&rsquo;empathie du peuple, qui ressent la douleur de la jeune femme et va m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;exprimer physiquement, le texte &eacute;tant constitu&eacute; par une forme de dynamog&eacute;nie &eacute;nonciative (Brunel &amp; Cosnier, 2012, p.&nbsp;42) gr&acirc;ce &agrave; un cotexte gestuel&nbsp;(&laquo;&nbsp;et de duel tout se debrisoient&nbsp;&raquo;) qui est tr&egrave;s fr&eacute;quent dans la litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale. Il se reproduira &agrave; chaque exclusion de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne, qui fait basculer, pour les lecteurs contemporains, le mythe de l&rsquo;autonomie de l&rsquo;individu, puisque la vuln&eacute;rabilit&eacute;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Apporte un d&eacute;menti au mythe selon lequel nous serions des citoyens toujours autonomes et potentiellement &eacute;gaux. Supposer l&rsquo;&eacute;galit&eacute; entre les humains laisse de c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;importantes dimensions de l&rsquo;existence. Au cours de notre vie, chacun de nous passe par des degr&eacute;s variables de d&eacute;pendance et d&rsquo;ind&eacute;pendance, d&rsquo;autonomie et de vuln&eacute;rabilit&eacute;. Un ordre politique qui pr&eacute;sume que seules l&rsquo;ind&eacute;pendance et l&rsquo;autonomie constituent l&rsquo;essence de la vie passe &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;une bonne part de l&rsquo;exp&eacute;rience humaine et doit, par ailleurs, d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, dissimuler cette question. (Tronto, 2009, p.&nbsp;181-182)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En effet, l&rsquo;objectif de l&rsquo;auteur est, &agrave; travers cette parole directe du peuple qui &eacute;prouve de l&rsquo;empathie pour sa jeune princesse, d&rsquo;affirmer l&rsquo;existence fragile et menac&eacute;e de Jo&iuml;e, de sorte &agrave; l&rsquo;incarner pour qu&rsquo;elle heurte la sensibilit&eacute; du lecteur de fa&ccedil;on suffisamment expressive et d&eacute;clenche une r&eacute;action bienveillante. Par ailleurs, ce portrait du peuple indique aussi la force des liens qui existent entre les individus&nbsp;: en voulant faire preuve d&rsquo;une autonomie totale dans ses d&eacute;cisions, le p&egrave;re voit son d&eacute;sir incestueux inassouvi mais il perd &eacute;galement sa fille, cause de son malheur &agrave; venir. Par ailleurs, il prive tout un peuple de sa jeune princesse et favorise l&rsquo;instabilit&eacute; politique de son royaume. Le lien rompu et l&rsquo;illusion de l&rsquo;omnipotence le vuln&eacute;rabilisent ainsi tout autant que la fragilit&eacute; sociale dans laquelle il place sa fille.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ces quelques exemples &eacute;tablissent ainsi la pr&eacute;sence de ph&eacute;nom&egrave;nes empathiques dans les textes m&eacute;di&eacute;vaux, qu&rsquo;ils interviennent aux niveaux intra- ou extradi&eacute;g&eacute;tique, qui semblent s&rsquo;employer &agrave; exposer et &agrave; t&eacute;moigner de la vuln&eacute;rabilit&eacute; des &ecirc;tres repr&eacute;sent&eacute;s, mais il faut pousser plus loin les investigations. Suzanne&nbsp;Keen identifie trois formes d&rsquo;empathie, en r&eacute;gime litt&eacute;raire (Keen, 2006, p.&nbsp;215), et m&ecirc;me si elle n&rsquo;envisage ces formes d&rsquo;empathie que depuis le point de vue de l&rsquo;auteur, ses cat&eacute;gories peuvent nous &ecirc;tre utiles en y incluant &eacute;galement l&rsquo;empathie des personnages&nbsp;: elle distingue ainsi l&rsquo;empathie qui s&rsquo;adresse aux membres &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un groupe (<em>bounded strategic empathy</em>), celle qui s&rsquo;adresse aux membres ext&eacute;rieurs d&rsquo;un groupe (<em>ambassadorial strategic empathy</em>)&nbsp;; enfin, celle qui vise tout lecteur, ind&eacute;pendamment du groupe d&rsquo;appartenance, susceptible d&rsquo;inspirer des &eacute;motions communes &agrave; tous (<em>broadcast strategic empathy</em>). Nous nous concentrerons pour commencer sur l&rsquo;empathie qui s&rsquo;adresse au groupe d&rsquo;individus que nous &eacute;tudions, les femmes pers&eacute;cut&eacute;es, en observant la fa&ccedil;on dont un certain nombre d&rsquo;acteurs intradi&eacute;g&eacute;tiques tentent de r&eacute;parer les erreurs dont les femmes subissent les cons&eacute;quences.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Partager l&rsquo;exp&eacute;rience, exercer le lien&nbsp;: la&nbsp;<em>compassio&nbsp;</em>au service de la relationnalit&eacute; des &ecirc;tres</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nos fictions laissent en effet la place &agrave; des personnages aidants&nbsp;&ndash; des&nbsp;<em>caregivers</em>&nbsp;selon la terminologie des &eacute;tudes du&nbsp;<em>care</em>&nbsp;&ndash;&nbsp;qui entreprennent de r&eacute;parer les injustices ou les blessures inflig&eacute;es &agrave; des &ecirc;tres vuln&eacute;rables, du moins tentent-ils de le faire en faisant preuve d&rsquo;empathie, de&nbsp;<em>compassio</em>&nbsp;pour conserver le terme m&eacute;di&eacute;val.&nbsp;Cela est visible d&egrave;s le d&eacute;but du r&eacute;cit de&nbsp;<em>La&nbsp;Manekine</em>,&nbsp;dans l&rsquo;attitude du p&egrave;re de Jo&iuml;e, qui a pourtant lui-m&ecirc;me ordonn&eacute; l&rsquo;ex&eacute;cution de sa fille&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et jure Dieu c&rsquo;arse sera</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Demain, mais mie n&rsquo;i sera</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qu&rsquo;il ne veut mie que piti&eacute;s</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li prenge, dont soit respiti&eacute;s</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li ju&iuml;ses a la pucele.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;821-825, p.&nbsp;212)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;empathie est rep&eacute;rable au fait que le p&egrave;re a parfaitement conscience du danger de ressentir de la piti&eacute; pour sa fille, danger dont la force d&rsquo;attraction est soulign&eacute;e par la rime, dans la subordonn&eacute;e causale, entre le substantif&nbsp;<em>piti&eacute;s</em>&nbsp;et le verbe&nbsp;<em>respitier,</em>&nbsp;qui signifie &laquo;&nbsp;diff&eacute;rer&nbsp;&raquo;, comme un jugement, au profit de quelqu&rsquo;un ou quelque chose. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs la raison pour laquelle il menace le bourreau du m&ecirc;me sort si celui-ci faiblit devant l&rsquo;ex&eacute;cution de la sentence. La violence de son comportement semble &ecirc;tre un garde-fou contre une &eacute;ventuelle disponibilit&eacute; &eacute;motionnelle qui permettrait &agrave; Jo&iuml;e d&rsquo;obtenir une gr&acirc;ce dont, tous, au fond, esp&egrave;rent la prononciation.&nbsp;Par ailleurs, la&nbsp;<em>compassio&nbsp;</em>des individus que Jo&iuml;e croise sur son chemin n&rsquo;est pas exceptionnelle&nbsp;: elle peut se traduire par une adaptabilit&eacute; du regard sociale envers sa blessure, contrairement &agrave; l&rsquo;autorit&eacute; politique. C&rsquo;est le cas lorsqu&rsquo;elle arrive &agrave; la cour d&rsquo;&Eacute;cosse, m&ecirc;me si la souveraine-m&egrave;re fait tout ce qu&rsquo;elle peut pour stigmatiser l&rsquo;affection physique de la jeune femme. L&rsquo;empathie se v&eacute;rifie dans la mesure o&ugrave; se produit bien un &eacute;largissement g&eacute;n&eacute;reux des normes physiques, pour y int&eacute;grer un corps diff&eacute;rent&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cascun samble que ses cuers vole.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Se ne fust sans plus le mehain</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que la ro&iuml;ne a de sa main</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Autre cose en li ne set dire</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nus hom qui sa biaut&eacute; remire.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais de ce durement anoie</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tous ciaus qui de s&rsquo;oneur ont joie&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mout fu celui jour esgardee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La bele, la bien acesmee&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant plus l&rsquo;esgardent, plus leur plest,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De l&rsquo;esgarder cascuns se paist.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;2326-2336, p.&nbsp;296-298)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bien qu&rsquo;interpell&eacute;s par ce signe physique, tous les invit&eacute;s de la cour finissent par s&rsquo;accorder sur la beaut&eacute; et la bont&eacute; de la jeune femme. L&rsquo;empathie ne s&rsquo;arr&ecirc;te toutefois pas &agrave; cet &eacute;largissement du regard social, mais s&rsquo;exprime aussi souvent par des r&eacute;actions concr&egrave;tes de prise de responsabilit&eacute; et d&rsquo;action charitables, constituant de v&eacute;ritables soins dispens&eacute;s &agrave; la jeune femme. Ces actes sont souvent exerc&eacute;s par des personnages secondaires, tant sur le plan de l&rsquo;intrigue, que sur le plan social repr&eacute;sent&eacute; par la fiction. C&rsquo;est l&agrave; le moyen de &laquo;&nbsp;rep&eacute;rer des&nbsp;attachements non vus&nbsp;&raquo; (Ibos, 2019, p.&nbsp;205) entre individus assumant des positions favoris&eacute;es, et des individus subalternes de la soci&eacute;t&eacute;, qui se livrent, d&rsquo;une certaine mani&egrave;re, &agrave; un travail de&nbsp;care,&nbsp;en assurant par leur empathie et ici, leur compassion, une continuit&eacute; politique et sociale qui n&rsquo;est plus garantie par les d&eacute;positaires du pouvoir.&nbsp;Le s&eacute;n&eacute;chal, tout d&rsquo;abord, charg&eacute; d&rsquo;organiser la mise &agrave; mort de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne, subit une v&eacute;ritable psychomachie, tiraill&eacute; qu&rsquo;il est entre la fid&eacute;lit&eacute; &agrave; son souverain et sa compassion envers la jeune femme, &agrave; laquelle il a d&eacute;j&agrave; envoy&eacute; sa fille pour lui tenir compagnie, en prison&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dame, li senescals a dit,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Command&eacute; me fu sans respit</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Du roy qu&rsquo;en .i. four vous arsisse,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Saci&eacute;s, ou ma vie perdisse.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais la piti&eacute;s que j&rsquo;ai au cuer</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne me laist souffrir a nul fuer</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que de tel tourment vous ocie,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si vous met en la Deu ballie</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qui vous gart et vous conduie.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;983-991, p.&nbsp;220)&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Comprenant la d&eacute;rive du pouvoir, il se r&eacute;sout &agrave; ne pas br&ucirc;ler Jo&iuml;e et sa compassion lui permettra d&rsquo;&eacute;viter le reproche du roi lorsque celui-ci aura retrouv&eacute; la raison&nbsp;: l&rsquo;homme au service du pouvoir pr&eacute;serve donc les valeurs, les individualit&eacute;s et les liens qui les unissent. Il s&rsquo;emploie &agrave; remplacer ici la loi arbitraire de la soci&eacute;t&eacute; hongroise par l&rsquo;empathie, et assume, d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, une royaut&eacute; et une paternit&eacute; &eacute;thiques, par ce que Cynthia Fleury nomme une &laquo;&nbsp;&eacute;laboration imaginative&nbsp;&raquo; du soin, en reprenant les travaux de Donald Winnicott qui expliquait en 1952 que toute forme de soin cherche &agrave; reproduire un geste parental, en l&rsquo;occurrence maternel&nbsp;: &laquo;&nbsp;ce que nous faisons dans la th&eacute;rapie, c&rsquo;est tenter d&rsquo;imiter le processus naturel qui caract&eacute;rise le comportement de toute m&egrave;re avec son propre b&eacute;b&eacute;&nbsp;&raquo; (Fleury, 2019, p.&nbsp;12).&nbsp;&nbsp;Plus qu&rsquo;en accord avec les ordres que son souverain lui donne, c&rsquo;est avec &laquo;&nbsp;la piti&eacute;s qu[e il a] au cuer&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il agit. Saint Augustin ne faisait-il d&eacute;j&agrave; pas de l&rsquo;amour le fondement de toute politique&nbsp;?</span><a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span style="color:#000099;">[7]</span></a><span style="color:#000000;">Avec les faibles ressources mat&eacute;rielles qui sont les siennes &ndash; organiser un faux b&ucirc;cher (&laquo;&nbsp;Ferai faire grant a&uuml;nee&nbsp;/ D&rsquo;espines&nbsp;; et a l&rsquo;adjourner, / Quant ele sera en la mer, /Ferai les esprine bru&iuml;r / Avant que nus i puist venir&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Manekine,</em>&nbsp;v.