<p><strong><strong>Abstract :&nbsp;</strong></strong>The development of digital uses has given rise these recent years to the proliferation of discourses on digital risks. These concerns or even worries teachers who have to educate the younger generations to digital uses. To help them, several types of actors (school institution, legal bodies, associations, insurers...) contribute to the production and dissemination of educational resources addressing the issues of digital education. As part of a research project on the perception of digital risks by teachers, we have identified the sources of information that they consult. Our contribution proposes to analyze the discourses as well as the underlying social norms, through a corpus of resources dealing with ethical risks related to digital uses. Through a thematic and semio-discursive analysis, we highlight three dimensions (prescriptive, coercive, integrative) that are present in normative discourses. They are likely to have an influence on the representations of teachers and students, and the sustainability of digital educational uses.</p> <p><strong>Keywords :&nbsp;</strong>Social norms, social representations, digital risks, uses, sustainability&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2><a id="t1"></a>INTRODUCTION</h2> <p>Le d&eacute;veloppement des usages num&eacute;riques a donn&eacute; lieu ces derni&egrave;res ann&eacute;es &agrave; la prolif&eacute;ration de discours sur les &ldquo;risques num&eacute;riques&rdquo;. Ces risques sont de types informationnels, &eacute;thiques, juridiques, psycho-sociaux, cognitifs, socio-&eacute;conomiques, sanitaires, ou techniques. Les discours, parfois alarmistes sur ces risques, ont alert&eacute; les politiques publiques, les milieux associatifs et le milieu &eacute;ducatif qui se sont empar&eacute;s de ces probl&eacute;matiques pour proposer des ressources de sensibilisation et de pr&eacute;vention. Le Minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation nationale, la CNIL, le r&eacute;seau Canop&eacute;, le CLEMI, des associations, des acteurs priv&eacute;s, des assureurs proposent des ressources en ligne adress&eacute;es notamment aux enseignants et &agrave; leurs &eacute;l&egrave;ves afin de leur permettre de s&rsquo;informer sur la nature de ces risques et sur les pr&eacute;cautions &agrave; prendre. Les discours v&eacute;hicul&eacute;s laissent entrevoir des normes sociales, comportementales et de communication qui renvoient souvent &agrave; des usages prescrits, admis, interdits ou obligatoires par ces institutions. Notre contribution mobilise les travaux de sciences humaines et sociales autour de la norme, en interrogeant les discours en circulation &agrave; travers l&rsquo;analyse d&rsquo;une s&eacute;lection de ressources issues des sites que consultent les enseignants qui entrent dans la profession. Cette &eacute;tude s&rsquo;inscrit dans le cadre du projet de recherche eRISK, port&eacute; par l&rsquo;&eacute;quipe RUDII<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftn1" id="ftnref1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;et soutenu par la Fondation Maif, visant &agrave; comprendre les repr&eacute;sentations des risques num&eacute;riques chez les enseignants n&eacute;otitulaires et les influences de ces derni&egrave;res sur leurs pratiques p&eacute;dagogiques.</p> <p>Nous d&eacute;finirons dans une premi&egrave;re partie la notion de normes dans le champ des sciences humaines ainsi que celle de &laquo;&nbsp;durabilit&eacute;&nbsp;&raquo; dans ce contexte. Nous pr&eacute;senterons ensuite la m&eacute;thodologie de collecte du corpus et d&rsquo;analyse des discours et normes sociales au sujet des risques num&eacute;riques. Enfin, nous exposerons quelques pistes de r&eacute;sultats sur les normes en circulation afin de mieux comprendre leur r&ocirc;le quant &agrave; l&rsquo;inscription des usages p&eacute;dagogiques des enseignants dans des syst&egrave;mes de savoirs et de normes culturels.</p> <h2><a id="t2"></a>LA NORMALISATION DES USAGES NUM&Eacute;RIQUES DANS L&rsquo;&Eacute;DUCATION</h2> <p>La notion de &laquo;&nbsp;normes&nbsp;&raquo; peut prendre diff&eacute;rents sens en sciences humaines et sociales. Elle cohabite souvent avec les notions de &laquo;&nbsp;r&egrave;gles&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;valeurs&nbsp;&raquo;. Nous proposons dans cette premi&egrave;re partie de caract&eacute;riser la notion de &laquo;&nbsp;normes sociales&nbsp;&raquo; avant d&rsquo;exposer les enjeux de leur durabilit&eacute; dans les usages num&eacute;riques.</p> <h2><b><a id="t3"></a>NORMES SOCIALES ET PROCESSUS DE NORMALISATION</b></h2> <p>Selon le Tr&eacute;sor de la langue fran&ccedil;aise informatis&eacute; (Tlfi), la norme correspond &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;tat habituel, r&eacute;gulier, conforme &agrave; la majorit&eacute;&nbsp;&raquo;. La premi&egrave;re caract&eacute;ristique d&rsquo;une norme est d&rsquo;&ecirc;tre adopt&eacute;e et suivie par une majorit&eacute; d&rsquo;individus. Du point de vue de la sociologie, la norme correspond aux &laquo;&nbsp;r&egrave;gles, prescriptions, principes de conduite, de pens&eacute;e, impos&eacute;s par la soci&eacute;t&eacute;, la morale, qui constituent l&#39;id&eacute;al sur lequel on doit r&eacute;gler son existence sous peine de sanctions plus ou moins diffuses&nbsp;&raquo; (Tlfi). Les normes disposent en second lieu d&rsquo;un pouvoir coercitif (Durkheim, 1990), qui se manifeste par l&rsquo;imposition de contraintes ou d&rsquo;une pression de l&rsquo;opinion. Ces contraintes forcent &agrave; se conformer au comportement collectif.