&nbsp;930-934, p.&nbsp;218) &ndash; , et en p&egrave;re, il orchestre le sauvetage de la princesse et assure, au passage, la descendance du royaume. C&rsquo;est donc une attitude empathique que le s&eacute;n&eacute;chal substitue &agrave; l&rsquo;individualisme des barons du royaume qui ont incit&eacute; le roi &agrave; &eacute;pouser sa fille pour leur propre r&eacute;ussite, et ont, au passage, d&eacute;natur&eacute; la fonction paternelle. La&nbsp;<em>compassio</em>&nbsp;devient &agrave; la fois un acte &eacute;thique et politique, en faveur de la jeune femme mais aussi en faveur de tout le royaume&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;individu passivement habit&eacute; par le souci de l&rsquo;autre, qui assume la responsabilit&eacute; non d&eacute;cid&eacute;e qui est la sienne, s&rsquo;&eacute;loigne de la pr&eacute;occupation de lui-m&ecirc;me, de ses assurances identitaires et de l&rsquo;obsession de ses propres int&eacute;r&ecirc;ts. La question n&rsquo;est alors plus la qualification des actes du&nbsp;care&nbsp;adress&eacute;s aux personnes dites vuln&eacute;rables mais un&nbsp;<em>care</em>&nbsp;&eacute;tendu &agrave; toute la soci&eacute;t&eacute; enti&egrave;re (Pillant, 2018, p.&nbsp;11).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cette d&eacute;marche des hommes de loi du royaume se reproduira tout au long du roman&nbsp;: ce sera encore le cas lorsque Jo&iuml;e sera &agrave; nouveau exclue du royaume d&rsquo;&Eacute;cosse &agrave; cause de la falsification des lettres du roi par sa propre m&egrave;re, mais aussi et surtout &agrave; la fin du roman, lorsque la jeune femme arrive &agrave; Rome et quitte symboliquement les eaux sal&eacute;es de la mer pour celles, douces, du Tibre, sur les rives duquel elle rencontre des p&ecirc;cheurs. Certes, les trois hommes voient tout d&rsquo;abord leur propre int&eacute;r&ecirc;t, celui de tirer de Jo&iuml;e un profit mat&eacute;riel et financier. La jeune femme est initialement r&eacute;duite, dans leur discours, &agrave; une &laquo;&nbsp;trueve&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire une trouvaille, une rapine, que Dieu leur envoie par amour. Mais tr&egrave;s vite, le contenu de ce discours va changer et devenir celui de sujets chr&eacute;tiens respectueux et sensibles &agrave; la charit&eacute;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pour vous nostre pescier lairons</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si irons la vostre nef vendre,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">S&rsquo;avr&eacute;s des deniers a despendre</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et avoec ma femme ser&eacute;s&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ja vilenie n&rsquo;i avr&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tant com duerront li denier</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vous ferons nous bien aiesier</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vous et l&rsquo;enfant que vous port&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mais de ce duel vous deport&eacute;s</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que vous av&eacute;s u cuer empris.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dix est encore en Paradis</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qui bien joie rendre vous puet&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De douter ne vous estuet&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;4902-4914, p.&nbsp;440)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;empathie des p&ecirc;cheurs est significative&nbsp;: ils prennent la responsabilit&eacute; de la s&eacute;curit&eacute; de Jo&iuml;e, dans la soci&eacute;t&eacute;, et c&rsquo;est la douleur qu&rsquo;ils ressentent chez la jeune femme qui les fait agir, comme ils le lui disent, ils veulent all&eacute;ger sa souffrance&nbsp;: &laquo;&nbsp;de ce duel vous deport&eacute;s&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;imp&eacute;ratif traduit une injonction &agrave; aller bien, mais aussi la tendresse avec laquelle ils la per&ccedil;oivent. Plus tard, lorsque Jo&iuml;e est men&eacute;e dans Rome avec son enfant, elle re&ccedil;oit les bons soins des filles du s&eacute;nateur de la ville&nbsp;qui manifestent l&agrave; encore une grande sollicitude envers eux&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A grant joie l&rsquo;ont reche&uuml;e</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De leur p&egrave;re, si l&rsquo;ont menee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En une cambre a rechelee.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Illuec la servent et confortent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et son estevoir li aportent.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mengier la font, mais petit fu.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ses lis apparilli&eacute;s li fu</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Se la firent aller dormir,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dont ele avoit mout grant desir</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et si li ont pour son enfant</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mand&eacute; tost et isnelement</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une nourice et ele vient.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;5280-5291, p.&nbsp;462)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;empathie n&rsquo;est donc pas qu&rsquo;un sentiment, elle s&rsquo;exerce et s&rsquo;accorde avec la n&eacute;cessit&eacute; chr&eacute;tienne de faire preuve de charit&eacute;. B&eacute;atrice Delaurenti a mis en lumi&egrave;re cette dimension performative de l&rsquo;empathie qui se traduit avant tout par des actes. Dans les recueils de distinctions, grands livres destin&eacute;s aux pr&eacute;dicateurs pour composer leurs sermons, on observe une r&eacute;flexion int&eacute;ressante sur la&nbsp;<em>compassio</em>.&nbsp;Au&nbsp;XIIIe&nbsp;si&egrave;cle, un certain Maurice de Provins, un franciscain, consacre dans son recueil de&nbsp;<em>Distinctiones</em>,&nbsp;&agrave; la rubrique&nbsp;<em>compassio</em>,&nbsp;une r&eacute;flexion sur l&rsquo;action &agrave; laquelle doit donner lieu la manifestation empathique. S&rsquo;inspirant de l&rsquo;&eacute;p&icirc;tre de Pierre, et peut-&ecirc;tre aussi des sept &oelig;uvres de mis&eacute;ricorde, le docteur encourage au partage de la souffrance des autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;De secundo quod mouemur ad compassionem in Pe. II&nbsp;: In fine omnes unanimes in oratione&nbsp;<em>compatientes estote fraternitatis amatores&nbsp;</em>&raquo; (Delaurenti, 2016, p.&nbsp;159). C&rsquo;est ce qui se produit avec les h&ocirc;tes de Jo&iuml;e, ils ne se contentent pas de compatir psychologiquement mais agissent pour lui prodiguer de bons soins&nbsp;: les verbes&nbsp;<em>recevoir, conforter, aporter, mener</em>&nbsp;t&eacute;moignent d&rsquo;une prise en charge psychique et mat&eacute;rielle de l&rsquo;individu vuln&eacute;rable.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dans les&nbsp;<em>Lais</em>&nbsp;de Marie de France, il n&rsquo;est pas non plus rare de voir des personnages &ecirc;tre sensibles au sort de leurs semblables et consacrer leurs efforts pour am&eacute;liorer leur condition, m&ecirc;me si la femme pers&eacute;cut&eacute;e b&eacute;n&eacute;ficie souvent de l&rsquo;empathie auctoriale seule, nous y reviendrons. Toutefois, dans le lai de&nbsp;<em>Guigemar,</em> la dame enferm&eacute;e b&eacute;n&eacute;ficie de la pr&eacute;sence de sa suivante, la ni&egrave;ce de son &eacute;poux, qui n&rsquo;est pas aussi liberticide que la du&egrave;gne accompagnant la dame dans le lai de&nbsp;<em>Yonec</em></span><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span style="color:#000099;">[8]</span></a><span style="color:#000000;">. Une tendresse unit les deux jeunes femmes dans&nbsp;<em>Guigemar</em>&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une pucele a sun servise</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li aveit sis sires bailliee,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ki mult ert franche e enseigniee,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sa niece, fille sa sorur.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Entre les deus ot grant amur&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Od li esteit quant il errout.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Guigemar</em>,&nbsp;v.&nbsp;246-251, p.&nbsp;188)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi, en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle est une sorte de gouvernante de la jeune femme, la suivante est aussi son alli&eacute;e, et elle est sensible &agrave; l&rsquo;amour qui unit sa tante au beau Guigemar. Elle fait preuve d&rsquo;une certaine souplesse dans sa fonction, pour permettre au couple de s&rsquo;aimer. C&rsquo;est m&ecirc;me elle qui incite le jeune homme &agrave; se r&eacute;v&eacute;ler &agrave; sa ma&icirc;tresse&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La meschine l&rsquo;areisuna&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;Sire, fet ele, vus amez&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gardez que trop ne vus celez&nbsp;!&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Amer po&euml;z en iteu guise</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que bien ert vostre amur assise.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ki ma dame vodreit amer</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mut devrait bien de li penser.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Guigemar</em>,&nbsp;v.&nbsp;445-450, p.&nbsp;202)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le message qu&rsquo;elle transmet au jeune homme est sans &eacute;quivoque&nbsp;: &laquo;&nbsp;amer po&euml;z&nbsp;&raquo;. Refusant l&rsquo;iniquit&eacute; du sort de sa ma&icirc;tresse, la jeune suivante se laisse gagner par l&rsquo;amour du couple adult&egrave;re.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dans le lai de&nbsp;<em>Fr&ecirc;ne</em></span><a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span style="color:#000099;">[9]</span></a><span style="color:#000000;">,&nbsp;il faut remarquer le d&eacute;vouement de la suivante de la m&egrave;re qui sauve la jeune enfant de la mort, en la soustrayant au plan infanticide de sa m&egrave;re&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;un des enfanz me baillez &ccedil;a&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Jeo vus en deliverai ja,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si que honie ne serez</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne ke jam&eacute;s ne la verrez.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A un mustier la geterai,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tut sein e sauf la porterai&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Aucun produm la trovera&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si Deu plest, nurir la fera&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Fr&ecirc;ne</em>,&nbsp;v.&nbsp;108-116, p.&nbsp;274)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une fois le b&eacute;b&eacute; abandonn&eacute; &agrave; la porte d&rsquo;un couvent, c&rsquo;est le portier qui assure d&eacute;sormais le soin maternel d&eacute;faillant, en confiant l&rsquo;enfant &agrave; sa propre fille&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Fille, fet il, levez, levez&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Fu e chaundele m&rsquo;alumez&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un enfaunt ai ci aport&eacute;,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La fors el freisne l&rsquo;ai trov&eacute;.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De vostre leit&nbsp;le m&rsquo;alaitiez&nbsp;!&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Eschaufez le e sil baignez&nbsp;!&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Fr&ecirc;ne</em>,&nbsp;v.&nbsp;197-202)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au-del&agrave; du seul soin, nous pouvons observer que le portier prend une part consid&eacute;rable au sort de l&rsquo;enfant qu&rsquo;il vient de sauver. La pr&eacute;sence du pronom r&eacute;gime &laquo;&nbsp;me&nbsp;&raquo;, en fonction de compl&eacute;ment d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, tournure typique de la langue m&eacute;di&eacute;vale qui poss&egrave;de de nombreuses constructions datives, traduit l&rsquo;empathie au plan syntaxique. La parole, dans le lai, est donc un agent puissant de l&rsquo;empathie, comme l&rsquo;a remarqu&eacute; Nathalie Koble, en disant que &laquo;&nbsp;Marie s&rsquo;int&eacute;resse moins &agrave; l&rsquo;expression intime de la parole amoureuse qu&rsquo;&agrave; la vertu agissante de la parole&nbsp;&raquo; (Koble, 2019, p.