</p> <p>Elles permettent aussi d&rsquo;assurer le lien social (Durkheim, 1990). Les normes formalisent donc un savoir commun, partag&eacute; et respect&eacute; par une communaut&eacute; d&rsquo;acteurs, qui risquent une pression ou une sanction. Le non-respect de la norme, &agrave; la diff&eacute;rence d&rsquo;une simple r&egrave;gle de convenance, entraine une r&eacute;probation, un rejet de la pratique non conventionnellement admise. Une troisi&egrave;me caract&eacute;ristique des normes r&eacute;side dans leur processus d&rsquo;&eacute;laboration, avant tout social, et qui se mat&eacute;rialise par des r&egrave;gles partag&eacute;es par un groupe d&rsquo;individus qui r&egrave;glent leurs conduites en soci&eacute;t&eacute; (Goffman, 1973).&nbsp;Ainsi, les normes adviennent lorsqu&rsquo;elles sont reconnues et respect&eacute;es mutuellement par les individus au sein d&rsquo;un groupe social. La dimension prescriptive est donc une composante inh&eacute;rente aux discours qui les projettent.</p> <p>Du point de vue de la sociolinguistique, la norme correspond aux r&egrave;gles d&eacute;finissant ce qui doit &ecirc;tre choisi parmi les usages d&#39;une langue par une communaut&eacute;. Le lexique choisi et la mani&egrave;re de discourir socialement constitue selon cette approche une caract&eacute;ristique de la norme sociale qui &eacute;dicte un comportement discursif&nbsp;<i>(speech behavior,&nbsp;</i>Gumperz et Hymes, 1972, p. 14-25<i>).</i>&nbsp;Ce comportement renvoie &agrave; une &laquo;&nbsp;comp&eacute;tence de communication&nbsp;&raquo; correspondant &agrave; &laquo;&nbsp;ce dont un locuteur a besoin de savoir pour communiquer de mani&egrave;re effective dans des contextes culturellement significatifs&nbsp;&raquo; (Hymes, 1972). Ainsi, on peut postuler que des normes implicites ou explicites existent pour d&eacute;crire, voire prescrire, le comportement ad&eacute;quat (Januals et Noyer, 2007) et que cela s&rsquo;applique pour communiquer sur internet.</p> <p>Dans le champ des sciences de l&rsquo;information et de la communication, les chercheurs se sont plus particuli&egrave;rement int&eacute;ress&eacute;s aux normes permettant de r&eacute;gler, r&eacute;guler et organiser les &eacute;changes au sein de dispositifs d&rsquo;information et de communication, et notamment par le biais des r&eacute;seaux num&eacute;riques (Perriault et Vaguer, 2011, Ben Henda et Hudrisier, 2013). Les normes s&rsquo;appliquent ici au domaine technologique au sein duquel elles sont discut&eacute;es, avant d&rsquo;&ecirc;tre approuv&eacute;es sur la base d&rsquo;un consensus entre les acteurs, puis certifi&eacute;es par un organisme. Une quatri&egrave;me caract&eacute;ristique serait donc leur institutionnalisation&nbsp;: un organisme sp&eacute;cialis&eacute; contribue &agrave; l&eacute;gitimer, &agrave; institutionnaliser les r&egrave;gles et &agrave; les inscrire durablement, notamment en raison des contr&ocirc;les et des sanctions qu&rsquo;il peut administrer. Nous retenons de cette approche que la &laquo; normalisation met en contact des gens venant d&rsquo;univers &eacute;trangers les uns aux autres&nbsp;: industriels, universitaires, repr&eacute;sentants de l&rsquo;administration par exemple. Il en r&eacute;sulte une confrontation permanente de points de vue qui entretient une forte r&eacute;flexivit&eacute;&nbsp;&raquo; (Perriault, 2011, p. 16).</p> <p>Les normes sociales rel&egrave;vent donc &agrave; la fois d&rsquo;une dimension prescriptive (implicite ou explicite) ; d&rsquo;une dimension coercitive, en ce qu&rsquo;elles contraignent les individus &agrave; se conformer &agrave; des r&egrave;gles (par une pression sociale ou par des sanctions administr&eacute;es par un organisme faisant autorit&eacute;)&nbsp;; d&rsquo;une dimension sociale, car les normes r&eacute;sultent d&rsquo;une n&eacute;gociation entre diff&eacute;rents acteurs aboutissant &agrave; un accord collectif. Cette derni&egrave;re dimension pose la question de la durabilit&eacute; de ces normes que nous allons aborder.</p> <h2><b><a id="t4"></a>DE LA NORMALISATION &Agrave; L&rsquo;APPROPRIATION DE CONDUITES SOCIALES DANS LES USAGES NUM&Eacute;RIQUES : QUELLE DURABILIT&Eacute; ?</b></h2> <p>Les comportements des individus en soci&eacute;t&eacute; sont guid&eacute;s et r&eacute;gul&eacute;s par des normes sociales et comportementales. Cela nous am&egrave;ne &agrave; nous interroger sur le processus de construction de ces normes qui accompagne n&eacute;cessairement le d&eacute;veloppement des usages num&eacute;riques, et de leur durabilit&eacute; en particulier au sein de l&rsquo;&eacute;ducation.</p> <p>Dans le processus de normalisation, la norme &eacute;merge d&rsquo;un conflit ou d&rsquo;une contradiction entre deux ou plusieurs pratiques et r&eacute;sulte d&rsquo;une n&eacute;gociation aboutissant &agrave; un accord. Elle permet &agrave; chacun de s&rsquo;accorder sur un mode de conduite assurant le lien social au sein de la communaut&eacute; (Livet, 2012). L&rsquo;enjeu r&eacute;side donc dans sa durabilit&eacute; qui peut &ecirc;tre d&eacute;stabilis&eacute;e &agrave; tout moment par l&rsquo;entr&eacute;e d&rsquo;un nouvel acteur ou &eacute;l&eacute;ment au sein du syst&egrave;me. Selon Vincent&nbsp;Liqu&egrave;te (2011), la &laquo;&nbsp;durabilit&eacute; &raquo; discursive est &agrave; consid&eacute;rer au sein d&rsquo;un &eacute;cosyst&egrave;me informationnel o&ugrave; les&nbsp;personnes ressources, les structures, les services et les documents participent r&eacute;ciproquement au maintien du bon fonctionnement. Un &eacute;cosyst&egrave;me &eacute;tant par d&eacute;finition vivant, mouvant, et en continuelle adaptation, le norme en tant qu&rsquo;espace de n&eacute;gociation, en est un &eacute;l&eacute;ment structurant.