&nbsp;5). Nous arrivons ainsi au dernier niveau de notre analyse, celui, proprement, de la parole litt&eacute;raire. Quelles sont les strat&eacute;gies discursives d&rsquo;un &eacute;crivain faisant preuve d&rsquo;empathie&nbsp;? Quelles sont les caract&eacute;ristiques d&rsquo;un po&eacute;tique compassionnelle ou d&rsquo;une &laquo;&nbsp;po&eacute;thique&nbsp;&raquo;, visant &agrave; toucher et &agrave; faire agir le lecteur&nbsp;?&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Po&eacute;thiques</em> du soin et de la compassion.</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><em><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Des &eacute;crivains protecteurs&nbsp;: conservation de la m&eacute;moire et le&ccedil;ons d&rsquo;&eacute;thique</span></span></em></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans un certain nombre de passages des textes que nous avons retenus, il n&rsquo;est pas rare d&rsquo;observer que l&rsquo;empathie s&rsquo;exerce avant tout chez l&rsquo;auteur, et que celui-ci nous en fait explicitement part. C&rsquo;est d&rsquo;abord le cas de Marie qui, m&ecirc;me si on a souvent relev&eacute; sa discr&eacute;tion ou parfois son silence (Freeman, 1984), ne s&rsquo;oublie&nbsp;jamais tr&egrave;s longtemps. Dans ses&nbsp;<em>Lais</em>,&nbsp;elle&nbsp;pr&eacute;tend initialement faire &oelig;uvre de conservation de la m&eacute;moire litt&eacute;raire, de protection de r&eacute;cits entendus, pour la le&ccedil;on morale dont ils sont d&eacute;positaires&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Des lais pensai, k&rsquo;o&iuml;z aveie.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne dutai pas, bien le saveie,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ke pur remembrance les firent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Des aventures k&rsquo;il o&iuml;rent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cil ki primes les comencierent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">E ki avant les enveierent.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Plusurs en ai o&iuml; conter,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nes voil laissier ne oblier&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Prologue</em>,&nbsp;v.&nbsp;33-40, p.&nbsp;166)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le caract&egrave;re testimonial des lais que l&rsquo;auteure pr&eacute;tend avoir entendus ne fait pour elle aucun doute, ces r&eacute;cits doivent &ecirc;tre transmis &agrave; travers les &acirc;ges&nbsp;: &laquo;&nbsp;ne dutai pas, bien le saveie, / Ke pur remembrance les firent [&hellip;] Cil ki primes les comencierent&nbsp;&raquo;. Marie s&rsquo;inscrit ainsi dans une filiation d&rsquo;auteurs, dont elle consid&egrave;re le travail ant&eacute;rieur et auquel elle apporte son aide et son soutien, de la m&ecirc;me mani&egrave;re qu&rsquo;elle entend faire preuve d&rsquo;empathie envers les &eacute;preuves et les souffrances des personnages qu&rsquo;elle met en sc&egrave;ne, comme l&rsquo;a bien remarqu&eacute; Philippe M&eacute;nard&nbsp;: &laquo;&nbsp;La grande affaire qui int&eacute;resse notre auteur, c&rsquo;est l&rsquo;amour r&eacute;ciproque d&rsquo;un homme et d&rsquo;une femme, l&rsquo;exaltation amoureuse qui les emplit, les efforts d&eacute;ploy&eacute;s pour surmonter les obstacles qui s&rsquo;opposent &agrave; leur amour&nbsp;&raquo; (M&eacute;nard, 1995, p.&nbsp;12). Tout laisse &agrave; penser que Marie s&rsquo;attarde volontairement sur les&nbsp;<em>liens&nbsp;</em>qui unissent les individus et sur ce qui menace leur &eacute;tablissement et leur p&eacute;rennit&eacute;&nbsp;: son projet litt&eacute;raire est&nbsp;&nbsp;au service de cette communaut&eacute; des &ecirc;tres, dont l&rsquo;union doit &agrave; tout prix &ecirc;tre conserv&eacute;e dans la m&eacute;moire du texte, puisqu&rsquo;elle ne peut l&rsquo;&ecirc;tre dans la r&eacute;alit&eacute; que celui-ci prend pour objet&nbsp;: &laquo;&nbsp;nes voil laissier ne oblier&nbsp;&raquo; nous dit-elle. L&rsquo;intention de Philippe de R&eacute;mi n&rsquo;est pas &eacute;loign&eacute;e de celle de Marie, car il pr&eacute;cise sans ambages que son objectif est moral et didactique, en priant les f&acirc;cheux auditeurs&nbsp;de quitter l&rsquo;assembl&eacute;e&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Autant ameroie tourber</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En .i. mar&eacute;s comme riens dire</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Devant aucune gent qui d&rsquo;ire,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">D&rsquo;envie, d&rsquo;orgueil sont si plain</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que tenu en sont pour vilain.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par tel gent sont tuit revel&eacute;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li mal qui amont sont lev&eacute;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Car du bien qu&rsquo;il sevent se taisent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et pour &ccedil;ou qu&euml; il poi me plaisent,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Leur voel, an&ccedil;ois que je commans</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La matere de mon roumans,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Priier de ci qu&euml; il s&rsquo;en voisent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ou qu&rsquo;il ne tencent ne ne noisent,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Car biaus contes si est perdus</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant il n&rsquo;est de cuer entendus&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;12-26, p.&nbsp;164)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Philippe de R&eacute;mi oppose aux&nbsp;<em>vilains</em>&nbsp;une conception &eacute;thique de son texte&nbsp;: il esp&egrave;re des cons&eacute;quences sur la fa&ccedil;on de penser de son public, et c&rsquo;est la raison pour laquelle il ne cherche que des auditeurs capables d&rsquo;entendre ce qu&rsquo;il a &agrave; dire. M&ecirc;me si ce prologue est de facture traditionnelle tant sur le fond que sur la forme, l&rsquo;important est bien d&rsquo;observer qu&rsquo;il faut &eacute;couter avec le c&oelig;ur, c&rsquo;est-&agrave;-dire adopter une attitude de disponibilit&eacute; &eacute;motionnelle, &laquo;&nbsp;car biaus contes si est perdus / Quant il n&rsquo;est de cuer entendus&nbsp;&raquo;. Ne peut-on donc pas postuler que l&rsquo;auteur propose une &eacute;ducation &agrave; la sollicitude, puisqu&rsquo;il faut, pour comprendre le r&eacute;cit et b&eacute;n&eacute;ficier du savoir qu&rsquo;il peut apporter, se disposer &agrave; &eacute;couter sinc&egrave;rement et &agrave; entendre&nbsp;? Cela ne va d&rsquo;ailleurs pas de soi comme il le dit juste apr&egrave;s, d&rsquo;o&ugrave; la n&eacute;cessit&eacute; du r&eacute;cit&nbsp;: &laquo;&nbsp;me&iuml;smement a chiaus qui l&rsquo;oent&nbsp;;&nbsp;/Pour &ccedil;ou leur requier jou qu&rsquo;il n&rsquo;oent&nbsp;/Ce conte que je met en rime&nbsp;&raquo; (<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;27-29)&nbsp;? Dans ses&nbsp;<em>Miracles</em>, la perspective de Gautier de Coinci est clairement celle d&rsquo;inciter ses lecteurs &agrave; observer un comportement chr&eacute;tien&nbsp;: il attend d&rsquo;eux qu&rsquo;ils fassent preuve de charit&eacute;. Si la Vierge est un acteur essentiel dans la vie des personnages, elle ne saurait pourtant se substituer aux efforts des hommes pour exercer le lien avec leurs semblables et faire preuve de compassion &agrave; leur &eacute;gard. Gautier encourage ses lecteurs &agrave; une participation humaine dans l&rsquo;exercice du lien et du soin, et pas seulement &agrave; la pri&egrave;re ni &agrave; l&rsquo;attente du secours divin. Le prologue des&nbsp;<em>Miracles&nbsp;</em>atteste parfaitement d&rsquo;une volont&eacute; interventionnelle de ses &eacute;crits&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Miracles que truis en latin/Translater voel en rime et metre/Que cil et celes qui la letre/ N&rsquo;entendent pas puissent entendre/Qu&rsquo;a son servise fait boen tendre&nbsp;&raquo; (Coinci, I Pr. 1, v.&nbsp;6-10). S&rsquo;il est n&eacute;cessaire d&rsquo;instruire ceux qui n&rsquo;entendent pas le latin, c&rsquo;est bien parce que les r&eacute;cits miraculeux visent avant tout le commun des mortels et pas uniquement les hommes du clerg&eacute;. L&rsquo;enseignement est celui, certes, de servir la Vierge, mais par les exemples qu&rsquo;elle donne, demande-t-elle autre chose que la bont&eacute; et la douceur envers son prochain&nbsp;?&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les auteurs dont nous parlons donnent ainsi l&rsquo;exemple et font preuve de ce qu&rsquo;A.&nbsp;Rabatel nomme &laquo;&nbsp;mobilit&eacute; empathique&nbsp;&raquo;. Les situations sont nombreuses dans lesquelles la voix de l&rsquo;auteur-narrateur se confond avec celle du personnage, comme si les premiers se laissaient traverser par l&rsquo;exp&eacute;rience douloureuse des seconds. Outre l&rsquo;adoption du point de vue des personnages, Marie et Philippe de R&eacute;mi en particulier ont recours &agrave; une forme de m&eacute;talepse fil&eacute;e, gr&acirc;ce &agrave; laquelle ils investissent l&rsquo;existence de leurs personnages, rendant poreuse la voix auctoriale, la voix active, &agrave; la voix, fragile, de ceux qui souffrent. &Eacute;voquant la m&eacute;chancet&eacute; de la belle-m&egrave;re de Jo&iuml;e, qui commandite une grande partie des m&eacute;saventures qui lui arrivent, Philippe de R&eacute;mi va jusqu&rsquo;&agrave; la maudire, affirmant ainsi la complicit&eacute; qu&rsquo;il entretient avec son personnage&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dix maladie son cors et s&rsquo;ame&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">U monde n&rsquo;ot si male dame</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne de mal si esc&iuml;enteuse.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mout fu en son cuer engigneuse</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De &ccedil;ou que mie ne la het</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ses fix [&hellip;]&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;1803-1808, p.&nbsp;268)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Marie, quant &agrave; elle, vit dans la fiction qu&rsquo;elle cr&eacute;e avec ses personnages. Elle se r&eacute;jouit pour eux mais les accompagne aussi dans leurs douleurs. Une fois que les barons ont convainu Goron d&rsquo;&eacute;pouser une autre femme que Fr&ecirc;ne, dans le lai &eacute;ponyme, Marie regrette que les barons ignorent d&rsquo;o&ugrave; vient la jeune femme&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Allas&nbsp;! Cum est mesavenu</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ke li prudume n&rsquo;unt se&uuml;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;aventure des dameiseles</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ki esteient serurs gemeles&nbsp;!&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Fr&ecirc;ne</em>,&nbsp;v.&nbsp;345-348, p.&nbsp;292)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous pourrions multiplier les exemples, mais ce qu&rsquo;il importe surtout de retenir est que nous sommes en pr&eacute;sence d&rsquo;une empathie auctoriale, jusqu&rsquo;alors peu remarqu&eacute;e, si ce n&rsquo;est par Nathalie Koble qui caract&eacute;risera Marie comme &laquo;&nbsp;empathique&nbsp;&raquo; en 2019 seulement (Koble, 2019, p.&nbsp;8). Toutefois, repr&eacute;senter l&rsquo;empathie, la th&eacute;matiser, l&rsquo;exercer, ne suffit pas. En effet, il faut aussi observer que les personnages b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;un espace de parole qui leur est propre. Ils retrouvent une forme de vitalit&eacute;, une corpor&eacute;it&eacute; &eacute;nonciative, pourrait-on dire, venant compenser celle qu&rsquo;ils ont perdue dans la r&eacute;alit&eacute; sociale mise en sc&egrave;ne par le texte&nbsp;: l&rsquo;empathie a pour but de &laquo;&nbsp;r&eacute;parer les vivants&nbsp;&raquo; que sont les personnages, pour reprendre le beau titre de l&rsquo;ouvrage d&rsquo;A.&nbsp;Gefen.