&nbsp;En effet, les usages de la norme imposent aussi des transformations aux cadres fix&eacute;s par l&#39;offre et les politiques (Moeglin, 2005). Le processus de normalisation s&rsquo;inscrit alors dans la dur&eacute;e et ouvre un espace de traduction ou d&rsquo;articulation des points de vue qui est aussi susceptible de faciliter la transmission de savoirs (Ben Henda et Hudrisier, 2013).&nbsp;En anglais, la notion de&nbsp;<em>sustainability</em>&nbsp;que l&rsquo;on traduit par durabilit&eacute;, ne se limite pas &agrave; une &eacute;valuation par la dur&eacute;e, mais implique notamment la participation des acteurs pour parvenir &agrave; maintenir un syst&egrave;me &eacute;thique, protecteur et garantissant la qualit&eacute; des ressources pour l&rsquo;avenir (Nolin, 2010).&nbsp;Une fois la norme &eacute;tablie, il faut encore qu&rsquo;elle soit partag&eacute;e par la majorit&eacute; des individus, soit parce qu&rsquo;ils en reconnaissent l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, soit parce que cette norme fait d&eacute;j&agrave; partie de leurs habitudes. Ainsi, la normalisation op&egrave;re en indiquant la bonne pratique &agrave; suivre, ou la r&egrave;gle de la nouvelle pratique (Livet, 2012). Si l&rsquo;instauration de normes sociales est parfois d&eacute;nonc&eacute;e du fait d&rsquo;une&nbsp;privation des libert&eacute;s individuelles, il est important de noter que celles-ci sont souvent instaur&eacute;es par les individus eux-m&ecirc;mes au sein d&rsquo;un groupe social, car ils en reconnaissent mutuellement le bien-fond&eacute; pour maintenir une coh&eacute;sion sociale et la stabilit&eacute; de leurs relations (Prairat, 2009&nbsp;: p.32).</p> <p>Dans le contexte des usages num&eacute;riques en &eacute;ducation, les enseignants qui d&eacute;butent dans le m&eacute;tier ont des doutes quant aux conduites &agrave; adopter avec les outils num&eacute;riques et internet, d&rsquo;autant qu&rsquo;ils ont pour mission d&rsquo;&eacute;duquer les &eacute;l&egrave;ves aux usages num&eacute;riques. Cette mission d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;ducation au num&eacute;rique&nbsp;&raquo; est per&ccedil;ue et appliqu&eacute;e de fa&ccedil;on tr&egrave;s h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne par les enseignants entre &eacute;ducation&nbsp;<i>au</i>,&nbsp;<i>par</i>,&nbsp;<i>sur</i>&nbsp;ou&nbsp;<i>avec</i>&nbsp;le num&eacute;rique, sans que les r&egrave;gles socialement admises ou &agrave; prohiber ne soient clairement explicit&eacute;es (Capelle, 2018). Les usages d&eacute;coulent alors d&rsquo;un processus d&rsquo;identification qui prend pour rep&egrave;res des cat&eacute;gories socialement disponibles et qui leur paraissent plus ou moins l&eacute;gitimes (Dubar, 2015), comme sur les r&eacute;seaux sociaux num&eacute;riques par exemple qu&rsquo;ils pratiquent pour certains dans leur vie priv&eacute;e (Capelle et Rouissi, &agrave; para&icirc;tre).</p> <p>Nous faisons l&rsquo;hypoth&egrave;se que les doutes de ces jeunes enseignants les conduisent &agrave; incorporer des normes sociales v&eacute;hicul&eacute;es par l&rsquo;information valid&eacute;e par les instances &eacute;ducatives, ces normes agissant comme des points de rep&egrave;res dans leurs usages. Le but de notre contribution est d&rsquo;analyser les discours des acteurs qui diffusent des informations &agrave; destination des enseignants. Plus particuli&egrave;rement, s&rsquo;interroger sur la place, les formes et les r&ocirc;les des discours normatifs dans l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me informationnel des enseignants, peut permettre de comprendre les repr&eacute;sentations de ces derniers et leurs choix concernant le recours ou non au num&eacute;rique avec les &eacute;l&egrave;ves.</p> <h2><b><a id="t5"></a></b>M&Eacute;THODOLOGIE D&rsquo;ANALYSE DES DISCOURS NORMATIFS SUR L&rsquo;&Eacute;DUCATION AU NUM&Eacute;RIQUE</h2> <p>La recherche s&rsquo;inscrit dans le cadre du projet eRISK qui a d&eacute;but&eacute; par une enqu&ecirc;te sur les repr&eacute;sentations et les usages num&eacute;riques &agrave; laquelle 724 enseignants n&eacute;otitulaires d&rsquo;&eacute;tablissements primaires et secondaires ont r&eacute;pondu. Cette enqu&ecirc;te ainsi que des entretiens aupr&egrave;s de quinze de ces enseignants volontaires ont permis de s&eacute;lectionner six sources d&rsquo;informations qu&rsquo;ils consultent pour s&rsquo;informer sur les risques num&eacute;riques. Les sources sont plut&ocirc;t institutionnelles (Eduscol-Internet Responsable, CNIL, le CLEMI), mais aussi propos&eacute;es par des acteurs du secteur priv&eacute; (Tralal&egrave;re, Canop&eacute; et France TV Education). Nous proc&eacute;dons dans un premier temps par une cartographie des liens hypertextes vers lesquels les sites cit&eacute;s renvoient afin de rep&eacute;rer les acteurs intervenants sur ces questions.