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Retrouver l&rsquo;individu, redonner la voix&nbsp;: la re-subjectivisation des &ecirc;tres</em></span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En effet, il y a lieu de consid&eacute;rer tout d&rsquo;abord que les auteurs mettent un point d&rsquo;honneur &agrave; faire r&eacute;sonner la voix de ces personnages vuln&eacute;rables&nbsp;: l&rsquo;espace fictionnel est cr&eacute;&eacute; autour d&rsquo;eux, et pour eux. Cela peut parfaitement &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme une forme de soin dans la mesure o&ugrave; ils b&eacute;n&eacute;ficient d&rsquo;une resubjectivation&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le soin n&rsquo;appartient pas &agrave; une caste de soignants qui distribueraient leurs soins, comme d&rsquo;autres les bonnes paroles, &agrave; des patients incapables d&rsquo;&ecirc;tre eux-m&ecirc;mes actifs dans la d&eacute;marche de soin. Le soin est une fonction en partage, relevant de l&rsquo;alliance dialectique, cr&eacute;ative, des soignants et des soign&eacute;s, qui, ensemble, font &eacute;clore une dynamique [&hellip;] Soin et sujets sont indissociables.&nbsp;(Fleury, 2019, p.&nbsp;21)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si Cynthia&nbsp;Fleury fait r&eacute;f&eacute;rence au soin m&eacute;dical, sa d&eacute;finition du soin peut toutefois &ecirc;tre &eacute;largie &agrave; d&rsquo;autres types de soins, y compris celui qui consiste &agrave; permettre &agrave; un sujet de retrouver une forme d&rsquo;autonomie, dont l&rsquo;itin&eacute;raire de nos personnages est d&rsquo;ailleurs embl&eacute;matique puisqu&rsquo;ils sacrifient tout pour garder leur autonomie de sujet face &agrave; un pouvoir politique qui les contraint. Le fait de redonner la parole &agrave; ces individus vuln&eacute;rabilis&eacute;s peut ainsi s&rsquo;interpr&eacute;ter comme un geste de soin.&nbsp;<em>La Manekine</em>&nbsp;de Philippe de R&eacute;mi, les&nbsp;<em>Lais&nbsp;</em>de Marie ou encore les chansons de toile sont des textes qui reposent sur l&rsquo;acc&egrave;s constant &agrave; l&rsquo;&eacute;nonciation des personnages fragilis&eacute;s, et &agrave; leur point de vue. Cela est remarquable lors des pri&egrave;res que Jo&iuml;e adresse &agrave; Dieu et &agrave; la Vierge, car ces prises de parole n&rsquo;ont rien d&rsquo;anecdotique et s&rsquo;&eacute;tendent sur plusieurs pages. Par ailleurs, le texte met l&rsquo;accent sur les douleurs ressenties par l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne et lui permet de les exprimer, sans se substituer &agrave; sa voix ou aux bruits qu&rsquo;elle &eacute;met&nbsp;: la parole de chagrin ou de deuil est lib&eacute;r&eacute;e et &eacute;nonc&eacute;e. Jo&iuml;e a ainsi la possibilit&eacute; de faire entendre sa plainte, notamment lorsqu&rsquo;elle se retrouve seule en mer, avec le r&eacute;investissement par l&rsquo;&eacute;crivain de la forme &eacute;pique traditionnelle de la pri&egrave;re du plus grand p&eacute;ril, mise au service d&rsquo;une r&eacute;&eacute;laboration du personnage en tant que sujet, dans toute sa vuln&eacute;rabilit&eacute;, mais aussi dans toute son int&eacute;grit&eacute; :&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">[&hellip;], et en regretant</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dist&nbsp;: &laquo;&nbsp;Fortune, molt malement</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">M&rsquo;as tost ta roee bestournee.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Desseure m&rsquo;avoies montee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ou j&rsquo;avoie joie et soulas.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Or m&rsquo;est vis de si haut si bas</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gietee m&rsquo;as desous tes pi&eacute;s</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne de moi ne te prent piti&eacute;s.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Onques mais nul jor pour bien faire</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne souffri femme tel contraire,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que seule vois et esgaree</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et nuit et jor par mer salee.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;1083-1096, p.&nbsp;226)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Elle expose pr&eacute;cis&eacute;ment sa d&eacute;ch&eacute;ance physique mais aussi sociale, position vuln&eacute;rable de son existence qui appelle le lecteur ou le t&eacute;moin de son exp&eacute;rience &agrave; se questionner sur le sort de l&rsquo;autre. En reprochant &agrave; Fortune son impassibilit&eacute; (v.&nbsp;1090), l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne pointe directement la qualit&eacute; qu&rsquo;elle attend chez quelqu&rsquo;un pour compenser l&rsquo;amertume de sa situation, embl&eacute;matis&eacute;e &laquo;&nbsp;par mer salee&nbsp;&raquo;.&nbsp;D&rsquo;ailleurs, et juste apr&egrave;s, elle r&eacute;clame la consid&eacute;ration de son sort par Dieu en invoquant pr&eacute;cis&eacute;ment sa capacit&eacute;&nbsp;pathique :&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vierge Marie, douce Dame,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Vous estes l&rsquo;estoile et la game,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par qui bone gent sont sauv&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Je vous pri que vous me sauv&eacute;s</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et prii&eacute;s pour vostre Fil</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Qu&euml; il me get de cest peril</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et k&rsquo;Il voelle son yretage</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Rendre mon fil, dont a outrage</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sommes cachi&eacute; et sans desserte.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Onques mais femme n&rsquo;ot tel perte.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De tout &ccedil;ou vos pri et requier</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Voeilli&eacute;s ent votre Fil priier&nbsp;&raquo;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;4725-4739, p.&nbsp;430)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les auteurs, en accordant la parole &agrave; ces personnages, en leur consacrant des descriptions physiques, reconstituent une pr&eacute;sence qui leur est refus&eacute;e dans leur soci&eacute;t&eacute;. C&rsquo;est le cas lors de la p&acirc;moison de la jeune femme, &agrave; la suite de ses relevailles, lorsqu&rsquo;elle apprend (par l&rsquo;interm&eacute;diaire d&rsquo;une lettre falsifi&eacute;e) que son &eacute;poux, persuad&eacute; par la reine-m&egrave;re qu&rsquo;elle a mis au monde un enfant diabolique, la condamne au b&ucirc;cher, lui aussi&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant la Manekine a o&iuml;e</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tel nouvele, si esbahie</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Est que trestous li cuer li sere.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pasmee est ke&uuml;e a la tere</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et s&rsquo;eut le cuer en si grant paine</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que grant piece perdi s&rsquo;alaine.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;3687-3692, p.&nbsp;374)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le personnage de Gondr&eacute;e, dans les&nbsp;<em>Miracles</em>,&nbsp;b&eacute;n&eacute;ficie &eacute;galement de cet acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;&eacute;nonciation. Mais, ce qui est davantage &agrave; relever est que nos auteurs refusent l&rsquo;abandon &agrave; la posture victimaire. Cela ne s&rsquo;entend pas de la m&ecirc;me mani&egrave;re pour le Moyen&nbsp;&Acirc;ge que pour aujourd&rsquo;hui, mais nos personnages nous le montrent en ce qu&rsquo;ils gardent confiance en Dieu, et refusent de se laisser aller au p&eacute;ch&eacute; d&rsquo;ac&eacute;die&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dame, fait elle, dame, dame,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De la plus esgaree fame</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Aiez merci qui ainc fust nee.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pucele douce et enmielee,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">S&rsquo;encor vers moy ne te rapite</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ta grans douceurs, si sui despite</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que ne trouverai nule terre</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ou on me laist nes mon pain querre.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Miracles</em>,&nbsp;II, 24, v.&nbsp;175-182, p.&nbsp;223)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gondr&eacute;e ne renonce pas. Elle ne se soustrait pas &agrave; la pr&eacute;sence divine, mais se tient en face d&rsquo;elle, dans toute sa vuln&eacute;rabilit&eacute; dont le texte t&eacute;moigne. Dans les&nbsp;<em>Lais</em>,&nbsp;dans lesquels &laquo;&nbsp;la parole appara&icirc;t comme le moyen d&rsquo;action privil&eacute;gi&eacute; des femmes dans une soci&eacute;t&eacute; qui ne leur en permet gu&egrave;re d&rsquo;autres&nbsp;&raquo; (Paupert, 2013, p.&nbsp;170), il n&rsquo;est pas rare de constater que Marie ouvre des br&egrave;ches &eacute;nonciatives au sein m&ecirc;me de sa voix, par l&rsquo;interm&eacute;diaire des discours direct ou indirect libre, afin d&rsquo;y accueillir la parole des femmes maltrait&eacute;es&nbsp;ou invisibilis&eacute;es. C&rsquo;est le cas de la dame, dans<em>&nbsp;Guigemar,</em>&nbsp;qui a soign&eacute; ce myst&eacute;rieux chevalier dont elle est tomb&eacute;e amoureuse&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant la dame ad la messe o&iuml;e,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ariere vait, pas ne s&rsquo;ublie&nbsp;;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Saveir voleit quei cil feseit,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si il veilleit u il dormeit,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pur ki amur sis quors ne fine&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Guigemar,</em>&nbsp;v.&nbsp;465-469, p.&nbsp;204)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Marie fait ici une place aux aspirations de son personnage, elle dilate son instance &eacute;nonciative jusqu&rsquo;&agrave; faire entendre la voix de la jeune femme amoureuse, de sorte &agrave; lui assurer son identit&eacute; propre et son v&eacute;cu. Yannick Mosset l&rsquo;avait remarqu&eacute; en expliquant finalement que le lai de l&rsquo;auteure&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">se diff&eacute;rencie de la lyrique, qui renouv&egrave;le &agrave; chaque chant la c&eacute;l&eacute;bration amoureuse, dans un pr&eacute;sent sans chronologie. Le r&eacute;cit donne au contraire la possibilit&eacute; d&rsquo;&eacute;prouver l&rsquo;amour &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du temps, de l&rsquo;engager dans une &ndash; des &ndash; histoires singuli&egrave;res. [&hellip;] L&rsquo;enjeu est ici, me semble-t-il, de singulariser des voix, non de chanter des types. (Dubost, cit&eacute; par Koble, 2018, p.&nbsp;6)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dans les chansons de toile, la douleur f&eacute;minine est parfaitement audible, et cette lisibilit&eacute; de la parole signifie en m&ecirc;me temps appel &agrave; l&rsquo;aide, signe de l&rsquo;incompl&eacute;tude des &ecirc;tres et du caract&egrave;re presque visc&eacute;ral du sentiment d&rsquo;appartenance &agrave; la communaut&eacute; humaine. Un certain nombre d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments textuels nous permettent de ressentir la douleur amoureuse de la belle Ydoine&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ci sui pour vostre amour enserree a grant painne,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">ne puis seur pi&eacute;s ester, tant sui souprise et vainne.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A cest mot chiet pasmee, sanz vois et sanz alainne.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li rois ot entendu et le cri et la noise :</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">durement s&rsquo;esmerveille quant ele ne s&rsquo;acoise.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En la tour vint courant pluz tost que cers ne voise :</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">sa fille voit pasmee, Ydoine la courtoise.</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Entre ses bras la prent, n&rsquo;a talent qu&rsquo;il s&rsquo;envoise (&hellip;)</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Grant dolour a au cuer li rois, ne set que dire.