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: center;"><b>&nbsp;</b><em><img alt="2018 revue capelle" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-revue-capelle.png" /></em></p> <p style="text-align: center;"><em>&nbsp;Figure 1&nbsp;: Cartographie des sites consult&eacute;s par les enseignants&nbsp;</em></p> <p>Cette cartographie<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftn2" id="ftnref2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;permet de voir qu&rsquo;Internet sans crainte, site &eacute;dit&eacute; par la soci&eacute;t&eacute; Tralal&egrave;re a des liens avec des acteurs de milieux associatifs mais aussi institutionnels. Le site Eduscol renvoie principalement vers d&rsquo;autres sites institutionnels et, &agrave; l&rsquo;interface de ces deux r&eacute;seaux d&rsquo;acteurs se trouve le site de la CNIL. Enfin, le site du CLEMI &eacute;galement cit&eacute; et connu des enseignants est en lien avec des partenaires priv&eacute;s des m&eacute;dias.</p> <p>L&rsquo;enqu&ecirc;te du projet eRISK nous apprend par ailleurs que 60 % des enseignants qui ont consult&eacute; des informations sur ces sites en ont un usage purement informatif. 42,10% disent mettre en place une strat&eacute;gie pr&eacute;ventive &agrave; l&rsquo;aide de ces informations, dont notamment la mise en place de moyens visant &agrave; pr&eacute;server leur propre s&eacute;curit&eacute;. Ils sont 38% &agrave; d&eacute;clarer partager ces informations et 31,70% d&eacute;clarent les utiliser pour mener des actions &eacute;ducatives. M&ecirc;me si peu des enseignants n&eacute;otitulaires d&eacute;clarent faire usage des informations qu&rsquo;ils consultent sur ces sites, celle-ci contribuent et contribueront sans doute &agrave; former leur cadre de r&eacute;f&eacute;rence. Il nous para&icirc;t donc int&eacute;ressant d&rsquo;&eacute;tudier quelques-unes des ressources diffus&eacute;es sur ces sites et s&rsquo;adressant aux enseignants et &agrave; leurs &eacute;l&egrave;ves.</p> <p>Pour ce faire, nous avons r&eacute;alis&eacute; une analyse th&eacute;matique permettant d&rsquo;identifier les types de risques num&eacute;riques abord&eacute;s sur ces sites<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftn3" id="ftnref3" name="_ftnref3">[3]</a>. Il s&rsquo;agit principalement de risques informationnels, psycho-sociaux, &eacute;thiques et juridiques. Tr&egrave;s peu voire aucun de ces sites n&rsquo;abordent les risques sanitaires, techniques, socio-&eacute;conomiques ou cognitifs. Les cinq sites proposent des ressources traitant des risques &eacute;thiques &agrave; travers la protection des donn&eacute;es personnelles et de sa vie priv&eacute;e sur le web. Le fait que certains types de risques num&eacute;riques soient totalement absents de ces sites alors que d&rsquo;autres sont syst&eacute;matiquement abord&eacute;s est r&eacute;v&eacute;lateur d&rsquo;une influence que peuvent avoir ces sites d&rsquo;informations et de sensibilisation aupr&egrave;s des enseignants. Compte tenu de cette premi&egrave;re observation et afin de pouvoir entrer dans les discours traitant des risques, nous avons fait le choix de nous concentrer pour cet article sur les risques de types &eacute;thiques pr&eacute;sents sur chacun des sites consult&eacute;s par les enseignants.&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les ressources propos&eacute;es autour des risques &eacute;thiques sont de formats vari&eacute;s : il s&rsquo;agit par exemple de guides ou de cas pratiques, de jeux, de quizz ou de vid&eacute;os ludiques, etc. Nous avons s&eacute;lectionn&eacute; un corpus de quatre ressources de formats diversifi&eacute;s&nbsp; autour de ce m&ecirc;me type de risque (le risque &eacute;thique) afin d&rsquo;analyser la fa&ccedil;on dont il est trait&eacute; tant dans sa forme que sur le fond par les diff&eacute;rents acteurs : une vid&eacute;o d&rsquo;animation produite par France Tv Education, Canop&eacute; et le CLEMI&nbsp;; un guide illustr&eacute; au format PDF&nbsp;sur le site Internet sans crainte ; un ensemble de pages web pr&eacute;sentant 10 conseils illustr&eacute;s par un dessinateur de bandes-dessin&eacute;es&nbsp;; et enfin une page web avec des textes explicatifs et cas pratiques sur le site Internet responsable.</p> <p style="text-align: center;">&nbsp;<strong><em><img alt="2018 revue capelle2" src="https://numerev.com/images/revue-cossi/images/images-revue/2018-revue-capelle2.png" /></em></strong></p> <p style="text-align: center;"><strong><em>Figure&nbsp;2&nbsp;: Corpus de ressources analys&eacute; (liens vers les ressources accessibles sur les images)</em></strong></p> <p>Pour l&rsquo;analyse s&eacute;mio-discursive des quatre ressources, nous avons cherch&eacute; &agrave; rep&eacute;rer les destinataires vis&eacute;s, la fa&ccedil;on dont les auteurs s&rsquo;adressent &agrave; eux, les sources cit&eacute;es, les cadres de r&eacute;f&eacute;rence quant aux situations &agrave; risques, l&rsquo;univers discursif utilis&eacute; pour d&eacute;crire le risque num&eacute;rique, ainsi que les normes sociales d&eacute;fendues.&nbsp;</p> <h2><b><a id="t6"></a></b><a id="t6"></a>CARACT&Eacute;RISATION DES DISCOURS NORMATIFS SUR LE NUM&Eacute;RIQUE EN &Eacute;DUCATION</h2> <p>Ces ressources peuvent &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;es comme des &laquo;&nbsp;dispositifs d&rsquo;institution, qui permettent d&rsquo;inscrire des logiques anthropologiques et sociales, des modes de pratiques sociales et de rapports sociaux, des imaginaires, des types de comportements divers, &agrave; la fois dans des objets, des formes objectales, et dans des formes organisationnelles.