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(Zink, 1977, XIV, XIV, v. 93-105, p. 117-118)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">La jeune femme parvient &agrave; dire ce qu&rsquo;elle veut mais instantan&eacute;ment, elle d&eacute;faille et se p&acirc;me tant la douleur d&rsquo;amour est insoutenable. La douleur lui retire la voix et le souffle de mani&egrave;re path&eacute;tique, registre qui est ici appuy&eacute; par l&rsquo;emphase rimique sur [ɛn]&nbsp;: &laquo;&nbsp;painne&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;vainne&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;alainne&nbsp;&raquo;. La chanson va jusqu&rsquo;&agrave; &eacute;voquer le bruit de ce corps qui tombe de douleur, de ce corps allong&eacute; et &agrave; moiti&eacute; mort qui provoque l&rsquo;inqui&eacute;tude et la douleur des parents. Plus inqui&eacute;tant encore, Ydoine semble &ecirc;tre prise de folie amoureuse. La p&acirc;moison est en effet un motif topique dans les r&eacute;cits qui mettent en sc&egrave;ne un personnage atteint de folie. La jeune femme veut mourir si elle n&rsquo;obtient pas Garsile pour mari</span><a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span style="color:#000099;">[10]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;ou du moins renoncer &agrave; toute forme de vie sociale, et c&rsquo;est le corps ainsi que le discours de la jeune femme qui le montrent, on retrouve ce ph&eacute;nom&egrave;ne de dynamog&eacute;nie &eacute;nonciative relev&eacute;e par J.&nbsp;Cosnier. Les ressources po&eacute;tiques mobilis&eacute;es par le corps f&eacute;minin permettent alors de communiquer la douleur d&rsquo;amour &agrave; tous les personnages et de faire se r&eacute;fracter la blessure dans la totalit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire&nbsp;: l&rsquo;empathie se fait ainsi mode de communication litt&eacute;raire, et permet de r&eacute;affirmer des liens qui ont &eacute;t&eacute; bris&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous avons pu constater, &agrave; travers ces quelques exemples, que les textes m&eacute;di&eacute;vaux exercent le soin, en ce qu&rsquo;ils ne se limitent pas &agrave; raconter les &ecirc;tres, ils leur donnent ou leur redonnent une parole qui leur permet d&rsquo;exprimer leur &ecirc;tre et leurs aspirations, et cette g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; auctoriale s&rsquo;&eacute;tend &agrave; la forme m&ecirc;me de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><em><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Des structures narratives r&eacute;paratrices et compensatoires</span></span></em></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sur le plan m&ecirc;me de la structure narrative, nos textes m&eacute;di&eacute;vaux ne laissent pas les situations de crise qu&rsquo;ils exposent sans solution. Chacun des textes que nous analysons tente vraisemblablement de r&eacute;parer les personnages et les liens qui les unissent gr&acirc;ce &agrave; des sc&eacute;narios th&eacute;rapeutiques, et dans lesquels l&rsquo;empathie et la compassion occupent une place pr&eacute;pond&eacute;rante. Dans les&nbsp;<em>Lais</em>,&nbsp;Marie fait r&eacute;guli&egrave;rement intervenir Dieu en faveur des personnages d&eacute;favoris&eacute;s&nbsp;: Dieu r&eacute;pare les injustices, permet l&rsquo;accomplissement des amours emp&ecirc;ch&eacute;s et r&eacute;affirme la toute-puissance de son &ecirc;tre, qui est Amour. Dans le lai de&nbsp;<em>Yonec</em>, par exemple, mais aussi dans celui de&nbsp;<em>Milon</em>, les pri&egrave;res d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;es des &eacute;pouses malmari&eacute;es et recluses trouvent chez Dieu un soutien de poids. Dans<em>&nbsp;Yonec</em>,&nbsp;suite &agrave; la pri&egrave;re de la jeune femme (&laquo;&nbsp;Deus, ki de tut ad po&euml;st&eacute;,&nbsp;/il en face ma volent&eacute;&nbsp;&raquo;, v.&nbsp;103-104), un bel oiseau appara&icirc;t &agrave; la fen&ecirc;tre et deviendra bient&ocirc;t un beau chevalier qui assumera le r&ocirc;le d&rsquo;amant de cette derni&egrave;re&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant ele ot fait sa pleine issi,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;umbre d&rsquo;un grant oisel choisi&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par mi une estreite fenestre&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ele ne seit que ceo pout estre.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En la chambre volant entra&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Giez ot as piez, ostur sembla,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De cinc mues fu u de sis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Il s&rsquo;est devant la dame asis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant il i ot un poi est&eacute;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">E ele l&rsquo;ot bien esgard&eacute;,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Chevaliers bels e genz devint.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Yonec</em>,&nbsp;v.&nbsp;105-115, p.&nbsp;416-418)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Dieu permettra m&ecirc;me, dans la suite du lai, &agrave; ces deux amants d&rsquo;avoir un enfant, appel&eacute; Yonec</span><a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span style="color:#000099;">[11]</span></a><span style="color:#000000;">. Marie accorde ainsi, dans son &eacute;criture, une pr&eacute;valence du d&eacute;sir &agrave; devenir force d&rsquo;action dans la r&eacute;alit&eacute;, et Francis Dubost l&rsquo;a bien compris en &eacute;voquant &laquo;&nbsp;la l&eacute;galit&eacute; merveilleuse&nbsp;&raquo; (Dubost, 1993, p. 466) qui remplace des lois sociales jug&eacute;es iniques, dans les&nbsp;<em>Lais</em>.&nbsp;Le lai semble d&egrave;s lors assumer une fonction de soin, une fonction r&eacute;paratrice, en ce qu&rsquo;il propose un &laquo;&nbsp;ailleurs &eacute;thique&nbsp;&raquo; (Dubost, 1995, p.&nbsp;46) qui vient compenser les in&eacute;galit&eacute;s et les blessures subies par les malmari&eacute;es. Yasmina Foehr-Janssens l&rsquo;avait d&eacute;j&agrave; observ&eacute;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Marie travaille &agrave; innocenter l&rsquo;adult&egrave;re, &agrave; exalter l&rsquo;idylle, &agrave; d&eacute;noncer la violence brute impos&eacute;e aux corps et aux &acirc;mes. Elle cherche &agrave; l&eacute;gitimer l&rsquo;expression d&rsquo;un d&eacute;sir de libert&eacute; en travestissant, le plus subtilement du monde, les codes d&rsquo;une culture courtoise qui ne cesse de se confronter aux scandales d&rsquo;un amour qu&rsquo;elle veut indomptable (Foehr-Janssens, 2019, p.&nbsp;2)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En effet, avec la complicit&eacute; de Dieu qu&rsquo;elle fait figurer dans ses lais, Marie offre une forme de permissivit&eacute; &agrave; l&rsquo;expression du d&eacute;sir, notamment &agrave; travers la pr&eacute;sence des oiseaux qui incarnent ce que Val&eacute;rie Fasseur a nomm&eacute; &laquo;&nbsp;les ailes du d&eacute;sir&nbsp;&raquo;, mais aussi et surtout en permettant un assouvissement de la passion amoureuse, sans jamais basculer dans un id&eacute;alisme amoral&nbsp;: &laquo;&nbsp;le c&oelig;ur et le corps ont leur part. Marie ne nous peint pas des amours platoniques. Ses personnages se donnent totalement l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre. [&hellip;] Marie pr&eacute;f&egrave;re la spontan&eacute;it&eacute; et les &eacute;lans du c&oelig;ur sinc&egrave;re&nbsp;&raquo; (M&eacute;nard, 1995, p.&nbsp;13-14). Le cas de<em>&nbsp;La Manekine</em>&nbsp;est encore plus parlant dans la mesure o&ugrave; les exclusions successives du personnage finissent par cr&eacute;er un manque chez ceux qui en sont responsables, le p&egrave;re d&rsquo;abord et le mari ensuite. De la sorte que le r&eacute;cit se scinde en trois itin&eacute;raires biographiques et narratifs distincts et que ceux des hommes convergent tous deux vers une imitation du chemin de p&eacute;nitence qu&rsquo;a subi Jo&iuml;e. Son mari, le roi d&rsquo;&Eacute;cosse, apr&egrave;s avoir compris qu&rsquo;il avait &eacute;t&eacute; tromp&eacute; par sa propre m&egrave;re, d&eacute;cide de retrouver son &eacute;pouse mais en suivant le m&ecirc;me chemin de douleur qu&rsquo;elle. Il partage son sort avec celle qu&rsquo;il aime, en s&rsquo;adressant &agrave; elle, bien qu&rsquo;elle soit absente, ce qui est la preuve d&rsquo;un d&eacute;sir de r&eacute;tablir le lien marital qu&rsquo;il a bris&eacute; involontairement&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Or estes en mer, en tourment,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ou, espoir, no&iuml;e&nbsp;! Comment</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Serai ge ja mais nul jour li&eacute;s&nbsp;?&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si sui pour vous desconsilli&eacute;s,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Voir, que ne sai mais que je face.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne ja Nostre Signeur ne place</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que j&rsquo;aie joie et vous dolour&nbsp;!&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;4309-4315).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le roi affirme-t-il autre chose que sa compassion et sa facult&eacute; empathique, traduite ici par une forme d&rsquo;&eacute;cholalie et de volont&eacute; &eacute;chopraxique. Il affirme devant Dieu sa douleur et son d&eacute;sespoir, de la m&ecirc;me mani&egrave;re que Jo&iuml;e le faisait au d&eacute;but du roman. Comme elle, qui se dit &ecirc;tre une &laquo;&nbsp;esgaree femme&nbsp;&raquo;, il adopte la posture de l&rsquo;&ecirc;tre vuln&eacute;rable pour partager l&rsquo;exp&eacute;rience de vie douloureuse de son &eacute;pouse&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Si durement sui desvoii&eacute;s&nbsp;&raquo; (v.&nbsp;5599). D&rsquo;ailleurs, les retrouvailles avec Jo&iuml;e sont aussi le retour de l&rsquo;&eacute;tat &eacute;motionnel qui porte le m&ecirc;me nom (Castellani, 1990, p. 205-211). Jo&iuml;e n&rsquo;est restitu&eacute;e en tant qu&rsquo;individu, qu&rsquo;une fois qu&rsquo;elle retrouve son nom et qu&rsquo;elle est &agrave; nouveau reconnue des siens&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous estes mes cuers, ma vie/ Mes biens, ma sant&eacute;s et ma joie&nbsp;&raquo;, lui dit son &eacute;poux (Manekine,&nbsp;v. 1908-1909).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><em><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cristalliser le souvenir</span></span></em></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Enfin, il semble important pour les auteurs de permettre au lecteur de se souvenir des itin&eacute;raires des personnages, qui portent un discours moral. Cela se v&eacute;rifie dans bon nombre des&nbsp;Lais, nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; remarqu&eacute;, et notamment dans le lai d&rsquo;<em>Eliduc</em>, qui cl&ocirc;t le recueil&nbsp;: &laquo;&nbsp;Li aunc&iuml;en Bretun curteis / Firent le lai pur remembrer, / Qu&rsquo;un hum nel de&uuml;st pas oblier&nbsp;&raquo; (<em>Eliduc</em>,&nbsp;v.&nbsp;1182-1184). Bien souvent, pour faciliter cette m&eacute;moire, Marie agit comme une orf&egrave;vre dans sa mani&egrave;re d&rsquo;&eacute;crire, dans la mesure o&ugrave; les crises et la tension narrative se r&eacute;solvent &agrave; partir de la pr&eacute;gnance d&rsquo;un objet tr&egrave;s symbolique qui, en exploitant une certaine forme de merveilleux litt&eacute;raire, vient rappeler &agrave; lui seul tout l&rsquo;itin&eacute;raire des personnages et permet d&rsquo;assurer la continuit&eacute; des liens, m&ecirc;me lorsque les contraintes sociales ont tout d&eacute;truit des aspirations individuelles. Dans le lai du&nbsp;<em>La&uuml;stic</em>,&nbsp;par exemple, le petit rossignol est envelopp&eacute; dans un tissu brod&eacute; par la femme enferm&eacute;e, qui l&rsquo;envoie &agrave; son amant, ce dernier le faisant reposer dans un petit coffret&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un vaisselet ad fet forgier&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Unques n&rsquo;i ot fer ne acier,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tuz fu d&rsquo;or fin od bones pieres,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mut prec&iuml;euses e mut chieres&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Covercle i ot tres bien asis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le la&uuml;stic ad dedenz mis,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Puis fist la chasse enseeler.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tuz jurs l&rsquo;ad fete od lui porter.&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>La&uuml;stic</em>,&nbsp;v.&nbsp;149-156, p.&nbsp;467)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;acte de l&rsquo;amant envers la d&eacute;pouille de l&rsquo;animal peut constituer une m&eacute;taphore fil&eacute;e, mais subtile, de l&rsquo;acte d&rsquo;&eacute;criture de Marie. Habitu&eacute;e &agrave; &eacute;voquer son travail, son&nbsp;labur,&nbsp;comme elle le fait dans ses&nbsp;Fables,&nbsp;il semble bien que ce soit l&rsquo;&eacute;criture qui fabrique ce ch&acirc;sse protecteur de l&rsquo;oiseau. Le &laquo;&nbsp;covercle bien asis&nbsp;&raquo; peut tout &agrave; fait renvoyer &agrave; la justesse de l&rsquo;&eacute;criture et au caract&egrave;re extr&ecirc;mement ramass&eacute; du lai, dans lequel l&rsquo;&eacute;crivaine a, elle aussi, &laquo;&nbsp;le la&uuml;stic dedenz mis&nbsp;&raquo;, dans un lai &laquo;&nbsp;d&rsquo;or brud&eacute; et tut escrit&nbsp;&raquo; (v.