&nbsp;&raquo; (Le Mo&euml;nne, 2013). Nous consid&eacute;rons que la publication en ligne de ces ressources relay&eacute;es par des sites institutionnels est issue de n&eacute;gociations et d&rsquo;une reconnaissance mutuelle de ces contenus et de leur mode d&rsquo;&eacute;ditorialisation par les diff&eacute;rents acteurs, auteurs et partenaires. A travers ces quatre ressources, on rel&egrave;ve des approches discursives diversifi&eacute;es&nbsp;: narrative pour les Cl&eacute;s des m&eacute;dias et &agrave; vis&eacute;e premi&egrave;re de vulgarisation ; descriptive, explicative, ou argumentative, sur Internet responsable avec une vis&eacute;e premi&egrave;re de prescription&nbsp;; injonctive pour Internet sans crainte et la CNIL avec des fonctions majoritairement ludique et didactique.</p> <p>Nous avons cherch&eacute; &agrave; identifier les m&eacute;thodes employ&eacute;es pour communiquer sur les normes sous-jacentes aux usages num&eacute;riques. Les trois dimensions sp&eacute;cifiques aux discours normatifs autour des risques pour le num&eacute;rique &eacute;ducatif sont effectivement pr&eacute;sentes&nbsp;: les dimensions prescriptive, coercitive, et int&eacute;gratrice.</p> <h2><b><a id="t7"></a></b>DIMENSION PRESCRIPTIVE</h2> <p>La dimension prescriptive est tr&egrave;s pr&eacute;sente dans chacune des ressources et surtout sur le site de la CNIL et d&rsquo;Internet sans crainte. Les discours sugg&egrave;rent voire imposent des normes ou des r&egrave;gles de conduite &agrave; suivre. Ils s&rsquo;inscrivent dans des encarts mis en &eacute;vidence&nbsp;et intitul&eacute;s &laquo;&nbsp;Les bonnes questions &agrave; se poser&nbsp;?&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;Que faire&nbsp;&raquo;, suivis d&rsquo;une liste d&rsquo;actions tr&egrave;s concr&egrave;tes &agrave; r&eacute;aliser (ex&nbsp;: &laquo; D&eacute;sactiver la g&eacute;olocalisation sur son smartphone d&egrave;s que possible&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Tapez r&eacute;guli&egrave;rement votre nom dans un moteur de recherche pour v&eacute;rifier quelles informations vous concernant circulent sur internet.&nbsp;&raquo;). L&rsquo;emploi de l&rsquo;infinitif ou de la deuxi&egrave;me personne du pluriel et parfois du singulier interpelle le r&eacute;cepteur et le somme de s&rsquo;emparer de ces conseils. Pourtant, s&rsquo;il est mentionn&eacute; ce qu&rsquo;il faut faire, il n&rsquo;est pas toujours explicit&eacute; comment le faire.</p> <p>Pour donner du poids &agrave; ces discours, les auteurs s&rsquo;appuient aussi sur des situations mettant en sc&egrave;ne les risques et emploient pour cela le pr&eacute;sent de v&eacute;rit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vos donn&eacute;es&nbsp;<b>ont</b>&nbsp;de la valeur pour les entreprises et certaines organisations&nbsp;&raquo;), ou contextualisent les situations &eacute;voqu&eacute;es dans un cadre globalisant (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>Sur internet</b>, vous laissez des traces&nbsp;&raquo;) qui banalise les risques (ex&nbsp;: &laquo; Les moteurs de recherche sont un passage quasi oblig&eacute; dans votre utilisation d&rsquo;Internet. &raquo;, &laquo;&nbsp;<b>Tout</b>&nbsp;laisse des traces sur l&#39;ordinateur et ces traces ne sont pas perdues pour tout le monde&nbsp;&raquo;).</p> <p>Ces discours semblent s&rsquo;adresser directement aux &eacute;l&egrave;ves et ont pour but de les persuader de leur vuln&eacute;rabilit&eacute; sur internet&nbsp;(ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;Internet sait (presque) tout de vous&nbsp;&raquo;). Les auteurs cherchent &agrave; d&eacute;montrer qu&rsquo;il est tr&egrave;s facile et rapide de se faire pi&eacute;ger &agrave; son insu, par exemple &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;interjections (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>Et hop</b>, vos donn&eacute;es sont collect&eacute;es&nbsp;&raquo;). Les informations mises en avant dans les ressources interpellent directement le destinataire, l&rsquo;amenant &agrave; r&eacute;agir avec des formules souvent lapidaires et choc, &agrave; l&rsquo;image de slogans publicitaires.</p> <p>Le recours au verbe &laquo;&nbsp;devoir&nbsp;&raquo; (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>vous devez savoir</b>&nbsp;quel est le sort r&eacute;serv&eacute; &agrave; vos donn&eacute;es et de quelle mani&egrave;re en garder la ma&icirc;trise&nbsp;&raquo;), ou &agrave; l&rsquo;imp&eacute;ratif (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>R&eacute;fl&eacute;chissez</b>&nbsp;avant de publier&nbsp;&raquo;) vise aussi &agrave; responsabiliser le destinataire dans ses choix (ex&nbsp;: En laissant les choses telles quelles, il commet une atteinte &agrave; la vie priv&eacute;e et &agrave; l&rsquo;image d&rsquo;autrui. Il d&eacute;cide donc de flouter les visages.).&nbsp;Nous relevons aussi la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un groupe d&rsquo;usagers (&laquo;&nbsp;les plus geeks&nbsp;&raquo;) qui peut laisser penser aux usagers qu&rsquo;il faut &ecirc;tre expert pour &ecirc;tre prot&eacute;g&eacute; sur le web&nbsp;(ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour les plus geeks, il y a aussi le VPN pour &eacute;tablir des connexions directes entre ordinateurs, des r&eacute;seaux alternatifs et des solutions pour crypter ses donn&eacute;es&nbsp;&raquo;).