&nbsp;466), afin d&rsquo;en pr&eacute;server pour &laquo;&nbsp;tuz jurs&nbsp;&raquo; le souvenir. Milena Mikha&iuml;lova va m&ecirc;me jusqu&rsquo;&agrave; dire que l&rsquo;oiseau mort devient une &laquo;&nbsp;fixation de la mort&nbsp;&raquo; (Mikha&iuml;lova, 1996, p.&nbsp;224), il la neutralise et assure par une surcharge de sens une &eacute;ternit&eacute; de l&rsquo;amour. Dans le lai de&nbsp;<em>Guigemar</em>,&nbsp;la r&eacute;solution de la tension narrative se fait l&agrave; encore par l&rsquo;interm&eacute;diaire d&rsquo;un objet embl&eacute;matique, la ceinture, celle que les deux amants se ceignent l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre avant de se quitter, et que tous deux retrouvent dans le palais de M&eacute;riaduc lorsqu&rsquo;ils parviennent enfin &agrave; se rejoindre&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;Dame, fait il, kar assaiez</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Si desfere le pur&iuml;ez&nbsp;!&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant ele ot le comandement,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le pan de la chemise prent,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Legierement le despleiat.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le chevaliers s&rsquo;esmerveillat&nbsp;;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bien la conut, mes nequedent</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nel poeit creire fermement.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">A li parlat en teu mesure&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&laquo;&nbsp;Amie, duce creature,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Estes vus ceo&nbsp;? Dites mei veir&nbsp;!</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lessiez mei vostre cors veeir,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La ceinture dunt jeo vus ceins&nbsp;&raquo;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Guigemar</em>,&nbsp;v.&nbsp;807-819, p.&nbsp;232)&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">L&rsquo;&eacute;crit, en constituant cet objet comme un symbole de l&rsquo;amour des jeunes gens, t&eacute;moigne d&rsquo;une attention de la narratrice qui vaut empathie&nbsp;: en effet, au niveau intradi&eacute;g&eacute;tique, Marie transforme la r&eacute;alit&eacute; sociale et fait en sorte qu&rsquo;aucun autre personnage que la dame elle-m&ecirc;me ne puisse d&eacute;nouer la ceinture de Guigemar. Cette fin merveilleuse constitue bien cet &laquo;&nbsp;ailleurs &eacute;thique&nbsp;&raquo; dont parle Francis Dubost, elle est une r&eacute;alit&eacute;, certes litt&eacute;raire, constitu&eacute;e d&rsquo;un objet intradi&eacute;g&eacute;tique qui devient un embl&egrave;me. Cette construction litt&eacute;raire empreinte de merveilleux n&rsquo;est pourtant pas gratuite, ni m&ecirc;me expliquable par les tendances litt&eacute;raires du&nbsp;xiie&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: plus que cela, elle &eacute;mane d&rsquo;une empathie de la part de l&rsquo;auteure qui prot&egrave;ge, par son texte, l&rsquo;amour des jeunes gens, en privant les acteurs de la soci&eacute;t&eacute; f&eacute;odale de toute possibilit&eacute; d&rsquo;intervention. Dans le lai de&nbsp;<em>Fr&ecirc;ne</em>,&nbsp;le jour des noces, Coudrier arrive accompagn&eacute;e de sa m&egrave;re. Fr&ecirc;ne, qui a &eacute;t&eacute; rejet&eacute;e par la cour de Goron &agrave; cause de ses origines douteuses, assure donc le service comme servante, sans rien montrer de sa d&eacute;ception, et de sa douleur. Rappelons qu&rsquo;apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; abandonn&eacute;e au profit de sa s&oelig;ur, cette derni&egrave;re va aussi &eacute;pouser &agrave; sa place l&rsquo;homme qu&rsquo;elle aime. La jeune Fr&ecirc;ne, sans mot dire, et par une abn&eacute;gation totale, pr&eacute;pare le lit pour la nuit de noces, en y disposant l&#39;&eacute;toffe de soie qu&#39;elle avait re&ccedil;ue lors de son abandon, jugeant que le lit nuptial n&rsquo;est pas suffisamment soign&eacute;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Les chamberleins i apela&nbsp;;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La mani&egrave;re lur enseigna</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Cument sis sires le voleit,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Kar meintefeiz ve&uuml; l&rsquo;aveit.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quant le lit orent aprest&eacute;,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un covertur unt sus jet&eacute;&nbsp;;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Li dras esteit d&rsquo;un viel bofu.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La dameisele l&rsquo;ad ve&uuml;&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">N&rsquo;ert mie bons, ceo li sembla&nbsp;;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En sun curage li pesa.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un cofre ovri, sun palie prist,&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sur le lit sun seignur le mist.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Pur lui honurer le feseit&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Fr&ecirc;ne</em>,&nbsp;v.&nbsp;393-405, p.&nbsp;296)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">De mani&egrave;re presque inintelligible, Fr&ecirc;ne redouble de g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; en offrant le seul bien qui lui reste de sa famille, &agrave; savoir son &eacute;toffe de soie, avec laquelle elle a &eacute;t&eacute; abandonn&eacute;e. Mais, c&rsquo;est pour elle une mani&egrave;re de conjurer la douleur, &agrave; la fois la sienne, et celle du couple qui s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; s&rsquo;unir sur des bases morales d&eacute;j&agrave; chancelantes, ob&eacute;issant &agrave; la loi du mariage de sang et non &agrave; celle du mariage d&rsquo;amour. En effet, et selon la belle interpr&eacute;tation de ce geste par Milena Mikha&iuml;lova, Fr&ecirc;ne assume toutes les pertes dont elle est victime mais par sa g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; surnaturelle, elle la neutralise et soigne les frustrations, les douleurs, les haines qui pourraient se faire jour.&nbsp;On retiendra ainsi tout le sens de ce lai, &agrave; travers cette l&eacute;g&egrave;re &eacute;toffe de soie, dont la douceur est &agrave; l&rsquo;image du geste de la jeune orpheline.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au-dela des pouvoirs du r&eacute;cit de transfigurer le r&eacute;el par une forme de merveilleux, que ce soit dans les&nbsp;Lais&nbsp;de Marie ou dans les miracles chr&eacute;tiens chez Gautier de Coinci et Philippe de R&eacute;mi, ce qu&rsquo;il importe de retenir est que la r&eacute;paration intervient toujours &agrave; un niveau horizontal, une fois que les hommes ont fait acte de contrition envers leurs semblables. C&rsquo;est bien ce qui est finalement c&eacute;l&eacute;br&eacute; par Dieu, dans&nbsp;<em>La&nbsp;Manekine,</em>&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne ne retrouve sa main qu&rsquo;une fois que son p&egrave;re la reconna&icirc;t &agrave; nouveau comme sa fille, &agrave; travers la blessure m&ecirc;me par laquelle il l&rsquo;avait fait condamner&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ja pour riens ne vous en querrai,</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Duskes a tant que je verrai</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le lieu dont la main fu colpee</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et pour moi a douleur colpee&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">(<em>Manekine</em>,&nbsp;v.&nbsp;7163-7166, p.&nbsp;568)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ainsi, c&rsquo;est, par un retournement qui vise la sublimation de la douleur, la vuln&eacute;rabilit&eacute; qui finit par gu&eacute;rir &agrave; la fois ceux qui la subissent et ceux qui la provoquent, et qui se r&eacute;v&egrave;le &ecirc;tre une force insoup&ccedil;onn&eacute;e&nbsp;: ne sommes-nous pas ici en pr&eacute;sence du &laquo;&nbsp;trait essentiel de la vuln&eacute;rabilit&eacute;, &agrave; savoir qu&rsquo;elle peut &ndash; notamment quand elle fait l&rsquo;objet d&rsquo;un soin &ndash; &ecirc;tre &laquo;&nbsp;capacitaire&nbsp;&raquo; (Fleury, 2019, p.&nbsp;23)&nbsp;?</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Conclusion</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En parcourant ces quelques r&eacute;cits, nous avons pu observer que la litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale est profond&eacute;ment empathique et que la disponibilit&eacute; &agrave; l&rsquo;autre est &eacute;rig&eacute;e en fondement &eacute;thique en ce que l&rsquo;empathie et la compassion sont th&eacute;matis&eacute;es et incarn&eacute;es par les personnages, mais aussi en fondement po&eacute;tique&nbsp;: d&eacute;tournement de la loi f&eacute;odale chez Marie et polys&eacute;mie des objets, miracle divin et r&eacute;paration du corps sanctionnant la r&eacute;demption des hommes chez Gautier de Coinci et Philippe de R&eacute;mi. Par ailleurs, ces trois auteurs mettent au point des structures narratives qui &eacute;pousent des itin&eacute;raires singuliers, dont les h&eacute;ros ne sont pas des types mais des individus, expos&eacute;s dans leur souffrance et leur vuln&eacute;rabilit&eacute;. Les &eacute;crivains fournissent des sc&eacute;narios narratifs &agrave; travers lesquels se confrontent des personnages qui exercent un pouvoir fort, incarnant la norme sociale, et des personnages qui sont opprim&eacute;s par cette norme &agrave; laquelle ils tentent d&rsquo;&eacute;chapper, au prix d&rsquo;un affranchissement cher pay&eacute;, qui signe &eacute;galement leur marginalisation sociale. Il ne s&rsquo;agit donc pas, dans la fiction m&eacute;di&eacute;vale, de r&eacute;p&eacute;ter &agrave; tout prix des codes sociaux, ni, dans l&rsquo;exc&egrave;s inverse, d&rsquo;adopter une posture doloriste qui t&eacute;moigne d&rsquo;une vuln&eacute;rabilit&eacute; irr&eacute;versible des personnages. Tous les textes que nous avons retenus travaillent au contraire &agrave; la r&eacute;vision de ces normes inflexibles&nbsp;et placent au c&oelig;ur des narrations des &ecirc;tres qui ne s&rsquo;y conforment pas. Philippe de R&eacute;mi et Marie de France valorisent quasiment un h&eacute;ro&iuml;sme de ces individus vuln&eacute;rables. &Eacute;crire ces r&eacute;cits revient &agrave; inciter le public &agrave; s&rsquo;attarder de nouveau sur son prochain, &agrave; envisager la vuln&eacute;rabilit&eacute; de son sort comme &eacute;tant potentiellement celle de tous, et &agrave; faire acte de soin, comme le font les textes qui conjuguent &laquo;&nbsp;reconnaissance de la victime et construction de sa r&eacute;silience&nbsp;&raquo; (Fleury, 2019, p.&nbsp;25). Si la capacit&eacute; de la litt&eacute;rature m&eacute;di&eacute;vale, notamment par le biais de la langue avec laquelle elle est &eacute;crite, &agrave; susciter l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour les autres avait &eacute;t&eacute; envisag&eacute;e&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La langue m&eacute;di&eacute;vale et son alt&eacute;rit&eacute; peuvent &ecirc;tre source de r&eacute;flexion et de questionnement selon elle&nbsp;: &laquo;&nbsp;ne faudrait-il pas penser l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; comme pouvoir de faire &eacute;cho en nous&nbsp;? [&hellip;] Toujours la voix vient d&rsquo;ailleurs. Toujours elle est &agrave; interpr&eacute;ter. Entendre ces voix, n&rsquo;est-ce pas l&rsquo;all&eacute;gorie m&ecirc;me de notre place de sujet&nbsp;? (Cerquiglini-Toulet, 2003, p.&nbsp;74)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nous esp&eacute;rons avoir pu montrer, m&ecirc;me de mani&egrave;re non exhaustive, qu&rsquo;elle peut &ecirc;tre envisag&eacute;e comme un dispositif qui &eacute;rige l&rsquo;empathie et le soin en fondements po&eacute;tiques mais aussi &eacute;thiques. Dani&egrave;le Sallenave nous rappelle, d&rsquo;ailleurs, dans&nbsp;<em>Le Don des morts</em>,&nbsp;combien la litt&eacute;rature ancienne reste importante pour penser nos conditions de vies actuelles et le rapport que nous entretenons les uns avec les autres&nbsp;:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">[L]a m&eacute;ditation sur l&rsquo;exp&eacute;rience ne s&rsquo;op&egrave;re v&eacute;ritablement que par la m&eacute;diation des mots, et mieux encore, des mots d&eacute;j&agrave; constitu&eacute;s en mod&egrave;les de r&eacute;flexion et d&rsquo;approfondissement du temps v&eacute;cu : la litt&eacute;rature. Et c&rsquo;est ainsi que la vie devient une vie examin&eacute;e. Du monde brut, au monde revisit&eacute; : telle est la le&ccedil;on des livres &ndash; si nous voulons habiter le monde et non rester en face de lui. Tel est le r&ocirc;le que nous assignons aux &oelig;uvres des Lettres, et qu&rsquo;elles se sont donn&eacute;s &agrave; travers l&rsquo;histoire.