&nbsp;</p> <h2><b><a id="t8"></a></b><a id="t8"></a>DIMENSION COERCITIVE</h2> <p>Les discours sur chacune des ressources reposent aussi sur des sanctions susceptibles d&rsquo;&ecirc;tre encourues en cas de non-respect des normes pr&eacute;sent&eacute;es. Ces sanctions, plus ou moins diffuses, peuvent &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;es en r&eacute;ponse &agrave; un point de vue juridique (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;La vie priv&eacute;e d&rsquo;une personne peut &ecirc;tre d&eacute;voil&eacute;e par des enregistrements sonores, par la diffusion publique de ses &eacute;crits, par la diffusion de son image. L&rsquo;infraction existe d&egrave;s que les &eacute;l&eacute;ments relevant de la sph&egrave;re priv&eacute;e sont diffus&eacute;s &agrave; un public autre que son destinataire initial et exclusif.&nbsp;&raquo;), ou d&rsquo;un point de vue moral (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>Attention</b>, car tout ce que vous diffuserez volontairement (photos, &eacute;crits, enregistrements sonores) ayant un caract&egrave;re priv&eacute; ou intime sur Internet pourra &ecirc;tre vu par des milliers d&rsquo;inconnus, qui porteront un jugement, voire d&eacute;tourneront vos contenus.&nbsp;&raquo;). L&rsquo;interpellation par le terme &laquo;&nbsp;attention&nbsp;&raquo; et l&rsquo;emploi du futur place le destinataire dans une position de mise en garde face &agrave; tout agissement en dehors de la norme. Parfois, la coercition passe aussi par une forme de culpabilisation.</p> <p>La description de situations &agrave; risques permet de faire &eacute;merger les sanctions auxquels on s&rsquo;expose en cas de non-respect des normes. Il est montr&eacute; que ces sanctions peuvent &ecirc;tre provoqu&eacute;es par&nbsp;:</p> <ul> <li>des menaces ext&eacute;rieures auxquelles on s&rsquo;expose. La CNIL aborde par exemple l&rsquo;intrusion et le piratage par des individus malveillants. Le discours annonce d&rsquo;embl&eacute;e la sanction qui est celle de se faire voler ses donn&eacute;es personnelles. Ainsi, la protection de ses appareils et &eacute;quipements fait partie des&nbsp;<b>normes</b>&nbsp;que l&rsquo;on pourrait qualifier&nbsp;<b>de normes de s&eacute;curit&eacute;</b>, &agrave; respecter.</li> <li>un organisme veillant au respect des&nbsp;<b>normes juridiques</b>&nbsp;sur le web. La CNIL est pr&eacute;sent&eacute;e comme tel dans Les cl&eacute;s des m&eacute;dias. Sur son site, la CNIL explique avoir pour mission d&rsquo;&laquo; accompagne(r) les professionnels dans leur mise en conformit&eacute; et (d&rsquo;aider) les particuliers &agrave; ma&icirc;triser leurs donn&eacute;es personnelles et (&agrave;) exercer leurs droits.&nbsp;&raquo;<a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftn4" id="ftnref4" name="_ftnref4">[4]</a>. La loi fran&ccedil;aise est aussi cit&eacute;e &agrave; travers des articles du code civil sur le site Internet responsable.</li> <li>le regard de la soci&eacute;t&eacute; civile port&eacute; sur un comportement pr&eacute;sent&eacute; comme d&eacute;viant (<b>normes morales&nbsp;</b>(Livet, 2012)). Il s&rsquo;agit par exemple de la diffusion incontr&ocirc;lable de ses donn&eacute;es personnelles et le fait que les informations qu&rsquo;on retrouve publiquement en ligne nuisent &agrave; sa r&eacute;putation. La sanction rel&egrave;ve alors plut&ocirc;t de la g&ecirc;ne ou de l&rsquo;humiliation (&laquo;&nbsp;Ne publiez&nbsp;pas de photos g&ecirc;nantes de vos amis, votre famille ou de vous-m&ecirc;me car leur diffusion est incontr&ocirc;lable.&nbsp;&raquo; (CNIL)).</li> </ul> <p>Jusqu&rsquo;alors, ces dimensions prescriptive et coercitive indiquent d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; ce qu&rsquo;il faut faire ou ce qu&rsquo;il faut savoir, et de l&rsquo;autre, ce qu&rsquo;il ne faut pas faire. Ces deux approches laissent cependant peu de place &agrave; la r&eacute;flexion ou &agrave; la discussion qui pourrait &ecirc;tre n&eacute;goci&eacute;e avec les usagers. La troisi&egrave;me dimension qui va maintenant &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute;e ouvre une autre voie.</p> <h2><b><a id="t9"></a>DIMENSION INT&Eacute;GRATRICE</b></h2> <p>Dans une moindre mesure, les sites examin&eacute;s proposent des formes de discours impliquant davantage les usagers. C&rsquo;est notamment le cas de la vid&eacute;o des Cl&eacute;s des m&eacute;dias ou du guide produit par Tralal&egrave;re. On y trouve des &eacute;valuations ou des jugements de valeurs sur certains comportements, qui sont port&eacute;s comme des &eacute;vidences au moyen d&rsquo;exclamations (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;On invite qui l&rsquo;on veut &agrave; sa f&ecirc;te priv&eacute;e et&nbsp;<b>non des millions d&rsquo;internautes&nbsp;!</b>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Souvent, c&rsquo;est vous qui offrez vos donn&eacute;es.&nbsp;<b>Merci&nbsp;!</b>&nbsp;&raquo;).