&nbsp;(Sallenave, 1991)</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Agrave; ce titre, il semble plus que jamais pertinent de d&eacute;centrer le regard sur la fiction m&eacute;di&eacute;vale qui n&rsquo;est pas si inactuelle que l&rsquo;on veut bien le dire, encore faut-il vouloir, toujours, faire un effort d&rsquo;attention envers ce qui semble &eacute;loign&eacute; de nous&hellip;les &eacute;crivains du Moyen&nbsp;&Acirc;ge y comptent bien&nbsp;: &laquo;&nbsp;Li philesophe le saveient, / Par eus me&iuml;smes entendeient, / Cum plus trespassereit li tens, / Plus serreient sutil de sens&nbsp;&raquo; (<em>Prologue</em>, v.&nbsp;17-20, p.&nbsp;164).</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bibliographie</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&Eacute;ditions</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><em>Les Chansons de toile</em>, 1977, Michel Zink (&eacute;d.), Paris&nbsp;:&nbsp;Champion.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Augustin&nbsp;(saint), 1986, <em>De vita beata &ndash; De la vie heureuse</em>,&nbsp;traduction par J.&nbsp;Doignon, Paris,&nbsp;Descl&eacute;e, Biblioth&egrave;que augustinienne 4/1.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bo&egrave;ce, 2008, <em>La Consolation de Philosophie</em>,&nbsp;Moreschini, Vanpeteghem &amp; Tilliette (&eacute;d.), Paris,&nbsp;LGF, Lettres gothiques.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Boron (de)&nbsp;Robert, 1977, <em>The Didot Perceval. According to the Manuscripts of Modena and Paris</em>, William&nbsp;Roach&nbsp;(&eacute;d.), Gen&egrave;ve&nbsp;:&nbsp;Slatkine Reprints.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Coinci (de)&nbsp;Gautier, 1970, <em>Les Miracles de Nostre Dame</em>,&nbsp;&eacute;d. de V.&nbsp;Frederic Koenig, Gen&egrave;ve,&nbsp;Droz.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">France (de)&nbsp;Marie, 2018,&nbsp;<em>Lais bretons</em>,&nbsp;texte &eacute;tabli, traduit et pr&eacute;sent&eacute; par Nathalie Koble et Mireille&nbsp;S&eacute;guy, Paris,&nbsp;Honor&eacute; Champion, CCMA n&deg;&nbsp;32.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lactance, 1982, <em>La Col&egrave;re de Dieu</em>,&nbsp;traduction par Charles Ingremeau, Paris,&nbsp;Cerf, Sources chr&eacute;tiennes n&deg;&nbsp;289.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&ndash; 2007,&nbsp;<em>Institutions divines</em>,&nbsp;livre VI, texte &eacute;tabli et traduit par Charles Ingremeau, Paris,&nbsp;Cerf, Sources chr&eacute;tiennes n&deg;&nbsp;509.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Orig&egrave;ne, 1976, <em>Trait&eacute; des Principes</em>,&nbsp;traduit par M.&nbsp;Harl, G.&nbsp;Dorival et A.&nbsp;Le Boulluec, Paris,&nbsp;&Eacute;tudes augustiniennes.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">R&eacute;mi (de)&nbsp;Philippe, 2012,<em> La Manekine</em>,&nbsp;publication, pr&eacute;sentation, traduction et notes par Marie-Madeleine Castellani, Classiques fran&ccedil;ais du Moyen &Acirc;ge, Paris,&nbsp;Honor&eacute; Champion.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Salerne (de)&nbsp;Urso, 1936,&nbsp;<em>Aphorismi cum glossulis</em>,&nbsp;R.&nbsp;Creutz (&eacute;d.), in&nbsp;<em>Quellen und Studien zur Geschischte der Naturwissenschaften un der Medizin</em>,&nbsp;n&deg;&nbsp;5/1.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><strong><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Litt&eacute;rature secondaire</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Auraix-Jonchi&egrave;re&nbsp;Pascale, 2021, &laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Sociopo&eacute;tiques</em>&nbsp;[En ligne], 6 , &laquo;&nbsp;Sociopo&eacute;tique du handicap&nbsp;&raquo;, mis en ligne le 3 Novembre 2021.&nbsp;URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1305"><span style="color:#000000;">http://revues-msh.uca.fr/sociopoetiques/index.php?id=1305</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Bibring&nbsp;Tovi, 2010, &laquo;&nbsp;Sc&egrave;nes &eacute;rotiques, &eacute;criture courtoise. La symbolique naturelle dans les&nbsp;Lais&nbsp;de Marie de France&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Clio.&nbsp;Femmes, Genre, Histoire</em>&nbsp;[En ligne], 31, mis en ligne le 31 mai 2010.&nbsp;DOI&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://doi.org/10.4000/clio.9661"><span style="color:#000000;">https://doi.org/10.4000/clio.9661</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&ndash; 2008,&nbsp;&laquo;&nbsp;Plaie et plaisir&nbsp;: Marie de France et ses hommes castr&eacute;s&nbsp;&raquo;, in&nbsp;A.&nbsp;Dominguez&nbsp;Levia &amp; S. Hubier (&eacute;d.),&nbsp;<em>D&eacute;licieux supplices&nbsp;:&nbsp;&eacute;rotisme et cruaut&eacute; en Occident</em>,&nbsp;Dijon,&nbsp;Murmure, p.&nbsp;15-30.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Black&nbsp;Nancy B., 2003, <em>Medieval Narratives of Accused Queens</em>, Gainesville,&nbsp;University Press of Florida.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Boque, Damien, avec Piroska&nbsp;Nagy, 2015, <em>Sensible Moyen &Acirc;ge. Une histoire des &eacute;motions dans l&rsquo;Occident m&eacute;di&eacute;val</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;Seuil:&nbsp;L&rsquo;Univers historique.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Brug&egrave;re&nbsp;Fabienne, 2017, <em>L&rsquo;&eacute;thique du &ldquo;care&rdquo;</em>,&nbsp;Que sais-je n&deg;&nbsp;3903, Paris,&nbsp;Presses Universitaires de France.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Bru&ntilde;a Cuevas&nbsp;Manuel, 1988, &laquo;&nbsp;Le style indirect libre chez marie de France&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Revue de linguistique romane</em>,&nbsp;52,&nbsp;p.&nbsp;421-455.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Brunel&nbsp;Marie-Lise, avec Jean&nbsp;Cosnier, 2012, <em>L&rsquo;Empathie. Un sixi&egrave;me sens</em>,&nbsp;Lyon,&nbsp;Presses Universitaires de Lyon.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 2008, avec Cynthia&nbsp;Martigny, &laquo;&nbsp;Les conceptions de l&rsquo;empathie, avant, pendant et apr&egrave;s Rogers&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Carri&eacute;rologie&nbsp;</em>9-3,&nbsp;p.&nbsp;473-500.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Castera&nbsp;Sophie, 1983, &laquo;&nbsp;La peau et sa pathologie&nbsp;: langage du corps et reflet de la pens&eacute;e m&eacute;di&eacute;vale&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>M&eacute;di&eacute;vales</em>&nbsp;n&deg;&nbsp;3, &laquo;&nbsp;Trajectoires du sens&nbsp;&raquo;. URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1983_num_2_3_903"><span style="color:#000000;">https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1983_num_2_3_903</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Castellani&nbsp;Marie-Madeleine, 1982,&nbsp;<em>Du conte populaire &agrave; l&rsquo;exemplum.&nbsp;La Manekine&nbsp;de Philippe de Beaumanoir</em>,&nbsp;Th&egrave;se de doctorat de troisi&egrave;me cycle dirig&eacute;e par Jean Dufournet, Centre d&rsquo;&eacute;tudes m&eacute;di&eacute;vales et dialectales, Lille III.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&ndash; 1990, , &laquo;&nbsp;Bonheur humain, bonheur chr&eacute;tien dans&nbsp;La Manekine&nbsp;de Philippe de Beaumanoir&nbsp;: le motif de la joie&nbsp;&raquo;, in&nbsp;<em>L&rsquo;Id&eacute;e de bonheur au Moyen&nbsp;&Acirc;ge</em>,&nbsp;Actes du colloque d&rsquo;Amiens de mars 1984, G&ouml;ppingen,&nbsp;K&uuml;mmerle Verlag, G&ouml;ppinger Arbeiten zur Germanistik, n&deg;&nbsp;414, p.&nbsp;205-212.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Cerquiglini-Toulet&nbsp;Jacqueline, 2003, &laquo;&nbsp;Alt&eacute;rit&eacute;s dans le langage&nbsp;: &eacute;motions, gestes, codes&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Litt&eacute;rature</em>, n&deg;&nbsp;130, p.&nbsp;68-74. URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_2003_num_130_2_1799"><span style="color:#000000;">https://www.persee.fr/doc/litt_0047-4800_2003_num_130_2_1799</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Delaurenti&nbsp;B&eacute;atrice, 2016, <em>La Contagion des &eacute;motions.&nbsp;Compassio,&nbsp;une &eacute;nigme m&eacute;di&eacute;vale</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;Classiques Garnier, coll.&nbsp;Savoirs anciens et m&eacute;di&eacute;vaux, n&deg;&nbsp;4.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dragonetti&nbsp;Roger, 1973, &laquo;&nbsp;Le lai narratif de Marie de France&nbsp;pur quei fu fez, coment et dunt&nbsp;&raquo;,&nbsp;in&nbsp;<em>Litt&eacute;rature, Histoire, Linguistique</em> (M&eacute;langes B.&nbsp;Gagnebin),&nbsp;Lausanne,&nbsp;L&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;homme.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Dubost&nbsp;Francis, 1993, &laquo;&nbsp;Yonec le vengeur, et Tydorel le veilleur&nbsp;&raquo;, in&nbsp;<em>Et c&rsquo;est la fin pour quoy sommes ensemble&nbsp;: hommage &agrave; Jean Dufournet</em>,&nbsp;Paris&nbsp;: Champion, vol.&nbsp;1, p.&nbsp;449-467.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Fleury&nbsp;Cynthia, 2019, <em>Le soin est un humanisme</em>, Paris, Gallimard, Tracts, n&deg;&nbsp;6.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Foehr-Janssens&nbsp;Yasmina, 2018, &laquo;&nbsp;&lsquo;Noble oisel a en autour&rsquo;&nbsp;: la noblesse animale et la &laquo;&nbsp;conjointure&nbsp;&raquo; des&nbsp;Lais&nbsp;de Marie de France&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue des litt&eacute;ratures et des art</em>s,&nbsp;n&deg;&nbsp;19 [en ligne],&nbsp;URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://revues.univ-pau.fr/opcit/434"><span style="color:#000000;">https://revues.univ-pau.fr/opcit/434</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Garland-Thomson&nbsp;Rosemarie, 2009, <em>Staring&nbsp;: How We Look</em>, Oxford,&nbsp;Presses Universitaires d&rsquo;Oxford.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gefen&nbsp;Alexandre, 2017, <em>R&eacute;parer le monde. La litt&eacute;rature fran&ccedil;aise face au&nbsp;xxie&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Jos&eacute; Corti.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 2021,&nbsp;<em>L&rsquo;id&eacute;e de litt&eacute;rature</em>, Paris, Jos&eacute; Corti.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gefen&nbsp;Alexandre,&nbsp;Vouilloux&nbsp;Bernard&nbsp;(dir.), 2005,&nbsp;<em>Empathie et esth&eacute;tique</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;Hermann.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Gilligan&nbsp;Carol, 1982,&nbsp;<em>In a Different Voice: Psychological Theory and Women&#39;s Development</em>, Cambridge (Mass.), Harvard University Press.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Hammond&nbsp;Meghan,&nbsp;Sue Kim (dir.), 2014, <em>Rethinking Empathy Through Literature</em>, New York / London: Routledge.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Ibos&nbsp;Caroline, 2019, &laquo;&nbsp;&Eacute;thiques et politiques du&nbsp;care.&nbsp;Cartographie d&rsquo;une cat&eacute;gorie critique&nbsp;&raquo;, <em>Clio. Femmes, Genre, Histoire,</em>&nbsp;n&deg;&nbsp;49,&nbsp;URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://journals.openedition.org/clio/16440"><span style="color:#000000;">https://journals.openedition.org/clio/16440</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Lafontaine&nbsp;C&eacute;line, 2008, <em>La Soci&eacute;t&eacute; postmortelle&nbsp;: la mort, l&rsquo;individu et le lien social &agrave; l&rsquo;&egrave;re des technosciences,</em>&nbsp;Paris,&nbsp;Seuil.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Keen&nbsp;Suzanne, 2006, &laquo;&nbsp;A Theory of Narrative Empathy&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Narrative</em>,&nbsp;vol.&nbsp;14, n&deg;&nbsp;3.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mikha&iuml;lova&nbsp;Milena, 1996, <em>Le Pr&eacute;sent de Marie</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;Didot.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Nussbaum&nbsp;Martha,&nbsp;[2012]&nbsp;2013,&nbsp;<em>Les Religions face &agrave; l&rsquo;intol&eacute;rance. Vaincre la politique de la peur,</em>&nbsp;trad.&nbsp;de l&rsquo;anglais (&Eacute;tats-Unis) par N.&nbsp;Ferron, Paris,&nbsp;Flammarion.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; [1995]&nbsp;2015,&nbsp;<em>L&rsquo;Art d&rsquo;&ecirc;tre juste. L&rsquo;imagination litt&eacute;raire et la vie publique</em>,&nbsp;trad.