&nbsp;L&rsquo;emploi du &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; ou du &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; donne aux destinataires le sentiment d&rsquo;appartenance &agrave; un groupe social (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les donn&eacute;es personnelles ne regardent que&nbsp;<b>nous</b>&nbsp;ou un tr&egrave;s petit nombre de personnes&nbsp;! &raquo;). Cette fa&ccedil;on d&rsquo;&eacute;dicter les r&egrave;gles &agrave; suivre tout en int&eacute;grant le destinataire comme membre d&rsquo;un groupe social reste cependant assez peu d&eacute;velopp&eacute;e dans les discours analys&eacute;s.&nbsp;L&rsquo;approche narrative employ&eacute;e dans la vid&eacute;o des Cl&eacute;s des m&eacute;dias permet de conclure l&rsquo;histoire sur l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de r&egrave;gles &agrave; suivre totalement &eacute;tablies et que la r&eacute;alit&eacute;, plus complexe, s&rsquo;appr&eacute;cie au cas par cas selon la situation (ex&nbsp;: &laquo;&nbsp;<b>On</b>&nbsp;ne peut pas contr&ocirc;ler toutes ses donn&eacute;es personnelles&nbsp;&raquo;).&nbsp;Ces modalit&eacute;s interpellent l&rsquo;usager en le faisant r&eacute;fl&eacute;chir sur ses pratiques. Chacun est en droit d&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;accord ou non avec ces affirmations qui laisse alors une place &agrave; la discussion sur les diff&eacute;rentes situations de la vie courante. Cette forme nous para&icirc;t alors int&eacute;ressante d&rsquo;un point de vue p&eacute;dagogique dans la mesure o&ugrave; elle cherche &agrave; responsabiliser l&rsquo;usager et &agrave; l&rsquo;amener &agrave; porter un regard r&eacute;flexif sur sa propre pratique. Elle peut notamment permettre &agrave; des enseignants d&rsquo;envisager une m&eacute;diation et un &eacute;change autour de la ressource pour int&eacute;grer les &eacute;l&egrave;ves dans la construction de normes partag&eacute;es.</p> <h2><b><a id="t10"></a></b>DISCUSSION : LES CONDITIONS D&rsquo;UNE NORMALISATION DURABLE DES USAGES NUM&Eacute;RIQUES</h2> <p>Les ressources analys&eacute;es d&eacute;crivent toutes des situations faisant l&rsquo;objet de risques que courent les individus sur internet, en ayant parfois tendance &agrave; les banaliser et &agrave; culpabiliser les destinataires. En l&rsquo;occurrence, ces ressources s&rsquo;adressent soit directement aux &eacute;l&egrave;ves, au moyen d&rsquo;un graphisme ludique de type bande dessin&eacute;e (CNIL, Internet Sans Crainte) ou de s&eacute;quences vid&eacute;os d&rsquo;animation (France Tv Education/CLEMI/Canop&eacute;) ; soit aux enseignants qui peuvent les utiliser pour construire leurs propres supports de cours (Eduscol-Internet Responsable). La cartographie a montr&eacute; que les acteurs du secteur priv&eacute; impliqu&eacute;s dans la production de ressources entretiennent des liens directs avec les acteurs institutionnels, qui attestent de la validit&eacute; des discours qui y sont v&eacute;hicul&eacute;s.</p> <p>Nous avons pu voir que les normes &eacute;dict&eacute;es concernant les usages num&eacute;riques sont transmises au moyen des discours prescriptifs et coercitifs, qui tendent &agrave; culpabiliser le destinataire et &agrave; le sommer de faire ou de ne pas faire une action ou une autre sur internet.</p> <p>Une troisi&egrave;me dimension a &eacute;galement &eacute;t&eacute; identifi&eacute;e dans une moindre mesure &agrave; travers deux des ressources du corpus (la vid&eacute;o Les Cl&eacute;s des M&eacute;dias et le guide Internet sans crainte). Cette dimension se caract&eacute;rise par des discours que nous avons qualifi&eacute;s &laquo; d&rsquo;int&eacute;grateurs&nbsp;&raquo;, en ce qu&rsquo;ils donnent le sentiment aux destinataires de faire partie d&rsquo;un groupe social de citoyens, concern&eacute;s et impliqu&eacute;s par des enjeux communs su internet. Les ressources offrant cette dimension, laissent alors une place pour une m&eacute;diation de la part de l&rsquo;enseignant et pour permettre aux &eacute;l&egrave;ves d&rsquo;&eacute;changer et de commenter ces discours au regard de leurs propres pratiques. Nous avons rappel&eacute; en premi&egrave;re partie que la durabilit&eacute; des normes suppose la participation des acteurs (dans notre cas, &eacute;l&egrave;ves et enseignants) au processus de normalisation afin de construire un syst&egrave;me protecteur. En ce sens, les ressources autour des usages num&eacute;riques, capables de susciter le d&eacute;bat de la part des acteurs pour leur permettre d&rsquo;identifier par eux-m&ecirc;mes des principes de conduite en soci&eacute;t&eacute; sur internet, apparaissent plus efficaces que des discours prescriptifs ou coercitifs, pour assurer l&rsquo;int&eacute;gration des normes dans les usages (Perriault, 2011, p.16). Le r&ocirc;le des enseignants mais &eacute;galement des parents faisant usage de ces ressources prendra alors tout son sens. Cette &eacute;tude montre qu&rsquo;en &eacute;tant diffus&eacute;s directement aux &eacute;l&egrave;ves ou aux enseignants qui s&rsquo;en feront les relais, les discours injonctifs semblent inop&eacute;rants. La d&eacute;finition de ce que sont des conduites &eacute;thiques et protectrices doivent en effet &ecirc;tre discut&eacute;es, n&eacute;goci&eacute;es et s&rsquo;inscrire dans la r&eacute;alit&eacute; des pratiques des &eacute;l&egrave;ves. A cette condition, la normativit&eacute; des discours peut d&eacute;passer son caract&egrave;re contraignant voire culpabilisant et permettre de responsabiliser les &eacute;l&egrave;ves en les impliquant dans un projet collectif de construction de r&egrave;gles partag&eacute;es qui prendra tout son sens.</p> <h2><b><a id="t11"></a></b>BIBLIOGRAPHIE&nbsp;</h2> <p>Ben Henda, M. et Hudrisier, H. (2013). &laquo; Penser, classer, apprendre et communiquer. Normalisation et nouveaux modes de classification du savoir &raquo;,&nbsp;<i>Herm&egrave;s, La Revue</i>, 2 (66), 160-166. URL :&nbsp;<a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-hermes-la-revue-2013-2-page-160.htm">https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-hermes-la-revue-2013-2-page-160.htm</a></p> <p>Capelle, C. (2018). Rapport final de projet de recherche eR!SK - Risques num&eacute;riques et &eacute;cole 2.0. [Rapport de recherche] Laboratoire IMS - University of Bordeaux - Bordeaux INP, France.<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01837945" target="_blank">〈hal-01837945〉</a></p> <p>Capelle, C. et Roussi, S. (soumis). Repr&eacute;sentations et strat&eacute;gies de jeunes enseignants&nbsp;: quelle participation sur les r&eacute;seaux sociaux num&eacute;riques&nbsp;?,&nbsp;<i>Les Cahiers du Num&eacute;riques</i>, 2018, 14 (2), &agrave; para&icirc;tre.</p> <p>Charaudeau, P. et Maingueneau, D. (2002).&nbsp;<i>Dictionnaire d&#39;analyse du discours</i>. Seuil.</p> <p>Dell Hymes, H. (1984).&nbsp;<i>Vers la comp&eacute;tence de communication</i>, Paris, Didier.</p> <p>Dubar, C. (2015). Chapitre 5 - Pour une th&eacute;orie sociologique de l&rsquo;identit&eacute;, dans&nbsp;<i>La socialisation. Construction des identit&eacute;s sociales et professionnelles</i>. Paris, Armand Colin, &laquo; U &raquo;, 103-120. URL:&nbsp;<a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/socialisation--9782200601874-page-103.htm">https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/socialisation--9782200601874-page-103.htm</a></p> <p>Durkheim, E. (1990).&nbsp;<i>Les formes &eacute;l&eacute;mentaires de la vie religieuse</i>. Paris,&nbsp;PUF.&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;</p> <p>Goffman, E. (1973).&nbsp;<i>La mise en sc&egrave;ne de la vie quotidienne. Tome 2. Les relations en public.</i>&nbsp;Paris :<i>&nbsp;</i>Minuit.</p> <p>Gumperz, J. (1989).&nbsp;<i>Engager la conversation, introduction à la sociolinguistique interactionnelle</i>, Paris, les Editions de Minuit.</p> <p>Gumperz J. J., Dell Hymes H. (ed.) (1972).&nbsp;<i>Directions in sociolinguistics: the ethnography of communication</i>, New York, Chicago, Holt Rinehart and Winston, Inc.</p> <p>Juanals, B. et&nbsp;Noyer&nbsp;J-M. (2007). Dell H. Hymes&nbsp;: vers une pragmatique et une anthropologie communicationnelle,&nbsp;<i>Herm&egrave;s, La Revue</i>, 2(48), 117-123. URL:&nbsp;<a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-hermes-la-revue-2007-2-page-117.htm">https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-hermes-la-revue-2007-2-page-117.htm</a></p> <p>Le Mo&euml;nne, C. (2013). Entre formes et normes. Un champ de recherches f&eacute;cond pour les SIC,&nbsp;<i>Revue fran&ccedil;aise des sciences de l&rsquo;information et de la communication</i>&nbsp;[En ligne], 2 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2013, consult&eacute; le 12 f&eacute;vrier 2018. URL :&nbsp;<a href="http://journals.openedition.org/rfsic/365">http://journals.openedition.org/rfsic/365</a></p> <p>Livet, P. (2012). Normes sociales, normes morales, et modes de reconnaissance,&nbsp;<i>Les Sciences de l&#39;&eacute;ducation - Pour l&#39;&Egrave;re nouvelle</i>, 1, 45, 51-66. URL :&nbsp;<a href="https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2012-1-page-51.htm">https://www-cairn-info.docelec.u-bordeaux.fr/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2012-1-page-51.htm</a></p> <p>Moeglin, P. (2005).&nbsp;<i>Outils et m&eacute;dias &eacute;ducatifs, une approche communicationnelle</i>, Grenoble, PUG.</p> <p>Nolin, J. (2010). Sustainable information and information science.&nbsp;<em>Information Research</em>. 15(2) paper 431. URL:&nbsp;<a href="http://www.informationr.net/ir/15-2/paper431.html">http://www.informationr.net/ir/15-2/paper431.html</a></p> <p>Perriaut, J. (2011). Normes num&eacute;riques, &eacute;thique et sciences sociales, dans Perriault, J. et Vaguer, C. (dir.)&nbsp;<i>La norme num&eacute;rique. Savoir en ligne et Internet</i>,&nbsp;<i>CNRS Editions</i>., 11-25.</p> <p>Prairat, E. (2009).&nbsp;<i>De la d&eacute;ontologie enseignante</i>, Paris, PUF.</p> <hr size="1" width="33%" /> <p><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftnref1" id="ftn1">[1]</a>&nbsp;Repr&eacute;sentations, Usages, D&eacute;veloppements et Ing&eacute;nieries de l&rsquo;Information</p> <p><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftnref2" id="ftn2">[2]</a>&nbsp;Cartographie r&eacute;alis&eacute;e &agrave; l&rsquo;aide du logiciel Hyphe du Medialab Sciences Po&nbsp;<a href="http://hyphe.medialab.sciences-po.fr/">http://hyphe.medialab.sciences-po.fr/</a></p> <p><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftnref3" id="ftn3">[3]</a>&nbsp;Plus de pr&eacute;cisions sur la d&eacute;marche et les r&eacute;sultats sont pr&eacute;sent&eacute;s dans le rapport d&rsquo;enqu&ecirc;te du projet eRISK (cf. Capelle, 2018, p.72)</p> <p><a href="https://www.revue-cossi.info/numeros/n-5-2018-processus-normalisation-durabilite-information/729-5-2018-capelle#ftnref4" id="ftn4">[4]</a>&nbsp;Voir en ligne&nbsp;:&nbsp;<a href="https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-en-france">https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-en-france</a></p>