&nbsp;de l&rsquo;anglais (&Eacute;tats-Unis) par S.&nbsp;Chavel, Paris&nbsp;: Flammarion.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Patoine&nbsp;Pierre-Louis, 2015,&nbsp;<em>Corps/texte. Pour une th&eacute;orie de la lecture empathique.&nbsp;Cooper, Danielewski, Frey, Palahniuk</em>,&nbsp;Lyon,&nbsp;ENS &Eacute;ditions.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Paupert&nbsp;Anne, 2013,&nbsp;&laquo;&nbsp;Les femmes et la parole dans les&nbsp;Lais&nbsp;&raquo;, in&nbsp;Dufournet&nbsp;Jean et <em>al</em>.&nbsp;(dir.),&nbsp;<em>Amour et merveille : les&nbsp;Lais&nbsp;de Marie de France</em>, Paris,&nbsp;Champion, p.&nbsp;169-187.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Pillant&nbsp;Yves, 2018, <em>Une politique de la vuln&eacute;rabilit&eacute; est-elle &laquo;&nbsp;pensable&nbsp;&raquo; ?</em>, Th&egrave;se de doctorat en Philosophie, AMU - Aix Marseille Universit&eacute;. URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01877132/document"><span style="color:#000000;">https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01877132/document</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Prochasson&nbsp;Christophe, 2008, <em>L&rsquo;empire des &eacute;motions. Les historiens dans la m&ecirc;l&eacute;e</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;D&eacute;mopolis.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Priestley&nbsp;Mark, 1999, <em>Disability politics and community care</em>, London: Jessica Kingsley Publishers.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Punday&nbsp;Daniel, 2003,<em> Narrative Bodies&nbsp;:&nbsp;Toward a Corporeal Narratology</em>,&nbsp;New York,&nbsp;Palgrave Macmillan.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Rabatel&nbsp;Alain, 2008,&nbsp;<em>Homo narrans. Pour une analyse &eacute;nonciative et inter&shy;action&shy;nelle du r&eacute;cit. Tome 1. Les points de vue et la logique de la narration. Tome 2. Dialogisme et polyphonie dans le r&eacute;cit</em>, Limoges,&nbsp;Lambert-Lucas.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&nbsp;&mdash; 2013, &laquo; L&rsquo;engagement du chercheur, entre &ldquo;&eacute;thique d&rsquo;objectivit&eacute;&rdquo; et &ldquo;&eacute;thique de subjectivit&eacute;&rdquo; &raquo;, <em>Argumentation et analyse du discours,</em>&nbsp;n&deg;11.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 2014,&nbsp;&laquo; Empathie, points de vue, m&eacute;ta-repr&eacute;sentation et dimension cognitive du dialogisme&nbsp;&raquo;, <em>&Eacute;tudes de linguistique appliqu&eacute;e,</em> n&deg;173, p. 27-45.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 2016, &laquo; Diversit&eacute; des points de vue et mobilit&eacute; empathique &raquo;, in Colas-Blaise, M., Perrin, L. &amp; Tore, G.-M. (&eacute;d.),&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;nonciation aujourd&rsquo;hui. Un concept cl&eacute; des sciences du langage</em>,&nbsp;Limoges,&nbsp;Lambert-Lucas, p. 135-150.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><span style="color:#000000;">Rider&nbsp;Jeff, 2010, &laquo;&nbsp;L&rsquo;utilit&eacute; du Moyen&nbsp;&Acirc;ge&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Itin&eacute;raires</em>, 3, p.&nbsp;35-45. URL&nbsp;:&nbsp;</span><a href="https://journals.openedition.org/itineraires/1800"><span style="color:#000000;">https://journals.openedition.org/itineraires/1800</span></a></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sagaert&nbsp;Claudine, 2015,&nbsp;<em>Histoire de la laideur f&eacute;minine</em>, Paris, Imago.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Sallenave&nbsp;Dani&egrave;le, 1991, <em>Le Don des morts. Sur la litt&eacute;rature</em>, Paris, Gallimard.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Smith, Adam,&nbsp;La Th&eacute;orie des sentiments moraux,&nbsp;traduit de l&rsquo;anglais par A. Blavet, Paris&nbsp;:&nbsp;Valade, 1775.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Spanneut&nbsp;Michel, 1957, <em>Le Sto&iuml;cisme des P&egrave;res de l&rsquo;&Eacute;glise, de Cl&eacute;ment de Rome &agrave; Cl&eacute;ment d&rsquo;Alexandrie</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;Seuil.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tronto&nbsp;Joan, 1993, <em>Moral Boundaries&nbsp;: A Political Argument for an Ethic of Care</em>, New York, Routledge.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 2009,&nbsp;<em>Un monde vuln&eacute;rable. Pour une politique du Care</em>,&nbsp;Paris,&nbsp;La D&eacute;couverte.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Zumthor&nbsp;Paul, 1980, <em>Parler du Moyen&nbsp;&Acirc;ge</em>, Paris, Minuit.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&mdash; 1990,&nbsp;<em>Performance, r&eacute;ception, lecture</em>,&nbsp;Longueuil,&nbsp;&Eacute;ditions du Pr&eacute;ambule.</span></span></span></p> <div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;<strong>Rose Delestre</strong>,&nbsp;Professeure agr&eacute;g&eacute;e de Lettres Modernes,&nbsp;Assistante de recherche-doctorante FNS* en litt&eacute;rature fran&ccedil;aise m&eacute;di&eacute;vale (et &Eacute;tudes de genre),&nbsp;Universit&eacute;s de Gen&egrave;ve et Rennes 2 (CEM et CELLAM), email de contact&nbsp;:&nbsp;</span><a href="mailto:Rose.Delestre@unige.ch"><span style="color:#000099;">Rose.Delestre@unige.ch</span></a></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span style="color:#000099;">[2]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;Celui qui soigne un malade se rend pour ainsi dire malade, non pas en feignant d&rsquo;avoir lui-m&ecirc;me de la fi&egrave;vre, mais en se demandant, par un sentiment de compassion, comment il voudrait qu&rsquo;on le soign&acirc;t si c&rsquo;&eacute;tait lui qui f&ucirc;t malade&nbsp;&raquo;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span style="color:#000099;">[3]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Bo&egrave;ce, dans sa&nbsp;<em>Consolation de Philosophie</em>,&nbsp;au ve&nbsp;si&egrave;cle, nous renseigne d&eacute;j&agrave; sur le r&eacute;confort que l&rsquo;on peut retirer &agrave; la pratique de l&rsquo;&eacute;criture et de la r&eacute;flexion dans des situations douloureuses. Souvenons-nous de cette sc&egrave;ne de tendresse, dans laquelle Philosophie vient s&eacute;cher les larmes de son prot&eacute;g&eacute; pour l&rsquo;enjoindre &agrave; reprendre courage&nbsp;:&nbsp;&laquo;<em>&nbsp;paulisper lumina eius mortalium rerum nube caligantia tergamus.&nbsp;Haec dixit oculosque meos fletibus undantes contracta in rugam ueste siccavit&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;(Moreschini, Vanpeteghem &amp; Tilliette&nbsp;(&eacute;d.), 2008, I, 2, 6-7, p.&nbsp;48).</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span style="color:#000099;">[4]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Le terme anglais&nbsp;<em>empathy&nbsp;</em>est utilis&eacute; pour traduire&nbsp;<em>Einf&uuml;hlung</em>,&nbsp;le mot de Theodor Lipps qui utilisera le terme anglais dans un article en 1903, mais il semble, d&rsquo;apr&egrave;s l&rsquo;enqu&ecirc;te qu&rsquo;ont men&eacute;e Alexandre Gefen et Bernard Vouilloux dans&nbsp;<em>Empathie et esth&eacute;tique </em>(2005),&nbsp;que ce soit Hermann Lotze qui l&rsquo;ait utilis&eacute; le premier, dans sa&nbsp;<em>Geschichte&nbsp;der &Auml;sthetik in Deutschland</em>,&nbsp;publi&eacute;e en 1868.&nbsp;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span style="color:#000099;">[5]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;En effet, dans le lai des&nbsp;<em>Deux amants</em>,&nbsp;dans lequel un p&egrave;re impose une &eacute;preuve de force, infaisable, aux pr&eacute;tendants de sa fille, la jeune femme envoie son amant chez sa tante, une femme savante, &agrave; Salerne. Elle est certaine qu&rsquo;elle pourra faire quelque chose pour le jeune homme et l&rsquo;aidera &agrave; r&eacute;ussir l&rsquo;&eacute;preuve&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>A Salerne vait surjurner, / A l&rsquo;aunte s&rsquo;amie parler. / De sa part li dunat un brief&nbsp;; / Quant el l&rsquo;ot lit de chief en chief, /Ensemble od li l&rsquo;a retenu / Tant que tut sun estre ad se&uuml;. / Par mescines l&rsquo;ad esforci&eacute;. / Un tel beivre li ad chargi&eacute;, /Ja ne sera tant travaillez / Ne si ateinz ne si chargiez, / Ne li refreschist tut le cors, / Ne&iuml;s les vaines ne les os, / E qu&rsquo;il nen ait tute vertu / Si tost cum il l&rsquo;avra be&uuml;</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;(<em>Deux amants</em>,&nbsp;v.&nbsp;137-149, p.&nbsp;398).</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span style="color:#000099;">[6]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>Hinc manifestum est, quod quorum diligimus unionem,&nbsp;<u>eorum solutionem necesse est abhorrere</u>, unde mortuos tanto plus timemus, quanto plus vivos amavimus, dum in eorum foetida solutione nostrum excogitando turbamur</em>&nbsp;&raquo;, glose 24.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span style="color:#000099;">[7]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Voir l&rsquo;article d&rsquo;Emanuele Coccia, 2016, &laquo;&nbsp;Citoyen par amour. &Eacute;motions et institutions&nbsp;&raquo;, in D.&nbsp;Boquet et P.&nbsp;Nagy (dir.),&nbsp;<em>Histoire intellectuelle des &eacute;motions, de l&rsquo;Antiquit&eacute; &agrave; nos jours</em>,&nbsp;L&rsquo;Atelier du Centre de recherches historiques, 16.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span style="color:#000099;">[8]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;&laquo;&nbsp;Il [l&rsquo;&eacute;poux] ot une sue serur, / Veille ert e vedve, sanz seignur&nbsp;;/ Ensemble od la dame l&rsquo;ad mise/ Pur li tenir mieuz en justise&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Yonec, op.&nbsp;cit</em>.,&nbsp;v.&nbsp;29-32, p.&nbsp;412.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span style="color:#000099;">[9]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Dans ce lai, l&#39;histoire se d&eacute;roule en&nbsp;Bretagne, o&ugrave; se trouvent deux seigneurs voisins amis. La femme de l&#39;un des deux accouche de jumeaux. L&#39;&eacute;pouse de l&#39;autre, d&eacute;crite comme perfide, d&eacute;clare que cela n&#39;a pu arriver qu&#39;en raison d&#39;un adult&egrave;re, ce qui entra&icirc;ne le nouveau p&egrave;re de famille &agrave; prendre sa femme en soup&ccedil;on et &agrave; la maltraiter. Mais, par la suite, c&#39;est la femme perfide qui accouche de deux enfants. Honteuse, elle abandonne une de ses deux filles. Une suivante va placer le b&eacute;b&eacute;, accompagn&eacute; d&#39;un gros anneau, sous un&nbsp;fr&ecirc;ne, pr&egrave;s d&#39;un&nbsp;couvent. Le portier de l&#39;abbaye d&eacute;couvre l&#39;enfant et l&#39;apporte au couvent, o&ugrave; les personnages comprennent, par l&#39;anneau et les fins habits, que le nourrisson est de haute naissance. L&#39;abbesse d&eacute;cide d&#39;&eacute;duquer l&#39;enfant et de l&rsquo;appeler Fr&ecirc;ne, en r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&#39;arbre sous lequel elle a &eacute;t&eacute; trouv&eacute;e. Fr&ecirc;ne devient une demoiselle courtoise dont la beaut&eacute; est connue dans toute la Bretagne. Un chevalier nomm&eacute; Goron tombe sous son charme, et s&eacute;journe &agrave; plusieurs reprises dans le couvent pour lui parler. Elle part avec lui et vit longtemps &agrave; ses c&ocirc;t&eacute;s, sans qu&#39;ils soient mari&eacute;s. Les vassaux de Goron lui reprochent cette situation et lui enjoignent d&#39;&eacute;pouser une femme noble, dont l&rsquo;origine est (re)connue. Ils lui proposent une jeune fille du voisinage nomm&eacute;e Coudrier. Goron consent &agrave; l&#39;&eacute;pouser, mais elle n&rsquo;est autre que la s&oelig;ur de Fr&ecirc;ne&hellip;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span style="color:#000099;">[10]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Plusieurs formules montrent bien le d&eacute;sir de mort d&rsquo;Ydoine si Garsile ne lui revient pas : &laquo;&nbsp;N&rsquo;en puis vive eschaper se ne vous voi u sente&nbsp;&raquo; (v.12), &laquo;&nbsp;si que mon cuer ne puis de vostre amour retraire&nbsp;&raquo; (v.39), &laquo;&nbsp;&ndash; Sire, ja n&rsquo;aurai home en trestout mon eage, se n&rsquo;ai Garsilion, le bel, le preu, le sage&hellip;&nbsp;&raquo; (v.122-123).</span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://A32D1027-8616-4A08-85C1-783B1784D264#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span style="color:#000099;">[11]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Le pr&eacute;nom Yonec semble venir directement de la langue bretonne, par adaptation de la forme *<em>dihudenn&ecirc;c</em>, &laquo;&nbsp;qui r&eacute;conforte&nbsp;&raquo;.</span></span></span><span style="color:#000000;">&nbsp;</span></p> </div> </div>